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Babel en littérature. Esquisse définitionnelle et réflexion sur les implications esthétiques, politiques et identitaires du plurilinguisme littéraire

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Submitted on 9 Oct 2020

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Babel en littérature. Esquisse définitionnelle et réflexion

sur les implications esthétiques, politiques et identitaires

du plurilinguisme littéraire

Britta Benert

To cite this version:

Britta Benert. Babel en littérature. Esquisse définitionnelle et réflexion sur les implications esthé-tiques, politiques et identitaires du plurilinguisme littéraire. Christine Helot; J. Erfurt. L’éducation bilingue en France : politiques linguistiques, modèles et pratiques, Labert-Lucas Edition, pp.610-626, 2016. �hal-02959586�

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Pour citer cet article : Britta Benert, « Babel en littérature : esquisse définitionnelle et réflexion sur les

implications esthétiques, politiques et identitaires du plurilinguisme littéraire », C. Hélot et J. Erfurt (dirs),

L’Education bilingue en France. Politiques linguistiques, modèles et pratiques, Limoges, Lambert-Lucas, 2016,

p. 610-626

Babel en littérature : esquisse définitionnelle et réflexion sur les implications esthétiques, politiques et identitaires du plurilinguisme littéraire

Britta BENERT

Résumé

Le chapitre rappelle d’abord l’impressionnante diffusion de l’expression plurilingue en littérature. Celle-ci se rapporte, d’une part, à la transdisciplinarité propre au plurilinguisme littéraire, qui rend ce dernier difficilement saisissable, et d’autre part, à l’engouement que la diversité linguistique suscite au sein de la critique, tout particulièrement dans le contexte de mondialisation. L’esquisse définitionnelle proposée, qui fait la distinction entre le plurilinguisme au sein des textes et celui des auteurs, vise à souligner les profondes modifications qu’a connues le phénomène Babel en littérature avec l’entrée dans l’ère moderne. La perspective historique qui est à la base de cet état des lieux de la recherche permet d’entrevoir la politisation du rapport entre l’individu et sa langue qui fait que l’auteur, avec la fin du XIXe siècle, est sommé de choisir une langue comme on choisit un camp. Aussi, l’imbrication politique de la question linguistique contribue à la transformer en une sensible question identitaire : l’exemple du satiriste Hansi le montre. De même, le cas de cet auteur plurilingue du tournant du siècle permet d’appréhender les fondements idéologiques de la question linguistique dont, Tomi Ungerer nous le fait comprendre, nous sommes toujours les héritiers.

Introduction

When I have rencontred you, You was a jeune fille au pair, And I put a spell on you, And you roule a pelle to me (Renaud, 1980)

Selon une idée largement répandue, le mélange des langues – on pourrait à cet égard évoquer le

franglais, le Denglish (l’allemand anglicisé) ou encore le Spanglish – serait un phénomène propre à

notre « monde mondialisé » : ce texte du chanteur français Renaud peut en être la savoureuse illustration. Or le plurilinguisme en littérature a une longue tradition, aux nombreuses déclinaisons. Qu’il n’y ait pas une langue, mais plusieurs, n’a cessé d’interroger l’homme depuis l’Antiquité. Des histoires se sont tissées autour de cette diversité (Schmeling/Schmitz-Emans 2002), qui a trouvé son entrée au sein de textes. La diversité linguistique comme scandalon ou défi est tantôt glorifiée, tantôt rejetée (Knauth 2014), et l’étude de l’expression babelienne en littérature permet de concevoir l’imbrication entre la pluralité linguistique et l’idée que l’homme a de lui-même. En d’autres termes, s’intéresser à la diversité linguistique est un moyen d’observer les différents aspects que peut prendre le rapport qui lie l’homme à sa ou

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ses langues. La question de l’identité linguistique sera centrale dans cette présentation synthétique de l’expression plurilingue en littérature et de son accueil.

De par cette accentuation, notre aperçu sera focalisé sur les modifications que connaît le plurilinguisme à l’entrée dans l’ère moderne. Avec la fin du XIXe siècle, la dimension paradoxale de ce dernier est des plus visibles, comme une deuxième partie tentera de l’illustrer à partir de l’œuvre plurilingue du satiriste Jean Jacques Waltz (alias Hansi, 1873-1951). Une dernière partie s’appuiera sur le concept poethik

polyglott, forgé par Knauth (1991). Il nous servira à penser le plurilinguisme de l’auteur contemporain

Tomi Ungerer (né en 1931 à Strasbourg), héraut d’une identité plurielle, créative et dont l’œuvre plurilingue témoigne d’une continuité réfléchie et assumée en regard de celle de son aîné Hansi qui, quant à lui, finira par se cantonner dans une « identité-prison » (Abdallah-Pretceille 2006), figée et nationaliste.

1. Point sur la recherche et esquisse définitionnelle

Si le plurilinguisme constitue un objet d’étude au carrefour de multiples champs disciplinaires, les études consacrées à son expression littéraire, bien que celles-ci accordent à la littérature une position centrale, se nourrissent de ces divers domaines. Il s’ensuit que l’une des caractéristiques clé des travaux consacrés au plurilinguisme littéraire est leur transdisciplinarité1. Celle-ci explique l’importance que

l’étude du plurilinguisme littéraire a prise au sein de la littérature comparée, se développant en tant que branche de recherche autonome. Cette transdisciplinarité est également la raison pour laquelle les bibliographies existantes (Gauvin/Grutman 1996 ; Knauth 2007 ; Kremnitz 2004 ; Schmeling/Schmitz-Emans 2002 ; Schmitz-Schmeling/Schmitz-Emans 2004) sont diffuses (le constat appartient à Kremnitz 2004). Diffusion dans le sens, d’une part, où elle reflète l’expansion du plurilinguisme littéraire, pour défier les frontières entre les disciplines – s’inscrivant par la même dans une préoccupation foncièrement comparatiste. D’autre part, le caractère diffus des bibliographies renvoie à l’extraordinaire prolixité de la recherche actuelle dans le domaine du plurilinguisme.

