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Étude de la relation entre la prise de benzodiazépines et le risque de démence et de déclin cognitif dans une population âgée canadienne

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Academic year: 2021

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Étude de la relation entre la prise de

benzodiazépines et le risque de démence et

de déclin cognitif dans une population âgée

canadienne

Mémoire

Mohamed Nafti

Maîtrise en épidémiologie

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Mohamed Nafti, 2017

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Étude de la relation entre la prise de

benzodiazépines et le risque de démence et

de déclin cognitif dans une population âgée

canadienne

Mémoire

Mohamed Nafti

Sous la direction de :

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Résumé

Des études observationnelles ont suggéré que l'utilisation de benzodiazépines pourrait augmenter le risque de démence ou de déclin cognitif. Le présent travail vise à évaluer l'association entre l'exposition aux benzodiazépines et l'incidence de démence, de maladie d'Alzheimer et d'atteintes cognitives sans démence, à partir des données des trois phases de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada. Les résultats révèlent que l'exposition aux benzodiazépines est associée à un risque significativement élevé d'altérations cognitives mais ne suggèrent pas d'association avec le risque de démence. Les mécanismes par lesquels les benzodiazépines pourraient induire un déclin cognitif devraient être explorés plus profondément.

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Abstract

Several observational studies suggested that the use of benzodiazepines could increase the risk of dementia or cognitive decline. The present work aims to evaluate the association between exposure to benzodiazepines and the incidence of dementia, Alzheimer's disease and cognitive impairment ‒ not dementia using data from the three phases of the Canadian Study of Health and Aging. Results showed that the exposure to benzodiazepines is significantly associated with a higher risk of cognitive impairment but did not suggest any association with the risk of dementia. The mechanisms by which benzodiazepines possibly induce cognitive decline should be explored further.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des figures ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... ix

Avant-propos ... x

Chapitre 1: Introduction générale ... 1

Chapitre 2: Recension des écrits... 3

2.1 Introduction ... 3

2.2 Démence et maladie d'Alzheimer ... 4

2.2.1 Prévalence et incidence ... 4

2.2.2 Facteurs de risque et de protection ... 5

2.2.3 Signes et évolution ... 5

2.2.4 Étiologies ... 7

2.2.5 Diagnostic et classification ... 7

2.2.6 Prise en charge ... 8

2.3 Atteintes cognitives ... 9

2.3.1 Atteintes cognitives sans démence ... 10

2.3.2 Prévalence ... 10 2.3.3 Tests cognitifs ... 11 2.4 Benzodiazépines ... 11 2.4.1 Structure et classification ... 11 2.4.2 Mécanisme d'action ... 12 2.4.3 Utilisation clinique ... 13

2.4.4 Principaux effets indésirables ... 15

2.4.5 Données d'utilisation dans la population générale ... 17

2.5 Les benzodiazépines chez le sujet âgé ... 20

2.5.1 Données d'utilisation ... 20

2.5.2 Usage à risque ... 22

2.5.3 Effets indésirables ... 24

2.6 Études épidémiologiques sur l'association entre la prise de benzodiazépines et le risque de démence ou de déclin cognitif ... 26

2.6.1 Études sur la démence... 27

2.6.2 Études sur le déclin cognitif ... 30

2.6.3 Études sur la démence et le déclin cognitif ... 33

2.7 Objectifs ... 34

Chapitre 3: Étude sur la santé et le vieillissement au Canada ... 35

3.1 Introduction ... 35

3.2 Objectifs et méthodes ... 35

3.2.1 Première phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ÉSVC-1) ... 36

3.2.2 Deuxième phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ÉSVC-2) ... 38

3.2.3 Troisième phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ÉSVC-3) ... 38

3.3 Exposition aux benzodiazépines ... 38

Chapitre 4: Benzodiazepine use and risk of all-cause dementia, Alzheimer's disease and cognitive impairment ‒ not dementia: The Canadian Study of Health and Aging ... 41

Chapitre 5 : Discussion et conclusion générale ... 59

Bibliographie ... 69

Annexes ... 89

Annexe 1: Principales étiologies des démences ... 89

Annexe 2: Critères diagnostiques de la MA selon le DSM-IV-TR ... 90

Annexe 3: Critères diagnostiques du trouble cognitif léger selon le DSM-5 ... 91

Annexe 4: Liste des benzodiazépines ... 92

Annexe 5: Différents types de mémoires ... 93

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Liste des figures

Figures

Chapitre 3

Figure 1: Ordinogramme de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada ... 39

Chapitre 5

Figure 2 : Évolution des fonctions cognitives lors des démences ... 62 Figure 3 : Variation du score 3MS et du seuil de détection durant les trois phases de l'ÉSVC ... 64 Figure 4 : Variation des demi-vies des benzodiazépines disponibles à l'ÉSVC-1 ... 67

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Liste des abréviations

3MS Modified Mini-Mental State examination

AD Alzheimer's Disease

ADRDA Alzheimer's Disease and Related Disorders Association

AINS Anti-inflammatoires non stéroïdiens

AIREN Association Internationale pour la Recherche et l'Enseignement en Neurosciences

ASH Anxiolytiques, sédatifs et hypnotiques

AVC Accident vasculaire cérébral

AVLT Auditory verbal learning test

BZD Benzodiazépine(s)

BVRT Benton Visual Retention Test

CaPS Caerphilly Prospective Study

CIND Cognitive impairment ‒ not dementia CASI Cognitive abilities screening instrument

CSHA Canadian Study of Health and Aging

DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

DSM-III-R Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - 3rd Edition Revised

DSM-IV Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - 4th Edition

DSM-IV-TR Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - 4th Edition Text Revision

DSM-5 Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - 5th Edition

DSS Test Digit Symbol Substitution Test

EPESE Established Populations for Epidemiologic Studies in the Elderly

ÉSVC Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

ÉSVC-1 Première phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

ÉSVC-2 Deuxième phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

ÉSVC-3 Troisième phase de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada

EVA Epidemiology of Vascular Aging

FTT Finger Tapping Test

GABA Acide γ- aminobutyrique

HR Hazard ratio

HTA Hypertension artérielle

IC Intervalle de confiance

ICD International Classification of Diseases

IMC Indice de masse corporelle

IST Isaacs Set Test

LASA Longitudinal Aging Study Amsterdam

MA Maladie d'Alzheimer

MMSE Mini-Mental State Examination

NINCDS National Institute for Neurological and Communication Disorders and Stroke

OMC Test Orientation-Memory-Concentration Test

NSAIDs Nonsteroidal anti-inflammatory drugs

OMS Organisation mondiale de la santé

PAQUID Personnes Âgées Quid

RAMQ Régie de l'assurance maladie du Québec

RC Rapport de cotes

RCPM Raven’s coloured progressive matrices

RR Risque relatif

SNC Système nerveux central

SPMSQ Short Portable Mental Status Questionnaire

TMT-A Trail Making Test - Part A

TMT-B Trail Making Test - Part B

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“ Celui qui aime à apprendre est bien près du savoir.” Confucius

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Remerciements

Mes remerciements chaleureux, ma reconnaissance et ma profonde gratitude vont d'abord à ma directrice de recherche Danielle Laurin qui m'a donné l'opportunité de travailler sur ce sujet tout en m'offrant un rigoureux encadrement scientifique et un support inconditionnel. Je vous remercie pour votre disponibilité tout le long de ce travail, pour vos précieux conseils, pour votre souci constant de la précision et de la qualité, pour votre compréhension, et surtout pour vos encouragements et votre soutien moral dans les moments les plus difficiles. Votre dynamisme, votre professionnalisme et votre sens de l'humain forcent l'admiration. J'ai énormément appris grâce à votre expertise et vos connaissances remarquables en épidémiologie. Vous avez su renforcer en moi la passion de la recherche scientifique et vous continuerez à m'inspirer bien au delà de ce travail.

