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L'alliance thérapeutique : perception du client et influence de la symptomatologie psychopathologique et du style d'attachement au thérapeute

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CAROLINE FRANCOEUR U L

.> c.

L’ALLIANCE THÉRAPEUTIQUE : PERCEPTION DU CLIENT ET

INFLUENCE DE LA SYMPTOMATOLOGIE PSYCHOPATHOLOGIQUE

ET DU STYLE D’ATTACHEMENT AU THÉRAPEUTE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

École de psychologie

FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL

DÉCEMBRE 1999

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RÉSUMÉ

La présente étude s’est proposé de contribuer à l’avancement des connaissances quant à la perception des clients de l’alliance thérapeutique de même qu’à l’influence de la symptomatologie et l’attachement au thérapeute sur la qualité de l’alliance du travail. Un premier objectif visait l’élucidation de l’alliance thérapeutique telle que concrètement vécue par les clients, en vue d’obtenir une conception du phénomène mieux ancrée dans la réalité clinique de ces derniers. Un deuxième objectif visait l’étude de !’influence de divers symptômes psychopathologiques sur l’évaluation de l’alliance de travail des clients. Enfin, un troisième objectif visait la poursuite de l’étude de la pertinence du construit de l’attachement du client au thérapeute. Vingt-sept clients d’un service de consultation universitaire ont complété un questionnaire visant à recueillir leurs perceptions phénoménologiques, ainsi que l’Inventaire de l’Alliance du Travail (WAI, version abrégée, Horvath & Greenberg, 1989 ; Tracey & Ko koto vie, 1989), ainsi que l’Inventaire Bref des Symptômes (BSI, Derogatis & Spencer, 1982) et l’Échelle d’Attachement du Client au Thérapeute (CATS, Mallinckrodt, Coble & Gantt, 1995). L’analyse des données descriptives a permis de dégager trois styles d’alliance, soit l’alliance « sécurisante », « sécurisante-exploration » et « de découverte » observées, respectivement dans 57,7%, 23,1% et 15,4% de l’ensemble des protocoles. Ces résultats indiquent que l’alliance est perçue différemment par les clients, ces différences n’étant pas nécessairement réflétées dans les conceptions et mesures courantes de l’alliance thérapeutique. Des analyses de variance n’ont indiqué aucune différence entre les clients privilégiant chaque style phénoménologique aux dimensions du WAI et des scores plus élevés à la sous-échelle « Somatisation » du BSI chez les clients privilégiant une alliance « sécurisante-exploration ». Les résultats de l’étude de l’influence de la symptomatologie sur l’alliance du travail ont indiqué des relations significatives positives entre cinq des neuf sous-échelles du BSI et le score total du WAI, ainsi que des corrélations significatives positives entre sept sous-échelles du BSI et la dimension « Tâches » du WAI. Enfin, des relations significatives ont été observées entre les styles d’attachement « Sécure » et « Évitant-Craintif » des clients et les dimensions « Lien Affectif », « Tâches » et « Buts » de l’alliance du travail. Les caractéristiques psychométriques de l’Échelle d’Attachement du Client au Thérapeute se comparent, pour la plupart, à celles de la version originale.

Caroline Francoeur, candidate

Alexandra Bachelor, Ph.D, directrice de recherche

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AVANT- PROPOS

Quelques remerciements sont adressés par l’auteure aux personnes ayant contribué, de près ou de loin, à P élaboration du présent ouvrage. Les premiers remerciements sont offerts à Madame Alexandra Bachelor pour son implication dévouée à tous les niveaux de cette recherche, pour sa rigueur, ses encouragements et son soutien. En second lieu, une grande reconnaissance est témoignée à Monsieur Stéphane Sabourin qui a permis qu’un tel projet se déroule au Service de consultation de l’École de psychologie de l’Université Laval, de même qu’au personnel de ce service pour l’aide qu’ils ont apportée à plusieurs égards. Des remerciements sont également adressés à tous les thérapeutes pour leur collaboration, ainsi qu’à Hans !vers et Denis Lacerte du Service d’aide à la recherche pour leurs judicieux conseils et leur grande disponibilité. Enfin, une dernière mention vise à offrir toute ma gratitude et mon respect à mes parents qui m’ont toujours encouragée à persévérer.

Caroline Francoeur

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ... n AVANT- PROPOS... ni

TABLE DES MATIÈRE... iv

LISTE DES TABLEAUX, FIGURES ET APPENDICE... vii

INTRODUCTION... viii

CHAPITRE I CADRE THÉORIQUE... 1

1.1 Développement historique du concept de T alliance thérapeutique... 3

1.2 Le point de vue du client dans l’évaluation de l’alliance thérapeutique .... 6

1.3 L’influence des variables dispositionnelles du client sur la qualité de l’alliance thérapeutique... 10

1.3.1 La symptomatologie psychopathologique et l’alliance thérapeutique... 11

1.3.2 Le fonctionnement interpersonnel et l’alliance thérapeutique... 17

1.4 Résumé des objectifs... 36

CHAPITRE II MÉTHODE ... 38

2.1 Participants ... 38

2.2 Mesures ... 39

2.2.1 Mesures de l’alliance ... 39

2.2.2 Mesure de symptomatologie psychopathologique ... 41

2.2.3 Mesure de l’attachement du client... 42

2.3 Procédure ... 42

2.3.1 Analyse des données qualitatives ... 44

CHAPITRE III RÉSULTATS ... 47

3.1 La phénoménologie de l’alliance thérapeutique ... 47

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3.2 Relation entre styles phénoménologiques d’alliance, alliance du travail et

symptomatologie ... 52

3.2.1 Styles phénoménologiques d’alliance et alliance de travail ... 52

3.2.2 Styles phénoménologiques d’alliance et symptomatologie psychopathologique... 55

3.3 Symptomatologie psychopathologique et alliance de travail ... 57

3.4 Attachement du client au thérapeute ... 61

3.4.1 Propriétés psycho métriques de la version canadienne-française du

CATS ... 62

3.4.2 Attachement du client au thérapeute et alliance de travail ... 62

CHAPITRE IV DISCUSSION ... 65

4.1 L’alliance thérapeutique : Le point de vue du client ... 65

4.1.1 Styles fondamentaux de l’alliance thérapeutique ... 65

4.1.2 Données phénoménologiques et conceptions contemporaines de l’alliance ... 69

4.2 Relation entre styles phénoménologiques d’alliance, alliance du travail et symptomatologie ... 71

4.2.1 Styles phénoménologiques d’alliance et alliance de travail ... 71

4.2.2 Styles phénoménologiques d’alliance et symptomatologie psychopathologique... 72

4.3 Symptomatologie psychopathologique et alliance de travail ... 73

4.4 Attachement du client au thérapeute ... 77

4.4.1 Propriétés psychométriques de la version canadienne-française du

CATS ... 78

4.4.2 Attachement du client au thérapeute et alliance de travail ... 79

CONCLUSION... 85

RÉFÉRENCES... 87

APPENDICE A... 102

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Scores moyens des styles phénoménologiques d’alliance aux échelles et au score total du WAI... 54

Scores moyens des styles d’alliance au BSI... 56

Moyennes et Écarts-types de l’Alliance du Travail, de la Symptomatologie Psychopathologique et de l’Attachement du Client au Thérapeute... 58

Corrélations entre la Symptomatologie Psychopathologique et l’Alliance du Travail... 60

Corrélations entre l’Attachement du Client au Thérapeute et l’Alliance du Travail... 63

Questionnaires utilisés... 102

Entrevue d’élaboration illustrative... 110 Figure 1 Figure 2 Tableau 1 Tableau 2 Tableau 3 Appendice A Appendice B

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INTRODUCTION GENÉRALE

La qualité de l’alliance thérapeutique est considérée, par plusieurs chercheurs, comme l’un des facteurs communs responsables du succès thérapeutique (e.g., Beutler, Machado & Allstetter Neufeld, 1994 ; Lambert & Bergin, 1994). En effet, la qualité de l’alliance est déterminante en ce qui a trait aux effets bénéfiques du traitement, et ce, quelque soit l’approche thérapeutique utilisée (Horvath & Symonds, 1991).

