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Nuka ; : suivi de Le motif du voyage dans le nord imaginaire dans la littéraure québécoise du XXe siècle, en particulier dans La rivière sans repos de Gabrielle Roy

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Texte intégral

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NUKA

suivi de

LE MOTIF DU VOYAGE DANS LE NORD IMAGINAIRE

DANS LA LITTÉRATURE QUÉBÉCOISE DU XXE SIÈCLE,

EN PARTICULIER DANS LA RIVIÈRE SANS REPOS DE

GABRIELLE ROY

Mémoire présenté

à la faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en études littéraires

pour l'obtention du grade maîtrise avec mémoire (M.A)

DEPARTEMENT DES LITTERATURES FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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Le roman Nuka part d'un voyage à Kuujjuaq. L'objectif était de donner un souffle nouveau à l'imaginaire du Nord, mais plus que cela, une voix aux enfants du Grand Nord. À travers les yeux d'une enfant, Nuka, âgée de neuf ans, un monde se crée, à travers les yeux du lecteur, une conscience s'éveille. Deux réalités s'affrontent et l'enfant doit trouver sa propre voie, d'où l'importance de la quête : le voyage dans la toundra et le voyage qui s'opère à l'intérieur d'elle-même. La partie reflexive s'appuie sur le motif du voyage dans l'imaginaire du Nord dans la littérature québécoise au XXe siècle. La ligne est bien mince entre le voyage réel et le voyage imaginaire. Il s'agit de tenter d'en délimiter les contours. Mais l'effet de flou s'amplifie dans le Nord. Il impose ses propres règles à ses habitants et aux voyageurs qui s'y risquent. À cela se mêlent le sentiment d'étrangeté et la découverte de l'autre, ce qui implique une tout autre prise de conscience. Le roman Nuka rejoint La Rivière sans repos de Gabrielle Roy en ce sens.

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Avant-propos

Je voudrais dire un immense merci à Alain Beaulieu, mon directeur de recherche, qui a cru en moi. Son expérience et ses encouragements m'ont permis de progresser tout au long de ma maîtrise. Merci pour sa disponibilité et son oreille attentive. Merci pour tout.

Un merci particulier à mes lecteurs, Jean-Noël Pontbriand et Neil Bissoondath, qui ont accepté de prendre le temps de me lire et de me donner leurs conseils et leurs commentaires.

Un merci rempli d'émotion à Lisa Deschamps qui a m'a prise sous son aile dans sa classe à Kuujjuaq durant deux moins au printemps 2009. Sans son soutien et son dévouement, mon séjour n'aurait pas été aussi enrichissant et aussi mémorable.

Je n'oublierai jamais ces douze enfants qui ont complètement changé ma vie. Nakurmik .

Merci à Mehdi, mon amoureux, qui m'a toujours encouragée à continuer et à me surpasser.

Merci à ma famille et à mes amis pour leur soutien et leur amour.

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Table des matières

Résumé ii Avant-propos iii Table des matières iv PARTIE I : Création 8 Nuka 9 Chapitre 1 10 Chapitre 2 20 Chapitre 3 36 Chapitre 4 45 Chapitre 5 57 Chapitre 6 68 Chapitre 7 82 Chapitre 8 93 Chapitre 9 102 Chapitre 10 115 Chapitre 11 125 Chapitre 12 137 Épilogue 148

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Partie II: Partie Reflexive

Le motif du voyage dans le Nord imaginaire dans la littérature québécoise du XXe siècle,

en particulier dans La Rivière sans repos de Gabrielle Roy

Introduction 160 1. Le mal du Nord : du voyage réel au voyage imaginaire 163

1.1 Territoires : de l'inconnu au connu 163 1.2 Voyageurs : de l'auteur au lecteur 167 1.3 Une terre, un peuple et une histoire à raconter 171

2. Du voyage à la création : de Gabrielle Roy à mon projet 176 2.1 L'expédition de l'écrivain voyageur dans le Nord 176 2.2 L'expédition des personnages dans le Nord 180 2.3 Écrire et vivre avec un étemel optimisme : le symbole du sourire 184

Conclusion 186 Bibliographie 187

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l'existence longtemps après avoir cessé d'être

bon à quelque chose. Qu'est-ce qui est le pire?

[...] mourir trop jeune ou vivre trop vieux? »

Gabrielle Roy, La Rivière sans repos, p. 173

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Chapitre 1

Si la tempête cesse, Nuka se perdra.

Les lumières des maisons brillent dans la nuit claire. À la fenêtre de l'une d'elle, Nuka pointe le bout de son nez. Elle observe Kuujjuaq qui s'illumine jusqu'à la rivière. Attirée par les bruits de la rue, elle s'approche encore plus près et appuie son front contre la vitre. Sa mère et ses amies valsent au milieu du chemin rocailleux, devant la maison. Nuka pousse un profond soupir. À cette heure, les mauvais esprits prennent possession de sa mère et lui font oublier qui elle est. Nuka retient ses larmes et ferme les yeux un instant. Pour elle, sa mère cesse de l'être. Elle essaie de reculer, mais ses pieds demeurent ancrés au plancher. Elle demeure figée face au spectacle qui s'offre à elle, le regard fixe, et pourtant ce n'est que le commencement.

Ensemble, les femmes rient à gorge déployée, tournent et tournent, les bras en extension. Le ciel s'ouvre à elles et des milliers d'étoiles scintillent. Leur lumière se reflète jusque dans leurs yeux. Puis, elles se retrouvent à genoux, les mains appuyées contre le sol, la tête baissée. Elles ne rient plus, leur enthousiasme s'est éteint avec l'accueil froid de la terre. Elles vomissent tout ce qu'elles ont bu, mais ça ne suffira pas à les arrêter. Au mieux, cela les ralentir quelque peu. Nuka observe sa mère, consternée. Celle-ci reporte déjà la bouteille à ses lèvres et engloutit une autre gorgée. Elle ne sent plus le feu la consumer. Elle se relève et s'essuie la bouche du revers de la main avant de poursuivre sa danse, mais avec moins d'entrain et les bras ballants. Elle tourne encore, mais penche dangereusement d'un côté à l'autre du fossé. Ses amies la rejoignent presque aussitôt et s'accrochent à elle d'un pas incertain.

Un bruit assourdissant retentit. Les femmes se retournent et se cachent le visage, aveuglées par les phares de la voiture qui s'arrête brusquement devant elles. Elles la fixent un long moment, sans que le bruit du klaxon ne les dérange. Puis elles s'éloignent de la route pour la laisser passer, non sans un flot d'injures. La mère de Nuka, plus téméraire que les autres, ramasse une pierre et la lance de toutes ses forces, avant de s'effondrer sur le sol. La pierre heurte la vitre arrière du véhicule de plein fouet et la fissure. Les rires fusent de partout. La voiture s'immobilise et fait marche arrière à toute vitesse. La coupable se lève de peine et de misère et fonce vers la maison, non sans quelques détours. Elles courent

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toutes derrière elle en criant. Un homme sort de la voiture et observe l'étendu des dégâts en vociférant. Il ramasse une des bouteilles sur le sol et la lance dans leur direction. Nuka retient un cri en entendant le verre éclater contre la façade de la maison. Toujours aussi furieux, le conducteur remonte dans sa voiture et s'éloigne en faisant crisser ses pneus. La porte d'entrée claque.

La petite se laisse glisser le long du mur. Sa mère et ses amies discutent bruyamment. L'enfant avance à quatre pattes vers la porte en silence. Les yeux écarquillés, elle tend l'oreille pour capter des bribes de conversation, mais sans succès. De grandes embrassades s'ensuivent, la porte s'ouvre toute grande et se referme. Elles sont toutes parties. Le bruit fait place au silence. Toutes, sauf une. Nuka entend des pas dans l'escalier et une respiration sourde. Effrayée, elle recule jusqu'à ce que sa tête heurte le pied de son lit, mais elle ne réagit pas. La poignée de la porte tourne lentement. Elle se jette dans son lit et remonte l'édredon sur sa tête. Elle ferme les yeux et serre les poings. Sa mère entre dans la chambre. Tous les soirs, elle répète la même routine. Elle s'avance vers elle à pas feutrés, s'assied à ses côtés et se penche vers elle, la bouche entrouverte. Nuka inspire silencieusement, mais la forte odeur d'alcool mêlée à l'acidité des vomissements lui donnent des nausées. Elle retient son souffle alors que sa mère murmure son nom à son oreille. Tout doucement, elle prononce son nom à plusieurs reprises. Nuka n'ouvre pas les yeux, mais son corps se crispe un peu plus. Sa mère, furieuse tout à coup, hausse la voix.

- Nuka!

L'enfant ne répond pas. Elle se concentre sur les histoires que sa mère lui racontait lorsqu'elle était toute petite, sur son rire, sur ses biscuits au chocolat, sur tout ce qui peut lui faire oublier cette femme qui lui a volé sa mère et qui s'acharne sur elle. Celle-ci l'empoigne par les épaules et la secoue. Nuka relâche chacun de ses muscles jusqu'à ne plus rien sentir, mais ses poings demeurent serrés. Et lorsque sa mère se rend compte qu'elle ne peut pas l'atteindre, elle lève la main et la frappe au visage.

Ouvre les yeux! Regarde-moi quand je te parle!

Elle peut frapper, Nuka ne bougera pas. Il n'y a que les larmes qu'elle ne peut pas retenir. Sa mère sait qu'elle résiste et elle veut la briser. La petite l'appelle, maman, maman. Elle voudrait qu'elle se souvienne d'elle. Elle ne comprend pas pourquoi elle fait

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tout ça. Elle pleure, mais sa mère ne voit pas les mots qui coulent sur ses joues. Nuka la cherche, l'appelle doucement dans la nuit, mais les coups ne s'arrêtent pas.

