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Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles chez

CHAPITRE 1: SYNTHÈSE DES CONNAISSANCES

1.3 CONTEXTE DE NOTRE ÉTUDE

1.3.3 Synthèse des connaissances sur l’anémie suivant un TCC

1.3.3.3 Synthèse des connaissances sur les stratégies transfusionnelles chez

Nous avons vu qu’il existe une relation entre anémie et issue défavorable chez les patients neurolésés. Une revue systématique du seuil transfusionnel chez les patients neurolésés souligne cependant le manque d’études comparatives prospectives disponibles sur le sujet et le risque élevé de biais de la majorité d’entre elles [92]. Outre les patients avec TCC, les patients souffrant d’hémorragie sous- arachnoïdienne (HSA) anévrismale sont une population d’intérêt, pour laquelle certaines données probantes sont disponibles. Bien que la physiopathologie de cette maladie diffère de celle du TCC, la sensibilité accrue aux dommages hypoxémiques est également importante pour le développement de dommages cérébraux secondaires, surtout dans le contexte d’ischémie cérébrale retardée.

Un sondage multidisciplinaire nord-américain publié en 2011 a mis en évidence l’hétérogénéité des pratiques transfusionnelles dans cette population de patients. Les neurochirurgiens favorisaient une stratégie davantage libérale comparativement aux intensivistes, lorsque confrontés à un cas hypothétique de patients de patients avec HSA anévrismale. Le choix d’un seuil d’hémoglobine optimal pour transfuser était largement influencé par les caractéristiques cliniques dynamiques de cette population incluant la gravité de l’hémorragie et la présence de vasospasme [93].

Un petit essai clinique randomisé a évalué la faisabilité et la sécurité de viser un seuil d’hémoglobine élevé chez des patients avec HSA à haut risque d’ischémie cérébrale retardée. Cette étude visait à évaluer si viser un seuil d’hémoglobine de 11,5 g/dL était aussi sécuritaire qu’un seuil libéral usuel de 10 g/dL. Parmi les 44 patients recrutés, ceux avec un seuil visé de 11,5 g/dL ont reçu plus de transfusions sanguines (3 unités [2–4] vs 2 [1–3], p = 0,045). La quantité d’accidents vasculaires cérébraux à l’imagerie par résonance magnétique était similaire entre les deux groupes (6/20 vs 9/22), de même que l’indépendance fonctionnelle à 14 jours (65% vs 44%) et 28 jours (80% vs 67%) avec une tendance favorable pour le seuil le plus

Un essai clinique randomisé multicentrique international est en cours afin d’évaluer la stratégie transfusionnelle optimale chez les patients avec hémorragie sous- arachnoïdienne: SAHaRA (NCT03309579). Dans cette étude, les patients sont randomisés entre stratégie libérale (10 g/dL) ou restrictive (8 g/dL) et on s’intéresse principalement au pronostic fonctionnel à 12 mois post-intervention. L’hypothèse principale des chercheurs est qu’une stratégie libérale comparativement à une stratégie libérale diminuera les incapacités fonctionnelles graves à 12 mois.

La dernière itération du guide de pratique clinique sur les HSA de l’American Heart

Association/American Stroke Association suggère que l’utilisation de transfusion

sanguine pour traiter l’anémie est une option raisonnable, en précisant que le seuil optimal d’hémoglobine pour transfuser reste à déterminer [95]. La Neurocritical Care

Society recommande quant à elle de transfuser les patients avec HSA anévrismal

pour maintenir une valeur d’hémoglobine au-dessus de 8 à 10 g/dL [96].

1.3.3.4 Stratégies transfusionnelles suivant un TCC

Peu d’essais cliniques randomisés se sont intéressés spécifiquement à la stratégie transfusionnelle chez les patients adultes avec TCC. Une sous-étude du TRICC trial, déjà discuté plus en détail précédemment, incluant 67 patients avec TCC, n’a pas permis d’observer de différence de mortalité à 30 jours entre les groupes (13% stratégie libérale vs 17% stratégie restrictive, p = 0,64) [97].

