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Transfusion sanguine chez les patients en état critique suivant un traumatisme craniocérébral

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Academic year: 2021

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(1)

Transfusion sanguine chez les patients en état critique

suivant un traumatisme craniocérébral

Mémoire

Paule Lessard Bonaventure

Maîtrise en épidémiologie - épidémiologie clinique - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Transfusion sanguine chez les patients en

état critique suivant un traumatisme

craniocérébral

Mémoire

Paule Lessard Bonaventure

Maîtrise en épidémiologique clinique

Maître es sciences (M.Sc.)

Sous la direction de :

Alexis F. Turgeon, directeur de recherche

François Lauzier, codirecteur de recherche

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Résumé

Introduction:

Le recours à une stratégie transfusionnelle restrictive est préconisé chez les patients en état critique. Une incertitude demeure toutefois quant aux seuils optimaux de transfusion pour les patients atteints de traumatisme craniocérébral considérant que le cerveau lésé est susceptible aux lésions hypoxémiques. Nous avons tenté d’identifier les croyances de pratique des cliniciens quant aux facteurs déterminant l’ordonnance d’une transfusion et les seuils de transfusion considérés comme optimaux dans cette population.

Méthodologie:

Nous avons développé une enquête de pratique destinée aux intensivistes et aux neurochirurgiens canadiens, australiens et britanniques responsables des soins des patients ayant subi un traumatisme craniocérébral. Le questionnaire a été élaboré par un groupe d’experts à l’aide d’un processus structuré (génération et réduction de domaines/items). Le questionnaire a été validé pour garantir sa sensibilité clinique, sa fiabilité et son contenu.

Résultats:

Le taux de réponse était de 28,7% (218/760). Lorsque nous avons soumis aux répondants le cas hypothétique d’un jeune adulte ayant subi un traumatisme craniocérébral, nous avons observé une hétérogénéité de pratiques transfusionnelles, 47% (intervalle de confiance [IC] à 95%, 41 à 54%) des répondants étant en faveur d’une transfusion à partir d’un taux d’hémoglobine ≤70 g·L–1 dans la phase aiguë de soins, alors que 73% (IC 95%, 67 à 79%) utiliseraient ce seuil dans la phase chronique. Les traumatismes multiples, les données de monitorage neurologique, un choc hémorragique et une chirurgie programmée constituaient les principaux facteurs influençant le besoin perçu de transfusion. L’absence de données probantes et de recommandations était

(4)

responsable de l’incertitude concernant les stratégies de transfusion chez cette population.

Conclusion:

Dans notre étude, les cliniciens mentionnent que leur pratique transfusionnelle est influencée par l’acuité des soins, les caractéristiques des patients et le monitorage neurologique. L’incertitude clinique concernant la stratégie de transfusion optimale est principalement attribuable à l’absence de données probantes ou de recommandations. Des études randomisées contrôlées sont nécessaires afin de déterminer quelles stratégies de transfusion seraient optimales pour cette population.

(5)

Abstract

Introduction:

Restrictive transfusion strategy has been advocated in critically ill patients. Nevertheless, considerable uncertainty exists regarding optimal transfusion thresholds in patients with traumatic brain injury because the injured brain is susceptible to hypoxemic damage. We aimed to identify the determinants of red blood cell transfusion and the perceived optimal transfusion thresholds in adult patients with moderate-to-severe traumatic brain injury.

Methods:

We conducted an electronic, self-administered survey targeting critical care specialists and neurosurgeons from Canada, Australia, and the United Kingdom caring for patients with traumatic brain injury. The questionnaire was initially developed by a panel of experts using a structured process (domains/items generation and reduction). The questionnaire was validated for clinical sensibility, reliability, and content.

Results:

Our response rate was 28.7% (218/760). When presented with the hypothetical scenario of a young adult patient with traumatic brain injury, a wide range of transfusion practices was observed, with 47% (95% confidence interval [CI], 41 to 54%) favoring red blood cell transfusion at a hemoglobin level of ≤70 g·L-1 in the acute phase of care, while 73% (95% CI, 67 to 79%) would use this trigger in the plateau phase of care. Multiple trauma, neuro-monitoring data, hemorrhagic shock, and planned surgery were the main factors that influenced the need for transfusion. The lack of clinical evidence and guidelines was responsible for uncertainty regarding red blood cell transfusion strategies in this patient population.

(6)

Conclusion:

In our survey about critically ill patients with traumatic brain injury, intensivists and neurosurgeons believed that transfusion practice is mainly influenced by the acuity of care, patient characteristics, and neuro-monitoring. Clinical equipoise regarding optimal transfusion strategy is believed to be mainly attributed to the lack of clear clinical evidence and guidelines. Appropriate randomized-controlled trials are required to determine the optimal transfusion strategies in critically ill patients with traumatic brain injury.

(7)

Table des matières

RÉSUMÉ ... II ABSTRACT ... IV LISTE DES FIGURES ... IX LISTE DES TABLEAUX ... X LISTE DES ABRÉVIATIONS ET SIGLES ... XI REMERCIEMENTS ... XIII AVANT-PROPOS ... XIV

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

CHAPITRE 1: SYNTHÈSE DES CONNAISSANCES ... 2

1.1 CERVEAU ET PHYSIOLOGIE CÉRÉBRALE ... 2

1.1.1 Anatomie générale ... 2

1.1.2 Métabolisme cérébral ... 2

1.1.3 Débit sanguin cérébral et pression de perfusion cérébrale ... 4

1.1.4 Autorégulation cérébrale ... 5 1.2 TRAUMATISME CRANIOCÉRÉBRAL ... 6 1.2.1 Définition ... 6 1.2.2 Épidémiologie ... 7 1.2.3 Causes ... 7 1.2.4 Mortalité et morbidité ... 9 1.2.5 Classification ... 9

1.2.6 Lésions cérébrales primaires ... 11

1.2.7 Lésions cérébrales secondaires ... 12

1.2.8 Modifications physiologiques et pathologiques ... 13

1.2.9 Prise en charge et neuromonitorage : un aperçu ... 13

1.3 CONTEXTE DE NOTRE ÉTUDE ... 16

1.3.1 Synthèse des connaissances sur l’anémie à l’unité des soins intensifs . 16 1.3.1.1 Épidémiologie ... 16

1.3.1.2 Étiologies ... 17

1.3.1.3 Anémie à l’unité de soins intensifs et issues fonctionnelles ... 17

1.3.1.4 Transfusions sanguines ... 18

1.3.2 Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles à l’unité de soins intensifs ... 19

(8)

1.3.2.2 Populations spécifiques à l’unité de soins intensifs ... 20

1.3.3 Synthèse des connaissances sur l’anémie suivant un TCC ... 23

1.3.3.1 Épidémiologie ... 23

1.3.3.2 Effet de l’anémie suivant un TCC ... 24

1.3.3.3 Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles chez les patients neurolésés 26 1.3.3.4 Stratégies transfusionnelles suivant un TCC ... 27

1.4 JUSTIFICATION DE NOTRE ÉTUDE ... 29

CHAPITRE 2: PROTOCOLE ... 31 2.1 RÉSUMÉ ... 33 2.2 ABSTRACT ... 34 2.3 INTRODUCTION ... 35 2.4 STUDY HYPOTHESES ... 36 2.5 OBJECTIVES ... 36 2.6 METHODS ... 37 2.6.1 Study Design ... 37 2.6.2 Study Population ... 37 2.6.3 Inclusion Criteria ... 37

2.6.4 Identification of potential respondents ... 37

2.6.5 Questionnaire development ... 38

2.6.6 Questionnaire Validation ... 39

2.6.7 Dissemination of the questionnaire ... 40

2.6.8 Sample Size ... 40 2.7 DATA ANALYSIS ... 41 2.8 LIMITATIONS ... 41 2.9 ETHICAL CONSIDERATIONS ... 42 2.10 CONFLICTS OF INTEREST ... 42 2.11 EXPECTED RESULTS ... 43 CHAPITRE 3: ARTICLE ... 44 3.1 RÉSUMÉ ... 46 Introduction : ... 46 Méthodologie : ... 46 Résultats : ... 46 Conclusion : ... 47 3.2 ABSTRACT ... 48 3.3 ARTICLE ... 49

(9)