C’est peut-être ce caractère fuyant et inconstant (Grutman 1995) voire paradoxal, qui rend le plurilinguisme si fascinant et perturbant à la fois. En ce sens, le linguiste Kremnitz (2004), auteur d’une monographie sur la problématique du plurilinguisme littéraire, a même pu évoquer une certaine « prétention/impertinence » (Dreistigkeit ) à tenter de vouloir embrasser seul un domaine aussi vaste. Aussi, hormis ce travail, il n’existe stricto sensu qu’une seule autre monographie sur le plurilinguisme littéraire, qui aborde le sujet dans une perspective globale : celle de Leonard Forster (aru en anglais en 1970, l’ouvrage vient d’être réédité). Autres travaux incontournables pour le domaine et qui permettent d’avoir un aperçu général du plurilinguisme : ceux de Grutman (2009 ; 2007 ; 2003), Knauth (2000 ; 2004a ; 2004b), Schmeling/Schmitz-Emans (2002) et Schmitz-Emans (1997 ; 2004).

Si le caractère pionnier des travaux que Forster a consacrés au plurilinguisme littéraire est constamment souligné (Gauvin 1999 ; Schmitz-Emans 2004; Zink 2014), si la réédition récente des Poet’s tongues est là pour confirmer l’importance de son mérite, l’absence de traduction française paraît d’autant plus frappante, voire symptomatique : grande est la tentation de lire dans ce rendez-vous manqué l’indice

1 Voir par exemple le récent ouvrage collectif consacré au lien entre plurilinguisme littéraire et littérature de

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de la difficulté qu’éprouve un pays foncièrement ancré dans le monolinguisme à accueillir et donc à penser le plurilinguisme. En effet, le point commun entre les travaux publiés en langue française dans le domaine qui nous intéresse ici, c’est qu’ils proviennent de l’extérieur, de la périphérie. C’est le cas de ceux qui sont consacrés au monde postcolonial; c’est le cas également de ceux issus de la littérature comparée, discipline qui continue à lutter pour une (re)valorisation de la place souvent minorée qu’elle occupe dans les cursus nationaux d’études littéraires. Il faut citer à cet égard l’essai Extraterritorial (1971) et After Babel. Aspects of Language and Translation (1975) du comparatiste Steiner, qui a livré des outils fondamentaux. A la base d’un large « réinvestissement du mythe de la discorde », les travaux, souvent dans la lignée de Steiner, se caractérisent par une dimension engagée qui permet d’évoquer, avec Poulin, l’existence d’une « éthique critique » (Poulin 20132). Nous reviendrons sur cette

prépondérance éthique dans la réflexion sur la diversité linguistique et l’écriture plurilingue grâce à l’étude du concept de la poethik polyglott forgé par Knauth (1991).

Phénomène vaste et donnant lieu à un important discours critique, le plurilinguisme littéraire échappe à toute classification définitive (Schmeling/Schmitz-Emans 2002). Notre tentative de le circonscrire prend néanmoins appui sur d’autres propositions de caractérisation (Runte-Collin 2013; Schmitz-Emans 2004 ; Wintersteiner 2006), et vise plus particulièrement à mettre en évidence les modifications historiques du plurilinguisme. A ce titre, la distinction entre plurilinguisme intra- et intertextuel est intéressante : Knauth a été le premier à la conceptualiser tout en insistant sur sa pertinence dans le cadre d’une approche historique du phénomène (Knauth, 2004b). Aussi, à travers notre perspective historique, nous retiendrons que, dans le cas du plurilinguisme intratextuel, les travaux focalisent sur des textes

plurilingues, tandis que dans le cas du plurilinguisme intertextuel, l’intérêt est porté aux auteurs plurilingues qui, d’une œuvre à l’autre, se sont exprimés dans des langues différentes. Notons qu’avec

les termes Mehr- und Mischsprachigkeit la langue allemande renvoie à cette distinction. Même cas de figure en italien où coexistent les termes « mistilinguismo » et « plurilinguismo ». En revanche, si le français hésite entre pluri- et multilinguisme, il ne dispose pas de dénomination équivalente : mixtilinguisme n’existe pas. C’est la raison pour laquelle, dans les études consacrées au phénomène du plurilinguisme intratextuel, on trouve fréquemment des formulations comme « textes métissés » ou « hybrides ». Grutman a forgé le terme d’ « hétérolinguisme » (Grutman 1992; 1996 ; 1997), baptisant ainsi la présence et l’entrecroisement de plusieurs codes linguistiques (langues, dialectes, sociolectes,...) à l’intérieur d’un espace textuel donné.3

Pourquoi ce néologisme ? Selon Grutman (2015), les termes « métissé » ou « hybride » auraient une connotation péjorative, véhiculée par une terminologie liée à des nomenclatures raciales : en effet, les deux mots stigmatisent à l’origine des animaux ou personnes de « sang mêlé ». Grutman a également souligné l’étrange coïncidence qui fait que c’est surtout la critique dite « post-coloniale » qui affiche une préférence marquée pour ces termes « problématiques »4 selon lui. Il est clair que la difficulté de

nommer notre domaine d’investigation, Babel en littérature, doit

2 Voir Poulin (2013, 162-163) qui rassemble les travaux portant sur les « effets du plurilinguisme sur la pensée et

les pratiques de la littérature ».

3 Voir aussi Erfurt (2003) qui a inventé le concept de « Multisprech » pour décrire ce phénomène d’un point de

vue sociolinguistique.

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être liée à la difficulté de le définir. Retenons que les termes utilisés sont fluctuants, ils changent non seulement d’une langue à l’autre mais également d’un critique à l’autre. De même, la terminologie peut dépendre de la perspective empruntée : dans une lecture privilégiant la dimension politique, Grutman (2002 ; 2003) a recours au terme (sociolinguistique) de ‘diglossie’ pour évoquer, à propos de la littérature en Belgique, le cas du français dominant le néerlandais, mais également pour distinguer entre des auteurs et/ou textes bilingues (conjuguant deux ou plusieurs langues dominantes) et des auteurs et/ou textes diglossiques (conjuguant des langues de statut différent).

