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Le bien-être psychologique à l'adolescence et l'implication dans des relations sexuelles non-romantiques chez les garçons et les filles

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Academic year: 2021

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Le bien-être psychologique à l’adolescence et

l’implication dans des relations sexuelles

non-romantiques chez les garçons et les filles

Thèse

Sophie Dubé

Doctorat en psychologie – Recherche et Intervention

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Le bien-être psychologique à l’adolescence et

l’implication dans des relations sexuelles

non-romantiques chez les garçons et les filles

Thèse

Sophie Dubé

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Cette thèse s’intéresse au lien entre le bien-être psychologique à l’adolescence et l’implication dans des relations sexuelles avec un partenaire qui n’est pas l’amoureux et qui peut ne pas être le seul partenaire. Il s’agit alors de relations sexuelles dites non-romantiques (Rnr). Bien que l’association entre le bien-être psychologique et les Rnr ait été examinée chez les jeunes adultes, particulièrement ceux fréquentant l’université, elle l’a moins été chez les adolescents. En se basant sur les données d’une enquête représentative d’adolescents québécois de 14 à 18 ans fréquentant les écoles secondaires publiques, cette thèse à deux articles explore les différences de genre et entre deux formes de Rnr, soit les amitiés avec bénéfices et les aventures sans lendemain, à l’intérieur de cette association. Le premier article examine le rôle prédicteur de cinq mesures de bien-être psychologique (détresse psychologique, idéations suicidaires, estime de soi, consommation d’alcool, et consommation de drogues) dans l’engagement dans des Rnr sur une période de six mois chez des garçons et des filles sexuellement actifs (N = 2 601). Le deuxième article examine les conséquences associées aux mêmes mesures de bien-être psychologique six mois après un tel engagement en contrôlant pour le bien-être psychologique au premier temps de mesure (N = 2 304). Des analyses de régressions multinomiales pour le premier article et des analyses acheminatoires pour le deuxième article ont été effectuées. Les résultats indiquent que les idéations suicidaires, la consommation d’alcool, et la consommation de drogues sont associées à un plus grand engagement dans des Rnr chez les filles, alors que la consommation d’alcool est associée à un tel engagement chez les garçons. Ce sont également les filles qui vivent une faible augmentation de leur détresse psychologique et de leur consommation d’alcool et de drogues six mois après un tel engagement, alors que les garçons ne présentent aucun changement dans leur bien-être psychologique. Toutefois, les résultats du deuxième article permettent de constater que ce changement chez les filles est faible. Les implications de ces résultats sur la recherche et la pratique sont abordées.

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iv

Abstract

This thesis examines the link between psychological well-being in adolescence and engagement in sexual contact with nonromantic partners. We call such contact “casual sexual relationships and experiences” (CSREs). Although this association between psychological well-being and CSREs has been studied among young adults, especially among university students, studies on adolescents are scarce. Based on a representative sample of Quebec 14- to 18-year-old high school students from the province of Quebec, this thesis, consisting of two articles, explores gender differences in this association. It also explores differences between two forms of CSREs: friends with benefits relationship (FWB) and one-nigh-stand (ONS). The first article examines five psychological well-being predictors (psychological distress, suicidal ideation, self-esteem, alcohol use, and drug use) of engagement in CSREs among sexually active adolescents (N = 2,601). The second article examines the impact of CSREs on the same five psychological well-being measures six months after the engagement while controlling for prior well-being (N = 2,304). For the first article, multinomial regressions were conducted. For the second article, path analysis and a logistic regression were conducted. The results show that suicidal ideation, alcohol use and drug use are associated with greater engagement in CSREs for girls. Alcohol use is associated with greater engagement in CSREs for boys. CSREs have a small impact (small effect size) on psychological well-being among girls: their psychological distress and use of alcohol and drugs increase six months after such engagement. There is no change in psychological well-being among boys. Avenues of research and interventions are discussed.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des abréviations ... viii

Liste des annexes ... ix

Remerciements ... x

Avant-propos ... xiii

Chapitre I : Introduction générale ... 1

Les définitions des relations non-romantiques ... 3

La question de recherche ... 6

La prévalence des Rnr chez les adolescents ... 7

Le bien-être psychologique en lien avec les Rnr ... 8

Les symptômes dépressifs ... 9

Les idéations suicidaires ... 11

L’estime de soi ... 13

La consommation d’alcool et de drogues ... 15

La présente thèse ... 17

Les objectifs de la thèse ... 18

Chapitre II: Psychological Well-Being as a Predictor of Casual Sex Relationships and Experiences among Adolescents: A Short-Term Prospective Study (Article 1) ... 20

Résumé ... 22

Abstract ... 23

Introduction ... 24

Psychological Well-Being and Casual Sex Relationships and Experiences ... 25

Gender Differences ... 26 Current Study ... 26 Method ... 27 Participants ... 27 Procedure... 27 Measures ... 28 Analytic plan ... 30 Results ... 31 Descriptive Statistics ... 31

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vi

Multigroup Models ... 31

Discussion ... 32

Limitations and Future Research ... 35

References ... 38

Chapitre III: Consequences of Casual Sex Relationships and Experiences on Adolescents’ Psychological Well-Being: A Prospective Study (Article 2) ... 47

Résumé ... 49

Abstract ... 50

Introduction ... 51

CSREs and Psychological Well-Being ... 52

Gender Differences ... 54 Objectives ... 54 Method ... 55 Participants ... 55 Procedure... 55 Measures ... 56 Analytic plan ... 57 Results ... 58 Multigroup models ... 58 Discussion ... 59

Limitations and Strengths ... 61

Conclusion ... 62

References ... 64

Chapitre IV : Conclusion générale ... 73

1. Différences de genre ... 74

2. Avenues de compréhension sur les différences de genre ... 81

3. Différences selon les amitiés avec bénéfices et les aventures sans lendemain ... 83

4. Hypothèses alternatives ... 85

5. Forces et limites ... 85

6. Pistes de recherche futures ... 87

7. Implications cliniques ... 90

Références (Introduction et Conclusion générale) ... 93

(7)

vii

Liste des tableaux

Table 1. Sociodemographic Characteristics of the Subsample (Weighted N = 2,601) 42 Table 2. Percentage of Sexually Active Adolescents who Engaged in CSREs by Gender

(Weighted N = 2,601) 44

Table 3. Multinomial Regression Predicting Short-Term Shifts in Engagement in FWB Relationships by

Well-Being Variables According to Gender 45

Table 4. Multinomial Regression Predicting Short-Term Shifts in Engagement in ONSs by Well-Being

Variables According to Gender 46

Table 5. Sociodemographic Characteristics of the Sample at T1 (Weighted N = 2,304) 67 Table 6. Prevalence of CSREs at T1 and Gender Differences across Levels of Sexual Intimacy

(Weighted N = 2,304) 69

Table 7. Descriptive Information and Gender Differences for Psychological Well-Being Variables at T1 and T2

(Weighted N = 2,304) 70

Table 8. Regressions Predicting Psychological Well-Being at T2 by Levels of Sexual Intimacy in CSREs for

Girls 71

Table 9. Regressions Predicting Psychological Well-Being at T2 by Levels of Sexual Intimacy in CSREs for

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Liste des abréviations

AB Amitié avec bénéfices

ASL Aventure sans lendemain

CSREs Casual sexual relationships and experiences

FWB Friends with benefits

ONS One-night stand

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Liste des annexes

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Remerciements

Cette thèse marque la fin de mes études doctorales. Je tiens à remercier plusieurs personnes qui m’ont aidée à me rendre au bout de ce projet.

Tout d’abord, je veux remercier ma directrice de thèse, madame Lavoie, pour le précieux soutien que vous m’avez offert, de ma deuxième année de baccalauréat jusqu’à la fin de ce doctorat. Merci pour votre aide et votre grande disponibilité tout au long de mes études doctorales. Vous avez été plus qu’une directrice de thèse; vous avez été un modèle de chercheure. Votre rigueur, votre intégrité scientifique, et votre jugement critique m’ont constamment amenée à donner le meilleur de moi-même. Je vous remercie d’avoir cru en moi et de m’avoir encouragée à participer à diverses communications scientifiques. Ces expériences m’ont permis de prendre conscience des innombrables possibilités qu’offre le domaine de la recherche, ont enrichi mes compétences et ont renforcé ma confiance en moi-même. Votre détermination et votre audace m’ont beaucoup inspirée. Je me souviens encore d’un moment au tout début de mon doctorat où, doutant de mon choix d’utiliser une méthode mixte pour mon tout premier article scientifique, je vous ai demandé si nous pouvions utiliser une telle méthode. Vous m’aviez tout bonnement répondu: « On peut tout faire ». Cette phrase me revient très souvent. Elle signifie pour moi l’importance d’oser malgré nos craintes. Je vous suis très reconnaissante pour ce bel enseignement. J’ai beaucoup apprécié votre franchise qui a facilité nos échanges, ainsi que votre sens de l’humour et votre bonne humeur qui ont apporté de la joie et de l’entrain à des tâches parfois ardues. Je me sens privilégiée d’avoir travaillé avec une femme aussi inspirante que vous. Merci pour tout.

