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L'écosystème de l'audio à la demande ("podcasts") : enjeux de souveraineté, de régulation et de soutien à la création audionumérique

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Academic year: 2021

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Inspection Générale des Affaires Culturelles

L’ÉCOSYSTÈME DE

L’AUDIO À LA DEMANDE

(« PODCASTS ») : ENJEUX

DE SOUVERAINETÉ, DE

RÉGULATION ET DE

SOUTIEN À LA CRÉATION

AUDIONUMÉRIQUE

François HURARD Inspecteur général des

affaires culturelles

Version restituée en octobre 2020 Nicole PHOYU-YEDID Inspectrice générale des

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SYNTHÈSE

Un écosystème de la création audionumérique s’est développé ces trois dernières années, marqué par une croissance très rapide, permettant l’émergence d’une nouvelle offre de contenus, les podcasts, à côté de celle du média historique qu’est la radio.

Ces contenus sont devenus accessibles d’abord à travers une offre de radio à la demande qui s’est étoffée et a suscité de nouvelles pratiques d’écoute chez les auditeurs, mais aussi avec la création de plateformes numériques proposant en particulier l’accès aux contenus audio (podcasts) dits « natifs », c’est-à-dire des programmes qui, à l’origine, n’ont pas été conçus pour une diffusion radiophonique primitive.

L’audience des podcasts s’est développée à la faveur d’innovations technologiques comme la généralisation de l’usage de l’ordiphone comme terminal numérique, l’installation de systèmes audio équipés de technologie Bluetooth dans les automobiles et aussi le développement des assistants vocaux et enceintes connectées.

Ainsi, une nouvelle forme de création et de communication est apparue avec les

podcasts, qui renoue avec les genres du documentaire et de la fiction - genres

radiophoniques jusque-là principalement créés par le service public de la radio – mais donne naissance aussi à des propositions éditoriales innovantes et inouïes s’adressant à toutes sortes de publics, renouvelant ainsi l’esthétique de l’attention et de l’écoute.

C’est tout un horizon créatif qui se déploie dans ces nouveaux contenus audio, avec une forme privilégiée qui est celle de la série.

Le peu de barrière à l’entrée, des coûts de production réduits (par rapport à la production vidéo) et une économie de la simplicité, ont fait du podcast un mode d’expression très universel, accessible tant aux amateurs, qu’à tous les horizons professionnels, redonnant à l’audio et à l’écoute, une vigueur et un intérêt nouveaux.

Ainsi on recense une production mondiale de près de 200 000 podcasts en 2019, toutes origines confondues (du podcasteur indépendant aux grands éditeurs de radio ou de presse, et, maintenant aussi, aux plateformes).

Le podcast est également devenu un support à part entière, pour ses qualités spécifiques, de la communication d’entreprise et de la communication institutionnelle.

Cette offre nouvelle rassemble un public en forte croissance, dont les caractéristiques sont assez différentes de celui des médias traditionnels : plus jeune, connecté, privilégiant les usages nomades des médias. Cette audience, qui intéresse particulièrement les annonceurs, va faire l’objet d’une mesure plus régulière et mieux certifiée qu’auparavant par l’intervention de tiers de confiance, ce qui est à même de favoriser le financement du secteur par la publicité.

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Le modèle économique de l’écosystème de l’audio à la demande est cependant loin d’être stabilisé :

 le financement par la publicité et le parrainage, bien que majoritaire, demeure modeste (sans doute inférieur à 10 M€) ;

 une partie de la création est financée par des studios dont l’économie repose sur la production exécutive de podcasts d’entreprise ;

 les éditeurs de radio financent leurs podcasts par les recettes publicitaires liées à leur service linéaire (et par la contribution à l’audiovisuel public pour Radio France, RFI et Arte Radio) ;

En même temps, si l’économie du secteur est assez réduite, les enjeux culturels sont considérables : aujourd’hui en effet les acteurs sont à la fois des TPE et des PME françaises, des grands éditeurs nationaux, mais aussi des filiales de grands groupes internationaux du numérique et de l’internet (GAFAN et autres), comme Google, Apple, Amazon ou Spotify, tous désormais présents et actifs dans l’écosystème des podcasts.

Il se joue donc dans ce secteur, comme dans celui de l’audiovisuel, des enjeux de souveraineté culturelle qu’il est d’autant plus opportun de traiter de manière volontariste que l’écosystème est actuellement en phase de croissance et que certains acteurs nationaux (comme Radio-France) sont en position de force, ce qui est précieux.

Car la création audionumérique, nouvelle venue, se trouve dans un double angle mort : celui de la régulation (elle n’est pas dans le périmètre du régulateur de l’audiovisuel, qui n’est compétent que sur les services audio linéaires), et celui du soutien à la création (elle n’est pas dans le périmètre des opérateurs du ministère de la culture : CNC, CNM ou CNL, ni des aides de la DGMIC à la radio et à la presse). S’agissant des mesures de régulation, l’écosystème des podcasts aujourd’hui n’est que faiblement, voire pas du tout, régulé et échappe à la plupart des mesures de régulation sectorielle qui s’appliquent à l’audiovisuel. En effet :

 les textes encadrant l’activité du service public, pourtant déjà très actif dans ce secteur, n’y font même pas référence ;

 les conditions de la propriété intellectuelle des contenus audio soulèvent des débats ;

 les relations contractuelles entre acteurs du secteur sont à consolider, voire à construire, notamment pour assurer la juste rémunération des auteurs et des collaborateurs de création qui contribuent à la production des œuvres ;  la fiscalité applicable au bien culturel qu’est le podcast, dans le cas des

contenus accessibles par abonnement, pose aussi problème, car elle n’est pas harmonisée et dépend du régime fiscal de TVA appliqué à chaque type de plateforme, selon son statut ;

 enfin, la question de la mémoire de la création audionumérique (archives, dépôt légal) mériterait aussi d’être clarifiée.

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C’est donc à la fois un travail d’actualisation et de modernisation juridique qu’il faut accomplir, dont une part incombe aux pouvoirs publics, et l’autre, à la poursuite ou à l’engagement d’un dialogue entre les acteurs du secteur, que les pouvoirs publics peuvent éventuellement accompagner.

Pour favoriser, au cours de ces prochaines années, la croissance de l’écosystème des podcasts, l’action publique devrait essentiellement encourager l’émergence d’un vivier d’auteurs et soutenir les capacités de financement de programmes de création susceptibles de répondre aux attentes des auditeurs.

Pour ce qui concerne le soutien à la création, la mission estime donc – au vu de l’analyse du secteur qu’elle a mené et du dialogue qu’elle a eu avec les acteurs concernés- qu’il est préférable, à ce stade de développement de l’écosystème et du contexte économique général, de procéder en deux temps.

En priorité, la mission estime que c’est d’abord le développement de nouveaux talents et de nouvelles formes de création audionumérique qu’une politique publique pourrait accompagner, à travers des dispositifs concernant les auteurs et les projets, sans pour autant négliger des modalités d’accompagnement d’autres intervenants de l’écosystème (producteurs, plateformes), notamment en facilitant leur accès au crédit, pour assurer leur croissance.

Ainsi, afin de permettre de répondre à l’essor de l’offre de création due au lancement de nouvelles plateformes de podcasts, notamment d’œuvres documentaires et fictions, une aide sélective à l’écriture et à la réécriture de projets destinée aux auteurs, et une aide sélective au développement pour les entreprises de production pourraient être mises à l’étude.