L’exemple des travaux de Grutman l’annonce : les travaux consacrés au plurilinguisme d’auteurs sont à distinguer de par la multiplicité des orientations qui leur sont propres. Dans ce qui suit, parmi les angles d’investigation possibles, nous allons nous limiter à en esquisser deux : premièrement, on donnera un bref aperçu des littératures de minorités ethniques, de sociétés ou nations plurilingues ; puis l’entrée qui nous retiendra plus longuement concernera le plurilinguisme des auteurs, observé selon ses aspects biographiques, psychologiques et existentiels (Runte-Collin 2013). Peu importe l’accentuation défendue, force sera de constater la grande diversité propres aux situations plurilingues. Ceci explique la difficulté, déjà soulignée, de définir le champ d’étude : le plurilinguisme littéraire s’apparente en effet à un terme générique qui englobe un faisceau de phénomènes aux caractères socioculturels et individuels très divers (Wintersteiner 2006).

Venons-en à notre premier type de travaux centrés sur le plurilinguisme d’auteur, en comprenant ce dernier comme membre d’une minorité ethnique, d’une société ou d’une nation plurilingues. Nous intéresser aux illustrateurs et auteurs plurilingues Jean Jacques Waltz (alias Hansi) et Tomi Ungerer, c’est nous arrêter plus spécialement à l’Alsace, l’un de ces espaces où la violence de l’histoire a suscité l’éclosion de nombreuses grandes figures d’intellectuels et écrivains polyglottes, étudiées assez largement aussi sous le prisme de la question linguistique5. Le cas de l’Alsace invite à prendre en

considération d’autres entités politiques plurilingues aux situations linguistiques complexes, asymétriques, violentes.

Un vaste champ d’études s’ouvre alors à nous, dans le sens où ces régions de contact ou pays au plurilinguisme officiel ont généré – et continuent de générer – des études sur le plurilinguisme (littéraire) de par leur sensibilité particulière à l’altérité linguistique : Belgique (Grutman 2002, 2007; Weisgerber 1991), Canada (Gauvin, Grutman 1992, 1996,1997) ; Suisse (Strutz/ Zima 1991) ; Carinthie (Strutz 1992, 1998) ; Tyrol du Sud (Holzner et alii 1997 ; Simonsen 2005 ) ; Roumanie (Stiehler, 2000), Luxembourg (Sieburg 2013 ; Honnef-Becker/Kühn 2004). Ce sont là des « espaces privilégiés » dans lesquels a pu se développer ce que Glissant a appelé une ‘poétique de la relation’, et où la réflexion critique sur la différence des langues occupe une place fondamentale (Poulin 2013).

Dans un deuxième type d’étude sur le plurilinguisme d’auteurs observé selon ses aspects biographiques, psychologiques et existentiels, l’œuvre plurilingue est considérée principalement comme le fruit d’un individu polyglotte (Runte-Collin 2013). Afin de saisir les raisons et les motivations du plurilinguisme chez un auteur donné, la focale est mise sur des aspects biographiques, ce qui peut inclure des explications psychologiques. La classification des auteurs polyglottes que propose

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Cf. des études consacrées à l’œuvre d’auteurs comme Maxime Alexandre, Jean Hans Arp, Yvan Goll, René

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Wintersteiner (2006) permet de distinguer trois domaines d’investigation : (1) la migration sociale, qui concerne des auteurs provenant de pays pauvres ou d’anciennes colonies ; (2) l’émigration choisie, qui est souvent le fait d’individus privilégiés, que Wintersteiner désigne de global people et illustre avec Yoko Tawada, l’auteure probablement la plus étudiée actuellement par la critique germanophone (Nancy Huston et Vassilis Alexakis suscitent un engouement comparable du côté français)6 ; enfin (3) l’exil politique, domaine peut-être le plus riche concernant notre problématique,

c’est la raison pour laquelle nous allons en donner un bref aperçu.

Dans sa première acception, le mot « exil » correspond à un déplacement forcé et involontaire, ce qui signifie que le changement de langue ne relève pas d’un libre choix – comme c’est le cas la plupart du temps pour les global people –, mais que la « métamorphose linguistique » (Lamping 1993) a été imposée par une réalité douloureuse. Esquisser les enjeux idéologiques propres au domaine de la littérature d’auteurs exilés permet d’ouvrir à des problématiques que l’on retrouvera plus loin autour de Hansi et Tomi Ungerer, c’est pourquoi je m’arrêterai brièvement à trois noms. Heinrich Heine (1797-1856) tout d’abord, qui, parce qu’interdit en Allemagne, se réfugie à Paris, qui devient son lieu d’exil. Je citerai également son aîné Adelbert von Chamisso (1781-1838), qui, né français, avait émigré en Allemagne pour échapper à la Révolution française. Son œuvre la plus célèbre est Peter Schlemihl, l’histoire d’un homme qui a vendu son ombre et qui court le monde pour la retrouver. Cette thématique est emblématique pour notre propos, car elle annonce qu’avec l’entrée dans la modernité la langue devient une question cruciale pour penser l’identité d’un individu. C’est exactement ainsi que Klaus Mann (1906-1949) lira le destin de Chamisso : dans son essai Distinguished Visitors, Mann stylise l’auteur de Peter Schlemihl en exilé idéal, au plurilinguisme réussi (Utsch 2010). Notons que cet ouvrage est le premier que Mann avait rédigé directement en anglais, après son immigration aux Etats-Unis à l’automne 1938, fuyant l’Allemagne nazie.

Deux rapides points encore pour signaler le marquage idéologique que ces trois auteurs permettent d’évoquer. Un premier, d’ordre général, est de rappeler avec Wintersteiner (2006) que, si les auteurs exilés cités sont célèbres et que beaucoup a été écrit à leur propos, la critique, sur plusieurs décennies, n’a guère prêté attention à la question linguistique ; quand celle-ci a été prise en compte, le contact avec un nouvel environnement linguistique n’a été considéré que négativement, comme si le changement de langue était impossible. C’est là une approche clairement univoque, selon laquelle seule la langue maternelle serait garante d’une véritable expression.