Mes remerciements sincères vont également à Pierre-Hugues Carmichael, biostatisticien au Centre d'excellence sur le vieillissement de Québec, pour son temps, pour sa précieuse collaboration, pour sa patience et pour ses généreuses explications qui ont éclairé ma lanterne et m'ont aidé à mieux cerner mon travail.

Mes amitiés vont à tous les membres du CEVQ pour leur accueil, et plus particulièrement à Sandra Lefrançois, technicienne en administration, pour son soutien logistique et pour sa bonne humeur constante.

Ce projet de recherche est aussi dédié à toutes les personnes qui m'ont aidé à sa réalisation, à commencer par mes professeurs du département d'épidémiologie de l'Université Laval pour l'enseignement de qualité que j'ai reçu, à ma famille qui n'a jamais cessé de m'encourager et de croire en moi et à toute la communauté scientifique qui œuvre pour un monde meilleur.

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Avant-propos

Ce mémoire inclut un manuscrit d'article scientifique qui sera soumis pour publication ultérieure. L'auteur du mémoire est également l'auteur principal de l'article. Le titre de l'article est: Benzodiazepine use and risk of all-cause dementia, Alzheimer's disease and cognitive impairment ‒ not dementia: The Canadian Study of Health and Aging. Les coauteurs sont Pierre-Hugues Carmichael1 et Danielle Laurin1,2.

En collaboration avec les coauteurs, le rôle de l'auteur principal a été de définir les variables à l'étude, de les extraire de la banque de données afin de construire le jeu de données, de participer à la sélection des analyses appropriées, d'interpréter les résultats statistiques et de rédiger la version pour publication.

1 Centre d'excellence sur le vieillissement de Québec, Centre de Recherche du CHU de Québec,

Québec, Canada.

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Chapitre 1: Introduction générale

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la population mondiale connait un vieillissement général et accéléré. Le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus dans le monde passera de 9 % à 17 % entre 2015 et 2050 (1). Ce vieillissement est plus prononcé dans des pays développés comme le Canada où la population des 65 ans et plus passera de 16 % (2) à 25 % durant la même période (3), et n'est pas sans comporter certaines conséquences dont la survenue plus fréquente des maladies liées à l'âge et l'augmentation de la consommation des médicaments (4–6). Les personnes âgées ont en effet un accès plus facile aux médicaments sur ordonnance et un contact plus fréquent avec les prescripteurs. Cette facilité d’accès combinée aux changements physiologiques liés au vieillissement les rend plus sensibles aux effets indésirables des médicaments et au risque de dépendance (7,8).

Parmi les maladies liées à l'âge, on trouve la démence, qui représente aujourd'hui la principale cause d'invalidité et de perte d'autonomie parmi les personnes âgées dans le monde. Cette maladie particulièrement éprouvante pour les personnes atteintes et leur entourage représente environ 12 % des années vécues avec une invalidité due à une maladie non transmissible et la première cause de dépendance chez le sujet âgé (9). Les estimations du fardeau économique mondial des démences ont été évaluées à 818 milliards de dollars américains en 2015, avec une augmentation de 35 % par rapport à 2010 (10). La maladie d'Alzheimer (MA) est la forme la plus répandue des démences et même si plus d'un siècle nous sépare de sa première description, le niveau actuel des connaissances sur son étiopathogénie reste encore limité. Cependant, plusieurs substances ont été soupçonnées d'induire ou d'influencer la trajectoire des démences. Les benzodiazépines en font partie et des études épidémiologiques ont suggéré un lien entre leur consommation et le risque de démence (11–21).

Les benzodiazépines, introduites aux années soixante comme traitement de l’anxiété et de l’insomnie (22), avaient remplacé progressivement des molécules aux effets indésirables graves et fréquents telles que les bromures, les barbituriques et les antihistaminiques sédatifs (23). L’utilisation de ces molécules n’est cependant pas sans risques, dont les plus connus sont les troubles de mémoire et de l’attention. Les personnes âgées en demeurent les premiers consommateurs (24–26), malgré des données cliniques suggérant plus de prudence à cause des effets indésirables (7,27). En effet, la prévalence de l'utilisation des benzodiazépines dans cette population est estimée entre 9 et 20 % et peut même atteindre 30 % chez les personnes âgées de plus de 85 ans (28).

L'objectif de ce travail de recherche est de mesurer et déterminer le sens de l'association entre la prise de benzodiazépines et le risque subséquent de démence, incluant la MA, et de déclin cognitif.

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Les données utilisées sont issues de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (ÉSVC), une étude longitudinale multicentrique de 10 ans portant sur l'épidémiologie de la démence chez les personnes âgées canadiennes.

Le présent mémoire comprend cinq parties. D'abord l'introduction générale, suivie du chapitre 2 qui fait état des connaissances actuelles sur les démences et de façon plus spécifique la MA. La littérature existante sur les benzodiazépines et leur utilisation chez le sujet âgé est ensuite présentée, ainsi que les études épidémiologiques étudiant l'association de la prise de ces médicaments avec le risque de démence ou de déclin cognitif. L'hypothèse de recherche et les objectifs spécifiques du projet de mémoire sont présentés à la fin de ce chapitre. La méthodologie de l'ÉSVC est ensuite détaillée au chapitre 3. Le chapitre 4 comprend le manuscrit d'un article qui sera soumis ultérieurement pour publication. Enfin, le chapitre 5 présente les analyses réalisées, les résultats et la discussion avant de finir avec une conclusion générale.

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Chapitre 2: Recension des écrits

2.1 Introduction

Les mots "démence" et "dément" apparaissent régulièrement aussi bien dans le langage courant que médical à partir du XVIIIème siècle avec un sens général de folie. C'est grâce aux travaux datant du début du XIXème siècle de Philippe Pinel1 et de son élève Étienne Esquirol2 que le mot

démence prend une valeur plus particulière en médecine. Pour Pinel, en 1801, la démence est caractérisée par la "succession rapide non interrompue d’idées isolées, d’émotions légères et disparates, de mouvements désordonnés, d’extravagance, d'oubli complet de tout état antérieur, d'abolition de la faculté d’apercevoir les objets par les impressions faites sur les sens, d'oblitération du jugement, d'activité continuelle sans but et sans dessein et nul sentiment de son existence" (29). Après Pinel, Esquirol développa ce concept en s’imposant comme l’auteur de référence pour la première moitié du XIXème siècle (30). Un siècle après, soit en 1906, Alois Alzheimer3,

histopathologiste et neurologue allemand, va décrire pour la première fois la dégénérescence corticale qu'il a observée lors de l'autopsie du cerveau de sa patiente Auguste Dester, admise pour démence. Un suivi détaillé de cinq ans a permis au médecin allemand de décrire, pour la première fois, la maladie qui portera plus tard son nom (31).

De nos jours, la MA représente environ les deux tiers des cas de démence et sa prévalence chez les personnes âgées de 65 ans et plus a été estimée par l'ÉSVC à 5,1 % de la population canadienne (32). Des données canadiennes estiment à plus d'un million le nombre de personnes qui seront atteintes de démences en 2038, soit 2,8 % de la population (33). La MA est la sixième cause générale de décès aux États-Unis (34), deuxième cause de mortalité chez les 65-74 ans et première au-delà de 75 ans (35). Et lors d'une étude étatsunienne, la survie moyenne d'une personne atteinte de MA était de 7 années une fois que le diagnostic est posé, contre 11 ans chez les sujets de contrôle (36).

