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Chapitre IV : Conclusion générale

2. Avenues de compréhension sur les différences de genre

Une avenue d’interprétation intéressante pour expliquer un bien-être psychologique plus faible chez les filles que chez les garçons prend racine dans les notions de normes individualistes inhérentes aux Rnr et d’inégalité entre les genres (Lovejoy, 2015). Les normes individualistes réfèrent au fait que les protagonistes d’une Rnr se concentreraient davantage sur leurs propres besoins et ne se sentiraient pas toujours responsables du vécu de leur partenaire sexuel non-romantique. Ainsi, les partenaires ne sentiraient pas qu’ils doivent nécessairement communiquer leurs sentiments ou leurs attentes ni se soucier des sentiments ou des attentes de l’autre. Le caractère dépourvu d’engagement d’une Rnr contribue à cette orientation individualiste. Ces normes individualistes concourraient à la confusion parfois présente chez les filles quant à la nature de la Rnr qu’elles entretiennent ; elles ne savent pas si les sentiments plus profonds qu’elles ressentent sont partagés ou non. Par ailleurs, certains garçons pourraient tirer avantage des sentiments amoureux de leur partenaire sexuelle féminine dans le but d’avoir des contacts sexuels (Lovejoy, 2015; Rosenthal, Gifford, Moore, 1998). Dans un tel cas, les filles peuvent se sentir utilisées aux fins sexuelles des garçons (Paul & Hayes, 2002) et être blessées. Néanmoins, les garçons peuvent aussi rechercher à travers les Rnr une connexion émotionnelle (Tolman, Striepe, & Harmon, 2003).

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En outre, l’inégalité entre les genres pourrait contribuer aux conséquences négatives des Rnr chez les filles. Lorsqu’il est question d’inégalité entre les genres, il n’est pas sans rappeler la notion du double standard, particulièrement en ce qui concerne les comportements sexuels. Cette notion stipule que les filles sont plus sévèrement critiquées pour un même comportement sexuel que les garçons (Crawford & Popp, 2003). Les Rnr ne font pas figure d’exception. Ainsi, les garçons peuvent bénéficier d’une hausse de leur statut social en s’engageant dans des Rnr, alors que les filles peuvent être stigmatisées, vivre du rejet social, du regret et de la honte à la suite d’une telle expérience (Eshbaugh & Gute, 2008; Napper et al., 2016). En raison du double standard, la consommation d’alcool et de drogues peut aussi aider les filles à faire des avances à des partenaires sexuels potentiels en diminuant les risques qu’elles soient critiquées. En effet, les filles peuvent utiliser la consommation comme excuse pour légitimer des contacts sexuels non-romantiques et éviter de subir les jugements négatifs des autres (Kalish & Kimmel, 2011).

Les recherches féministes stipulent que les normes sexistes et patriarcales, qui contribuent à encourager les filles à rester vierges le plus longtemps possibles, à ne pas déroger d’une sexualité dite normative (c.-à-d., celle faite dans une relation amoureuse exclusive), et à contrôler les désirs sexuels des hommes (Lang, 2011), pourraient faire en sorte que les filles s’engagent dans des Rnr en n’assumant pas totalement ce choix ni leurs désirs sexuels. La crainte de se voir attribuer une étiquette négative ferait en sorte qu’elles n’endossent pas la responsabilité de leurs comportements sexuels. Elles peuvent affirmer que « c’est juste arrivé » lorsqu’elles font référence à une Rnr, afin de ne pas attribuer leurs comportements sexuels à leurs désirs personnels (Gilmartin, 2006). Puisqu’il serait considéré comme inapproprié pour une fille d’avoir certaines envies sexuelles, comme des Rnr, elles pourraient vivre de l’ambivalence et des remords à la suite d’une expérience sexuelle (Lang, 2011). Les normes sexistes pourraient nuire à la prise de contrôle des filles sur leur sexualité et au plaisir qu’elles peuvent retirer (Kalish & Kimmel, 2011).

Les recherches féministes ont proposé le construit d’« agentivité sexuelle » pour décrire cette notion d’être responsable et en contrôle de ses décisions, lesquelles sont en accord avec ses désirs personnels et non- dictées par des pressions externes (Lang, 2011). Bien que ce construit n’ait pas été mesuré dans la présente étude, certaines filles pourraient s’adonner à des Rnr en prétendant être « agentes » de leur sexualité, mais les normes sexistes et patriarcales pourraient faire en sorte qu’elles adoptent des comportements sexuels qui vont davantage dans le sens de l’apparence physique ou de la désirabilité au profit des besoins des hommes. Elles se concentreraient ainsi davantage sur le plaisir sexuel et les besoins de leurs partenaires, alors que ces derniers seraient moins préoccupés par les besoins de celles-ci. Les filles seraient alors moins satisfaites de leurs relations sexuelles et pourraient se sentir moins à l’aise d’exprimer leurs désirs sexuels et moins en confiance que leurs limites soient respectées (p.ex., Armstrong, England, & Forgaty, 2012).

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En se concentrant davantage sur leur potentiel à procurer du plaisir à leurs partenaires, les filles peuvent en venir à s’auto-objectifier. L’auto-objectification est un concept qui réfère à s’évaluer ou à évaluer les autres en fonction de leur attrait sexuel, en se concentrant sur l’apparence physique et les compétences à donner du plaisir sexuel (APA, 2007). Il a été associé à de nombreuses conséquences : une agentivité sexuelle moindre et une communication moindre avec le partenaire sexuel (Heldman & Wade, 2010), la honte de son propre corps, des troubles de conduites alimentaires, une faible estime de soi, la dépression et des dysfonctions sexuelles (APA, 2007).

En somme, la combinaison entre les normes individualistes et l’inégalité entre les genres, de même que les normes sexistes découlant de cette inégalité qui amènent les filles à se détourner de leurs besoins sexuels ou affectifs, et l’auto-objectification sont des avenues possibles pouvant expliquer un bien-être psychologique plus faible chez les filles que chez les garçons en lien avec les Rnr.

3. Différences selon les amitiés avec bénéfices et les aventures sans

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