Je remercie les membres de mon comité de thèse, Marie-Hélène Gagné et Martin Blais, pour votre importante aide. Vos judicieuses recommandations et vos critiques constructives ont grandement bonifié la qualité de mes travaux. Je vous remercie pour votre minutie et le sérieux que vous avez investis dans le suivi de ma thèse. Merci pour vos commentaires positifs qui m’ont encouragée et pour l’ambiance de collaboration qui a été présente à chaque séminaire. Je me suis sentie entre bonnes mains sous votre supervision. Merci beaucoup.

Je remercie Hélène Paradis, statisticienne, pour ton aide inestimable dans la réalisation de mes analyses. Le déroulement de ma thèse n’aurait pas été le même sans ta présence. Merci d’avoir pris du temps, parfois plus que tu en avais, pour m’expliquer des notions statistiques ou reprendre des analyses. Je te suis très reconnaissante pour la patience et la grande disponibilité que tu as manifestées à mon égard. J’ai beaucoup aimé travailler avec toi.

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Je remercie Martine Hébert, professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal, et responsable de l’équipe de recherche ÉVISSA dont j’ai eu la chance de faire partie. Je vous remercie de m’avoir attribué une bourse de stage d’été en recherche alors que j’étais étudiante au baccalauréat. Celle-ci a marqué mon entrée dans l’univers de la recherche et m’a permis de vivre de belles et enrichissantes expériences. Je vous remercie également pour le financement que vous m’avez offert pour certaines des communications scientifiques que j’ai réalisées et pour vos bons mots lors de nos rencontres, lesquels m’ont toujours fait chaud au cœur.

Je tiens à remercier les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) pour la bourse à la maîtrise, le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) et le Fonds facultaire d'enseignement et de recherche (FFER) de la Faculté des Sciences sociales de l’Université Laval pour les bourses au doctorat qu’ils m’ont octroyées. Ce précieux support a rehaussé le plaisir que j’ai eu à réaliser ce doctorat, les tracas financiers en moins.

Sur une note plus personnelle, je tiens à remercier mon amie et collègue de laboratoire, Marie-Ève. Je dois à mes études en psychologie le bonheur de m’être liée d’amitié avec toi. Merci pour tous les bons moments que nous avons vécus, tant sur le plan personnel qu’académique. Je garde entre autres de beaux souvenirs de nos amusantes soirées entre ami(e)s, de nos travaux d’équipe et des congrès auxquels nous avons participé. Merci pour ton écoute lors des moments plus difficiles. Merci pour ta bonne humeur et ton sens de l’humour qui ont apporté de la joie à mes journées, ainsi que pour ton honnêteté et ton immense gentillesse qui font de toi une amie exceptionnelle. Maintenant que nous franchissons une autre étape de nos vies, je souhaite que notre amitié dure encore longtemps.

Je remercie mes autres partenaires de laboratoire et amies, Catherine et Laurie, pour nos divertissantes discussions qui ont tenu lieu de pauses lors de périodes de travail intense. Merci pour votre aide, votre présence, et votre franchise lorsque je vous demandais votre opinion. Travailler avec vous a été un réel plaisir!

Je remercie mes amis Jean-Philippe, Sandy et Dominique, pour votre présence et votre soutien tout au long de ces années. Il me semble que le temps a filé depuis nos étés d’assistanat de recherche. Je ne me serais pas doutée à cette époque que vous deviendriez de si bons amis. Je suis ravie de constater aujourd’hui la tournure des événements ! Merci pour tous ces beaux moments partagés; soupers, voyages, discussions sérieuses et moins sérieuses, qui nous ont rapprochés. Même si je ne vous l’ai jamais dit, je me sens choyée de vous avoir comme amis.

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Je remercie mon ami David pour nos séances de sport agrémentées de discussions diversifiées. Je suis contente que notre intérêt commun pour la psychologie légale nous ait liés et qu’une amitié en soit découlée. Merci pour tes honnêtes opinions et humoristiques confrontations !

Je remercie mon amie d’enfance, Jen qui, malgré les années, les périodes d’absence et nos différences, est restée une personne importante dans ma vie. Merci pour ton authenticité, ton ouverture d’esprit et ta joie de vivre qui m’inspirent l’envie de savourer chaque moment. Merci pour ton écoute et ta capacité inégalée à me faire voir la vie différemment.

Je remercie spécialement mes parents qui m’ont encouragée à poursuivre mes buts depuis le tout début de ma scolarité. Merci pour votre aide concrète et pour votre soutien continuel durant toutes ces années. Par-dessus tout, merci pour votre dévouement et votre amour qui font de moi une fille privilégiée. Vous savoir présents et confiants en moi de manière indéfectible a été le plus beau cadeau que vous ayez pu m’offrir et aussi un puissant moteur lors des moments de découragement, d’incertitudes, et de fatigue. Je vous remercie de m’avoir appris la persévérance et le sens du travail, qui m’ont incontestablement aidée à aller au bout de ce long et exigeant projet académique. Pour toutes ces raisons, je vous dédie cette thèse. Je remercie aussi mon frère, Vincent, pour les nombreux services que tu m’as rendus, pour tes encouragements et pour ton sens de la dérision qui m’a très souvent fait le plus grand bien. Tous les trois, je vous aime énormément.

Finalement, je remercie mon amoureux, Pierre-Luc, qui a été témoin de mes hauts et mes bas au cours de la dernière année. Merci pour ta patience, ta compréhension, et pour ton support dans la réalisation de mes projets. Ta bonne humeur, ton incomparable talent pour me faire rire, et ton optimisme m’ont apporté beaucoup de joie et m’ont très souvent aidée à lâcher prise. Tu as été mon équilibre et mon complice au cours de cette dernière année. Merci d’avoir été là. Je t’aime!

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Avant-propos

L’auteure de la thèse, Sophie Dubé, a utilisé des données secondaires provenant d’une enquête québécoise longitudinale nommée Enquête sur les Parcours Amoureux des Jeunes pour la réalisation des deux articles scientifiques compris dans le présent travail. Cette enquête, dirigée par la chercheure principale Martine Hébert, a été financée par les Instituts de Recherche en Santé Canada (IRSC). L’auteure a conçu la question de recherche en plus d’effectuer les analyses statistiques sur les deux premiers temps de mesure de l’enquête. Elle a aussi effectué l’interprétation des résultats et la rédaction des deux articles scientifiques avec la collaboration de Francine Lavoie, Ph.D., directrice de recherche et professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et co-chercheure de l’enquête. Ces deux articles ont aussi été rédigés en collaboration avec deux autres co-chercheurs de l’enquête, Martin Blais, Ph.D., et Martine Hébert, Ph.D., tous deux professeurs au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal.

Le premier article de la thèse intitulé Psychological Well-Being as a Predictor of Casual Sex Relationships and

Experiences among Adolescents: A Short-Term Prospective Study a été publié en février 2017 dans Archives of Sexual Behavior (doi: 10.1007/s10508-016-0914-0). Le second article intitulé Consequences of Casual Sex Relationships and Experiences on Adolescents’ Psychological Well-Being: A Prospective Study a été publié en

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Chapitre I : Introduction générale

Le couple stable a longtemps été considéré comme le contexte relationnel idéal pour vivre sa sexualité (Diamond & Huebner, 2012; Garcia, Reiber, Massey, & Merriwether, 2012; Tolman & McClelland, 2011). La sexualité dite romantique a donc été grandement encouragée et l’est encore. Toutefois, certaines personnes choisissent de vivre leur sexualité en dehors d’une telle relation de couple. Le sexe dit non-romantique est rapidement devenu l’un des thèmes les plus étudiés de la sexualité des adolescents et surtout des jeunes adultes (Boislard, van de Bongardt, & Blais, 2016). Il est considéré selon certains chercheurs et penseurs comme néfaste, alors que pour d’autres, il s’agit d’une façon de plus en plus acceptée de vivre sa sexualité (Garcia et al., 2012).