Par ailleurs, une action en faveur de la création en région, notamment à partir des expériences menées par les radios associatives - qui devraient être par ailleurs incitées à s’engager davantage dans la création de podcasts et à développer une offre à la demande complémentaire de leur offre linéaire- pourrait être également envisagée à titre expérimental, en partenariat avec une collectivité territoriale. Dans un deuxième temps seulement, au vu du développement économique du secteur et dans un horizon de trois ans, le choix pourra être fait de créer un régime d’aides automatiques qui mettrait la création audionumérique dans une situation comparable à celles d’autres industries créatives, avec des instruments de type taxe affectée, ou alternativement, la mise en place d’un crédit d’impôt à la production audionumérique. Ces dispositifs d’aides ne pourront toutefois être mis en œuvre que lorsque l’écosystème aura trouvé un certain niveau de développement économique, qui, pour l’heure, est encore loin d’être atteint.

Dans l’immédiat, la mission recommande donc de soutenir l’amont de la création, et de mettre en place un observatoire économique du secteur.

Le ministère de la culture pourrait aussi efficacement contribuer à la formation de nouveaux talents dans le domaine de la création audio en mobilisant à cet effet les ressources d’excellence que sont ses établissements d’enseignement supérieur

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(FEMIS, pour les scénarios, CNSMDP pour les techniques du son et les musiques originales ou le Sound design, INA pour le documentaire, CNSAD pour la formation des acteurs) qui pourraient adapter certains de leurs enseignements aux particularités de ce type de création.

Enfin, les nouvelles créations audionumériques, notamment fictions et documentaires gagneraient à être promues dans des évènements réguliers de type festivals et rencontres professionnelles, au-delà des manifestations existantes, qui à terme, ne suffiront pas à couvrir, ni à mettre en valeur toute la richesse de l’offre de création audionumérique.

La mission est convaincue que la France peut avoir la chance de devenir, y compris dans l’horizon élargi de la francophonie, un pôle d’excellence et culturellement souverain pour la création de contenus audionumériques à condition que tous les efforts, ceux des créateurs, des producteurs, des éditeurs et des plateformes convergent et soient confortés et guidés en cela par une politique publique volontariste, reposant sur des leviers simples et efficaces.

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SOMMAIRE

LETTRE DE MISSION SYNTHÈSE DU RAPPORT

INTRODUCTION ... 13

I - L’ÉCOSYSTEME DE LA CRÉATION ET DE LA DIFFUSION DE CONTENUS AUDIONUMÉRIQUES ... 15

1.1.L’ESSOR DE LA CRÉATION AUDIONUMERIQUE SOUS FORME DE PODCAST : UNE HISTOIRE RÉCENTE ... 15

1.1.1. Le « podcast », tentative de définition ... 15

1.1.2. Les trois facteurs favorables à l’essor de l’audio à la demande ... 16

1.1.3. La dé-linéarisation de l’offre audio ... 17

1.1.4. La diversité de l’offre d’audio à la demande: le podcast comme mode d’expression, de communication, de création ... 18

1.2.LES PODCASTS NATIFS : UN CHAMP CRÉATIF ORIGINAL, DES GENRES NOUVEAUX ... 19

1.2.1. Un renouveau de la fiction ... 19

1.2.2. Le documentaire en série : enquêtes, valorisation d’archives, témoignages, création ... 20

1.2.3. Les programmes jeunesse ... 21

1.2.4. L’information ... 22

1.2.5. D’autres genres du podcast natif : le savoir et la connaissance, le développement personnel, l‘intimité, les programmes pour adultes ... 23

1.2.6. Les déclinaisons de la télévision ... 24

1.2.7. Les déclinaisons de la presse écrite et en ligne ... 25

1.2.8. Le livre audio, une proximité avec le podcast ? ... 26

1.2.9. L’audio à la demande à vocation éducative ... 27

1.2.10. L’audio à la demande : une meilleure place faite aux femmes qu’à la radio ? ... 28

1.2.11. L’audio à la demande dans le contexte de la crise sanitaire ... 29

1.2.12. Un déploiement du podcast natif dans des genres très divers, une multiplicité d’éditeurs ... 30

1.3. LES PUBLICS DE L’AUDIO À LA DEMANDE DANS L’ÉCONOMIE DE L’ATTENTION 30 1.3.1. Un public en forte croissance ... 30

1.3.2. Une audience spécifique : typologie des publics de l’audio à la demande 32 1.3.3. Un usage nomade et individuel ... 33

1.3.4. Une place privilégiée dans l’économie de l’attention ? ... 34

1.3.5. Un enjeu de mesure d’audience ... 34

1.4.LES ACTEURS DE L’ÉCOSYSTÈME DE LA CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE ... 37

1.4.1. Les grandes catégories de métiers qui structurent actuellement l’écosystème audionumérique ... 38

1.4.2. Les créateurs ... 39

1.4.3. Les producteurs ... 40

1.4.4. Les hébergeurs techniques ... 44

1.4.5. Les agrégateurs ... 44

1.4.6. Les autres acteurs de l’écosystème : régies publicitaires, institutions, curateurs, incubateurs ... 48

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1.5.1. Un complément au marché publicitaire : la communication institutionnelle ou d’entreprise, source de revenus pour la production, et financement

indirect de la création ...50 1.5.2. Une alternative récente au marché publicitaire : le modèle premium

payant de l’abonnement aux plateformes ...51

1.6.SYNTHÈSE DES CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES DE L’ÉCOSYSTÈME DE LA CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE ... 53

II - LES PROBLÈMES JURIDIQUES ET DE RÉGULATION ...55

2.2. L’AUDIONUMÉRIQUE : UN ÉCOSYSTÈME PEU NORMÉ JURIDIQUEMENT ... 55 2.3. UN CONFLIT OUVERT : LA QUESTION DE L’AUTORISATION DE REPRISE DES

PODCASTS DES ÉDITEURS DE RADIO PAR LES PLATEFORMES ... 56 2.3. LA PERCEPTION ET LA RÉPARTITION DES DROITS D’AUTEUR :... 59 2.4. LES PROBLÈMES LIÉS À L’ACCÈS AU PROGRAMMES AUDIONUMÉRIQUES SUR

INTERNET : UN DÉFICIT DE NEUTRALITÉ ? ... 60 2.5 - UNE INACTUALITÉ DES TEXTES ENCADRANT L’ACTIVITÉ DE RADIO-FRANCE À

CORRIGER RAPIDEMENT ... 61 2.6. UNE FISCALITÉ DE L’OFFRE PAYANTE DE PODCASTS VARIABLE SELON LES

SUPPORTS D’ABONNEMENT ... 63 2.7. LES ARCHIVES RADIOPHONIQUES : UN ENJEU IMPORTANT POUR LA CRÉATION

AUDIONUMÉRIQUE ... 64

2.7.1. La question des droits d’exploitation des archives du service public de la radio : une chronologie complexe, scandée par la loi ...65 2.7.2. La question du coût de l’accès aux archives ...67 2.7.3. Le problème du dépôt légal des podcasts ...67

2.9. UNE CONVENTION COLLECTIVE ENCADRANT LE TRAVAIL DES SALARIÉS DE LA PRODUCTION AUDIONUMÉRIQUE ? ... 70

III - UN FONDS D’AIDE À LA CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE ? ...72

3.1. LES EXEMPLES EXISTANTS DE DISPOSITIFS D’AIDES À LA CRÉATION

RADIOPHONIQUE OU AUX PODCASTS NATIFS ... 72 3.2. UN EXEMPLE ÉTRANGER DE FONDS D’AIDE PUBLIC À LA CRÉATION

RADIOPHONIQUE ET AUX PODCASTS : LE FACR DE LA FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES ... 74 3.3. COMMENT DÉFINIR LES CONTOURS « D’UN OUTIL DE SOUTIEN DÉDIÉ » AU

SECTEUR DE LA CREATION AUDIONUMÉRIQUE ? ... 75

3.3.1 La production de contenus de qualité et de programmes de création ou de stock n’est pas particulièrement encouragée par les politiques de soutien au secteur radiophonique ...75 3.3.2. Quelle légitimité et quels objectifs pour une aide à la création ? ...77 3.3.3. Outil dédié de soutien : pour quels contenus et quels bénéficiaires ? ...79