1 Philippe Pinel, né le 20 avril 1745 à Jonquières en France et mort le 25 octobre 1826 à Paris, est aliéniste (synonyme

ancien de psychiatre) et docteur en médecine à Toulouse en 1733. Débute d'abord sa carrière médicale à Montpellier puis s'installe à Paris. Médecin de l'Hospice de Bicêtre puis de la Salpêtrière, il est nommé professeur de l'École de Santé de Paris en 1794 après la réorganisation de la médecine où il enseignera la pathologie interne. Pinel fut médecin de Napoléon. Il est connu pour avoir amélioré le sort des malades mentaux et leurs conditions d'internement en les libérant de leurs chaînes. Il est l'un des précurseurs de la médecine mentale du XIXè s. avec Cabanis. Il mourra à la Salpêtrière en 1826. Ses principaux ouvrages sont : "Nosographie philosophique" et "Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale".

2 Jean Etienne Dominique Esquirol, né le 3 février 1772 à Toulouse et mort le 12 décembre 1840 à Paris, est aliéniste. Il fut

successeur de Pinel à la Salpêtrière puis Directeur de la Maison de Charenton. Membre de l'Académie de Médecine. Fondateur de la psychiatrie. Dispensera le premier un enseignement sur les maladies mentales. Sera à l'origine de la loi sur les aliénés de 1838. Publie "Des maladies mentales considérées sous le rapport médical, hygiénique et médico-légal". Il aura pour mission de faire le point sur l'état sanitaire des hospices d'aliénés en France entre 1808 et 1810.

3 Alois Alzheimer, né le 14 juin 1864 à Marktbreit en Allemagne et mort le 19 décembre 1915 à Breslau en Pologne, est

histopathologiste et neurologue allemand. Le terme maladie d'Alzheimer est employé pour la 1ère fois en 1910 par E. Kraepelin pour décrire les travaux d'Alois Alzheimer.

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2.2 Démence et maladie d'Alzheimer

La démence est un trouble de la mémoire et de l'idéation, suffisamment important et prolongé pour retentir sur la vie quotidienne (37). Elle est due à une maladie cérébrale, habituellement chronique et progressive, caractérisée par une altération de nombreuses fonctions corticales supérieures, dont la mémoire, l'idéation, l'orientation, la compréhension, la capacité d'apprendre, le langage et le jugement. Lors d'une démence, les déficiences des fonctions cognitives s'accompagnent habituellement d'une détérioration du contrôle émotionnel, du comportement social et de la motivation (38). La MA est la forme la plus commune de démences (39) et serait à l’origine de 60 à 70 % des cas (40).

2.2.1 Prévalence et incidence

La majorité des cas de démence se rencontre après 65 ans, et même après 75 ou 80 ans (41). On estime dans l’ensemble de la population mondiale qu’entre 5 et 8% des personnes âgées de 60 ans et plus seront atteintes de démence à un moment donné de leur vie (41,42). L'OMS a estimé à 46,8 millions le nombre de personnes vivant avec une démence en 2015 avec un nombre de 9,9 millions de nouveaux cas chaque année (10). Ce nombre doublera tous les 20 ans et devrait atteindre les 76 millions en 2030 et 136 millions en 2050 (42). L’incidence des démences augmente exponentiellement avec l’âge et elle double à chaque fois que l'âge augmente de 6,3 années. Elle passe de 3,9/1 000 personnes-années à l’âge de 60-64 ans, à 104,8/1 000 personne-années après 90 ans (10). Ces estimations mondiales ont été revues à la hausse depuis 2009, et une différence d'environ 13 % proviendrait des pays à revenus faibles ou moyens où le nombre de démences ne cesse d'augmenter. La moitié des nouveaux cas est en effet enregistrée en Asie (49%), le quart en Europe (25%), 18 % en Amérique et 8 % en Afrique (10).

La prévalence de la démence au Canada au début des années 1990 a été estimée à 8 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus, et plus élevée chez les femmes (8,6 % chez les femmes et 6,9 % chez les hommes) (43,44). Elle passe de 2,4 % chez les 65-74 ans à 11,1 % chez les 75-84 ans, et à 34,5 % chez les 85 ans et plus (45). La prévalence est beaucoup plus élevée chez les personnes admises en centre d'hébergement où elle atteint les 70 à 80 % (46).

L’étude d'incidence de la démence au Canada révèle que les taux sont de 21,8 femmes et de 19,1 hommes pour 1 000 personnes âgées et par année. Cela correspond à 60 150 nouveaux cas de démences par année (47).

D'après la quatrième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), la prévalence de la MA augmente elle aussi fortement avec l'âge. À l'âge de 65 ans, elle est de 0,8 % chez la femme et 0,6 % chez l'homme. À 85 ans, elle est de 14 % chez la femme et 11 %

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chez l'homme, et à 95 ans elle est de 41 % chez la femme et 36 % chez l'homme (48). Chez les personnes âgées canadiennes, la prévalence de la MA est estimée à 5,1 % (43), et passe de 1 % chez les sujets âgés de 65 à 74 ans à 6,9 % chez les 75-84 ans et 26 % chez les 85 ans et plus (43). Les études d'incidence de la MA au Canada réalisées en 1992 ont révélé des taux de 7,4 personnes-année chez les femmes de 65 ans et plus et de 5,9 chez les hommes du même âge (47).

2.2.2 Facteurs de risque et de protection

Malgré un manque de consensus (32), un certain nombre de facteurs de risque ou de protection des démences a été documenté. L'âge est le facteur le plus cité. La prévalence et l'incidence de la démence augmentent de façon exponentielle après 65 ans. Quant au sexe, il est un facteur de risque controversé. Pour certains auteurs, l'incidence de la MA est plus élevée chez la femme alors que le risque pour la démence vasculaire est plus élevé chez l'homme (45).

D'autres facteurs de risque ont été identifiés tels que le faible niveau éducationnel (49), l'histoire familiale (50), les facteurs génétiques (51), les traumatismes crâniens (33), les facteurs de risque des pathologies vasculaires4 (52), les mauvaises habitudes de vie5 (49) et la maladie dépressive à

un âge avancé (53). Pour certains auteurs, le mode de vie représenterait près de 60% de l'ensemble des facteurs de risque (33). Certains facteurs environnementaux dont l’aluminium (54), les pesticides (55), les solvants organiques (56) et les champs électromagnétiques (57) ont déjà été considérés comme des facteurs précipitant la démence (45), mais les résultats demeurent incertains (58).

Pour ce qui est des facteurs protecteurs, des études épidémiologiques suggèrent que la consommation modérée d’alcool (vin rouge) (59), le traitement anti-inflammatoire (59), la stimulation cognitive (49), un niveau d'instruction élevé (60) et la pratique régulière d'activité physique (61) réduiraient le risque de démence. D'après Larson et al. l'activité physique jouerait même un rôle prépondérant dans la diminution de ce risque (40 %) (62).

2.2.3 Signes et évolution

La caractéristique essentielle de la démence est l'apparition de déficits cognitifs multiples qui comportent une altération de la mémoire et au moins l'une des perturbations cognitives

4 Antécédents d'accident vasculaire cérébral, souffle carotidien, diabète de type 2, hypertension et hypotension artérielles,

arythmies, hyperlipidémie, hypercholestérolémie, insuffisance cardiaque, cardiopathies ischémiques et ischémie cérébrale transitoire.

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suivantes: aphasie6, apraxie7, agnosie8 ou perturbation des fonctions exécutives9. Ces déficits,

suffisamment sévères pour entraîner une altération significative du fonctionnement professionnel ou social, doivent représenter un déclin par rapport au niveau de fonctionnement antérieur (48). Ils touchent différemment chaque personne atteinte et varient suivant la cause sous-jacente de la démence et suivant la personnalité du patient (40).