Historiquement, aux États-Unis, c’est dans les années 1960 que les contacts sexuels entre personnes qui n’étaient pas engagées dans une relation amoureuse auraient commencé à être de plus en plus communs chez les étudiants universitaires (Bogle, 2008). C’est aussi à partir de ce moment que les termes « casual sex » ou « hookup » leur ont été attribués pour y référer (Reay, 2014). Avant les années 1960, les premiers contacts sexuels entre deux personnes avaient surtout lieu en contexte de relations amoureuses monogames (Bogle, 2008). La façon traditionnelle de « se fréquenter » ou de débuter une relation amoureuse était de passer du temps ensemble et de s’assurer d’un engagement émotionnel et d’une exclusivité dans l’intimité physique (Stinson, 2010). Les années 60 s’avèrent alors une période marquée par un changement dans la façon dont les jeunes vivaient les rapprochements intimes et les fréquentations amoureuses (« dating »), ce qui peut avoir contribué à une pratique plus courante du « casual sex ». Un tel changement s’inscrit aussi dans un tournant social important ayant eu lieu au courant de ces mêmes années, celui de la Révolution sexuelle avec entre autres, l’arrivée de la contraception. Ce tournant aurait engendré une défense du plaisir sexuel et de la vie érotique au sein des unions, alors qu’avant les années 60, le plaisir sexuel était associé à la culpabilité, du moins dans la culture catholique (Ollivier, 2003). Toutefois, il est possible que des contacts sexuels, tels ceux que l’on qualifie maintenant de « casual sex » ou « hookup, aient été vécus avant les années 60 entre personnes n’étant pas engagées dans une relation amoureuse (Reay, 2014), sans qu’ils aient été nommés ainsi. La pratique de la sexualité en contexte non-romantique aurait donc sans doute débuté bien avant que les chercheurs s’y intéressent. D’autres auteurs parlent d’une « culture du hookup » qui a plutôt commencé à émerger dans les années 80-90 (Heldman & Wade, 2010). Quoi qu’il en soit, les jeunes adultes d’aujourd’hui, dont les étudiants, participeraient davantage à des activités sexuelles avec plus de partenaires avec qui ils auraient moins d’intimité émotionnelle que ceux des générations antérieures (Bogle, 2008; Wade & Heldman, 2012).

Aux États-Unis, avec le changement quant à la façon de socialiser chez les étudiants1 universitaires au courant des années 1960 et suivantes, changement dans lequel s’inscrit l’engagement dans des relations sexuelles

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romantiques, les rencontres sociales en contexte de groupe, telles que les fêtes sur les campus universitaires, sont devenues de plus en plus populaires. De tels contextes ont donné lieu à davantage d’occasions pour rencontrer de nouvelles personnes, vivre certains rapprochements sexuels ou trouver un possible partenaire amoureux (Bogle, 2008). De plus, la consommation d’alcool présente lors de ces fêtes a contribué à faciliter ces contacts sexuels.

Bien que les études sur le « casual sex » soient menées surtout aux États-Unis, il s’avère pertinent de jeter un coup d’œil à l’Europe. Une étude comparative de la place qu’occupe le couple et de la façon de vivre sa sexualité en France et aux États-Unis auprès d’adultes de 18 à 59 ans révèle que les Français s’engagent plus tôt dans leur vie dans des relations amoureuses, lesquelles ils maintiennent à long terme, sont plus susceptibles d’être monogames (c.-à-d., avoir un partenaire sexuel à la fois), ont plus de rapports sexuels avec leur partenaire amoureux, et ont moins de partenaires sexuels au cours de leur vie que les États-Uniens (Gagnon, Giami, Michaels, & de Colomby, 2001). De tels résultats pourraient dénoter que la sexualité impliquerait un plus grand engagement au partenaire en France qu’aux États-Unis. Ainsi, les Français accorderaient plus de valeur à l’idée du couple stable, monogame et à long terme que les États-Uniens, selon les auteurs (Gagnon et al., 2001). Cependant, bien que la fidélité soit une valeur importante en France, elle serait plus en lien avec l’amour porté au partenaire qu’avec la pratique de la sexualité (Ollivier, 2003). L’infidélité serait présente aussi bien en France qu’aux États-Unis, mais la différence serait qu’en France la relation sexuelle extra-conjugale durerait plus longtemps avec le même partenaire, alors qu’aux États-Unis, il s’agirait davantage d’aventures sans lendemain (Ollivier, 2003). De plus, aux États-Unis, les adultes vivraient davantage de relations courtes lorsqu’ils sont célibataires que les Français (Gagnon et al., 2001).

Avec les années, le « casual sex » a été nommé sous plusieurs appellations et ses formes ont été définies. La section suivante porte sur les différentes définitions.

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Les définitions des relations non-romantiques

Depuis quelques décennies, les contacts sexuels ayant lieu entre deux personnes qui ne sont pas en couple ont été nommés par différents vocables selon les auteurs. C’est depuis les années 2000 que de nombreuses publications sur les « hookups » auprès des étudiants universitaires sont parues (Stinson, 2010). On a utilisé « casual sex », « casual sexual relationships » (p.ex., Grello, Welsh, & Harper, 2006; Wentland & Reissing, 2011), « hookups » (p.ex., Fielder & Carey, 2010a; Garcia et al., 2012; Heldman & Wade, 2010), « casual sex relationships and experiences [CSREs] » (Claxton & van Dulmen, 2013; Rodrigue et al., 2015). Les termes français pour désigner ce type de relations sexuelles sont moins précisés. Certains médias ont utilisé « sexe sans ficelle », « sexe sans amour », « sexe pour le sexe », « aventure sans lendemain », « plan cul », ou « relations sexuelles non-romantiques ». J’utiliserai dans cette thèse ce dernier terme (Rnr : relations sexuelles non-romantiques).

Le manque de cohérence dans les termes utilisés laisse place à des interprétations variées de ce qu’est une Rnr (Wentland & Reissing, 2011). En effet, les auteurs restent permissifs quant à leur définition d’une Rnr en incluant divers gestes sexuels qui sont posés entre deux personnes dont la nature du lien peut différer. Les Rnr peuvent comprendre des baisers (Bogle, 2008), des attouchements, des relations sexuelles orales, et des relations sexuelles avec pénétration vaginale ou anale (Beres & Farvid, 2010; Bogle, 2008; Glenn & Marquardt, 2001). En général, les auteurs qui étudient ce type de relations sexuelles les définissent en termes d’un événement rapporté par leurs répondants où ces derniers ont eu un contact sexuel, plus souvent une pénétration vaginale (Beres & Farvid, 2010), avec une personne avec qui ils n’étaient pas en relation amoureuse (Grello et al., 2006; Manning, Giordano, & Longmore, 2006; Manning, Longmore, & Giordano, 2005; Owen, Rhoades, Stanley, & Fincham, 2010). Ces relations sexuelles sont également de courte durée, bien que la fréquence des contacts puisse varier. En effet, les Rnr pourraient survenir à une occasion (Manning et al., 2006) ou plusieurs fois sur une période allant de quelques semaines à quelques mois (Glenn & Marquardt, 2001). La notion d’absence d’engagement amoureux entre les partenaires sexuels fait l’unanimité entre les auteurs (Garcia et al., 2012; Glenn & Marquard, 2001; Manning et al., 2006; Paul & Hayes, 2002).

Cependant, un certain consensus sur la définition des Rnr semble se dessiner dans la littérature : d’abord, une variété de contacts sexuels, allant du baiser à la pénétration, peut avoir lieu (p.ex., Glenn & Marquardt, 2001) ; les partenaires ne sont pas engagés dans une relation amoureuse ; et le lien qui s’installe entre les partenaires est de courte durée et ne signifie pas qu’une relation amoureuse en découlera (Epstein, Calzo, Smiler, & Ward, 2009).

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Avec les nombreuses études chez les jeunes adultes s’impliquant dans les Rnr, les chercheurs ont soulevé la pertinence de mieux définir les différentes formes possibles de Rnr. Ce faisant, de façon plus réaliste, le nombre de jeunes s’y impliquant peut être documenté. Il devient également plus facile de déterminer les similitudes et les différences entre les formes de Rnr, de même que les facteurs associés à l’engagement dans celles-ci et les conséquences possibles en découlant (Claxton & van Dulmen, 2013). Une meilleure compréhension des différentes façons dont les jeunes vivent et terminent ces relations devient également possible (Wentland & Reissing, 2011). Il semble que deux critères principaux permettent la différenciation de ces formes :

a) Le type de partenaire sexuel avec qui le contact a lieu (p.ex., un ami ou un inconnu), ce qui réfère indirectement au degré d’intimité émotionnelle (Claxton, DeLuca, & Van Dulmen, 2015), et;

b) La fréquence des contacts sexuels (Wentland & Reissing, 2011) ou la durée de la relation (Claxton et al., 2015).