- Anaana!

Brusquement, son poing se fige dans les airs, car le grand frère de Nuka, Iluak, l'arrête en plein vol. À lui, elle ne fait aucun mal. Il est trop fort. Alors, elle abandonne et laisse sa main retomber le long de son corps.

C'est de sa faute! Sors d'ici!

Nuka sent le regard de sa mère peser sur elle avec insistance, mais elle demeure silencieuse et immobile.

Maman!

Anaana sort de la chambre et fait claquer la porte derrière elle. Découragé, Iluak soupire. Il s'assoit près de sa petite sœur et lui caresse la tête d'un geste tendre et rempli de douceur.

- Najaapik ... Tu peux ouvrir les yeux.

Lentement, Nuka desserre les poings et se risque à le regarder. Alors là seulement, la douleur se fait ressentir. Nuka a les joues en feu et tout son corps tremble. Iluak essuie ses larmes du bout des doigts et essaie de sourire, malgré le chagrin que ses yeux trahissent.

Dors, je vais veiller sur toi. Demain, ça ira mieux, tu verras.

Ça ira jusqu'à la nuit prochaine. Elle le sait. L'aube emporte avec elle les cauchemars de la nuit. Au petit matin, ne restent plus que les sueurs froides et le goût amer au bord des lèvres. Iluak le sait bien lui aussi, mais il essaie de la protéger. L'enfant se blottit contre lui et se laisse bercer, au chaud dans ses bras, jusqu'à ce que cessent les tremblements.

Souviens-toi de maman, rappelle-toi ce qu'elle nous chantait quand nous étions petits...

Elle ferme les yeux et se concentre pour se souvenir... Elle l'entend encore lui dire bonne nuit et je t'aime... Elle sent encore ses longs cheveux noirs glisser sur son visage et l'envelopper de leur parfum si doux. Elle cherche, mais les paroles se perdent dans le chaos

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de son esprit. Elle n'entend que ses cris et ses reproches en boucle. Elle ne sait plus... Tout se mêle.

- Je ne me souviens plus...

- Ne pleure pas, Nuka. Elle va revenir. Tu vas voir.

Non. C'est faux. Elle le sait bien. La colère empourpre peu à peu ses joues et prend possession de son corps. Elle se redresse dans son lit et repousse son frère violemment.

- Auka3, menteur!

Iluak encaisse le coup sans réagir. Malgré ses tentatives infructueuses pour la calmer, il tente de la prendre dans ses bras. Elle se débat avec force, même s'il arrive à la faire prisonnière de son étreinte. Elle ne veut pas de ses mensonges. Elle veut sa mère telle qu'elle était avant...

- Lâche-moi! Calme-toi, Nuka.

Elle crie jusqu'à s'époumoner. La porte s'entrouvre, sa mère se tient sur le seuil. Qu'est-ce qui se passe ici?

- Va-t-en!

La petite se détache de l'étreinte d'Iluak, se lève et attrape au passage la première chose que sa main trouve. Elle lance la lampe de chevet dans la direction de sa mère, mais ne l'atteint pas. La lampe termine plutôt sa course contre le mur avant d'éclater en morceaux. Sa mère ouvre la porte avec colère et fonce vers l'enfant qui lui tient tête, mais Iluak l'arrête en l'attrapant par le bras et la retenant d'une main ferme.

Laisse-la tranquille.

Il la pousse devant lui pour la faire sortir et referme la porte. Nuka entend le verrou et se jette contre la porte en criant de toutes ses forces.

Tu n'as pas le droit! Isch !

Iluak ne comprend pas. Elle ne veut pas de cette solitude. Elle a besoin de lui, besoin de sa mère aussi, mais il y a bien longtemps que celle-ci l'a oubliée. Nuka tire la poignée, donne des coups de pieds dans la porte, la frappe avec ses poings, mais rien à faire, elle ne cédera pas. Elle crie plus fort, hurle même, mais Iluak l'ignore. En proie à un

3 Non

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profond désarroi, elle fait volte-face et jette par terre tout ce qui se trouve à sa portée. Dans un tourbillon, elle détruit tout. À la fin, le chaos emplit sa chambre, mais un grand vide s'empare d'elle. Elle se laisse tomber sur le sol en pleurs. Anaana...

Étendue sur le plancher, elle tourne la tête vers la fenêtre et observe le ciel. Dehors, le blizzard fait rage. Le vent et la neige se heurtent aux fenêtres avec violence, frappant plus fort à chaque bourrasque. Le froid se faufile dans les fissures des murs, lui glaçant les os. La maison tremble, prête à se soulever, les murs craquent comme s'ils allaient s'effondrer. Les minutes passent lentement. Seule la tempête arrive à la calmer. Elle finit par s'endormir, bercée par les flocons qui valsent dans la nuit.

Lorsqu'elle ouvre les yeux, au petit matin, elle a retrouvé la chaleur de son lit et un petit chiot blanc lui lèche le bout du nez.

- Ça chatouille!

Elle rit et se trémousse avant de le prendre dans ses bras et de lui caresser les oreilles.

D'où viens-tu, toi?

Il lui répond d'un petit jappement. Elle regarde autour d'elle, il ne reste aucune trace de la tourmente, sinon une lampe en moins.

- Nuka?

L'enfant tourne la tête vers la porte. Sa mère s'approche d'elle tout sourire. Anaana... Elle est revenue. Nuka se lève d'un bond et court vers elle.

Maman!

Elle ouvre les bras et la serre contre elle. Sa chaleur l'enveloppe. Elle sent bon et cela lui donne l'impression qu'elle n'est jamais partie.

Il est pour toi.

Merci, maman. Je vais l'appeler, Aputik. - Viens manger, j'ai fait de la bannique5.

- Aa ! Viens, Aputik!

Le chiot saute du lit d'un bond et suit sa maîtresse jusqu'à la cuisine. Nuka se dépêche d'engloutir son déjeuner, mais sans quitter sa mère des yeux. Elle n'arrive pas à

Pain d'origine amérindienne

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croire que sa mère se tient devant elle et surtout qu'elle lui a préparé son déjeuner... celui qu'elle préfère, en plus. Anaana l'observe avec des yeux remplis de tendresse. Elle semble ravie de la voir manger avec autant d'enthousiasme. La petite avale sa dernière bouchée et court jusqu'à sa chambre. Elle s'habille le plus rapidement possible avant de redescendre dans l'entrée où elle enfile manteau, tuque, foulard, bottes et mitaines. Avant de partir pour l'école, elle embrasse sa mère pour sentir une fois encore son parfum et caresser ses cheveux si doux. Elle murmure à son oreille un je t'aime rempli de promesses. Nuka la regarde avec des yeux pleins d'espoir, même si elle sait au fond d'elle que ce soir, sa mère ne sera plus la même... Elle sort de la maison, le chiot à ses trousses, et ferme la porte. Au pied de l'escalier, les caisses de bières débordent des poubelles. Elle ressent la claque au visage avec autant de force que la veille au soir. La petite descend en courant et les renverse d'un grand coup de pied. Elle observe les bouteilles se fracasser et rouler dans tous les sens. Du liquide s'échappe et coule jusqu'à ses pieds, laissant une traînée dans la neige fraîchement tombée. Elle lève la tête vers la fenêtre, prise d'une inquiétude soudaine. Sa mère l'observe, mais demeure immobile, l'air coupable. L'enfant reste un moment à la fixer. Plus qu'un amas de bouteilles, c'est une montagne qui se dresse entre elles. Nuka lui envoie la main et s'éloigne de quelques pas. Aputik la suit. Elle se retourne brusquement.

- Auka, Aputik.

Le non résonne encore dans sa tête. Le chiot s'arrête et l'observe de ses grands yeux ronds, assis non loin d'elle.

Je voudrais t'amener avec moi, mais tu ne peux pas venir à l'école.

Il ne comprend pas. Nuka se sent impuissante devant son regard implorant. Tu ne veux pas rester tout seul. Je te comprends, mais...

Peut-être que..., mais non, c'est absurde. La petite éclate de rire. Jamais il ne pourrait passer inaperçu dans la classe, même dans son sac à dos. Il se trémousserait jusqu'à ce que le sac s'ouvre et alors, sortant son petit museau, il flairerait les alentours.

Des cris de joie fuseraient dans la classe quand la boule de poils ferait son apparition et elle serait punie. Punie par la professeure, ensuite par la directrice, ensuite par sa mère... Son visage s'assombrit. Elle lève les yeux à nouveau, mais plus personne ne se tient à la fenêtre.

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Il hurle à la lune alors qu'elle s'éloigne de lui. À son hurlement se joignent ceux des autres chiens de la rue. Un à la suite de l'autre, ils se répondent, au plus grand malheur des voisins. Nuka s'éloigne rapidement et bientôt les aboiements se mêlent au bruit du vent, jusqu'à devenir imperceptibles. Aputik... Nuka comprend sa détresse, mais il n'est pas seul. Les autres veillent sur lui. Et lorsqu'elle rentrera ce soir, ils fuiront. Ensemble, ils n'auront rien à craindre de la nuit.

- Nuka!