Des symptômes comportementaux et psychologiques peuvent être associés aux signes cognitifs à des degrés différents et comprennent des troubles de la perception, de la pensée, de l'humeur ou du comportement (par exemple délires, troubles de l'identification, hallucinations, agitation, euphorie, désinhibition, apathie10, hyperémotivité, manifestations dépressives, anxiété, troubles du

sommeil, troubles des conduites alimentaires) (63).

Les signes et les symptômes évoluent généralement en 3 phases (64). D'abord, une phase de début qui passe souvent inaperçue car la maladie apparait graduellement. Ensuite et à mesure que la démence progresse, une phase d'état s'installe avec des signes et des symptômes plus francs. Cette phase est suivie par une dernière phase terminale caractérisée par une dépendance et une inactivité presque totales, des troubles de la mémoire importants et des signes et des symptômes physiques plus évidents. Durant cette phase, la perte de conscience spatio-temporelle, la difficulté à reconnaître les proches et la nécessité d'une aide accrue pour les soins d’hygiène personnelle sont exacerbées (40).

Cependant, les démences sont très hétérogènes sur le plan clinique et il est difficile de décrire un tableau ou une évolution type pour chaque étiologie. Lors de la MA, les troubles de la mémoire sont souvent les premiers à apparaître et représentent le principal motif de consultation. La désorientation est le plus souvent fluctuante au début, mais elle dépasse une simple dysmnésie11. Les patients ne discriminent plus les longues durées (l’année, la saison, le mois), puis

les durées plus courtes (le moment de la journée, le jour ou la nuit). La désorientation spatiale est plus tardive et survient surtout en cas de changement de lieu. Avec l’évolution de la maladie, des troubles spécifiques du langage (aphasie), de la gestualité (apraxie) et de la reconnaissance perceptuelle (agnosie) apparaissent progressivement. Le plus caractéristique et le plus précoce des troubles du langage est la difficulté, puis l’impossibilité à évoquer des mots (manque du mot).

6 L'aphasie est une détérioration du langage qui peut se manifester par une difficulté à la dénomination d'objets ou de

personnes.

7 L'apraxie est une altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des capacités motrices, des fonctions

sensorielles et une compréhension des consignes intactes.

8 L'agnosie est l'impossibilité de reconnaître ou d'identifier des objets malgré des fonctions sensitives et sensorielles

intactes.

9 Les fonctions exécutives comprennent la capacité à penser de façon abstraite, à planifier, initier, organiser dans le temps,

contrôler et arrêter un comportement complexe. L'altération de la pensée abstraite peut se manifester par une difficulté à faire face à des tâches nouvelles et par l'évitement de situations qui impliquent le traitement d'informations nouvelles et complexes.

10 Lenteur à agir et à réagir, passivité.

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La gestualité, plus automatisée que la communication verbale, n'est pas perturbée de façon évidente au début. Les gestes, même les plus élaborés, restent longtemps intacts dans la MA. Dans de rares cas, l'agnosie et l'apathie peuvent faire partie des symptômes prédominants, voire même inauguraux de la MA. Enfin, à ce tableau cognitif s’ajoutent de fréquents troubles de l’humeur et des symptômes psychotiques, considérés comme facteurs de mauvais pronostic (65).

2.2.4 Étiologies

Les étiologies des démences sont multiples. En effet, tous les mécanismes de souffrance et tous les types de lésions du cerveau peuvent aboutir à un état démentiel pour peu que certaines zones stratégiques soient touchées de façon extensive et/ou bilatérale, et que les structures servant les fonctions instrumentales soient épargnées (65).

Il existe de nombreuses formes ou causes de démence. On distingue deux grandes classes: les démences dégénératives qui sont dues à des dégénérescences des neurones cérébraux et les démences non dégénératives qui sont causées par un agent ou un ensemble de pathogènes de nature vasculaire, infectieuse, traumatique, toxique ou tumorale (45,66) (voir Annexe 1: Principales étiologies des démences). La MA est la forme la plus commune (deux tiers des cas) (67). Les autres formes répandues sont notamment la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy (accumulation anormale de protéines qui se développent à l’intérieur des cellules nerveuses), et la démence fronto-temporale (dégénérescence des lobes frontaux du cerveau), conséquence de plusieurs maladies (68). Les frontières entre les différentes formes de démence ne sont pas nettes (48) et les formes mixtes sont fréquentes, particulièrement chez les personnes plus âgées (37).

2.2.5 Diagnostic et classification

Le diagnostic d'une démence est avant tout clinique et repose sur un faisceau d'arguments recueillis au cours d'une évaluation médicale. Il comporte un interrogatoire du patient, une appréciation de l'état général et cardiovasculaire, une évaluation globale des fonctions cognitives, une évaluation fonctionnelle appréciant le retentissement des troubles cognitifs sur la vie quotidienne, la recherche de troubles thymiques et comportementaux associés et enfin un examen clinique (37,69).

Des examens complémentaires sont souvent nécessaires et comprennent au minimum un bilan biologique et une imagerie cérébrale. D'autres investigations dictées par le contexte clinique (évaluation neuropsychologique, ponction lombaire, imagerie cérébrale fonctionnelle, étude génétique, etc.) peuvent compléter le bilan initial.

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L'examen anatomopathologique cérébral, seul moyen à ce jour capable d'apporter un diagnostic étiologique avec certitude, ne peut être fait qu'en post-mortem. Le but étant de confirmer le diagnostic mais aussi de prévenir la famille en cas de découverte d'une forme familiale (37). Dans le cadre d'une MA, l'examen neuropathologique met en évidence la présence de deux types de lésions cérébrales: les plaques amyloïdes et les neurones en dégénérescence neurofibrillaire. Ces lésions peuvent être associées à d'autres modifications cérébrales macroscopiques (atrophie, dilatation ventriculaire) et microscopiques (perte neuronale, réaction gliale et microgliale, altération des microvaisseaux) (70).

Le diagnostic clinique de la MA repose sur un ensemble de six critères proposés par le DSM (48) (voir Annexe 2: Critères diagnostiques de la MA selon le DSM-IV-TR). Cette maladie peut être classée en deux sous-types suivant le début: une forme précoce si elle commence avant l'âge de 65 ans et une forme tardive si le début de la démence se situe après cet âge (48).

2.2.6 Prise en charge

À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement qui permet de guérir une démence ou d’en modifier l’évolution (40). La prise en charge pluridisciplinaire des démences est surtout guidée par deux objectifs généraux: d'une part améliorer la qualité de vie de la personne atteinte et de son entourage, et d'autre part stimuler ses capacités résiduelles (64). Cette prise en charge comprend le traitement médicamenteux, le traitement des pathologies associées, le traitement des troubles psycho-comportementaux, les interventions non médicamenteuses et la mise en place d'aides sociales afin de permettre le maintien à domicile des patients (37,71).

Les traitements médicamenteux actuellement sur le marché sont des traitements symptomatiques. Il s'agit des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase: le donépézil, la rivastigmine, la galantamine, et d'un antiglutamate: la mémantine. Cependant le coût de ces médicaments reste élevé pour des résultats cliniques jugés insatisfaisants par certains auteurs (72).

Le traitement des pathologies associées visera surtout les facteurs de risque cardiovasculaires et les pathologies chroniques associées dont la décompensation pourrait induire un syndrome confusionnel. La correction des déficits sensoriels et le maintien d'un bon état nutritionnel sont également nécessaires (37).

Le traitement des troubles psycho-comportementaux est variable et peut s'agir suivant les cas du traitement d'une agitation, d'une anxiété chronique ou d'un syndrome dépressif, des symptômes psychotiques ou des troubles du sommeil. L'apparition de pareils symptômes doit d'abord faire rechercher une éventuelle cause organique favorisante (douleur, trouble digestif, infection, etc.) ou iatrogène (traitement anticholinergique, neuroleptique, etc.) (37).