Or, pour en venir à mon deuxième point, dans le cas de Mann, le changement de langue a été effectif : il écrit en anglais à partir de 1939, renonce ensuite complètement à l’allemand comme langue d’écriture, pour finir par écrire dans les deux langues à partir de 1945. Le cas de cet auteur longtemps méconnu en tant qu’auteur plurilingue constitue ainsi un contre-exemple susceptible d’ébranler l’idée d’une langue maternelle et d’une identité essentialisées, approche dominante dans la recherche consacrée à la littérature d’exil. Heinrich Heine me fournit l’occasion d’évoquer l’existence de deux éditions critiques consacrées à l’auteur, significatives de l’imbrication politique de la question linguistique : l’une s’est efforcée d’écarter la langue française (pour faire de Heine un authentique auteur allemand ?), tandis

Cf. le Dictionnaire des écrivains migrants de langue française pour un aperçu de l’étendue de cette rubrique

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que l’autre a pris soin de l’intégrer (visant peut-être un autre type de récupération ?) ; von Chamisso permet de mentionner le prestigieux prix littéraire qui porte le nom de ce « père » des auteurs plurilingues du temps présent: si ce prix est précieux en ce qu’il renvoie au désir de rompre avec une histoire littéraire traditionnelle (nationale, donc monolingue)7, critiques et auteurs n’ont pas manqué de

pointer ses prémisses problématiques de par les vues essentialistes sur la langue (maternelle) qui le fondent (Esselborn 2004).

L’ignorance de la polyglossie d’auteurs exilés accompagne les tentatives de marginalisation de l’expression plurilingue. C’est là une tendance que partagent les histoires littéraires nationales. Il conviendrait, au contraire, de saisir le plurilinguisme en littérature comme étant la règle plutôt qu’un fait hors norme (Grutman 1995, 2007 ; Schmeling/Schmitz-Emans 2002 ; Schmitz-Emans 2004). A cet égard, notons qu’en France une approche longtemps dominante a consisté à limiter le champ de l’investigation du bilinguisme aux noms de Samuel Beckett, Julian Green et Vladimir Nabokov (Poulin 2013), contribuant, ce faisant à consolider l’idée du plurilinguisme comme phénomène exceptionnel, réservé seulement à quelques grands génies. L’héritage romantique à l’œuvre dans cette conception linguistique pose le monolinguisme comme norme. Seul garant d’une expression véritable – sauf exception extraordinaire – il s’accompagne d’une fétichisation du concept de langue maternelle (Grutman 2005), qui perdure dans la discussion actuelle autour des auteurs plurilingues ; en tout état de cause, on aurait tort de croire l’approche dépassée.

Nous avons à dessein parlé de « plurilinguisme d’auteur » pour insister sur la focalisation empruntée ici : observer la question du plurilinguisme littéraire selon une problématique moderne, liée à la formation de l’individu, ceci à l’inverse donc de la formulation de « plurilinguisme intertextuel » qui ne s’inscrit pas d’emblée dans une délimitation chronologique, mais vise une approche globale du phénomène. A ce propos, il importe de mentionner l’article du comparatiste Elwert (1960). Se consacrant à l’étude du plurilinguisme littéraire tel qu’il se manifeste surtout dans des textes d’avant le XVIIIe siècle, Elwert a raison de ne pas recourir à la notion d’auteur dans la définition qu’il propose du plurilinguisme littéraire, évitant ce faisant l’anachronisme :

« Par plurilinguisme littéraire », écrit-il, « on peut entendre […] l’emploi de plusieurs langues dans le même milieu, mais séparément : soit d’après différentes matières traitées (philosophie, juridiction, théologie, littérature au sens propre), soit d’après les différents genres littéraires (poésie lyrique, épopée, littérature didactique) […] » (Elwert 1960, 410).

Il convient en effet de lire l’emploi ci-dessus d’une formulation impersonnelle comme indice du fait que, pour les époques pré-modernes observées par Elwert, la question de l’identité en lien avec le choix d’une langue est sinon absente, du moins à considérer comme non dominante. Jusqu’à l’éclosion du sentiment d’identité – notion moderne – le choix d’une langue est régi par une motivation qui suit, tout d’abord, les règles imposées par des poétiques régulatives (Knauth 2000, 2004a, 2004b, 2007) et/ou des besoins communicatifs du lectorat/de l’auditoriat (Kremnitz 2004). Dans son article, Elwert ne s’est pas consacré à cette forme de plurilinguisme sur laquelle ouvre sa définition, mais en étudiera un autre type de manifestation, à savoir « l’emploi de différents idiomes à l’intérieur d’une seule et même œuvre »

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(Elwert 1960), donc, ce que nous distinguions plus haut, en référence à Knauth, comme plurilinguisme

intratextuel.

La raison pour laquelle j’évoque l’accentuation d’Elwert, c’est que son intérêt pour le mélange de différentes langues au sein d’un seul texte correspond à l’orientation qu’ont donnée les pionniers de la recherche sur le plurilinguisme littéraire à leur domaine d’investigation : il faut remonter à Genthe et à sa monographie de 1829, qui a ouvert la voie pour concevoir le macaronisme comme « le seul genre propre au plurilinguisme et qui, de plus, a fondé une véritable tradition littéraire » (Knauth 2000)8, puis,

aux études du philologue Spitzer (1923), enfin aux travaux de Bakhtine (1969, 1978, 1984), référence cruciale pour la question du plurilinguisme. Si, au départ, l’intérêt porté au plurilinguisme littéraire s’est résumé avant tout à l’étude de l’hybridité linguistique au sein des textes, nombreux sont les travaux qui, actuellement, privilégient l’étude de situations contemporaines. Ces études se caractérisent par le fait qu’elles sont centrées d’abord sur l’individu plurilingue (plurilinguisme des auteurs) pour, souvent dans un même mouvement, étudier les manifestations plurilingues des textes (plurilinguisme intratextuel) auxquelles invitent ces compétences polyglottes des auteurs. En d’autres termes, la distinction entre le plurilinguisme inter- et intratextuel tend à s’estomper au sein des littératures actuelles.