Elle lève les yeux, Sally lui envoie la main de son balcon et lui fait signe de l'attendre. Sa maison est toute petite et elle y vit avec sa famille élargie : sa mère, ses grands-parents, son oncle et un de ses fils, et même sa copine, enceinte. Bien sûr, les chambres manquent, alors Sally dort sur le sofa du salon et ne s'en plaint jamais, ni de quoi que ce soit d'autre d'ailleurs. Elle sait que les maisons se font rares parce que coûteuses. Même la plus petite des maisons attire envie et convoitise.

Elle a créé son propre univers. Sally n'a qu'à fermer les yeux pour s'imaginer une chambre pour elle seule, les murs peints en violet, sa couleur favorite, un grand lit, un vrai, et un édredon tout blanc. Dans un coin, une immense maison de poupée aux couleurs pastel, dans un autre, une bibliothèque et des livres, des tonnes de livres. Peu des amis de Nuka aiment lire, mais Sally est certainement celle qui a lu le plus dans tout Kuujjuaq. Sally sort enfin de chez elle et vient rejoindre Nuka en courant. Elle a déjà les joues rouges, ses cheveux de jais en bataille et elle rit.

Nuka, tu en fais une tête! - Oh... Je réfléchissais.

Sally rit de plus bel et Nuka se joint à elle, incapable de résister à son rayon de soleil, sa meilleure amie. Deux balles de neige viennent éclater contre le manteau de Nuka. Sally s'esclaffe, mais la principale intéressée ne rit plus. Les yeux vifs, elle cherche le coupable, mais n'entend que des rires. Autour d'elles, les rochers s'étendent à perte de vue, d'immenses rochers gris et roses partiellement recouverts de neige l'hiver et de mousse l'été. Difficile de s'y retrouver dans toute cette neige. Luukasi, les yeux espiègles, sort de sa cachette et vient vers les deux amies en plaisantant.

Nuka fait ses gros yeux!

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Les gros yeux de Nuka ne les font que pouffer davantage. Ils la pointent du doigt et se tordent de rire. Ses poings se resserrent. Luukasi remarque son changement d'attitude et fronce les sourcils. Il épie le moindre de ses gestes, prêt à bondir en cas d'attaque, mais Nuka laisse tomber et se détend. Ça n'en vaut pas la peine. Il lui tapote l'épaule et roucoule à son oreille avec un sourire malicieux.

Bon choix.

Bon choix... Il reprend les expressions de la professeure. Nuka hésite entre l'envie de le repousser brutalement et celle de se joindre à leur mascarade. Il tente de la provoquer en jouant les Ouioui, mais il ne l'aura pas. Elle éclate de rire, le prenant au dépourvu. Luukasi mesure peut-être quelques centimètres de plus qu'elle et semble peut-être un peu plus fort qu'elle, mais elle n'a pas peur de lui, ni de personne d'autre. Si la nuit dernière et les ecchymoses laissées sur son passage ne suffisent pas à l'ébranler, alors Luukasi n'y arrivera pas non plus. Il ne connaît pas ses limites, ni celles des autres et ne craint pas de les dépasser. Et même s'il joue souvent au plus malin, Nuka sait qu'il a bon cœur. Ses yeux sont sombres, mais des étincelles s'y allument souvent. Et il rit, il rit. Ses rires résonnent d'espoir. II faut dire qu'il a plus de chance que Sally. Il a sa chambre à lui et son père, un Québécois en exil volontaire, vient de Montréal. Un avenir s'offre à lui, un avenir auquel Sally ne peut que rêver ou qu'elle aura de peine et de misère, malgré son potentiel rayonnant. Sally se tourne vers Nuka et tire sur sa manche pour la faire avancer.

Nuka, dépêche-toi! Uima ! Surami ?

Nuka la regarde avec un sourire en coin. Elle soupire, mais ne répond rien. Elle connaît son aversion pour l'école et elle sait qu'elle prend plaisir à arriver en retard pour voir la professeure lever les yeux au ciel, jour après jour. Pourtant, sa classe sera toujours vide, ou presque, à l'heure où la cloche sonne. Sally accélère le pas, laissant Nuka derrière elle. Celle-ci la regarde s'éloigner. Pourquoi se presser? Elle observe Sally courir vers l'école et rit de la voir si préoccupée d'arriver à temps. Luukasi suit d'un pas nonchalant.

Nuka s'émerveille de voir autant de chiens errants les entourer. Ils reniflent leurs mains et lèchent leurs joues lorsqu'ils se penchent pour les caresser. Ils sont heureux de

7 Surnom donné aux Blancs par les Inuit 8 Vite

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l'attention qu'ils reçoivent et espèrent secrètement un encas. Ils les suivent sur quelques mètres avant de s'éloigner dans les rares arbustes bordant la route, déçus de n'avoir rien reçu, à la recherche de quelques petits animaux morts ou autres délices. Ils plongent leur museau dans la neige, ressortant avec des têtes de bonhomme de neige. Jamais leurs grands yeux noirs ne cessent d'observer les deux enfants qui vagabondent. Certains des chiens du village sont gardés en laisse et hurlent sur leur passage, mais la majorité vont et viennent à leur guise. Ils sont libres, mais la liberté a un prix. Ils sont mal nourris et leur corps en ressent les effets. Ils cherchent des petites proies, mais avec les rigueurs de l'hiver, celles-ci se font rares. Le pire c'est que deux fois par année, les chiens errants sont tués ou conduits à la fourrière... pour être adoptés ou endormis. Seuls survivent ceux qui arborent une plaque orangée, preuve de leur appartenance à un foyer, un foyer qui les oublie plus souvent qu'autrement. Mais, eux, ils ne se doutent de rien. Insouciants, ils jouent dans la neige et hurlent à la lune. Nuka voudrait se joindre à eux, se sentir entourée par la meute. Elle les envie presque.

Nuka et Luukasi traversent le petit pont, mais sous leurs pieds, tout n'est que glace et neige. Ils doivent se tenir le plus près possible de la barrière, car les voitures passent rapidement à côté d'eux. Dans le centre-ville de Kuujjuaq, les maisons pullulent, mais arborent des façades usées, endommagées par les intempéries. Pourtant, Nuka les préfère aux nouvelles maisons construites en haut de la côte. Elles symbolisent l'essence d'un peuple, de ce qu'il était et de ce qu'il est devenu, quelques fois tanguant, mais toujours debout, malgré l'usure du temps et des tempêtes.

L'école se dessine au loin, Jaanimmarik écrit en grandes lettres. Une bâtisse aux murs beiges et bleus qui attire des centaines de jeunes alors que la sonne cloche. Alors se mêlent les enfants de quatrième, cinquième et sixième année et les adolescents du secondaire. Les derniers autobus arrivent, laissant derrière eux un nuage de pollution, et les enfants sortent à toutes jambes pour rejoindre leurs rangs respectifs. Ils rentrent, un rang à la suite de l'autre, mais Nuka ralentit au lieu d'accélérer le pas. Elle regarde la cour d'école se vider. Bientôt, il ne restera plus qu'elle. Lorsque le dernier des surveillants passe la porte, elle se précipite vers le terrain de jeu. Luukasi choisit de rejoindre la classe plutôt que de venir jouer. Déjà au sommet du module, elle lève les yeux vers les fenêtres de sa classe.

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Alex lui envoie la main. Elle lui sourit et lui fait signe à son tour. Alex est l'unique blanc de sa classe. 11 a les yeux bleus comme la grande rivière. Ses parents ont obtenu un contrat de travail, ici, pour deux ans... peut-être plus, qui sait? Eux, ils ont une belle maison, une voiture et même un husky. Nuka y est allée une fois. La mère d'Alex leur a préparé de délicieux biscuits aux brisures de chocolat.

Luukasi se pointe à son tour à la fenêtre. Nuka le voit se retourner, mais elle ne sait pas ce qu'il dit. D'autres élèves de la classe se rapprochent et l'entourent. Elle descend rapidement, sentant le piège se refermer sur elle. Elle ne veut pas que Catherine la voie. Trop tard, cette dernière frappe à la fenêtre et l'incite à se présenter en classe. Les ennuis commencent. Un choix s'offre à elle : obéir ou fuir. Des chiens errants se tiennent aux abords de la cour d'école, mais elle se résigne à ne pas les suivre. Elle se précipite vers la porte et entre dans l'école. Elle lance ses bottes contre le mur et monte l'escalier. Nuka accroche son manteau à son crochet, dépose ses mitaines et son foulard sur le banc et entre dans la classe comme un courant d'air.

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Chapitre 2

Bonjour Nuka. - Bonjour.

Le mot est grommelé et presque imperceptible. Tous les élèves se tournent vers elle. Nuka traîne les pieds jusqu'à son pupitre, descend sa chaise et se laisse tomber sur le siège. Elle détache lentement ses souliers avant d'enfiler ses chaussures. Elle avance sa chaise et la fait grincer sur le plancher avant d'attraper son crayon et de s'exclamer avec impatience.

Qu'est-ce qu'on fait?

Catherine sourit et lui répond avec douceur. Regarde au tableau, Nuka.

Lecture... Ah! Kavarnatuq !

Sally lui lance un regard noir. Nuka, imperturbable, la dévisage à son tour et lui répond méchamment.

- Suna"l Perfect'2\

Auka.

Sally soupire et se replonge dans son livre, non sans une pointe de tristesse. Elle n'aime pas les confrontations. Mieux vaut les esquiver que d'en souffrir davantage. Parfois, une petite voix résonne en elle, une petite voix qui lui dit de réagir, de ne pas se laisser écraser, mais elle est vite réfrénée par la seule pensée de ce qui viendra après. Elle ne trouve pas la force de faire ce pas de plus qui changerait bien des choses. Alors, elle s'évade dans les mots des autres, au cœur des livres. Déjà, elle sent les larmes monter sous le poids du regard de Nuka.