Parmi les formes de Rnr conceptualisées dans la littérature anglophone, il y a :

a) L’aventure sans lendemain : Les aventures sans lendemain, abrégées dans cette thèse par l’acronyme ASL, parfois nommées « hookups » par certains chercheurs (p.ex., Owen & Fincham, 2011a), « casual sex » (Maticka-Tyndale, Herold, & Mewhinney, 1998; Weaver & Herold, 2000) ou « one-night stand » (p.ex., Claxton & van Dulmen, 2013; Jonason, Hatfield, & Boler, 2015), sont définies comme des contacts sexuels divers ne survenant généralement qu’une seule fois (Cubbins & Tanfer, 2000) entre deux personnes qui se connaissent peu ou qui viennent tout juste de se rencontrer, et qui n’envisagent pas clairement d’engagement amoureux au moment du contact (Garcia & Reiber, 2008; Garcia et al., 2012; Owen & Fincham 2011a; Owen, Fincham, & Moore, 2011; Owen et al., 2010; Paul, McManus & Hayes, 2000; Wentland & Reissing, 2011). Il peut y avoir quelques variations dans la définition employée par les auteurs ; certains ont restreint leur définition d’une ASL à une relation sexuelle avec pénétration (Bersamin et al., 2014; Maticka-Tyndale et al., 1998), alors que d’autres ont englobé d’autres contacts sexuels (Paul et al., 2000). Certains ont considéré les contacts sexuels entre vagues connaissances (Paul et al., 2000), alors que d’autres ont restreint les ASL aux partenaires venant de se rencontrer dans la dernière semaine (Bersamin et al., 2014) ou lors d’un événement spécial tel que les vacances de relâche (« spring break ») (Maticka-Tyndale et al., 1998). Cependant, tous s’entendent sur le fait qu’une ASL n’implique aucun attachement émotionnel (Maticka-Tyndale et al., 1998; Weaver & Herold, 2000). La consommation d’alcool serait davantage un facteur favorisant l’engagement dans des ASL que dans les autres formes de Rnr (Wentland & Reissing, 2011).

Bien que les ASL soient caractérisées par une faible fréquence d’engagement, sinon une fréquence unique, une variation de cette forme de Rnr à fréquence plus élevée existerait, soit le

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« repeat hookup » (Bogle, 2008), « hookup buddy » (Paul, Wenzel, & Harvey, 2008), « regular hookups » ou « continuing hookups » (Armstrong, Hamilton, & England, 2010). Selon les études réalisées auprès de jeunes adultes, elle réfèrerait à plusieurs rencontres sexuelles avec le même partenaire sur une période allant de quelques semaines à quelques mois (Bogle, 2008; Paul et al., 2008). Entre les contacts sexuels, les deux partenaires pourraient passer du temps ensemble et pourraient s’envoyer des courriels ou des textos. Ils ne se verraient alors pas seul à seul, mais plutôt lors de rencontres de groupe. Le degré d’engagement amoureux reste cependant minime ou inexistant et les partenaires peuvent avoir des ASL avec d’autres personnes (Bogle, 2008).

b) L’amitié avec bénéfices : Le terme « amitié avec bénéfices » (AB) est utilisé pour définir les relations sexuelles qui ont lieu entre deux personnes qui sont des amis (Wentland & Reissing, 2011). En anglais, l’AB est généralement nommée « friends with benefits relationship » (p.ex., Bisson & Levine, 2009; Lehmiller, VanderDrift, & Kelly, 2011). Cette forme de Rnr se démarque par la nature de la relation entre les deux partenaires sexuels : il existe initialement un lien d’amitié entre les partenaires et des contacts sexuels s’ajoutent par la suite (Lehmiller et al., 2011; Wentland & Reissing, 2011). Les deux amis peuvent s’adonner à des activités sociales (Wentland & Reissing, 2011) et peuvent avoir d’autres partenaires sexuels (Bisson & Levine, 2009). Les contacts sexuels surviennent généralement plus d’une fois (Lehmiller et al., 2011). Un plus grand dévoilement personnel est aussi fréquent entre les deux amis (Rodrigue et al., 2015). Ainsi, les AB représentent davantage un chevauchement entre l’amitié, la confiance, le sentiment de proximité émotionnelle et la sexualité que les ASL (Garcia et al., 2012).

c) Le booty call : Le booty call réfère à une relation sexuelle qui est planifiée par deux personnes qui entrent en contact dans le seul but d’avoir des contacts sexuels dans un court délai. L’attirance physique envers le partenaire est une composante importante des booty calls (Jonason, Li, & Richardson, 2011). Le moyen de communication le plus utilisé par ces individus pour planifier la rencontre sexuelle est le téléphone (Jonason, Li, & Cason, 2009; Wentland & Reissing, 2011). Contrairement aux AB, il est rare que les partenaires sexuels partagent des activités sociales en dehors de leurs contacts sexuels (Wentland & Reissing, 2011). Le booty call implique une répétition des contacts sexuels et une longévité du lien unissant les deux partenaires sexuels qui ne sont pas présentes dans les ASL (Jonason et al., 2011). Cependant, le booty call serait bien plus qu’une répétition de contacts sexuels avec la même personne. Elle peut impliquer certains gestes à connotation émotionnelle, tels qu’embrasser et étreindre ou bien encore la masturbation, lesquels

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gestes ne seraient pas fréquents dans les ASL qui surviennent généralement une seule fois (Jonason et al., 2011).

d) Le hookup : Le terme « hookup » est celui qui est utilisé avec le plus d’incohérence (Claxton & van Dulmen, 2013). Certains auteurs y ont recouru pour nommer les contacts sexuels ayant lieu une seule fois, telles les ASL (Barriger & Vélez-Blasini, 2013; Paul et al., 2000). D’autres utilisent ce terme de manière interchangeable pour parler des AB (Weaver, MacKeigan, & MacDonald, 2011). D’autres aussi parlent de « hookup » pour référer aux contacts sexuels entre tous types de partenaires sexuels avec qui aucune relation amoureuse n’est envisagée, par exemple des inconnus ou des connaissances comme c’est le cas dans les ASL, des amis comme c’est le cas dans des AB, des anciens partenaires amoureux, ou autres (Fielder & Carey, 2010a; 2010b; Fielder, Walsh, Carey, & Carey, 2013; Glenn & Marquardt, 2011; Owen & Fincham, 2011a; Owen et al., 2011). Le terme « hookup » sert généralement à désigner un semble de gestes sexuels allant du baiser à la pénétration (p.ex., Bogle, 2008 ; Glenn & Marquardt, 2001 ; Stinson, 2010), mais certains auteurs ont restreint sa définition au sexe oral ou à la relation sexuelle avec pénétration (p.ex., Gute & Eshbaugh, 2008). Les plus récentes définitions de ce terme ont cependant inclus tous les contacts sexuels faits entre des inconnus, des vagues connaissances ou des amis (Claxton & van Dulmen, 2013; Heldman & Wade, 2010). En effet, le « hookup » serait la catégorie incluant différentes formes de Rnr, telles que les ASL (« one-night-stand »), les AB (« friends with benefits [FWB] relationships ») et les booty call (Claxton & van Dulmen, 2013; Heldman & Wade, 2010). Ainsi, ce terme désignerait au sens large les contacts sexuels entre deux personnes qui ne forment pas un couple, sans distinction entre le type de partenaires sexuels.

La question de recherche

Les Rnr étant définies, les sections qui suivent feront état des connaissances scientifiques documentées jusqu’à maintenant quant à ce type de relations sexuelles chez les adolescents. Le but de cette thèse est de vérifier s’il existe une relation entre le bien-être psychologique des adolescents et leur implication dans des Rnr. Une terminologie référant à des liens causaux a été employée dans les deux articles composant cette thèse, comme il est aussi commun de le faire pour les recherches dans le domaine. Toutefois, les liens trouvés, pour cette thèse et pour ces autres recherches, ne reflètent pas une causalité telle qu’entendue au sens méthodologique (c.-à-d., plus de deux temps de mesure, préséance temporelle des variables indépendantes sur les variables dépendantes, contrôle au premier temps de mesure pour les variables dépendantes). Le bien-être psychologique est opérationnalisé dans cette présente thèse par cinq indicateurs : la détresse psychologique, les idéations suicidaires, l’estime de soi, la consommation d’alcool, et la consommation de drogues. L’AB et

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l’ASL sont les deux formes de Rnr étudiées. Sans négliger l’existence des études réalisées auprès des adultes, cette thèse rapporte principalement les données disponibles chez les adolescents.