(19)

Les interventions non médicamenteuses comprennent des approches thérapeutiques non pharmacologiques qui prennent en compte l'aspect psychiatrique et comportemental de la démence ainsi que l'environnement physique, familial et social du patient. Il peut s'agir de psychothérapies individuelles ou de groupe impliquant une participation corporelle visant à restaurer ou maintenir une autonomie suffisante (70), ou d'une prise en charge orthophonique dans le but de maintenir les capacités de communication du patient avec son entourage. L'exercice physique, notamment la marche, pourrait avoir un effet bénéfique sur certaines fonctions cognitives, sur les troubles de l'humeur, du sommeil et du comportement (37).

Notons enfin que certains médicaments susceptibles d'aggraver les troubles cognitifs (73,74), comportementaux ou de favoriser les comorbidités liées au syndrome démentiel telles que les chutes devraient être évités et recherchés systématiquement devant l'apparition d'un syndrome confusionnel (75). Les benzodiazépines font, en effet, partie de ces médicaments (37,73,76).

2.3 Atteintes cognitives

Le concept d'atteintes cognitives est relativement récent et n'a cessé d'évoluer. On peut citer Kral (1962) qui a introduit la notion « d'oubli bénin » (benign senescent forgetfulness) (77) ou le National Institute of Mental Health (1986) avec sa vision des "troubles de la mémoire associés à l'âge" (age-associated memory impairment) (78). Aujourd'hui, on parle de trouble cognitif léger grâce aux contributions de Peterson sur le sujet (79). Ce concept englobe les changements cognitifs dépassant les changements observés lors d'un processus normal de vieillissement (80), pouvant ou non aboutir sur une démence (81). Le trouble ou déficit cognitif léger apparaissait dans l'annexe du DSM-IV dans la partie réservée aux "troubles nécessitant plus d'études avant d'être reconnus". Désormais appelé trouble neurocognitif léger dans le DSM-5, il est décrit comme un déficit plus important que le déclin cognitif normal dû à l'âge mais moins sévère que la démence (appelée aussi trouble neurocognitif majeur dans le DSM-5) (voir Annexe 3: Critères diagnostiques du trouble cognitif léger). Ce déficit est caractérisé par des problèmes cognitifs assez importants pour être remarqués et mesurés mais pas assez pour compromettre l'autonomie d'une personne (82).

De son côté, l'OMS définit le trouble cognitif léger comme « un trouble caractérisé par une altération de la mémoire, des difficultés d'apprentissage et une réduction de la capacité à se concentrer sur une tâche, sauf pendant des périodes de courte durée. Le sujet éprouve souvent une fatigue mentale accentuée quand il fait des efforts mentaux, et un nouvel apprentissage peut être subjectivement difficile même quand il est objectivement réussi. Aucun de ces symptômes ne présente une sévérité suffisante pour justifier un diagnostic de démence ou de delirium » (38).

(20)

Les personnes atteintes d’un trouble cognitif léger présentent un ensemble de symptômes différents et plusieurs causes sous-jacentes existent probablement. Le principal sous-type de ce trouble est le sous-type amnésique, où la perte de mémoire est le symptôme principal. Le deuxième sous-type est le non-amnésique, où la pensée critique, dont les facultés d’organisation, de planification, de raisonnement, d’apprentissage ou de jugement sont affectées, mais pas la mémoire (83). Le trouble de type amnésique, qui affecte principalement la mémoire, est plus fortement associé à la MA (84). Cependant, les altérations cérébrales, bien que similaires à celles observées lors de cette maladie, auront tendance à être moins graves (83). Les personnes atteintes d’un trouble cognitif léger non-amnésique ont plus de risque de progresser vers une autre forme de démence telle qu'une dégénérescence fronto-temporale ou la maladie à corps de Lewy (83).

Cela dit, la recherche dans ce domaine est encore à ses débuts et de nombreuses questions restent sans réponses. Il n’est donc pas encore possible de prévoir avec certitude si une personne en particulier va développer une démence d'Alzheimer ou une maladie apparentée, rester stable ou s’améliorer avec le temps (83).

2.3.1 Atteintes cognitives sans démence

Le CIND, pour "Cognitive impairment ‒ not dementia", a été défini par les chercheurs de l’ÉSVC

pour identifier un sous-groupe de sujets présentant un déficit cognitif mais qui ne répondent pas aux critères de démence (85). Pour les individus appartenant à cette catégorie, l'origine présumée de CIND était le délirium, l'alcoolisme chronique, la prise de drogues, la dépression, le retard mental, les troubles de la mémoire liés à l'âge et autres maladies (cette dernière catégorie comprend à son tour neuf autres sous-catégories). Certains auteurs reprochent au diagnostic de CIND d'être un diagnostic d'exclusion, c'est à dire ceux qui n'entraient pas dans les catégories de démence ou de fonctions cognitives normales étaient automatiquement classés dans cette catégorie, d'où sa grande hétérogénéité (86).

2.3.2 Prévalence

Les études de prévalence des troubles cognitifs légers montrent une grande dispersion des résultats qui dépendent en grande partie de la définition et des critères choisis (87). Ward et al. ont publié en 2012 une revue de la littérature consacrée à ce sujet, et après examen de 35 études, la prévalence du trouble cognitif léger était comprise entre 3 et 42 %, celle du trouble cognitif léger de type amnésique a varié entre 0,5 et 31,9 % et celle du CIND entre 5,1 et 35,9 % (88). Trois ans après, Alexander et al. (89) publiaient un travail similaire et les résultats trouvés étaient alors moins dispersés: 2,48 à 14,9 % pour le trouble cognitif léger, 4,9 à 8,7 % pour le trouble cognitif léger

(21)

amnésique et 5,1 à 15,6 % pour le CIND (89). La prévalence du CIND en 1991-92 au Canada était de 16,8 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus lors de l'ÉSVC (43).

2.3.3 Tests cognitifs

Il existe un grand nombre de tests permettant d'explorer les fonctions cognitives. La première échelle d'intelligence "WAIS-R" de Wechsler date de 1944 (90). Depuis, plusieurs autres échelles ont été mises en œuvre, mais la plus utilisée demeure le Mini-Mental State examination (MMS) de Folstein (1975) (91,92). Ce dernier se présente comme un outil d'évaluation globale des fonctions cognitives et son administration dure environ 10 minutes. L'échelle comptant sur 30 points comporte 11 items et évalue six dimensions: orientation, apprentissage, attention et calcul, rappel, langage, praxies constructives (90).

Pour détecter les atteintes cognitives, les chercheurs de l’ÉSVC ont utilisé une version modifiée du MMSE: le Modified Mini-Mental State examination (3MS). Cette variante, comptant sur 100 points, proposée par Teng en 1987 (93), est constituée de 15 épreuves mesurant 15 dimensions différentes et fournit en même temps le score du MMS, ce qui permet une comparaison. Le temps de passation du 3MS, plus long que celui du MMS (environ 15 à 20 minutes), semble se justifier par une sensibilité équivalente (91%), mais avec une meilleure spécificité (97%) (90).

2.4 Benzodiazépines

2.4.1 Structure et classification

Les benzodiazépines doivent leur nom à une structure chimique commune composée d'un noyau formé d'un cycle benzène fusionné avec un cycle diazépine (94). Ces molécules font partie des psychotropes12 et sont considérées comme des tranquillisants mineurs (95) dont l'action sur le

système nerveux central passe par les récepteurs de l'acide γ-aminobutyrique (GABA) (96). Et même si les benzodiazépines partagent une même activité pharmacodynamique, elles ne possèdent pas toutes les mêmes indications et leurs actions varient en fonction de leurs propriétés chimiques. D'après la classification anatomique, thérapeutique et chimique de l’OMS, les benzodiazépines peuvent être séparées en quatre classes : les anxiolytiques, les hypnotiques et sédatifs, les anticonvulsivants et enfin les myorelaxants (96). D'autres molécules sont rapprochées des benzodiazépines et bien qu’elles n’aient pas la même structure chimique, elles possèdent un

12 Les psychotropes sont des substances susceptibles de modifier l'activité mentale, que ce soit au niveau de la vigilance,

des perceptions, du cours de la pensée ou de l'humeur. On retrouve entre autres, parmi ces substances, l'alcool, la cigarette, et des drogues telles que le cannabis et la cocaïne. Les substances psychotropes comprennent certaines substances médicamenteuses dont les antidépresseurs, les tranquillisants majeurs et les tranquillisants mineurs comprenant les anxiolytiques et les sédatifs hypnotiques.