3.4. UN FONDS DE CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE (FCA) POURRAIT ÊTRE CONSTITUÉ DE DEUX PROGRAMMES D’AIDE DISTINCTS : L’UN OUVERT AUX AUTEURS, L’AUTRE DESTINÉ AUX PRODUCTEURS. ... 79

3.4.1. Une aide financière sélective à l’écriture et à la réécriture, destinée aux auteurs de documentaires et de fiction ou de podcasts à forte dimension innovante ...80 3.4.2. Une aide financière sélective au développement, destinée aux entreprises

de production ...82 3.4.3. Quel dispositif pour l’organisation et la gestion des aides aux auteurs et

producteurs ? ...83 3.4.4. Quel mode de financement pour le fonds d’aide à la création

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3.5. L’EXPÉRIMENTATION D’UN PARTENARIAT AVEC UNE COLLECTIVITÉ

TERRITORIALE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE

EN RÉGIONS ... 86

3.7. VERS UN SOUTIEN PLUS INDUSTRIEL : UNE HYPOTHÈSE À NE PAS ÉCARTER À TERME ... 90

3.7.1. L’hypothèse d’une aide automatique se conçoit, et même s’impose, si le secteur de la création audionumérique native continue de connaître un développement économique significatif ... 92

3.7.2. Une alternative pour un soutien plus industriel : un crédit d’impôt en faveur de la production audionumérique ... 95

3.8. LA PROMOTION DE LA CRÉATION AUDIONUMÉRIQUE : FESTIVALS, PRIX ... 96

3.9. UNE FORMATION À DÉVELOPPER ... 97

CONCLUSION ... 99

LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES ... 101

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INTRODUCTION

L’inspection générale des affaires culturelles a été missionnée pour explorer, de manière prospective, les voies par lesquelles le développement et la diversité de

l’écosystème de la création sonore, pourraient être favorisés par la politique

culturelle de l’État, notamment pour garantir à chaque acteur de la chaîne de valeur sa juste rémunération.

La mission a souhaité d’abord définir le périmètre de la création sonore, terme très générique nécessitant d’être précisé au regard notamment des frontières qui sont celles de l’écosystème de cette nouvelle offre de contenus qui s’est développée de manière rapide et avec une croissance continue autour des podcasts, et qui constitue l’objet propre du présent rapport.

Le terme de création sonore qui pourrait, dans une acception large, faire référence à des formes de la création musicale, ou encore à des performances publiques et des dispositifs sonores relevant des arts de la scène ou des arts plastiques, est donc, dans le cadre de ce rapport, strictement circonscrit aux nouvelles formes d’écriture et de narration, quel qu’en soit le genre, qui sont apparues dans la conception, le déploiement et l’audience des contenus audio, jadis principalement diffusés par les éditeurs de radio mais aujourd’hui accessibles largement sur internet et sur tous types de terminaux, sous forme de « podcasts » .

Afin de mesurer les enjeux d’avenir de l’écosystème émergent de la création sonore, la mission a souhaité d’abord dresser le tableau d’une nouvelle offre de

contenus audionumériques, ainsi que le profil et l’évolution de son public, identifier

les acteurs qui la portent, le mode de production qui lui est propre, son modèle économique actuel, ses perspectives de croissance, et les enjeux culturels qu’elle soulève.

La mission s’est penchée également, dans un deuxième temps, sur les questions juridiques et de régulation que révèlent la croissance et le déploiement de cet écosystème, pour l’heure peu réglementé, parce qu’échappant en grande partie au cadre juridique de l’audiovisuel, ce qui est une source de conflits potentiels ou avérés entre les acteurs du secteur. Conflits porteurs d’enjeux de concurrence, de propriété intellectuelle et de rémunération des ayants-droits, notamment. Elle s’est donnée pour objectif de recenser aussi exhaustivement que possible les domaines dans lesquels une régulation du secteur, par différentes voies et moyens, pourrait être envisagée, en mettant en évidence les objectifs de cette régulation, notamment en termes de souveraineté culturelle.

La mission a, dans un troisième temps, exploré l’opportunité et les modalités possibles d’un soutien à la création audionumérique, à en identifier le périmètre (quelles créations éligibles ?) les destinataires (auteurs, entreprises de production ?) et les objectifs (diversité, innovation, souveraineté culturelle ou autre ?) et à suggérer les dispositifs les mieux adaptés aux besoins actuels, en intégrant les contraintes économiques liées à la crise du coronavirus, tout en menant une réflexion prospective sur des hypothèses à plus long terme.

Enfin, la mission a estimé nécessaire de souligner et de mettre en évidence le potentiel éducatif de la création audionumérique et les opportunités qui pourraient en découler, à la fois dans une perspective d’éducation artistique et culturelle, et

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de renouvellement des publics de la culture. Elle a aussi pu observer la place prise par le podcast dans la communication en temps de crise, à l’occasion de la période de confinement sanitaire et en a tiré les principaux enseignements.

La mission adresse ses sincères remerciements à l’ensemble des personnes avec lesquels elle a échangé et dialogué de manière très fructueuse, y compris par voie d’audio- et de visio-conférence, et dont les réflexions et suggestions ont largement nourri ce rapport. Elle a aussi bénéficié de l’appui précieux, attentif et efficace des personnels de la Direction générale des médias et industries culturelles et du Secrétariat général1 et les en remercie également.

1 La mission tient à remercier plus particulièrement : Amanda Borghino-Fillon, Laura Debezy, Thibault Rossignol

et Mathilde Desanges ainsi que Sébastien Croix pour la DGMIC et Alban de Nervaux, Hugues Ghenassia de Ferran et David Pouchard pour le secrétariat général.

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I - L’ÉCOSYSTEME DE LA CRÉATION ET DE LA

DIFFUSION DE CONTENUS AUDIONUMÉRIQUES

1.1. L’ESSOR DE LA CRÉATION AUDIONUMERIQUE SOUS FORME DE

PODCAST : UNE HISTOIRE RÉCENTE

L’historique de la création du vocable « podcast » est bien connue : c’est l’un des dirigeants et fondateur d’Apple, Steve Jobs, qui a popularisé dès 2004 ce mot-valise2 à partir d’un produit commercialisé au début des années 2000 par la marque à la pomme, l’iPod, à l’époque d’abord conçu comme un baladeur musical. L’idée était d’intégrer au baladeur toute sorte de contenus sonores, au-delà des seuls contenus musicaux, et notamment des formats proches de ceux de la radio.

1.1.1. Le « podcast », tentative de définition

Le podcast (ou « audio à la demande » / AAD)3 désigne aujourd’hui tout contenu audio téléchargé ou écouté en streaming (flux continu) sur n’importe quel type de terminal.

Une forme du podcast est celle de la radio à la demande (« replay radio ») : émissions issues de la grille de stations de radios, réécoutées en dehors de l’écoute en temps réel; une autre forme est celle d’une création ad hoc, indépendante d’un service linéaire de radio, ce sont les podcasts dits « natifs », dont les contenus sont produits en vue d’une mise à disposition de l’auditeur, sans programmation ou diffusion préalable par une radio.

Le podcast natif a pour particularité (comme la version audio d’un blog ou d’un

post) de pouvoir être réalisée et mise en ligne par n’importe quel internaute, à

l’instar des vidéos postées sur internet et accessibles sur les services de partage de vidéos en ligne (You Tube, Dailymotion, etc..). Comme il existe des You tubeurs, internautes postant leurs vidéos et susceptibles de réunir un large public autour de leurs productions, il existe aussi des « podcasteurs », créateurs de contenus sonores autoproduits, en même temps que s’est développé une production professionnelle de podcasts indépendamment des productions radiophoniques, à partir d’initiatives provenant de toutes sortes d’éditeurs, qu’il s’agisse de création et de contenus éditoriaux, ou bien de communication d’entreprise et institutionnelle.

