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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Apprendre des stages pratiques: une démarche d'intelligibilité des actes professionnels

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Academic year: 2021

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APPRENDRE DES STAGES PRATIQUES :

une démarche d’intelligibilité des actes professionnels

Antoine ZAPATA

Université de Haute Alsace - Mulhouse

MOTS-CLÉS : FORMATION PROFESSIONNELLE - ALTERNANCE THÉORIE-PRATIQUE

RÉSUMÉ : Le propre des formations professionnelles est de nécessiter l’articulation entre la théorie et la pratique, or on constate que, généralement, l’alternance théorie/pratique se traduit certes par une dualité des lieux de formation, mais surtout par une déconnexion entre ce qui se passe et se joue dans l’un et dans l’autre. Une démarche mise en place à l’École d’Orthophonie de Strasbourg tente de jeter ce pont, et d’aider les étudiants à se construire une démarche d’articulation qui leur rende intelligibles les actes professionnels.

SUMMARY: The characteristic of the vocational trainings is to require the articulation between the theory and the practice, but it is noted that, generally, theorie/pratic alternation results certainly in a duality of the places of formation, but especially by a disconnection between what occurs and is played in one and the other. A step installation at the School of Orthoepy of Strasbourg tries to throw this bridge, and to help the students to build a step of articulation which returns understandable the professional acts to them.

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1. INTRODUCTION

Un proverbe chinois prétend que « l’expérience est une lanterne que l’on porte accrochée dans son dos », et il s’avère que nos activités quotidiennes sont très rarement porteuses de leçons, non pas de façon intrinsèque, mais parce que nous sommes dans l’incapacité d’utiliser ce « vécu » pour le rendre formatif. Ainsi la formation oscille constamment entre un pôle de « théorie », l’École, et un pôle de « pratique », l’activité concrète. Nous constatons que, sur le plan professionnel, les décisions des experts (gens d’expérience) ont l’air de couler de source et nous sommes bien incapables de dire pourquoi tel choix (efficace et pertinent) a été fait, plutôt que tel autre, que l’expérience (toujours elle) fait rejeter sans que pour autant il soit possible de formaliser la stratégie, d’expliciter les variables prises en compte, de justifier la solution retenue. Il y aurait donc d’un côté une théorie immanente, de l’autre une pratique indépendante dont la maîtrise demande beaucoup de temps. Or, dans la réalité, nous sentons bien confusément qu’il y a un lien entre les deux pôles, mais nous sommes incapables de le dire, de trouver ce fil d’Ariane qui mène de l’un à l’autre.

2. AMÉLIORER LA FORMATION DE PRATICIENS EN ALTERNANCE ENTRE LA THÉORIE ET LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE

La demande est issue du désir de l’École d’orthophonie d’améliorer l’accueil des étudiants orthophonistes lors du stage professionnel qu’ils sont amenés à accomplir durant leurs études, tout en apportant une « rétribution » symbolique aux Maîtres de Stage par une formation qui leur est ouverte exclusivement. Bien que les Maîtres de stage soient des orthophonistes particulièrement reconnus sur le plan professionnel, les étudiants ont du mal à comprendre en quoi le stage leur est utile. Souvent placés en situation d’observation - la situation thérapeute/patient étant par essence interpersonnelle et les effets du traitement étant conditionnés aussi par la qualité de la relation établie, on comprend que les maîtres de stage soient réticents à confier un travail réel à leur stagiaire qui dès lors se substitue à eux - ils se retrouvent face à des comportements qu’ils ont du mal non seulement à décrypter mais aussi à référencer. Or leur questionnement des Maîtres de Stage se heurte à ce qu’ils prennent pour une volonté de taire les « ficelles » du métier.

Au cours des réunions des Maîtres de Stage avec la direction des études, il apparaît clairement qu’ils ont beaucoup de mal à expliciter leurs pratiques, et qu’ils pensent que les étudiants ne savent pas appliquer la formation théorique reçue aux cas qu’ils observent. À l’analyse, il apparaît nécessaire de faire découvrir aux Maîtres de Stage qu’ils sont victimes d’une zone aveugle qui paralyse leur capacité d’explicitation des stratégies et actes mis en œuvre sur le plan professionnel.

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Il apparaît aussi que, sauf pour quelques rares Maîtres de Stage en poursuite de formation à titre personnel, la plupart d’entre eux établissent un clivage entre la pratique et les cadres théoriques référents de celle-ci. La théorie semble s’occulter, se dissoudre au fur et à mesure qu’ils acquièrent de la dextérité, de la maîtrise sur leurs actions.

