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Le processus de "warming up"

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Academic year: 2021

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Le processus de "warming up’”

Thèse présentée à l'Ecole des gradués de l'Université Laval

pour l’obtention

du grade de Philosophiae Doctor (Ph. D.)

Département d’administration et politique scolaires Faculté des sciences de l’Education

Université Laval Québec Janvier 1990

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L'objet de cette thèse est de rendre compte du déroulement du processus de "warming up". Le processus de "warming up" est un processus de changement psycho-social qui amène les étudiants de l’enseignement collégial professionnel à rehausser leurs aspirations scolaires et professionnelles en se réorientant vers des études universitaires.

Une enquête menée à l'automne 1987 auprès de vingt-quatre personnes impliquées dans ce processus, nous a permis de comprendre, en partie, en quoi consiste ce phénomène qui semble prendre de plus en plus d'ampleur.

Comme notre propos consistait à analyser un processus par lequel des étudiants, d'abord orientés dans la filière professionnelle, reviennent sur leur décision initiale et décident de poursuivre leurs études au niveau universitaire, notre objet de recherche supposait le choix d’une approche qui prenne en compte la liberté d'action de l’acteur social. Nous avons choisi de recourir à la perspective d'analyse de Gambetta et à certains postulats de base en sociologie de l’éducation. Gambetta a développé un modèle d'analyse qui tient compte de différentes variables qui relèvent aussi bien des théories déterministes que des théories interactionnistes. Les variables structurelles telles que l'origine sociale, les résultats scolaires, le sexe et les contraintes liées à l'organisation scolaire ont toutes été considérées puisqu’elles expliquent en grande partie le fait que les

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québécoise était à ce point contraignante, l’étudiant, une fois orienté dans une filière n'aurait pas la possibilité de changer de voie. Ce pourquoi les variables qui se rapportent à un acteur social intentionnel ont été retenues pour expliquer la réorientation des étudiants composant notre échantillon. Le processus de "warming up” résulte ainsi de ce qu'une personne peut faire (les possibles institutionnels), de ce qu’une personne veut faire (les intentions) et de l'interaction entre ces facteurs.

Nous avons aussi mis à jour que le changement d’orientation est rendu possible que dans un système réunissant les conditions qui permettent le développement et la réalisation de nouvelles aspirations à un coût raisonnable pour l'étudiant. La structure polyvalente du cégep, contrairement à des institutions cloisonnées où les choix sont irréversibles, rend possible ces changements de même que l’ouverture récente, à un degré variable, des universités aux détenteurs de diplômes d'études collégiales professionnelles.

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Ce travail n’aurait pu être réalisé sans l'aide précieuse de certaines personnes. C'est pourquoi nous aimerions ici exprimer aux uns et aux autres notre profonde gratitude.

Nous tenons à exprimer notre profonde reconnaissance et à adresser nos plus sincères remerciements à notre directeur de thèse, monsieur Pierre, W. Bélanger, professeur au département d'administration et politique scolaires de l'Université Laval, pour son aide précieuse, sa disponibilité exceptionnelle et son active sympathie tout au long de cette recherche.

Nos remerciements s'adressent aussi à toutes les personnes qui ont eu la gentillesse de bien vouloir nous rencontrer en entrevues pour nous raconter une partie de leur histoire de vie.

Nous remercions aussi le conseil de recherche en sciences humaines du Canada qui nous a octroyé une bourse pour poursuivre nos études doctorales et qui a subventionné le projet plus large dans lequel s'inscrit notre thèse.

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Remerciements... ii

Table des matières... iii

Introduction... 1

Premièrepartie... 4

Chapitre 1: Position du problème 1.1 Formulation générale du problème... 5 1.2 Délimitation du problème... 1 2 1.3 Définition de l'objet de recherche... 2 1 1.4 Les propositions à vérifier... 2 8

Chapitre 2: Perspective théorique

2.1 Situation théorique de la recherche... 3 0 2.1.1 Paradigme structuraliste... 3 1 2.1.2 Paradigme fonctionnaliste... 3 7 2.1.3 Paradigme interactionniste... 4 0 2.2 Modèle d'analyse... 4 8 2.2.1 Gambetta... 5 0 2.2.2 Postulats de la recherche... 5 4

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3.2 Le schéma d'entrevue... 6 0 3.3L'échantillon... 63 3.4 Lapopulation à l’étude... 64 3.5 «Grille d’analyse des entrevues...6 5

Deuxième partie... 7 2

Chapitre 4: Les contraintes et les motivations

4.1 La structure scolaire... 75

4.2 Les caractéristiques objectives des interviewés...80

4.3 Les différences selon le sexe...83

4.4 Les raisons invoquées par les étudiants pour expliquer leur choix du secteur professionnel... 8 5 4.5 Les sources d'information... 9 7 4.6 Attitudes dela famille... 106

4.7 Attitudes des amis... 108

Chapitre 5: Les intentions 5.1 Les considérations professionnelles... 119

5.2 Les considérations psycho-académiques... 126

5.3 L'influence d'une personne... 135

5.4 La structure polyvalente du cégep... 141

Chapitre 6: Stratégies adoptées par les interviewés 6.1 Le moment de la prise de décision... 156

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6.4 Les sources d'information... 159

6.5 La récupération en vue d'études universitaires... 167

6.6 Réaction de la famille etde l'entourage immédiat... 175

Conclusion... 185

Bibliographie... 195

AnnexeA: Schéma d'entrevue

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Introduction

La réforme scolaire des années soixante au Québec a simplifié les cursus scolaires en identifiant une filière principale de passage du secondaire au collège et à l’université et une voie de sortie en ce qui concerne la formation professionnelle. Il faut toutefois souligner un phénomène important relié au secteur professionnel et plus ou moins inattendu chez les concepteurs de ce réseau d’enseignement: c'est qu’un nombre sans cesse croissant d'étudiants du secteur professionnel, qui doit en principe conduire à un diplôme terminal, poursuivent des études universitaires, ce que nous appelions le processus de "warming up" , de réchauffement des aspirations scolaires et professionnelles des étudiants inscrits au secteur collégial professionnel. Dans le cadre de nos études doctorales, nous avons voulu comprendre en quoi consiste ce phénomène autrefois marginal. En effet, en 1973-74, selon l'étude de Sylvain et al. (1985), moins de 4% des collégiens du secteur professionnel francophone passaient à l'université alors qu'en 1985-86, le Conseil supérieur de l'Education estimait à 15% la proportion de finissants du secteur professionnel qui accèdent à l'université.

La question fondamentale à laquelle notre étude tente de répondre est la suivante: comment expliquer le processus de "warming up"? quels facteurs interviennent tout au long du processus? Pour définir et analyser ce phénomène psycho­

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chapitres.

Le premier chapitre présente la problématique de la recherche. Nous y abordons d'abord le problème général occasionné par les réformes de l’enseignement dans l’ensemble des pays industrialisés à l’effet que la forte augmentation du nombre d'étudiants a confronté tous les pays au souci d’égalité et d'excellence. Ensuite, nous délimitons le problème du point de vue de l'objet d’étude pour finalement présenter les propositions qui sont à la base de cette recherche.

Le deuxième chapitre est consacrée à la présentation de la situation théorique de la recherche et à la présentation du modèle d’analyse retenu. Nous rappelions les principales études théoriques en sociologie de l'éducation sur les mécanismes qui influencent les choix scolaires pour ensuite faire une certaine critique de ces théories en exposant leur portée et leur limite dans le cadre précis de notre recherche. Cette démarche nous a amenée vers l'exploration de la perspective interactionniste. Celle-ci a été retenue comme l'instrument de la mise en perspective des dimensions psychologiques et sociologiques du processus de "warming up” dans lequel on retrouve de multiples phénomènes d'interaction entre des facteurs structuraux et des facteurs individuels. Nous y présentons enfin les postulats qui balisent l'ensemble de cette recherche, lesquels sont empruntés aux théories interactionnistes.