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 70

BIBLIOGRAPHIE ... 70

ANNEXE A ... 74

(10)

Liste des figures

Nom des figures dans l’introduction

Figure 1. Courbe d'autorégulation (DSC en fonction de la PPC)

Figure 2. Causes de TCC graves au Canada, adapté de Turgeon et al, Journal de l'Association médicale canadienne (CMAJ), 2011

Nom des figures dans l’article

Figure 1. Flow diagram of participants

Figure 2. Importance of multimodal monitoring in transfusion decisions Figure 3. Timing of injury and optimal transfusion threshold

(11)

Liste des tableaux

Nom du tableau dans l’introduction

Tableau 1. Échelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale, GCS)

Nom du tableau dans l’article

(12)

Liste des abréviations et sigles

APACHE, Acute Physiology and Chronic Health Disease Classification System AVDO2, Cerebral arteriovenous oxygen content difference, différence

artérioveineuse de contenu en oxygène CaO2, Contenu artériel en oxygène

CBF, Cerebral blood flow, débit sanguin cérébral CHU, Centre hospitalier universitaire

CPP, Cerebral perfusion pressure, pression de perfusion cérébrale

CMRO2, Cerebral metabolic rate of oxygen, taux de consommation métabolique d’oxygène

CMRG, Cerebral metabolic rate of glucose, taux de consommation métabolique de glucose

CvO2, Contenu veineux en oxygène DC, Débit cardiaque

dL, Décilitre

DO2, Délivrance (transport) en oxygène DSC, Débit sanguin cérébral

g, Gramme

GCS, Glasgow Coma Scale, échelle de coma de Glasgow Hb, Hémoglobine

HSA, hémorragie sous-arachnoïdienne IC, interval de confiance

L, Litre PIC, Pression intracrânienne mg,

Milligramme min, Minute

MINT, Myocardial Ischemia and Transfusion MODS, multiorgan dysfonction syndrome mL, Millilitre

PAM, Pression artérielle moyenne PaO2, Pression artérielle en oxygène

PbtO2, Pression partielle d’oxygène tissulaire du cerveau PIC, Pression intracrânienne

PPC, Pression de perfusion cérébrale VO2, Consommation en oxygène

RBC, Red blood cell, érythrocytes ou globules rouges RC, rapport de cotes

RR, risque relatif

SaO2, Saturation artérielle en oxygène TCC, Traumatisme craniocérébral

TRALI, Transfusion Related Acute Lung Injury, syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel

TRICC, Transfusion Requirements in Critical Care

(13)

TRIPICU, Transfusion Strategies for Patients in Pediatric Intensive Care Unit TRISS, The Transfusion Requirements in Septic Shock

(14)

Remerciements

Un merci spécial à ma famille, sans son soutien inconditionnel, il me serait impossible de mener à terme tous mes projets.

Un merci sincère au programme de neurochirurgie de l’Université Laval pour m’avoir soutenue dans cette démarche et m’avoir donné la flexibilité nécessaire pour compléter du programme de clinicien-chercheur.

Merci à toute l’équipe de la Chaire de recherche du Canada en soins intensifs neurologiques et traumatologie pour votre accueil et votre aide. Je suis choyée de faire partie de la famille.

Je serai toujours reconnaissante envers mon mentor, Dr Turgeon, pour son soutien, sa générosité et sa précieuse collaboration.

(15)

Avant-propos

Paule Lessard Bonaventure est neurochirurgienne de formation. Elle est l’auteure principale du protocole de recherche et de l’article présentés dans ce mémoire. Elle a participé à l’élaboration du projet, la revue de la littérature, l’interprétation des données et l’écriture du manuscrit. Les Drs Alexis Turgeon et François Lauzier ont supervisé l’ensemble des étapes du projet de recherche.

Les résultats de l’étude dont l’article est intégré dans ce mémoire ont été présentés dans divers congrès locaux, nationaux et internationaux, notamment aux journées de la recherche du CHU de Québec-Université Laval le 25 mai 2017 (prix de la meilleure présentation orale), à la 4e Journée de la recherche des étudiants de l’axe Santé des populations et pratiques optimales en santé (SPPOS) du Centre de recherche du CHU de Québec- l’Université Laval le 1er juin 2017 (prix de la meilleure présentation par affiche), au Canadian Critical Care Forum à Toronto le 9 novembre 2018 et au International Symposium on Intensive Care and Emergency Medicine à Bruxelles le 20 mars 2018.

L’article inclus dans ce mémoire est conforme à celui publié le 22 avril 2019 dans le Canadian Journal of Anesthesia/Journal canadien d'anesthésie. Les co-auteurs du protocole et de l’article, endossés par le Groupe canadien de recherche en soins intensifs (CCCTG) et le Consortium canadien de recherche en traumatisme craniocérébral (CTRC), incluent François Lauzier, Ryan Zarychanski, Amélie Boutin, Michèle Shemilt, Manoj Saxena, Parjam Zolfagari, Donald Griesdale, David K. Menon, Simon Stanworth, Shane English, Michaël Chassé, Dean A. Fergusson, Lynne Moore, Andreas Kramer, Amélie Robitaille, John Myburgh, Jamie Cooper, Peter Hutchinson et Alexis F. Turgeon.

(16)

Introduction générale

Cette revue des connaissances vise à mettre en relation le traumatisme craniocérébral (TCC) et les déterminants des transfusions sanguines qui sont les sujets principaux de cette étude. Pour ce faire, un survol de l’anatomie et de la physiologie cérébrale seront faits. Ceci nous permettra de bien comprendre les différents facteurs influençant la prise en charge des patients neurolésés, notamment en ce qui concerne la gestion de l’anémie et les seuils d’hémoglobine, qui sont directement reliés au sujet de ce mémoire. Par la suite, le TCC sera abordé plus en détail. Nous décrirons sommairement ses causes, ses conséquences et les déterminants qui influencent le pronostic fonctionnel des patients suite à un TCC. Parmi ceux-ci, l’anémie est une fois de plus un facteur d’intérêt. Les données probantes sur l’anémie en contexte de soins critiques, ses répercussions et son traitement principal, la transfusion sanguine, seront détaillés. Finalement, nous explorerons les données probantes qui s’appliquent spécifiquement aux patients ayant subi un TCC. Ceci nous amènera à la justification de la présente étude.

(17)

Chapitre 1: Synthèse des connaissances

1.1 Cerveau et physiologie cérébrale

1.1.1 Anatomie générale

Le système nerveux central se compose de l’encéphale et de la moelle épinière. L’encéphale est confiné dans un boitier rigide, le crâne et baigne dans le liquide céphalorachidien. Entre le crâne et le cerveau se trouvent les méninges (dure-mère, arachnoïde et pie-mère) qui jouent un rôle de support et de protection aux vaisseaux sanguins et à l’encéphale. Le cerveau se divise quant à lui en deux hémisphères cérébraux, en cervelet, en diencéphale et en tronc cérébral, composé du mésencéphale, de la protubérance et du bulbe rachidien. Chacun des hémisphères cérébraux se subdivise en 4 lobes: frontal, pariétal, temporal et occipital. Chacune de ces régions possède des fonctions générales et spécifiques qui fonctionnent de concert pour permettre l’intégration des informations environnantes et la réalisation de tâches complexes. Alors que les fonctions mentales supérieures, somato-sensorielles et motrices prennent naissance à l’étage cortical et sous-cortical du cerveau, le tronc cérébral est le siège des fonctions vitales de l’organisme [1].