(22)

mécanisme d’action et des effets proches. Elles sont donc dites "apparentées aux benzodiazépines" et comprennent le zopiclone, le zolpidem, le zaleplon et l'eszopiclone.

À ce jour, on compte 41 molécules inscrites au registre de l'OMS (97) dont 18 sont actuellement disponibles (ou en cours de commercialisation) au Canada (98) à savoir : le diazépam (VALIUMMD),

le chlordiazépoxide (LIBRAXMD), l'oxazépam (SERAXMD), le clorazépate potassique

(TRANXÈNEMD), le lorazépam (ATIVANMD), le bromazépam (LECTOPAMMD), le clobazam

(FRISIUMMD) et l'alprazolam (XANAXMD) comme anxiolytiques, le flurazépam (DALMANEMD), le

nitrazépam (MOGADONMD), le triazolam (HALCIONMD), le témazépam (RESTORILMD), le

midazolam (VERSEDMD), le zopiclone (IMOVANMD), le zolpidem (SUBLINOXMD), le zaleplon

(approuvé) (STARNOCMD) et l'eszopiclone (LUNESTAMD) comme hypnotiques et sédatifs et le

clonazépam (RIVOTRILMD) comme anticonvulsivant13 (voir Annexe 4).

Les benzodiazépines peuvent aussi être classées en fonction de leur demi-vie14. L'intérêt pour ce

concept s'est fortement accru durant les années 1970 et des composés avec une courte demi-vie ont été synthétisés pour tenter d'éviter la lourde sédation induite par les premières benzodiazépines telles que le diazépam. La longue demi-vie des premiers composés était responsable d'une accumulation du produit dans le sang particulièrement préoccupante chez les personnes âgées. Cependant, la durée d'action ne dépend pas uniquement de la vitesse de la dégradation chimique, mais aussi de la quantité de médicament administrée. En effet, une grande quantité d'un composé à courte durée d'action agira plus longtemps (23).

2.4.2 Mécanisme d'action

Depuis les années soixante, les benzodiazépines ont été largement utilisées dans le domaine de l'anesthésie et pour le traitement de l'anxiété et de l'insomnie (99), et cela même avant que leur pharmacologie ne soit bien étudiée (94). Aujourd'hui, nous en savons beaucoup plus sur leur mécanisme d'action que sur celui de la plupart des autres médicaments psychiatriques. Les premiers développements dans ce domaine sont venus de la découverte d'un des neurotransmetteurs les plus répandus dans le cerveau (plus que la sérotonine ou la noradrénaline), le GABA, et il s'agit du principal neurotransmetteur de type inhibiteur (23,100). La découverte de l'implication du GABA et des benzodiazépines dans des mécanismes similaires de régulation du stress, de l'anxiété, de la sédation, de l'induction du sommeil, de l'hypnose, ainsi que le contrôle de l'épilepsie a joué un grand rôle dans la compréhension de leurs mécanismes d'action. Plusieurs mécanismes ont été proposés impliquant sur le plan chimique une action au niveau de deux

13 Les noms commerciaux sont des marques déposées au Canada et proposés à titre indicatif. D'autres appellations

existent et peuvent être différentes suivant les pays où le médicament a reçu son autorisation de mise sur le marché.

14 La demi-vie est le temps que prend une substance donnée pour que sa concentration dans le sang diminue de moitié

(23)

types de récepteurs : GABAA et GABAB logés dans un même complexe macromoléculaire (94,100).

Les benzodiazépines agissent spécifiquement sur le récepteur GABAA (qui comporte aussi des

sites de fixation pour les barbituriques et certains anesthésiques) et agiraient en potentialisant l'action inhibitrice du GABA au niveau du système nerveux central (SNC) (94,100).

Les benzodiazépines se fixent sur trois types de récepteurs : BZ1, BZ2 et BZ3. L'action sur ces

récepteurs déterminera l'activité prédominante d'une benzodiazépine et celle-ci peut être sédative, myorelaxante ou anxiolytique (94,100). Les apparentés aux benzodiazépines tels que le zopiclone et le zolpidem agissent de façon plus sélective sur les récepteurs BZ1 responsables des effets

sédatifs. Ces molécules ont été appelées hypnotiques et non sédatives par les firmes pharmaceutiques qui cherchaient à les différencier des benzodiazépines souffrant d'une baisse de popularité à la fin des années 1980, due en grande partie à leurs effets indésirables (23,100).

Notons enfin, qu'à la différence des autres neurotransmetteurs tels que la noradrénaline, la dopamine et la sérotonine que l'on retrouve chez les organismes unicellulaires ou dans des organismes très simples, les récepteurs benzodiazépiniques sont présents presque exclusivement dans les aires corticales des animaux avec un degré d'évolution supérieur (23,100).

2.4.3 Utilisation clinique

2.4.3.1 Principales indications

Anxiolyse

Les troubles anxieux aigus ou chroniques représentent la principale indication des benzodiazépines (101), particulièrement les états d'anxiété qui s'accompagnent d'une composante musculaire ou d'une composante dissociative. L'effet anxiolytique des benzodiazépines peut être similaire à celui de l'alcool. Il diffère de l'effet puissant des antipsychotiques qui sont plutôt réservés aux cas d'exaltation et d'agitation extrêmes et de celui des antidépresseurs de la classe des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) qui ressemble plus à un sentiment de sérénité. Cet effet se distingue aussi de l'action des bêtabloquants qui n'agissent que sur la composante vasomotrice de l'anxiété comprenant une augmentation du rythme cardiaque, des palpitations, des sueurs, des troubles digestifs et des tremblements des mains (23).

Sédation

Cette action sédative est la raison pour laquelle les benzodiazépines sont les médicaments les plus prescrits pour induire le sommeil (8,102). Cette indication est même en train de devenir le motif principal de prescription des benzodiazépines devant l'anxiété (23). La prévalence de l'insomnie dans la population générale varie de 5 à 36 % suivant les études (103,104). Elle touche environ

(24)

le tiers des personnes âgées (105) et bien que les benzodiazépines utilisées sur une courte période de temps puissent être utiles pour le traitement de l'insomnie, elles ne sont pas par contre recommandées pour un usage à long terme et sont inappropriées pour le traitement de l'insomnie chronique (106). L'effet sédatif induit, variable d'une personne à une autre, ressemble à celui des barbituriques mais avec une moindre intensité. Dans un contexte de prise régulière, une tolérance aux effets sédatifs des benzodiazépines peut alors apparaitre très rapidement (23).

Action anticonvulsivante

Les benzodiazépines sont généralement anticonvulsivantes mais elles sont peu prescrites dans l'épilepsie car elles sont moins efficaces que la phénytoïne, la carbamazépine, le valproate de sodium et les autres antiépileptiques. Cependant, dans les cas d'épilepsie résistante, les benzodiazépines peuvent être associées à ces produits. Le diazépam reste le traitement de choix dans l'état de mal convulsif. Le clonazépam est lui aussi efficace dans la prise en charge de l'épilepsie, du syndrome des jambes sans repos, des secousses myocloniques et d'autres indications neuropsychiatriques. Le clobazam, même s'il n'est pas classé anticonvulsivant comme le clonazépam, est aussi utilisé dans l'épilepsie parce que son action ne s'accompagne pas de sédation prononcée à la différence des autres benzodiazépines (23).