L’étude des Rnr à l’adolescence est d’autant plus pertinente que les adolescents peuvent être plus susceptibles de vivre des conséquences négatives à la suite de Rnr que les jeunes adultes. Étant dans une période de la vie intense en exploration des relations, les adolescents vivent leurs toutes premières expériences d’intimité émotionnelle et sexuelle qui peuvent marquer le cours de leurs relations futures (Paul et al., 2008). Selon certains auteurs, l’absence d’engagement et d’intimité émotionnelle caractérisant les Rnr pourrait nuire au développement des aptitudes nécessaires pour former et maintenir des relations intimes satisfaisantes (Paul et al., 2008). Le besoin de connexion interpersonnelle significative des adolescents pourrait ne pas être comblé et leur bien-être psychologique pourrait en souffrir (Baumeister & Leary, 1995). L’engagement dans des Rnr peut aussi déroger de ce qui attendu des adolescents quant à l’expérience de leur sexualité selon les normes sociales encouragées pour leur période développementale, ce qui pourrait générer de la détresse psychologique (Meier, 2007). Ainsi, les Rnr pourraient être néfastes pour certains adolescents. Or, il n’est pas exclu que certains adolescents peuvent s’engager dans des Rnr par curiosité ou pour explorer leur sexualité, ce qui fait partie d’un processus normal dans le développement sexuel (Tolman & McCelland, 2011), sans que ces Rnr n’aient d’effet majeur sur leur bien-être psychologique. Dans les sections suivantes, des données de prévalence seront fournies, suivies des conclusions empiriques quant aux liens entre les différents indicateurs de bien-être psychologique et les Rnr.

La prévalence des Rnr chez les adolescents

Deux études nationales représentatives auprès d’adolescents aux États-Unis ont rapporté que de 37,7% à 77% des jeunes âgés de 12 à 18 ans (37.7% pour Manning et al., 2005; 61% pour Manning et al., 2006; 77% pour Grello, Welsh, Harper, & Dickson, 2003) qui étaient déjà actifs sexuellement au début de l’enquête ont eu une Rnr au cours des 12 à 18 mois suivants. La prévalence grimpe à 85% chez les adolescents sexuellement actifs de 17 à 21 ans (Grello et al., 2003). Chez les adolescents qui n’avaient pas encore eu de relation sexuelle, 15% des 12 à 16 ans et 40% des 17 à 21 ans ont vécu une Rnr en tant que première expérience sexuelle dans l’année suivant le début de l’enquête (Grello et al., 2003). Ces chiffres montrent que les adolescents peuvent vivre leurs premiers rapports sexuels avec un partenaire autre qu’un amoureux. D’autres études rapportent que de 28% (aux États-Unis ; Fortunato, Young, Boyd, & Fons, 2010) à 38% (au Canada ; Frappier et al., 2008), des adolescents actifs sexuellement ou non se sont impliqués dans au moins une Rnr au cours de leur vie.

Peu d’études distinguant les ASL et les AB chez les adolescents ont été effectuées. Dans un échantillon particulier de jeunes australiens fréquentant les écoles secondaires et qui participaient à des vacances de

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relâche (N = 1 346), deux tiers des garçons et un tiers des filles âgés de 14 à 20 ans et actifs/ves sexuellement auraient eu une relation sexuelle avec pénétration avec un partenaire rencontré dans les 24 heures précédentes (Maticka-Tyndale, Herold, & Oppermann, 2003). Manning et al. (2006; N = 1 316) ont rapporté que la majorité des jeunes de 12 à 16 ans qu’ils ont interrogés ont eu une relation sexuelle avec pénétration avec un ami (74%), alors que 23% et 6,3% affirment avoir eu un tel contact avec une connaissance et un inconnu respectivement. Les garçons étaient plus nombreux que les filles (68,5% vs 51,8%) à avoir eu une relation sexuelle avec une personne avec qui ils n’étaient pas en couple (Manning et al., 2005; 2006).

Le bien-être psychologique en lien avec les Rnr

L’adolescence est une période de la vie marquée par de nombreux changements sociaux, personnels et physiques. Il s’agit également d’une étape cruciale dans le développement de la sexualité (Russell, van Campen, & Muraco, 2012). Les rapports aux pairs du même sexe et du sexe opposé peuvent être vécus de différentes façons. Les fréquentations en vue d’une possible relation amoureuse (« dating »), les relations amoureuses, les relations amicales, ou les Rnr sont tous des exemples de comment les adolescents peuvent vivre les rapprochements interpersonnels. L’étude de l’adolescence se centre depuis longtemps sur les difficultés et les risques liés à la sexualité (Russell et al., 2012), ce qui découlerait du fait que la sexualité à l’adolescence a été historiquement conceptualisée comme devant être balisée par la société (Lehr, 2008). Alors que la sexualité avec un partenaire amoureux et dans le cadre d’une relation exclusive est considérée comme idéale (Diamond & Huebner, 2012), l’implication dans des relations sexuelles avec des partenaires non-amoureux et non-exclusifs confronte la vision traditionnelle d’une sexualité saine. Certains médias ont d’ailleurs dépeint les Rnr comme étant dommageables sur le plan physique et psychologique pour les jeunes adultes (p.ex., Armstrong et al., 2010), et des chercheurs ont confirmé cette perception (p.ex., Garcia et al., 2012). D’une part, la spontanéité de ces relations sexuelles, lesquelles peuvent en plus survenir en contexte de consommation de substances, expliquerait les inquiétudes sur le plan de la santé physique liées aux risques de ne pas utiliser le préservatif, d’être contaminé par des ITSS et de vivre des grossesses non-planifiées (Claxton & van Dulmen, 2013; Downing-Matibag & Geisinger, 2009; Manning et al., 2006). D’autre part, l’absence d’engagement amoureux et d’exclusivité ne permettrait pas de satisfaire les besoins fondamentaux de relations interpersonnelles profondes et positives (Baumeister & Leary, 1995), ce qui expliquerait les inquiétudes sur le plan émotionnel et développemental (Manning et al., 2006).

Il s’avère donc judicieux de vérifier si de telles relations sexuelles chez les adolescents sont associées ou non à un bien-être psychologique plus faible. Quelques études (p.ex., Grello et al., 2003; Monahan & Lee, 2008) l’ont déjà fait, réitérant la pertinence de poursuivre les recherches. Il est d’autant plus important de s’intéresser à l’effet des Rnr sur le bien-être psychologique des adolescents que les conséquences psychologiques durant

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cette période ont une incidence significative sur la qualité de vie et la santé mentale à l’âge adulte (Claxton & van Dulmen, 2013; Weissman et al., 1999). En outre, le développement de la sexualité à l’adolescence campe la façon dont sera vécue celle-ci à l’âge adulte (Russell et al., 2012).

La section qui suit porte sur les résultats empiriques concernant les facteurs de bien-être psychologique qui font l’objet de cette recherche, c’est-à-dire les symptômes dépressifs, les idéations suicidaires, l’estime de soi, et la consommation problématique d’alcool et de drogues.