L’évaluation de la qualité de l’alliance et de ses composantes produit toutefois dès résultats divergents selon qu’elle est effectuée par les thérapeutes, des observateurs indépendants ou les clients (e.g., Bachelor, 1991a ; Horowitz, Marmar, Weiss, De Witt & Rosenbaum, 1984 ; Malückrodt, 1991 ; Marmar, Gaston, Gallagher & Thompson, 1989 ; Tichenor & Hill, 1989). Bien que chacun de ces points de vue apporte des informations pertinentes à l’égard du phénomène, plusieurs chercheurs (e.g., Barrett-Lennard, 1962 ; Elliott, 1989 ; Rice & Greenberg, 1984) ont soulevé l’importance que revêt le point de vue du client dans l’évaluation de la relation d’aide. Des recherches ont d’ailleurs démontré que les perceptions des clients à l’égard de la relation thérapeutique s’avèrent généralement de meilleurs prédicteurs du changement positif chez ces derniers, comparativement aux autres sources d’évaluation (e.g., Gurman, 1977 ; Horowitz et al., 1984 ; Marziali, 1984a). Plusieurs instruments permettant l’évaluation de l’alliance selon la perspective du client ont été développés mais la relation entre les conceptions courantes du construit, sur lesquelles sont basées la plupart de ces mesures, et les perceptions des clients eux-mêmes, à partir de leur expérience personnelle en thérapie, demeure encore ambiguë et l’étude plus approfondie du point de vue des clients semble essentielle (Bachelor, 1995).

Des chercheurs cliniciens ont soulevé les limites des méthodologies quantitatives de recherche lorsqu’il s’agit de comprendre les divers processus et phénomènes en psychothérapie (Elliott, 1989 ; Rice et Greenberg, 1984). L’adoption d’une approche

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qualitative de recherche, mettant l’accent sur la description du monde perceptuel du client (Elliott, 1989 ; Gelso & Carter, 1985 ; Patton & Jackson, 1991 ; Rice & Greenberg, 1984) et visant l’étude de la réalité clinique de la relation client-thérapeute permet d’offrir une compréhension du phénomène tel qu’il est concrètement vécu par le client dans le contexte de la thérapie (Bachelor, 1995). Cependant, encore peu d’informations sont disponibles quant à l’expérience ou la phénoménologie de l’alliance telle que concrètement vécue par le client, et par conséquent, quant à l’influence de diverses variables d’intérêt sur cette dernière. En effet, jusqu’à date, la majorité des études empiriques portant sur l’alliance ont adopté une approche quantitative de recherche (e.g., Gaston, Marmar, Thompson & Gallagher, 1988 ; Horvath & Symonds, 1991) et ce, essentiellement en vue de déterminer le degré d’association entre l’alliance, telle que définie dans les conceptions contemporaines du construit, et des variables susceptibles d’en influencer la qualité.

D’autre part, si l’importance de considérer le point de vue du client dans l’évaluation de l’alliance fut soulevée, l’importance que revêt l’influence des caractéristiques propres au client dans !’établissement et le maintien d’une alliance positive fut également soulignée par certains chercheurs dont les travaux ont suggéré que les individus en thérapie présentent des habiletés différentes à établir une relation de travail positive avec le thérapeute (e.g., Gelso & Carter, 1985 ; Kokotovic & Tracey, 1990). Afin de comprendre ces différences, l’influence de certaines variables dispositionnelles des clients en thérapie sur le développement de l’alliance a été examinée, dont l’influence du fonctionnement psychologique. Les recherches ont donné lieu à des résultats divergents quant à l’influence de cette variable sur la qualité de l’alliance thérapeutique. La plupart d’entre elles, cependant, ont utilisé soit des indices globaux de perturbation psychologique ne permettant pas une évaluation différenciée de l’influence de la symptomatologie sur l’alliance thérapeutique (e.g., Allen, Tamofif, & Coyne, 1985 ; Mallinckrodt, 1996), soit utilisé des mesures non validées (e.g., Luborsky, Christoph, Alexander, Margolis, & Cohen, 1983 ; Moras & Strupp, 1982), ou encore, des instruments se limitant à l’évaluation d’un seul symptôme (Gaston, Marmar, Thompson, & Gallagher, 1988 ; Marmar, Gaston, Gallagher,

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client, doivent donc être entreprises.

Le fonctionnement interpersonnel du client a également fait l’objet de plusieurs études dont les résultats ont, en général, démontré une association positive entre la capacité du client à établir des relations stables avec les autres et le niveau de participation et de collaboration de ce dernier en thérapie (e.g., Gaston, 1991 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Mallinckrodt, 1991 ; Piper, Carufel & Szkrumelak, 1985). L’étude de cette variable différentielle du client s’est toutefois limitée, en général, à l’influence des compétences sociales des clients dans le cadre de relations interpersonnelles courantes (e.g., Klee Abeles, & Muller, 1990 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Mallinckrodt, 1991). La présente étude s’est intéressée à l’aspect spécifique de fonctionnement interpersonnel, encore peu exploré, qui concerne les premières expériences relationnelles des clients et l’influence du modèle personnel d’attachement sur la qualité de l’alliance thérapeutique. Le système d’attachement établi en bas âge, et présumé durable dans le temps, revêt une importance particulière pour comprendre le rôle des premiers hens interpersonnels sur les relations adultes subséquentes, incluant !’alliance thérapeutique (Ainsworth, 1989 ; Bowlby, 1988). Plusieurs théoriciens et chercheurs (e.g., Gelso & Carter, 1985 ; Greenson, 1967 ; Strupp, 1974 ; Zetzel, 1956) s’intéressant à la relation thérapeute-client ont d’ailleurs soutenu que les premières expériences de hens émotionnels parentaux des chents en thérapie comptent parmi les plus importants facteurs influençant la capacité des chents à former une alliance de travail productive. Les recherches portant sur l’attachement et la relation thérapeutique, plus spécifiquement sur l’alliance de travail n’en sont, cependant, qu’à leurs débuts.

Mallinckrodt, Coble et Gantt, (1995), qui ont effectué plusieurs recherches portant sur !’influence des attachements parents-enfants vécu par les chents sur la qualité de l’alliance (Mallinckrodt, Gantt & Coble, 1995 ; Mallinckrodt, Coble & Gantt, 1995 ; Mallinckrodt, 1991 ) se sont récemment intéressés aux comportements d’attachement tels

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que manifestés par les clients dans la relation thérapeutique. Afin d’opérationnaliser le style d’attachement des clients au thérapeute, les auteurs ont développé le « Client Attachment to Therapist Scale » (Mallinckrodt, Coble & Gantt, 1995).

Les résultats de leurs travaux ont suggéré l’existence de patrons différentiels d’attachement du client au thérapeute, lesquels ont été reliés à la qualité de l’alliance de travail (Horvath & Geenberg, 1989). Selon ces auteurs les patrons d’attachement établis durant l’enfance prédisposeraient les clients à percevoir et à répondre de façon particulière au thérapeute et influenceraient leur capacité à développer une alliance de travail positive en thérapie. Toutefois, il s’agit de résultats préliminaires nécessitant la reproduction auprès d’autres échantillons de clients et dans de nouveaux contextes.

Étant donné ces considérations, un premier objectif de la présente recherche a visé la poursuite de l’étude des perceptions qu’ont les clients eux-mêmes de l’alliance, telle qu’ils en font concrètement l’expérience lors de la démarche d’aide. Cette étude visait également l’avancement des connaissances quant à l’influence des variables du client sur !’établissement de l’alliance thérapeutique. Plus spécifiquement, un deuxième objectif était d’évaluer l’influence de symptomatologies spécifiques sur la qualité de l’alliance de travail. Enfin, un troisième objectif visait la poursuite de l’étude du construit de l’attachement du client au thérapeute entreprise par Mallinckrodt et collaborateurs (1995), incluant l’influence de cette seconde variable dispositionnelle du client sur l’alliance de travail.

La présente recherche a été menée auprès de 27 clients francophones engagés dans une démarche thérapeutique au Service de consultation de l’École de psychologie de l’Université Laval. Ces clients ont complété une batterie de mesures comprenant un questionnaire ouvert permettant de recueillir les perceptions de l’alliance thérapeutique telle que vécue par les clients, ainsi que des mesures permettant l’évaluation de l’alliance de travail (soit 1’ « Inventaire de l’Alliance du Travail », version abrégée, Horvath & Greenberg, 1989 ; Tracey & Kokotovic, 1989), du niveau de perturbation psychologique

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(soit Γ « Inventaire Bref des Symptômes », Derogatis & Spencer, 1982) et de l’attachement du client au thérapeute (soit P « Échelle d’Attachement du Client au Thérapeute », Mallinckrodt, Coble & Gantt, 1995). Les résultats obtenus par le biais de ces mesures sont discutés en regard des résultats issus des recherches antérieures.