1.1.2 Métabolisme cérébral

Le glucose est le substrat métabolique principal du cerveau et peut être métabolisé de façon aérobique ou anaérobique. En condition normale, 95 % des besoins

(18)

un très faible rôle comme substrat métabolique à l’état de base. La consommation métabolique du glucose est de 5,5 mg/100 g par minute et équivaut à 60 % de la consommation du glucose de l’organisme. La consommation métabolique de l’oxygène est de 3.3 mL/100 g par minute, ce qui représente environ 20 % de la consommation d’oxygène totale du corps. Il existe un couplage entre le métabolisme cérébral et le débit sanguin cérébral [2], comme en témoigne l’équation de Fick qui décrit la relation entre le métabolisme cérébral et le débit sanguin cérébral en fonction de la différence artérioveineuse de contenu en oxygène du sang :

CMRO2 = DSC x AVDO2 où AVDO2 = CaO2 - CvO2

(AVDO2 désigne la différence artérioveineuse de contenu en oxygène, CaO2 le contenu artériel en oxygène, CMRO2 le taux de consommation métabolique de l’oxygène, CvO2 le contenu veineux en oxygène, et DSC le débit sanguin cérébral)

L’apport en oxygène au cerveau, en plus de dépendre du débit sanguin cérébral, dépend également de la concentration en hémoglobine, de la saturation artérielle de l’hémoglobine en oxygène (SaO2) et de la faible quantité d’oxygène dissoute directement dans le sang. Cette relation se traduit par la formule suivante :

DO2= (DSC x Hb x SaO2 x 1,39) + (0.003 x PaO2)

(où DO2 désigne l’apport en oxygène au cerveau, Hb la concentration de l’hémoglobine, PaO2 la pression artérielle en oxygène, et SaO2 la saturation

(19)

Cette notion que l’hémoglobine joue un rôle crucial dans l’oxygénation du cerveau est un concept clé dans ce mémoire et sera davantage détaillée à la section 1.4.3.2.

1.1.3 Débit sanguin cérébral et pression de perfusion cérébrale

Le cerveau reçoit environ 20 % du débit cardiaque même s’il ne représente que 2 % du poids corporel total [3]. Le débit sanguin cérébral représente le volume de sang passant en un point du cerveau par unité de temps. Chez l’adulte, en condition normale, le débit sanguin cérébral est d’environ 50 mL/100 g/min. Il varie d’une région cérébrale à l’autre, étant plus élevé au sein de la matière grise avec un débit de 50 à 80 mL/100 g/min et plus faible dans la matière blanche avec un débit variant entre 20 et 30 mL/100 g/min. Il varie également d’une région corticale à l’autre, étant plus élevé dans les régions frontales que dans les régions temporales et postérieures [4].

La pression de perfusion cérébrale (PPC) représente la pression du sang nécessaire pour perfuser le cerveau, c’est-à-dire transporter l’oxygène et les métabolites essentiels aux neurones et autres cellules cérébrales. La PPC est définie par le gradient de pression net entre la pression artérielle moyenne et la pression veineuse terminale. Étant donnée la nature close de la boite crânienne, une pression intracrânienne (PIC) propre se développe, équivalente à la pression veineuse terminale. La PPC peut donc se traduire comme la différence entre la pression

(20)

PPC=PAM-PIC

(où PAM désigne la pression artérielle moyenne)

1.1.4 Autorégulation cérébrale

Afin d’assurer l’apport continu en oxygène et métabolites essentiels, le débit sanguin cérébral doit être régulé. En effet, le débit sanguin cérébral doit pouvoir rester stable malgré des variations de demande métabolique, de tension artérielle ou de viscosité du sang. Cet ajustement constitue un phénomène dynamique qui varie dans le temps, d’une région cérébrale à l’autre et d’un patient à l’autre. Le débit sanguin cérébral s’adapte principalement par la vasodilatation ou vasoconstriction des artérioles cérébrales [6]. En effet, ce sont les modifications du tonus vasculaire qui ont le plus grand impact sur le débit sanguin cérébral comme en témoigne le principe de Hagen-Poiseuille, spécifique au flot laminaire [7] :

DSC µ( PPC X p X r4) ÷ (8 x µ x L)

(où r = rayon du vaisseau, µ = viscosité du sang, L = longueur du vaisseau

En effet, chez le sujet sain, l’autorégulation permet de garder constant le débit sanguin cérébral pour des variations de PPC variant entre 50 et 150 mmHg, en faisant varier le diamètre des vaisseaux sanguins. À des valeurs en deçà de ce seuil minimal, les vaisseaux se collabent et le cerveau peut souffrir d’ischémie. À l’inverse, à des valeurs de PPC plus importantes, les vaisseaux n’ont plus la possibilité de s’adapter davantage étant déjà maximalement dilatés et on observe une hyperhémie cérébrale [8] (figure 1).

(21)

Figure 1. Courbe d’autorégulation (DSC en fonction de la PPC)

Ces informations relatives au fonctionnement et la physiologie du cerveau nous aideront à mieux comprendre les différents déterminants de la prise en charge des patients avec TCC à l’unité de soins intensifs, qui est un sujet abordé en profondeur dans notre enquête de pratique.

1.2 Traumatisme craniocérébral

1.2.1 Définition

Le terme TCC regroupe un ensemble de conditions neurologiques suivant un impact à la tête et sa définition précise demeure à ce jour débattue. Une des définitions couramment acceptées définit le TCC comme un dommage cérébral résultant de forces externes, tels un impact direct, une accélération ou décélération rapide, un

30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 25 50 100 150 175 Dé bi t s an gu in c ér éb ra l, m l/ 10 0g /m in

Pression de perfusion cérébrale, mmHg

(22)

objet pénétrant ou une onde de choc provenant d’une explosion. La nature, l’intensité, la durée et la direction de ces forces déterminent l’étendue et le type de dommage [9]. L’Office québécois de la langue française définit quant à lui le TCC de la façon suivante : « Traumatisme résultant généralement d’un coup direct ou indirect à la tête, qui cause une destruction ou une dysfonction du système nerveux intracrânien entraînant un changement soudain de l’état de conscience ainsi qu’une altération généralement temporaire de certaines fonctions mentales ». [10].

1.2.2 Épidémiologie

Le TCC est une condition endémique qui constitue un problème majeur de santé publique avec de lourds impacts socioéconomiques [11]. Due à la variabilité des définitions et méthodes de recensement, l’incidence du TCC, toutes gravités confondues, varie entre 50 à 546 par 100 000 habitants selon les régions du monde. En Amérique du Nord, l’incidence globale du TCC basée sur un estimé américain est approximativement de 103 par 100 000 habitants alors qu’en Europe ce taux s’élève à 235 par 100 000 habitants [12, 13]. L’incidence des TCC graves varie entre 5 et 11,4 par 100 000 personnes-années [14, 15]. Chez l’adulte, l’incidence du TCC présente une distribution bimodale. Cette condition touche surtout les jeunes adultes et les personnes âgées. Les hommes sont généralement plus touchés que les femmes dans une proportion de 2 à 3 pour 1 et ceci tend à s’expliquer par les facteurs de risque associés aux traumatismes, notamment une consommation plus accrue d’alcool et la participation à des sports de contact [16].

1.2.3 Causes

Dans le monde, les causes les plus fréquentes de TCC grave sont les accidents de véhicules motorisés et les chutes [17].

Au Canada, les informations concernant les causes de TCC découlent majoritairement d’études de cohortes rétrospectives. Une étude portant sur les

(23)

Ontario) a étudié les causes de TCC de 9315 patients, entre 1986 et 2007. Les accidents impliquant un véhicule motorisé étaient la cause la plus fréquente (60,3 %), suivis des piétons heurtés par un véhicule (15,1 %) et les accidents récréatifs n’impliquant pas un véhicule motorisé (11,9 %). Les traumatismes par arme blanche ou arme à feu représentaient une faible proportion de cas (4,4 %) [18]. Une autre étude s’est intéressée aux causes de TCC dans la région de Calgary (Alberta), avec des résultats relativement similaires. La cause la plus fréquente parmi les 242 patients inclus dans l’étude était un accident de véhicule motorisé (47 %), suivi des chutes (34 %), avoir été happés par un objet ou par un animal (12 %), et autres causes non spécifiées (8 %) [15].

Finalement, une étude de cohorte multicentrique (six centres de traumatologie de niveau I au Canada), publiée en 2011, a aussi évalué les causes de TCC chez 720 victimes de TCC graves avec une distribution encore une fois concordante aux autres études : les accidents de véhicules motorisés et les chutes étant de loin les 2 causes les plus fréquentes [19] (Figure 2).

