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La cartellisation politique québécoise : une étude de cas quantitative

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Academic year: 2021

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La cartellisation politique québécoise: une étude de cas

quantitative.

Mémoire

Justin Savoie

Maîtrise en science politique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

La cartellisation politique québécoise : une étude de

cas quantitative

Mémoire

Justin Savoie

Sous la direction de :

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Résumé

En 2012 puis en 2014, d’importants changements à la Loi électorale québécoise ont transformé la façon par laquelle les partis politiques se financent au Québec. La contri-bution maximale individuelle a été radicalement réduite et le financement public des partis politiques a été augmenté. Cette étude de cas quantitative tente de mesurer l’impact de cette réforme sur la participation électorale, les dépenses des partis en cir-conscription et l’offre politique partisane. À l’aide de la régression linéaire multiple, nous montrons qu’un effet sur la participation peut être possible. Nous montrons éga-lement que la réforme ne semble pas avoir affecté la façon par laquelle les partis se financent en circonscription. À l’aide de l’analyse textuelle automatisée, nous montrons que l’offre partisane a convergée de façon significative entre 2003 et 2014. Ce mémoire s’inscrit dans un axe de recherche général de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires.

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Table des matières

Résumé iii

Table des matières iv

Liste des tableaux vi

Liste des figures vii

Remerciements ix

Introduction 1

1 Recension des écrits 5

1.1 L’institutionnalisme des choix rationnels . . . 6

1.1.1 Au Québec . . . 9

1.2 La théorie du cartel. . . 10

1.2.1 La validité empirique du cartel . . . 13

1.2.2 Au Québec . . . 14

1.3 Positionnement des partis et accélération de la convergence position-nelle des partis . . . 14

2 Cadre opératoire et justification du cas choisi 17 2.1 Le cadre théorique . . . 17

2.1.1 La théorie du Cartel . . . 18

2.1.2 L’institutionnalisme des choix rationnels . . . 20

2.2 Choix méthodologiques . . . 21

2.3 Pourquoi étudier le Québec ?. . . 22

2.3.1 Description des changements à la Loi électorale . . . 24

3 Positionnement des partis et accélération de la convergence po-sitionnelle des partis 30 3.1 Méthodologie et données . . . 31

3.1.1 Wordfish . . . 31

3.1.2 Wordscores . . . 32

3.1.3 Efficacité des méthodes . . . 33

(5)

3.1.5 Données, hypothèses et modèles . . . 38

3.2 Résultats . . . 41

3.2.1 Wordfish . . . 42

3.2.2 Wordscores gauche-droite : scores de références du PLQ, ADQ, PQ (2007) . . . 43

3.2.3 Wordscores identité : scores de références du PLQ, ADQ, PQ (2007) . . . 45

3.2.4 Wordscores gauche-droite : scores de références du PVQ, du PCQ et de ON . . . 46

3.3 Discussion . . . 49

3.3.1 Performance des modèles . . . 49

3.3.2 Une mesure synthétique de la polarisation du système . . . 53

4 Les effets sur la participation et les dépenses des partis 58 4.1 Le néo-institutionnalisme des choix rationnels appliqué à l’étude des dépenses des partis et de la participation électorale . . . 59

4.2 Hypothèses . . . 61 4.3 Données et méthodologie . . . 63 4.4 Résultats . . . 65 4.5 Discussion . . . 69 Conclusion 73 4.6 Démontrer la causalité . . . 74

4.7 Qu’avons nous appris ? Un retour théorique et critique . . . 76

4.8 Contribution scientifique du mémoire . . . 81

4.9 Avenues de recherche futures . . . 82

4.10 Considérations pratiques . . . 83

(6)

Liste des tableaux

3.1 Hypothèses . . . 39

3.2 Modèles Wordfish et Wordscores . . . 40

4.1 Hypothèses, participation et dépenses des partis . . . 62

4.2 Données tests aggrégés ; par circonscription-année . . . 63

(7)

Liste des figures

0.1 Plan du mémoire . . . 4

2.1 Part du financement étatique (Données DGEQ) . . . 25

(a) Part étatique du financement (%) . . . 25

(b) Financement étatique et populaire ($) . . . 25

2.2 Dépenses réelles en circonscription . . . 26

(a) Absolue ($) . . . 26

(b) Relative (%) à la limite permise . . . 26

3.1 Positionnement des partis politiques 2003-2014 . . . 47

(a) Wordfish . . . 47

(b) Wordscores gauche-droite 1 Colette - Pétry (base) . . . 47

(c) Wordscores identité . . . 47

(d) Wordscores gauche-droite 2 PVQ, PCQ . . . 47

(e) Wordscores gauche-droite 3 ON, PCQ . . . 47

(f) Wordscores gauche-droite 4 global . . . 47

3.2 Corrélation entre les estimés et les mesures de Pétry (2013). . . 52

(a) Wordfish . . . 52

(b) Wordscores gauche-droite 1 . . . 52

(c) Wordscores gauche-droite 2 . . . 52

(d) Wordscores gauche-droite 3 . . . 52

(e) Wordscores gauche-droite 4 . . . 52

3.3 Corrélation entre les estimés et les mesures de la Boussole électorale (Montigny et al., 2013) . . . 54

(a) Wordfish . . . 54

(b) Wordscores gauche-droite 1 . . . 54

(c) Wordscores gauche-droite 2 . . . 54

(d) Wordscores gauche-droite 3 . . . 54

(e) Wordscores gauche-droite 4 . . . 54

3.4 Mesure de polarisation du système partisan . . . 55

4.1 Participation électorale et marge de victoire . . . 66

(a) Modèle pour les cinq élections . . . 66

(b) Modèle épuré . . . 66

4.2 Dépenses en circonscription et marge de victoire (a) . . . 67

(8)

(b) Modèle épuré . . . 67

4.3 Dépenses en circonscription et marge de victoire (b) . . . 68

4.4 Participation individuelle et marge de victoire . . . 69

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Remerciements

Je tiens à souligner l’important support de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions. Merci également au Directeur général des élections du Québec. Ces collaborations sont si précieuses pour tous les étudiants chercheurs.

François, Mathieu, Eric et Marc, vous m’avez donné des opportunités en or en recherche. Vous m’avez introduit à un monde fascinant. C’est vraiment apprécié. À Eric, un merci tout spécial pour d’excellents conseils, toujours. Je n’ai certainement pas toujours été l’étudiant le plus ponctuel, constant ou discipliné. Par contre, tu as toujours eu ce petit je ne sais quoi me permettant ultimement d’avancer. Mes errements, tergiversations, procrastinations, essais et erreurs, jumelé à ton constant support, lui toujours constant, m’ont finalement permis de produire un travail dont je suis fier. L’ambiance intellec-tuelle, conviviale et pragmatique de grande qualité que vous cultivez à la Chaire m’a aussi permise d’apprendre énormément, bien au delà des thèses et arguments défendus dans ce mémoire.

Merci beaucoup à tous les amis et collègues de la Chaire, du GRCP, du CAPP, de l’APEUL et du département. Un merci spécial à Mickael et Yannick pour une initiation

(10)

en profondeur à la science des données.

Merci à maman, papa, Pierre et Manou. Je vous dois beaucoup. Ali, l’ultime merci t’es réservé !

(11)

Introduction

Ce mémoire part du constat que d’importants changements à la Loi électorale québé-coise ont transformé la façon par laquelle les partis politiques se financent au Québec. Les symptômes les plus évidents de cette transformation radicale des pratiques en ma-tière de financement politique sont la diminution de 97% de la contribution maximale autorisée et la hausse de 200% du financement public par tête1.

Pour le citoyen politisé soucieux de la vitalité de ses institutions démocratiques, l’étude des causes et des conséquences d’une telle réforme est cruciale. Du côté des causes, quels acteurs politiques, et pour quelles raisons, ont milité en faveur ou en défaveur de la réforme du financement des partis ? Dans un grand nombre de juridictions, le déclin du militantisme et les difficultés croissantes à se financer grâce aux contributions individuelles forcent les partis à revoir leur organisation et leur structure de financement. Pour les partis affectés par cette baisse des contributions, le financement public peut sembler alléchant. À l’opposé, les partis ayant davantage de facilité à lever des fonds peuvent s’opposer à de tels changements afin de conserver leurs avantages. Ces tensions sont réelles. Elles influencent et déterminent le choix du système de financement.