2. Paradoxes du plurilinguisme littéraire 1900

L’un des mérites de Forster (2009/1970) réside dans le fait d’avoir su rendre évidente la récupération politique du plurilinguisme, raison du changement radical dans l’appréciation du plurilinguisme et du fait que les auteurs, alors, aient été sommés de choisir une langue – comme l’on choisit un camp. C’est la fin du XIXe siècle que Forster a identifiée comme époque charnière dans cette politisation du rapport entre l’individu et sa langue. Le passage qui suit va dans ce sens :

In 1784 William Beckford wrote his oriental fantasy Vathek in French. No one thought that there was anything odd in an English merchant turned country gentleman writing a novel in French, least of all anything disgraceful […] In 1894 Oscar Wilde wrote Salomé in French ; this was thought to be a scandal. Language loyality had supervened (Forster (1970) 2009 : 54).

Le mouvement décrit ici va de l’indifférence au « scandale », scandalon, mouvement qui renvoie à cette transformation fondamentale dans la perception du plurilinguisme, et conséquemment, à un véritable renversement des attitudes dans l’appréciation de l’individu polyglotte : désormais, celui qui n’écrit pas dans sa langue se situe hors-norme et va à l’encontre de l’ordre établi. Le plurilinguisme (des auteurs), auparavant non-événement (Beckford écrivant en français ; la diglossie langue(s) vernaculaire(s)/langue latine banale durant des siècles), s’est muée soit en phénomène suspect et repoussant dans le cas de Wilde, soit en phénomène attirant dans d’autres cas – ce même type d’accueil positif du plurilinguisme, qu’un Joseph Conrad, par exemple, rejetait (avec un humour très british) : « I have always felt myself looked upon somewhat in the light of a phenomenon, a position which outside the circus world cannot be regarded as desirable » (Conrad 1919/2005, v).

8 Limité, au moment de son apparition, aux environs du XVe siècle, au mélange du latin et de l’italien avec ses

variantes régionales, le macaronisme s’étend par la suite à d’autres langues modernes. Le Malade imaginaire, comédie où Molière propose une savoureuse scène entrelardant le français et le latin en est un exemple illustre.

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Symptôme de l’attitude nouvelle au début du XXe siècle envers la question linguistique (Kremnitz 2004), différents commentateurs et biographes allaient faire la liste des « barbarismes » ou « anglicismes » détectés dans Vathek, dénonçant l’impureté de la langue dont l’étranger Beckford, conçu comme traître à sa langue maternelle, se serait rendu coupable (Girard 2003). Ces reproches aux relents nationalistes sont en tout point opposés à l’entreprise de Mallarmé, dont on se souvient qu’il avait réédité et préfacé Vathek en 1876. Ce sont là deux lectures antagoniques, qu’il convient de saisir comme l’indice d’une période foncièrement paradoxale, entre ouverture weltlittéraire et repli « gallicentrique ». Se profile ainsi au courant du XIXe siècle la foncière ambivalence du plurilinguisme à propos duquel s’enchevêtrent jugements esthétiques, politiques et sentiments (identitaires).

Nous citions Wilde et Conrad, deux exemples d’auteurs polyglottes dont l’étude peut contribuer à saisir les enjeux politiques du plurilinguisme, en même temps que les stratégies employées pour contourner l’attente dominante de leur temps, qui voudrait qu’ils soient auteurs d’une langue, chantres du lien désormais identitaire/essentialiste qui les attache à leur langue unique, faute de quoi ils s’exposent à la suspicion. Etre le serviteur, de par l’inscription dans une littérature nationale forcément monolingue, du projet national(iste) : Wilde et Conrad se sont inscrits à contre-courant de ce projet. Comme certains contemporains, ils se sont montrés réfractaires aux enfermements, en particulier lorsqu’ils concevaient une création affranchie des impératifs de la « langue maternelle ».9

Le cas Jean Jacques Waltz (alias Hansi, 1873-1951), illustrateur, satiriste et auteur d’albums pour la jeunesse à grand succès permettra d’entrevoir la singularité, souvent hautement ambivalente, des auteurs 1900, qui n’est pas sans rappeler le concept de « surconscience linguistique » que Gauvin (2005) a forgé en lien avec les littératures francophones. L’auteur alsacien en serait l’illustration avant la lettre de par son rapport particulier à ses langues. Né à Colmar deux ans après l’annexion allemande, issu d’une famille profondément attachée à la France, Hansi appartient à cette élite alsacienne qui se distingue par ce que l’on qualifierait, selon une terminologie actuelle, de compétence bilingue (franco-allemande). Celle-ci est acquise sous la contrainte et place l’auteur dans une situation de complexité langagière certaine.

Fait crucial, son entrée – sa percée – sur les devants de la scène littéraire ne se fait pas en français, mais avec la publication de textes écrits en langue allemande. Que l’auteur choisisse de les publier sous un pseudonyme – Hansi –est une donnée en lien évident avec le contexte politique. Mais ce masque est tout autant le signe, nous semble-t-il, d’un sentiment linguistique à fleur de peau, terrain d’abord d’une frappante fécondité créatrice. Waltz fait naître Hansi en 1907, avec l’invention du Professeur Knatschke (Waltz 1913), savoureuse charge satirique que l’auteur lance à l’encontre du mouvement pangermaniste, dont la virulence grandit à l’approche de la Première Guerre mondiale.

La sensibilité accrue à la langue, élément clé du concept de « surconscience linguistique », est ici au cœur du projet littéraire : l’ambition de Waltz/Hansi a été de traduire dans sa satire les spécificités linguistiques du langage pangermaniste. Ambition couronnée de succès, car, en effet, toute la force du texte réside dans le fait que l’auteur a su magnifiquement transcrire l’allemand si caractéristique des pangermanistes, son côté tellement pédant et ridicule, pour offrir à son lectorat, par

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un jeu avec les différents registres de langue, ce qu’il convient de qualifier de métadiscours sur la langue.