Si, dès le début des années 2000, l’idée de pouvoir écouter des contenus audio sur des lecteurs nomades est déjà considérée comme un nouvel usage susceptible de réunir un public (la création du service Audible, proposant des livres audio et des conférences date de la fin des années 90 aux États-Unis et, en France, Arte-Radio est lancée en 2002), ce n’est qu’à la faveur de la réunion de plusieurs conditions favorables, essentiellement des innovations technologiques, que le podcast va prendre un nouvel essor, près de 10 ans après l’ invention du terme.

2 dont l’invention est attribuée à Ben Hammersley, journaliste du Guardian

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1.1.2. Les trois facteurs favorables à l’essor de l’audio à la demande

Trois conditions réunies ces dernières années ont été favorables à l’émergence d’un écosystème de l’audio à la demande :

 en premier lieu la dé-linéarisation de la radio, rendue possible par la migration, des ondes hertziennes vers les réseaux internet, des contenus de la radio. Cette migration s’est opérée d’abord sous une forme linéaire (création des web radios), puis sous forme de radio à la demande; la radio ayant suivi le même mouvement que la télévision avec la télévision de rattrapage ; l’accès aux contenus audio à la demande a été facilité par la technique du flux RSS4, inaugurée au milieu des années 2000;

 le deuxième facteur a été la généralisation de l’usage des ordiphones

(smartphones), équipés d’écouteurs, comme outils de téléchargement de

contenus sonores et audiovisuels ainsi que l’équipement des véhicules avec

des systèmes sonores utilisant la technologie Bluetooth, innovations qui ont

favorisé les usages nomades et individuels des contenus audio (musique ou autres), notamment dans les transports, privés ou publics;

 le troisième élément déclencheur a été, aux États-Unis notamment, outre le développement de l’écoute de programmes de radio en différé, le succès rencontré par des contenus spécifiquement conçus pour une écoute sur internet, indépendamment d’une diffusion radio : c’est le podcast « Serial »5, lancé en 2014 et téléchargé plus de 250 millions de fois pour ses

deux saisons, qui a laissé entrevoir la possibilité d’éditer, pour un large

public, des contenus sonores qui n’auraient pas été préalablement conçus ni

popularisés comme des émissions de radio. Le podcast natif qui peut s’affranchir des contraintes éditoriales de la radio linéaire a montré ainsi son potentiel de créativité. Ce mouvement a été favorisé, au cours des mêmes années, par le lancement de plateformes spécifiquement dédiées à l’audio et indépendantes de celles des radiodiffuseurs.

Dès lors, rien ne s’opposait plus à une progression continue de l’offre audio : ainsi la production annuelle de nouveaux podcasts tous genres confondus (incluant les

podcasts individuels), est-elle désormais estimée à plus de 200 000 par an depuis

2018 (cf. graphique n° 1 ci-dessous).

4 La technique du flux RSS (Really Simple Syndication), qui s’est développée à partir de 2005 a permis de

faciliter les conditions d’accès aux fichiers audio que sont les podcasts, et de généraliser leur possibilités de diffusion via des agrégateurs à partir d’un site émetteur, notamment par l’abonnement, qui permet la réactualisation permanente du contenu offert. Un inconvénient possible de ce mode de diffusion, pour les éditeurs, est qu’il ne permet pas de mesure technique de protection du contenu ; en revanche le flux RSS favorise l’hyper distribution des podcasts.

5 Serial est une série documentaire qui a pour sujet une affaire judiciaire autour d’un homicide commis en 1999

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Graphique n°1 : Évolution de l’offre annuelle de podcasts (incluant les podcasteurs)

Source: Reuters institute/ University of Oxford 2020.

1.1.3. La dé-linéarisation de l’offre audio

La dé-linéarisation de l’offre de programmes radio a d’abord (notamment en France) en grande partie contribué à l’essor du podcast et de ses usages.

En effet, internet a permis aux radiodiffuseurs de proposer tout ou partie de leur grille en replay, sur des sites conçus à cet effet, puis d’adapter certains de ces contenus à l’écoute différée du programme (nouveau formatage, remontage, éditorialisation) voire, plus récemment, de créer des contenus spécifiques accessibles exclusivement sur ces sites (programmes natifs), qui enrichissent leur offre initiale. Le monde de la radio a, en partie, effectué sa transition numérique à travers cette nouvelle offre (et celle de web radios), l’autre face de la transition étant le passage à la diffusion hertzienne numérique (Digital Audio Broadcasting-

DAB) qui n’est, en France, pas encore achevée6.

Mais à côté des opérateurs de radio, un autre mode d’accès aux podcasts s’est développé à partir d’agrégateurs rassemblant des contenus audio de toutes provenance et les classant thématiquement, puis des plateformes, gratuites ou payantes, proposant une offre éditoriale originale, parfois exclusive.

Tant et si bien qu’il existe désormais des services audio à la demande (comme il existe une offre de vidéo à la demande).

Ces services pourraient être considérés comme des SMAD7 (même si la définition

juridique des SMAD n’inclut pas pour le moment les services sonores, faisant explicitement référence à l’image8), avec toutes les caractéristiques propres à

ceux-ci, et les usages qui leur sont liés :

6 Toutes les analyses de l’évolution récente du marché publicitaire des médias révèlent que ce sont les services

numériques qui sont susceptibles désormais de permettre une croissance des recettes publicitaires des éditeurs de radio.

7 Service de media audiovisuel à la demande

8 Aujourd’hui les définitions juridiques des services de média audiovisuels à la demande, limitent ceux-ci aux seuls

services de vidéo, tant dans les textes européens (directive Services de médias audiovisuels), qu’en droit interne (Loi du 30 septembre 1986 modifiée), alors même que le terme audiovisuel qui est générique inclut aussi bien à

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 définition d’un catalogue de programmes mis à disposition du public et classés selon des thématiques ou des catégories aux choix de l’éditeur du service ;

 accessibilité des contenus selon le principe ATAWAD (anytime,

anywhere, anydevice) ;

 peu de contraintes de rareté (les contenus audio sont peu consommateurs de bande passante); pratique de la longue traîne, avec des contenus destinés parfois à un public de niche ;

 stratégie d’exclusivité des contenus pour certains opérateurs ;

 offre en partie centrée sur des programmes de valeur patrimoniale (émissions de stock, comme fictions et documentaires).

Avec le podcast, c’est, en effet, une nouvelle temporalité de l’audio qui s’ouvre : un tempo différent de celui de la radio linéaire, car l’éditeur s’affranchit des contraintes de durée des émissions, et des contraintes de grille, ainsi que des contraintes d’audience (des radios généralistes notamment).

On note aussi une plus grande liberté de ton dans les programmes natifs, liée aux conditions d’écoute, car la dé-linéarisation de l’accès au contenu signifie une liberté réciproque de l’éditeur et de son public : par le choix du programme du moment d’écoute, du temps d’écoute, etc.

La contrepartie de cette autonomie du programme natif au regard des contraintes traditionnelles de la programmation radiophonique, est une plus grande difficulté

de promotion du contenu éditorial audio qui n’est plus lié à l’inscription dans une

grille ou à une programmation de chaîne, qui sont en soi les meilleurs moyens de promotion d’un programme. Le choix d’un podcast doit être promu soit par la fréquentation du site et l’abonnement à un flux (c’est le rôle des plateformes, par leurs mises en avant), soit par publicité (notamment digitale, avec l’outil des réseaux sociaux), soit par algorithmes pour l’usager d’une plateforme.