1. Entre 2010 et 2012, la contribution monétaire maximale autorisée est passée de 3000$ à 100$ et le financement étatique par électeur est passé de 0.5$ à 1.5$

(12)

Les questions précédentes concernent les causes d’une réforme. L’objet d’étude de ce mémoire concerne plutôt les conséquences de la réforme.2 Ainsi, on peut croire que

ces changements majeurs au système de financement ont des effets tangibles sur la vie politique. Comment les partis s’adaptent-ils aux nouvelles législations ? Modifient-ils la façon par laquelle ils dépensent en circonscription ? Les citoyens sont-ils en mesure de réaliser l’ampleur des changements ? Sont-ils en mesure d’adapter leur façon de voter ; le souhaitent-ils ? La participation électorale et le cynisme peuvent-ils être affectés ? Dans chacune de ces questions, c’est le lien entre les partis et le citoyen qui est en jeu. En somme, ce sont les effets de la réforme québécoise du financement des partis politiques sur le lien entre les partis et le citoyen qui constituent l’objet d’étude de ce mémoire.

Principaux résultats

Les deuxième et troisième chapitres de ce mémoire présentent des résultats empiriques originaux. Au second chapitre, nous utilisons l’analyse de contenu automatisée pour montrer qu’il y a une convergence positionnelle des plateformes des partis politiques. Nous montrons que malgré certaines divergences dans les résultats des estimés produits par les différentes méthodes, il est possible de noter une convergence positionnelle des partis, tel que mesuré par le contenu des plateformes desdits partis. Nous lions cette convergence positionnelle à la théorie du cartel. En effet, une des hypothèses de la théorie est que la transformation progressive des partis politiques d’organes privés vers des structures étatiques entraine également une convergence de l’offre politique. Nos

2. Nous conceptualisons la réforme du financement des partis politiques au Québec de la façon suivante. La réforme a des causes et entraine des effets. Ce mémoire explore uniquement les effets. Nous laissons l’étude des causes à d’autres ; un projet trop ambitieux pour ce mémoire.

(13)

résultats tendent à valider cette hypothèse.

Au troisième chapitre, nous étudions les effets de la réforme sur la participation élec-torale et les dépenses des partis en circonscription. Nous montrons qu’il y a eu un effet possible sur la participation, lors de l’élection de 2014. La réforme est correllée à une augmentation de la participation dans certaines circonscriptions faiblement contestées. Cependant, nous ne trouvons pas d’impact sur les dépenses des partis. L’hypothèse que les partis s’adaptent rapidement à la nouvelle réalité financière les régissant n’est que partiellement validée.

Organisation du mémoire

Ce mémoire a quatre chapitres et une conclusion. Le premier chapitre est une recen-sion des écrits. Le second chapitre présente le cadre théorique et la justification du cas choisi. Le troisième chapitre teste la convergence idéologique des partis. En effet, une des hypothèses de la théorie du cartel stipule que la convergence idéologique partisane découle d’un rapprochement réel des partis. En intégrant les structures de l’État, les partis s’institutionnalisent, et surtout, tendent graduellement à proposer les mêmes op-tions politiques. Le quatrième chapitre étudie la magnitude de la cartellisation à travers la mesure de variables substitutives (proxy variables) comme le taux de participation et les dépenses des candidats dans les circonscriptions non-compétitives. La conclusion présente une discussion des résultats des chapitres empiriques ainsi qu’une réflexion sur les limites de l’étude.

(14)

Figure 0.1 – Plan du mémoire Chapitre 1 : Cadre théorique et revue de la littérature Les effets de la réforme du financement des partis politiques au Québec : Chapitre 3 : Convergence positionnelle des plateformes des partis Chapitre 4 : Effets sur la participation et les dépenses L’institutionnalisme des choix rationnels : Pour expliquer la rationalité des acteurs La théorie du Cartel : Pour expliquer la spécificité du cas du financement politique L’offre politique se réduit : Implication directe de la théorie du Cartel Intégration des structures de l’État et calculus écono. : Implication de la théorie du Cartel Maximisation des ressources ($) : Implication directe de l’institutionnalisme des choix rationnels

théoriques liant les trois chapitres du mémoire. Après avoir présenté la recension des écrits et le cadre théorique au premier chapitre, le deuxième chapitre utilise la théorie du cartel afin de présenter les résultats d’une analyse de convergence positionelle des plateformes des partis politiques. Le troisième chapitre utilise à la fois la théorie du cartel et l’institutionnalisme des choix rationnels pour décrire les effets de la réforme sur la participation électorale et les dépenses des partis en circonscription.

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Chapitre 1

Recension des écrits

L’institutionnalisme des choix rationnels (Hall et Taylor, 1996) et la théorie du cartel (Katz et Mair, 1995) constituent le socle théorique de ce mémoire. Dans ce chapitre, nous présentons d’abord l’institutionnalisme des choix rationnels, une approche générale de l’étude des phénomènes politiques inspirée par la théorie économique et la théorie des organisations. L’approche met de l’avant la rationalité de l’acteur, jumelée à une prise en compte de l’influence des institutions. Nous présentons ensuite la théorie du cartel. Cette dernière lie les difficultés croissantes des partis politiques ces dernières années à leur volonté d’intégration de l’État. Cette intégration des structures étatiques assure un financement public croissant. Nous argumentons que la théorie du cartel peut être vue à l’intérieur de l’institutionnalisme des choix rationnels. Nous terminons le chapitre avec un aperçu descriptif de la situation au Québec. Nous discutons du déclin du financement populaire et décrivons les principaux changements à la Loi électorale ayant affecté le Québec entre 2010 et 2013. Ces changements sont présentés à la lumière

(16)

de l’institutionnalisme des choix rationnels et de la théorie du cartel.

1.1

L’institutionnalisme des choix rationnels

Pourquoi les politiciens et les partis politiques modifient-ils les règles gouvernant leur propre conduite ? Quelles sont les conséquences sur la vie démocratique ? Ces deux ques-tions fondamentales sous-tendent la réflexion sur l’évolution des structures politiques. À ce jour, Boix (1999) offre la réponse la plus éclairante à la première question. Bien qu’il n’aborde pas la question du financement des partis politiques, mais plutôt celle du mode de scrutin, son explication s’applique aussi à la question du financement. Les partis, en particulier ceux au pouvoir, cherchent à optimiser leur position dans l’espace politique. Les partis souhaitent adopter des nouvelles lois ou souhaitent transformer des lois existantes afin de bénéficier de plus de ressources financières, d’obtenir un avantage électoral ou de limiter la compétition. Dès lors, les partis politiques les plus influents souhaitent maintenir le système en place lorsque celui-ci les favorise. À l’opposé, ces partis souhaitent modifier ce système lorsque leur position avantageuse est menacée, ou simplement lorsque leur situation se dégrade à un tel point qu’il devient évident qu’un autre système serait plus favorable.

L’explication proposée parBoix est universelle au sens de Sartori(1970). L’explication n’a pas beaucoup de propriétés. Simplement, les partis politiques cherchent à maximiser leur utilité sous contrainte. Par contre, la thèse du cartel (Katz et Mair,1995), présentée dans la section suivante est plus nuancée. Surtout, le cartel est plus spécifique à notre

(17)

question d’étude : le financement politique. Boix parle de maximisation de l’utilité du politicien et du parti, Katz et Mair parlent de déclin du membership et de l’intérêt pour les activités partisanes et le financement populaire.

La deuxième question sur les effets de la réforme est à la fois simple et complexe. Elle est simple car il s’agit d’une question factuelle. Une réponse empirique peut être fournie. En effet, lorsqu’on étudie les causes d’un changement institutionnel, la réponse peut se trouver très loin dans le passé. L’information disponible peut être limitée et il est très souvent difficile d’imaginer un scénario contrefactuel. À l’opposé, les effets d’une réforme sont plus simples à étudier. Qu’est-ce qui a changé ? Comment l’adoption de la réforme rend-elle la juridiction en question similaire à d’autres juridictions existantes ? En même temps, la question est complexe en ce sens qu’il peut être difficile d’isoler un effet causal. Comment peut-on être sûr que la différence observée avant et après la réforme est due à la réforme plutôt qu’à un autre facteur ? Dans les deux chapitres suivants, nous proposons plusieurs tests statistiques visant à éclairer ladite relation. Nous discutons des limites de ces tests dans la conclusion.