Nuka, prends un livre toi aussi.

Nuka détourne la tête et hausse les épaules. Catherine tapote légèrement sur le rebord de son bureau et attend. Nuka se décide à se lever et se dirige vers la bibliothèque, située près de la fenêtre. Elle en profite pour jeter un coup d'œil dehors. Personne dans la cour de récréation, mais de minuscules points noirs se dessinent dans le ciel et grossissent peu à peu. Les oies viennent dans sa direction. Bientôt, leur cri se fait entendre. Les yeux de Nuka s'agrandissent. Elle frétille et s'exclame dans un excès de joie.

10 Ennuyeux "Quoi?

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- NirWé3. Nirlikl Elles arrivent!

Nuka étend les bras et les fait battre comme des ailes. Elle avance d'un bout à l'autre de la classe et imite le cri des oies. Rapidement, tous les autres élèves se retrouvent à la fenêtre et font de même. Catherine sourit. L'arrivée des oies annonce la venue prochaine du printemps, mais plus que cela, elle signifie l'ouverture officielle de la chasse. Nuka s'immobilise un instant et pense à son grand frère, Iluak, un excellent chasseur qui ne manque jamais sa cible. Lorsqu'il va chasser, Nuka le supplie toujours pour l'accompagner, parce qu'elle aime se retrouver seule avec lui. Juste elle et lui, à des kilomètres de la maison, au milieu de la toundra, avec des rochers recouverts de neige à perte de vue.

Nuka... Nuka... Nuka!

L'enfant se retourne brusquement vers Catherine. Tous les autres lisent silencieusement à leur place. Les bras croisés, elle lui reproche d'un ton ferme son indolence.

Nuka, arrête de perdre ton temps. Prends un livre et va lire à ta place.

La petite ne répond pas. Elle se retourne vers la bibliothèque et laisse son doigt glisser le long de la couverture de tous les livres, sans arrêter son choix.

- Nuka!

Attirée par l'image de la page couverture, elle prend une fable, L'ours qui aimait les arbres... mais avant même d'avoir le temps de s'asseoir, Catherine se lève.

Rangez les livres et placez-vous en rang. On va aller à la toilette. Nuka laisse tomber le livre et court se placer devant.

Première!

Catherine l'ignore. Qui est le chef du rang? Sally se risque à répondre. Luukasi...

- Ra,4\

Nuka, qui est devant toi?

Nuka s'impatiente et hausse le ton.

13 Les oies

(22)

- Je ne sais pas!

Sally répond pour elle. Moi.

Merci, Sally.

Nuka fait la grimace et se place derrière elle. Dans l'école, il faut se déplacer en silence et ne toucher à rien ni à personne. Mais, dans le corridor, l'action est au rendez-vous, alors il devient difficile de respecter les règles. Nuka regarde par les petites fenêtres pour voir ce qui se passe dans les classes. Maths, français, anglais, inuktitut, sciences, arts. Dans la plupart des classes, les cris prennent le dessus sur l'enseignement, malgré tous les efforts déployés, mais dans certaines autres, le désir d'apprendre a germé dans l'esprit des élèves et les professeurs trouvent la motivation et l'énergie pour faire vibrer cette lueur d'espoir. Entre chaos et harmonie, tout repose sur deux aspects cruciaux : l'autorité et le respect. Catherine marche devant et ne tourne la tête qu'à l'occasion pour voir si ses élèves la suivent toujours et surtout ne dérangent pas les autres. Dès qu'elle regarde ailleurs, Nuka bondit hors du rang et se colle à la fenêtre. Le front appuyé contre la vitre, elle attire l'attention des élèves en tirant la langue. Certains élèves poussent des rires sonores, peu habitués au spectacle qui s'offre à eux. Mais dès que leur professeur s'approche de la porte, ils retrouvent leur sérieux. D'un autre bond, Nuka retourne à son rang. Lorsque la porte s'ouvre après son passage, elle est déjà bien loin. Elle partage sa joie avec Sally. Toutes les deux rient à mi-voix.

Nuka et Sally, c'est assez.

Sally cesse presque de respirer, alors que Nuka ne fait que couvrir sa bouche avec sa main, incapable de s'arrêter de rire. Catherine la dévisage avec de gros yeux.

- Nuka!

Quoi? Je n'ai rien fait. Tu sais très bien pourquoi... Nuka demeure silencieuse.

Merci. Si vous voulez boire de l'eau ou aller à la toilette, c'est maintenant.

Le rang se défait rapidement, tous les autres se précipitent vers les toilettes ou la fontaine, mais Nuka s'assoit sur le banc et se cache le visage derrière les manteaux accrochés au mur.

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- Nuka, tu n'as pas soif?

Elle ne répond pas, demeure à l'abri derrière sa barricade. Elle voudrait lui crier de la laisser tranquille, mais elle n'en fait rien. Nuka meurt d'envie d'arracher tous les manteaux et de les lui lancer au visage, mais elle se résigne à enfouir son visage dans la noirceur et la chaleur de son refuge. Sally s'assoit près de Nuka et murmure à son oreille.

- Nuka, qu'est-ce que tu as? Rien.

Sally hausse les épaules, se lève et rejoint le rang. Nuka, viens te placer en rang.

Catherine ne rigole pas. Elle attend quelques secondes avant de répéter sa consigne une dernière fois, mais Nuka ne réagit toujours pas. L'ultimatum suit.

Un, deux... trois!

En une fraction de seconde, Nuka se cache derrière Sally. Tu as fait le bon choix.

Luukasi se tourne vers Nuka avec un sourire malicieux. Bon choix.

Elle rumine sa colère, mais ne bouge pas. - Luukasi, ce n'est pas toi le professeur. On y va.

Dans la classe, Nuka se laisse mollement glisser sur chaise et appuie sa tête contre son pupitre. Catherine remarque le stratagème de l'enfant, mais feint de l'ignorer.

Sortez votre cahier jaune.

Sally se penche vers son amie et pose une main sur son bras. - Nuka, qu'est-ce que tu as?

Rien.

Nuka... essaie.

Elle sort le cahier de Nuka et le pousse vers elle. Sally ne veut pas que son amie soit punie, mais Nuka relève à peine la tête. Sally l'observe avec des grands yeux inquiets. Finalement, Nuka prend son crayon et ouvre le cahier. Catherine rédige la dernière phrase de la dictée au tableau, mais Nuka termine à peine d'écrire la date. Même si les autres suivent sans problème, elle, elle n'arrive pas à suivre la cadence. La panique s'empare

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d'elle. Les erreurs s'accumulent sur la page et elle efface avec tant de vigueur que le papier froissé semble sur le point de se déchirer.

- Tu vas trop vite!

Catherine dépose sa craie sur le rebord du tableau et se retourne. Je te laisse du temps pour écrire.

Les autres terminent les uns après les autres et à tour de rôle, ils poussent de longs soupirs et la toisent du regard.

Uimal

Luukasi la fixe et son sourire semble s'agrandir de plus en plus. Il murmure des bêtises, mais elle ne les entend pas. Seule l'expression sur son visage suffit à la convaincre des moqueries qu'il profère. Elle tente de se concentrer sur le tableau et d'accélérer son rythme d'écriture, mais son crayon pèse de plus en plus lourd. Les bavardages à mi-voix dans la classe envahissent son esprit et ses doigts se crispent.

Shutup\

Le cri est sorti spontanément de sa bouche et déjà elle sait qu'elle va le regretter. Catherine se retourne vers elle, très en colère. Alors qu'elle ne faisait pas attention aux moqueries des autres à l'endroit de Nuka, cette insulte résonne dans ses oreilles et prend beaucoup d'ampleur.

- Nuka! Pas de ça ici! Mais, c'est Luukasi! - Nuka!

- Sika'5\

Nuka lui lance au visage tout ce que ses mains peuvent rejoindre : cahiers et crayons volent en direction de Catherine, mais celle-ci demeure de glace. Elle s'avance calmement vers l'enfant, les sourcils froncés.

Sors, Nuka, et va te calmer sur le banc. - Non!

Tu as deux choix, soit tu sors, soit j'appelle la directrice. - Non!

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Nuka attrape son pupitre à deux mains et le renverse. Il s'écrase avec fracas. Quelques élèves sursautent, mais tous la dévisagent. Catherine ne panique toujours pas. Nuka se retrouve prise au dépourvu face à son absence de réaction. Elle croise les bras et s'assoit sur le plancher, prête à résister jusqu'au bout pour ne pas sortir. La professeure appuie sur le bouton de l'interphone.

« Call place. » - « Yesl »

C'est Catherine, est-ce que Sam peut venir pour Nuka? - « OK. »

Catherine retourne au tableau et continue son cours sans changer d'attitude, comme pour décourager les autres élèves de suivre les traces de leur camarade. Nuka n'a aucune chance de l'emporter et elle le sait, mais la colère prend le dessus sur le reste. Il faut se battre, il faut résister. Trois petits coups résonnent à la porte. Sam entre d'un pas assuré et salue toute la classe. Il discute à mi-voix avec Catherine quelques secondes avant de s'approcher de Nuka.

Alors, Nuka, qu'est-ce qui se passe?

La petite lève la tête vers lui, les yeux grands ouverts, mais ne répond rien. Il se penche un peu plus pour la prendre par le bras.

Viens avec moi. - Non!