Figure 2. Causes de TCC grave au Canada, adaptée de Turgeon et al, CMAJ, 2011

(24)

1.2.4 Mortalité et morbidité

Le taux de mortalité associé au TCC varie entre 6,3 à 39,3 par 100 000 habitants selon les pays, avec un taux approximatif de 17,3 par 100 000 aux États-Unis. Ceci en fait la première cause de décès chez les patients polytraumatisés. Une proportion importante des survivants demeurera avec de lourdes incapacités fonctionnelles. Parmi les jeunes adultes avant subit un TCC grave, on estime le taux de mortalité à 30-50 % ainsi qu’un taux d’atteintes fonctionnelles s’élevant à 30 % chez les survivants [11, 15].

Au Canada, selon les données d’une étude rétrospective multicentrique, parmi 720 patients admis à l’unité de soins intensifs suivant un TCC grave, 228 (31,7 %) sont décédés durant leur hospitalisation. Des survivants, seulement 141 (30,8 %) ont pu retourner directement à leur domicile suivant l’épisode initial de soins [19].

Alors que l’incidence des TCC tend à augmenter mondialement, la mortalité dans les pays industrialisés diminue avec les années, principalement due à l’amélioration de l’organisation et de la qualité des soins de santé [9, 20].

1.2.5 Classification

Plusieurs approches existent pour classifier les TCC. Par exemple, il est possible de classifier le TCC selon le mécanisme causatif, selon les dommages structuraux ou selon l’état clinique [21-23].

Parmi les plus couramment utilisés, on retrouve un système de classification basé sur la gravité du traumatisme, qui repose sur l’évaluation clinique du patient. En clinique, la gravité du TCC est fréquemment évaluée à l’aide du degré d’altération

(25)

de l’état de conscience. Pour ce faire, l’échelle de coma de Glasgow (GCS) est la référence [24]. Le GCS, variant entre 3 et 15, évalue différents aspects de la réactivité de trois composantes, soit l’ouverture des yeux, la motricité et la réponse verbale (tableau 1).

Comme recommandé par l’Advanced Trauma Life Support, ce score est généralement calculé précocement suite au traumatisme, après une réanimation initiale et en l’absence de facteurs confondants comme l’hypothermie, l’utilisation de médication sédative ou paralytique ainsi que de l’instabilité hémodynamique [25]. À l’aide de ce score, 3 degrés de gravité de TCC sont établis : léger, modéré et grave. Un TCC grave est défini par un score de GCS entre 3 et 8, un TCC modéré par un score de GCS entre 9 et 13 et un TCC léger par un score de GCS de 14 et 15. Le score à l’échelle de Glasgow possède une bonne fiabilité interjuges et est un prédicteur reconnu de mortalité et de morbidité [23].

Dans le présent document, nous nous concentrerons uniquement sur les TCC modérés et graves.

(26)

Tableau 1. Échelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale, GCS)[24] Ouverture des yeux Réponse motrice Réponse verbale 4. Spontanée 6. Obéit aux ordres 5. Orientée

3. À la demande 5. Localise 4. Désorientée

2. À la stimulation douloureuse

4. Retire à la douleur 3. Réponse inappropriée

1. Aucune 3. Mouvement de décortication 2. Réponse incompréhensible 2. Mouvement de décérébration 1. Aucune 1. Aucune

1.2.6 Lésions cérébrales primaires

Les lésions primaires font référence aux dommages cérébraux inévitables au moment du traumatisme. Elles sont le résultat de forces biomécaniques directes ou des mouvements d’accélération ou de décélération de la tête. Ces forces peuvent endommager directement les vaisseaux sanguins, les neurones et leurs réseaux de soutien. Bien que ces lésions puissent être catégorisées en focale et diffuses, il n’est pas rare que les deux types coexistent [26].

(27)

Parmi les types de lésions primaires focales, les plus fréquemment rencontrées sont les contusions cérébrales, les hématomes intraparenchymateux (jusqu’à 50 % des patients avec TCC graves), les hématomes sous-duraux et épiduraux ainsi que les fractures du crâne [22, 27].

Parmi les types de lésions primaires diffuses, les plus fréquemment rencontrées sont les hémorragies sous-arachnoïdiennes et les dommages axonaux diffus. Ces dernières lésions résultent d’un mécanisme d’accélération et de décélération du contenu de la boîte crânienne, causant un dommage à certaines zones de fragilité, typiquement à la jonction de la substance grise (noyaux cellulaires des neurones) et de la substance blanche (les axones), mais également au sein du corps calleux et du tronc cérébral [28].

1.2.7 Lésions cérébrales secondaires

Les lésions secondaires font référence aux dommages cérébraux qui surviennent dans les minutes à jours suivant le traumatisme primaire. Elles sont le reflet de changements vasculaires et de processus cellulaires et moléculaires dont l’issue est l’exacerbation de l’ischémie et l’œdème initial. Les principaux mécanismes reconnus sont l’ischémie et l’hypoxie, l’œdème, l’excitotoxicité au glutamate, l’inflammation, la protéolyse cytosquelettique, l’apoptose, le stress oxydatif et autres dérangements métaboliques [29, 30].

Plusieurs facteurs sont également identifiés comme étant associés directement ou indirectement aux lésions secondaires tels l’hypertension intracrânienne[31], l’hypotension systémique et l’hypoxémie[32, 33], l’ischémie cérébrale et le vasospasme[34] et toute augmentation de la demande métabolique cérébrale[35].

(28)

Ceci peut être causé par exemple par des convulsions, l’hyperthermie, les variations de glycémies, et notre sujet d’intérêt : l’anémie [35].

1.2.8 Modifications physiologiques et pathologiques

En contexte de TCC, les mécanismes physiologiques théoriques, décrits précédemment (section 1.2.1 à 1.2.3) deviennent possiblement dysfonctionnels. En effet, les différentes insultes primaires et secondaires, tels les contusions cérébrales et l’œdème cérébral peuvent endommager l’intégrité de la barrière hématoencéphalique et par le fait même altérer l’autorégulation cérébrale qui est vitale au bon fonctionnement cérébral [36, 37]. Dans ce contexte, le cerveau lésé est beaucoup plus sensible aux altérations physiologiques de pression artérielle et de demande métabolique et devient vulnérable, par manque de mécanisme compensatoire, au transport sous-optimal d’oxygène et de glucose. Ceci peut mener à la survenue d’hypoxémie cérébrale, qui est l’un des facteurs principaux influençant la mortalité chez les patients avec TCC [33].

1.2.9 Prise en charge et neuromonitorage : un aperçu

La prise en charge à l’unité de soins intensifs des patients avec TCC modéré à grave repose essentiellement sur la prévention et le traitement des lésions cérébrales secondaires. Afin de guider les interventions, il est primordial pour les cliniciens d’obtenir des informations cliniques sur les différents paramètres physiologiques autant systémiques que cérébraux.

En pratique, il n’existe aucun instrument de mesure unique capable de fournir de façon compréhensive toutes les informations utiles sur les différents aspects de l’état

(29)

physiologique du cerveau. C’est plutôt la prise de mesures de différents paramètres de manière simultanée qui permet d’avoir une idée globale et ponctuelle de la condition des patients. Ces mesures permettent également d’évaluer la réponse physiologique à un traitement prodigué en temps réel. C’est ce que nous appelons en clinique le neuromonitorage multimodal [38]. Ce thème est abordé en détail dans notre enquête de pratique, puisqu’il s’agit de la pierre angulaire de la prise en charge des patients avec TCC durant la phase aiguë de soins.

Plusieurs instruments sont utilisés de façon régulière en clinique et d’autres uniquement en recherche (ex. : microdialyse cérébrale). Actuellement, il est possible d’obtenir à des fins cliniques des informations sur la pression intracrânienne, l’autorégulation et l’oxygénation cérébrale [39].

Évaluation de la pression intracrânienne et de pression de perfusion cérébrale :

Une élévation soutenue de la pression intracrânienne est associée avec une augmentation de la mortalité et de la morbidité chez les patients avec TCC [40, 41]. Les lignes directrices de la Brain Trauma Foundation recommandent que tout patient avec TCC grave présentant un potentiel de survie doive avoir un moniteur de pression intracrânienne et proposent qu’une intervention clinique soit effectuée si un seuil de pression de 22 mmHg est atteint afin de réduire la mortalité intrahospitalière et à deux semaines post-traumatisme [31].