Ainsi, les énoncés plus haut, soit : (1) Pourquoi les politiciens et les partis politiques modifient-ils les règles gouvernant leur propre conduite ? (2) Pourquoi et quand est-il légitime de le faire ? (3) Quelles sont les conséquences sur la vie démocratique ? sont au coeur de l’étude de l’évolution d’un changement politique institutionnalisé. Qu’on pense au mode de scrutin, au choix d’une constitution, ou dans ce cas-ci, au financement des partis politiques, ces trois questions permettent de réfléchir sur ce qui précède (ou ce qui cause) un important changement, et aux conséquences dudit changement.

(18)

L’institutionnalisme des choix rationnels est une variante de la théorie des choix ra-tionnels. Les postulats principaux, préférences strictes des acteurs, rationalité de leur conduite, sont les mêmes. Toutefois, l’institutionnalisme des choix rationnels ajoute que des institutions matures et stables ont un poids réel et significatif sur les processus décisionnels des acteurs. Quatre caractéristiques sont centrales à l’approche. Les deux premières caractéristiques sont également présentes dans la théorie classique des choix rationnels (Hall et Taylor,1996) (importance des postulats comportementaux et de l’ac-tion collective). Les deux autres caractéristiques sont propres à l’institul’ac-tionnalisme des choix rationnels (importance des règles du jeu et de l’origine des institutions). Première-ment, l’institutionnalisme des choix rationnels fait usage de postulats comportementaux exigeants. L’acteur a des préférences bien définies et strictement monotones1 et

tran-sitives2. De plus, l’acteur agit instrumentalement afin de satisfaire ces préférences, ou

de maximiser une fonction de ces préférences.

Deuxièmement, une autre caractéristique de l’institutionnalisme des choix rationnels concerne la propension à étudier chaque phénomène politique comme un problème d’action collective. Un tel problème apparaît lorsque des individus maximisant leurs propres préférences produisent ultimement un résultat globalement sous-optimal (sous-optimal même pour ceux qui cherchaient à maximiser au début)3.

Troisièmement, en complément à la première caractéristique, le rôle des institutions

1. Il préfère une quantité raisonnable de pain et de vin à beaucoup de pain et aucun vin, ou beaucoup de vin et aucun pain.

2. S’il préfère une Maserati à une Mazda et une Mazda à une Lada, il préfère une Maserati à une Lada.

3. Le dilemme du prisonnier est un exemple classique. Voir aussiOstrom(2008) pour un exemple

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comme règles du jeu à l’intérieur desquelles peut se tenir le calcul rationnel maximi-sateur doit être souligné. Les institutions structurent les processus de choix rationnels. Elles sont les garde-fous de ce qui est permis pour les acteurs. Les acteurs rationnels ont donc des comportements tributaires de la structure institutionnelle. Autrement dit, un comportement rationnel dans une juridiction peut être un comportement irrationnel dans une autre.

Quatrièmement, l’institutionnalisme des choix rationnels concerne la façon par laquelle l’approche explique l’origine des institutions. Une approche déductive permet de spé-cifier le rôle d’une institution. Ensuite, le chercheur explique le rôle de l’institution en fonction de l’avantage ou de la valeur que cette institution a pour l’acteur politique. En d’autres termes, les institutions naissent (ou sont transformées) car elle sont béné-fiques aux principaux acteurs politiques. Les institutions ne naissent pas à travers un processus historique opaque. (Hall et Taylor, 1996, p. 944-945)

Au niveau théorique, l’institutionnalisme des choix rationnels est important pour com-prendre la démarche de ce mémoire. Les acteurs politiques modifient des structures institutionnelles qui sont devenues sous-optimales. Les nouvelles institutions leurs per-mettent d’augmenter leurs ressources et d’optimiser leur positionnement dans l’envi-ronnement politique.

1.1.1

Au Québec

On retrouve l’influence de l’institutionnalisme des choix rationnels principalement dans le troisième chapitre. Dans ce chapitre, il est argumenté que la réforme du financement

(20)

des partis politiques au Québec est une réponse rationnelle à un problème réel affectant les partis politiques au Québec. Avec une difficulté croissante à trouver du financement populaire, les partis ont dû trouver des façons alternatives de se financer. Suite à des scandales liés au financement illégal des partis (une des façons alternatives trouvées pour se financer), il devenait urgent de modifier la Loi électorale. La réforme du finan-cement est une réponse rationnelle à ce problème. Dès lors, il est probable que les partis politiques cherchent également à modifier leur comportement en période électorale et en période non électorale afin de maximiser leurs bénéfices. Plus spécifiquement, en incorporant une importante subvention liée au score électoral, il est possible que les modifications à la Loi électorale poussent les partis à maximiser le nombre de votes reçus afin de maximiser leurs ressources financières. Cette hypothèse est testée dans le troisième chapitre.

1.2

La théorie du cartel

Nous l’avons mentionné, l’explication proposée par l’institutionnalisme des choix ration-nels est assez universelle au sens de Sartori (1970). Simplement, les partis politiques cherchent à maximiser leur utilité sous contrainte. Toutefois, la théorie du cartel est plus spécifique dans le cadre de notre objet d’étude : le financement des partis poli-tiques. L’institutionnalisme des choix rationnels et la théorie du cartel ne s’opposent pas. Il est aisé d’insérer la théorie du cartel à l’intérieur du cadre, beaucoup plus large, de l’institutionnalisme des choix rationnels.

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sug-gèrent l’émergence du parti de cartel. Se substituant au parti attrape-tout qui, tel un courtier, agissait comme lien entre l’État et la société civile, le parti de cartel glisse subtilement à l’intérieur de l’État afin de bénéficier de ses ressources et s’établit du-rablement en nouvelle entité étatique. Pour ces auteurs, avec le parti de cartel, l’offre politique se stabilise, il y a renversement des rôles électoraux (au lieu de pouvoir exercer un choix libre aux quatre ans, les électeurs se trouvent devant une classe politique uni-fiée, pratiquant la collusion qui domine), la démocratie devient synonyme de stabilité (y compris à l’assemblée législative), la compétition s’affaiblit, et la politique devient une

business où des politiciens de carrière offrent un produit à un électorat-client. Parmi

les conditions supplémentaires nécessaires pour être en présence de partis de cartel, pensons notamment à du financement largement public, aux barrières à l’entrée, à une conception atomistique du membership, à l’éloignement du chef par rapport aux membres ou à une diminution de la compétitivité des partis politiques.

Les causes : un déclin du militantisme ainsi qu’une professionnalisation des politiciens et du personnel politique (et de campagne). Le déclin du militantisme signifie que les partis ont moins de ressources ; ils doivent en chercher de nouvelles. La professionnalisation de la politique signifie que les gens s’y impliquant ont beaucoup à perdre lors d’une déroute électorale. Du coup, ces changements conduisent à l’éloignement des partis politiques de la société civile.

Les principaux arguments concernant la pertinence d’une législation s’attaquant ou favorisant le cartel sont normatifs. Il est communément admis qu’une stricte règlemen-tation des contributions est souvent associée à un financement étatique plus important,

(22)

une des caractéristiques centrales du cartel. À l’opposé, une faible réglementation sera souvent associée à d’importantes contributions. Une réalité intuitive supportée par la littérature (Ewing et Ghaleigh,2007). Dès lors, le débat s’imbibe d’une importante dose de normativité. La liberté d’expression doit-elle inclure le droit de contribuer, et jusqu’à quel niveau, au candidat ou au parti de son choix (Tolini,2007;Commission électorale britannique, 2004) ? Une contribution à ce débat philosophique dépasse largement le cadre de la présente étude.