Elle retire son bras d'un geste vif et recule de quelques centimètres. Ses yeux s'assombrissent et plus que jamais elle sent l'urgence de réagir. Elle puise en elle la force nécessaire pour ne pas se laisser faire. Nuka envoie un coup de pied à Sam, mais il l'évite de justesse, un sourire en coin. Il l'agrippe par les bras et la soulève. Elle ne touche plus le sol et s'agite dans ses bras.

Let me go\ Vas-tu marcher? Isch\

Alors qu'ils traversent la salle de classe, sous les yeux ahuris des autres élèves, le regarde de Nuka croise celui de Sally qui, baisse la tête, déçue de voir son amie agir ainsi. Nuka se débat un peu plus, furieuse que Sally ne comprenne pas la douleur qui l'empoigne.

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Prise au piège dans les bras de Sam, elle cherche à se libérer. Lorsqu'ils franchissent la porte, sentant l'emprise se relâcher, Nuka arrive à toucher le sol et à se défaire de l'étreinte de Sam. Elle le repousse brutalement pour l'empêcher de la rejoindre. Elle attrape les chaussures laissées sur le banc et les lui lance. L'une d'elles passe à quelques centimètres de la tête de l'intervenant. Enragé, son visage devient de plus en plus rouge. Plus rien de pourra arrêter Nuka. Elle ouvre une autre porte et court dans l'escalier. Ses éclats de rire résonnent dans le corridor, alors qu'elle sent qu'elle prend de l'avance sur son opposant. Nuka contourne de peine et de misère les élèves du secondaire qui se jettent littéralement sur son passage. Des casiers s'ouvrent et se referment. Des manches effleurent son visage, mais rien ne peut freiner sa course. Elle se sent libre et invincible. Elle rit et rit.

- Nuka!

Elle jette un coup d'œil derrière elle pour voir où se trouve Sam et heurte de plein fouet un élève. Elle se retrouve par terre. Son grand frère se tient devant elle. Sa fuite lui semble alors beaucoup moins amusante.

- Iluak...

Il demeure muet, mais ses yeux trahissent sa déception. Iluak, dis quelque chose...

Sam attrape Nuka à nouveau et la soulève du sol. Je te tiens.

Capturée et maintenue immobile, Nuka hurle comme un animal piégé, mais Iluak ne bronche pas. Il sent la portée de son désarroi, mais il ne peut pas l'aider, pas cette fois. Le visage de l'enfant tourne à l'écarlate et de grosses larmes coulent le long de ses joues. Elle n'arrive pas à comprendre la réaction de son frère et encore moins pourquoi ils la punissent de la sorte. Sam l'amène jusqu'au bureau de la directrice et s'assoit par terre avec elle pour l'empêcher de se sauver.

Let me go!

Elle l'implore presque, car elle sait que ses forces s'amenuisent, mais elle ne veut pas abandonner, pas maintenant, pas encore.

- Calme-toi, Nuka! - Ischl

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Elle tente de se libérer, mais plus elle bouge, plus l'étau se referme sur elle. Ses membres se crispent un peu plus, elle sent la douleur s'intensifier.

- Tu me fais mal!

- Nuka, il faut que tu te calmes... - Nuka! Tabar***, elle m'a mordu!

Elle savoure cette petite victoire l'instant d'une seconde, car il reprend le contrôle sur elle et la maintient avec encore plus de force. Avec l'aide de la directrice, il resserre son emprise pour ne lui laisser aucune marge de manœuvre possible. Ils s'y prennent maintenant à deux pour l'immobiliser.

Nuka, calm down, sweet heart. Neverl

- Nuka, si tu veux que je te lâche, tu dois te calmer.

À bout de souffle, elle joue la carte de la docilité. Elle cesse de se débattre dans l'espoir qu'il relâche son emprise et la libère.

C'est bien Nuka. Je vais lâcher tes jambes, d'accord.

Dès qu'il la libère, elle s'agite et donne des coups de pied dans tous les sens. La directrice abat une main contre ses jambes pour les maintenir en place.

Nuka, arrête ça, tu te fatigues pour rien.

L'enfant pleure, mais elle continue de se démener. Tel un animal blessé, elle va se battre dans le piège jusqu'à ce que ses forces s'épuisent dans l'ultime espoir d'arriver à se dégager. Sa respiration ralentit, même si elle sent son cœur battre à toute vitesse. Elle suffoque et prend de grandes bouffées d'air. Ses cris se brisent et s'éteignent. Nuka s'avoue vaincue.

She's exhausted. Let her go. She really needs some rest.

Sam lâche prise et la petite marche à quatre pattes jusque dans le coin du bureau de la directrice où elle se roule en boule et pleure doucement, enfin libre.

What's going on?

Je ne sais pas, mais je ne l'ai jamais vue réagir avec autant de violence. What's wrong, Nuka?

Elle ne veut plus rien entendre. Elle souhaite juste s'endormir et se réveiller dans son lit, blottie contre Aputik. La directrice prend le combiné du téléphone et compose un

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numéro, celui de la mère de Nuka. L'enfant soupire, car elle sait qu'elle sera punie, encore...

Hi, your daughter is her... She's not doing well... Could you pick her up?

See you later.

Your mother's on her way.

Pour Nuka, cela ne représente rien qui vaille. Elle se sent davantage menacée que soulagée par cette annonce. Quelques minutes plus tard, Anaana entre dans le bureau et hausse les épaules devant l'enfant recroquevillée. Elle se tourne vers la directrice, qui lui explique la situation, mais ne fait qu'acquiescer d'un léger signe de tête. Puis la mère de la petite se lève, remercie la directrice et s'arrête un instant dans l'embrasure de la porte, comme si elle oubliait quelque chose.

Viens, Nuka. On rentre.

L'enfant se lève à son tour et sort, la tête baissée. Sa mère lui tend son manteau et ses bottes. Catherine a dû les apporter... Nuka s'habille et la suit jusqu'à l'extérieur. Une fois dans la voiture, Anaana plonge dans un profond mutisme. La petite ose à peine lever les yeux vers elle. Elle se contente de fixer ses pieds et fait tout son possible pour retenir ses larmes. Tout le trajet se fait en silence, mais lorsqu'elles entrent dans la maison, la mère referme la porte avec violence. Nuka pousse un petit cri de surprise, mais avant d'avoir le temps de se retourner, Anaana l'agrippe par le bras et se met à crier.

Toujours en train de faire des bêtises! Quelle histoire as-tu fabriquée cette fois-ci, Nuka?

- Je...

Non, je ne veux pas le savoir! Va dans ta chambre et restes-y!

Nuka ne tente aucune explication, elle s'éloigne d'elle, mais après quelques pas, sa mère la rattrape.

Plus vite que ça!

Elle la prend par le bras et marche d'un pas rapide vers l'escalier. Mes bottes... Mon manteau...

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Elle lâche prise et la pousse pour la faire avancer plus vite. Alors, Nuka, toujours avec son manteau sur le dos et ses bottes dans les pieds, monte l'escalier à toute vitesse. Elle entre dans sa chambre et referme la porte. Elle se jette sur son lit en pleurs et les mains sur son visage.

- Ce n'est pas juste... C'est Luukasi qui a commencé...

Tout bas, et pour elle-même, puisque personne n'a voulu l'entendre, elle essaie de se défendre. Des pas résonnent dans l'escalier, elle appréhende ce qui va suivre, mais sa mère ne fait que verrouiller la porte.

- Je reviens après le travail. Tu vas rester là jusqu'à mon retour. J'en ai assez de tes bêtises!

- Ce n'est pas ma faute... Je n'ai rien fait... Pourquoi personne ne me croit?

Ses murmures s'éteignent dans sa chambre avant de l'atteindre. La porte d'entrée claque. La petite s'agenouille dans son lit et étire le cou pour jeter un coup d'œil par la fenêtre. La voiture de sa mère s'éloigne. D'un bond, elle se retrouve sur la pointe des pieds au bord de la fenêtre. Elle l'ouvre et prend une grande bouffée d'air glacé. Un frisson lui parcourt le corps, mais elle ne recule pas.

Si elle pense que je vais rester enfermée ici...

Elle considère la porte un instant, mais se résout à prendre un autre chemin, les yeux remplis de malice. Elle éclate de rire. Prise d'une hystérie soudaine, elle sort par la fenêtre avec précaution, en petit bonhomme, et glisse jusqu'au bord du toit, avant de descendre jusqu'à la galerie, d'où elle se laisse tomber. Ce n'est pas haut, elle ne risque pas de se blesser. Nuka dévale l'escalier et se laisse lécher le visage par Aputik qui sautille autour d'elle.

Viens, mon chien.

Nuka se penche pour détacher sa laisse, mais il bouge tellement que ses doigts glissent contre son collier. Lui aussi n'en peut plus. Le déclic se fait enfin et les chaînes tombent sur le sol. À présent, ils sont libres tous les deux.

- Et si on allait à l'école ensemble?

Ses yeux s'illuminent et il aboie en signe d'approbation. Elle lui sourit et s'élance, portée par un regain d'espoir. Les chiens errants les entourent et ne cessent de renifler Aputik. Nuka lève les yeux au ciel. De gros flocons mouillés tombent sur ses joues

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bouillantes. L'hiver ne semble pas vouloir lâcher prise. Aputik, appuyé sur ses pattes arrière, gratte ses jambes en gémissant.

Qu'est-ce qu'il y a?

Sally agite ses bras dans les airs pour attirer son attention et vient vers elle. - Nuka, où vas-tu?

À l'école! - Ah! Oui?

La réponse de son amie la surprend, mais elle n'en fait pas trop de cas. Avec Nuka, il faut s'attendre à tout.

On fait des maths après-midi. C'est le fun! J'aime les maths!