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L’alliance thérapeutique : Perception du client et influence de la symptomatologie psychopathologique et du style d’attachement au thérapeute

CHAPITRE I

Les nombreuses recherches effectuées dans le domaine de la psychothérapie ont démontré, en général, l’efficacité de cette dernière. Les résultats issus de ces travaux suggèrent que non seulement la thérapie produit une amélioration significative chez le client mais que différents types de traitement produisent des gains thérapeutiques comparables (Horvath & Greenberg, 1994 ; Luborsky, Singer & Luborsky, 1975 ; Smith & Glass, 1977 ; Stiles, Shapiro, & Elliot, 1986). De telles observations ont provoqué l’émergence de questions fondamentales en ce qui a trait aux éléments responsables du changement positif chez le client. Des chercheurs se sont alors penchés sur la relation existant entre le client et le thérapeute, un facteur considéré depuis longtemps, tant par les chercheurs que par les cliniciens, comme un élément essentiel du processus d’aide et de changement positif chez le client en thérapie (e.g., Beutler, Machado, & Allstetter Neufeldt, 1994 ; Bordin, 1979, 1980 ; Gaston, 1995; Gelso & Carter, 1985 ; Greenberg & Pinsof, 1986 ; Gurman, 1977 ; Lambert & Bergin, 1994 ; Marziali, 1984 ; Orlinsky & Howard, 1986 ; Rogers, 1957).

Freud (1912 ; 1977) fut le premier à discuter explicitement de l’importance et de l’impact de la relation thérapeutique qu’il décrit en trois aspects, soit le transfert du client (!’identification inconsciente du thérapeute à des figures significatives passées), le contre- transfert du thérapeute (le lien inconscient établi entre le client et des figures significatives ou entre le client et des conflits non résolus du passé) et enfin, l’alliance, soit le lien amical et positif établi par le client entre le thérapeute et des figures bienveillantes du passé (Bachelor, Guérin, Théorêt, Poitra et Tremblay, 1993 ; Horvath & Luborsky, 1993).

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r

Rogers (1951) apporta par la suite un point de vue différent de la conceptualisation psychodynamique courante en abordant la relation thérapeutique en termes d’attributs du thérapeute, soit l’empathie, l’authenticité et le regard positif inconditionnel (Bachelor, Guérin, Théorêt, Poitra et Tremblay, 1993 ; Horvath, Gaston & Luborsky, 1993 ; Horvath & Luborsky, 1993). Pour Rogers, une relation avec un thérapeute capable d’offrir ces conditions dites facilitantes est non seulement nécessaire mais suffisante pour activer le potentiel inné de guérison et de croissance présent chez chaque individu. La conception rogérienne (1957) de la relation thérapeutique a suscité de nombreuses recherches effectuées en vue d’explorer les effets de ces conditions facilitantes du thérapeute sur le succès thérapeutique. Les résultats issus des premières recherches sur le sujet ont fortement appuyé l’hypothèse selon laquelle les thérapeutes qui démontrent un niveau élevé d’empathie, d’authenticité et d’acceptation inconditionnelle ont plus de succès en thérapie que ceux offrant ces conditions à un degré moindre (Barrett-Lennard, 1985 ; Lafferty, Beutler, & Crago, 1989 ; Rogers, Gendlin, Kiesler, & Truax, 1967).

Des auteurs reprochèrent toutefois au modèle de Rogers (1951) d’aborder exclusivement la contribution du thérapeute à la relation thérapeutique (Heppner, Rosenberg, & Hedgespeth, 1992 ; LaCrosse, 1980 ; Strong, 1968) et d’ignorer les variations susceptibles d’exister dans l’habileté et la motivation du client à répondre aux conditions facilitantes du thérapeute (Horvath & Luborsky, 1993). Une théorie de la relation thérapeutique, mettant l’accent sur l’effet médiateur du jugement des clients, quant aux attributs perçus du thérapeute, sur le succès de la thérapie, fut alors développée par LaCrosse (1980) et Strong (1968) (Horvath & Luborsky, 1993). Plus spécifiquement, les auteurs ont avancé que dans la mesure où les clients considèrent leur thérapeute comme expert, digne de confiance et attrayant, soit des qualités socialement valorisées, ce dernier possède le « pouvoir » d’influencer les comportements, les pensées et les sentiments du client, et par conséquent, de promouvoir le changement positif. LaCrosse (1980) et Strong (1968) ont ainsi apporté une perspective nouvelle sur la relation thérapeutique en intégrant cette dernière au modèle de l’influence sociale déjà élaboré par les psychologues sociaux.

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Les béhavioristes classiques (e.g., Eysenck, 1952 ; Skinner, 1985) ont, quant à eux, apporté des critiques aux modèles supportant la valeur thérapeutique de la relation thérapeute-client. Mettant l’accent sur la relation entre les comportements des clients et leurs conséquences environnementales, Skinner (1985) a notamment abordé le succès de la thérapie comme dérivant d’un processus d’apprentissage dans lequel le facteur déterminant est la qualité des interventions « entraîneur-entraîné » plutôt que la relation thérapeute- client. Eysenck (1952) et les psychologues comportementaux en général, ont également critiqué le fait que les recherches portant sur la qualité de la thérapie soient effectuées en dehors du cadre béhavioral et ont soulevé que, pour acquérir la confiance du public et le respect de la communauté scientifique, l’efficacité de la psychothérapie devrait pouvoir être démontrée par le biais de méthodologies empiriques rigoureuses similaires à celles utilisées par d’autres scientifiques sociaux. Ces critiques ont alors donné lieu à l’émergence de nombreuses recherches lesquelles ont effectivement démontré l’importance de la relation thérapeute-client dans le succès de la thérapie. On s’est ensuite intéressé aux ingrédients de la relation thérapeutique, dont l’alliance.

1.1 Développement historique du concept de l’alliance thérapeutique

L’«alliance» fut le premier concept avancé pour décrire le rôle particulier de la relation existant entre le soignant et le client (Horvath & Greenberg, 1994). Issue de la psychanalyse et dérivée des écrits de Freud portant sur le transfert, 1’ « alliance » référait alors aux sentiments d’affection et d’amitié, admissibles à la conscience, éprouvés par le patient envers son thérapeute. Ces éléments conscients et positifs à la base de collaboration entre ces derniers sont «... pour la psychanalyse [comme] pour toutes les autres méthodes thérapeutiques, le facteur de succès» (Freud, 1912 ; 1977, p.57).

Le concept fut ultérieurement développé et révisé par certains théoriciens issus du cadre psychodynamique. Sterba (1934) utilisa le terme « alliance du moi » (« ego alliance ») faisant référence à la capacité du client à travailler, en oscillant entre l’expérience et

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l’observation, au succès de sa psychanalyse. Ce type d’alliance était considérée par l’auteure comme provenant du fonctionnement mature du moi du client. Zetzel (1956) introduisit ensuite le terme « alliance thérapeutique », résultant selon elle de l’attachement et de !’identification du client au psychanalyste, représentant ainsi la réitération des aspects positifs de la relation mère-enfant. Greenson (1965) conceptualisa, quant à lui, l’alliance comme résultant à la fois des sentiments affectueux du patient envers son thérapeute et de sa capacité à travailler en thérapie, ce que l’auteur désigna « alliance du travail ».

Il y a environ 25 ans, Bordin (1975) intégra ces diverses formulations psychodynamiques et proposa que l’alliance puisse représenter une variable relationnelle commune à toutes les formes de thérapie. L’auteur élabora par la suite le concept d’alliance du travail de Greenson (1965) et proposa l’existence de trois composantes de !’alliance client-thérapeute : l’entente sur les buts de la thérapie, l’entente sur les tâches et le développement d’un lien affectif (Bordin, 1979). Alors que le dernier élément rappelle l’importance de la dimension affective déjà soulevée dans les conceptions psychodynamiques antérieures, ainsi que dans les écrits de Rogers (1951) portant sur les conditions dites facilitantes de l’aidant, soit l’attitude chaleureuse, l’empathie, l’authenticité et la compréhension, ceux de l’entente sur les buts et sur les tâches réfèrent à l’aspect plus cognitif du construit déjà présent dans la conceptualisation de l’alliance de Greenson (1965). Bordin (1975) mit ainsi l’accent sur la congruence des croyances du client et du thérapeute quant au processus de changement (Gaston, 1990a), soulignant l’aspect mutuel de la collaboration de ces derniers en thérapie (Horvath & Luborsky, 1993). Luborsky (1976 ; 1984) identifia, quant à lui, deux éléments de base composant « l’alliance d’aide », soit le caractère aidant du thérapeute tel que perçu par le client, ainsi que la collaboration et le partage des responsabilités en vue d’atteindre les objectifs de la thérapie, un aspect similaire à celui soulevé par Bordin (1975).