Parmi les premiers à critiquer le concept de cartel,Koole(1996) voit difficilement com-ment on peut appliquer un concept systémique (pour avoir présence de collusion et d’un cartel, il faut par définition avoir plusieurs partis de cartel) à l’étude individuelle des partis. Koole ne voit pas non plus le déplacement des partis à l’intérieur de l’État comme le signe d’un éloignement par rapport à la société civile, ce déplacement s’inscrivant plu-tôt dans un flou grandissant entre la société civile et l’État depuis un siècle. Pour sa part, Kitschelt (2000) réfute l’idée même de cartel en se basant sur un raisonnement logique en théorie des jeux où les partis n’ont aucun incitatif à former un cartel ainsi que sur des données empiriques montrant que les partis sont de plus en plus à l’écoute des demandes de l’électorat. Quelques années plus tard, dans un chapitre de collectif,

Wolinetz (2005) lie l’émergence du parti attrape-tout et du parti de cartel à des formes de protection choisies par les partis afin de lutter contre les difficultés liées au déclin de la participation des membres. Se rapportant à la typologie de Strom (1990), Wolinetz rapproche les partis office-seeking aux partis de cartel et les partis vote-seeking aux par-tis attrape-tout. Pour lui, on doit d’abord penser le parti contemporain comme entité

(23)

pouvant répondre de plusieurs manières (cartellisation, rapprochement des membres, image) aux pressions internes et externes.

1.2.1

La validité empirique du cartel

De nombreux chercheurs ont testé la validité empirique du parti de cartel. Les résultats sont, au mieux, très mitigés (Pierre et al., 2000; Yishai, 2001; Clift et Fisher, 2004;

Detterbeck, 2005; Aucante et Dézé, 2008; Koss, 2008; Katz et Mair, 2009). Un des points les plus litigieux consiste en l’absence de lien entre le financement étatique et les barrières à l’entrée (Scarrow,2006). Étudiant le cas belge, Weekers et al. (2009) consi-dèrent la peur de la corruption et les besoins grandissants en matière de financement électoral comme ayant plus d’impact sur la probabilité d’augmenter le financement public des partis que la coopération ou la collusion.

Au Canada, évaluant la thèse du cartel, MacIvor (1996) trouve des preuves de collu-sions entre les partis fédéraux au cours de la décennie 1990 et une utilisation importante de subventions publiques servant les intérêts propres des partis. Pour elle, il s’agit de preuves partielles mais suffisantes pour valider la thèse. Ces premiers résultats sont tou-tefois largement mis en question dans les années suivantes (Young, 1998). Un ouvrage collectif fait une synthèse de la thèse du cartel et de la situation au Canada vers la fin des années 2000 (Jansen, 2011). Pour les auteurs, le financement des partis politiques s’est transformé, passant d’un financement corporatif et syndical à un financement in-dividuel. Dans la section suivante, nous allons montrer que la situation est sensiblement différente au Québec.

(24)

1.2.2 Au Québec

On retrouve l’influence de la théorie du cartel dans les deuxième et troisième chapitres. Dans le deuxième chapitre, l’hypothèse stipulant que la réforme du financement des partis politiques accélère la convergence des partis politiques découle directement de la thèse du cartel. En effet, la théorie affirme qu’en intégrant les structures de l’État, les partis convergent autant au niveau des structures que de l’offre politique (Katz et Mair,

1995,2009; Blyth et Katz, 2005;Pelizzo,2008). Ce point est discuté dans ce chapitre. Dans le troisième chapitre, le lien théorique est moins direct. Avec le cartel, les partis souhaitent intégrer les structures de l’État afin de bénéficier de ses ressources finan-cières. Dès lors, il est normal que les partis modifient également leur conduite afin de bénéficier au maximum des ressources de l’État : les partis chercheront à maximiser leurs ressources. Ici, la théorie du cartel est construite sur le postulat de rationalité de l’institutionnalisme des choix rationnels.

1.3

Positionnement des partis et accélération de la

convergence positionnelle des partis

Pelizzo (2008) fournit l’un des exemples empiriques les plus solides à l’effet qu’une cartellisation du système partisan entraine une convergence positionnelle des partis. En appui à Katz et Mair (1995) qui, dès la formulation initiale de la thèse du car-tel, affirmaient que l’offre politique est moins diversifiée qu’auparavant, Pelizzo trouve une très forte collusion chez les politiciens italiens. Essentiellement, l’offre politique

(25)

ne suit pas la demande et tous les partis joignent leurs efforts lorsque vient le temps d’empêcher une mesure qui leur serait dommageable, même s’il y a consensus au sein de la population. L’exemple de l’abolition des subventions aux partis politiques ita-liens en 1993 est donné : à l’époque, plusieurs accords inter-partisans furent suffisants pour faire capoter le projet. Toutefois, dans son analyse, Pelizzo s’en tient à l’étude du comportement législatif des partis. Ainsi, Pelizzo ne discute pas explicitement de la convergence positionnelle proprement idéologique ou stratégique, mais plutôt de la convergence positionnelle tactique.

Blyth et Katz(2005) vont un pas plus loin. Pour ces auteurs, l’essence même de l’oppo-sition gauche-droite est menacée par la cartellisation. La capitulation des partis socia-listes attrape-tout face aux impératifs du marché les a rapproché du centre ou même du centre droit. Un déplacement idéologique généralisé est identifié ; un déplacement vers des politiques économiques néo-libérales où la mondialisation et une gestion politico-administrative managériale sont la norme.

Plus largement, Blyth et Katz proposent une vision multidimensionnelle du processus de cartellisation. Bien qu’il soit vrai que Katz et Mair (1995) aient affirmé qu’avec la cartellisation, l’offre politique est moins diversifiée qu’auparavant, cette caractéristique est loin d’être centrale à leur modèle. Plutôt, c’est la présence de ressources financières publiques ou étatiques pour les partis qui est au coeur du processus de cartellisation.

Blyth et Katz remettent en question ce constat fort, affirmant que le processus est plus complexe. Spécifiquement, l’espace politique décisionnel (policy space) est réduit. Il devrait y avoir convergence des positions politiques des partis. Un constat empirique

(26)

partagé par Potrafke (2009) qui étudie la convergence positionnelle des partis dans les pays de l’OCDE.4

À notre connaissance, au Québec, les analyses de la convergence positionnelle des partis ne sont pas reliées à l’étude de la cartellisation des partis politiques. Plutôt, ces études sont méthodologiques et axées sur le développement d’indicateurs fiables servant à mesurer la position des partis. Par exemple, Pétry (2006), Pétry (2013) et Collette et Pétry (2012) examinent le positionnement des partis à l’aide d’une analyse du contenu de leurs plateformes électorales. Ces auteurs, étudiant la période 1976-2008, trouvent une convergence dans le contenu des plateformes. Ce mémoire prolongera cette étude aux élections de 2012 et 2014.

4. Un constat empirique seulement, et non théorique, carPotrafkerejette le lien entre la

mondia-lisation et la convergence positionnelle. Cette convergence, ou le déclin de la polarisation du système de partis, est donc dû à d’autres facteurs. Néanmoins, la convergence semble réelle.

(27)

Chapitre 2

Cadre opératoire et justification du

cas choisi

Ca chapitre présente le cadre opératoire du mémoire. Dans un premier temps, nous justifions le choix du cadre théorique. Ensuite, nous présentons et discutons les choix méthodologiques effectués. Nous terminons avec la présentation du cas choisi : la ré-forme québécoise du financement des partis politiques. Nous justifions la pertinence de ce choix.

2.1

Le cadre théorique

Un pan important de la recherche sur les partis politiques étudie les systèmes de partis, leurs structures de financement et la compétitivité du système. Un des principaux fils conducteurs de ces travaux consiste en l’étude du lien entre les partis et la société civile

(28)

avec la société civile ? Les citoyens sont-ils impliqués dans les partis ? Le financement est-il individuel ou étatique ? Dans un premier temps, nous justifions la pertinence de la théorie du Cartel ; l’aboutissement en quelques sortes de la réflexion sur l’évolution des systèmes de partis. Ensuite nous inscrivons la théorie du Cartel à l’intérieur de l’institutionnalisme des choix rationnels. Ensuite, nous présentons les choix méthodolo-giques effectués, ainsi que la raison pour laquelle nous avons retenu le choix du Québec. En complément de la justification du choix québécois, nous terminons en décrivant l’évolution des changements à la Loi électorale.