3. QU’EST-CE QU’UNE PRATIQUE ?

Parler de la pratique à propos des professions nécessite de s’interroger sur le sens que l’on peut lui donner. En ce qui me concerne je vois trois grands points pour la qualifier.

- D’abord on peut définir la pratique comme un ensemble d’actes repérables produisant un effet. On parlera aussi d’une activité qui s’exerce sur le réel, avec le but avoué ou non d’en modifier quelque chose. La pratique est du domaine de l’observable, mais elle n’apparaît que comme récit lorsqu’on veut la verbaliser ou la consigner. La pratique est contextuelle, événementielle, singulière. En fait, malgré un singulier trompeur, elle est multiple, toujours différente.

- Ensuite, et c’est volontairement que je ne le place qu’en seconde position, elle s’exprime toujours par opposition à la théorie. Elle signifie une rupture par rapport à la dimension intellectuelle, imagée, etc.

- Enfin, et non moindre de ces caractéristiques, elle réfère à une communauté - un corps constitué - dont elle légitime la cohésion par son existence (par exemple médecin, plombier, joueur de pétanque). Dans ce sens, elle révèle les spécificités opérationnelles de cette communauté par rapport à d’autres (par exemple les bonnes pratiques du chimiste, du biologiste, etc…).

3.1 Le paradoxe de l’expert

Le comportement professionnel de l’expert se caractérise par la transparence à la fois des procédures décisionnelles qu’il met en œuvre pour réaliser une tâche de façon maîtrisée, des repères dirigeant son action, ainsi que des cadres théoriques de référence qui la structurent.

Pour la plupart des gens, l’augmentation de l’efficacité est censée venir de l’expérience ou de l’intuition, sans autre forme d’analyse. Comme si l’action, la pratique, pour reprendre notre terminologie, engendrait un savoir essentiellement en actes, qui se collationnerait au fur et à mesure du temps pour aboutir à un éventail de plus en plus ample (l’expérience), au sein duquel le choix irait de soi ou pire serait dû à une qualité inanalysable (l’intuition). À partir de là, quelle peut être la place de la théorie, si ce n’est une fonction initiatique de sélection de ceux qui auront le droit d’acquérir les savoirs de l’expérience. Voilà donc posée et légitimée la dichotomie théorie pratique. Pourtant, à nous qui, comme formateurs, sommes confrontés non seulement à la difficulté d’accès

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au savoir dit théorique, mais aussi à celle de la maîtrise des actes professionnels, surtout en ce qu’ils nécessitent de transférabilité d’une situation de travail singulière à une autre (ce qu’on entend d’ailleurs aussi par le terme d’expérience), il apparaît de façon plus ou moins confuse que cette dichotomie n’en est pas une. Pour nous l’activité professionnelle, la situation de travail en ce qu’elle a de singulier est porteuse de savoirs à s’approprier, tant sur le plan de l’action que sur celui de la réflexion.

3.2 Le savoir dans l'activité professionnelle

L’activité professionnelle se caractérise par la coexistence de deux dimensions imbriquées, celle de l'observable qui est la seule accessible et celle des démarches intellectuelles qui, non seulement est inaccessible, mais, de plus, nécessite de faire appel à des hypothèses quant à leur nature ou à leur substance. La première dimension permet de définir les fonctions, les tâches, les activités que font les acteurs professionnels, elle permet une projection de ce qu’on appelle « compétence », dont nous ne développerons pas ici l’aspect hypothétique et hasardeux. La seconde dimension permet de définir des savoir-faire ainsi que des savoirs associés. Si le savoir-faire peut se distinguer sans problème d’une acquisition de geste professionnel à travers la transférabilité du savoir-faire, le choix des savoirs associés est souvent lié à des représentations de celui qui conduit l’analyse du poste de travail.