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méthodologiques. Nous y présentons les éléments suivants: l’orientation méthodologique et les aspects plus concrets de la recherche soient: le schéma d'entrevue, l'identification et la description de la population à l'étude et la question du recrutement des interviewés. Enfin, nous présentons la grille d'analyse des entrevues qui servira principalement de cadre à notre analyse de contenu.

Les chapitres quatre, cinq et six sont réservés à l'analyse de contenu des entrevues. Dans le chapitre quatre, nous identifions les facteurs qui ont "poussé" les interviewés vers le secteur professionnel collégial. Dans le cinquième chapitre nous analysons les facteurs qui incitent ces jeunes à se réorienter vers des études universitaires. Enfin, le chapitre six présente les stratégies adoptées par ces jeunes une fois prise leur décision de poursuivre leurs études au niveau universitaire.

Enfin, la conclusion de cette étude porte sur l'ensemble de la démarche effectuée tout au long de cette recherche, précise les limites de l'étude et identifie les principales pistes de recherche à entreprendre ultérieurement.

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La première partie de cette thèse expose la problématique, présente la situation théorique de la recherche, identifie la perspective d'analyse retenue; l'approche théorique nous permettra de montrer comment nous pouvons appréhender le processus de "warming up” comme relevant de ce qu'une personne peut faire, de ce qu'elle veut faire et de l'interaction entre les deux. Enfin, le dernier chapitre de cette première partie sera consacrée à l'orientation méthodologique aux aspects plus concrets de la recherche et à la grille d’analyse des entrevues.

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CHAPITRE 1

Position du problème

Kl.Formulation générale du problème

La volonté politique de rendre l'enseignement accessible à un plus grand nombre de jeunes dans les années 60, n’a pas été spécifique au Québec. Les réformes scolaires dans nombre de pays industrialisés ont visé, entre autre chose, la démocratisation de l'enseignement, fondée sur le postulat de l'égalité des chances. Ce qui se traduisait par une volonté de voir tous les citoyens avoir accès à l'éducation sans distinction de classe sociale, de sexe, de race et de région. Cette politique d'accessibilité est présente à des degrés divers dans toutes les réformes scolaires réalisées dans les pays industrialisés d'Europe et d'Amérique du Nord depuis la Deuxième Guerre mondiale. Cette démocratisation a aussi été associée aux changements technologiques, à la croissance économique et à la croyance que le système d'éducation contribuerait à une plus grande égalité sur le plan social.

Pour atteindre ces objectifs d’égalité sur le plan social et pour permettre une plus grande accessibilité, les différents pays ont mis en place de nouvelles structures scolaires. Ces réformes ont entraîné une hausse significative du taux de scolarisation de la population au secondaire et au post-secondaire.

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Si l’objectif d'égalité des chances et d'égalité d’accès était partagé par la plupart des pays industrialisés, chacun de ceux-ci l’a opérationnalisé en fonction de sa conception de l'idéologie d’égalité.

Les sociétés américaine et québécoise ont résolu ce problème de l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur de façon différente; même si les deux systèmes scolaires prennent leur légitimité d’une idéologie d'égalité, le terme égalité n'a pas la même signification dans les deux sociétés. Chez les Américains, l'enseignement supérieur demeure d'accès assez facile, puisque, comme le souligne Clark (1985), l'égalité des chances, l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur équivaut à un droit pour tous. Pour les Américains, en effet, tous les jeunes partent sur un même pied d'égalité et, s'ils en éprouvent le goût et la motivation, ils peuvent s'orienter et avoir accès à l'enseignement post-secondaire. La réforme scolaire américaine amorcée au début des années 50 a ainsi enlevé toutes les barrières institutionnelles afin de permettre à un plus grand nombre de jeunes d'avoir accès à l'enseignement supérieur. Les américains ont ainsi solutionné le problème de l'égalité en laissant les portes ouvertes à l’enseignement post-secondaire mais en hiérarchisant les institutions en fonction des aptitudes des étudiants. En Californie par exemple, le "plan directeur" de 1960 recommandait que les universités choisissent leurs étudiants parmi les 12.5% les meilleurs sortant des high schools, que les "State College" choississent parmi les 33% les meilleurs et enfin que les "Junior College" recrutent parmi les autres (Smelser et Almonds, 1974).

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L'enseignement supérieur américain est ainsi divisé en réseaux distincts. Même si "le Junior College" américain offre aux étudiants la possibilité de transférer dans un "Four Year College", il n'en demeure pas moins qu’il est à toute fin utile une voie parallèle à l'université réservée aux élèves les moins brillants qui devront se contenter d'un diplôme professionnel terminal de deux ans.

Contrairement aux Etats-Unis, le Québec a mis en place un seul réseau d'institutions faisant suite au secondaire et conduisant soit à l'université soit au marché du travail, les collèges d'enseignement collégial et professionnel (cégep). Le Rapport Parent a recommandé cette appellation afin de marquer le caractère polyvalent de ce niveau d'enseignement et obligatoire pour tous ceux qui poursuivent des études post-secondaires. La création des cégeps est la pièce maîtresse de la réforme scolaire au Québec, réforme qui a permis une certaine démocratisation de l'enseignement supérieur et par le fait même une "ouverture" à un plus grand nombre de candidats.

Le contexte historique et politique des années 1960 au Québec était, d'une certaine façon, favorable à l'implantation d’établissements comme le cégep. En effet, à la fin des années cinquante, le caractère élitiste des collèges classiques était remis en question. Les frères enseignants luttaient alors pour que des étudiants d'origine modeste puissent aussi avoir accès à l’université et que cette dernière ne soit pas fréquentée uniquement par les finissants des collèges classiques. D'ailleurs: " (...) le monopole d'accès

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la création, dans plusieurs écoles et facultés universitaires, de programmes pré-universitaires ou baccalauréats spécialisés (...) pour accueillir les étudiants des cours secondaires scientifiques et lettres-sciences, créés par les frères dans les écoles publiques (Bélanger 1985, p. 368).” La création du cégep a permis, en outre, de mettre fin à ce conflit en instituant un réseau unique d'enseignement supérieur qui mettait fin à la dispersion, dans différents établissements, des enseignements dispensés après la lie année.

Reprenons brièvement les objectifs que visait à atteindre ce type de collège, tels que formulés dans le Rapport Parent. Pour la formation professionnelle:!^ faire diminuer les abandons en offrant à chaque étudiant un enseignement qui réponde à ses aptitudes et à ses intérêts; 2) assurer une meilleure orientation: on évitera ainsi ”(...) à ceux qui n'ont pas les aptitudes nécessaires pour y réussir de s'aventurer dans des études supérieures coûteuses pour eux et pour la société (rapport Parent, tome II, 1960, para. 263)"; 3) mieux préparer les jeunes à leur vie d'adulte. On voulait ainsi offrir une formation professionnelle conduisant directement sur le marché du travail. Ils estimaient alors qu’une formation professionnelle permettrait aux jeunes de bien gagner leur vie comme techniciens dans l’industrie, les affaires et l’administration. De plus, au moyen de la cohabitation du secteur général et du secteur professionnel, les concepteurs du réseau collégial voulaient promouvoir la revalorisation des étudiants du secteur professionnel en haussant le niveau de leur formation générale. On peut lire ceci dans le rapport

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ressources et le climat nécessaires pour hausser le niveau de leurs études générales et la qualité de leur enseignement spécialisé (Rapport Parent, 1960, T.II, para.263)".

Pour la formation générale: 1) hausser le niveau des études pré-universitaires."Le régime des options sera assez souple et diversifié pour que les étudiants qui se destinent aux études universitaires puissent bénéficier de tous les cours nécessaires, d’excellente qualité. Le regroupement des ressources permettra même d'améliorer la qualité de l'enseignement, de développer de meilleures bibliothèques et d’équiper des laboratoires plus complets (Rapport Parent, 1960,t. II, para. 260).’’ La formation générale au cégep constituera une étape préparatoire aux études supérieures, donc un niveau distinct d’enseignement. Il sera le tampon entre les écoles secondaires et les universités. La création des cégeps a ainsi forcé les universités à abandonner la première année de leurs programmes d'études de premier cycle et à transformer ceux-ci. Ce transfert d'une partie de ses fonctions a grandement contribué à l’allègement du fardeau de l’université dans son effort d'adaptation à l'éducation de masse tout en maintenant ses fonctions spécifiques, le développement des études avancées et de la recherche.