2.1.1 La théorie du Cartel

Dans la littérature académique, un accroissement important du financement public des partis politiques, tel que celui observé au Québec, est bien connu. C’est une des principales résultantes de ce qu’on appelle une cartellisation des partis politiques. Cette cartellisation, terme introduit par Katz et Mair (1995), entraîne la collaboration ou la collusion de partis politiques calculateurs cherchant à devenir des agents de l’État pour profiter de ses ressources financières. Dans le Cartel, les partis cherchent aussi à coopérer afin de maximiser leurs chances de survie sur le long terme, notamment en empêchant l’émergence de nouveaux partis. En bref, Katz et Mair identifient un déplacement des partis vers l’intérieur de l’État : les partis y voient un gage de stabilité et l’occasion d’assurer un financement continu.

Ce mouvement général des partis politiques vers l’intérieur de l’État n’est pratiquement pas contesté par les chercheurs (Katz et Mair, 2009, p. 755). De plus en plus, outre le

(29)

fait de bénéficier des ressources de l’État, les partis sont contraints par des règles éta-tiques ; leur rôle institutionnel est accru. Bien sûr, il y a des exceptions : les États-Unis et le Canada depuis 2011 par exemple. Aux États-Unis, les partis demeurent assez in-dépendants et leur financement ne provient pas de l’État. Au Canada, depuis 2011, un mouvement inverse, c’est à dire une imbrication moindre des partis et de l’État, a été observé ; le financement étatique des partis politiques a été graduellement supprimé. Toutefois, malgré ces exceptions, le mouvement général des partis politiques vers l’in-térieur de l’État est réel et bien documenté. Par contre, les effets de ce déplacement des partis politiques vers l’intérieur de l’État peuvent être remis en question. Les partis s’adaptent-ils rapidement ? Quelles sont les répercussions sur la vie démocratique ? Le terme Cartel est-il adéquat ?

Déplaçant notre regard des comportements politiques et individuels vers l’offre par-tisane, deux hypothèses contradictoires s’affrontent en Occident. D’une part, certains auteurs observent une polarisation idéologique croissante depuis les années 1970. En effet, suite à la Seconde Guerre Mondiale, la reconstruction et l’édification d’un État providence avaient entraîné un grand consensus politique. Après la fin de ces projets de société, une polarisation croissante s’est installée chez les électeurs, les élites et les partis (Abramowitz et Saunders, 2008). D’autre part, différents auteurs croient plutôt voir l’inverse : une convergence idéologique des individus et des partis. Il s’agirait même d’une conséquence directe de la cartellisation politique ; les partis, les politiciens et les employés de carrière souhaitant simplement naviguer tranquillement les vagues électo-rales afin de minimiser les pertes en cas de défaite (Katz et Mair,2009). De ce fait, il y

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aurait une pression favorisant la convergence idéologique. Il s’agit d’une thèse générale soutenue par Fiorina et al. (2005) ; une thèse soutenue, dans le contexte spécifique de la littérature sur le Cartel, par Pelizzo (2008) et Blyth et Katz (2005). En somme, la convergence idéologique des partis est une question empirique et testable. La littérature sur le Cartel suggère la convergence.

Ainsi, le déplacement graduel des partis politiques vers l’intérieur de l’État afin de bé-néficier de ses ressources financières est bien documenté dans les écrits sur le Cartel. Dans ce mémoire, nous mobilisons également l’institutionnalisme des choix rationnels. Nous argumentons que le processus amenant les politiciens et les partis à s’adapter, et à former un Cartel, puise ses origines dans une rationalité tributaire de la configura-tion instituconfigura-tionnelle existante. L’instituconfigura-tionnalisme des choix raconfigura-tionnels et la théorie du Cartel constituent donc le socle théorique de ce mémoire.

2.1.2

L’institutionnalisme des choix rationnels

La théorie du Cartel se base principalement sur le postulat de rationalité des acteurs. En effet, si les acteurs se déplacent vers l’intérieur de l’État, ils le font pour maximiser leurs ressources financières et leurs chances de survie. Il est ainsi pertinent de dépasser le cadre strict de la théorie du Cartel. Même si les questions abordées au troisième cha-pitre traitant de participation électorale et de structure des dépenses des partis ne font pas partie des implications initiales du Cartel, elles sont des implications directes de la rationnalité des acteurs. Elles sont liées à l’évolution de la vie partisane. Un aspect in-téressant de cette analyse est qu’elle permet de dépasser l’étude seule du comportement

(31)

des élites. Dans la théorie du Cartel, l’objet d’étude principal est le comportement du parti et des acteurs principaux du parti. Le troisième chapitre de ce mémoire pousse encore plus loin cette étude. Nous tentons de voir si les citoyens se comportent aussi de façon rationnelle, en observant et en réagissant aux modifications ayant eu lieu. En somme, nous croyons que l’étude de la rationalité des acteurs peut se faire des deux côtés. D’une part, nous étudions le positionnement des partis et la structure de leurs dépenses. Nous étudions le comportement des élites. D’autre part nous étudions la ré-action des citoyens à ces changements. La théorie du Cartel et l’institutionalisme des choix rationnels se conjuguent bien afin d’offrir une vue d’ensemble des effets de la réforme.

2.2

Choix méthodologiques

Dans ce mémoire, la méthodologie employée est quantitative. En effet le mémoire s’ins-crit dans un axe de recherche plus large de la Chaire sur la démocratie et les institutions sur les effets de la réforme du financement des partis politiques. D’autres chercheurs de la Chaire sont présentement en train de réaliser une revue systématique des écrits sur les réformes du financement ainsi qu’une analyse qualitative d’interviews avec des membres de partis politiques. Généralement, l’union de chercheurs employant diverses méthodologies au sein d’une même équipe de recherche permet une enquête plus ap-profondie. En pratique, il est pertinent pour le chercheur de se concentrer sur une ou quelques méthodes et de collaborer avec d’autres chercheurs étudiant la même question sous un autre angle (Gehlbach, 2015).

(32)

Les chapitres empiriques utilisent respectivement l’analyse textuelle automatisée et une analyse statistique par régression. Ces choix découlent directement des implications de la théorie du Cartel. Une des principales hypothèses de la théorie du Cartel, est la convergence idéologique. L’analyse de contenu automatisée se prête bien à cet exercice. En ce qui concerne l’analyse des comportements politiques et électoraux ainsi que des dépenses des partis politiques, l’analyse par régression est une des méthodes les plus utilisées en science politique. L’analyse de régression permet de mesurer l’effet d’une variable indépendante sur une variable dépendante, lorsqu’on contrôle pour l’effet de variables confondantes. Dans notre cas, la principale variable indépendante d’intérêt est la réforme du financement des partis politiques. L’analyse de régression se prête bien à l’inclusion d’une variable dichotomique (avant et après la réforme) mesurant l’effet de la réforme. Mentionnons en terminant que l’auteur de ce mémoire a considéré l’exercice comme une occassion pour développer une compétence dans l’utilisation de certaines méthodes. Celles-ci sont inspirées d’autres travaux, et appliquées à l’objet d’étude : les effets de la réforme du financement des partis politiques au Québec.

2.3

Pourquoi étudier le Québec ?

Les changements apportés entre 2010 et 2012 à la Loi québécoise régissant le finance-ment des partis politiques sont majeurs : diminution de 97% de la contribution maxi-male autorisée et hausse de 200% du financement public par tête. Deux statistiques supplémentaires illustrent la situation. Premièrement, dans une perspective comparée, le financement public direct en proportion de l’électorat a plus que triplé depuis

(33)

l’adop-tion de la réforme. En 2010, au Québec, l’État offrait 0,92$ par électeur en moyenne annuellement aux partis. Ce chiffre est une moyenne sur le cycle électoral (incluant une année électorale par cycle où les dépenses sont plus élevées). Le Québec se retrouvait alors assez bas dans la liste des différentes administrations fournie par Turgeon (2012, p. 103). À environ 2,30$ par électeur en 2015, le Québec se rapproche des administra-tions les plus généreuses comme la Belgique (3,64$) et la Suède (3,58$). Deuxièmement,

Turgeon (2012, p. 119) compare aussi la part du financement public direct dans les fi-nances des partis politiques.1À 30,5% avant les réformes, le Québec était en milieu de

peloton, entre l’Allemagne (30,2%) et la Belgique (37,9%). Avec la réforme, la part du financement public direct dans les finances des partis politiques est maintenant entre 60 et 80%, ce qui classe le Québec au second rang derrière le Mexique. En somme, le cas québécois est majeur. La réforme fait passer le Québec d’un cas typique à un cas atypique ; d’un cas dans la moyenne à un cas où le financement public devient plus important.