Knatschke illustre l’idée de stratification interne, propre à toute langue, plurilinguisme social bientôt

étudié par Bakhtine. Citons à titre d’exemple de ce maniement pluriel de « la » langue allemande, le sous-titre de la satire: Des grossen teutschen Gelehrten u. seiner Tochter ausgewählte Schriften constitue une petite monstruosité stylistique qui permet de railler un emploi grammatical faussement littéraire et savant. L’orthographe désuète (« teutschen » est remplacé par « deutschen » au courant de la première moitié du XVIIIe siècle) renforce l’effet ridicule. Professeur Knatschke constitue en ce sens un exemple d’écriture polyphonique d’une remarquable modernité.

Une sensibilité accrue à la problématique des langues est également lisible dans la manière récurrente qu’a l’auteur d’insister sur la question de la traduction. En en faisant le thème principal du deuxième chapitre du Knatschke, le satiriste s’attaque à l’une des clés de la germanisation en Alsace, celle par laquelle on a tenté de justifier l’annexion : la présence d’une même langue, dite maternelle, dans les deux espaces en conflit. Cet argument linguistique allait par ailleurs de pair, pour la frange la plus radicale (tel le pasteur Spieser, cible récurrente de Hansi), avec la revendication d’une éradication du français. Aux yeux des nationalismes belliqueux du XXe siècle, le bilinguisme est malvenu, foncièrement dérangeant, une tare.

Avec ce chapitre, Waltz propose à son lectorat de découvrir les propositions de germanisation des rues de Paris imaginées par le Professeur Knatschke. Cette efficace raillerie contre la prétendue supériorité de la science allemande est basée sur des traductions grotesques, par exemple Saint-Germain-en-Laye devient St. Germanus-in-der-Milch. D’autres clins d’œil à la politique linguistique de l’Allemagne 1900 parsèment le texte, notamment les références au Alldeutscher Sprachverein et sa chasse aux mots « étrangers » tels que rewangchieren, Fassong , etc. Le déclencheur de la rage traductrice et annexionniste du Professeur Knatschke est la lecture d’un quotidien berlinois qui exhorte les touristes allemands en séjour à Paris à employer sans gêne (ungeniert) leur langue maternelle. D’emblée est ainsi pointée la récupération politique de la langue maternelle, synthétisée par l’image finale intitulée

Dollmetscher-Schutzmann (Waltz 1913). Cette caricature est un renvoi évident à la dérive inhérente au

concept, dérive que les régimes autoritaires (des temps modernes) ont en partage et qui consiste à imposer une langue unique pour l’instrumentaliser à des fins idéologiques.

Tout se passe comme si l’écriture plurilingue du Knatschke de Hansi puisait sa force subtile dans l’imbrication constante entre les audaces esthétique, politique et éthique, se situant décidément davantage du côté d’un chef d’œuvre tel que Der Untertan que Heinrich Mann publia en 1914, plutôt que de celui du « kitsch patriotique » qui naît du choc de l’annexion (voir Bischoff 200310). Aussi,

lorsque Waltz quitte l’allemand pluriel qu’il s’est inventé et qu’il souscrit à la traduction française du

Knatschke, c’est la dimension politique qui prend le dessus : ce qui, au mieux, fait de Hansi un militant,

mais peut-on encore l’appeler écrivain ? Hansi n’aurait-il été qu’un simple jouet manipulé par les cercles nationalistes Parisiens, pour contribuer, plus ou moins malgré lui, à préparer l’éclatement de la Première Guerre mondiale (Tyl 1989 ; Beyer 1984 ; Poncin, 1994) ? Si la critique peut paraître acerbe, la traduction française du Knatschke qui voit le jour en 1912 vient corroborer

10 A la même époque en effet beaucoup d’écrivains écrivaient du « trash patriotique » : écrits de propagande,

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cette lecture, qui fait ainsi entrevoir un auteur tout différent de ce qu’il apparaissait au travers de ses textes allemands.

La raison principale du changement (radical) de la version traduite réside dans la perte de l’ambivalence qui caractérisait le texte original, en ce qu‘il parodiait la langue allemande. En effet, avec le texte allemand, il est clair que la langue de Knatschke n’est pas (toujours) l’allemand tout court, mais seulement l’une de ses variantes possibles, ici sa forme pédante et ridicule telle qu’incarnée notamment par les membres du mouvement pangermaniste. L’orientation nouvelle – revancharde et nationaliste – que prend la traduction française est due justement à la généralisation de ce type d’allemand : dans la mesure où la préface souligne ironiquement, voire sarcastiquement le caractère imprononçable et confus de la langue allemande dans son ensemble (l’allemand étant compris comme un seul bloc)11, la version

française du Knatschke s’apparente à la typologie convenue des écrits de propagande anti-allemande qui apparaît dans le contexte d’extrême tension des années d’avant-guerre.

Ainsi, selon les langues employées (ou selon la langue dans laquelle Hansi est lu) deux regards sur l’auteur se dégagent, incarnés par ses deux langues d’expression. Aussi, dans la période qui va de 1907, première apparition de Knatschke en allemand, à 1912, date de parution de sa traduction, et qui fait que l’ouvrage Professor Knatschke paraît momentanément simultanément en allemand et en français, Hansi peut paraître double : résistant en allemand, résistant et revanchard en français.

C’est un cas d’école des études de réception qui s’offre à nous, dans le sens où prendre en compte les deux versions de la satire du Professor Knatschke ne peut que rendre sensible « aux transformations des textes qu’impose le passage d’une langue à l’autre » (Chevrel 1999). Considérer le plurilinguisme de Hansi est donc un élément crucial pour saisir la complexité de l’auteur, qui permet de concilier deux approches contradictoires de l’homme et son œuvre. Si observer la question linguistique constitue une évidence méthodologique à la base des études comparées et francophones, le fait que la Bibliothèque Nationale de France réduise Hansi au seul français, mentionné comme langue d’écriture unique dans la notice consacrée à l’auteur, semble symptomatique d’une difficulté plus générale à penser des situations plurilingues.