Enfin, pour les concepteurs de ce réseau d'enseignement, ces deux types de formation devaient être complémentaires. A cet effet on peut y lire: "la spécialisation véritable s'appuie sur la formation générale, et celle-çi enrichit celle- là (R. Parent, tome II, para. 261)."

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Tels sont en gros, les objectifs qui ont présidé à la création du cégep, de ce niveau d'enseignement pré-universitaire et professionnel. Les concepteurs de ce réseau proposait donc un nouvel ordre d'enseignement ainsi que des conditions d'accès égalitaires pour tous en créant un réseau uniforme d'accès à l'enseignement universitaire.

Le cégep empruntait certaines caractéristiques du "Junior College" américain. En effet, comme le "Junior College", son cours sera de 2 ans, du moins en principe, et il groupera dans un même établissement un enseignement préparatoire à l'université et un enseignement professionnel terminal. D'un autre côté, il s'en distinguait sur plusieurs points. Comparativement au "Junior College" américain qui est à toute fin utile une voie parallèle à l'université, souvent réservée aux élèves les moins brillants, le cégep est l'unique voie ouverte pour celle ou celui qui désire poursuivre ses études après le cycle du secondaire. "(...) la division sociale qui existait entre les collèges classiques, les écoles publiques et les écoles techniques (Bélanger, 1986, p. 367)" disparaît. De plus, le cégep par opposition au "junior college", constitue un ordre d'enseignement autonome, distinct de l'enseignement secondaire et de l’enseignement universitaire et dont la fin d'études est couronnée par un diplôme.

Cependant, contrairement au "Junior College", qui selon l’idéologie américaine d'égalité des chances et d'accessibilité qui ouvrait ses portes à tous ceux qui le désiraient, le cégep ne serait pas

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Selon des prévisions de clientèles aptes à poursuivre des études post-secondaires selon la distribution normale du Q.I.(quotient intellectuel), on estimait qu'environ 48% du groupe d'âge 17-18 ans seraient admissibles au cégep; et parmi ceux-ci, 30% seulement devraient s’inscrire au secteur général dans le but de poursuivre des études universitaires par la suite. Les autres, n'ayant pas les aptitudes pour des études universitaires1 devraient s’orienter vers le secteur professionnel, pour un cours terminal, donnant accès à une occupation précise sur le marché du travail, mais fermant les portes de l'université.

1 La Commission Parent a fixé ce taux à 17% et doute de son fondement scientifique. "Nous avons supposé que ce taux ne pourra dans l’avenir s’élever beaucoup plus haut qu'à 17% de la population de 18 à 21 ans, étant donné ce que l'on connait de la distribution de la courbe normale du Q.I. dans la population et des exigences des études supérieures au-delà de la 12e année: c'est un taux très élevé comparé à ce qui est parfois accepté comme taux maximum (référence au 11.5), bien que l’on n'ait encore aucune certitude sur cette question (t. II, p. 206).”

Contrairement aux Etats-Unis, le système scolaire québécois n'a ainsi qu’entrouvert les portes, "selon les aptitudes" en mettant en place des conditions d'admission. Pour être admissible au cégep, l'élève doit d'abord être titulaire du diplôme d'études secondaires. Cette condition d'admission peut, en plus, être assortie d'exigences comme celle d'avoir suivi au secondaire certains cours préalables de maths, physique, chimie et biologie. L'accès à l'enseignement post­ secondaire est plus restrictif au Québec qu'aux Etats-Unis, mais une fois admis, les étudiants sont traités sur un pied d’égalité puisqu'il existe une voie unique d'enseignement post-secondaire pour celui

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s’est certes développé des distinctions de statut entre les secteurs professionnel et général au cégep, de même qu’une hiérarchie de réputation entre les cégeps des grands centres urbains (Comité d'évaluation, 1980), mais ces distinctions n’ont rien de comparable à celles qui existent entre les "Community Colleges" et les universités américaines. Ainsi, la création des cégeps a empêché de refouler des étudiants vers un réseau parallèle d'enseignement supérieur ou vers des instituts à caractère essentiellement technique, comme le système scolaire américain l’a fait.

1.2 Délimitation du problème

Le contexte idéologique d'égalité aux Etats-Unis couplé à une politique de portes ouvertes à l'enseignement post-secondaire a poussé un grand nombre d'étudiants peu doués, mais ayant de hautes aspirations, vers les ‘‘community college^’ dans l'espoir de transférer dans des institutions universitaires. Cette situation a forcé les‘‘community colleges-” à instituer le processus de "cooling out" qui consiste à ramener les aspirations des étudiants peu doués à leur juste mesure, c’est-à-dire à les réorienter dans une voie professionnelle terminale.

Au Québec, la notion d'égalité d'accès aux études post­ secondaires modelée sur la courbe normale des QI, perd beaucoup de sa force d'incitation aux études universitaires pour les jeunes. Si on

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hâtive des voies d'études (secondaire IV) et la nécessité d'obtenir un diplôme d'études secondaires générales, il y a peu de chances qu'on retrouve beaucoup d'étudiants peu doués en formation générale au cégep. Au contraire, on risque de mettre en sourdine les aspirations scolaires des jeunes doués, quand il ne le font pas eux-mêmes, surtout s'ils proviennent d’un milieu social modeste.

On rejoint ici certaines propositions de Hopper (1976) sur les systèmes éducatifs et la motivation des jeunes. Plus l'idéologie d'égalité d’accès est libérale (droit pour tous à l'enseignement post­ secondaire) et, moins hâtif est le choix d'une voie de spécialisation, plus le problème du "cooling out" pour les milieux modestes devient problématique. A l'inverse, plus l'idéologie d'égalité est restrictive (20% aptes aux études universitaires) et plus le choix d'une spécialisation est hâtif, plus le problème de "warming up" devient problématique. Dans le même ordre d’idée, Clark constate que: "every increase in selectivity reduces the conditions that generate the cooling out process (Clark, 1980, p.19)" Voyons maintenant en quoi consiste ces deux fonctions de "cooling out" et de "warming up".

Dans un article devenu classique, Clark (1960) a montré comment la politique de "portes ouvertes" à l’enseignement post­ secondaire aux Etats-Unis avait contribué à hausser démesurément les aspirations scolaires de certains étudiants et qu'une des fonctions du ‘ junior college’* ou 4community college” consistait à ramener ces aspirations à leur juste mesure, ce qu’il appelait la fonction de

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problème de l'école est réduit à une théorie de la dysfonctionnalité: l'inadaptation entre les fins et les moyens; ou, en d'autres termes, on persuade le jeune qu'il doit se lancer à l'assaut de la pyramide sociale et grimper le plus haut possible, en même temps qu’on lui retire peu à peu les moyens de réussir son ascension sociale (Gras, 1974).

Selon Clark, deux possibilités s'offrent à une institution aux prises avec les élèves peu ou moins doués: l'échec ou l'orientation vers une autre voie. Les collèges américains ont opté pour la seconde solution, ce que Clark appelle le processus de refroidissement, lequel consiste à aider les étudiants à accepter leurs limites par une réorientation vers des objectifs tout aussi valables, mais ne dépassant pas leurs possibilités. Ces étudiants sont ainsi conduits à abandonner un programme général devant leur permettre de transférer dans un "senior college", pour un programme de formation professionnelle, commerciale ou semi-professionnelle. "Ils sont alors obligés de renoncer à leur intention originelle et d'adopter une solution moins prestigieuse, tant sur le plan universitaire que sur celui de la société en général (Clark, 1974, p.303)". Dans ce processus de refroidissement qui est finalement pris en charge par l'institution, l'auteur identifie cinq étapes, soient:

1) l'examen de préentrée: on offre des cours de rattrapage aux jeunes ayant obtenu des mauvais notes aux tests d'aptitudes;

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lui conviennent le mieux, à la lumière de ses résultats scolaires actuels et antérieurs;

3) l'étudiant en difficulté se voit obliger de suivre un cours d'"orientation". Ce cours doit lui permettre de confronter son choix professionnel à la lumière de l'évaluation de ses intérêts, aptitudes et capacités scolaires. Cette étape est cruciale dans le processus. C'est à ce stade que le conseiller doit lui faire accepter ses limites, tout en lui disant que son nouveau choix est tout aussi valable;

4) à cette étape-çi, l'étudiant qui obtient toujours de mauvaises notes, est renvoyé du collège ou à nouveau conseillé;

5) cette dernière étape peut être qualifiée de période d'essai. Dans le cas d'un deuxième échec, l'étudiant se voit accorder une troisième chance. Mais s'il échoue encore, il est renvoyé.