Il existe actuellement deux façons d’obtenir cette information. Tout d’abord à l’aide d’un drain ventriculaire externe. Il s’agit d’un drain qui permet d’effectuer le drainage de liquide céphalo-rachidien directement via les ventricules du cerveau, ce qui

(30)

constitue en soi un traitement de la pression intracrânienne élevée. Ce drain permet également d’estimer la pression globale du cerveau, en centimètre d’eau, qui se reflète sur le système ventriculaire cérébral. L’autre méthode couramment utilisée est l’insertion d’un microtransducteur intraparenchymateux, généralement de type fibre-optique. Cet instrument permet de mesurer localement la pression du cerveau de manière continue.

En connaissant la valeur de la pression intracrânienne et de la pression artérielle moyenne d’un patient, il est ainsi possible d’estimer sa pression de perfusion cérébrale (section 1.2.3).

Évaluation de l’autorégulation cérébrale :

Comme mentionné précédemment, la capacité d’autorégulation cérébrale d’un patient atteint de TCC peut varier dans le temps. Certaines données probantes suggèrent qu’un certain degré d’autorégulation est généralement maintenu, mais que l’intervalle des valeurs de PPC auquel l’autorégulation est préservée peut être réduit et varier également dans le temps [42, 43].

Il est possible d’identifier cet intervalle de PPC optimal pour chaque patient en se basant sur sa réactivité cérébrovasculaire. En mesurant la corrélation entre les variations de pression artérielle moyenne, de PIC, de PPC à l’aide d’un logiciel informatique, un indice de réactivité cérébrovasculaire à la pression peut être généré et utilisé pour individualiser les cibles de PPC dans la prise en charge des patients avec TCC [38, 39].

Bien que cet indice de réactivité soit parfois utilisé en clinique, il ne constitue pas un standard de soins. Les recommandations actuelles sont plutôt de maintenir les valeurs de PPC entre 60 et 70 mmHg après un TCC, car il existe des données

(31)

probantes reliant des valeurs inférieures à 60 mmHg et supérieures à 70 mmHg et les issues fonctionnelles défavorables [31].

Évaluation de l’oxygénation cérébrale :

Il est possible de détecter la présence d’hypoxémie ou d’hyperhémie cérébrale grâce à différentes techniques, notamment l’oxymétrie veineuse jugulaire, la spectroscopie infrarouge (near-infrared spectroscopy) et de façon plus courante en clinique grâce à un moniteur de la pression partielle d’oxygène tissulaire du cerveau (PbtO2). Chez le sujet normal, la valeur approximative normale de PbtO2 se situe en haut de 20 mmHg. Il a été démontré que des épisodes soutenus de PbtO2 inférieures à 15 mmHg étaient associés à la présence d’ischémie cérébrale et à une augmentation de la mortalité chez les patients avec TCC [44, 45].

Bien que l’utilisation des moniteurs de PbtO2 soit relativement répandue en clinique, les données probantes supportant son utilisation pour orienter le traitement des patients dans le but d’améliorer leur pronostic sont encore insuffisantes [31].

1.3 Contexte de notre étude

1.3.1 Synthèse des connaissances sur l’anémie à l’unité des soins intensifs

1.3.1.1 Épidémiologie

L’anémie est définie par l’Organisation mondiale de la Santé comme un taux d’hémoglobine sanguin inférieur à 13 g/dL chez les hommes et 12 g/dL chez les femmes [44]. Il s’agit d’une condition fréquemment rencontrée chez les patients admis à l’unité de soins intensifs. Environ deux tiers des patients ont une

(32)

hémoglobine inférieure à 12 g/dL à leur admission et 30 % présenteront un taux d’hémoglobine inférieur à 10 g/dL durant leur hospitalisation [45, 46].

1.3.1.2 Étiologies

L’anémie chez les patients admis à l’unité de soins intensifs est généralement multifactorielle. Parmi les causes les plus communes chez les patients en phase critique de soins, on note la diminution de production d’érythropoïétine en réponse à des stimuli physiologiques, une altération du métabolisme du fer, des déficiences nutritionnelles ainsi qu’une hémodilution secondaire à la réanimation volémique [47].

Une autre cause reconnue est la perte de sang due au traumatisme. Il peut également s’agir d’une perte de sang iatrogénique, notamment à cause des multiples prélèvements sanguins requis dans cette population [46, 48].

1.3.1.3 Anémie à l’unité de soins intensifs et issues fonctionnelles

La présence d’anémie chez les patients en phase critique de soins est associée à une augmentation de la mortalité et de la morbidité. Cette corrélation est encore plus forte chez les personnes âgées et les patients souffrant de maladies chroniques [49]. Par exemple, l’anémie a été notamment associée à un échec de sevrage de la ventilation mécanique et à un risque plus élevé de réintubation chez les patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique [50]. Chez les patients avec des facteurs de risques vasculaires à l’unité de soins intensifs, la présence d’anémie postopératoire augmente la morbidité cardiaque et la survenue d’infarctus du myocarde [51].

Bien que les données visant à démontrer l’association entre la présence d’anémie et un pronostic défavorable à l’unité de soins intensifs soient issues d’analyses multivariées ayant pour but de contrôler certains facteurs confondants, il est difficile de conclure à un lien de causalité entre l’anémie et un pronostic défavorable.

(33)

Comme cette condition survient généralement chez les patients gravement malades, il demeure probable que l’anémie représente plutôt un marqueur de la gravité de la maladie.

1.3.1.4 Transfusions sanguines

Les transfusions sanguines sont le traitement principal de l’anémie et sont une pratique courante à l’unité de soins intensifs. En effet, il est estimé que plus de 40 % des patients de cette population recevront au moins une transfusion sanguine durant leur prise en charge [45, 46].

Bien qu’il s’agisse d’un traitement fréquent de l’anémie, la transfusion comporte un risque de complications d’environ 660 pour 100 000 individus, dont 3% sont considérées comme graves. La mortalité globale associée à ce traitement est de 0,26 par 100 000 transfusions de culots globulaires [52].

La plupart des effets indésirables se manifestent précocement après une transfusion et peuvent être d’origine immune ou non[46]. Parmi les causes immunes se trouvent les réactions hémolytiques, les réactions fébriles non hémolytiques, et les réactions allergiques, dont l’anaphylaxie et le syndrome de détresse respiratoire aigu (transfusion related acute lung injury, TRALI)[47]. Cette dernière entité est la cause la plus fréquente de mortalité associée aux transfusions (38% des décès)[48]. Parmi les réactions non immunes reconnues se trouvent l’hypervolémie (transfusion

associated circulatory overload), l’hypothermie et les infections[47]. Le risque

infectieux peut être lié à la contamination des donneurs, l’introduction des bactéries issues de la flore cutanée du receveur durant la transfusion et l’entreposage inadéquat des culots globulaires. Le risque de transmission lié aux donneurs est extrêmement faible vu le testage systématique du sang et les questionnaires extensifs préliminaires aux dons de produits sanguins [53]. On estime le risque de transmission du virus de l’immunodéficience humaine à 1 sur 29 millions, celui de l’hépatite C à 1 sur 35 millions et le risque de l’hépatite B à 1 sur 950 000 [46].

(34)

1.3.2 Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles à l’unité de soins intensifs

Le seuil transfusionnel est la valeur de taux d’hémoglobine au-dessous duquel l’administration d’une transfusion sanguine est recommandée. Cette question du seuil transfusionnel optimal s’est posée dans différentes populations spécifiques de patients à l’unité de soins. Dans certaines de ces populations, il semble biologiquement plausible qu’un seuil transfusionnel plus élevé puisse être bénéfique, notamment chez les patients avec atteintes cardiovasculaires, les patients en choc septique et les patients neurolésés. Une synthèse des données probantes pour ces populations sera présentée dans les prochaines sections.

1.3.2.1 Population générale à l’unité de soins intensifs

Une des études clés ayant adressé cette question est l’étude TRICC (Transfusion

Requirements In Critical Care). Cet essai clinique randomisé contrôlé, effectué dans

25 unités de soins intensifs pour adultes au Canada, a comparé deux stratégies transfusionnelles, une stratégie dite « restrictive » visant à transfuser seulement lorsque l’hémoglobine mesurée était inférieure à 7 g/dL et une stratégie dite « libérale » visant à transfuser lorsque l’hémoglobine était inférieure à 10 g/dL. Cette étude de non-infériorité n’a pas montré de différence de mortalité à 30 jours entre les groupes (18,7% vs 23,3%). Des analyses de sous-groupes ont montré que le taux de mortalité était plus élevé dans le groupe de transfusion libérale chez les patients jeunes (<55 ans) et moins grièvement malades (APACHE II 20) [55].