Plus récemment, Gelso et Carter (1985) empruntèrent les notions originellement avancées par Greenson (1967) et Bordin (1979) pour décrire l’alliance du travail comme

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l’alignement émotionnel entre le thérapeute et son client favorisant d’une part, les aspects rationnels et l’auto-observation du client et, d’autre part, les aspects « thérapisants » du travail (working, « therapizing » aspects) du thérapeute. Les auteurs avancèrent, suivant le point de vue de Bordin (1975), que l’alliance du travail n’est pas exclusive à la psychanalyse classique, à laquelle Greenson (1965) l’avait spécifiquement reliée, mais existante dans toutes les formes de thérapie, même si l’importance de chacun des éléments la composant peut varier selon la perspective théorique du thérapeute et les particularités de la thérapie (Gelso and Carter, 1985).

Parallèlement aux divers développements théoriques de l’alliance, plusieurs instruments de mesure ont été mis au point dans le but d’évaluer empiriquement le construit. Les premiers instruments élaborés à cette fin furent principalement destinés à l’évaluation externe de l’alliance, adoptant ainsi la perspective d’observateurs indépendants pour en mesurer la qualité ou en identifier les diverses dimensions (e.g., Vanderbilt Psychotherapy Process Scales, Gomes-Schwartz, 1978 ; Vanderbilt Therapeutic Alliance Scale, Hartley & Strupp, 1983 ; The Penn Helping Alliance Scale, Luborsky, Crits-Christoph, Alexander, Margolis, & Cohen, 1983 ; California Psychotherapy Alliance Rating System, Marmar, Weiss & Gaston (1989) ; Therapeutic Alliance Scales, Marziali, Marmar & Krupnick, 1981).

La disponibilité des instruments permettant l’évaluation de la qualité de l’alliance a donné lieu à de nombreuses recherches empiriques lesquelles ont démontré que la qualité de l’alliance thérapeutique est déterminante en ce qui a trait aux effets bénéfiques du traitement, et ce, sans égard au type d’approche utilisé (Horvath & Symonds, 1991). Plusieurs chercheurs la considèrent, par conséquent, comme l’un des facteurs communs responsables du succès thérapeutique (e.g., Beutler, Machado & Allstetter Neufeld, 1994 ; Lambert & Bergin, 1994).

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1.2 Le point de vue du client dans l’évaluation de !’alliance thérapeutique

Suite à l’élaboration et !’utilisation des instruments permettant d’évaluer l’alliance par l’entremise d’observateurs indépendants, l’importance de considérer le point de vue des participants, particulièrement celui du client, à l’égard de la relation et du processus thérapeutique, fut soulevée par plusieurs auteurs (e.g., Marmar, Horowitz, Weiss, & Marziali, 1986 ; Rice & Greenberg, 1984). Cela a donné lieu au développement de versions parallèles client et thérapeute de certaines mesures déjà utilisées, ainsi qu’à l’élaboration de nouveaux instruments s’adressant spécifiquement aux participants. On développa, entre autres, le « California Psychotherapy Alliance Scales (Gaston, 1990b), une version client et thérapeute du Therapeutic Alliance Rating System (Marziali, 1984) et le « Helping Alliance Questionnaire » (Luborsky, 1976), en deux versions destinées à l’évaluation de l’alliance par les clients et les thérapeutes. On développa également le « Working Alliance Inventory » (WAI, Horvath & Greenberg, 1989), la mesure la plus utilisée jusqu’à maintenant et qui permet d’évaluer, selon la perspective du client ou du thérapeute, les trois composantes de la conception de l’alliance proposée par Bordin (1979).

De façon générale, l’évaluation de la qualité de l’alliance selon divers points de vue (i.e., clients, thérapeutes, évaluateurs indépendants) produit des résultats peu congruents et ainsi, chacune de ces perspectives donne lieu à une évaluation différente de la relation thérapeutique et ses dimensions (e.g., Bachelor, 1991a ; Horowitz, Marmar, Weiss, De Witt & Rosenbaum, 1984 ; Mallickrodt, 1991 ; Marmar, Gaston, Gallagher & Thompson, 1989 ; Tichenor & Hill, 1989). Mallickrodt (1991) a avancé, à partir des résultats issus de ses recherches, que les clients et les thérapeutes utiliseraient des bases différentes dans leur perception de l’alliance : il semble que les clients évalueraient l’alliance de la même façon qu’ils évaluent d’autres relations interpersonnelles intimes alors que l’évaluation de l’alliance des thérapeutes serait influencée par la perspective théorique à laquelle ils adhèrent (Mallinckrodt, 1991). L’ensemble de ces résultats souligne d’emblée l’influence de la source d’évaluation sur les perceptions de la qualité de l’alliance thérapeutique.

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Si les perspectives du client, du thérapeute et des juges externes apportent chacune des informations importantes à l’égard du construit et que l’une ne peut substituer à l’autre (Gurman, 1977 ; Marmar, Horowitz, Weiss & Marziali, 1986), l’importance particulière que revêt le point de vue du client dans l’évaluation de la relation d’aide fut toutefois soulignée par plusieurs auteurs (e.g., Barrett-Lennard, 1962 ; Elliott, 1989 ; Rice & Greenberg, 1984). Ces derniers rappellent, notamment, que les effets de !’intervention thérapeutique sont déterminés par la perception qu’ont les clients eux-mêmes du processus d’aide et que ce sont ces derniers qui sont appelés à changer à travers ce processus (e.g., Barrett-Lennard, 1962 ; Elliott, 1989 ; Rice & Greenberg, 1984) et également, que les clients ne perçoivent pas nécessairement les intentions et les messages du thérapeute de la même façon que ce dernier (Hill, Helms, Spiegel, & Tichenor, 1988 ; Hill & O’Grady, 1985 ; Horvath, Marx, & Kamann, 1990).

D’autre part, la relation entre les conceptions courantes du construit, incluant les dimensions ou les composantes considérées déterminantes et les perceptions des clients eux- mêmes, sur la base de leur expérience personnelle en thérapie, demeure encore mal comprise et l’étude plus approfondie du point de vue des clients semble nécessaire (Bachelor, 1995). En effet, les perceptions des événements se produisant lors de la démarche d’aide, telles qu’énoncées dans les définitions théoriques sur lesquelles se basent les chercheurs, pourraient ne pas correspondre à celles que les clients produiraient spontanément (Elliott, 1989 ; Patton & Jackson, 1991). De plus, les résultats ayant démontré que les perceptions des clients à l’égard de la relation s’avèrent généralement de meilleurs prédicteurs de l’amélioration chez ces derniers, comparativement aux autres sources d’évaluation (e.g., Gurman, 1977 ; Horowitz et al., 1984 ; Marziali, 1984a), appuient l’importance de poursuivre !’investigation de la perspective du client dans la recherche sur l’alliance.

Des chercheurs cliniciens ont, par ailleurs, soulevé les limites des méthodologies traditionnelles de recherche utilisées pour comprendre les divers processus et phénomènes en psychothérapie, et ont mis en doute leur utilité à générer des résultats utiles pour la

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pratique clinique (Elliott, 1989 ; Rice et Greenberg, 1984). Jusqu’à date, la plupart des études empiriques sur l’alliance ayant été publiées ont adopté une approche quantitative de recherche permettant de déterminer le degré d’association existant entre l’alliance et diverses variables d’intérêt (e.g., Horvath & Symonds, 1991 ; Gaston, Marmar, Thompson & Gallagher, 1988). À !’opposition, l’adoption d’une approche qualitative de recherche, mettant l’accent sur la description du monde perceptuel du client (Elliott, 1989 ; Gelso & Carter, 1985 ; Patton & Jackson, 1991 ; Rice & Greenberg, 1984) et visant l’étude de la réalité clinique de l’alliance, permet d’offrir une compréhension du phénomène tel qu’il est concrètement vécu par le client dans le contexte thérapeutique (Bachelor, 1995). Cependant, encore peu d’informations sont disponibles quant à l’expérience ou la phénoménologie de l’alliance telle qu’elle est concrètement vécue par le client.

Une étude qualitative effectuée par Bachelor (1995) examinant l’expérience que font les clients d’une alliance thérapeutique positive, obtenue par le biais d’auto-évaluations écrites, a permis de démontrer l’existence de divergences dans leur perception de l’alliance. Les résultats ont, en effet, permis de dégager trois types distincts d’alliance thérapeutique positive, soit les alliances de lien affectif (« nurturant »), d’exploration (« insight-oriented ») et de collaboration (« collaborative »).