Voici pourquoi l’argument dans ce mémoire est que les importants changements ayant affecté la structure du financement politique des partis politiques québécois entre 2010 et 2012 doivent être vus à la lumière de la théorie du Cartel de Katz et Mair. Les changements inscrivent le Québec comme véritable cas d’école de cette théorie.

1. Ce chiffre de 2,30$ est obtenu en faisant une moyenne pondérée du financement en année élec-torale (10M une année sur quatre) et en année non-élecélec-torale (25M trois années sur quatre), pour 6M d’électeurs.

(34)

2.3.1 Description des changements à la Loi électorale

Précisément, quels sont ces changements ? Quelle est leur ampleur ? Au Québec, l’en-cadrement des dépenses électorales remonte à 1963 avec la Loi électorale du Québec et l’encadrement du financement des partis politiques québécois remonte à la Loi

régis-sant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale de 1977. De plus,

l’essence même de ces législations n’a pas vraiment été modifié avant 2010 (Turgeon,

2012). En décembre 2010, une importante réforme de la Loi électorale prenant la forme de trois projets de loi distincts adoptés à l’unanimité par l’Assemblée nationale vient modifier en profondeur le financement des partis politiques. Parmi les mesures les plus importantes, la Loi 113 : Loi anti-prête-noms en matière de contributions électorales (DGEQ,2010) diminue la contribution maximale annuelle à un parti de 3000$ à 1000$ par électeur par année et la Loi 114 : Loi augmentant les pouvoirs de contrôle du DGE oblige les dons de plus de 100$ à passer par le DGE, établit que le nom de tous les do-nateurs sera rendu public et augmente les pouvoirs du DGE en matière de vérifications fiscales et de pouvoir d’enquête. Pour sa part, la Loi 118 : Loi concernant le financement

des partis politiques se veut la contrepartie compensatrice de la Loi anti-prête-noms en matière de contributions électorales en augmentant de 0,5$ à 0,82$ par électeur

(in-dexé) le montant que se partageront les partis en allocations. Ces changements sont entrés en vigueur en 2011 (DGEQ,2010). En décembre 2012, de façon complémentaire, l’Assemblée nationale adopte la Loi modifiant la Loi électorale afin de réduire la limite

des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement public des partis politiques du Québec. Cette loi abaisse encore

(35)

Figure 2.1 – Part du financement étatique (Données DGEQ)

(a) Part étatique du financement (%)

0 20 40 60 80 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 P ar t pub lique du financement (%)

(b) Financement étatique et populaire ($)

0 10 M 20 M 30 M

2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Financement étatique et autonome ($)

Étatique Autonome

la contribution maximale annuelle à un parti, de 1000$ à 100$ par électeur par année. L’allocation est augmentée à 1,5$ par électeur. La Loi limite à environ 8 millions de dollars le montant maximum en dépenses électorales pour les partis et les candidats (par rapport à environ 11,5 millions de dollars en vertu de l’ancienne Loi).

Au Québec, on le sait, les deux principaux partis, le Parti libéral et le Parti québécois se partagent le pouvoir sans arrêt depuis la victoire du libéral Robert Bourassa en 1970 - environ 19 ans pour le PQ et 27 ans pour le PLQ. Les lois 113, 114 et 118 ont été adoptées par un gouvernement du Parti libéral du Québec. Le projet de loi 2 a été adopté par un gouvernement du Parti Québécois. Ainsi, les deux principaux partis sont impliqués dans la réforme. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Pour étudier le financement du PLQ sous l’angle du Cartel, il faut d’abord se demander s’il y a véritablement collusion entre les partis. D’abord, il est clair que l’adoption des projets de loi 113, 118 et 2 a complètement renversé la situation au niveau du financement étatique des partis. La figure 2.1a montre l’évolution de la part publique

(36)

Figure 2.2 – Dépenses réelles en circonscription (a) Absolue ($) ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●● ● ● ● 0 20000 40000 60000 2003 2007 2008 2012 2014 Dépenses élector ales totales PQ PLQ

(b) Relative (%) à la limite permise

● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● 0.00 0.25 0.50 0.75 1.00 2003 2007 2008 2012 2014 Dépenses élector ales (% de la limite per mise) P.Q. P.L.Q.

du financement des partis entre 2003 et 2015. On y remarque un changement dans la tendance à partir de 2010. Alors qu’avant les réformes, le financement étatique des partis était légèrement sous la barre des 20% durant les années sans élection, il montait à environ 40% pendant les années d’élections (2003, 2007, 2008, 2012, 2014). À partir de 2011, on voit une augmentation constante dans la portion étatique du financement des partis, années d’élections ou pas. La figure 2.1b montre un phénomène similaire. On voit qu’en termes absolus (en $), le financement autonome des partis a chuté de façon importante alors que le financement étatique a augmenté, surtout lors des années sans élection. Toutefois, ce qui doit être noté également est que le financement global (la somme du financement étatique et autonome) a chuté. Le financement total en 2012 et 2014 est plus bas qu’en 2003,2007 et 2008. En bref, depuis la réforme, les partis politiques ont moins de financement autonome, compensé par plus de financement étatique. Toutefois la compensation n’équivaut pas dans un ratio un pour un.

(37)

mous-taches, la figure 2.2a montre l’évolution absolue (en $) des dépenses réelles des candi-dats dans chacune des circonscriptions, en moyenne, du PQ et du PLQ2. À l’élection

de 2014, on constate que les candidats des deux partis ont dépensé beaucoup moins d’argent qu’aux élections précédentes. D’une part, cela est dû à une disposition de la réforme au mode de financement réduisant la limite permise. D’autre part, cette disposition s’ajuste au fait que, par sa nature même, la réforme réduit les capacités financières des partis. La figure 2.2b montre un phénomène analogue. On y voit une capacité décroissante dans le temps des candidats à dépenser en fonction de la limite permise par la loi. La réforme vient mitiger la décroissance. En 2014, la capacité des candidats à dépenser revient à un niveau similaire à ce qu’on observe aux élections de 2003 et 2007.

Nous venons de montrer qu’il y a, depuis quelques années, un accroissement important du financement étatique des partis, conjugué à une légère diminution du financement total. Toutefois, pour qu’il y ait présence d’un Cartel, cela n’est pas suffisant. Un financement étatique élevé n’est qu’un critère parmi plusieurs critères.

Par exemple, ici, une objection importante à la présence d’un Cartel peut être soulevée. Plusieurs auteurs ont noté la nature dichotomique de type tout ou rien d’un système majoritaire de type Westminster. D’ailleurs, il existe un certain consensus à l’idée que ce type de système se prête moins bien à une cartellisation du système de partis. En effet, la compétition extrême entre partis, le tout ou rien du gouvernement par rapport

2. La Loi électorale permet des dépenses au niveau national et au niveau des circonscriptions. Quelques candidats de l’ADQ seulement ont dépensé en circonscription aux élections de 2003, 2007 et 2008. Les candidats de la CAQ et de QS ne dépensent pas en circonscription. Pour cette raison, les

(38)

à l’opposition ainsi que l’absence de coalitions rendent la cartellisation plus difficile (Young,1998; Detterbeck,2005;Young et al.,2007;Jansen, 2011). Malgré ce système de type Westminster, peut-on tout de même voir dans l’adoption des réformes par des gouvernements de ces deux partis - PLQ en 2010 et PQ en 2012 - un pacte entre les deux partis les plus importants au Québec ?

On peut faire deux objections supplémentaires à ce raisonnement. Premièrement, les projets de Loi 113, 118 et 2 ont tous été adoptés à l’unanimité. Tous les partis représentés à l’Assemblée nationale y trouvaient donc leur compte. Qui plus est, au moment de l’adoption de ces projets, un large consensus existait à l’effet que la limitation du financement populaire permettrait de lutter contre la corruption et les stratagèmes de prête-noms. Il ne s’agit donc pas d’un pacte entre PQ et PLQ. Deuxièmement, ce serait une erreur de faire abstraction du contexte politico-médiatique dans lequel les réformes ont été adoptées. Au cours de la décénnie 2000, il a été montré qu’une part importante du financement des principaux partis politiques québécois reposait sur des stratagèmes illégaux de prête-noms (Charbonneau et Lachance, 2015). L’actualité des deux dernières années, à travers l’arrestation d’une ancienne ministre et vice-première ministre du PLQ et d’une enquête de l’UPAC sur Jean Charest, premier ministre libéral de 2003 à 2012, montre à quel point ces stratagèmes pouvaient être développés. Ce serait donc, au moins en partie, à contre-coeur que le PLQ a accepté les réformes.