Pour sortir de cette incertitude la référence au modèle que propose G. Malglaive (1991) sur le savoir en usage permet d’une part de requérir des savoirs savants (ce qu’il appelle savoirs théoriques dans le domaine de la pensée), d’autre part d’élaborer des savoirs à travers l’activité concrète, et la mise en œuvre des savoir-faire (ce qu’il appelle les savoirs pratiques dans le domaine de l’action). L’ensemble répondant à une dynamique qui va mobiliser/requérir/construire les savoirs entre eux suivants les besoins. En tout cas il s’agit d’un modèle qui tente de jeter un pont entre les savoirs savants et ceux de l’activité, la différence entre les uns et les autres n’étant plus liée à un statut mais à une forme de construction. Pourtant, cela ne répond pas à l’interrogation des étapes intermédiaires que sont, par exemple, les concepts opératoires ; la mise en évidence de ceux-ci ne peut plus, dès lors, faire l’économie d’une introduction du sujet actant dans le processus d’analyse. On passe alors d’une observation armée de l’activité d’un sujet agissant à une reconstruction commune des processus externes et internes qui ont conduit au résultat. C’est cette démarche que conduit P. Pastré (1999) à travers ses dispositifs d’analyse des activités professionnelles dans des situations dynamiques.

Elle nous offre un cadre de modélisation de notre propre pratique, mais il semble qu’elle occulte une dimension essentielle dans la construction d’un savoir par le sujet apprenant/actant celle, non de la mise en commun du savoir construit, mais de la socialisation de celui-ci. En effet, quel serait

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l’intérêt d’un savoir individuel, incommunicable, reposant sur des représentations singulières, coupé des concepts scientifiques socialisés ? Voilà pourquoi nous avons abouti au dispositif qui permet le traitement des aspects contextuels et singuliers de l’activité. Il peut se décliner en trois étapes :

La première est celle du passage du vécu au récit. Ce qui caractérise le vécu, c’est qu’il n’y a pas de mise en relief, les variables, les indicateurs, les effets et les causes sont au même niveau, la singularité et le contextuel sont prédominants, ils s’imposent parfois par leur caractère spectaculaire, leur effet sur le plan des affects ; la mise en récit consiste dans le repérage des épisodes essentiels, des faits cruciaux, des hypothèses à valider.

La seconde étape est celle du passage du récit à l’intrigue qui éclaire le récit, elle nécessite une mise en perspective, oblige à un traitement des faits pour les organiser, leur assigner des statuts (indicateur, variable dépendante/indépendante, cause, effet, homothétie / métaphorisation, règle d’action, relation). Cette étape contraint à construire du sens, elle requiert la mobilisation de savoirs antérieurs ou la construction/acquisition de savoirs nouveaux. Il s’agit de choisir les relations les plus pertinentes, simplifier l’organisation afin d’aboutir à un schéma, requérir les savoirs structurés et codifiés qui légitiment les prises de décision.

Enfin la troisième étape permet le passage de l’intrigue au concept, elle vise le partage des savoirs construits individuellement. C’est l’étape cruciale car elle permet la validation du savoir construit et de son expression socialisée. Cette dernière étape vise la construction d’un comportement expert c’est-à-dire anticipateur, plastique et efficace.

3.3 Intérêts et limites de la démarche

Intérêts Limites

- Prendre conscience de ses démarches, pour rompre avec la vision « intuitive ».

- Place accordée à l’activité réelle de

l’orthophoniste dans le processus (situation de travail) lorsque les enjeux sont liés à une prise de risque par rapport à la démarche experte. - Créer un espace commun d’échange entre

praticiens experts et praticiens en formation par rapport à un objet commun où les positions sont totalement dissymétriques.

- Quel sera le statut des savoirs auto-construits par l’expert par rapport aux savoirs

académiques (i.e. transmis par l’école). - Établir des ponts entre théorie et pratique,

mais aussi révéler le processus de construction des avoirs pratiques ou des concepts

pragmatiques.

- Que faire de l’interrogation par rapport aux prises de position idéologiques (i.e. certaines écoles de pensée) et de leur impact sur une ouverture à des démarches pragmatiques.

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4. CONCLUSION

Cette démarche permet une compréhension profonde de ce qui s’est joué. Elle rompt avec l’anecdotisme du réel - le ici et maintenant de la singularité - afin de construire un modèle transférable qui permette de piloter une activité complexe similaire - quoique singulière elle aussi - par anticipation et rétroaction.

BIBLIOGRAPHIE

FOUCAULT M., Naissance de la clinique, Paris : P.U.F., col. Galien.

LICOPPE C., La formation de la pratique scientifique, Paris : Éd. La découverte Anthropologie des sciences et techniques, 1996.

MENDEL G., L’acte est une aventure, Paris : Éd. La découverte Psychanalyse et société, 1999. MALGLAIVE G., Enseigner à des adultes, Paris : P.U.F., 1991.

PASTRÉ P., La conceptualisation dans l’action : bilan et nouvelles perspectives, Éducation permanente, 1999, 139.

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