Le processus de refroidissement des aspirations scolaires et professionnelles est donc un mécanisme institutionnalisé de sélection. Tous les étudiants qui ont des difficultés scolaires sont pris en charge par des agents du système scolaire. Ce processus implique beaucoup plus la structure scolaire que les étudiants. Ce dernier ne prend pas vraiment de décision, c'est plutôt le conseiller d'orientation, mandaté par l'organisation scolaire, qui lui suggère fortement de se réorienter. De plus, cette fonction de refroidissement occulte les rapports qu'il y a entre sélection sociale et sélection individuelle et fait participer, d'une certaine façon, l'élève au processus qui le conduit à son exclusion. Ainsi plusieurs jeunes entrent au “junior college'7 dans

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dans un secteur professionnel.

Il existe sûrement du "warming up" dans les “community colleges? Mais dans la revue de littérature, on ne trouve pas de statistique sur le sujet. Le phénomène semble ignoré. Dans leur volume faisant le point sur les ‘ community colleges” et leur évolution, Cohen et Brawer (1985) discutent à plusieurs reprises de la fonction de "cooling out” mais gardent le silence sur la fonction de ^warming up”. Karabel (1986) ne se demande pas si le "warming up" est fréquent, mais s’il existe! 2

"Are some student's aspirations "heated up at the community college? (1986, p.26)”.

Dans les cégeps, il semble que la situation inverse se soit produite. Certes des étudiants inscrits dans la voie pré-universitaire optent en cours de route pour le secteur professionnel terminal ou y sont poussés, il faut néanmoins souligner un phénomène important relié au secteur professionnel et plus ou moins inattendu du caractère polyvalent des cégeps. Ce qui était inattendu, c'est qu’un nombre sans cesse croissant d’étudiants du secteur professionnel, qui doit en principe conduire à un diplôme terminal, poursuivent des études universitaires ; ce que Bélanger (1986) appelle la fonction de "warming up" des cégeps en opposition à la fonction de "cooling out".

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décision et de se réorienter vers un programme universitaire.

Avec les années, ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Il y a deux façons de se retrouver à l'université; soit en passant directement du professionnel à l'université, soit en transférant à l'intérieur du cégep, du secteur professionnel au secteur général conduisant à l’université.

Selon une enquête réalisée par Sylvain et al.(1985) il appert qu'en 1973-1974, moins de 4% des collégiens du secteur professionnel francophone passaient à l'université alors qu’environ

15% le faisaient chez les anglophones. Le rapport (1984) du comité DEC professionnel/admission à l'université arrive au même pourcentage pour l'année scolaire 1975-76. Phénomène intéressant, cette proportion grimpait à 5.3% en 1979-80, à 6.3% en 1980-81 et à 8% en 1984-85 (Bélanger, 1986). Selon les rapports de Relance du collégial, 17.5% des diplômés du secteur professionnel de 1984-85 étaient inscrits à l'université en mars de l’année suivante, de l'année

1985-86, ils étaient 14.9% et de l'année 1986-87, 14.3%. Ces données ne rendent cependant compte que des diplômés qui s’inscrivent à l’université immédiatement après leurs études collégiales. Il y a lieu de croire que certains s’inscriront après un séjour sur le marché du travail. Les statistiques touchant les demandes d'admission aux universités des diplômés du secteur professionnel, quoique fragmentaires, sont révélatrices des pressions que ces diplômés

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études sont supposément terminales.

A l’Université de Sherbrooke, les demandes d'admission des détenteurs de DEC professionnel sont passées de 1980 à 1984 de 885 à 2,066, soit respectivement de 5.9% des demandes totales à 12.5%. A l’Université de Montréal, il y a eu 3,070 demandes d’admission en 1987 et 19.2% de celles-ci se sont traduites en inscription. Pour l’ensemble de l'université du Québec de 1983 à 1987 les demandes d'admission des détenteurs d'un DEC professionnel ont toujours dépassé 6,000 atteignant un sommet de 10,850 en 1985. Près de 70% sont admis et près de 50% s'inscrivent. A l'école Polytechnique les demandes d’admission des diplômés du secteur professionnel représentaient 10.9% à l'automne 1986 et 8.3% à l'automne 1987. Le taux de succès à l'inscription de ces derniers était de 30% comparativement à 35% pour l’ensemble des demandes.

Ces données, qui nous ont été fournies par les registraires des universités, sur les demandes d'admission ne sont pas épurées. On sait que les candidats font des demandes dans plusieurs universités et dans plusieurs départements. Elles comprennent de jeunes diplômés et des adultes, des demandes pour un statut régulier ou à temps partiel. Bien qu'il soit impossible de donner une interprétation précise à ces données, elles nous fournissent cependant de bonnes indications sur l'ampleur du phénomène des étudiants du secteur professionnel collégial qui aspirent poursuivre des études universitaires.

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Il faut aussi tenir compte de ceux qui, au cours de leurs études collégiales, sont passés d’une voie terminale, le professionnel, à une voie générale les conduisant à l'université. Selon des données inédites du ministère de la science et technologie (enseignement collégial), des étudiants inscrits en formation professionnelle en

1980, 57,8% avaient diplômé après cinq ans. De ceux-ci, 14,9% avaient obtenu leur diplôme dans un programme de formation générale. Parmi les diplômés de la cohorte de 1983, en formation professionnelle, 19,7% l'étaient au général. Le passage du secteur professionnel au secteur général s'est amplifié au début des années 1980. Ce passage, toute proportion gardée, se fait d'une façon à peu près équivalente chez les garçons (21,5%) et les filles (18,5%). Cependant, deux fois plus d’étudiants le font dans les cégeps anglophones que dans les cégeps francophones (33,4% contre 18,4%). Ce sont les étudiants de techniques biologiques qui transfèrent le moins au général (9,5%) alors qu'environ le quart le font en techniques administratives (24,6%) et des arts (26,3%).

Selon Solanges (1986), qui a réalisé une enquête auprès d'étudiants qui se réorientent du secteur professionnel vers le secteur général conduisant à l'université ce phénomène de réorientation des étudiants du secteur professionnel vers des études universitaires doit être de moins en moins considéré comme marginal et ce, pour deux raisons: 1) la proportion d'étudiants qui change de secteur, comme nous l'avons mentionné précédemment, a considérablement augmenté depuis une dizaine d'années; et 2), de

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orientation, il semble normal que des jeunes de dix-sept ans, ayant fait le choix du secteur professionnel au collégial alors qu'ils n’étaient encore qu’au secondaire découvrent la possibilité d’entreprendre des études supérieures.

A cette fin, de plus en plus de passerelles ont été mises en place par les universités pour accueillir les diplômés du secteur professionnel. Le comité permanent de révision des structures d'accueil préoccupé par l’admissibilité des titulaires de DEC professionnel à l'université s'est occupé officiellement de cette question en 1982-83 lors de la présentation de son rapport des activités pour ces années (CLESEC). Ce mouvement de passage du secteur professionnel collégial vers l’enseignement supérieur a ainsi amené les universités à reviser leurs politiques d'admission face aux étudiants qui arrivent de la filière professionnelle. Antérieurement, chaque université établissait des critères particuliers d'admission pour cette clientèle. Généralement, les universités imposaient à ces étudiants les mêmes critères d'admission que pour les collégiens provenant du secteur général; de sorte qu'un étudiant qui s'inscrivait dans un programme professionnel s'engageait quasi irrémédiablement dans une voie de sortie. Chaque université était par ailleurs libre de décider de ses propres critères d'admission. "Dès lors, des problèmes relatifs à l'uniformité et à la fiabilité de l'information à livrer aux étudiants se posait, mais plus grave encore était celui de l’équité et de l'accessibilité (Solanges, 1986, p.l)".