Une étude semblable a été réalisée dans la population pédiatrique à l’unité de soins intensifs. Dans l’étude TRIPICU, les patients pédiatriques étaient randomisés entre une stratégie restrictive (seuil d’hémoglobine à 7 g/dL) ou libérale (seuil d’hémoglobine à 9,5 g/dL). L’issue clinique principale évaluée était la survenue ou la progression d’un syndrome de défaillance multiviscérale (MODS). Aucune

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différence entre les groupes n’a été notée pour cette issue clinique (38 patients dans le groupe restrictif et 39 patients dans le groupe libéral) et pour la mortalité à 28 jours. La stratégie transfusionnelle restrictive s’est donc montrée non inférieure dans cette population [56].

Suite à ces études et à des méta-analyses d’essais cliniques randomisés sur le sujet dans cette population de patients, la plupart des guides de pratiques cliniques recommandent donc de cibler un seuil d’hémoglobine de 7 g/dL avant de transfuser dans pour une population générale de patients à l’unité de soins intensifs, hémodynamiquement stable et sans comorbidité majeure [57, 58]. C’est notamment la recommandation de la Patient Blood Management international Consensus

Conference) [59].

1.3.2.2 Populations spécifiques à l’unité de soins intensifs

Il existe certains sous-groupes de patients à l’unité de soins intensifs pour lesquels il demeure biologiquement plausible de penser qu’un seuil d’hémoglobine plus élevé soit bénéfique. Les patients en choc septique, les patients avec atteintes cardiovasculaires et les patients avec atteintes neurologiques sont tous extrêmement susceptibles à l’hypoxémie (tissulaire ou cérébrale selon la pathologie) et donc vulnérables à la survenue d’anémie [57]. Les données probantes concernant la dernière catégorie de patients seront détaillées dans les sections subséquentes.

Plusieurs études prospectives randomisées ont été effectuées chez les patients en choc septique, avec des résultats contradictoires [60-63]. Un premier essai randomisé monocentrique, publié en 2001, à évaluer l’impact d’un protocole visant à optimiser l’oxygénation du sang veineux mêlé (mixed-venous saturation) via différentes interventions, incluant des transfusions sanguines, chez des patients en sepsis grave ou choc septique. Le protocole de traitement incluait l’administration de transfusions sanguines afin de viser un taux d’hémoglobine supérieur à 10 g/dL (early goal-directed therapy), en comparaison au traitement standard. La mortalité

(36)

comparativement au groupe standard (30,5% vs 46,5%, p = 0,006) [60]. Les résultats de cette étude n’ont par contre pu être reproduits dans trois essais cliniques randomisés multicentriques au devis similaire et dans lesquelles la stratégie transfusionnelle précoce ne s’est pas révélée supérieure [61, 62, 64].

L’étude The Transfusion Requirements in Septic Shock (TRISS) visait à déterminer l’impact d’une stratégie transfusionnelle restrictive ou libérale sur la mortalité suivant un choc septique. Les chercheurs ont randomisé 998 patients en choc septique et admis à l’unité de soins intensifs en choc septique à recevoir une transfusion sanguine à un seuil d’hémoglobine de 7 g/dL ou 9 g/dL. Dans cette étude, la mortalité à 90 jours était comparable entre les groupes d’intervention (43% vs 45%) [65].

La présence d’anémie est associée à un pronostic défavorable chez les patients avec atteintes cardiovasculaires, incluant les patients avec syndromes coronariens aigus et ceux subissant une chirurgie cardiaque [66].

Deux études pilotes ont été effectuées chez les patients avec infarctus du myocarde aigu. Dans l’essai clinique randomisé multicentrique pilote CRIT, les chercheurs ont randomisé 45 patients avec infarctus aigu du myocarde avec un hématocrite inférieur ou égal à 30% à une stratégie transfusionnelle restrictive (recevoir une transfusion à un seuil d’hématocrite <24% et viser entre 24-27%) et libérale (recevoir une transfusion à un seuil d’hématocrite <30% et viser entre 30-33%). Les patients dans le groupe libéral ont reçu davantage de transfusions sanguines (2,5 unités vs 1,6 unité, p = 0,07) et ont maintenu un hématocrite plus élevé. Contrairement à ce qui était attendu, la survenue d’infarctus du myocarde récurrent, d’insuffisance cardiaque ou de mortalité hospitalière a été plus fréquente dans ce groupe (8% vs 13%, p = 0,046) [67].

Une seconde étude pilote multicentrique, publiée en 2013, a été menée chez les patients avec syndrome coronarien symptomatique. Cent dix patients ont été randomisés entre une stratégie transfusionnelle libérale (transfusion à un seuil d’hémoglobine a 10 g/dL) ou restrictive (si présence d’anémie symptomatique ou

(37)

transfusion à un seuil d’hémoglobine de 8 g/dL). Davantage d’évènements cardiaques défavorables (10,9% vs 25,5%) et une mortalité augmentée à 30 jours (1,8% vs 13,0%; p = 0,032) ont été observés dans le groupe visant une stratégie de transfusion restrictive [68].

Une méta-analyse de 11 essais cliniques randomisés comparant les stratégies transfusionnelles restrictives et libérales chez des patients avec atteintes cardiovasculaires subissant une chirurgie non cardiaque n’a pas permis d’observer différence de mortalité à 30 jours. Cependant, les patients du groupe restrictif étaient davantage à risque d’évènements coronariens nouveaux (risque relatif (RR): 1,78) [69].

Le seuil transfusionnel optimal dans cette population demeure donc inconnu et un essai clinique randomisé contrôlé multicentrique d’envergure sur le sujet est en cours (Myocardial Ischemia and Transfusion [MINT] Trial, NCT02981407). Néanmoins, certains guides de pratique clinique recommandent actuellement de viser un seuil d’hémoglobine entre 8 et 10 g/dL dans cette population spécifique [70].

Plusieurs études prospectives comparatives ont été menées chez les patients subissant une chirurgie cardiaque [71-75]. Une méta-analyse récente sur le sujet suggère qu’une stratégie transfusionnelle restrictive, avec seuil d’hémoglobine entre 7 à 8 g/dL, serait sécuritaire dans cette population de patients [76].

L’étude Transfusion Requirements in Cardiac Surgery III Trial (TRICS III) est l’une

des principales études sur le sujet. Cet essai clinique randomisé multicentrique portait sur 5243 patients allant subir une chirurgie cardiaque sous circulation extracorporelle et comparait une stratégie transfusionnelle restrictive (transfusion à un seuil d’hémoglobine <7,5 g/dL) à une stratégie libérale (transfusion à un seuil d’hémoglobine à 8,5 g/dL ou 9,5 g/dL). L’incidence de mortalité, d’infarctus du myocarde non fatal, d’accident vasculaire cérébral et d’insuffisance rénale nécessitant de la dialyse était similaire dans les groupes (12,3% vs 12,9%, RC: 0,95;

(38)

Plus récemment, dans l’étude TITRe2 Cardiac Surgery Trial, les chercheurs ont

randomisés des patients en période postopératoire ayant subi une chirurgie cardiaque entre une stratégie libérale ou restrictive (seuil d’hémoglobine de <7,5 g/dL vs <9 g/dL). L’issue primaire de l’étude, soit l’incidence d’infection ou d’évènement cardiaque ischémique était similaire dans les deux groupes (35% vs 33%). Dans une analyse secondaire, la mortalité à 30 jours était également comparable, mais la mortalité à 90 jours était plus élevée dans le groupe restrictif (4,2% vs 2,6%) [74].

En résumé, nous avons vu dans les sections précédentes que les données probantes supportent l’adoption d’une stratégie transfusionnelle restrictive dans la population générale de patients admis à l’unité de soins intensifs. L’effet des transfusions sanguines demeure cependant plus incertain chez certaines populations spécifiques, notamment chez les patients souffrant de maladie coronarienne ou suivant un choc septique, suggérant que certains groupes de patients pourraient théoriquement bénéficier d’une stratégie transfusionnelle visant un seuil plus élevé d’hémoglobine. Les patients avec atteinte neurologique font partie intégrante de ces populations spécifiques. Les données probantes concernant l’anémie et les transfusions sanguines chez les patients atteints d’un TCC seront détaillées dans les prochaines sections.