- Asu16. Veux-tu venir manger une poutine avec moi au Old Chimo?

Une poutine! Aa\

Elles éclatent de rire. Une voiture s'arrête à proximité d'elles. Sally s'approche et demande à mi-voix si Nuka peut les accompagner. Sa mère lève les sourcils en guise de réponse et ouvre la portière arrière. Sally se tourne vers Nuka et lui fait signe de monter. Son amie la rejoint, suivie d'Aputik qui bondit sur le banc. Trois coins de rue plus loin, ils descendent tous.

- Aputik, attends-moi ici. Je reviens bientôt.

Il la supplie de ses yeux ronds, mais elle n'a pas le temps de se laisser attendrir. Déjà, Sally l'entraîne par le bras. Elles montent l'escalier du restaurant à vive allure et vont s'asseoir à une table pour quatre. La mère et l'oncle de Sally les rejoignent quelques minutes plus tard. La salle se remplit peu à peu. Malgré le peu de tables disponibles, l'endroit demeure très convivial. Nuka ne peut pas s'empêcher de scruter les moindres faits et gestes des gens autour d'elle. Ils engloutissent le contenu de leur assiette à une telle vitesse qu'elle a du mal à les suivre, tout cela entrecoupé de rires bruyants. Étourdie, elle détourne la tête. Sur les murs du Old Chimo, on a affiché des photos d'un artiste inuit qu'elle connaît. On les vend dans les cent dollars, de véritables « attrapes-touristes ». Elle éclate de rire en reconnaissant la vue derrière chez elle. Sally l'interroge du regard, mais Nuka se contente de hausser les épaules.

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Un petit bourdonnement la fait sursauter. Une mouche vole autour d'elle. D'un bond, Nuka se lève de sa chaise. La petite intruse s'éloigne paresseusement et va se poser dans la fenêtre, là où plusieurs de ses congénères font leur toilette. Nuka se rassoit sans la quitter des yeux. À la mi-mai les mouches pullulent jusqu'à ce que les moustiques s'installent et les dévorent en juillet. Certains se promènent même avec des moustiquaires, mais la plupart des gens les endurent sans broncher. Nuka tapote la nappe à carreaux rouge et blanc. Son estomac gronde et elle s'impatiente d'engloutir son repas. La serveuse dépose un bol de poutine devant elle, brisant le rythme de sa création musicale. Elle serre la fourchette dans sa main droite et pique deux frites pleines de sauce dégoulinante et de fromage en grains fondu. C'est le lunch quotidien de la plupart de ses amis et le sien : poutine, pizza, hamburger, hot dog, croquettes de poulet, « pizza pochette », tout cela accompagné d'une boisson gazeuse, de frites ou de croustilles. Riche en goût, en un mot, délicieux!

Sally pousse un cri et recule sa chaise d'un mouvement brusque. Tous les regards se tournent vers leur table. Honteuse, elle multiplie les excuses et baisse la tête. Elle fixe son assiette sans rien avaler de plus. Malgré tout, peu à peu la main de Sally se resserre contre sa fourchette. Perplexe, Nuka tente de comprendre ce qui se passe. Elle jette un coup d'œil à chacun des convives, mais n'y décèle rien. Discrètement, elle incline la tête pour voir sous la table. Une large main effleure la cuisse de Sally... celle de son oncle. Pour faire diversion, Nuka attrape la chaise de Sally et l'approche de la sienne. Surpris, il retire vivement sa main. Dans un grand éclat de rire, Nuka enlace son amie et la serre très fort contre elle.

Nakurmik ! Nakurmikl Nakurmikl

Sally sourit à peine, mais dans ses yeux Nuka lit toute sa gratitude. Sa mère l'attire vers elle et l'embrasse. Nuka en profite pour avaler sa dernière gorgée d'orangeade. Pendant ce temps, l'oncle se dirige vers le comptoir pour payer. Nuka attrape son amie par la main et l'entraîne dehors, mieux vaut filer en douce. Sally se retourne et envoie la main à sa mère, avant de suivre Nuka qui marche vers Jaanimmarik, Aputik derrière elle. La cloche sonne. Nuka se penche pour prendre son chiot dans ses bras et le serre contre elle.

Aputik, tu ne peux pas entrer dans l'école, mais je reviens bientôt, promis.

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Il jappe et rejoint d'autres chiens à proximité de la rue. Sally entoure les épaules de Nuka de son bras.

- Tu ne veux pas être en retard, j'espère?

Elle observe son amie avec des yeux remplis d'inquiétude, regrettant presque ses dernières paroles, mais Nuka lui sourit.

- Oh! Non! Je ne manquerais jamais un cours de maths!

Sally lui rend son sourire, non sans pousser un soupir de soulagement. Main dans la main, elles prennent leur place dans le rang et entrent dans l'école. Avant de passer le pas de la porte de la classe, Nuka arrête Sally au passage.

- Tu es sûre que ça va?

Elle ne prend même pas une seconde pour répondre. Bien sûr que ça va! Tout va bien!

Mais au restaurant... Ah! Ça, ce n'était rien. Mais, ton oncle...

Nuka, franchement, arrête. Tu te fais des idées! Si tu le dis...

Sally se dirige vers son pupitre d'un air enjoué, laissant Nuka seule avec ses interrogations. Bousculée par Luukasi, Nuka entre à son tour dans la classe. Elle se retourne pour riposter, mais Catherine s'interpose avant même qu'elle ait le temps de faire quoi que ce soit.

Je pensais que tu restais à la maison pour la journée... - Je veux travailler.

Catherine l'observe un instant, interdite. L'incompréhension se lit sur son visage. C'est très bien, Nuka, mais tu dois aller voir la directrice avant tout.

D'accord.

La petite sort de la classe et se rend au bureau situé au rez-de-chaussée dans le plus grand calme. Elle entre toutefois d'un pas hésitant. La directrice lui fait signe de s'asseoir.

How are you? Fine.

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- Yesl

Les yeux de Nuka s'illuminent et pour la première fois, la directrice lui sourit. Elle retrouve son sérieux pour la suite de son interrogatoire.

So, are you ready to go back to class? - Yes.

Will you listen and work? - Yes.

You can go. Nakurmikl

Nuka bondit de sa chaise et retourne à sa classe d'un pas rapide, non sans prendre quelques détours. Elle s'arrête à la fontaine un instant avant de poursuivre son chemin dans le corridor des élèves du secondaire dans l'espoir de croiser Iluak. Elle accélère le pas en l'apercevant, mais freine brusquement. Il n'a pas l'air bien. Assis sur un banc, il tient sa tête entre ses mains et demeure immobile. Nuka ne l'a jamais vu dans cet état. Lui qui est si doué à l'école, que fait-il là, comme en punition? Elle tend la main vers lui, elle peut presque le toucher, mais n'ose pas aller plus loin. Il relève la tête, ses yeux sont remplis d'eau. Nuka secoue la tête, elle ne comprend pas ce qui se passe. Lui qui est si fort, si fier... il ne peut pas se laisser abattre. La petite hésite entre se jeter dans ses bras ou le laisser aller. Il s'essuie les yeux du revers de la main et retourne en classe, le regard absent. Il ne l'a pas vue, alors qu'elle se tenait tout près de lui. Nuka murmure son nom.

- Iluak...

Il ne l'a pas entendue non plus. Nuka laisse retomber sa main contre son corps et ne quitte pas son frère des yeux. Il a repris son crayon, mais il n'écrit pas. L'instant d'une seconde, son regard croise celui de sa soeur, mais comme prise sur le fait, elle recule.

Miss Napartukl

L'enfant sursaute et se retourne. La directrice se tient devant elle, les sourcils froncés et les mains sur les hanches.

Why are you here and not in class? I... I'm on my way.

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Nuka jette un coup d'œil dans la classe, Iluak n'est plus là. Malgré son incompréhension, elle pense à la directrice qui attend d'un pied ferme. Elle accélère donc le pas, mais sans courir, il ne faut pas oublier les règles. Elle monte l'escalier et entre dans sa classe. Catherine fait la révision des fractions au tableau. Nuka s'assoit à sa place et sort son cahier de mathématiques.

- Comment écrit-on une demie?

Sally lève la main et se tortille sur sa chaise jusqu'à ce que Catherine la désigne. Sally, viens l'écrire au tableau.

Elle se précipite en avant et écrit '/_. - Très bien, Sally.

Satisfaite, elle retourne à sa place. - Comment écrit-on deux tiers?

Seule Sally lève encore sa main. - Nuka?

Elle hausse les épaules, malgré les chuchotements de Sally qui lui donne la réponse. Luukasi agite la main à son tour.

- Ah! Je sais!

Viens l'écrire, Luukasi. Il écrit 2/3 au tableau. Bravo, Luukasi.

Tout fier, il retourne à sa place les yeux brillants et en tapant des mains. Nuka appuie sa tête contre son pupitre. Malgré ses efforts pour demeurer éveillée, ses yeux se ferment d'eux-mêmes. Elle essaie de lutter contre le sommeil, mais rien n'y fait, sa nuit la rattrape. Catherine ne s'occupe pas d'elle. Nuka sait que Sally la couvrira au besoin. Comme toujours. Quelqu'un frappe à la porte. Luukasi se précipite pour l'ouvrir. Une jeune femme entre d'un pas hésitant. Nuka relève la tête, intriguée par cette nouvelle venue. Elle n'est pas très grande, mais a de longs cheveux blonds et des yeux bleus, les mêmes yeux qu'Alex... Tous les regards se tournent vers elle. Catherine l'accueille chaleureusement. La jeune femme pose son regard sur chacun d'eux avec insistance. Lorsqu'elle croise les yeux

de Nuka, cette dernière détourne la tête pour l'éviter.