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détenteurs d'un DEC collégial professionnel.

1.3 Définition de l'objet de recherche.

Le processus de "warming up" est un processus de changement psycho-social qui amène les étudiants du secteur professionnel à rehausser leurs aspirations scolaires et professionnelles en se réorientant vers des études universitaires. C'est ce processus psycho-sociologique qui nous intéresse dans cette recherche, à deux niveaux plus particulièrement: celui du processus comme tel, que nous allons décrire et analyser, et celui de la contribution de la structure polyvalente du cégep lors du déroulement du processus de "warming up".

Contrairement au processus de "cooling out" qui est un mécanisme de sélection institutionnalisé, le processus de "warming up" est un processus individuel. C’est l'acteur social qui décide de se réorienter et de revenir sur sa décision initiale. En ce qui concerne le processus de "warming up", Bélanger (1986) trace certaines étapes qui sont en opposition avec celles décrites précédemment par Clark, soit:

Prise de conscience du statut inférieur du programme professionnel;

Comparaison de ses capacités avec celles d'étudiants du secteur général;

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Encouragement des professeurs et aides pédagogiques;

Investissement dans la récupération en vue d'études universitaires.

Ces étapes du processus de "warming up" n’ont pas été vérifiées empiriquement. Il s’agit plutôt d’hypothèses basées sur quelques entrevues et quelques recherches exploratoires. C'est justement l’objectif de notre travail d’étudier plus systématiquement ce processus, d'en révéler la nature et les dimensions. Ce processus n’est possible que dans une structure souple, permissible, ce que voulait la polyvalence du cégep. Cependant, c'est l’étudiant, en tant qu'acteur social, qui est l'agent premier de cette décision puisqu'il n’existe pas de mécanismes institutionnalisés permettant le transfert du secteur professionnel vers le secteur général conduisant à l’université. L’étudiant est donc très impliqué dans le processus de "warming up". C'est lui, en tant qu'acteur social qui doit se débrouiller un peu seul avec la structure pour atteindre ses fins: l’admission dans un programme universitaire.

Au départ, nous devrons identifier certains éléments du processus qu'il nous faudra, par la suite, vérifier. Par exemple, certains étudiants entrent au cégep dans la filière professionnelle, avec des aspirations scolaires limitées au niveau collégial, que ce soit par choix ou qu’ils les aient héritées de leur milieu familial ou scolaire. En cours d'études, ils prennent "(...) conscience de leurs aptitudes, de leurs capacités et de leur volonté à réaliser des études

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p.D".

Quelques hypothèses méritent qu’on s’y attarde: cette réorientation scolaire pourrait être le fait du contact avec des professeurs, des amis, des conseillers d'orientation, ou suite à un stage en milieu de travail; pour d'autres étudiants par contre, ce passage du professionnel au général était prémédité (en effet, selon certaines entrevues réalisées par l’Université du Québec en 1984, dans le cadre d'un pré-sondage auprès d’une cinquantaine d'étudiants, certains collégiens estiment que le professionnel prépare mieux aux études universitaires en certains domaines, les techniques administratives et l'informatique, plus particulièrement) (Pierre Galipeau, 1985). D'autres chercheurs diront que ce mouvement de réorientation s’inscrit dans une perspective d'augmentation de la scolarisation au Québec et aussi dans un contexte socio-économique où le marché du travail est plus serré et où le taux de chômage des diplômés des programmes professionnels n'a cessé d'augmenter (Solanges, 1986). Certains (Dandurand, 1987) pensent que sous l'impact de la crise, on assiste à une rétention plus grande des jeunes dans le système scolaire, donc à une fonction de "gardiennage". Enfin certains analystes du réseau universitaire diront que ce sont les universités, en quête de clientèles qui ont ouvert leurs portes à cette nouvelle clientèle du secteur professionnel.

Lors de la création des cégeps, le secteur professionnel était plutôt considéré comme un secteur faible. "(...) aujourd'hui la qualité

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des programmes du secteur général (...). Les préalables à l’admission dans plusieurs programmes professionnels sont nombreux (Corriveau, 1986, p.400)’’. Effectivement, quand on examine les critères d'admission pour certaines techniques "fortes" (techniques physiques, biologiques etc...), on se rend compte qu'ils sont plus élevés ou analogues à ceux du programme pré-universitaire équivalent en sciences. Ceci pourrait aussi expliquer la réorientation de certains étudiants du secteur professionnel vers des études universitaires. Une récente enquête de Lagagé (1983) sur les cégeps a d'ailleurs démontré que les étudiants du professionnel qui se réorientaient vers le secteur général avaient des résultats scolaires qui se situaient dans les dix premiers centiles de leur groupe.

Cette fonction de "warming up" des aspirations scolaires et professionnelles des cégépiens du secteur professionnel produit certainement des effets positifs et, selon une de nos hypothèses, pourrait s’avérer être une deuxième chance accordée aux clientèles défavorisées. En effet, plusieurs recherches (Secrétariat d'Etat, 1984; Sylvain et al., 1985; Trottier, 1986), soulignent qu'il y a une nette tendance à ce que le secteur professionnel collégial soit d’abord occupé par des jeunes provenant des classes populaires, des jeunes francophones et des filles. Un portrait assez détaillé des clientèles inscrites au secteur professionnel s’impose donc ici.

Une enquête réalisée par le Secrétariat d'Etat en 1984, et portant sur les principales caractéristiques de la population étudiante

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Dans ce questionnaire, certaines questions se rapportaient aux antécédents familiaux de l’élève, ce qui constitue une mine d'or pour les sociologues qui peuvent rarement obtenir ces renseignements à moins, bien sûr, de réaliser leur propre enquête. Ces données révèlent que les étudiants du niveau universitaire sont proportionnellement plus nombreux que les étudiants du collégial à avoir des parents possédant eux-mêmes un diplôme universitaire. Les étudiants du réseau collégial sont, quant à eux, proportionnellement plus nombreux que les étudiants d'université à avoir des parents peu scolarisés. La profession occupée par le père semble aussi avoir un effet sur les cheminements scolaires des jeunes canadiens. Ainsi, il existe une relation entre la profession du père et la catégorie à laquelle appartient l’étudiant. 50% des étudiants gradués, mais 25% des étudiants du secteur professionnel collégial seulement, avaient un père cadre professionnel ou semi- professionnel. Par contre, 45% des étudiants du secteur professionnel collégial contre 23% des étudiants gradués ont déclaré que leur père était ouvrier qualifié ou spécialisé. Il semble que les étudiants de la strate sociale inférieure opteraient davantage pour la formation professionnelle et les étudiants de la strate sociale supérieure pour la formation générale.

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francophones dans le système scolaire québécois, nous remarquons que les francophones optent moins souvent (44.5%) que les anglophones pour les études collégiales générales menant à l’université. On les retrouve aussi de deux à trois fois plus souvent que les étudiants du secteur anglophone inscrits à des programmes de formation professionnelle (Sylvain et al., 1985). Par contre, chez les anglophones:”(...) l’orientation générale est très nettement privilégiée par rapport à l'orientation professionnelle, le rapport étant de 4 pour 1. Au cégep francophone, le nombre d'étudiants du général dépasse à peine celui des étudiants du professionnel (rapport de 1,2 pourl) (Sylvain et al., 1985, p.96)". Massot(1978) arrive sensiblement aux mêmes résultats: la probabilité d’accéder au cégep 1 général s’y élève à .60 dans le secteur anglophone comparativement à .38 dans le secteur francophone. De plus, les étudiants du secteur professionnel anglophone ont la possibilité de changer d'orientation pour réintégrer le cégep général dans une proportion de 16%. Bref, non seulement y a-t-il plus d'étudiants du secteur francophone qui se dirigent vers la filière professionnelle au collégial, mais les anglophones qui s'orientent vers l'enseignement professionnel ont davantage tendance à se réorienter vers des études collégiales générales. Certaines recherches soulignent qu'en 1984, 25% des anglophones se réorientaient vers des études générales comparativement à 10% des francophones. Il semble que:

"Ce phénomène témoigne du caractère moins irréversible de l'orientation vers les programmes professionnels dans les écoles anglaises que dans les écoles françaises et reflète une

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réforme de l’enseignement des années soixante (Trottier, 1986, p.129)".