1.1.4. La diversité de l’offre d’audio à la demande: le podcast comme mode d’expression, de communication, de création

L’augmentation spectaculaire de la production de podcasts, singulièrement depuis trois ans, tient pour beaucoup au fait que l’audio à la demande a acquis le statut d’un mode d’expression et de communication : en effet, à côté des genres et styles de contenus éditoriaux issus principalement de la radio, et des web-radios, qui structurent encore une bonne part de l’offre (reportages, débats, documentaires, humour, fiction) tout en se déployant sous des formes et des tonalités originales, l’audio est devenu un mode d’expression pour les entreprises comme pour les institutions et fait désormais partie des stratégies de communication de toutes sortes d’acteurs de la vie économique et sociale : que ce soit sous la forme de productions destinées à la communication interne (formation ou information des personnels ou des entreprises partenaires), ou externe (communication institutionnelle, brand content, etc.). La communication publicitaire audio a donc

l’origine la télédiffusion que la radiodiffusion. Il n’existe donc pas de définition juridique des services de média à la demande pour les contenus audio.

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pris une nouvelle forme avec le podcast et, comme pour la radio, devient un des modes de financement des contenus produits pour le public (cf. infra p.46).

L’offre délinéarisée de contenus audio a par ailleurs entraîné une

patrimonialisation de la production, car ceux-ci doivent pouvoir être réécoutés,

avoir une présence pérenne sur des sites ou des plateformes et constituer un

catalogue :

 les podcasts sont des actifs patrimoniaux : leur valeur n’est plus liée à l’ici et au maintenant de l’antenne, mais ils peuvent circuler, être réécoutés, leur durée de vie est longue ;

 la dé-linéarisation de l’audio favorise le stock par rapport au flux : documentaire, débats et conversations (talks) ou reportages à forte valeur ajoutée, fiction, récits, grands interviews, par rapport à d’autres genres plus éphémères.

L’essor de la production de podcasts favorise donc la part créative, au sens fort du terme, des programmes audio à travers une demande accrue dans certains genres de valeur patrimoniale comme le documentaire ou la fiction.

1.2. LES PODCASTS NATIFS : UN CHAMP CRÉATIF ORIGINAL, DES GENRES

NOUVEAUX

L’offre de contenus audio natifs joue sur une différence plus ou moins marquée avec les genres de programmes de la radio, même si certains de ces genres ont été depuis des années exploités par les radios de service public (documentaires, fictions).

1.2 .1. Un renouveau de la fiction

Alors que la fiction radiophonique a longtemps été un programme proposé principalement par les radios de service public9 (sous la forme du feuilleton ou

autre) la production de podcasts natifs s’est vite emparée de ce genre et en a fait un des axes éditoriaux de plusieurs plateformes.

Ainsi, en France, les principales plateformes proposent-t-elles des fictions dans des genres variés, le thriller et la science-fiction ayant fait une percée particulière. Radio-France a elle-même lancé la production de podcasts natifs de fiction, destinés à une exclusivité sur sa plateforme, et qui diffèrent de sa programmation de fiction liée principalement à la grille des programmes de France-Culture.

La plupart des plateformes, notamment celles qui reposent sur le principe de l’abonnement, se sont lancées dans une politique de production ou de commandes de fiction, la particularité de ce genre étant son coût de production élevé (cf. infra p.47).

9 La fiction a été un grand genre radiophonique, très écouté dans les années 50 et 60 en France, avec notamment

les 1034 épisodes de « signé Furax » diffusé sur les antennes de la RTF puis sur Europe 1, ou encore « Les maîtres du mystère » diffusé par France Inter (d’abord Paris-Inter) durant plus de dix ans et exporté dans 25 pays.

(20)

Encadré n°1 « Le projet Orloff », « Le Nuage » et « Dianké » podcasts natifs de fiction Trois podcasts natifs de fiction sont caractéristiques d’un renouveau du genre.

Le « Projet Orloff » (11 x 15 minutes) est une fiction historique, dont les trois co-auteurs (Tanguy Blum, Christian Brugerolle et Antoine Piombino) ont été lauréats de la bourse SACD-France-Culture podcast natif (cf. infra p XXX) et qui a été produite et réalisée par France Culture (réalisateur : Pascal Deux, également réalisateur de cinéma) et proposée sur la plateforme de Radio-France à l’automne 2019 en téléchargement. La bourse a permis de financer l’écriture du scénario. Il s’agit d’un récit d’espionnage ayant pour cadre la France du début des années 80. La réalisation s’est faite en décors naturels, a bénéficié d’une distribution comparable à celle d’une production audiovisuelle ou cinématographique (Pierre Deladonchamps, Lou De Lâage, Fedor Atkine dans les principaux rôles) et a bénéficié d’un excellent accueil critique et d’un large écho dans la presse.

« Le nuage » est une série de 5 épisodes de 20 minutes commandée par Spotify, produite par le studio Nouvelles écoutes et accessible depuis janvier 2020 en exclusivité sur la plateforme de streaming musical. Son lancement a fait l’objet d’une campagne de marketing (notamment affichage) importante et la série, dont l’intrigue est consacrée à un accident survenu dans une centrale nucléaire, fait appel à un important casting (37 rôles) d’acteurs de cinéma et de théâtre (Emmanuelle Devos, Damien Bonnard, Zinedine Soualem, Thierry Hancisse..). Le scénario est signé par trois jeunes auteures (Zoe Gabillet, Natalia Gallois et Fleur Gorre). La production inclut des moyens de réalisation sophistiqués (micro ambisonique enregistrant à 360 ° et permettant des effets impressionnants de spatialisation du son, enregistrements en extérieur) et un Sound design particulièrement élaboré. Une deuxième saison est prévue.

« Dianké » est une série de 12 épisodes dont la trame repose sur le personnage d’une femme africaine en lutte contre la corruption et le patriarcat (interprétée par la comédienne et chanteuse Aïda Sock), Ecrite par Insa Sané et Mariannick Bellot, elle a été réalisée en cinq langues (français, wolof, bambara, haoussa et peul) par Alexandre Planck et TidianeThiang. Produite par l’ONG RAES (réseau africain pour l’éducation à la santé et à la citoyenneté) la série est proposée sur la plateforme de RFI.

Ces fictions, par les importants moyens de production dont elles ont bénéficié (entre 90 et 200 000 €) et par la notoriété qu’elles ont acquise témoignent d’un regain d’intérêt pour la forme de la fiction sonore à travers le podcast natif, laissant un horizon créatif ouvert à de nouveaux auteurs de séries.

1.2.2. Le documentaire en série : enquêtes, valorisation d’archives, témoignages, création

Le documentaire, genre lui aussi traditionnellement produit par la radio de service public et certaines radios associatives, trouve un nouvel essor dans la production de

podcasts natifs, plus particulièrement la série documentaire, qu’il s’agisse

d’enquêtes journalistiques longues, d’adaptation de livres, de récits historiques, de docu-fictions ou de formes innovantes d’approche et de décryptage du réel et de la société.

Les documentaires apparaissent en effet comme un des piliers de l’offre thématique des plateformes avec une grande diversité d’approche et de forme, ayant pour point commun une élaboration et un travail préliminaire très poussé comme dans le documentaire d’investigation ou de création à la télévision.