1.3.3 Synthèse des connaissances sur l’anémie suivant un TCC

1.3.3.1 Épidémiologie

L’anémie est très fréquente chez les patients ayant subi un TCC. Peu d’études ont spécifiquement étudié cette population, mais la proportion de patients avec TCC modéré à grave souffrant d’anémie est estimée à près de 50%. Selon les critères d’inclusions et la définition d’anémie utilisée, le taux d’anémie varie entre 22% et 69% selon les études [77]. En effet, plusieurs études de cohorte rétrospectives

(39)

inférieur à 30% au cours de leur hospitalisation. Environ 30% des patients recevraient des transfusions sanguines [78-80].

1.3.3.2 Effet de l’anémie suivant un TCC

Comme discuté précédemment à la section 1.2.2, la concentration d’hémoglobine est un facteur contributoire majeur à l’oxygénation cérébrale et au transport d’oxygène vers le cerveau.

Dans le contexte d’anémie, il s’en suit donc une diminution du contenu en oxygène du sang. En réponse, il y aura théoriquement une activation des mécanismes physiologiques compensatoires, visant une augmentation du DSC afin de maintenir un transport acceptable d’oxygène au cerveau. Parallèlement, il y aura également une vasodilatation des artérioles cérébrales, une diminution de la viscosité sanguine et une augmentation de l’extraction d’oxygène par le tissu cérébral, dans le but de maintenir un niveau acceptable d’oxygénation des tissus cérébraux. Chez le sujet sain, ces mécanismes sont efficaces jusqu’à un seuil critique d’hémoglobine (5 à 6 g/dL), en deçà duquel un dysfonctionnement cérébral s’installe [81].

Chez les patients neurolésés, une partie ou l’ensemble des mécanismes compensatoires peuvent être altérés. Certaines données probantes suggèrent qu’une hypoxémie cérébrale pourrait alors survenir à un seuil plus élevé d’hémoglobine que dans une population de sujets sains. Dans une étude de cohorte rétrospective portant sur 80 patients avec TCC grave sous moniteur de PbtO2, un seuil d’hémoglobine de 9 g/dL et moins était associé à une baisse de pression partielle d’oxygène tissulaire cérébral [82, 83]. Parallèlement, il est également démontré que la PbtO2 augmente suivant l’administration d’une transfusion sanguine chez les patients neurolésés [84, 85].

Bien qu’il pourrait sembler logique de viser un seuil d’hémoglobine plus élevé chez les patients avec TCC, l’association entre l’anémie, les transfusions sanguines et le pronostic des patients avec TCC est encore incertaine.

(40)

Plusieurs études cliniques observationnelles ont exploré l’association entre la présence d’anémie et le pronostic neurologique chez les patients avec TCC. Une grande variabilité entre les méthodologies, les définitions d’anémie, de gravité de TCC et des analyses empêche l’uniformisation des conclusions entre ces études. Parmi les plus significatives, on retrouve la méta-analyse de l’étude IMPACT (International Mission on Prognosis and Analysis of Clinical Trials) totalisant plusieurs milliers de patients, qui a mis en évidence une relation linéaire entre un taux d’hémoglobine plus bas à l’admission et un pronostic neurologique défavorable à 6 mois (RC = 0,7 ; IC: 0,60–0,78) [86]. Une analyse secondaire des données de l’étude CRASH (Corticoid Randomisation After Significant Head injury) incluant 10 008 patients avec TCC et évaluant différents modèles pronostiques a permis aux chercheurs d’observer qu’un taux d’hémoglobine inférieur à 9 g/dL était un prédicteur indépendant de mauvais pronostic à 6 mois [87]. Dans une étude rétrospective sur 234 patients avec TCC, une association entre l’anémie et la mortalité n’a par contre pas été observée (RC = 0,97; IC: 0,78-1,05; p = 0,076) [88].

De nombreuses études observationnelles et rétrospectives ont examiné l’association entre les transfusions et l’issue clinique après un TCC. Les transfusions sanguines seraient associées à une augmentation de la mortalité ainsi qu’à un pronostic neurologique fonctionnel défavorable à court et à long terme [45, 77, 89, 90]. Dans une étude rétrospective sur 788 patients avec TCC, il a été démontré que le nombre de culots globulaires reçus était un facteur indépendant de mauvais pronostic (OR 1 073, IC: 1,008-1,142) [91]. Une autre étude rétrospective sur 139 patients anémiques avec TCC a aussi montré une association entre le fait de recevoir une transfusion, le volume transfusionnel reçu et un mauvais pronostic neurologique à 6 mois [79].

(41)

1.3.3.3 Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles chez les patients neurolésés

Nous avons vu qu’il existe une relation entre anémie et issue défavorable chez les patients neurolésés. Une revue systématique du seuil transfusionnel chez les patients neurolésés souligne cependant le manque d’études comparatives prospectives disponibles sur le sujet et le risque élevé de biais de la majorité d’entre elles [92]. Outre les patients avec TCC, les patients souffrant d’hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) anévrismale sont une population d’intérêt, pour laquelle certaines données probantes sont disponibles. Bien que la physiopathologie de cette maladie diffère de celle du TCC, la sensibilité accrue aux dommages hypoxémiques est également importante pour le développement de dommages cérébraux secondaires, surtout dans le contexte d’ischémie cérébrale retardée.

Un sondage multidisciplinaire nord-américain publié en 2011 a mis en évidence l’hétérogénéité des pratiques transfusionnelles dans cette population de patients. Les neurochirurgiens favorisaient une stratégie davantage libérale comparativement aux intensivistes, lorsque confrontés à un cas hypothétique de patients de patients avec HSA anévrismale. Le choix d’un seuil d’hémoglobine optimal pour transfuser était largement influencé par les caractéristiques cliniques dynamiques de cette population incluant la gravité de l’hémorragie et la présence de vasospasme [93].

Un petit essai clinique randomisé a évalué la faisabilité et la sécurité de viser un seuil d’hémoglobine élevé chez des patients avec HSA à haut risque d’ischémie cérébrale retardée. Cette étude visait à évaluer si viser un seuil d’hémoglobine de 11,5 g/dL était aussi sécuritaire qu’un seuil libéral usuel de 10 g/dL. Parmi les 44 patients recrutés, ceux avec un seuil visé de 11,5 g/dL ont reçu plus de transfusions sanguines (3 unités [2–4] vs 2 [1–3], p = 0,045). La quantité d’accidents vasculaires cérébraux à l’imagerie par résonance magnétique était similaire entre les deux groupes (6/20 vs 9/22), de même que l’indépendance fonctionnelle à 14 jours (65% vs 44%) et 28 jours (80% vs 67%) avec une tendance favorable pour le seuil le plus

(42)

Un essai clinique randomisé multicentrique international est en cours afin d’évaluer la stratégie transfusionnelle optimale chez les patients avec hémorragie sous-arachnoïdienne: SAHaRA (NCT03309579). Dans cette étude, les patients sont randomisés entre stratégie libérale (10 g/dL) ou restrictive (8 g/dL) et on s’intéresse principalement au pronostic fonctionnel à 12 mois post-intervention. L’hypothèse principale des chercheurs est qu’une stratégie libérale comparativement à une stratégie libérale diminuera les incapacités fonctionnelles graves à 12 mois.

La dernière itération du guide de pratique clinique sur les HSA de l’American Heart

Association/American Stroke Association suggère que l’utilisation de transfusion

sanguine pour traiter l’anémie est une option raisonnable, en précisant que le seuil optimal d’hémoglobine pour transfuser reste à déterminer [95]. La Neurocritical Care

Society recommande quant à elle de transfuser les patients avec HSA anévrismal

pour maintenir une valeur d’hémoglobine au-dessus de 8 à 10 g/dL [96].