Enfin, en ce qui concerne les différences entre les filles et les garçons, il semble que les filles s’orientent de 1,2 à 1,3 fois plus souvent que les garçons vers des études professionnelles au niveau collégial (Sylvain, 1985). De plus, les filles s’orientent majoritairement vers des techniques traditionnellement féminines. Ainsi, en 1981, les filles représentaient 76% des effectifs en techniques biologiques, 63% en techniques humaines et administratives, 60% en arts, et seulement 9% en techniques physiques. Il semble que les filles n’évaluent pas comme les garçons l'utilité des niveaux et des programmes scolaires qui s'offrent à elles (Litt, 1980, Levesque et Sylvain,1982, Mellouki, 1984).

Du point de vue conceptuel et analytique, nous croyons pouvoir considérer le processus de ''warming up" comme un phénomène psycho-sociologique résultant de l’interaction entre des facteurs liés à la personnalité, au milieu socio-économique et socio-culturel et à la structure scolaire. Le processus de "warming up" résulte ainsi de ce qu'une personne peut faire (les possibles institutionnels), de ce qu'une personne veut faire (intentions) et de l'interaction entre ces facteurs. Sur le plan empirique, nous tenterons de vérifier les propositions suivantes:

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1) Le cégep permettrait de corriger les erreurs de choix prématurées et de surmonter les contraintes que le secondaire impose aux jeunes en bas âge. La cohabitation des secteurs général et professionnel serait un atout important dans la poursuite d’études universitaires pour des étudiants qui initialement envisageaient leurs études professionnelles comme des études terminales.

2) Les études qui traitent des aspirations scolaires et professionnelles ont souligné qu'il existait des différences assez importantes entre les aspirations des filles et des garçons. Le processus par lequel un jeune se réorientera du secteur professionnel vers le secteur général variera selon que l'élève est garçon ou fille.

3) Les raisons qui amènent ces étudiants à changer d'idée en viellissant pourraient être reliées aux changements de circonstances entourant la vie de l’étudiant.

4) Les étudiants du secteur professionnel qui se réorientent vers l'université seraient souvent encouragés par leurs succès scolaires au niveau collégial, ce qui les conduit à prendre confiance en leur capacité de réussir des études universitaires et à reviser leurs ambitions.

5) Les "warmers" proviennent surtout de milieux socio-économiques inférieurs et la structure polyvalente des cégeps leur offrirait une seconde chance d'accéder à l'université.

6) Les étudiants du secteur professionnel qui se réorientent ont souvent été refroidis par des conseillers en orientation au niveau secondaire.

La spécificité de la recherche consiste à analyser les acteurs en période de réorientation scolaire et professionnelle. Le processus de

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étudié jusqu'à maintenant et pour lequel, bien entendu, on ne dispose pas d'une interprétation d'ensemble. De plus, les analyses d'ensemble sur les cégeps sont peu nombreuses. Ils demeurent les parents pauvres de la recherche scientifique. Les recherches en sociologie de l'éducation ont principalement porté sur l'enseignement secondaire et universitaire.

Avant de préciser notre cadre d’analyse, nous croyons utile de situer l'objet de la présente recherche par rapport à l’ensemble des études théoriques et ou empiriques pertinentes. Le prochain chapitre sera consacré, en partie, à cette démarche.

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CHAPITRE 2

PERSPECTIVE THEORIQUE Introduction

Dans le chapitre précédent, nous avons défini le problème qui constitue l’objet de cette recherche et esquissé sommairement la perspective théorique pertinente pour l'étude du processus de warming up. Ce deuxième chapitre développe cette perspective. On fera d'abord état de la situation théorique de la recherche puis en seconde partie, on présentera le modèle d'analyse retenu.

2.1 Situation théorique de la recherche

Tous les étudiants québécois, au terme de leur cinquième secondaire ont à décider de poursuivre des études au niveau collégial professionnel ou général, ou de cesser d'étudier. Les étudiants qui composent notre échantillon se sont retrouvés devant un tel choix et ils ont opté pour la formation professionnelle collégiale. Pourquoi avoir choisi cette filière et pourquoi, en cours de formation professionnelle se réorienter vers des études universitaires?

Les décisions concernant la poursuite d’études post-secondaires sont prises à l’intérieur d'un contexte social, culturel et économique. Les cheminements scolaires de par leur complexité, peuvent donc être expliqués à partir d'une multitude de facteurs. Après avoir

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rappelé brièvement les principales études théoriques en sociologie de l’éducation sur les mécanismes qui influencent les choix individuels en éducation, nous ferons une certaine critique de ces théories, exposant leur portée et leur limite dans le cadre précis de notre recherche, pour ensuite préciser notre propre modèle d'analyse.

Trois paradigmes différents coiffent généralement les explications du rôle de l’acteur social dans la société et par rapport à son cheminement scolaire. Ces paradigmes touchent à la représentation de l'action sociale dans les théories sociologiques. Leurs interrogations portent plus particulièrement sur les concepts de contraintes structurelles et/ou de liberté dont subissent et/ou jouissent les acteurs sociaux. Ils peuvent être regroupés en deux grandes catégories selon que l'acteur est conçu essentiellement comme modelé par des contraintes extérieures ou comme capable d’agir intentionnellement malgré ces contraintes.

2.1.1 Paradigme structuraliste

Selon le paradigme structuraliste, l'action humaine est considérée comme modelée ou déterminée par des contraintes externes. Ces théories macro-sociologiques se basent sur une représentation déterministe de l’acteur social et donnent une explication mécaniste des cheminements scolaires. Certaines études structuralistes portant surle marché du travail donnent des exemples de ce déterminisme; lesquelles postulent que le

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comportement humain est mécaniquement conditionné par la structure économique et par des décisions politiques (Gambetta, 1987). Cette perspective structuraliste en mettant uniquement l’accent sur les contraintes structurelles, ne laisse aucune place à l'acteur social, à ses préférences et aux mécanismes de décision. "In an extreme version this would mean that the constraints jointly hâve the effect of cutting down the feasible set to a single point: in a weaker and more plausible version that the constraints define a set which is so small that the formai freedom of choice within the set does not amount to much (Elster, 1979, p.113)".

L'action humaine est considérée ici comme le résultat de contraintes externes. Elle ne se comprend "(...) qu'à partir des éléments caractérisant les structures qui définissent la société globale: les mécanismes sociaux d'orientation des individus, la division capitaliste du travail, la classe sociale ou le milieu social immédiat, le systèmes de valeurs, le langage, l'héritage culturel du milieu familial, etc...(Assogba, 1984, p.14)". Eléments sur lesquels l'individu n’a aucun contrôle.

Parmi les principaux auteurs qui ont étudié le phénomène de la reproduction sociale à l'école, Baudelot et Establet ont mis l’accent sur la reproduction des classes sociales, Bowles et Gintis se sont intéressés plus particulièrement aux aspects économiques alors que Bourdieu et Passeron privilégiaient la reproduction culturelle.