L’idée du financement étatique comme rempart contre l’influence de l’argent privé est d’ailleurs très présente dans la littérature (Gidlund, 1991; Nassmacher, 1993; Fisher,

(39)

soi qui entraine une vision négative des partis politiques (Lösche, 1993). Pour sa part,

Birch (2008) montre empiriquement que le financement étatique est généralement asso-cié à un plus haut taux de confiance de la population envers les institutions électorales. En résumé, il est loin d’être évident que le PLQ souhaitait la réforme du financement des partis. Bien sûr, il est possible d’identifier une certaine forme de collusion dans les réformes mais il serait très réducteur d’y voir la seule cause. Très certainement, des impératifs conjoncturels liés à des pratiques de financement illégales sont également en cause.

En somme, entre 2010 et 2013, la Loi anti-prête-noms en matière de contributions

électorales, la Loi concernant le financement des partis politiques et la Loi modifiant la Loi électorale afin de réduire la limite des contributions par électeur, de diminuer le plafond des dépenses électorales et de rehausser le financement public des partis politiques du Québec ont fait passer de 3000$ à 100$ la contribution annuelle maximale

d’un électeur et de 0.5 $ à 1.5$ le montant par électeur que se partagent annuellement les partis en allocation de fonctionnement. Ce sont les effets de cette baisse drastique de la contribution permise jumelée à une importante hausse du financement institutionnel des partis qui sont au coeur de ce mémoire.

(40)

Chapitre 3

Positionnement des partis et

accélération de la convergence

positionnelle des partis

La recension des écrits suggère qu’une cartellisation du système partisan peut entrai-ner une convergence positionnelle des partis (Katz et Mair, 1995; Potrafke, 2009). Le présent chapitre teste cette hypothèse à l’aide de l’analyse automatisée du contenu des plateformes des partis politiques. Le chapitre est divisé de la façon suivante. D’abord, deux méthodes d’analyse de contenu automatisée sont présentées. Elles servent à esti-mer les positions des principaux partis politiques québécois sur la période 2003-2014. Plusieurs modèles partiels utilisant différents textes de références et différentes mé-thodes sont utilisés. Tel que suggéré par Laver et al. (2003), des textes de références au centre et dans les extrêmes idéologiques sont utilisés. Les résultats des deux méthodes

(41)

sont comparés graphiquement avant de présenter une méthode simple de validation. Par la suite, nous présentons une mesure de la polarisation du système. Cette mesure synthétise l’évolution temporelle de la convergence positionnelle des partis. La méthode est inspirée de Cochrane (2015).

3.1

Méthodologie et données

Deux méthodes, Wordfish (Slapin et Proksch,2008) et Wordscores (Laver et al.,2003) sont utilisées pour estimer la position des partis politiques au Québec. Ces deux mé-thodes visent à estimer une position politique latente unidimensionnelle à partir des plateformes des partis.

Toutes les analyses sont réalisées dans le langage R. Les packages utilisés pour l’ana-lyse sont principalement tm (Feinerer et Hornik, 2015) et quanteda (Benoit et Nulty,

2017). Deux méthodes d’analyse de contenu automatisée sont utilisées pour estimer la position (ideological scaling) des partis le long d’un axe idéologique unidimension-nel : Wordfish (Slapin et Proksch,2008) et Wordscores (Laver et al.,2003). Le package

quanteda possède toutes les fonctions pour calculer les deux modèles.

3.1.1

Wordfish

Wordfish est un algorithme de dimensionnement scaling qui analyse la fréquence des

mots dans les textes. Plus formellement :

(42)

𝜆𝑖𝑗 = 𝑒𝑥𝑝(𝛼𝑖+ 𝜗𝑗+ 𝛽𝑖∗ 𝜔𝑗)

où 𝑦𝑖𝑗 est la fréquence du mot j dans le document i. 𝛼 et 𝜗 sont des effets fixes pour les acteurs (le parti dans ce cas) et les mots (par exemples certains mots sont davantage présents dans toutes les plateformes). 𝜔 est l’estimé de la position idéologique tandis que 𝛽 est un coefficient de poids statistique visant à mettre en lumière les mots qui différencient réellement les différentes plateformes. L’estimé 𝜔 sert à positionner les partis. Le modèle est estimé à l’aide d’un algorithme espérance-maximisation1.

3.1.2 Wordscores

Wordscores procède similairement : l’estimation du positionnement découle d’un calcul

de fréquence des mots. La différence par rapport à Wordfish est que deux documents de référence, situés aux extrêmes dimensionnels, sont utilisés pour assigner des word

scores aux mots2. L’algorithme place ensuite les autres textes par rapport à ces textes

de référence à l’aide des fréquences de mots (Lowe,2008). Plus formellement :

𝜋𝑗 = 𝑅 ∑ 𝑖 𝜃𝑑𝑖𝑃 (𝑑𝑖|𝑤𝑗) 𝜃𝑖 = 𝑉 ∑ 𝑗 𝜋𝑤𝑗𝑃 (𝑤𝑗|𝑑𝑖)

1. Pour plus de détails voirSlapin et Proksch(2008) ou le manuel de Wordfish ; (Slapin et Proksch,

2009)

2. Dans ce cas-ci, des plateformes du Parti Vert du Québec et du Parti Conservateur du Québec.

(43)

où 𝜋𝑗 est l’estimé du score par mot, et où 𝜃𝑖est l’estimé du score par texte. En utilisant le fait que la position d’un document est la moyenne des scores des mots contenus, et que de façon symétrique, le positionnement des mots est la moyenne de la position des documents dans lesquels ils apparaissent, il est possible d’estimer le modèle Wordscores.

3.1.3 Efficacité des méthodes

Ces deux modèles ont prouvé par le passé qu’ils fonctionnent généralement bien sous cer-taines conditions (Laver et al.,2003;Klemmensen et al.,2007;Slapin et Proksch,2008;

Klüver, 2009;Grimmer et Stewart, 2013). Les principaux postulats, l’unidimensionna-lité, et l’indépendance de la distribution des mots dans les textes, bien que clairement faux, n’empêchent généralement pas les résultats d’être fortement corrélés au position-nement des partis par les experts3. La stabilité du sens des mots est un autre postulat

(Laver et al.,2003;Slapin et Proksch,2008). Autrement dit, en général, les mêmes mots doivent avoir le même sens. Aussi, le vocabulaire général doit rester dans les mêmes registres généraux. Si le champ lexical complet de la plateforme est transformé entre les élections, les méthodes ne fonctionneront pas.

Spécifiquement, comment peut-on s’assurer que ces postulats soient respectés dans notre analyse ? Nous identifions deux considérations essentielles, d’abord au niveau de l’uni-dimensionnalité, ensuite au niveau de la stabilité du sens des mots. Premièrement, les deux méthodes postulent l’unidimensionnalité idéologique qui est loin d’être évi-dente au Québec (Bélanger et Nadeau, 2009; Pelletier, 2012). Quelques alternatives

(44)

sont possibles. D’abord, il est possible de postuler l’unidimensionnalité, même lorsque vraisemblablement ce n’est pas le cas. Le positionnement d’un parti est toujours rela-tif. Son programme électoral se compare à d’autres programmes, à d’autres positions idéologiques. Dès lors, il est impossible d’identifier une dimension idéologique par un principe d’exclusivité (tel ou tel enjeu fait uniquement partie de la dimension A, et non de la dimension B). Plutôt, l’unidimensionnalité représente un ensemble de préférences politiques ; un ensemble de réseaux complexes d’accords et de désaccords (Cochrane,

2015). Dans le cas du Québec, malgré un apparent axe identitaire (en plus de l’axe gauche-droite), rien n’empêche de mesurer l’évolution de la position relative globale des partis. En effet, il est généralement reconnu qu’au Québec, avec la naissance du Parti Québécois dans les années 1970, le débat politique s’est structuré autour d’un axe identitaire (Montigny,2016). L’utilisation du terme identitaire réfère ici à l’identité qué-bécoise par rapport à l’identité canadienne entendu dans le contexte de l’indépendance du Québec. Le terme identitaire dans ce mémoire n’est donc pas associé à l’identité tel que conçue principalement en Europe où l’identité européenee est fréquement opposée et juxtaposée à une identité nouvelle, issue de l’immigration. Parlant de bidimensiona-lité québécoise, nous explorons ainsi l’axe traditionel socioéconomique gauche-droite en plus de l’axe ”identitaire”.