Effet myorelaxant

L'action relaxante musculaire justifie la prescription des benzodiazépines chez les patients qui ont des problèmes de spasticité, de dystonie ou de sclérose en plaques (23).

2.4.3.2 Autres indications

Les benzodiazépines peuvent être utilisées en chirurgie avant une intervention pour produire une amnésie antérograde des événements entourant l'acte chirurgical (24). Cet effet, découvert de façon accidentelle par des anesthésistes (107) et jugé bénéfique est plus marqué avec les produits de courte durée d'action tels que le lorazépam, le midazolam, le triazolam ou lorsque les benzodiazépines sont administrées par voie intraveineuse (23,108). Paradoxalement, les benzodiazépines peuvent aussi être utilisées pour faciliter l'abréaction, une technique qui permet de se remémorer des événements refoulés jusqu'au moindre détail (23).

Dans un autre contexte, les benzodiazépines sont le traitement de première ligne dans le sevrage alcoolique et leur utilisation dans ce cas vise à prévenir le risque de delirium tremens15 et non de

supprimer les difficultés du sevrage. Avant l'arrivée des benzodiazépines, le delirium tremens était responsable d'un taux important de décès (23).

15 Le delirium tremens est une conséquence neurologique sévère liée au syndrome de sevrage d'alcool. Il s'agit d'un état

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Enfin, le lorazépam est la benzodiazépine la plus couramment prescrite dans les syndromes catatoniques16 et dans le syndrome malin des neuroleptiques17. Il est aussi le médicament le plus

utilisé lors des tranquillisations rapides de patients très agités ou violents. Son association éventuelle aux antipsychotiques vise à réduire le nombre non négligeable de décès causé par l'administration de ces substances (23).

2.4.4 Principaux effets indésirables

2.4.4.1 Sédation et somnolence

Il s'agit de l'effet indésirable le plus fréquent et qui peut être induit par toutes les benzodiazépines sauf le clobazam qui n'entraine qu'une sédation légère, comparé aux autres molécules de la classe. Cette sédation dépend de l'état de vigilance et de la tolérance de l'individu concerné. Elle peut altérer le fonctionnement quotidien et se manifester par une asthénie et une somnolence diurne. Cette somnolence s'estompe généralement après quelques semaines, ou après diminution de la posologie (23). Les effets sédatifs des benzodiazépines sont comparables à ceux de l'alcool par altération des réflexes, ce qui peut engendrer des risques lors de la conduite automobile (23,109). Les benzodiazépines à courte et moyenne durée d'action ont été synthétisées pour pallier principalement ces inconvénients (23).

2.4.4.2 Amnésie

Les effets sur la mémoire des benzodiazépines font partie des plaintes les plus fréquentes concernant leur utilisation (23). Certains facteurs peuvent influencer la durée et l’ampleur de cette amnésie : d’abord ceux liés aux benzodiazépines tels que le type, la dose, la voie d’administration et d’autres liés à l’utilisateur tels que le type de mémoire sollicitée, le délai entre la prise et l’évaluation de la mémoire et enfin les caractéristiques sociodémographiques (24). Le mécanisme par lequel les benzodiazépines induisent leur effet sur la mémoire est mal connu (110). Les études sont généralement réalisées chez des volontaires sains relativement jeunes en administration de durée courte (24) alors que les travaux chez le sujet qui en consomme régulièrement sont relativement rares (110). Ces études ont montré que l’amnésie liée aux benzodiazépines est caractérisée par une altération des habilités à encoder l’information nouvelle tout en préservant les processus de consolidation et de rappel. Mais ces études présentent un biais de sélection important vu qu'elles étudient les sujets qui en consomment le moins. Le manque de comparabilité

16 La catatonie consiste en une stupeur motrice, se traduisant soit par un négativisme, le patient s'opposant à toute

sollicitation de mouvement, soit par une obéissance automatique, le malade adoptant les attitudes qui lui sont imposées. Les périodes d'inertie motrice alternent avec des épisodes d'agitation désordonnée. La catatonie se rencontre chez des personnes atteintes de schizophrénie, de troubles de l'humeur ou de maladies organiques.

17 Le syndrome malin des neuroleptiques est une réaction grave secondaire à la prise de neuroleptiques (ou

antipsychotiques), pouvant engager le pronostic vital. Il se caractérise par une rigidité musculaire, une hyperthermie, une perturbation du système nerveux autonome et des troubles délirants.

(26)

entre benzodiazépines différentes par leurs propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques rend difficile la généralisation des résultats (24).

Sur un plan neurobiochimique, les benzodiazépines modifieraient le processus précédant le stockage de l'information. Cette action est expliquée par l'action sur le système gabaergique, même si une action au niveau d'autres systèmes, tels que le système cholinergique, a été évoquée (111,112). L'effet amnésiant concerne surtout les informations acquises lors de la prise concomitante de benzodiazépines. La mémoire à court terme semblerait la plus épargnée (113), ainsi que la mémoire de travail sauf si la tâche demande davantage de ressources (24). La mémoire à long terme n'est pas affectée de façon homogène. Ainsi, la mémoire procédurale faisant appel aux habilités perceptivo-motrices (110) et la composante sémantique sont aussi peu perturbées contrairement à la mémoire épisodique et la composante verbale de la mémoire procédurale qui sont très affectées par la prise de benzodiazépines (24) (voir Annexe 5: Différents types de mémoires). Ces troubles de la mémoire ne sont pas entièrement réversibles après une période de consommation prolongée de benzodiazépines. Certaines études suggèrent même un déficit partiel permanent des fonctions cognitives ou qui nécessiterait plus de six mois pour récupérer (114).

2.4.4.3 Dépendance et syndrome de sevrage

Depuis les années 1980, de nombreux travaux ont rapporté un niveau de consommation élevé de psychotropes, en particulier les anxiolytiques et les hypnotiques (22,115–117). En France, environ la moitié des personnes traitées par des benzodiazépines ont dépassé deux ans de traitement sans interruption (6). Et même si la consommation générale de benzodiazépines proprement dites a baissé, elle a par contre augmenté au profit des substances apparentées utilisées comme hypnotiques telles que le zolpidem et le zopiclone (96). Le risque de dépendance à ces hypnotiques n'est pas uniquement imputable aux médicaments eux-mêmes, mais aussi au procédé de commercialisation qui fait une distinction entre anxiolytiques et hypnotiques. En effet, il n'est pas rare de voir des patients prenant une benzodiazépine le matin et un hypnotique le soir. Une telle combinaison peut être responsable de l'apparition d'une tolérance et a plus de chance d'induire une dépendance (23).

Le risque de dépendance lié à l'utilisation des benzodiazépines est difficile à évaluer, en particulier la mesure précise de la pharmacodépendance liée à ses substances (118,119). Tyrer et al. ont estimé à 15-44 % le pourcentage de consommateurs chroniques exposés au risque de survenue d'un syndrome de sevrage (120). Ce syndrome de sevrage n'est pas spécifique aux benzodiazépines et peut apparaitre après deux à quatre semaines d'utilisation continue (121). D'autres études rapportent des pourcentages allant jusqu'à 80 % des personnes sous traitement

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aux benzodiazépines depuis plus d'un an qui souffriraient d'un syndrome de sevrage au moment de l'arrêt (122).