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La cloche sonne et tout le monde sort, tout le monde sauf Nuka, car Catherine l'arrête au passage.

Attends, je veux te parler.

Elle hésite entre s'enfuir ou rester sagement dans l'embrasure de la porte. - Nuka...

Marie l'observe avec une pointe de curiosité, mais ses yeux sont remplis de douceur.

- Nuka, Marie va être ton shadow18 à partir de demain. Elle va t'aider à faire tes

travaux et à améliorer ton comportement.

La petite fronce les sourcils. Elle n'a pas besoin d'un shadow. Elle n'a besoin de rien, ni de personne. Elle s'organise très bien toute seule.

Est-ce que tu comprends, Nuka? - Oui.

Qu'est-ce qu'elle peut dire d'autre? Qu'elle réponde oui ou non, cela ne changera rien. Mais est-ce que quelqu'un lui a demandé son avis? Elle entend déjà les autres rires d'elle... Pourtant, Marie lui sourit et elle ne peut que lui rendre son sourire. Quelque chose en elle la fascine. Elle semble différente, mais peut-elle vraiment lui faire confiance?

À demain, Nuka. À demain!

Nuka sort de la classe, enfin libérée. Elle attrape son manteau et dévale l'escalier. C'est interdit, mais qui le lui reprochera à cette heure? Elle enfile ses bottes et court dehors. Sally l'attend dans les marches avec Aputik.

Qu'est-ce qu'elle voulait? Ah, rien d'important.

Sally n'insiste pas. Pour Nuka, une seule chose importe : demain, elle ne viendra pas à l'école.

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Chapitre 3

Le soleil surplombe le village et fait fondre la neige. Nuka retire ses mitaines et déboutonne son manteau. Elle ferme les yeux pour sentir les rayons la réchauffer. Le bruit des gargouillements de son estomac s'amplifie.

Sally, je meurs de faim! Moi aussi.

- Tu veux aller au Newviq 'vi? - Aal

L'école vient de se terminer et pourtant, ceux qui l'évitent le jour l'envahissent le soir venu. La cour de récréation subit les assauts des contrevenants qui, une cigarette aux lèvres, foncent à bicyclette dans les flaques d'eau sablonneuse. Les deux fillettes s'éloignent à pas rapides, suivies d'Aputik. Bientôt, Jaanimmarïk n'est plus qu'un minuscule point bleu. Des enfants s'amusent dans les fossés boueux, pieds nus malgré la neige fondante et les douze degrés de cette journée de mai. D'autres encore chassent les chiens errants à coups de pierres et de bâtons. Enfin, il y a tous les autres qui, comme les deux petites, se précipitent au magasin général pour acheter des bonbons et des barres chocolatées.

Mais les enfants ne sont pas seuls dans les rues. Même s'il est seulement seize heures, des hommes et des femmes sortent de leur maison, en quête de provisions pour la nuit, le pied déjà incertain. Nuka et Sally s'approchent du petit pont. Nuka se penche au-dessus de la balustrade pour voir l'eau couler entre les blocs de glace fondante. Les objets abandonnés par-dessus bord refont surface. Un tricycle s'est échoué sur la rive et un gros ballon rouge flotte sur l'eau. De l'autre côté de la route, un homme quelque peu négligé envoie la main aux deux petites filles, un large sourire aux lèvres. Hésitantes, elles le saluent à leur tour avant de se presser davantage. Nuka caresse les oreilles de son chien, rassurée de l'avoir près d'elle. Un klaxon retentit avec insistance, la faisant sursauter, et au lieu de ralentir, la vieille voiture accélère et passe si près de l'enfant qu'elle la sent lui frôler le bras.

Nuka, fais attention!

Sally la tire par la manche et l'entraîne dans le bas-côté. - Tu es tellement distraite!

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- Mais non! C'est lui qui n'a pas fait attention! Eh bien, peu importe, c'est toi qui seras perdante.

Incapable d'ajouter un seul mot, Nuka détourne la tête. Elles y sont presque. À quelques coins de rue se dessinent les contours du magasin général, un petit bâtiment aux couleurs sablonneuses comme la plupart des routes. Au bas de l'escalier, des planches de bois servent de marches pour ne pas atterrir dans la flaque d'eau qui se creuse d'année en année avec la fonte des neiges. Les deux petites sautent d'un bond sur une des planches instables et rient aux éclats en passant d'une à l'autre, risquant de se retrouver sur les fesses dans la boue et la neige. Elles rejoignent enfin l'escalier métallique. Une fois en haut, Nuka agrippe la poignée de la lourde porte, elle aussi en métal. Elle tire dessus pour ouvrir la porte et se faufile à l'intérieur du magasin, suivie de Sally de justesse. Aputik attend patiemment de l'autre côté.

Nuka évite les allées de fruits et de légumes qui s'étendent à sa gauche. Elle adore les framboises, mais Anaana n'en achète presque jamais parce que ça coûte trop cher, mais jamais aussi cher que tout l'alcool qu'elle boit en une nuit. Nuka avance avec prudence

dans l'allée principale, pas plus large qu'un panier d'épicerie. Même si ce n'est pas très grand, tous les produits essentiels s'y retrouvent, autant les aliments que les vêtements et les chaussures, sans oublier les jouets. Elle ne vient presque jamais ici avec Anaana, et quand ça arrive, c'est pour acheter ses cigarettes et une sloche, avec un peu de chance. La plupart du temps, elles comptent sur Iluak pour se procurer le nécessaire. Anaana, elle, oublie. Elle oublie beaucoup depuis que son mari est mort.

Qu'est-ce que tu fais, Nuka? C'est par là! À moins que tu préfères les petits pois... Sally pointe du doigt les conserves devant lesquelles se tient son amie. Un sourire en coin se dessine sur les lèvres de Nuka. Son père ne pouvait pas se passer de cette découverte tardive de sa jeunesse, parce qu'avant il n'y en avait pas. Son visage s'assombrit. Elle, elle ne peut pas se passer de lui... et pourtant.

- Nuka?

Euh... non! Bien sûr que non! Alors, viens!

Sally l'entraîne de l'autre côté. Elles ne sont pas les premières à passer par là. Même si plusieurs tablettes sont vides, le choix demeure encore immense. Ici, c'est

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Halloween tous les jours. Sally prend une grande quantité de bonbons, d'une main, et de l'autre, deux ou trois tablettes de chocolat. Une panoplie s'offre à elles : Aéro, Bueno, Cadbury, Crunchy, Dove, Ferrero Rocher, Hershey, Kit Kat, Lindt, Mars, Mirage, Mr. Big, Snickers et même Zero... Nuka fixe l'étagère, incapable de faire un choix. Au bout de quelques minutes, elle opte pour deux Aéro, à cause des bulles qu'elle adore.

- Et les bonbons? - Je n'en veux pas. - Es-tu malade? - Ha! Ha! Non.

Sally la regarde abasourdie. Nuka éclate de rire devant son air ahuri. Son amie sort un billet de sa poche et le lui montre.

Tu as vu, j'ai vingt dollars. - Wow!

C'est mon oncle qui me l'a donné...

Ses joues se couvrent de rouge, comme si elle venait d'y mettre trop de fard. Moi, j'ai juste cinq dollars.

Ça ne fait rien, je t'en donnerai si tu en manques. Nakurmikl

Elle la serre contre elle. Sally se laisse câliner. Elle n'a pas de frère et sœur, ni beaucoup d'amies non plus, et elle se sent souvent seule. Sa timidité lui joue de mauvais tours et pourtant, elle a un rire qui fracasse le silence comme du verre qui se brise sur le sol.

Regarde derrière toi, il y a un miroir.

Elle relâche son étreinte. Spontanément, elles font toutes les deux des grimaces à leur double et rient. Sally tire la langue et pousse des sons abominables qui sortent du fond de sa gorge. Elle a un petit nez aplati, des cheveux bien droits qui descendent jusque dans le milieu de son dos et des yeux si petits qu'ils semblent disparaître quand elle rit. Elle est un peu plus grande que Nuka et déjà une femme... À dix ans, elle a ses règles. Les cheveux de Nuka ne sont pas si droits, ni si longs, ni si soyeux... Ses yeux sont sombres, presque noirs, comme si l'encre y coulait indéfiniment. Seul trait de ressemblance, toutes les deux ont de belles pommettes rebondies.

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Elle pouffe de rire, surprise du commentaire. Pas quand tu grimaces!

C'est ce que maman dit toujours... Mais moi, je te trouve plus belle que moi. - Tu es folle! As-tu vu mes cheveux? Et mes yeux?

Moi, j'aime tes yeux. Ils brillent toujours.

Un homme vient vers elles et bredouille des mots incompréhensibles en faisant son chemin, les forçant à s'écraser contre les étagères. Il les remercie, tout sourire. Son haleine d'alcool parvient aux narines de Nuka. Elle détourne la tête pour cacher son dégoût. Cette odeur, elle la connaît bien... Effrayée, Sally s'approche de Nuka.

Est-ce que ça va, Sally?