1.3.3.4 Stratégies transfusionnelles suivant un TCC

Peu d’essais cliniques randomisés se sont intéressés spécifiquement à la stratégie transfusionnelle chez les patients adultes avec TCC. Une sous-étude du TRICC trial, déjà discuté plus en détail précédemment, incluant 67 patients avec TCC, n’a pas permis d’observer de différence de mortalité à 30 jours entre les groupes (13% stratégie libérale vs 17% stratégie restrictive, p = 0,64) [97].

Un essai clinique a récemment été publié dans lequel 200 patients avec TCC ont été randomisés entre un seuil transfusionnel restrictif (7 g/dL) et un seuil libéral (10 g/dL), sans pouvoir détecter de différence statistiquement significative sur l’issue neurologique. La proportion d’issue défavorable était de 42% pour le groupe soumis à une stratégie restrictive et de 33% pour le groupe soumis à la stratégie libérale (p=0,28). On notait également une proportion plus élevée de complications thromboemboliques lorsque le seuil transfusionnel s’élevait à 10 g/dL (21,8% vs 8,1% p = 0,009) [98].

(43)

Dans une étude de faisabilité monocentrique, 44 patients avec TCC modéré à grave ont été randomisé à un seuil transfusionnel restrictif (7 g/dL) ou libéral (9 g/dL). La mortalité intra hospitalière était plus élevée dans le groupe restrictif (7/23 vs 1/21 ; p = 0,048). Une tendance non significative vers un meilleur pronostic fonctionnel à 6 mois a été notée dans le groupe libéral (p = 0,06). Cette étude a atteint son critère de faisabilité et une phase 2 est en cours [99].

Dans un sondage américain publié en 2009, s’adressant aux intensivistes, chirurgiens et neurochirurgiens, la majorité des répondants (55 %) préférait une stratégie transfusionnelle restrictive chez les patients avec TCC graves sans hypertension intracrânienne. Les neurochirurgiens avaient tendance à préférer un seuil d’hémoglobine supérieur à 7 g/dL [100].

Un sondage plus récent, disséminé à travers différentes sociétés de soins intensifs, s’est intéressé au seuil transfusionnel chez les patients neurolésés (toutes étiologies confondues). Parmi les répondants, 54% ont mentionné utiliser un seuil transfusionnel de 7-8 g/dL chez la population générale de patients neurolésés. Cependant, plus de la moitié des cliniciens utilisaient un seuil plus élevé d’hémoglobine, autour de 9-10 g/dL, chez les patients avec TCC, accident vasculaire cérébral ou hémorragie sous-arachnoïdienne [101].

Certains guides de pratiques cliniques, notamment américains et européens, suggèrent de viser un seuil d’hémoglobine entre 7 et 9 g/dL chez les patients en phase critique de soins suivant un traumatisme (tous types de traumatismes confondus) [102, 103].

Le British Committee for Standards in Haematology recommande également de viser un seuil d’hémoglobine entre 7–9 g/dL chez les patients suivant un TCC. Cependant, en présence d’ischémie cérébrale, ce seuil devrait s’élever au-dessus de 9 g/dL [104].

(44)

Enfin, il est à noter que la plus récente édition du guide de pratique sur la prise en charge des patients avec TCC grave de la Brain Trauma Foundation ne fait pas mention du traitement de l’anémie et des seuils transfusionnels dans ses recommandations[31].

1.4 Justification de notre étude

Dans les sections précédentes, nous avons établi que l’anémie était une condition fréquente chez les patients hospitalisés à l’unité de soins intensifs. Dans cette population générale, il existe des données probantes favorisant l’adoption d’une stratégie transfusionnelle dite restrictive. Il existe cependant certains sous-groupes de patients à risque pour lesquels l’incertitude persiste concernant la stratégie transfusionnelle optimale. Les patients neurolésés font partie de ces groupes et plus particulièrement la population de patients avec TCC. Nous avons vu que l’anémie était également fréquente chez les patients avec TCC modéré et grave. Plus du tiers d’entre eux recevront une transfusion durant leur prise en charge à l’unité de soins intensifs. Bien qu’une concentration plus élevée d’hémoglobine permette théoriquement un meilleur transport d’oxygène au tissu cérébral, plusieurs études observationnelles soulignent les effets délétères des transfusions de produits sanguins chez cette même population. Devant les preuves conflictuelles actuelles concernant la stratégie transfusionnelle optimale à adopter chez les patients ayant subi un TCC, les cliniciens restent hésitants à adopter une stratégie de transfusion restrictive considérant la fragilité du cerveau lésé aux dommages hypoxémiques. La stratégie transfusionnelle chez les patients avec TCC représente donc un problème d’intérêt autant du point de vue de l’optimisation des ressources, que de l’optimisation des soins de santé. Cette étude a pour but de décrire les pratiques transfusionnelles contemporaines actuelles suivant un TCC et d’identifier les différents déterminants guidant leur administration. Ce projet a également servi à poser les bases ayant assuré le développement d’un vaste essai clinique randomisé multicentrique et international actuellement en cours, qui pourrait contribuer à

(45)

l’amélioration des soins et du pronostic des patients atteints d’un TCC modéré à grave (HEMOglobin Transfusion Threshold in Traumatic Brain Injury OptimizatioN:

(46)

Chapitre 2: Protocole

Red Blood Cell Transfusion in Critically ill Patients with Traumatic Brain Injury: a Survey of physicians’ attitudes

Paule Lessard Bonaventure1,2, Francois Lauzier1,3,4, Ryan Zarychanski5, Amélie Boutin1, Michèle Shemilt1, Manoj Saxena6, Parjam Zolfagari7, Donald Griesdale8, David Menon7, Simon Stanworth9, Shane English10,11, Michaël Chassé12, Dean A. Fergusson10, Lynne Moore1,13, Andreas Kramer14, Amélie Robitaille1, John

Myburgh6, Jamie Cooper6,15, Peter Hutchinson7, Alexis F. Turgeon1,3 on behalf of the Canadian Critical Care Trials Group and the Canadian Traumatic Brain Injury Research Consortium.

1 CHU de Québec – Université Laval Research Center, Population Health and Optimal Health Practices Research Unit, Traumatology-Emergency- Critical Care Medicine, Université Laval, Québec, QC, Canada.

2 Department of Surgery, Division of Neurosurgery, Université Laval, Québec City, Qc, Canada.

3 Department of Anesthesiology and Critical Care Medicine, Division of Critical Care Medicine, Université Laval, Québec, QC, Canada.

4 Department of Medicine, Université Laval, Québec City, Qc, Canada. 5 Department of Internal Medicine, Sections of Critical Care Medicine, of Haematology and of Medical Oncology, Faculty of Medicine, University of Manitoba, Winnipeg, MB, Canada

6 The George Institute for Global Health, Sydney, NSW, Australia.

7 Neurocritical Care Unit, Addenbrooke’s Hospital, Cambridge University Hospitals Trust, Cambridge University, Cambridge, UK.

8 Department of Medicine, Division of Critical Care Medicine, Vancouver General Hospital, University of British Columbia, Vancouver, BC, Canada.

9 Oxford University Hospitals and the University of Oxford, National Institute for Health Research (NIHR) Oxford Biomedical Research Centre, Oxford, United Kingdom.

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10 Clinical Epidemiology Program, Ottawa Hospital Research Institute, Ottawa, Ontario, Canada.

11 Department of Medicine (Critical Care), University of Ottawa, Ottawa, Ontario, Canada.

12 CHUM Research Center, Université de Montréal, QC, Canada.

13 Department of Preventive and Social Medicine, Université Laval, Québec City, Qc, Canada.

14 Department of Critical Care Medicine, Foothills Medical Center, Calgary, AB, Canada.

15 The Alfred Hospital, Melbourne, Australia. Corresponding author: Alexis F. Turgeon

Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, Population Health and Optimal Health Practices Research Unit, Trauma - Emergency - Critical Care Medicine. 1401, 18e Rue, Québec (84), G1J 1Z4, Canada

Phone: 418-649-0252 #66064

Figure

Figure 1. Courbe d’autorégulation (DSC en fonction de la PPC)
Figure 2. Causes de TCC grave au Canada, adaptée de Turgeon  et al, CMAJ, 2011
Tableau 1. Échelle de coma de Glasgow (Glasgow Coma Scale, GCS)[24]  Ouverture des yeux  Réponse motrice  Réponse verbale  4
Table 1. Participants characteristics
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