Les symptômes dépressifs

Les symptômes dépressifs et la dépression chez les adolescents

Les symptômes dépressifs et la dépression chez les adolescents sont des indices d’une souffrance psychologique. Il est important de s’y intéresser chez les adolescents car, en vieillissant, ces derniers seraient plus susceptibles de développer des troubles psychiatriques (Costello, Mustillo, Erkanli, Keeler, & Angold, 2003). Le risque serait d’ailleurs plus élevé pour les filles (Costello et al., 2003). Selon une enquête nationale représentative d’adolescents de 14 à 17 ans aux États-Unis (N = 14 144), 11,2% des adolescents souffriraient d’une dépression, évaluée à l’aide du Center for Epidemiological Studies–Depression Scale (CES-D) (Sabia & Rees, 2008). Davantage de filles que de garçons (13% vs 9%) en seraient atteintes (Sabia & Rees, 2008). De même, 15,7% des filles et 9% des garçons de 12 à 17 ans (N = 4 152) rapportaient un taux élevé de symptômes dépressifs au CES-D, selon une autre enquête représentative (Lehrer, Shrier, Gortmaker, & Buka, 2006). Cette différence de genre est également retrouvée dans une enquête canadienne, réalisée par Statistique Canada, auprès de 2 866 adolescents de 15 à 18 ans provenant de 10 provinces et de deux territoires, qui indique que deux fois plus de filles que de garçons ont souffert d’un épisode dépressif majeur au cours de leur vie, selon le

World Mental Health – Composite International Diagnosis Interview Instrument (WMH-CIDI) (11,1% vs 4,3%)

(Cheung & Dewa, 2006). Le taux de dépression chez les adolescents serait plus élevé au Québec que dans les autres provinces canadiennes (Cheung & Dewa, 2006). Selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du

secondaire 2010-2011 de l’Institut de la Statistique du Québec, 20% des jeunes de 12 à 17 ans présentent un

niveau élevé de détresse psychologique, mesurée à l’aide de l’échelle de Kessler (Kessler et al., 2002), les filles étant plus nombreuses que les garçons à faire partie de cette catégorie (28% vs 14%) (Camirand, Deschesnes, & Pica, 2012). Cette proportion correspond à celle de l’Enquête québécoise sur la santé de la population-2008, avec 24,4% des jeunes âgés de 15 à 24 ans présentant une détresse psychologique élevée et les filles étant plus nombreuses que les garçons à se situer à ce niveau (29,9% vs 19%) (Camirand & Légaré, 2008). Les résultats de la plus récente édition de cette même enquête (2014-2015) indiquent que la proportion de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui souffrent d’une détresse psychologique élevée a augmenté depuis 2008, atteignant

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36,1%, les filles étant toujours plus nombreuses que les garçons (45,1% vs 27,2%) (Camirand, Traoré, & Baulne, 2016).

Les symptômes dépressifs et les Rnr chez les adolescents

Les conclusions quant aux liens causaux entre les symptômes dépressifs et l’implication dans des Rnr sont divergentes. Certaines études représentatives ont rapporté une augmentation des symptômes dépressifs 12 à 18 mois après avoir eu une Rnr chez des adolescents de 12 à 21 ans (Grello et al., 2003; Monahan & Lee, 2008). Cependant, les symptômes dépressifs étaient présents avant l’implication dans une Rnr, ce qui peut remettre en question l’idée que les Rnr entrainent des symptômes dépressifs. De plus, ces jeunes n’avaient jamais eu de relations sexuelles avant leur implication dans une Rnr. Lorsqu’ils ont eu une première relation sexuelle au deuxième temps de mesure, le taux de symptômes dépressifs des jeunes actifs sexuellement et rapportant avoir eu une Rnr au deuxième temps de mesure était plus élevé en comparaison avec celui des jeunes qui étaient demeurés inactifs sexuellement (Grello et al., 2003; Monahan & Lee, 2008). Ainsi, il se pourrait que le taux plus élevé de symptômes dépressifs ne découle pas particulièrement des Rnr, mais plutôt de l’expérience sexuelle différente entre les jeunes étant actifs sexuellement et ceux qui ne le sont pas. En comparaison avec des filles ayant eu une relation sexuelle avec un partenaire amoureux, les filles qui avaient eu des rapports sexuels avec un partenaire non-romantique avaient plus de symptômes dépressifs, mais cette différence était présente avant et après les contacts sexuels (Monahan & Lee, 2008). Encore une fois, un tel résultat remet en question l’idée que les Rnr occasionnent des symptômes dépressifs.

Une étude prospective plus récente auprès d’adolescents ayant, quant à eux, déjà eu une relation sexuelle suggère que les symptômes dépressifs sont associés à l’engagement dans des Rnr. En effet, les garçons qui présentaient des symptômes dépressifs étaient plus susceptibles de s’engager dans une Rnr cinq ans plus tard, soit au début de l’âge adulte (Sandberg-Thoma & Kamp Dush, 2014). Cependant, une autre étude longitudinale récente a contredit ce lien. Elle évoque qu’il n’y a aucun lien causal, ni pour les garçons ni pour les filles, entre les symptômes dépressifs à l’adolescence et l’engagement dans des Rnr un an et cinq ans plus tard, soit au début de l’âge adulte (Deutsch & Slutske, 2015). Elle soutient qu’il n’y a pas non plus de changement un an (Deutsch & Slutske, 2015) et cinq ans après une Rnr quant au taux de symptômes dépressifs chez des garçons et des filles (Deutsch & Slutske, 2015). Ce dernier résultat rejoint celui de Monahan et Lee (2008) et Sandberg-Thoma et Kamp Dush (2014), qui ont eux aussi rapporté une absence de changement dans les symptômes dépressifs cinq ans après une Rnr. Il est d’autant plus probable qu’il n’y ait ni changement à court terme (un an) ni à long terme (cinq ans) que l’étude de Deutsch et Slutske (2015) a établi une préséance temporelle des Rnr sur la mesure de symptômes dépressifs, ce qui n’avait pas été fait dans l’étude de Sandberg-Thoma et Kamp Dush (2014). En effet, ces derniers avaient utilisé une approche de changement de scores sur les moyennes de symptômes dépressifs du Temps 1 (T1) au Temps 3 (T3). Il est à noter que l’étude de Deutsch et Slutske

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(2015) avait la particularité, et la force méthodologique, de contrôler pour l’influence génétique et environnementale/familiale en recrutant un échantillon de jumeaux monozygotes et dizygotes. Ainsi, les résultats convergent vers une remise en question de l’opinion soutenant que les Rnr causent des symptômes dépressifs. Les symptômes dépressifs pourraient plutôt faire partie d’un ensemble de caractéristiques rendant les jeunes plus susceptibles de s’engager dans de telles relations sexuelles et ne pas nécessairement découler des Rnr. D’ailleurs, ce sont les jeunes qui avaient initialement le plus de symptômes dépressifs qui se sont engagés le plus dans des Rnr (Grello et al., 2003; Monahan & Lee, 2008).

Quant au genre, les filles qui s’impliquent dans des Rnr seraient plus susceptibles de souffrir de symptômes dépressifs que les garçons après une implication dans une Rnr (Grello et al., 2003; Mendle, Ferrero, Moore, & Harden, 2013). Ces différences de genre sont également rapportées chez les jeunes adultes (p.ex., Fielder & Carey, 2010a). Dans l’étude transversale de Grello et al. (2006), un haut taux de symptômes dépressifs était corrélé à une plus grande implication dans des Rnr chez les jeunes femmes, alors qu’un faible taux était corrélé à une telle implication chez les jeunes hommes. En ce sens, les jeunes hommes qui s’impliquent dans une Rnr auraient un niveau de bien-être psychologique plus élevé (Owen et al., 2010), dont un taux de symptômes dépressifs plus faible (Strokoff, Owen, & Fincham, 2015). Cependant, certaines études ont trouvé que les jeunes hommes universitaires qui s’engageaient dans des Rnr vivaient plus de conséquences négatives que les jeunes femmes, telles qu’une faible estime de soi, de l’anxiété et des symptômes dépressifs (Vrangalova, 2015a). D’autres études ont aussi rapporté une association entre la détresse psychologique et les Rnr sans différence entre les genres (Napper, Montes, Kenny, & LaBrie, 2016), ou bien une absence d’association entre les Rnr et des variables de bien-être psychologique tant chez les hommes que les femmes (Deutsch & Slutske, 2015; Eisenberg, Ackard, & Resnick, 2009; Owen & Fincham, 2011b).

Les idéations suicidaires

Les idéations suicidaires sont un autre indicateur de souffrance psychologique. Les idéations suicidaires et les tentatives de suicide, aussi bien que la dépression, sont fréquemment vécues à l’adolescence. En 2002, le Québec était la troisième province canadienne à avoir le plus haut taux de suicidalité, terme généralement utilisé pour référer aux idéations suicidaires et aux tentatives de suicide (Epstein & Spirito, 2009), chez les adolescents de 15 à 18 ans (N = 2 866) (Cheung & Dewa, 2006). En ce qui a trait plus précisément aux idéations suicidaires, l’Enquête québécoise sur la santé de la population-2008 rapporte que 2,9% des jeunes âgés de 15 à 24 ans ont eu des idéations suicidaires au cours des 12 mois précédant l’enquête (Camirand & Légaré, 2008). La même enquête en 2010-2011 rapporte que 2,3% des jeunes de 15 à 24 ans ont eu des idéations suicidaires sur une période de 12 mois (Nanhou, Fournier, & Audet, 2010), sans différence significative entre les filles et les garçons. La plus récente édition montre une hausse de la proportion des jeunes de cette tranche d’âge ayant eu des

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idéations suicidaires au cours des 12 derniers mois (3,9%) (Camirand, Traoré, & Baulne, 2016). Une augmentation de la proportion de ces jeunes ayant fait une tentative de suicide sur une période de 12 mois est aussi notée entre l’enquête de 2008 et celle de 2014-2015 (0,5% vs 1,0%) (Camirand & Légaré, 2008; Camirand et al., 2016). L’Institut national de santé publique du Québec rapporte un taux de suicide, soit de tentatives de suicide complétées, de 8,7% en 2011 chez les 15 à 19 ans, les garçons étant plus nombreux que les filles à s’enlever la vie (11,6% vs 5,7%) (Institut national de santé publique du Québec, 2016). Cependant, l’influence du genre reste à vérifier, car certaines études rapportent que les filles présenteraient davantage d’idéations suicidaires et de tentatives de suicide que les garçons (Camirand & Légaré, 2008; Fergusson, Woodward, & Horwood, 2000; Raj, Silverman, & Amaro, 2000). D’autres recherches n’ont toutefois trouvé aucune différence de genre quant aux idéations suicidaires et aux tentatives de suicide (Camirand et al., 2016).