Elle fait signe que oui, mais elle tremble de tout son être. Nuka la prend par la main et l'emmène vers les caisses pour payer. Deux files s'allongent jusqu'aux rangées. Elles attendent patiemment leur tour dans l'une d'elles. À l'autre caisse, un petit garçon compte ses sous devant la caissière qui l'observe agacée par tout le temps qu'il prend. Les clients se plaignent derrière lui. Il n'a même pas assez d'argent pour acheter ses bonbons. Une femme avec un grand manteau rouge et une jolie coiffure donne les deux dollars manquant à la caissière. Le petit, les yeux pétillants, remercie la dame, prend ses friandises et rejoint ses amis. Le voilà heureux, car il sait que s'il revient sans un sou, demain ou dans une semaine, personne ne lui paiera ses sucreries. Aujourd'hui, il a eu de la chance. Les enfants du village connaissent la valeur de l'argent et ils l'accumulent scrupuleusement, car ils savent que tout se paye.

La caissière, une jeune adolescente pour qui l'école a perdu son sens depuis bien longtemps, travaille ici à temps plein. Nuka ne voudrait pas passer ses journées dans un si petit magasin et se dire que c'est ce qui l'attend demain et la journée d'après et la journée d'après... Mais qu'est-ce qui est le pire? Rester à la maison à boire et attendre que le temps passe, ou travailler là où c'est possible, sans diplôme, même pas celui du secondaire? Nuka se met à rêver. Elle voudrait partir... partir pour le bout du monde, peut-être, avec Aputik et Iluak. Loin d'ici, oui. Sally tend le billet de vingt dollars et la caissière lui rend sa monnaie.

- Sally...

Ça me fait plaisir, Nuka. Nakurmikl

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Elle lui sourit et les deux amies sortent du Newviq 'vi avec leurs emplettes. Direction, le parc!

- ..a!

Avec Aputik à leurs trousses, elles courent et grimpent la côte. Essoufflées, elles atteignent le parc au sommet de la colline, le nouveau parc pour aller avec les nouvelles maisons. De gauche à droite s'étendent les « monkey-bars », un module, un petit pont, une grande glissade rouge pompier et, tout à droite, de grandes balançoires. Elles se laissent tomber par terre, sur le sable recouvert par endroits de neige et encore humide, non loin du module. Derrière s'érigent les montagnes de roches et devant, telle une clôture, s'aligne une rangée d'épinettes blanches, malingres. Sally déballe une de ses barres, Nuka l'imite. Debout sur ses pattes arrière, Aputik lui fait les yeux ronds.

Je crois qu'il en veut aussi!

Du chocolat? Mais tu n'y penses pas, mon pauvre petit... ça va te rendre malade! Regarde-le.

- Je sais, il fait toujours ces yeux-là... Bon d'accord, mais si tu es malade après... Nuka lui lance un petit morceau d'Aéro qu'il engloutit en une seule bouchée. Tu ne savoures même pas!

C'est parce qu'il aime trop les bulles!

Les deux fillettes éclatent de rire, puis continuent de déguster leur repas du soir, suffisant pour tenir encore quelques heures, avec le soleil qui, lui aussi, ne veut pas aller se coucher et profite de la journée. Une fois rassasiées, elles se lancent à l'assaut du module, Aputik dans leurs jambes. Elles grimpent à toute vitesse dans l'escalier et se laissent descendre dans la glissade. En bas les attend un Aputik bondissant. Elles répètent l'exercice jusqu'à ce qu'elles soient à bout de souffle. Puis elles sautent sur les balançoires et étirent leurs jambes jusqu'au ciel. Une fois l'élan donné, elles se laissent pousser par le vent. Dix heures approchent et Sally commence à s'inquiéter.

Maman va être fâchée si je ne rentre pas... Alors, vas-y, Sally?

Mais toi?

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- Sally, rentre chez toi!

Elle ne se fait pas prier. Elle prend un dernier élan et saute d'un bond pour atterrir sur ses pieds sans perdre l'équilibre.

Saut bien exécuté. Neuf sur dix!

Elle fait un petit salut et s'éloigne à toutes jambes. Au loin, elle entre dans sa maison et envoie la main une dernière fois à Nuka. Cette dernière saute à son tour, atterrit sur un pied avant de tomber sur les fesses.

Ouch! Je n'ai pas le talent de Sally.

Aputik s'approche d'elle et lui lèche le bout des doigts.

C'est du chocolat que tu cherches ou de l'affection que tu me donnes?

Elle le prend tout de même dans ses bras et lui caresse les oreilles. Il appuie sa tête contre ses jambes.

- Alors, c'est juste toi et moi, maintenant, comme je te l'avais promis. Tu vois, à deux, la nuit fait moins peur. Je n'ai presque pas froid, presque pas peur... Et toi? Elle sait qu'elle se ment à elle-même, mais mieux vaut endurer le froid et l'obscurité que de faire face aux mauvais esprits qui hantent sa maison la nuit. Le climat le plus rigoureux lui apparaît encore plus clément que sa maison. Et elle n'est pas la seule dehors. Nuka entend des cris et des rires au loin. De petites pointes glacées agacent ses joues et la font frissonner davantage.

- Génial, des flocons! Il ne manquait plus que ça.

Viens, Aputik, on va se mettre à l'abri du vent.

Nuka s'assoit dans le module, remet ses mitaines et croise les bras. Elle fixe les étoiles en attendant que le temps passe.

Il fera bientôt jour, ne t'en fais pas, Aputik.

C'est plus à elle qu'à lui qu'elle parle, un peu pour se convaincre, mais il lui répond tout de même d'un petit jappement.

- Nuka!

Le cri vient de loin, mais se rapproche peu à peu. Ah! Non. Les ennuis commencent. Nuka tente d'empêcher le chien de japper, mais impossible pour lui de

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résister. Un jappement sonore résonne dans la nuit et la voilà découverte. Iluak se poste devant elle.

- Nuka, qu'est-ce que tu fais là? Il est deux heures du matin! - J'attends qu'il fasse jour.

- Pourquoi?

Pour ne pas être punie.

- Najaapik... J'étais tellement inquiet. Allez, viens ici.

Pardon... mais maman allait être encore fâchée et je ne voulais pas...

Il essaie de la rassurer, mais dans sa voix, il y a une pointe de tristesse, voire de déception. Nuka sait qu'elle n'aurait pas dû se sauver et se cacher ici. La petite avait trop à perdre. Même si Iluak lui promet de la protéger et de veiller sur elle, au fond de lui, il rage chaque fois que sa mère lève sa main sur sa petite sœur et qu'il n'arrive pas à l'en préserver. Les ecchymoses sont bien visibles sur les bras de l'enfant et il s'en veut. Chacune d'elle représente un manquement à sa promesse. Si les chandails longs camouflent le tout, le mal, lui, est à vue de tous. Iluak la prend dans ses bras et l'aide à descendre du module. Il lui frotte les jambes et les bras pour la réchauffer, mais sans grand succès. Il la soulève et la porte dans ses bras.

- Tu es toute gelée. Tu as froid, Nuka? - Non.

Ses dents claquent, mais elle résiste à la douleur. Elle veut montrer à son grand frère qu'elle peut être forte elle aussi. Ce n'est qu'au-delà des étincelles dans ses yeux qu'il peut voir sa fragilité. Même si au départ il fulminait, dès qu'il l'a vue sa colère s'est dissipée. Il ne peut pas lui en vouloir. Soudain, comme si une petite ampoule s'allumait au-dessus de sa tête, une lueur éclaire ses traits. Nuka oublie quelques secondes le froid qui la ronge jusqu'aux os et retrouve son enthousiasme, intriguée par le visage de son frère.

Petite chérie, tu sais ce qu'on va faire, toi et moi? Suna?

Mais seulement si tu es sage...

Iluak fait semblant de regarder ailleurs pour étirer l'attente au maximum. Nuka retrouve ses couleurs, comme enveloppée d'une bouffée de chaleur, et s'agite dans ses bras.

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- Je ne sais pas si tu peux être sage... - Aa\ Aa\

Tu as vu les nirlïk? - Aal

Nuka trépigne d'impatience, elle sait ce qu'il va dire, mais elle meurt d'envie de l'entendre de sa bouche.

- On va aller à la chasse ensemble, veux-tu? - Aal Nakurmikl Nakurmikl Nakurmikl

Elle entoure ses bras autour de son cou et l'embrasse bruyamment sur les joues. Iluak la fait tournoyer et Aputik le suit en jappant. Tous les deux rient de bon cœur. Retrouvant son calme, il la serre contre lui et lui murmure à l'oreille qu'elle ne doit pas oublier d'être sage.

Promis!

Elle aura du mal à y arriver, mais pour demain, ce ne sera pas difficile, puisqu'elle n'ira pas à l'école. Elle n'aura qu'à faire semblant d'être malade et alors tout s'arrangera. Et une fois qu'elle sera guérie, Iluak et elle iront à la chasse. Sage, sage, sage comme une image. Iluak continue de marcher. Seul le bruit de ses pas qui craquent dans la neige fraîchement tombée brise le silence de la nuit. Ni l'un ni l'autre n'ose parler de ce qui s'est passé à l'école, alors Nuka, épuisée, ferme les yeux et se laisse bercer par les craquements.

Iluak entre dans la maison et appelle Anaana, mais il ne reçoit aucune réponse. - Où est-elle?

Je ne sais pas, elle n'est pas rentrée après le travail.

Nuka pousse un soupir de découragement. Si elle avait su... Pendant qu'Iluak l'aide à enlever ses bottes et son manteau, elle laisse tomber sa tuque et ses mitaines sur le sol. 11 la prend dans ses bras à nouveau où elle s'endort presque avant même d'atteindre son lit. Il la dépose avec précaution.

J'ai laissé Aputik entrer, mais c'est seulement pour cette nuit. Le chiot saute sur son lit et vient se blottir contre elle.

Nakurmik.

Pas un mot à maman. D'accord.

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