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Pour Beaudelot et Establet, l’école a comme principale fonction de préparer les jeunes élèves à s'inscrire dans des places désignées de la division sociale du travail. Selon cette approche, l'école a une structure de classe puisqu’elle reproduit les classes sociales. L'école est ici au service de la classe dominante en ce sens qu'elle lui permet de se reproduire. Parallèlement à cette reproduction de la bourgeoisie, l’école a aussi une fonction de reproduire la force de travail, c'est-à-dire la classe prolétarienne. On prépare ainsi les jeunes à s'inscrire dans le marché du travail en s'assurant que la

majorité d'entre eux seront orientés vers les tâches de prolétaires et qu'ils seront formés en conséquence. Pour les auteurs de "L'école capitaliste en France", l'école n'est pas uniquement une agence de sélection/élimination, mais elle offre une préparation spéciale aux futurs ouvriers, d'où la fonction d'inculcation idéologique de l'école. Pour résumer la pensée de ces auteurs, nous pouvons dire que leur apport à la compréhension des systèmes scolaires se situe au niveau des rapports entre le système scolaire et les déterminants sociaux des destins scolaires.

Bowles et Gintis se situent, quant à eux, entre une sociologie du travail et une sociologie de l'éducation. Pour ces auteurs, l’organisation capitaliste du travail suppose la transformation des êtres humains. L'école a comme mission de préparer les jeunes à s'insérer dans l'organisation aliénante du travail. Pour eux, l'existence des filières scolaires correspond à la structure hiérarchique des rapports sociaux. "L'école serait la transition nécessaire, dans les sociétés actuelles, pour assurer l'adaptabilité

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psycho-culturelle des individus à une forme de relation sociale elle- même engendrée par le mode de production capitaliste (Bernier,

1986, p.47)". Tout comme dans la perspective théorique précédente, l’accent est mis sur les contraintes structurelles. L'organisation économique agit comme une force d'inertie dans la vie des individus et conséquemment sur leur cheminement scolaire.

Un troisième axe de l'analyse déterministe des fonctions de l'école s’est constitué autour de la notion de l'héritage culturel, de l'inégalité des ressources culturelles. Bourdieu et Passeron dans cette perspective, ont voulu élucider les mécanismes par lesquels les fils d'ouvriers ont tendance à devenir eux-mêmes ouvriers, les fils de professionnels, des professionnels etc... L'hypothèse principale développée par Bourdieu et Passeron dans "La reproduction" (1970) est la suivante: "le succès de toute éducation scolaire, et plus généralement de tout travail pédagogique secondaire, dépend fondamentalement de la prime éducation qui l’a précédée...(Bourdieu et Passeron, 1970,p.58-59)". La culture que l'enfant acquiert dans son milieu familial constitue pour certains enfants un avantage et pour d'autres enfants un handicap vis-à-vis des apprentissages scolaires. Bourdieu et Passeron poursuivent en faisant remarquer au lecteur que la classe dominante peut bien jouer le jeu de la démocratie scolaire puisque: "(...) compte tenu de la répartition inégale du capital culturel au départ, elle est sûre de partir gagnante, et avec la sanction de la légitimité (Bourdieu et Passeron, 1970, p.58)". Dans cette approche théorique, la principale caractéristique d'un individu et ce qui le détermine tout au long de sa vie, et ce, peu

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importe les circonstances, c’est d’être l'enfant de..., c'est son origine sociale. Le jeune est ainsi très limité dans ses choix scolaires puisque c'est son milieu d'origine qui détermine son orientation scolaire et professionnelle. Selon cette perspective, l'école a un contenu de classe. Ces auteurs font reposer le fonctionnement interne de l'école sur "l’arbitraire culturel dominant". L'école a pour fonction d'éliminer par exclusion, les jeunes issus des classes populaires.

D'après ces auteurs, même si un élève peut avoir des aspirations sociales idéalisées au début du cursus scolaire, par exemple, un jeune de milieu ouvrier qui voudrait devenir médecin, il sera tôt ou tard confronté à la réalité. La notion de "vieillissement social" qu'on trouve dans les textes plus récents de Bourdieu (1979, 1986) illustre ce phénomène.

"Le vieillissement social n'est pas autre chose que ce lent travail de deuil ou, si l'on préfère, de désinvestissement (socia­ lement assisté et encouragé) qui porte les agents à ajuster leurs aspirations à leurs chances objectives, les conduisant ainsi à épouser leur condition, à devenir ce qu'ils sont, à se contenter de ce qu’ils ont, avec la complicité collective, à faire leur deuil de tous les possibles latéraux, peu à peu abandonnés sur le che­ min, et de toutes les espérances reconnues comme irréalisables à force d'être restées irréalisées (Bourdieu, 1979,p.123)".

Ce travail de deuil suppose que les attentes prennent progressivement le dessus sur les aspirations au fur et à mesure que le jeune vieillit. Cette notion de vieillissement social ressemble à la fonction de "cooling out" attribué par Clark au "Junior college" américain, à la différence près que le travail de deuil, associé au

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système scolaire français se fait lentement, tout au cours de la jeunesse, c’est-à-dire jusqu’à la fin des études secondaires alors que

le processus de refroidissement du système scolaire américain, même s’il existe au secondaire, prend beaucoup plus d'ampleur dans le réseau d'enseignement universitaire.

Les théories qui relèvent du paradigme de la reproduction, entre autre, par leurs caractères éminemment déterministes, et leurs acceptations trop réductrices de certains concepts, ne permettent pas de faire l’analyse d'un processus en cours ou des actions des acteurs puisqu'on évalue au point zénith zéro la place de l'acteur social. L’’homo sociologicus” est donc ici conditionné dans son action par certains éléments culturels de son milieu social d'origine. Ces auteurs font de l'action individuelle la résultante exclusive des facteurs antérieurs à l'action. En effet, ces théories, en se basant sur une représentation déterministe de l'acteur social donnent une explication mécaniste des inégalités scolaires et sociales selon le schéma général suivant: "(...)un élément culturel du milieu social d’origine où les structures sociales globales déterminent le comportement scolaire des individus, le comportement détermine à son tour, et plus tard, le statut socio-économique ou la position sociale des individus dans le système de stratification sociale (Boudon, 1976, C)".

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2.1.2 Paradigme fonctionnaliste

La deuxième perspective expliquant le rôle de l’acteur social arrive sensiblement aux mêmes conclusions que le paradigme structuraliste: pour celle-là comme pour cette dernière, les décisions individuelles sont plus ou moins possibles et, lorsqu’elles le sont, elles ont très peu d'influence sur le choix d'un individu. Les tenants de cette théorie postulent que le comportement humain est toujours ultérieur à une cause sociale ou psychologique et que ce même comportement, dicté par une cause est opaque à la conscience. D’une façon ou d'une autre, les actions individuelles sont toujours considérées comme propulsées par des forces qui sont inconnues de l’individu. Selon Gambetta (1987), le père de cette approche est Durkeim. Il affirme la priorité de la société, de la structure sociale sur les individus et les phénomènes individuels. Pour cet auteur, "(...) la cause déterminante d'un fait social doit être cherchée parmi les faits sociaux antécédents et non parmi les états de la conscience individuelle (Grawitz,1984, p.111)’’. "It seems fair to trace to some of his writings the origins of the passive view of homo sociologicus which has been mainly though not exclusively developed by functionalism, notably through the work of Parsons (Gambetta, 1987, p.12)".

Pour les fonctionnalistes, une des fonctions du système d’enseignement est d'identifier les plus aptes à accéder aux occupations qui requièrent des niveaux de compétence élevée et à les sélectionner graduellement.

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Dans ce qui suit, nous verrons comment Parsons explique les rapports entre l’individu et la société. Le point de départ de sa théorie, c’est la notion de l'action sociale. "L'action sociale, dans le sens où il l'entend, c'est toute conduite humaine qui est motivée et guidée par les significations que l'acteur découvre dans le monde extérieur, significations dont il tient compte et auxquelles il répond (Rocher, 1972, p.45)". L'action sociale s'interprète donc à partir de la subjectivité de l'acteur. Selon ce cadre d'analyse, l'action sociale est analysée à partir de la dualité acteur-situation. Cependant, l'objet privilégié par l'acteur est l'objet social, c'est-à-dire, les autres acteurs avec qui il entre en interaction: donc, l'action sociale devient interaction.