(21)

Encadré n° 2 : Du « Grêlé » à « Superhéros » en passant par « Egocratie » et « Derrière

le mur » : les variantes de la forme documentaire développée en série

Parmi les exclusivités mises en avant par certaines plateformes, aussi bien qu’avec des podcasts référencés par plusieurs agrégateurs, s’esquisse un regain d’intérêt pour la forme documentaire : on y trouve à la fois des enquêtes criminelles comme « Le grêlé » (sur la plateforme Sybel en exclusivité, enquête au long cours en 8 épisodes de 26 minutes écrite par la journaliste Patricia Tourancheau sur un tueur en série de la fin des années 80), des adaptations comme « Egocratie » (six épisodes de 30 minutes) des journalistes du « Monde », Gérard Davet et Fabrice Lhomme, recréation sonore, nourrie de témoignages enregistrés de leurs livres « La Haine, l’histoire secrète de la droite française » et

« Apocalypse Now» (sur la plateforme Majelan), ou encore, dans un genre tout à fait différent,

« Superhéros » de Julien Cernobori, documentaire produit par le studio Binge audio, reposant sur des portraits individuels, qui « retrace les vies extraordinaires de personnes ordinaires sous forme de

saisons de 8 à 10 épisodes ». La production d’Europe 1 « Derrière le mur » fresque historique en cinq

épisodes de 19 minutes, fait, quant à elle, appel aux archives sonores de la station, qui rappellent la liberté de ton qui fut celle des radios « périphériques » à l’époque du monopole de l’ORTF.

Dans tous les cas, la forme de la série est la promesse d’un approfondissement du sujet traité sur un temps long, mais adapté, par le découpage en épisodes, au temps disponible de l’auditeur.

1.2.3. Les programmes jeunesse

Un des apports originaux de l’accès délinéarisé à des contenus audio est sans doute

la création de programmes spécifiquement conçus pour le jeune public, qui étaient

plutôt rares, voire inexistants dans la programmation radio. Jusqu’à présent, les productions sonores pour le jeune public relevaient plutôt de l’édition phonographique (CD de contes, histoires et livres-audio jeunesse).

Or, plusieurs plateformes ont fait le choix délibéré d’inclure une offre jeunesse dans les thématiques de podcasts proposés, élargissant ainsi l’offre à l’ensemble de la famille.

La plateforme Sybel a créé des profils d’usagers avec des icônes facilement reconnaissables par les jeunes enfants, afin d’orienter les choix de programmes qui sont classifiés par tranches d’âges10 et par thématiques en fonction du profil de

l’abonné.

Radio France et Arte-Radio ont lancé une production pour différentes tranches d’âges et les plateformes Majelan et Tootak ont une section « Kids » et « Famille

et enfants », qui comprennent des émissions en replay ou des podcasts natifs.

La mission a observé un gisement fort de créativité dans ce type de programme, qui propose par ailleurs aux familles une alternative au tout écran pour les enfants, à une époque où la défiance à l’égard d’une surconsommation d’images par le jeune public est croissante ; qui plus est, avec des programmes dont l’orientation est souvent ludo-éducative, qui incitent naturellement à l’attention et à la concentration, et se mémorisent facilement.

C’est indiscutablement une des voies pour les éditeurs de l’audio d’atteindre le jeune public et de créer de nouvelles pratiques d’écoute.

Comme cela a déjà été observé avec les programmes jeunesse en télévision (notamment d’animation) et la littérature jeunesse, ces créations ont certainement un fort potentiel de circulation dans le monde francophone et à l’export. Des synergies étroites pourraient être encouragées par les pouvoirs publics entre ces

(22)

trois secteurs où la créativité de la production française est reconnue mondialement11.

Encadré n° 3 : « Oli », « Les Odyssées », « Guillemette », « Promenades imaginaires », « Jeunes et confinés » : une alternative à l’écran pour le jeune public

Les podcasts natifs conçus pour l’auditoire jeunesse touchent désormais toutes les tranches d’âge dans une variété de genres : contes, fictions ou documentaires.

On peut citer le succès remarquable de la série de France-Inter « Oli », lectures de contes originaux imaginés pour les 5-7 ans dans un format de 7 à 11 minutes par des auteurs qui ne sont pas spécifiquement issus de la littérature enfantine (Delphine de Vigan, Régis Jauffret, Alain Mabanckou, Leila Slimani) et qui font appel à des comédiens (Guillaume Gallienne, Omar Sy, François Morel).

La série s’est hissée au 10è rang des podcasts les plus téléchargés sur Apple Podcasts et a totalisé, pour le mois d’avril 2020, près de 2 millions de téléchargements, triplant ainsi son audience durant la période de confinement, juste avant « Les Odyssées » (11è rang, et qui a aussi atteint près de 2 M de téléchargements en avril 2020), podcast natif (d’une durée de 11 à 23 minutes selon les épisodes) produit par France Inter, qui s’adresse plutôt au public des 7 à 12 ans, avec un contenu éducatif, les récits étant consacrés aux grandes figures de l’histoire (Toutankhamon, Marco Polo, Socrate, La Masque de fer, La grotte de Lascaux etc.). Arte-Radio a produit une série de contes pour enfants « Guillemette » et compte élargir son répertoire dans ce domaine. La plateforme Sybel qui a commandé des fictions pour enfants pour son catalogue, a lancé une série « Jeunes et confinés » (format de 5 minutes) au cours de la crise du coronavirus, qui fait intervenir des enfants de différentes catégories d’âge. Dans un autre genre, la série « Promenades imaginaires, les petits MO » commandée et coproduite par le musée d’Orsay est composée de récits de 10 minutes autour de tableaux exposés au musée d’Orsay, écrits par des auteurs. La série est bien référencée dans les thématiques enfants, jeunesse ou famille de plusieurs plateformes.

1.2.4. L’information

Le genre de l’information est également présent dans la production de podcasts natifs. Il est évidemment l’occasion pour les groupes de média que ce soit la radio (qui produisent actuellement 80% des podcasts d’information, replay et natifs confondus), la presse écrite ou la presse en ligne, de diversifier leur proposition éditoriale tout en valorisant leurs équipes journalistiques et éventuellement leurs moyens de production propres (pour les radios).

Les programmes natifs représentent aujourd’hui près d’un tiers (32%) de l’offre de

podcasts d’information (68% relèvent de la radio de rattrapage)12.

Si la radio de rattrapage fournit évidemment un large accès à l’information sonore en ligne à travers le replay des journaux quotidiens et magazines diffusés primitivement à l’antenne (programmes dont l’obsolescence est rapide), le podcast natif d’information est une offre complémentaire qui permet la couverture plus approfondie d’un sujet, avec des formats de 25 minutes et un matériau d’enquête abondant et travaillé, car non soumis aux contraintes du direct.

11 Par exemple, des dispositifs communs d’aide pour l’écriture ou des passerelles entre dispositifs favorisant les

adaptations, quel que soit ensuite le support de la création : image, livre ou audio.

12 Dans d’autres pays la part de podcasts natifs parmi les podcasts d’information est plus élevée 84% aux

(23)

Ces podcasts, dont le modèle emblématique, par son succès mondial et la notoriété qu’il a acquise, est le « Daily » du New-York Times (cf. encadré ci-dessous), se proposent comme une offre complémentaire de celle des services de radio, et constituent, pour les éditeurs de presse, une diversification de leurs contenus éditoriaux qui enrichit et complète leur offre numérique.

Encadré n°4 : Les podcasts d’information : « The Daily », « Une lettre d’Amérique », « Poursuite », « Code-source », « La Story », « Programme B ».

« The Daily », audio quotidien du journaliste Michael Barbaro, qui mobilise une équipe d’une

quinzaine de collaborateurs, est édité par le New-York Times et fait figure d’exemple, depuis son lancement en 2017, à la fois pour sa qualité éditoriale et la très forte notoriété internationale qu’il a acquise, avec désormais plus de 2 millions de téléchargements quotidiens.