Ainsi, 46 % des clients ont décrit une relation positive en termes d’attitudes présentes chez le thérapeute (telles le respect, le non-jugement, l’empathie et l’écoute attentive) incluant une relation amicale avec ce dernier. Ce type d’alliance s’apparente de près à la conceptualisation de la relation thérapeutique de Rogers (1957), laquelle met l’accent sur les conditions facilitantes du thérapeute ou encore, au lien affectif auquel font référence plusieurs autres modèles théoriques (Bordin, 1975 ; 1976 ; Luborsky & al., 1985), sans toutefois y accorder une importance centrale. Ces caractéristiques facilitantes sont aussi représentées dans plusieurs mesures de l’alliance (e.g., Vanderbilt Psychotherapy Process Scales, Gomes-Schwartz, 1978). Bachelor (1995) a toutefois permis de démontrer que les

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clients prévilégiant ce type de relation réfèrent surtout à la dimension de confiance qu’inspire le thérapeute comme élément crucial parmi l’ensemble des caractéristiques aidantes.

Pour 39 % des clients, une alliance positive se caractérisait par l’exploration de soi, la prise de conscience et l’amélioration de la compréhension de soi, les dimensions pourtant les moins représentées dans les conceptualisations théoriques contemporaines de l’alliance. Seul le « Vanderbilt Psychotherapy Process Scales » (Gomes-Schwartz, 1978) inclut un facteur explicite d’exploration de soi. Les résultats de cette recherche soulignent l’importance d’accorder une plus grande attention à cette dimension de l’alliance.

Enfin, 15 % des clients ont perçu une relation positive en termes de leurs propres responsabilités et contributions, en concomitance avec celles du thérapeute, dans le travail thérapeutique à effectuer. Alors qu’il occupe une importance centrale chez une proportion plus faible de clients, cet aspect de la relation thérapeutique est celui que soulignent la majorité des conceptions courantes, tant au plan théorique (e.g., Bordin, 1975 ; 1976) qu’empirique (e.g., California Psychotherapy Alliance Scales, Gaston, 1990b; Working Alliance Inventory, Horvath & Greenberg, 1989).

Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent une hétérogénéité dans la perception des clients de l’alliance thérapeutique et conduisent à proposer certaines modifications aux modèles théoriques courants, ainsi qu’aux mesures empiriques dans le domaine afin d’en accroître la validité écologique. Des recherches additionnelles sont cependant nécessaires en vue de vérifier la généralisabilité des résultats obtenus, ainsi que l’existence potentielle de types additionnels d’alliance non identifiés par l’auteure (Bachelor, 1995).

Un premier objectif de la présente recherche vise la poursuite de l’étude des perceptions qu’ont les clients eux-mêmes de l’alliance, telle qu’ils en font concrètement l’expérience lors de la démarche d’aide, par le biais d’une approche qualitative- phénoménologique servant à en élucider les caractéristiques de base. Plus spécifiquement,

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cette étude vise la reproduction des travaux effectués par Bachelor (1995), lesquels ont permis de dégager, à titre exploratoire cependant, divers types d’alliance thérapeutique chez le client. La reprise de ces travaux permettra d’évaluer l’existence des types identifiés auprès d’autres échantillons de clients et cherchera à combler certaines lacunes méthodologiques en mettant en œuvre une démarche de cueillette de données plus élaborée (i.e., des entrevues). De plus, nous examinerons les relations entre les perceptions expérientielles de l’alliance et l’alliance de travail (Horvath & Greenberg, 1989), ainsi que diverses dimensions de symptomatologie psychopathologique.

1.3 L’influence des variables dispositionnelles du client sur la qualité de l’alliance thérapeutique

Non seulement l’expérience du client de la relation thérapeutique mérite-t-elle d’être approfondie, mais l’influence qu’exercent les caractéristiques qui lui sont propres dans !’établissement et le maintien d’une alliance positive se doit d’être davantage étudiée. Suite aux recherches initiales de validation examinant la relation entre l’alliance thérapeutique et l’efficacité de la thérapie (voir Horvath & Symonds, 1991), ce sur quoi ont porté la majorité des recherches sur l’alliance jusqu'à récemment—, on s’est intéressé à l’examen des facteurs susceptibles d’en influencer la qualité, dont les variables du client. L’importance de ces facteurs fut soulevée par certains chercheurs dont les travaux ont suggéré que les clients en thérapie présentent des habiletés différentes à établir une relation de travail positive avec le thérapeute (e.g., Gelso & Carter, 1985 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ). Afin de comprendre ces différences, des chercheurs ont entrepris d’étudier l’influence de diverses caractéristiques du client sur le développement de l’alliance dont, principalement, divers aspects du fonctionnement psychologique et interpersonnel antérieurs à la démarche thérapeutique.

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1.3.1 La symptomatologie psychopathologique et l’alliance thérapeutique

Puisque, de façon générale, les diverses psychopathologies interfèrent avec le fonctionnement cognitif et émotionnel (Gaston, 1991), certains chercheurs ont avancé que les clients faisant l’expérience d’une perturbation psychologique telle la dépression ou l’anxiété pourraient être moins en mesure d’explorer les aspects émotionnels qui sous- tendent leurs relations avec les autres, notamment avec leur thérapeute (Raue, Castonguay et Goldfried, 1993) et moins enclins à contribuer au développement d’une alliance positive (e.g., Eaton, Abeles & Gutfreund, 1988).

La relation entre le niveau de perturbation psychologique du client, évalué à partir de diverses mesures de symptomatologie, de santé-maladie mentale, de fonctionnement ou d’ajustement psychologique, de symptomatologie comportementale ou de dépression —, et l’alliance, a fait l’objet de plusieurs études, lesquelles ont donné lieu à des résultats divergents quant à !’influence de cette variable sur la qualité de l’alliance thérapeutique. Certaines recherches n’ont démontré aucune relation significative entre le statut psychologique du client et l’alliance thérapeutique (e.g., Allen, Tamoff, & Coyne, 1985 ; Gaston, Marmar, Thompson, & Gallagher, 1988 ; Kokotovic et Tracey, 1990 ; Luborsky, Crits-Christoph, Alexander, Margolis, & Cohen, 1983 ; Mallinckrodt, 1996 ; Marmar, Gaston, Gallagher, & Thompson, 1989 ; Marziali, 1984 ; Morgan, Luborsky, Christoph, Curtis, & Solomom, 1982). D’autres, cependant, ont démontré que les clients ayant une détresse psychologique plus sévère présentaient davantage de difficultés à établir une relation de travail productive avec le thérapeute (e.g., Allen, Tamoff, & Coyne, 1985 ; Eaton, Abeles & Gutfreund, 1988 ; Gaston, 1991 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Luborsky, Christoph, Alexander, Margolis, & Cohen, 1983 ; Marziali, 1984 ; Moras & Strupp, 1982 ; Muran, Segal, Samstag, & Crawford, 1994 ; Raue, Castonguay, & Goldfried, 1993).

Ainsi, Gaston (1990) a démontré une association significative entre le niveau global de symptomatologie de 147 clients en thérapie, mesuré par le « Symptoms Checklist-10 »

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(SCL-10 ; Nguyen, Attkinson, & Stegner, 1983, dérivé du « Hopkins Symptom Checklist », SCL-90 ; Derogatis, 1977) et l’alliance telle qu’évaluée à l’aide du « California Psychotherapy Alliance Scales - Patient version » (CALPAS-P ; Gaston, 1991). Plus spécifiquement, des corrélations négatives ont été observées entre les scores totaux au SCL- 10 et trois des quatre sous-échelles du CALPAS-P, notamment l’engagement du patient (« Patient Commitment »), la capacité de travail du patient (« Patient Working Capacity ») et le travail de consensus sur les stratégies (« Working Strategy Consensus ») du CALPAS- P. Ces résultats ont suggéré que plus le niveau global de symptomatologie était élevé, moins les clients étaient aptes à s’engager dans le processus thérapeutique, moins ils démontraient des capacités d’un travail productif avec le thérapeute et plus faible était l’entente sur les buts et les tâches de la thérapie.

De même, les résultats de Marziali (1984) ont indiqué une association significative entre le niveau de Symptomatologie de 42 clients en thérapie brève, mesuré à l’aide du « Behavior Symptoms Index» (BSI ; Derogatis, 1983) et l’alliance thérapeutique, telle qu’évaluée à l’aide du « Therapeutic Alliance Rating Scale » (TARS ; Marziali, 1984) mesurant les quatre dimensions de contributions positives et négatives du thérapeute et du client. Des corrélations significatives négatives ont été observées entre le score total au BSI et les scores aux sous-échelles « Contributions Négatives du Patient » et « Contributions Négatives du Thérapeute » telles qu’évaluées par les clients. Ces résultats ont suggéré que plus symptomatiques étaient les comportements des clients, plus ces derniers évaluaient leurs propres contributions à l’alliance thérapeutique, ainsi que celles de leur thérapeute négativement. Des corrélations significatives négatives ont également été observées entre le score total au BSI et les scores des thérapeutes et des observateurs indépendants à la sous- échelle « Contributions Négatives du Patient » du TARS, suggérant qu’une présence plus importante de comportements symptomatiques était associée à un niveau plus élevé de contributions négatives de la part des clients, tel que jugé par les thérapeutes et les juges externes.