Un essai clinique a récemment été publié dans lequel 200 patients avec TCC ont été randomisés entre un seuil transfusionnel restrictif (7 g/dL) et un seuil libéral (10 g/dL), sans pouvoir détecter de différence statistiquement significative sur l’issue neurologique. La proportion d’issue défavorable était de 42% pour le groupe soumis à une stratégie restrictive et de 33% pour le groupe soumis à la stratégie libérale (p=0,28). On notait également une proportion plus élevée de complications thromboemboliques lorsque le seuil transfusionnel s’élevait à 10 g/dL (21,8% vs 8,1% p = 0,009) [98].

Dans une étude de faisabilité monocentrique, 44 patients avec TCC modéré à grave ont été randomisé à un seuil transfusionnel restrictif (7 g/dL) ou libéral (9 g/dL). La mortalité intra hospitalière était plus élevée dans le groupe restrictif (7/23 vs 1/21 ; p = 0,048). Une tendance non significative vers un meilleur pronostic fonctionnel à 6 mois a été notée dans le groupe libéral (p = 0,06). Cette étude a atteint son critère de faisabilité et une phase 2 est en cours [99].

Dans un sondage américain publié en 2009, s’adressant aux intensivistes, chirurgiens et neurochirurgiens, la majorité des répondants (55 %) préférait une stratégie transfusionnelle restrictive chez les patients avec TCC graves sans hypertension intracrânienne. Les neurochirurgiens avaient tendance à préférer un seuil d’hémoglobine supérieur à 7 g/dL [100].

Un sondage plus récent, disséminé à travers différentes sociétés de soins intensifs, s’est intéressé au seuil transfusionnel chez les patients neurolésés (toutes étiologies confondues). Parmi les répondants, 54% ont mentionné utiliser un seuil transfusionnel de 7-8 g/dL chez la population générale de patients neurolésés. Cependant, plus de la moitié des cliniciens utilisaient un seuil plus élevé d’hémoglobine, autour de 9-10 g/dL, chez les patients avec TCC, accident vasculaire cérébral ou hémorragie sous-arachnoïdienne [101].

Certains guides de pratiques cliniques, notamment américains et européens, suggèrent de viser un seuil d’hémoglobine entre 7 et 9 g/dL chez les patients en phase critique de soins suivant un traumatisme (tous types de traumatismes confondus) [102, 103].

Le British Committee for Standards in Haematology recommande également de viser un seuil d’hémoglobine entre 7–9 g/dL chez les patients suivant un TCC. Cependant, en présence d’ischémie cérébrale, ce seuil devrait s’élever au-dessus de 9 g/dL [104].

Enfin, il est à noter que la plus récente édition du guide de pratique sur la prise en charge des patients avec TCC grave de la Brain Trauma Foundation ne fait pas mention du traitement de l’anémie et des seuils transfusionnels dans ses recommandations[31].

1.4 Justification de notre étude

Dans les sections précédentes, nous avons établi que l’anémie était une condition fréquente chez les patients hospitalisés à l’unité de soins intensifs. Dans cette population générale, il existe des données probantes favorisant l’adoption d’une stratégie transfusionnelle dite restrictive. Il existe cependant certains sous-groupes de patients à risque pour lesquels l’incertitude persiste concernant la stratégie transfusionnelle optimale. Les patients neurolésés font partie de ces groupes et plus particulièrement la population de patients avec TCC. Nous avons vu que l’anémie était également fréquente chez les patients avec TCC modéré et grave. Plus du tiers d’entre eux recevront une transfusion durant leur prise en charge à l’unité de soins intensifs. Bien qu’une concentration plus élevée d’hémoglobine permette théoriquement un meilleur transport d’oxygène au tissu cérébral, plusieurs études observationnelles soulignent les effets délétères des transfusions de produits sanguins chez cette même population. Devant les preuves conflictuelles actuelles concernant la stratégie transfusionnelle optimale à adopter chez les patients ayant subi un TCC, les cliniciens restent hésitants à adopter une stratégie de transfusion restrictive considérant la fragilité du cerveau lésé aux dommages hypoxémiques. La stratégie transfusionnelle chez les patients avec TCC représente donc un problème d’intérêt autant du point de vue de l’optimisation des ressources, que de l’optimisation des soins de santé. Cette étude a pour but de décrire les pratiques transfusionnelles contemporaines actuelles suivant un TCC et d’identifier les différents déterminants guidant leur administration. Ce projet a également servi à poser les bases ayant assuré le développement d’un vaste essai clinique randomisé multicentrique et international actuellement en cours, qui pourrait contribuer à

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