Bien au-delà du replay des émissions d’information des grandes radios généralistes et d’information, le podcast natif et la dé-linéarisation du travail de journalisme d’actualité sonore ont donné lieu en France à de nombreuses initiatives : qu’il s’agisse de podcasts natifs des grandes radios produits pour leur site (et repris par les agrégateurs) tels « Une lettre d’Amérique » audio hebdomadaire de 35 minutes de Julien Corbé, correspondant de RTL à New-York ou encore « Poursuite » produit chaque semaine par l’équipe du 13 h de France Inter et présenté par Bruno Duvic (format de 16 à 20 minutes), qui est un décryptage de l’actualité en marge des journaux de la mi-journée avec l’approfondissement d’un sujet sur la base du matériau journalistique recueilli par les équipes ; c’est aussi un éclairage sur la fabrique de l’actualité et le travail de conception du journal radiophonique.

« Code-source », audio quotidien du Parisien, présenté par Jules Lavie et Clawdia Prolongeau est également construit sur l’idée d’une enquête originale bâtie à partir des sources préalablement recueillies par la rédaction du journal.

« La Story » est un audio quotidien de 24 minutes édité par Les Echos, présenté par Guillaume Fayec, qui explore à chaque numéro une thématique particulière de la vie économique et politique, avec des journalistes spécialisés invités et des sons puisés dans différents médias. Le podcast est accessible gratuitement sur le site du journal et repris sur les plateformes des agrégateurs.

« Programme B » est un audio quotidien d’actualité présenté par Thomas Rozec, produit et édité par un studio indépendant, Binge, depuis novembre 2019 qui se propose de « suivre l’actualité sans la

subir en prenant le temps de se poser une question précise et d’y apporter les réponses les plus claires possibles ».

La plupart de ces podcasts mobilisent des équipes de cinq personnes environ (éditorial et production /réalisation).

1.2.5. D’autres genres du podcast natif : le savoir et la connaissance, le développement personnel, l‘intimité, les programmes pour adultes

Le savoir et la connaissance et d’une manière générale le registre éducatif sont une des thématiques du podcast natif.

Plusieurs plateformes proposent des sous-thèmes autour de l’histoire, la culture générale, les sciences, la philosophie, la médecine, les sciences sociales et l’apprentissage des langues. Certains podcasts dans ces domaines sont des productions universitaires, et notamment, pour ne citer qu’elles d’institutions comme l’École normale supérieure (« Savoirs ENS ») ou le Collège de France13.

Sorbonne-Université coproduit avec le studio Binge Audio la série 7è Science. Le CNRS édite également ses propres contenus audio.

Beaucoup d’interlocuteurs de la mission ont insisté sur le fait qu’à terme, les contenus audio à vocation éducative ou de formation auraient un important

13 Indépendamment de la production de Radio France consacrée à certains cours (« Les cours du Collège de France »

(24)

potentiel de développement, que ce soit auprès du grand public ou dans le cadre de formations plus spécialisées14.

Dans un tout autre genre, le développement personnel, le bien-être, la relaxation et la santé sont des thématiques qui font désormais l’objet d’une production abondante, ces registres n’étant pas particulièrement développés sur l’antenne des radios généralistes ou autres, même s’il s’agit de thématiques très largement couvertes par la presse magazine, ou désormais par le livre.

Les programmes pour adultes font aussi progressivement leur apparition sur les plateformes, soit sur des thématiques « intimité » soit sur la thématique de l’érotisme, déjà explorée par les productions d’Arte Radio (« Les amours de Zoe ») ; une plateforme, Sybel, qui propose déjà un large choix dans cette thématique a mis en place un dispositif d’accès parental. Le podcast natif, avec cette thématique (qui va jusqu’au podcast « X »), explore évidemment un champ de l’imaginaire jusque-là laissé de côté par les radios (à l’exception des conversations ou débats en direct) notamment du fait des règles de protection des mineurs imposées par le CSA.

1.2.6. Les déclinaisons de la télévision

Parmi les productions émergentes de podcasts natifs, on note aussi une tendance à compléter des programmes de télévision par des contenus audio qui constituent un enrichissement du programme télévisé.

C’est le cas notamment pour des séries télévisées pour lesquelles des podcasts sont édités avec des contenus différents et complémentaires du récit porté à l’image. Il s’agit dans ce cas tout autant d’une stratégie marketing pour le programme, que d’une fidélisation ou d’élargissement de son public, par la voie d’un autre média et d’une autre forme narrative.

Ainsi la série « Plus belle la vie » (France 3, groupe FTV), fait-elle l’objet désormais d’un podcast natif dédié avec un récit original (cf. encadré ci-dessous). Plus récemment encore, un podcast natif sous forme de bonus a été consacré à la série « Le bureau des légendes », diffusée par Canal+, et produit par les producteurs de la série (The Oligarchs et Federation Entertainement). La série « Un si grand soleil » de France 2 donne également lieu à la production de podcasts qui présentent les coulisses de la série.

Des adaptations d’émissions TV sont aussi une source de contenus audio natifs, permettant des effets de synergie entre entreprises d’un même groupe. Par exemple l’émission « E=M6 » d’Olivier Lesgourgues, diffusée sur M6, dont c’est un programme-phare, a été déclinée dans une forme originale en podcast avec un format court (6 minutes) pour la plateforme de RTL (groupe M6), sous le titre « E=M6

au carré ».

Par ailleurs, des producteurs audiovisuels ou des diffuseurs peuvent aussi donner accès, sous forme de contenu audio, à des émissions, c’est le cas par exemple de « C dans l’air » (France 5, production groupe Lagardère- 319 000 téléchargements mensuels) quotidiennement accessible en replay dans une version audio sur plusieurs plateformes, ce qui permet d’ajouter à la diffusion TV et à l’accès en

(25)

télévision de rattrapage, un autre mode d’écoute, pour d’autres usages, ce qui constitue un élargissement du mode de distribution du programme sous forme de flux audio15.

Enfin, une initiative originale a été lancée par Canal+ en 2017, celle d’une série de fiction « sans image » pour les abonnés de la chaîne : « Calls », fiction originale de Canal + , réalisée par Thimothée Hochet et produite par Studio Bagel était une création exclusivement sonore sans image (sans avoir l’appellation de podcast), dont deux saisons de 10 épisodes chacune (d’une durée de 10 à 15 minutes) ont été réalisées et diffusées sur des canaux TV (une adaptation a été faite pour les Etats- Unis et distribuée sur Apple-TV).

Il est probable qu’à terme des synergies importantes seront possibles et envisageables entre la production TV, voire la production cinématographique16, et

la production audionumérique : on peut notamment imaginer que des séries de

fiction ou de documentaires en podcasts soient ensuite adaptées pour la télévision ou en version cinéma, élargissant ainsi le cercle des producteurs de contenus audio et l’éventail des compétences de production des producteurs audiovisuels ou des diffuseurs, dont certains sont déjà impliqués dans la création de podcasts natifs.

Encadré n°5 : « Plus belle la vie » adaptation audio d’une série télévisée

Le podcast de la série « Plus belle la vie » est conçu, depuis son lancement en mars 2019, comme un prolongement (« bonus ») de la série télévisée quotidienne sous forme de contenu audio, avec un épisode par mois.

C’est le producteur de la série (Telfrance) qui a proposé à France télévisions d’accompagner la diffusion de la série par une autre création originale dans une forme purement sonore (avec une production exécutive de Bababam, studio de création audio).

Les scénarios originaux de la série audio sont écrits par une équipe de scénaristes distincte de celle de la série TV. La forme est courte (épisodes de 5 à 6 minutes) et comprend 50 % de dialogues et 50% de sons d’ambiance, avec une écriture très spécifique et différente de celle de la série TV. Le coût de production est environ de 3000€ par épisode (de 6 minutes).

Le public de la série audio a un profil plutôt féminin et jeune, avec 60 % d’auditeurs de moins de 34 ans.