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Raue, Castonguay et Goldfried (1993) ont, pour leur part, relevé une corrélation significative négative entre le niveau de détresse psychologique de 31 clients (soit en thérapie psychodynamique, soit en thérapie cognitive-comportementale), mesuré par le « Global Severity Index » (GSI) du « Hopkins Symptom Checklist » (HSCL ; Derogatis, Lipman, Rickeis, Uhlenhuth, & Covi, 1974) et le score total de l’alliance de travail, tel qu’évalué par des observateurs indépendants à l’aide du « Working Alliance Inventory » (WAI ; Horvath & Greenberg, 1989). Ainsi, plus les clients faisaient l’expérience d’une détresse psychologique sévère, moins l’alliance de travail était jugée positivement par les observateurs indépendants. Cependant, lorsque les participants furent divisés selon l’orientation thérapeutique, cette association ne fut observée que chez les clients du groupe psychodynamique.

Muran et al. (1994) ont, quant eux, investigué la relation entre le fonctionnement interpersonnel pathologique et l’alliance de travail (Horvath & Greenberg, 1989) auprès de 32 clients en thérapie cognitive brève. Les auteurs ont utilisé le « Millon Clinical Multiaxial Inventory » (MCMI ; Millon, 1983), lequel permet d’évaluer, sur la base des formulations de l’Axe II fournies dans le « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders » (3eéd. ; DSM-ΠΙ ; American Psychiatrie Association, 1980), onze désordres de personnalité selon deux facteurs principaux, dont le premier inclut les sous-échelles « Schizoid » ; « Évitant » ; « Dépendant » ; « Passif-Agressif » ; « Schizotypique » et « État Limite », et le deuxième, les sous-échelles « Histrionique » ; « Narcissique » ; « Antisocial » et « Paranoïde ».

Les résultats ont démontré des corrélations négatives significatives entre les sous- échelles du deuxième facteur du MCMI et les dimensions « Entente sur les Buts» et « Entente sur les Tâches », ainsi que le score total du WAI, suggérant que plus les clients démontraient un haut niveau de fonctionnement interpersonnel pathologique, réflété par l’un ou l’autre des troubles de la personnalité de type « Histrionique » ; « Narcissique » ; « Antisocial » ou « Paranoïde », moins ils s’entendaient avec leur thérapeute sur les buts de la thérapie et les tâches à effectuer pour atteindre ceux-ci, et plus ils évaluaient l’alliance

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globalement de façon négative. Un résultat intéressant, bien que statistiquement non significatif, a démontré une association positive modérée (r = .37) entre les désordres associés au facteur 1 et la sous-échelle « Entente sur les Tâches » du WAI, ce qui suggère que les clients obtenant des scores élevés aux sous-échelles « Schizoide » ; « Évitant » ; « Dépendant » ; « Passif-Agressif » ; « Schizotypique » ou « État Limite » auraient tendance à s’entendre avec le thérapeute sur les tâches à effectuer en thérapie.

Enfin, Eaton, Abeles et Gutfreund (1988) ont démontré une association significative entre divers symptômes observés chez 40 clients en thérapie, tels que mesurés par le « Hopkins Symptom Checklist » (SCL-90, Derogatis, 1977) mesurant un ensemble de symptômes ainsi que le niveau de symptomatologie psychopathologique global, et les contributions positives et négatives des clients à la relation thérapeutique, telles que mesurées par le « Therapeutic Alliance Rating Scale » (TARS, Marziali, 1984) selon la perspective d’observateurs indépendants.

Plus spécifiquement, les résultats de cette étude ont démontré une association négative significative entre la sous-échelle «Anxiété Phobique» du SCL-90 et la sous-échelle «Contribution Positive du Patient» du TARS, suggérant que plus les clients présentaient un niveau d’anxiété phobique élevé, moins les contributions de ceux-ci à l’alliance étaient évaluées positivement par les juges externes. Des résultats similaires ont été obtenus entre les sous-échelles «Obsession-Compulsion», «Sensibilité Interpersonnelle», «Idéation Paranoïde» et «Aliénation Sociale» du SCL-90 et la sous-échelle «Contributions Positives du Patient» du TARS.

Les résultats ont démontré, en contrepartie, une association positive significative entre les mêmes sous-échelles du SCL-90 («Anxiété Phobique» ; «Obsession-Compulsion» ; «Sensibilité Interpersonnelle» ; «Idéation Paranoïde» et «Aliénation Sociale») et la sous- échelle «Contributions Négatives du Patient». La dimension «Dépression» du SCL-90 a

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également été corrélée positivement avec la sous-échelle «Contributions Négatives du Patient» du TARS.

Enfin, V« Indexe Global de Pathologie » (« Global Pathology Index ») du SCL-90 a été négativement corrélé avec l’échelle « Contributions Positives du Patient » et positivement corrélé avec l’échelle « Contributions Négatives du Patient» du TARS, suggérant, dans l’ensemble, que plus le niveau de symptomatologie des clients était élevé, plus ces derniers contribuaient négativement à l’alliance thérapeutique et moins ils y contribuaient positivement, selon les observateurs indépendants. Aucune association significative n’a été démontrée entre les sous-échelles du SCL-90 et les sous-échelles « Contributions du Thérapeute » du TARS.

La plupart des recherches examinant l’influence du niveau de perturbation psychologique ont cependant utilisé des indices globaux afin de mesurer cette variable chez les clients en thérapie (e.g., le « Global Severity Index » du SCL-90, le score total du « Symptoms Checklist-10 » évaluant la détresse psychologique globale et le « Global Assessment Scale » (GAS ; Endicott, Spitzer, Fleiss, & Cohen, 1976) mesurant le niveau de fonctionnement psychologique global (e.g., Allen, Tamo if, & Coyne, 1985 ; Gaston, 1991 ; Mallinckrodt, 1996 ; Marziali, 1984 ; Raue, Castonguay, & Goldfried, 1993), et/ou des mesures non validées (notamment, des indices de « Severity of Problems », « Intensity of Subjective Distress » ou « Adequacy of Functioning » ; e.g., Kokotovic & Tracey, 1990 ; Moras & Strupp, 1982), ou encore, des instruments se limitant à l’évaluation d’un symptôme unique tel la dépression (Gaston, Marmar, Thompson, & Gallagher, 1988 ; Marmar, Gaston, Gallagher, & Thompson, 1989). L’utilisation d’un indice global offre des résultats limités en ce qu’ils ne permettent pas d’identifier les symptômes spécifiques ayant potentiellement une influence sur la qualité ou le développement de l’alliance client- thérapeute ou ses diverses composantes.

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Une seule étude (Eaton & al., 1988) a évalué plus spécifiquement la relation entre un éventail de symptômes psychopathologiques et Γalliance thérapeutique. Dans cette étude, toutefois, Γévaluation de Γalliance était effectuée par Γentremise d’observateurs indépendants. Peu de données sont disponibles sur la relation entre la symptomatologie et l’alliance telle que perçue par les clients. De plus, parmi les recherches sur le sujet utilisant une mesure validée de dysfonctionnement psychologique, une seule (Muran & al., 1994) a utilisé le WAI version client. Avant donc de conclure au rôle de la symptomatologie psychopathologique sur la qualité et le développement de l’alliance thérapeutique, des recherches additionnelles examinant la relation entre le fonctionnement psychologique, et ce, d’une manière complète et différenciée, et l’alliance telle qu’évaluée selon le point de vue du client, doivent donc être entreprises.