Les idéations suicidaires et la sexualité chez les adolescents

Les idéations suicidaires ont surtout été investiguées en lien avec les relations sexuelles en général chez les adolescents habitant aux États-Unis. Chez un échantillon national représentatif d’adolescents, âgés de 12 à 17 ans et fréquentant l’école (N = 18 924), les jeunes qui avaient déjà eu une relation sexuelle, et qui avaient en plus une consommation faible de tabac, d’alcool et de drogues, étaient deux fois plus susceptibles d’avoir eu des idéations suicidaires au cours des 12 derniers mois (OR = 2,53) comparativement aux « abstinents », soit ceux qui n’avaient pas encore eu de relation sexuelle et qui n’avaient jamais consommé ces substances (Hallfors et al., 2004). De même, ceux qui avaient eu plusieurs partenaires sexuels au cours de leur vie (c.-à-d., 14 partenaires ou plus) et qui avaient une consommation modérée de ces substances étaient trois fois plus susceptibles (OR = 3,29) d’avoir eu des idéations suicidaires au cours des 12 derniers mois comparativement aux « abstinents ». Il est cependant possible que l’effet de la sexualité sur la suicidalité ait été contaminé par la consommation concomitante. Par ailleurs, Epstein et Spirito (2009) ont affirmé que le fait d’avoir eu quatre partenaires sexuels ou plus au cours de la vie diminue la probabilité d’avoir des idéations suicidaires dans les 12 derniers mois chez les 15 à 18 ans fréquentant l’école (N = 13 917). C’est plutôt le fait d’avoir été forcé à avoir une relation sexuelle qui était fortement lié à une augmentation de la probabilité d’avoir des idéations suicidaires. Ainsi, il semble judicieux de tenir compte du contexte (p.ex., la présence de coercition, l’échange de contacts sexuels contre rétribution [Hallfors et al., 2004]) dans lequel se produit la relation sexuelle pour discuter d’un lien avec la suicidalité. L’écart quant au nombre de partenaires sexuels considéré dans l’étude de Hallfors et al. (2004) et celle de Epstein et Spirito (2009) pourrait aussi avoir contribué aux différences de résultats.

Deux études, encore réalisées aux États-Unis, ont examiné l’association entre la suicidalité et les Rnr. L’une d’elles, nationale et représentative, soutient que la présence d’idéations suicidaires chez des adolescents de 12 à 17 ans (N = 12 401), particulièrement chez les filles, augmente la probabilité de s’engager dans des Rnr au début de l’âge adulte, soit cinq ans plus tard (Sandberg-Thoma & Kamp Dush, 2014). De plus, les garçons et

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les filles qui ne présentaient pas d’idéations suicidaires à l’adolescence et qui se sont impliqués dans des Rnr durant cette période avaient une plus grande probabilité de rapporter de telles idéations au début de l’âge adulte (Sandberg-Thoma & Kamp Dush, 2014). En se basant sur cette étude, il semble que les idéations soient associées en partie, tels que les symptômes dépressifs, à l’engagement dans des Rnr et qu’elles constituent une conséquence de ces relations sexuelles. Toutefois, l’étude de Deutsch et Slutske (2015) chez des jumeaux, contrôlant ainsi pour l’influence de la génétique et de l’environnement partagés, n’évoque aucun lien causal entre les idéations suicidaires à l’adolescence et l’engagement dans des Rnr au début de l’âge adulte ni entre l’engagement dans des Rnr durant l’adolescence et les idéations suicidaires au début de l’âge adulte, tout comme pour les symptômes dépressifs (Deutsch & Slutske, 2015). Si l’on se fie à la préséance temporelle davantage établie dans cette dernière étude, il serait plus probable qu’il n’y ait aucun lien causal entre les idéations suicidaires et les Rnr. Cependant, une telle divergence de résultats selon les études, particulièrement selon le genre, ainsi que le peu de recherches faites sur cette association, appuie la pertinence de poursuivre l’analyse de cet indicateur de bien-être psychologique en lien avec les Rnr.

L’estime de soi

L’estime de soi chez les adolescents

Un autre indicateur de bien-être psychologique qui est étudié dans cette recherche est l’estime de soi, qui se définit comme l’évaluation d’une personne quant à sa valeur personnelle, son importance, ses compétences, et sa capacité à réussir (Goodson, Buhi, & Dunsmore, 2006). Elle peut contribuer à la capacité d’adaptation des individus en leur permettant de mieux surmonter les défis, ce qui s’avère un élément important du bien-être psychologique. Peu de données épidémiologiques sont disponibles en ce qui a trait à l’estime de soi chez les adolescents. L’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011 de l’Institut de la Statistique du Québec rapporte que 24,2% des garçons et 15,3% des filles de 12 à 17 ans auraient une estime de soi élevée, mesurée à l’aide du Rosenberg Self-Esteem Scale (RSE Scale), sans différence significative entre les garçons et les filles. Parmi les jeunes ayant une faible estime de soi, les filles de 15 à 17 ans seraient plus nombreuses que les garçons à faire partie de ce groupe (23,6% vs 14,1%) (Camirand et al., 2012).

L’estime de soi et la sexualité chez les adolescents

L’estime de soi en lien avec l’implication dans les Rnr a été analysée chez des étudiants universitaires, mais pas chez les adolescents. Toutefois, plusieurs recherches longitudinales se sont intéressées à la relation avec les relations sexuelles en général chez ces derniers. Des différences entre les garçons et les filles sont rapportées. Il est toutefois difficile de tirer des conclusions convergentes de ces études, à savoir si c’est une estime de soi élevée ou faible qui est liée à une plus grande probabilité de s’engager dans une relation sexuelle.

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Certains auteurs affirment que les garçons âgés de 12 à 16 ans, inactifs sexuellement au début de l’étude, c’est-à-dire qui n’ont pas encore vécu leur première relation sexuelle, et qui présentent une estime de soi élevée seraient plus susceptibles de vivre leur première relation sexuelle au cours des 22 mois suivant le début de l’étude que les garçons présentant une faible estime de soi. Inversement, ce sont les filles du même âge, inactives sexuellement, et présentant une faible estime de soi qui seraient plus susceptibles de s’engager dans une première relation sexuelle que les filles présentant une estime de soi élevé (Spencer, Zimet, Aalsma, & Orr, 2002).

D’autres auteurs soutiennent une relation inverse, soit que ce sont plutôt les garçons ayant une faible estime de soi et les filles ayant une estime de soi élevée qui seraient plus susceptibles de s’impliquer dans un contact sexuel au cours des six mois suivant le début de l’étude (Ronis & O’Sullivan, 2011). Les jeunes pouvaient n’avoir jamais eu de contact sexuel au T1 et s’engager dans du sexe oral au Temps 2 (T2) ou s’être déjà engagés dans du sexe oral au T1 et avoir une relation sexuelle avec pénétration au T2. Ainsi, les résultats s’avèrent souvent contradictoires d’une étude à l’autre, et cela pourrait être dû aux différences quant à l’intervalle de temps mesuré entre les deux temps de mesure et aux expériences passées des jeunes interrogés.