Ensuite, il est possible de diviser les plateformes. La théorie suggère que deux dimen-sions structurent la politique québécoise. La gauche et la droite, puis l’axe identitaire. Il est donc possible de diviser les plateformes pour séparer l’analyse en deux. Dès lors, on peut mesurer le positionnement sur les deux axes.

(45)

Enfin, une autre méthode est possible avec Wordscores, et non avec Wordfish.

Word-scores nécessite le positionnement de textes de références. Il est donc possible de répéter

l’analyse avec des scores de références différents pour les différentes dimensions. Dans ce chapitre, nous retenons la première et la troisième façons. La seconde méthode, celle par laquelle il est possible de diviser les plateformes pour séparer l’analyse en deux, est difficile pour deux raisons. D’abord, elle est plus subjective que les deux autres méthodes. Au moment de diviser les plateformes pour chacune des dimensions, un choix doit être fait. Souvent, les paragraphes peuvent traiter de concepts qui se retrouvent dans les deux dimensions. Parfois, un même thème peut changer de nom chez différents partis, dans différentes élections.

Les deux autres méthodes limitent la subjectivité. Il est vrai que Wordscores nécessite des positionnements initiaux de références. Toutefois, au Québec, de tels positionne-ments, plutôt consensuels, existent. (Collette et Pétry,2012;Pétry,2013). D’où le choix effectué dans ce mémoire. De plus, plusieurs auteurs recommandent une comparaison de ces deux méthodes, tel que présenté dans ce mémoire afin d’augmenter la robustesse des résultats (Collette et Pétry, 2014; Klüver, 2009).

Ensuite, la méthode de division des plateformes est difficile en raison de la structure idéologique québécoise. Spécifiquement, l’axe gauche-droite et l’axe identitaire ne sont pas présents de façon égale dans les plateformes. L’axe gauche-droite est dominant, surtout dans les programmes des partis non indépendantistes. Prenons un exemple : la plateforme de l’ADQ en 2003. La plateforme a huit sections. Sur ces huit sections, six

(46)

traitent d’enjeux classiques associés à la gauche-droite.4 Les deux autres sections

s’inti-tulent « Régionalisation / affaires municipales / transport et environnement : décider en région » et « Éducation/langue et culture : libérer le talent ». Ces sections regroupent des enjeux liés à l’axe gauche-droite (environnement, éducation) et des enjeux liés à l’identité (développement des régions, culture, langue).5 En plus d’un périlleux et

sub-jectif exercice de division, bien souvent, il ne reste plus beaucoup de contenu pour la dimension identitaire.6 En comparaison, pour l’axe gauche-droite, les plateformes ont

souvent des dizaines de milliers de mots. Cela rend l’analyse sur l’axe identitaire plus difficile.

Deuxièmement, les deux méthodes nécessitent une stabilité dans le sens et l’usage des mots. Pour Wordfish, l’utilisation de plateformes des mêmes partis, dans des contextes similaires est donc de mise. Dans la prochaine section, nous présentons les données uti-lisées. Un effort important est fait afin d’utiliser des documents comparables, autant au niveau des partis que de la période historique. Pour Wordscores, la clé est dans l’emploi de documents de références qui s’apparentent aux documents à mesurer en termes de contenu. Encore une fois, nous faisons un grand effort pour utiliser les documents de références les plus pertinents, autant au niveau du contenu que de la période historique. Ces choix de données utilisées sont commentés de façon plus détaillée dans la section suivante.

Wordfish peut être employé avec n’importe quelle langue qui utilise le mot comme unité 4. 1. Emploi ; 2. Développement économique ; 4. Santé ; 6. Famille/ainées/action communautaire ; 7. Finances ; 8. Institutions/justice/sécurité.

5. Un enjeu comme le développement régional peut aisément être classé dans les deux dimensions. La question de la subjectivité est encore présente ici.

(47)

la plus simple. Wordfish a été testé avec succès en anglais, en français et en allemand (Proksch et Slapin, 2009, 2010). Similairement, Wordscores a été testé avec succès en anglais, français, allemand, italien, espagnol, portugais et néerlandais (Benoit et al.,

2005). Les deux méthodes s’intéressent simplement à la distribution des différents mots. D’un point de vue théorique, la méthode peut fonctionner en français.

3.1.4 Une mesure de la polarisation

Wordfish et Wordscores permettent de mesurer le positionnement des partis politiques.

Il est donc possible de regarder l’évolution du positionnement des partis de façon des-criptive avec un graphique liant les points entre chaque élection. Nous utilisons cette méthode dans la section des résultats.

Une méthode formelle existe également pour mesurer la polarisation. Cochrane (2015) part du constat que la polarisation d’un système de partis dépend de deux facteurs. D’abord, elle dépend de la position des partis. Si certains partis sont très à droite, et d’autres très à gauche, le système de partis sera plus polarisé que si ces mêmes partis sont au centre. Ensuite, la polarisation dépend aussi de l’appui des partis. Si les partis aux extrêmes reçoivent très peu d’appuis, le système sera moins polarisé que dans le cas inverse. Comme mesure de la polarisation d’un système, Cochrane propose donc une moyenne du positionnement des partis, pondérée par la part des votes reçus par chaque parti. Formellement, avec 𝑛 partis, un positionnement des partis 𝑝𝑖 et une part de vote 𝑤𝑖 :

(48)

𝑃 𝑜𝑙𝑎𝑟𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 = ∑ 𝑛

𝑖=1𝑤𝑖√𝑝2𝑖 ∑𝑛𝑖=1𝑤𝑖

En plus d’étudier l’évolution du positionnement des partis, nous regarderons également l’évolution de la polarisation du système de partis au Québec.

3.1.5 Données, hypothèses et modèles

Pour estimer la position des partis politiques, leurs plateformes électorales sont utilisées. Dans l’ensemble, 22 plateformes sont employées. Pour la méthode Wordfish, 19 plate-formes sont utilisées et servent à l’estimation de ces 19 mêmes plateplate-formes. Il s’agit des plateformes du PLQ, du PQ, de l’ADQ/CAQ pour les années 2003, 2007, 2008, 2012 et 2014. Les plateformes électorales de QS sont aussi employées pour 2007, 2008, 2012 et 2014. Pour Wordscores, il faut choisir des textes de références. Nous faisons le choix d’estimer cinq modèles avec quatre groupes de textes de références.7 Nous faisons ce

choix pour les raisons suivantes expliquées au Tableau 3.1.

Nous commençons par estimer le positionnement des partis sur deux axes : l’axe gauche-droite et l’axe identitaire/souveraineté. Des positionnements d’experts universitaires existent pour les plateformes du PLQ, du PQ et de l’ADQ en 2007 (Collette et Pé-try, 2012). Il s’agit d’une méthode employée par Laver et al. (2003). Ces textes nous permettent d’estimer des positions sur les deux axes.

Toutefois, suivant la suggestion de Laver et al. (2003, p. 315), nous souhaitons aussi inclure des positions extrêmes. En effet, selon toute vraisemblance, les positions du

Figure

Figure 0.1 – Plan du mémoire 	 Chapitre	1	:	Cadre	 théorique	et	revue	de	 la	littérature	 	 	 	 	 	 	 	 	 	 	 		 	 Les	effets	de	la	réforme	du	financement	des	partis	politiques	au	Québec	:		Chapitre	3	:	Convergence	positionnelle	des	plateformes	des	partis
Figure 2.1 – Part du financement étatique (Données DGEQ)
Figure 2.2 – Dépenses réelles en circonscription (a) Absolue ($) ● ●●●●●●●●●●● ● ● ●● ●● 0 ●200004000060000 2003 2007 2008 2012 2014
Tableau 3.1 – Hypothèses
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