Toute la théorie de Parsons en ce qui a trait à l’action sociale comporte les quatre éléments suivants: 1) un sujet-acteur; 2) une situation comportant des objets physiques et sociaux; 3) des symboles et 4) des règles, normes et valeurs, qui guident l'orientation de l’action. "Parsons lui-même résume ainsi sa pensée: "le théorème le plus fondamental de la théorie de l'acion me paraît être que la structure des systèmes d'action consiste dans les modèles culturels de signification, qui sont institutionnalisés dans le système social et la culture, et qui sont intériorisés dans la personnalité et l’organisme (Rocher, 1972, p.55)".

L’action individuelle est influencée par le modèle culturel qui impose à l'acteur de faire des choix, de prendre des options, et de

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mettre de côté une conduite en faveur d’une autre. L’action individuelle est ainsi guidée par les valeurs. Dans la perspective où l'action des acteurs est considérée sous l'angle de leur interaction avec les autres acteurs, ”(...)les objets physiques et symboliques ou culturels n’appartiennent pas à proprement parler au système social: ils deviennent des facteurs extérieurs qui conditionnent ou déterminent l'interaction des acteurs (Rocher, 1972, p.81)". Les sociologues de l’éducation qui se réfèrent au cadre d’analyse de Parsons s’intéressent plus particulièrement aux motivations des élèves et aux déterminations sociales qui pèsent sur eux. Cette approche conduit à une analyse plutôt organisationnelle de l'école, sur les fonctions et les dysfonctions de l’école etc...

Dans cette théorie finalement, la personnalité est presqu’entièrement absorbée par le social. Le sujet est défini avant tout comme social. Ce qui pousse l'individu à agir, c’est le produit de l'intériorisation du milieu socioculturel; donc déterminisme culturel. L'autre reproche qui est souvent adressée à Parsons, c'est qu’il a une image de la société dominée par le consensus général.

Clark est un autre chercheur américain qui se situe dans la ligne de pensée fonctionnaliste. Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre précédent, avec la fonction de "cooling out" qu'il attribue au Junior College américain, le problème de l'école est réduit à une théorie de la dysfonctionnalité. On persuade le jeune américain qu'il a des chances de se retrouver dans le haut de l'échelle sociale et s'il éprouve des difficultés scolaires, l'institution scolaire le prend en

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charge par son mécanisme institutionnalisé de refroidissement des aspirations scolaires et professionnelles.

Selon les deux paradigmes développés dans cette section, soient les paradigmes structuralistes et fonctionnalistes, l’acteur n’a pas vraiment l'occasion de prendre des décisions individuelles. Le comportement d'un individu est toujours ultérieur à une cause sociale ou culturelle et il est opaque à la conscience. L'action humaine est dictée par des contraintes structurelles, par des valeurs etc. Pour tenter de résoudre le problème des rapports entre l’individu et la société, un troisième paradigme a été développé; le paradigme interactionniste. On ne parle plus de l'homo oeconomicus mais de l'homme rationnel ou "intentionnel".

2.1.3 Le paradigme interactionniste

Cette perspective est très différente des deux précédentes. Elle a comme postulat de base que les individus agissent intentionnellement. Ce qui signifie qu'un individu, confronté à plusieurs choix, pèsera le pour et le contre de chaque alternative et fera son choix en fonction des récompenses futures associées à chaque alternative. Cette capacité pour un acteur social de se référer au futur est la principale caractéristique de cette approche "rationnelle". Il existe cependant deux versions de ce paradigme. La première suppose que l'homme intentionnel est capable d’agir uniquement selon ses préférences, alors que la deuxième version précise que la rationalité est limitée dans le sens qu’un individu doit

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aussi tenir compte des contraintes qui pèsent sur lui (contraintes sociales, économiques et institutionnelles). Un des plus importants sociologues de la perspective interactionniste est, sans conteste, Boudon. Dans ce qui suit, nous verrons comment Boudon en s’inspirant des travaux des économistes de l’éducation qui utilisent la théorie du capital humain (W.Schultz, 1961), en est arrivé à élaborer une théorie fondée sur le paradigme interactionniste Wébérien. Mentionnons premièrement que: "(...) contrairement aux autres paradigmes interactionnistes, le type wébérien introduit l'hypothèse que certains éléments de ces actions (structuration du système de préférences, choix des moyens pour obtenir les fins désirés, habileté dans la mise en oeuvre des moyens, etc.) sont déterminés par des éléments antérieurs aux actions en question (Boudon, 1977, p.199, in Assogba, 1984, p.39)".

Selon Boudon, l'acteur social est un homme intentionnel c'est-à- dire un sujet agissant capable de mener une action dans un contexte institutionnel et social donné. A l'intérieur de cette approche, l’acteur social est considéré comme un agent autonome dotée d'une rationalité limitée et capable de prendre des décisions. Boudon conçoit que les acteurs sociaux s’efforcent de prendre la décision la plus convenable possible à la vue de leurs intérêts tels qu'ils les imaginent, tout en tenant compte de leur personnalité, de leurs ambitions et de l'information qu'ils possèdent sur la situation donnée. Ce qui signifie qu'un individu est capable de prendre des décisions, de faire des choix et d'élaborer des stratégies. La définition que donne Boudon à la rationalité de l'acteur est la suivante: "le

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comportement d’un individu doit être essentiellement compris comme le produit de sa volonté: l’individu agit comme il le fait parce que, à tort ou à raison, il estime qu'il est de son intérêt d’agir ainsi (Boudon, 1975b, p.l)". Contrairement au courant précédent qui postule que l'agent est déterminé passivement par les contraintes structurelles, les normes, les valeurs, la culture de son milieu social, Boudon conçoit que l’agent social agit intentionnellement et consciemment en se référant à sa position sociale présente et future. Nous devons préciser ici que cette capacité pour un individu de référer au futur peut être perçue comme la caractéristique fondamentale de l'approche rationnelle intentionnelle.

”La théorie de la rationalité de l'acteur proposée par Boudon (1973, 1977, 1979), s’inspire du paradigme interactionniste de type wébérien qui interprète à l'instar des autres paradigmes de cette famille, les comportements des acteurs comme étant dotés d’une propriété d’intentionnalité et par conséquent comme ayant le statut d'action (Assogba,1984, p.39)".

En ce qui à trait aux cheminements scolaires, le modèle permettant d'expliquer les taux de survie scolaire se formule d'après Boudon dans les termes d'un processus rationnel de décision. "Boudon présente le processus scolaire comme une succession de "points de bifurcation" agissant comme une sorte de gare de triage au niveau de laquelle les individus doivent prendre la décision, chaque fois, d'arrêter ou de poursuivre leur cheminement scolaire, de rester étudiant ou de prendre immédiatement une occupation (Bernier,

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1986, p.19)". L’étudiant avant de prendre la décision de poursuivre ou d’abandonner les études fait un calcul des coûts et bénéfices, ainsi qu’une estimation des risques que peut représenter sa décision. Par le terme risque, nous entendons le risque encouru par le coût que va nécessiter l’action entreprise, sans garantie assurée des bénéfices. Dans le processus décisionnel, l'histoire scolaire de l'individu et les caractéristiques reliées à son origine sociale interviennent. Pour tous les sociologues qui s’inspirent du modèle théorique de Boudon, la dynamique même des aspirations scolaires n’est pas le fruit du hasard ni le résultat d'un déterminisme mais plutôt le fait d'une stratégie intentionnelle de l'acteur concerné.

Par rapport aux comportements scolaires des élèves ou de la famille, quels sont les paramètres du processus de décision rationnelle de l'agent? De l'avis de Boudon, lorsqu'un individu aspire à faire des études au-delà de la scolarité obligatoire, il tient compte implicitement et explicitement : 1) des coûts économiques totaux d'une prolongation des études; 2) du manque à gagner net, c'est-à-dire du revenu qu'il aurait gagné s'il travaillait au lieu d'étudier; et 3) du revenu anticipé ou bénéfice.

La décision de poursuivre ou non les études est basée, pour l'homo oeconomicus, sur la comparaison entre les gains supplémentaires et le coût total entraîné par les études. La décision de prolonger les études sera positive si les gains sont supérieurs aux coûts.. C'est la théorie du capital humain. Bien entendu, l'évaluation subjective du statut social anticipé dépend de la position sociale de

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