Le syndrome de sevrage peut être caractérisé par des symptômes d'importance mineure, telle qu'une anxiété, insomnie, tremblements et cauchemars, ou des accidents graves, telle qu'une hyperthermie, des crises comitiales ou un délire. L'intensité et la fréquence d'apparition de ces symptômes dépendent essentiellement de la durée de traitement, de son arrêt brutal, de la demi-vie plasmatique de la molécule utilisée, des antécédents d'utilisation de tranquillisants, d'alcool, et enfin de la personnalité du consommateur (123).

2.4.4.4 Effets sur la psychomotricité

Les effets les plus rencontrés, après prise unique, sont un ralentissement psychomoteur ainsi que des troubles de la coordination et de la vigilance. Les performances paraissent moins perturbées lors des tests relativement simples. Les tests les plus complexes montrent des résultats moins homogènes. Les effets sont plus importants chez le sujet âgé, augmentent avec la dose (124–126) et sont responsables d'une mortalité et d'une morbidité non négligeable chez cette population. Des études ont montré l'augmentation du risque de chutes (127,128), de fractures du col du fémur (129,130) et d'augmentation du risque d'accident de la route chez les conducteurs (131,132).

2.4.4.5 Effets indésirables des hypnotiques

Les effets indésirables des hypnotiques sont similaires à ceux induits par les benzodiazépines, mais certains effets peuvent s'y ajouter, par exemple une tolérance au bout de deux à quatre semaines de prise continue (133), une insomnie rebond après deux semaines de prise quotidienne, une insomnie de fin de nuit et des effets résiduels du lendemain comprenant un état de confusion avec un fonctionnement cognitif ralenti et une diminution des réflexes qui peuvent perdurer durant la matinée ou la journée (23,134).

La dose d'hypnotiques est souvent augmentée chez les personnes âgées pour améliorer leur sommeil. L'accumulation de ces médicaments à courte durée d'action va, du fait d'une moins bonne élimination, produire un effet similaire à ceux des anciens composés avec une action plus longue. La dose d'hypnotique prescrite chez les sujets âgés devra toujours être plus réduite (23).

2.4.5 Données d'utilisation dans la population générale

Les études de prévalence dans la population générale ont révélé une consommation de benzodiazépines variable d'un pays à un autre, deux fois plus élevée chez les femmes, dépassant souvent la durée maximale de traitement recommandée et croissante avec l'âge (135–148). Cette

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consommation reste stable à des niveaux élevés malgré les mises en garde de la communauté scientifique et les efforts des autorités sanitaires (149–158).

2.4.5.1 Prévalence de consommation

En 1981, lors d'une étude transversale menée en Allemagne chez 3 198 sujets âgés de 30 à 69 ans, la prévalence annuelle de consommation des benzodiazépines était de 6,6 % (140). Elle était de 7,7 % en 1985 au Royaume-Uni, lors d'une étude réalisée sur un échantillon de 4 148 sujets âgés de 16 ans et plus (139).

En Italie, en 1992, une enquête réalisée chez 3 100 sujets âgés de 18 ans et plus a révélé que 8,6 % des participants avaient pris des benzodiazépines durant la semaine précédant l'entrevue (141).

En 2008, 5,5 % des Américains âgés de 18 à 80 ans avaient consommé des benzodiazépines d'après une large étude étatsunienne qui s'est basée sur les données de remboursement de plus de 11 millions d'assurés (147). Cette prévalence s'inscrit dans une tendance à la hausse des prescriptions de benzodiazépines aux États-Unis. En effet le pourcentage de personnes recevant une ordonnance de benzodiazépine est passé de 4,1 % de la population générale en 1996, à 5,6 % en 2013 (159).

En France et d'après un rapport de l'Agence nationale de sécurité des médicaments, 17,5% des Français avaient consommé une benzodiazépine au moins une fois durant l'année 2012. La sous-classe la plus représentée était celle des anxiolytiques (61 %), suivie des hypnotiques (36,5 %) et enfin les antiépileptiques (2,5 %). Notons aussi, d'après le même rapport, que 22 % des utilisateurs avaient consommé deux benzodiazépines de façon concomitante durant la même période (96).

Au Brésil, en 2013, la prévalence d'utilisation de benzodiazépines durant les 15 jours précédant l'entrevue était de 3,8 % dans un échantillon 15 105 sujets âgés de 35 à 75 ans (160).

Au Canada, la prévalence d'utilisation des benzodiazépines semble varier d'une province à une autre. Le Québec affiche des chiffres plus élevés que les autres provinces avec une prévalence annuelle d'utilisation de 18,34 % chez les personnes inscrites au régime public d’assurance médicaments en 1999 et de 17,24 % en 2004 (161). D'après Santé Canada, 6,8 % des bénéficiaires du programme des services de santé non assurés (SSNA) faisant partie des Premières nations et Inuits, avaient pris une benzodiazépine en 2009 (162). En 2006, 8,4 % des Britanno-Colombiens avaient consommé des benzodiazépines d'après des données de demandes de remboursement (163), alors qu'ils étaient 9,8 % au Manitoba en 2012 (148).

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2.4.5.2 Consommation plus élevée chez les femmes

Les enquêtes et les études citées plus haut ont montré que la consommation de benzodiazépines est significativement plus élevée chez les femmes. En France, 9,1 % des femmes toutes catégories d'âge confondues consommaient des anxiolytiques versus 5,3 % des hommes. Les hypnotiques étaient utilisés par 4,4 % des femmes contre 2,8 % chez les hommes (164).

Au Royaume-Uni, la consommation de benzodiazépines durant l'année précédant l'étude était de 9,7 % chez les femmes contre 5,4 % chez les hommes. La prévalence de consommation dans une autre étude britannique était de 4,2 % chez les femmes et de 2,1 % chez les hommes (165).

Des proportions similaires ont été retrouvées aussi en Allemagne, en Italie et aux États-Unis (140,141,166).

2.4.5.3 Utilisation prolongée et croissante avec l'âge

Il est admis que la prescription de benzodiazépines doit être la plus courte possible (133) et ne doit pas dépasser les durées préconisées dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché (156). Et chez tout patient âgé traité quotidiennement depuis plus de 30 jours, il est recommandé de proposer une stratégie d’arrêt de la consommation de benzodiazépines et apparentés (167).

D'après une étude transversale réalisée en France par Ohayon et al. (136), la consommation des psychotropes augmente nettement avec l'âge et passe de 4,8 % chez les personnes âgées de 15 à 44 ans à 24,3 % chez les 65-74 ans et 32,8 % chez les personnes âgées de plus de 75 ans. L'utilisation au long cours (un an et plus) des hypnotiques et des anxiolytiques était élevée chez les sujets âgés de 65 à 74 ans (92,6 % et 80,2 % respectivement) et chez les sujets de plus de 75 ans (74 % et 78 % respectivement) (136).

En Allemagne, environ la moitié des consommateurs de benzodiazépines ont rapporté une prise régulière et 11 % sont considérés comme des utilisateurs au long cours. La même étude a aussi révélé que la consommation augmentait avec l'âge (140).

En Italie, environ la moitié des utilisateurs étaient des utilisateurs chroniques (consommation quotidienne pendant au moins 6 mois) (141) et en Australie 20,4 % des femmes âgées de plus de 18 ans interrogées ont déclaré la prise d'au moins un psychotrope pendant un mois au moins durant l'année précédant l'entrevue (142).

Aux États-Unis, le pourcentage d'utilisateurs de benzodiazépines en 2008 est passé de 2,6 % chez les 18-35 ans, à 8,7 % chez les plus de 65 ans. Le pourcentage de prescriptions dépassant les

Figure

Figure 1: Ordinogramme de l'Étude sur la santé et le vieillissement au Canada
Table 1. World Health Organization’s ATC classification codes   for benzodiazepines available for analysis at CSHA-1
Figure 1. General flowchart
Figure 2 : Variation of 3MS score and the cut point during the three phases of CSHA
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