Une autre enquête nationale représentative à deux temps de mesure auprès de 7 965 adolescents âgés de 12 à 17 ans qui n’avaient pas encore vécu leur première relation sexuelle arrive à des conclusions différentes selon le genre et l’âge (Longmore, Manning, Giordano, & Rudolph, 2004). En effet, une estime de soi élevée (RSE Scale) serait associée à l’implication dans une première relation sexuelle avec pénétration vaginale pour les garçons de 17 ans, mais pas pour les garçons plus jeunes (c.-à-d., 13 et 15 ans). Chez les filles de tout âge, il s’avère que, lorsque l’estime de soi et les symptômes dépressifs (CES-D) sont considérés simultanément dans les analyses, seul un taux élevé de symptômes dépressifs serait un facteur associé à l’implication. Plus précisément, les symptômes dépressifs chez les filles d’un plus jeune âge (soit 13 ans) seraient davantage associés à l’implication dans la première relation sexuelle que chez les filles d’un âge plus élevé (soit 15 ou 17 ans). Finalement, en ce qui a trait à l’effet de la première relation sexuelle sur l’estime de soi des jeunes, il semble qu’il n’y ait aucun changement entre le niveau d’estime de soi avant la première expérience (T1) et 22 mois après (T2) (Spencer et al., 2002). En somme, selon le groupe de comparaison (construit selon le statut sexuel des jeunes ou les gestes sexuels posés), l’intervalle de temps entre les mesures, le genre ou l’âge, les résultats des études sur l’estime de soi et la sexualité des adolescents sont différents.

L’estime de soi et les Rnr chez les jeunes adultes

En se référant à certaines données disponibles chez les jeunes adultes quant à la relation entre l’estime de soi et les Rnr, il apparait qu’une telle relation est tout aussi complexe que cela l’est pour la relation entre l’estime de soi et les relations sexuelles en général chez les adolescents. Étant donné l’absence de données sur l’estime

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de soi et les Rnr chez les adolescents, certains résultats chez les jeunes adultes peuvent aider à mieux réfléchir à ce lien.

De la même façon que l’association entre l’estime de soi et l’implication dans des relations sexuelles serait inverse selon le genre pour les adolescents, l’association entre l’estime de soi et les Rnr le serait également chez les jeunes adultes selon le genre. En effet, Fielder et al. (2013) ont affirmé qu’une estime de soi élevée (RSE Scale) chez les jeunes femmes était associée à l’implication dans moins de Rnr impliquant de faire du sexe oral. À l’inverse, les hommes qui ont une plus grande estime de soi (RSE Scale) tendent davantage à s’impliquer dans des Rnr, selon une enquête internationale regroupant 47 pays (N = 13 440, 18 à 45 ans) (Schmitt, 2005). Selon l’auteur, cela pourrait s’expliquer par les normes sociales du groupe. Par exemple, ceux qui ont une plus grande estime de soi seraient plus enclins à se comporter selon ce qui est valorisé. Toutefois, certaines études n’ont trouvé aucune association entre l’estime de soi et l’implication dans des Rnr tant chez les jeunes femmes que les jeunes hommes (Fielder & Carey, 2010a; Vrangalova, 2015a). En ce qui a trait au changement d’estime de soi à la suite d’une Rnr, Fielder et Carey (2010a) ont montré que l’implication dans des Rnr avait davantage de répercussions sur l’estime de soi des jeunes femmes que sur celle des jeunes hommes. Toutefois, il ne s’agissait pas tant du fait de s’impliquer ou non dans des Rnr qui influençait l’estime de soi, mais du degré d’intimité physique impliqué dans les Rnr. Les jeunes femmes qui s’étaient engagées dans une Rnr impliquant une pénétration vaginale ont présenté une estime de soi plus faible (RSE Scale) au cours des 10 semaines suivantes que celles qui s’étaient engagées dans une Rnr impliquant du sexe oral. À l’inverse, Vrangalova (2015a) a trouvé une baisse de l’estime de soi trois mois après une Rnr avec pénétration chez les hommes, mais pas chez les femmes. L’intervalle de temps était différent entre ces deux études, ce qui peut avoir contribué aux différences de résultats. Des études transversales ont d’ailleurs rapporté des résultats similaires, soit qu’un engagement dans une ASL est associé à une estime de soi plus faible (Bersamin et al., 2014; Paul et al., 2000). De tels résultats, tant auprès des adolescents que des jeunes adultes, soulignent l’importance de poursuivre l’analyse de l’estime de soi en lien avec les Rnr.

La consommation d’alcool et de drogues

La consommation d’alcool et de drogues chez les adolescents

Selon deux enquêtes québécoises (Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue, et le jeu chez les élèves

du secondaire-2013 et Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2010-2011. Le visage des jeunes d’aujourd’hui : leur santé physique et leurs habitudes de vie, Tome 1), plus de la moitié (57%-60%) des

adolescents de la première à la cinquième secondaire des écoles publiques et privées du Québec ont consommé de l’alcool au cours des 12 derniers mois (Cazale, 2014; Laprise, Gagnon, Leclerc, & Cazale 2012 respectivement). Un peu moins de la moitié (47%) a consommé de l’alcool à fréquence faible, c’est-à-dire une fois par mois ou moins (Cazale, 2014). Entre 10% (Cazale, 2014) à 15% (Laprise et al., 2012) en ont consommé

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à une fréquence régulière ou quotidienne, c’est-à-dire allant d’une fois par semaine à tous les jours. Il est à noter que depuis 2000, la proportion de jeunes ayant une telle consommation régulière ou quotidienne d’alcool a diminué de 20,3% à 10% (Cazale, 2014). Les garçons sont significativement plus nombreux que les filles à consommer de l’alcool de façon régulière ou quotidienne (10,8% vs 8,9% dans Cazale, 2014 et 16,7% vs 13,2% dans Laprise et al., 2012).

En ce qui concerne la consommation de drogues, les statistiques disponibles sur la proportion de jeunes en ayant consommé de façon régulière au cours de la vie s’élèvent à 10%, sans différence significative entre les garçons et les filles (Pica, 2014). L’Enquête québécoise sur la santé de la population-2008 rapporte que 34,5% des jeunes âgés de 15 à 24 ans ont consommé des drogues sur une période de 12 mois et que les garçons sont plus nombreux que les filles à en avoir consommé (39,8% vs 28,9%) (Cazale & Leclerc, 2008). La plus récente édition (2014-2015) de cette enquête a rapporté une augmentation, depuis 2008, de la proportion de jeunes de cette tranche d’âge à en avoir consommé sur une période de 12 mois, avec un pourcentage de 39,8% (Camirand et al., 2016). La consommation de trois types de drogues et plus est davantage documentée chez les 15-24 ans (16%) et les 25-44 ans (16%), et les garçons/hommes de 15 à 24 ans sont plus nombreux que les filles/femmes de cette tranche d’âge à consommer plus d’un type de drogues (Cazale & Leclerc, 2008). Toutefois, l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue, et le jeu chez les élèves du secondaire-2013 rapporte un pourcentage moins élevé de consommation de drogues au cours des 12 derniers mois que les

Enquêtes québécoises sur la santé de la population-2008 et 2014-2015, avec 24,1% des jeunes du secondaire.

Les garçons sont aussi documentés comme étant plus nombreux que les filles à avoir eu une telle consommation (25,7% vs 22,5%) (Pica, 2014). Le cannabis s’avère la drogue la plus consommée dans les trois enquêtes citées ci-haut (Camirand & Légaré, 2008; Camirand et al., 2016; Pica, 2014). La proportion de jeunes de 15 ans et plus en ayant consommé au cours des 12 derniers mois a augmenté de 12,2% à 15,2% de 2008 à 2015 (Camirand & Légaré, 2008; Camirand et al., 2016). En 2013, un pourcentage de 23% de jeunes de 13 à 18 ans en ayant consommé au cours des 12 derniers mois a aussi été rapporté (Pica, 2014).

La consommation d’alcool et de drogues et les Rnr chez les adolescents

La consommation d’alcool et de drogues est importante à prendre en compte dans une étude portant sur le bien-être psychologique, car elle a été associée à plusieurs indicateurs de santé mentale, tels que la dépression, les idéations suicidaires et les tentatives de suicide chez les adolescents (Hallfors et al., 2004; Schulte & Hser, 2014), de même qu’à un plus grand nombre de partenaires sexuels, soit romantiques ou non-romantiques (p.ex., Dogan, Stockdale, Widaman, & Conger, 2010; Lavikainen, Lintonen, & Kosunen, 2009; Solorio et al., 2008). De plus, la consommation d’alcool a été documentée comme un des prédicteurs les plus forts de Rnr chez les jeunes adultes (Claxton et al., 2015) et a été associée à un plus grand engagement dans des Rnr au début de l’âge adulte chez des adolescents (Johnson 2013; Johnson & Chen, 2014).

Références

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