La présente recherche a pour deuxième objectif la poursuite de l’étude du rôle du statut psychologique du client dans la capacité de ce dernier à établir une alliance de travail, en examinant une variété de symptômes psychopathologiques. Une mesure de symptomatologie validée et multidimensionnelle, soit l’Inventaire Bref des Symptômes (BSI ; Derogatis & Spencer, 1982) dérivé du «Symptoms Checklist-90—Revised » (S CL- 90—R ; Derogatis, 1977), l’une des mesures les plus fréquemment utilisées dans l’évaluation de la thérapie du fait qu’elle permet d’évaluer une variété de symptômes communément rencontrés chez les clients, incluant la dépression et l’anxiété (Lambert, Master, & Ogles, 1991) —, sera utilisée afin d’obtenir une évaluation différenciée de l’influence de la symptomatologie psychopathologique sur l’alliance de travail. Sur la base des résultats obtenus antérieurement par !’utilisation d’instruments valides dont le SCL-10, et plus particulièrement les résultats issus de l’étude de Eaton et al. (1988) ayant évalué l’influence d’un éventail de symptômes psychopathologiques sur l’alliance du travail, nous nous attendons à une association négative significative entre les divers symptômes psychopathologiques étudiés et l’alliance de travail telle qu’évaluée par les clients.

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1.3.2 Le fonctionnement interpersonnel et l’alliance thérapeutique

Parallèlement aux recherches portant sur l’influence du statut psychologique sur l’alliance, le fonctionnement interpersonnel du client a également fait l’objet de plusieurs études dont les résultats ont démontré, en général, une association positive entre la capacité d’établir des relations durables avec les autres et le niveau de participation et de collaboration du client en thérapie (e.g., Gaston, 1991 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Mallinckrodt, 1991 ; Piper, Carufel & Szkrumelak, 1985). Par exemple, Kokotovic et Tracey (1990) ont démontré que les clients qui étaient considérés comme ayant des relations sociales négatives par leur thérapeute avaient une plus grande difficulté à former une alliance positive avec ce dernier. Une étude effectuée par Moras et Strupp (1982) a, quant à elle, démontré que la qualité des relations qu’entretient le client avec les membres de sa famille était un prédicteur significatif de la qualité de l’alliance thérapeutique. Enfin, d’autres recherches ont démontré qu’une histoire de vie comportant au moins une expérience d’attachement adulte positive était cruciale pour déterminer l’aptitude des clients à entreprendre une thérapie brève (Davanloo, 1979 ; Moras & Strupp, 1982) et leur habilité à former rapidement une alliance positive (Mallinckrodt, Gantt, & Coble, 1995).

Bien que les chercheurs aient identifié plusieurs variables interpersonnelles du client influençant le développement d’une alliance viable (e.g., Klee Abeles, & Muller, 1990 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Mallinckrodt, 1991), l’étude de ce type de variable s’est limitée, en général, aux interactions sociales des clients, plus particulièrement leurs relations sociales courantes. Un aspect plus spécifique de fonctionnement interpersonnel, relativement inexploré, concerne les premières expériences relationnelles des clients et l’influence du modèle personnel d’attachement établi en bas âge sur la qualité de l’alliance thérapeutique. Considéré tel un mécanisme stable, ce système d’attachement continuerait, en effet, à influencer non seulement les relations sociales significatives courantes mais également l’alliance existant entre le client et le thérapeute (Ainsworth, 1988 ; Bowlby, 1989).

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La théorie de l’attachement

Élaborée pour expliquer les réponses émotionnelles et comportementales qui maintiennent la proximité physique (Bowlby, 1969) et un « sens de sécurité » (Bischof, 1975 ; Bretherton, 1985 ; Sroufe & Waters, 1977) entre les nourrissons et leurs parents, la théorie de l’attachement fut ultérieurement utilisée pour comprendre le développement de liens émotionnels chez l’adulte (Ainsworth, 1989 ; Bowlby, 1977).

Intégrant l’éthologie à la théorie psychanalytique de la relation objectale aussi bien qu’à des concepts issus de la théorie des systèmes, de la psychologie cognitive et du traitement de !’information, Bowlby (1969) a élaboré une théorie basée sur un système comportemental d’attachement (« attachment behavioral system ») biologiquement enraciné et durable, favorisant la proximité et le sentiment de sécurité. Trouvant leur origine dans la tendance innée du nourrisson à chercher la proximité et à maintenir un lien affectif avec sa mère, les comportements d’attachement se développent par !’interaction avec des figures significatives et sont particulièrement sollicités en temps de détresse physique ou émotionnelle (Bowlby, 1969). Ainsi, lorsque l’enfant est craintif ou anxieux, le système d’attachement active des comportements dont l’objectif est de favoriser la proximité à la figure d’attachement, laquelle pourra assumer le rôle d’agent apaisant. À travers les interactions continues avec ces figures, l’enfant assimile les messages et les impressions à propos du fonctionnement des relations interpersonnelles et commence ainsi à former un ensemble de croyances à l’égard des autres et de lui-même.

Plus spécifiquement, selon Bowlby (1977) l’individu intériorise, au cours de l’enfance, des expériences relationnelles avec ses parents, de sorte que les premières relations d’attachement forment un patron composé de représentations mentales. L’auteur identifia deux aspects de ces représentations internes ou « modèles de travail » (« working models ») à savoir l’attente que a) la figure d’attachement répondra ou non à la demande de support et de protection et b) que le soi est digne ou non de recevoir de la part de l’autre,

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plus particulièrement de la figure d’attachement, le support et la protection (Bowlby, 1973). Ces caractéristiques clés concernent, respectivement, les perceptions qu’entretient l’enfant à propos des autres et de lui-même. On utilise le terme « modèles de travail » puisqu’au cours de l’enfance, ces représentations mentales sont appelées à être révisées lorsque de nouveaux attachements se produisent. À mesure que le processus de développement se poursuit, cependant, les modèles deviennent de plus en plus résistants au changement, les nouvelles informations incompatibles avec les structures déjà existantes tendant à être exclues (Bowlby, 1969 ; 1973 ; Bretherton, 1985).

La nature et la qualité des premières relations interpersonnelles sont, quant à elles, largement déterminées par la disponibilité émotionnelle et !’attention de la figure d’attachement principale aux besoins de l’enfant (Bowlby, 1973). Dans le cas d’attachements sécurisants (« secure attachments »), au cours desquels les parents se montrent, de façon régulière, accessibles et sensibles aux comportements d’attachement de leur enfant, les modèles de travail sont susceptibles de refléter la sécurité et la confiance en la fiabilité des autres, ici les figures significatives, aussi bien que le sentiment d’être compétent et de mériter réconfort et soins. De telles expériences permettent à l’enfant, dans ses explorations du monde environnant, dans son acquisition de nouvelles expériences et lors de nouvelles relations interpersonnelles, d’avoir la certitude que ces figures significatives seront disponibles et supportantes en cas de besoin (Bowlby, 1988).

En contraste avec un patron d’attachement de type sécurisant, un attachement « anxieux » (« anxious attachment ») (Bowlby, 1973 ; 1977) se développe lorsque l’enfant est incertain de pouvoir compter sur la figure d’attachement et ressent le besoin de demeurer à proximité des personnes ou lieux qui représentent la sécurité et la protection. Ainsi, si le cours normal de l’attachement est perturbé par un manque de la part du parent à remplir ces conditions ou par l’expérience d’une séparation traumatisante, soit répétée, prolongée ou permanente par exemple, l’enfant devient alors susceptible de développer une peur généralisée de perdre la figure d’attachement. Craignant ainsi constamment la perte de la ou

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des figures significatives, les comportements d’attachement de l’enfant sont alors activés trop facilement, ce qui, en contrepartie, a pour conséquence de nuire à l’attachement lui- même puisque l’enfant devient demandant, voire envahissant pour la figure significative mais également hésitant à entrer en relation avec d’autres individus.

Tandis que les enfants faisant l’expérience d’un attachement anxieux sont incertains quant à la disponibilité des figures d’affection, ceux qui présentent un style d’attachement « auto-suffisant compulsif » (« Compulsive Self-Reliance ») n’ont aucune confiance en celle- ci. Dans ce cas, une faible fiabilité quant à l’apport de soins ou encore l’expérience de séparations impromptues ou d’un rejet ont donné lieu, chez l’enfant, à l’exclusion des informations pouvant activer les comportements d’attachement. Il renie, dans une certaine mesure, le besoin de support ou d’attention et évite, par crainte de faire confiance à autrui, d’entrer en relation avec les autres.

Bien que la théorie de Bowlby fut principalement axée sur les relations entre les enfants en bas âge et leurs parents, ce dernier a souligné la durabilité du phénomène tout au cours de la vie :

... il semble nécessaire de postuler que, quels que soient les modèles représentatifs des figures d’attachement et de lui-même qu’un individu construit pendant son enfance et son adolescence, ces derniers tendent à demeurer relativement inchangés pendant et tout au long de la vie adulte. En conséquence, l’individu tend à assimiler au modèle des autres existant, toute personne avec qui il peut établir un lien, tel qu’un(e) époux(se), un enfant, un employeur ou un thérapeute, et ce, souvent en dépit des évidences répétées de l’inadéquation du modèle. De la même façon, il s’attend à être perçu et traité par les autres de manière qui soit appropriée au modèle qu’il entretient de lui-même et conserve ces attentes malgré les évidences contraires (traduction libre, Bowlby, 1978, p.16).