1.2.7. Les déclinaisons de la presse écrite et en ligne

Depuis environ trois ans, nombre d’éditeurs de presse éditent des podcasts en complément de leur offre traditionnelle. Cela concerne aussi bien la presse quotidienne (Le Monde, Les Echos, Le Parisien, Le Figaro, Libération, etc.) que la presse quotidienne régionale (ponctuellement ou régulièrement), la presse magazine (Paris-Match, les publications Prisma Presse, etc.) ou encore la presse en ligne (Médiapart, Slate.fr).

Il peut s’agir de formes très diverses, courtes ou longues, directement liées à l’activité et à la production éditoriale du titre de presse ou bien d’une création spécifique parfois même sous forme de fiction (par exemple la série de podcasts édités par Le Monde « S’aimer comme on se quitte », récits – témoignages interprétés par des comédiens, et accompagnés d’une musique originale) ou sous

15 D’autres programmes de France télévisions, dont « La grande librairie » font aussi l’objet d’une reprise en

podcast, tandis que certaines rubriques d’émissions comme une des chroniques de « La maison des maternelles » notamment, sont exploitées sous forme audio.

16 La société MK2 (production, distribution, exploitation cinématographiques) a ainsi récemment nommé un

(26)

forme documentaire. Le podcast souvent proposé sur les sites des titres de presse s’inscrit dans la stratégie des éditeurs pour attirer de nouvelles catégories de publics. Le podcast aurait aussi la vertu de capter et de retenir l’attention du lecteur des sites de presse et de le fidéliser.

La production reste modeste en volume (par exemple les grands quotidiens ne dépassent guère généralement un rythme de production hebdomadaire), du fait des coûts de production de podcasts ambitieux en termes de réalisation, dans la mesure où, à la différence des radios, les éditeurs de presse ne disposent pas de capacité propre de production et font appel à des studios indépendants. Le coût de production d’un podcast d’éditeur de presse varie entre 3000 et 6000 € par épisode, le financement étant lié à la publicité éventuellement intégrée ou par un parrainage.

1.2.8. Le livre audio, une proximité avec le podcast ?

Le livre audio connaît actuellement une croissance de son auditoire dans un mouvement qui semble similaire à celui de l’offre de podcasts et tend à démontrer que le développement de la pratique culturelle de l’écoute ne concerne pas que la forme podcast.

En 2019, 14% des français de 15 ans et plus ont déclaré avoir déjà écouté un livre numérique, et plus de la moitié des usagers disent avoir découvert le livre audio récemment, et l’écoute se fait d’abord sur ordiphone et tablette17.

La plupart des livres audio sont édités sous une forme qui est la lecture, soit par un comédien, mais, dans certains cas, par l’auteur en personne, du livre déjà vendu en librairie.

La littérature est le domaine le plus prisé en livre audio (58% des écoutes) devant l’enseignement scolaire ; et les romans policiers sont privilégiés devant les romans contemporains et les classiques. C’est le livre audio sous forme de téléchargement numérique (34% des usages) qui prime sur le prêt en bibliothèque (30%) et l’achat de CD (14 %).

À terme, la proximité du livre audio et de la création de podcasts et la phase de croissance simultanée de ces deux offres de contenus audio devrait entraîner une forme de rapprochement ou de regroupement que certaines plateformes pratiquent d’ailleurs déjà (cf. infra p.50). L’édition littéraire figure donc

potentiellement parmi les secteurs intégrés peu à peu à l’écosystème de l’audio à la demande, même si, pour l’heure, l’économie du livre audio et son mode de production sont encore distincts de ceux du podcast.

Nombre de plateformes visent une offre mixte composée de podcast et livres audio. L’annonce faite récemment par Spotify de la mise en ligne d’une version audio d’« Harry Potter »18, en est l’une des illustrations, sachant que la plateforme de livre audio en ligne Audible complète également son offre avec des séries originales de fiction, s’apparentant à des podcasts.

Il faut également rappeler l’importante production de livres audio par le milieu associatif à destination des malvoyants, notamment le portail Éole, créé par

17 Données présentées dans le Baromètre des usages du numérique

18 Lue pour le premier épisode et pour le public anglophone, par l’acteur du rôle-titre au cinéma, Daniel Harding,

(27)

l’association Valentin Haüy, qui met à disposition de ses adhérents19 un important

catalogue d’audio-livres produits par l’association. Bien évidemment le public des personnes mal voyantes est potentiellement un public concerné par l’ensemble de la production audionumérique.

1.2.9. L’audio à la demande à vocation éducative

Le podcast éducatif, outre l’édition de contenus ayant vocation à entrer dans l’offre éditoriale des plateformes, commence à se développer comme support d’apprentissage et pourrait être inclus parmi les actions d’éducation aux médias20.

À la suite de la loi de refondation de l’école de 2014, une direction du numérique a été créée au ministère de l’Éducation nationale. Les podcasts sont apparus comme un support très adapté à l’apprentissage des langues. Mais les initiatives autour de l’audio à la demande se développent dans le milieu de l’enseignement21.

Outre l’avantage d’une libération des écrans et de la tendance addictive que ceux-ci incarnent dans la sphère familiale et éducative (qualité déjà mentionnée plus haut, comme un potentiel de développement pour les podcasts jeunesse), la forme du podcast se distinguerait aussi par une meilleure qualité de mémorisation : « On

retient généralement ce que l’on écoute, plus que ce que l’on scrolle ou zappe, l’audio est un média d’engagement »22.

La mission a reçu beaucoup de témoignages concordants sur le potentiel pédagogique de l’audio comme complément de l’écrit. Certains éditeurs scolaires comme Magnard, enrichissent les manuels de seconde et de première de podcasts natifs (« ça s’écoute »). Le studio Nouvelles écoutes édite « Splash », série conçue à partir de questions/réponses enseignant/élève : « des podcasts faits maison en

économie et en français pour rendre les élèves plus autonomes dans leurs révisions ». Il serait intéressant de promouvoir plus activement cette production

éducative, pour l’instant assez dispersée, par exemple par le biais d’un prix du

podcast éducatif dont le MEN et le ministère de la culture pourraient avoir

l’initiative conjointe.

19 Dans le cadre de l’exception handicap au droit d’auteur.

20Les outils de formation aux médias du Ministère de l’éducation nationale ont été mobilisés en période de crise

sanitaire pour aider les familles et l‘outil privilégié est celui d’internet ou de la web radio. Le CLEMI avec son maillage territorial de coordonnateurs académiques a conçu des activités d’éducation aux médias et à l'information (notamment sur les infox) à faire à la maison en autonomie et les met à disposition des enseignants pour que ceux-ci puissent les proposer sous format numérique à leurs élèves en fonction de thématiques et de niveaux de classe. Chaque activité proposée comporte une "fiche enseignant" et "une fiche élève" à télécharger sur le site du CLEMI. Ce sont des formats légers, nécessitant peu de bande passante, le CLEMI a choisi de proposer ces activités en fichiers aux formats "PDF" et "Doc" à télécharger. Les médias traditionnels qui sans doute permettent une lecture collective en famille sont privilégiés.

21 Ainsi, Emmanuel Ethis, recteur de l’académie de Bretagne et président du Haut conseil à l’éducation artistique

(HCEAC), a attiré notre attention sur l’utilisation du Podcast faite par la radio académique de Nice qui réalise les podcasts du HCEAC, et remarque que ce format peut être un support aux connaissances emprunté par les radios académiques qui ne sont pas à ce jour en réseau. L’Institut de Guingan qui se crée sous son impulsion prévoit un studio dédié à la production de podcasts créatifs natifs. Ce bâtiment du secret ainsi nommé sera ouvert en septembre 2021.

Figure

Graphique n°1 :  Évolution de l’offre annuelle de podcasts (incluant les podcasteurs)
Graphique n°2 : résultats de la mesure eStat Podcasts.
Tableau n° 1 : Cartographie des acteurs du Podcast (France)
Tableau n° 2 : Les principaux producteurs de podcasts
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