3. Poethik polyglott

Deux générations plus tard, c’est un autre provocateur qui invite à réfléchir sur la continuité entre le temps de Hansi et aujourd’hui : le célèbre graphiste, publicitaire, illustrateur et auteur pour la jeunesse plurilingue Tomi Ungerer, né à Strasbourg en 1931, n’a eu lui-même de cesse souligner son « condisciplinage absolu » avec l’aîné Hansi.

Leur proximité ? Outre le fait d’être tous deux des enfants terribles, l’on pourrait évoquer le rôle majeur que joue pour ces Alsaciens natifs l’expérience de la guerre, puis à quel point l’engagement politique leur est caractéristique. Autre trait commun, crucial pour notre propos : les deux auteurs se caractérisent par une sensibilité accrue aux problématiques linguistiques et invitent de ce fait à révoquer le concept de « surconscience linguistique ». Séparés, certes, dans le temps, Waltz et Ungerer s’opposent en outre de façon souvent absolue de par les revendications

11

Voir le ‘Petit traité de prononciation allemande’ que le traducteur du Professeur Knatschke fait précéder à la

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politiques et esthétiques qui fondent leurs œuvres. Ils n’en puisent par moins tous deux dans leur vécu plurilingue, marqué foncièrement par l’intrusion politique. Une intrusion politique qui est susceptible, le cas des deux auteurs en témoigne, de transformer la question linguistique en une sensible question d’identité.

L’insistance sur l’expérience comme fondement de l’acte créateur nous mène à Knauth (1991) et à sa formule de poethik polyglott : avec ce jeu de mots, Knauth met en avant le rapport intime entre la poétique du plurilinguisme littéraire et l’éthique multiculturelle, qui revêtirait une dimension centrale dans la polyglossie actuelle. C’est justement depuis cette interrelation qu’Ungerer attaque son maître, regrettant que Hansi se soit détourné du plurilinguisme et, conséquemment, du potentiel éthique et esthétique inhérent à la polyglossie. En effet Ungerer (1989, 17-18) écrit :

« L’artiste, j’en suis convainculifié, il est resbonsable de son talent (s’il en a). Le talent de Hansi est indiscutable, d’imagiste, paysagiste et surtout de satyriste. Qu’en a-t-il fait ? Le Professor Knatschke est un classique du genre, absolument ! En ligne direkte la tradition du Simplicissimus et de l’Assiette au beurre il mélange le piétinage satyrique germanique avec des pointes gallinisées du persifilage. Superbe, tordant et c’est quand même domache qu’il n’est pas continué dans cette veine.

Le ton est donné avec le titre « L’oncle Hansi mis à bien et à mal par Tomi Ungerer » qu’Ungerer a choisi pour son hommage: l’éloge sera ambivalent, et il fera appel à la morale (le Bien et le Mal)12. Point

important, la langue qu’emploie Ungerer : le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un français correct ( !). Se dessine ainsi la manière caractéristique de l’auteur de conjuguer exigence éthique et écriture plurilingue, pour faire émerger une poethik polyglott. Un autre passage du texte pourrait également illustrer cette formule :

« […] Hansi, lui n’a vécu que devant un seul horizon, d’un bleu troufionné, stérilizé, fictionné d’un arc-en-ciel tricolore. Non mais quand même ! tricolore ! il parle de l’Alsace comme d’un paradis tricolore ! Ein trikolorisches Paradis ? You have to be color blind to comme up with a formula like that. Mais c’est ça, Hansi l’imagiste aveuglé par un fanatisme d’eunuque” (Ungerer 1989 : 17).

C’est dans une langue plurilingue, joyeuse, inventive qu’Ungerer fait de nouveau la critique de son aîné, auto-proclamé monolingue, voie qu’il a fini par choisir. Aussi, ce qu’Ungerer, par contraste, salue dans le Professor Knatschke, c’est que cette satire est fondée sur le « mélange », pour tirer sa force d’un positionnement d’entre-deux, puisant autant du côté de la tradition germanique que de la gauloise. C’est dans cette veine-là, en se fondant sur le plurilinguisme inhérent à toute langue, que Hansi aurait dû poursuivre. « Domache » donc, selon Ungerer, que Hansi ait choisi le « paradis tricolore », reflet d’une revendication identitaire figée, fermée à l’Autre.

Ce dont Ungerer fait table rase, c’est du monolinguisme dogmatique imposé par une identité française que le nom de Hansi a fini par incarner. Critique acerbe que celle qu’Ungerer propose de rendre dans une belle mise en abyme, car c’est dans un

12 L’oncle Hansi que Tomi Ungerer met « à bien et à mal », est une variante du pseudonyme Hansi, faisant son

apparition en 1912, avec un premier album pour la jeunesse écrit en français et publié à Paris sous le titre

L’Histoire d’Alsace racontée aux petits enfants par l’Oncle Hansi. Pour cet ouvrage, à l’été 1914, l’Académie

française décernera à l’auteur le prix Sobrier-Arnould, destiné à récompenser les meilleurs ouvrages de littérature morale et instructive pour la jeunesse. A cette date, Waltz se trouve incarceré à Colmar, en attente d’être jugé pour haute trahison à la patrie (Landesverrat), accusation qui fait suite à la publication d’un deuxième album signé lui aussi Oncle Hansi, Mon village. Pour ceux qui n’oublient pas. L’ouvrage rencontrera un succès également fulgurant en France.

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français pluriel qu’il dénonce l’aveuglement chauvin, forcément monolingue, de son confrère et prédécesseur.