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Un ajout important à la théorie de Bowlby fut apporté par Ainsworth, Blehar, Waters et Wall (1978) lesquels ont exploré, par Γobservation d’enfants âgés d’un an et de leur mère, les différences individuelles dans les relations d’attachement. Sur la base des réactions des jeunes enfants face à la séparation et la réunion avec le parent lors de situations expérimentales impliquant la présence d’un étranger, appelées « Situations Étranges », les auteurs ont identifié trois patrons, ou styles d’attachement, distincts (« sécurisant », « anxieux-évitant » et « anxieux-ambivalent »). Les enfants présentant un attachement dit « sécurisant » exploraient librement leur environnement en présence de leur mère, démontraient de l’anxiété lors d’un séparation d’avec celle-ci et étaient réconfortés par leur réunion. Les enfants se démarquant par un attachement dit « anxieux-ambivalent » démontraient un niveau élevé d’anxiété et de colère, s’accrochaient à la mère d’une façon qui interférait avec les comportements d’exploration, étaient en détresse lors d’une séparation et, par surcroît, difficiles à réconforter suite à la réunion. Enfin, les enfants « anxieux-évitants » démontraient peu d’intérêt envers leur mère, aussi bien lors d’une séparation qu’au moment de la réunion.

Les recherches de Ainsworth et collaborateurs (1978) ont apporté un appui empirique considérable aux formulations de Bowlby en démontrant que la qualité des relations d’attachement pouvait être mesurée, et que les attitudes et comportements parentaux avaient des effets sur la personnalité (Sable, 1997). En effet, les styles d’attachement identifiés chez les enfants en bas âge par Ainsworth et al. (1978) se sont avérés, en cohérence avec la théorie de Bowlby (1973 ; 1977), étroitement associés aux différences quant au support et à la protection apportés par la figure parentale.

Par la comparaison entre les comportements observés en laboratoire, grâce à la procédure de la « Situation Étrange », et les comportements observés antérieurement sur le terrain (i.e., dans !’environnement familial des participants), Ainsworth et al. (1978) ont également démontré empiriquement que les attitudes et comportements des parents, en tant que figures significatives, exerçaient non seulement un effet sur la personnalité mais que ces

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effets étaient demeurés stables, tel que l’avait avancé Bowlby (1978). La reproduction des travaux d’Ainsworth et collaborateurs (1978) auprès d’enfants et d’adolescents d’âge divers, ainsi que des recherches adaptées aux adultes (e.g., Hazan & Shaver, 1984 ; Main & Goldwyn, 1984 ) ont également appuyé la théorie de Bowlby (1978).

Ainsi, le système d’attachement établi durant l’enfance, composé de modèles de travail formant un mécanisme durable à travers l’âge, revêt une importance particulière pour comprendre le rôle que jouent les premiers liens interpersonnels sur les relations adultes subséquentes. II continuerait, en effet, à influencer de façon importante toute relation sociale évoquant un potentiel pour l’amour, la sécurité et le confort, incluant l’alliance thérapeutique (Ainsworth, 1989 ; Bowlby, 1988).

L’attachement dans la relation client-thérapeute

Plusieurs théoriciens et chercheurs (e.g., Gelso & Carter, 1985 ; Greenson, 1967 ; Strupp, 1974 ; Zetzel, 1956) s’intéressant à la relation thérapeutique, ont soutenu, il y a déjà plusieurs années, que les premières expériences de liens émotionnels parents-enfant des clients en thérapie comptent parmi les plus importants facteurs influençant l’habileté à former une alliance de travail productive. Comme l’alliance partage des caractéristiques importantes avec les autres formes de liens personnels étroits (Derlega, Hendrick, Winstead, & Berg, 1991) lesquels ont d’ailleurs généralement été significativement associées à l’alliance (e.g., Davanloo, 1979 ; Gaston, 1991 ; Kokotovic & Tracey, 1990 ; Mallinckrodt, 1991 ; Moras et Strupp, 1982 ; Piper, Carufel & Szkrumelak, 1985), cette dernière se trouverait influencée de manière semblable par les premières interactions avec les figures d’attachement.

D’un point de vue théorique, Bowlby (1988) a suggéré que la relation thérapeutique contient plusieurs caractéristiques pouvant activer les attentes et comportements d’attachement enracinés depuis l’enfance chez le client adulte. Tel que l’ont avancé Kobak et

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Shaver (1987), l’individu qui demande une aide professionnelle se trouvant souvent dans un état de détresse surpassant ses capacités d’adaptation (« coping »), le thérapeute s’avère en position de devenir une figure d’attachement pour ce dernier, tout comme l’étaient ses parents au cours des premières années de sa vie. En effet, Färber, Lippert, et Nevas, (1995) qui ont exploré la façon par laquelle le thérapeute représente une figure d’attachement pour le client, ont suggéré que l’attachement abordé par Bowlby (1973) tel un lien développé avec un individu perçu comme plus fort et plus sagace, s’apparente à ce qui se produit souvent au sein de la relation thérapeutique : implicitement, le client qui cherche un soulagement contre la douleur et la confusion dévoile ses difficultés au thérapeute, lequel est considéré comme une personne qui en sait et en comprend plus que lui-même et qui peut voir le monde avec plus de lucidité.

Dans la relation thérapeutique, le client répéterait donc un patron d’attachement caractéristique, lequel aurait une influence sur la qualité de l’alliance. Le thérapeute est, en effet, associé par le client aux figures significatives et est considéré comme une personne offrant, tel le parent bienveillant, une disponibilité émotionnelle, une présence réconfortante et une base sécurisante à partir de laquelle peuvent être explorés les mondes interne (dont les modèles de travail d’attachement) et externe du client (Pistole, 1989). En explorant sa relation avec le thérapeute ainsi que ses relations interpersonnelles en dehors du contexte thérapeutique, ces modèles deviennent accessibles à la conscience du client et susceptibles au changement (Sperling & Lyons, 1994). Dans le même ordre d’idées, West, Sheldon, et Keiffer (1989) ont abordé la thérapie en tant que moyen pour réviser les patrons d’attachement d’un individu, de sorte que les expériences relationnelles négatives passées puissent être corrigées.

D’autre part, plusieurs auteurs (e.g., Dolan, Amkoff et Glass, 1993 ; Grotstein, 1990 ; Guidano & Liotti, 1983) ont soulevé le fait que la connaissance de la théorie de l’attachement de Bowlby (1973 ; 1988) et Ainsworth et al. (1989) par les cliniciens facilite !’établissement d’une relation thérapeutique efficace. Par exemple, selon Dolan et al. (1993),

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le style particulier d’attachement du client devrait toujours influencer les attitudes interpersonnelles et le style d’intervention du thérapeute. Ainsi, en portant une attention particulière au style d’attachement du client, le thérapeute peut recueillir de F information utile lui permettant d’adapter son style relationnel et d’intervention aux modes différentiels de fonctionnement interpersonnel des clients et ce, dans le but de promouvoir le développement d’une relation thérapeutique efficace.

L’attachement et l’alliance thérapeutique : Recherches empiriques

Parallèlement à l’essor des recherches sur l’attachement en regard de divers phénomènes, notamment les relations de couple, l’amour romantique (Hazan & Shaver, 1987 ; Simpson, 1990) et la psychopathologie (West, Rose & Sheldon, 1993), un intérêt grandissant fut démontré par les chercheurs pour la pertinence, d’ailleurs déjà notée par Bowlby en 1978, de la théorie de l’attachement dans le contexte de la psychothérapie (Watkins, 1995). Une attention a notamment été porté à l’attachement en regard de la psychanalyse (Osofsky, 1988), de la psychothérapie brève (West, Sheldon & Reiffer, 1989), de !’intervention cognitive (Liotti, 1992), ainsi que sur les styles d’attachement pathologiques dans les relations superviseur-supervisé en thérapie (Watkins, 1995). Cependant, les recherches portant sur l’attachement et la relation thérapeutique, plus spécifiquement sur l’alliance de travail, n’en sont qu’à leurs débuts.

À cet égard, les expériences d’attachements parentaux et d’attachements adultes des clients en thérapie, et plus récemment, l’attachement des clients au thérapeute ont été étudiées quant à leur impact sur l’alliance de travail thérapeutique. Les prochaines pages présentent le détail de ces recherches.

Figure

Figure 2. Scores moyens des styles d’alliance au BSI

Références

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