Si le mélange des langues au sein d’un seul texte est une pratique aussi ancienne que la littérature elle-même, la prépondérance de sa dimension identitaire est récente dans l’histoire littéraire. De toute évidence, l’accentuation subjective ne peut apparaître comme telle qu’avec la rupture des poétiques régulatrices au courant du XVIIIe siècle. En d’autres termes, sur plusieurs siècles, la question du choix d’une langue d’écriture ou encore le bilinguisme intratextuel n’avaient pas nécessairement de lien avec l’interrogation de l’identité de l’auteur et par l’auteur. L’exemple de l’Oncle Hansi est ici des plus clairs : selon lui, son engagement pour la France, après les débuts d’une résistance subtile (et plurilingue) contre le mouvement pangermaniste, doit finalement surtout être exprimé en français, en évitant de faire l’étalage de ses compétences dans la « langue de l’ennemi »13.

Deux générations plus tard, Ungerer se singularise par le refus de choisir et inscrit ses différentes langues dans le texte. Fort de son expérience personnelle en Alsace, où l’allemand d’abord, le français ensuite lui ont été imposés de la façon la plus brutale, et où son identité plurilingue n’avait pas droit de cité, Ungerer fonde ainsi sa poétique sur la présence concomitante de ses différentes langues pour inscrire celle-ci dans une éthique défendant les identités multiples, en réaction évidente aux politiques linguistiques subies : « français à la maison, allemand à l’école, alsacien avec mes petits copains » écrit-il dans son récit autobiographique A la guerre comme à la guerre (Ungerer 2002, 49), en témoignage de la violence potentielle des identités attribuées.

L’éthique qu’il défend à travers son hommage à Hansi est donc celle d’une identité plurielle, dont les différentes langues sont le reflet : avec la pluralité linguistique, Ungerer donne corps à sa confusion identitaire, confusion pleinement revendiquée car rebelle aux classifications mortifères14. La question

de l’identité reste ainsi centrale comme elle l’a été dans le cas de l’aîné Hansi, malgré une approche absolument inverse.

En guise de conclusion

Babel en littérature, le domaine est vaste, volatil aussi, parce qu’il relève de nombreux champs scientifiques. De ce fait, toute approche de l’expression littéraire du plurilinguisme doit être transdisciplinaire, faute de quoi elle ne ferait guère sens. Aussi, comme annoncé, je suis restée à l’état d’esquisse définitionnelle, consciente que, selon la perspective (disciplinaire) employée, la présentation aurait pu prendre une toute autre direction. Se concentrer sur l’ère moderne signifie aborder le domaine en le contextualisant historiquement : j’ai voulu focaliser plus spécialement sur les modifications du plurilinguisme littéraire liées à l’émergence d’un sentiment d’identité au sein duquel la langue de l’individu doit de plus en plus servir à assoir

13 L’un des chapitres de l’album Mon village avait tout particulièrement provoqué l’ire des autorités prussiennes.

Waltz y avait dénoncé la germanisation de l’école en Alsace après 1870 en s’attaquant à l’un des clés de voûte de l’argumentaire pour l’annexion : la langue allemande, présentée comme foncièrement étrangère aux

Alsaciens. Concernant ces complexités linguistiques et ses répercurssions sur le dispositif actuel d’enseignement bilingue (français/allemand) en Alsace voir mon article « A l’école il y a deux maîtres » (Benert 2008).

14 Pour une lecture approfondie de cet ouvrage et le potentiel qu’il offre à penser autrement le principe éducatif

« un enseignant/une langue », ainsi que pour l’analyse d’une expérimentation pédagogique autour de Tomi Ungerer en tant qu’auteur de jeunesse plurilingue, voir respectivement Benert & Hélot 2007 et 2010.

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les identités nationales et où, conséquemment, la polyglossie se transmue en phénomène (problématique). Si l’affectivité du lien entre l’individu et ses langues a peut-être une valeur universelle, ce lien devient particulièrement sensible – prépondérant –dès lors que des enjeux politiques s’en emparent. C’est à cet endroit qu’il me semble justifié d’évoquer la continuité – plus que l’idée de rupture – qui caractérise l’évolution du rapport aux langues, de Hansi à Tomi Ungerer. L’enjeu politique reste une donnée fondamentale pour comprendre le plurilinguisme littéraire dans son expression actuelle et ses répercussions sur la notion d’identité : que les langues d’un individu puissent varier, que des auteurs changent de langues et/ou s’expriment en plusieurs langues, que l’identité linguistique ne soit donc pas obligatoirement fixée à la naissance continue de heurter les esprits, tout comme le concept d’identité peine à sortir d’une vision figée. Ce constat est autant valable dans le domaine éducatif et en particulier dans la formation des enseignants de langues et des maîtres bilingues : la question de l’identité y est rarement abordée, ni de façon transversale, ni dans toute la complexité de ses dimensions.

Nous citions Renaud à l’entrée du texte, revenir à cet autre enfant terrible après Hansi et Tomi Ungerer, c’est insister sur le fait que l’esprit provocateur du chanteur réside, entre autres, dans l’emploi libre, créatif et – last but not least - plurilingue de la langue. Caractéristiques que l’on peut retrouver à travers sa chanson « C’est quand qu’on va où ». Avec cette critique virulente de l’école française, Renaud dénonce le refus (calculé) de l’institution scolaire à proposer un enseignement qui fasse sens, refus couplé à une vision des élèves/des hommes qui cantonnent ceux-ci dans

l’assujettissement :

Je m’suis chopé 500 lignes ! « Je n’dois pas parler en classe » Ras l’bol de la discipline Y’en a marre, c’est digoulasse ! C’est même pas moi qui parlais, Moi j’répondais à Arthur Qui m’demandais, en anglais, Comment s’écrit No Future […]

Ben si l’école ça rendait Les hommes libres et égaux, L’gouvernement décid’rait

Qu’c’est pas bon pour les marmots !

Ainsi la chanson de Renaud nous parle de l’imbrication de l’écriture plurilingue avec des

interrogations politiques et éthiques quant au rôle des langues à l’école, mais également identitaires avec l’élève cherchant sa voie. Babel en littérature constitue décidément un vaste champ

d’investigation, qui pourrait donner un éclairage nouveau aux recherches portant sur les questions de bi-plurilinguisme à l’école.

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