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Spécialisation et commerce dans les Guyanes amérindiennes

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Academic year: 2021

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Spécialisation des tâches e t sociétés

Spécialisation e t commerce

dans

les

Guyanes

Stéphen Rostain (UMR 8096 - Archéologie des Amériques)

Au sein d e la plus vaste forêt tropicale hum ide d u M onde, entre l'A m a zo n e e t l'O rén oque, les Guyanes constituent un ensemble géograp hique e t culturel h o m ogèn e en partie distinct du reste d e l'Amazonie. Dans c e tte entité d e I 800 000 km2, on distingue deux environnements principaux : la forêt inter-fluviale d e l'in té rie u r e t la basse p la in e m arécageuse littorale. Ces milieux contrastés o n t conditionné d e m anière différente l'im plantation e t les m odes vie des populations amérindiennes.

À la différence d e l'ethnologie, l'arch éologie d e m e u re e n c o re trop em bryonna ire dans les Guyanes. L'ethnohistoire fournit d e nombreuses indications sur la prod u ctio n spécialisée d e certains groupes e t le dynamisme des réseaux d 'é c h a n g e am érindien depuis la c o n q u ê te européenne. L'archéologie reco u p e parfois ces informations e t p e rm e t d e re connaître certains degrés d e spécialisation e t des m odalités d 'é c h a n g e à l'é p o q u e précolom bienne.

Spécialisation et échanges dans les Guyanes

L'e thnologie am azonienne a fré q u e m m e n t montré q u e des groupes se spécialisaient souvent dans l'extraction e t la diffusion d e matières premières spécifiques, la chasse et la pêche, ou la m anufacture d e certains objets. Dans les Guyanes, ch a q u e tribu é ta it ré p u té e pour certains produits q u 'e lle commercialise. Par exemple, les différents groupes karib du plateau central des Guyanes avaient, e t ont parfois encore, des productions complémentaires, qu'ils s'é ch a n g e a ie n t m utuellem ent dans un réseau généralisé d e contacts com m erciaux. L'analyse des archives indique que la spécialisation des groupes amérindiens é taient encore plus m arquée autrefois.

Dans les plaines alluviales du bassin de l'Amazone, sur la frange orientale des Guyanes, les premiers explorateurs découvrirent des chefferies et des tribus spécialisées qui d é p e n d a ie n t les unes des autres pour les produits de première nécessité :

Des groupes de pêcheurs constituaient des stocks d e poisson séché qu'ils é ch a n g e a ie n t a vec les populations d e l'intérieur.

Les C aripuna e t les Zurina sculptaient des bancs destinés au troc.

Les C arabayan a extrayaient du sel de cendres végétales.

Les Aruaqui, les Tapajo e t les Trombeta é ch a n g e a ie n t leurs céram iques contre du coton, du fil, du ta b a c et du maïs,

Les Aiçuares produisaient égalem en t d e la céram ique e t cultivaient du co to n pour d'autres groupes.

Certains étaient spécialisés dans le com m erce e t servaient d'interm édiaires dans les échanges. Dans le bassin de l'Am azone, e t depuis près de trois millénaires avant notre ère, existait un com m erce de g ra n d e d istance qui p o u v a it s'é te n d re sur près

2000

km.

De 600 à 1500 ans apr. J.-C., la cô te des Guyanes d e l'O rén oque à l'Ile d e C ayenne fut o c c u p é e par des sociétés issues du foyer culturel Arauquinoïde du m oyen Orénoque. Il semble que ch a q u e culture d e c e t ensemble s'était spécialisée dans certains dom aines c o m m e l'agriculture, l'artisanat ou encore la spiritualité.

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Stephen Rostain

Les gisements d e roche sont très rares dans les Guyanes e t pratiquem e nt inexistants sur le littoral. Au Surinam, des groupes o c c u p a n t les alentours du massif d e B row nsberg-A fobaka utilisaient des carrières pour se spécialiser dans la fa b rica tio n d'outils de pierre e t fournissaient les com m unautés côtières. Sur la c ô te centrale, le groupes d e culture Kwatta réceptionn aient ces artefacts en éch a n g e d 'a u tre biens a v a n t de les diffuser à leurs voisins à l'est e t à l'ouest. Dans les marais d e la c ô te o ccidenta le, les habitants des monticules artificiels d e terre de culture Hertenrits devaien t remonter le fleuve Nickerie sur 225 km afin d e se procurer les norites et les granulites nécessaires à la confection de leurs meules, d e leurs m olettes ou d e leurs percuteurs. Un m ythe des Lokono du Pomeroon raconte le long e t périlleux v o ya g e qu'il fallait effectuer pour se procurer des haches de pierre auprès des « hommes

d e pierre » d e l'intérieur.

Du d e lta d e l'O ré n o q u e jusqu'à l'île d e Cayenne, les groupes d e tradition Arauquinoïde construisirent des milliers d e cham ps surélevés afin de cultiver dans les aires inondées. L'édification et la mise en culture d e cham ps drainés nécessitait un im portant investissement d e temps, m êm e pour des com m unautés denses. Ce travail s'e ffe ctu a n t donc aux dépens d'autres activités, il pouvait devenir nécessaire d e co m p a rtim e n te r l'ensem ble de la co m m unauté en unités auxquelles étaient dévolues des a ctivité s spécifiques. Les com m unauté s se spécialisaient ainsi e t s'organisaient selon un système d 'e n tra id e perm anente.

Production et éch an g e de pendentifs de pierre verte

Les pendentifs biom orphes en pierre verfe a p p e lé s m uiraquitàs sont signalés dans to u te l'A m azo nie e t les Antilles, Ces ornem ents représentent en grande majorité des grenouilles et, plus rarement, des oiseaux (vautours), des poissons, des tortues, des anim aux non identifiés, des personnages ou des figures géométriques. Ce peut être ég a le m e n t d e simples perles ou des lames d e h a c h e miniatures. Ils é ta ie n t tous percés transversalement à l'arrière ou sur le cô té d e fa ço n à être passés dans un lacet.

D 'après les tém oignag es amérindiens, ces pierres vertes a u ra ie n t é té éch a n g é e s a v e c le « peuple des Amazones » contre des plumes colorées d e perroquets e t d'aras, attributs ty p iq u e m e n t masculins dans les sociétés amazoniennes. Les pierres vertes sont des parures féminines e t les symboles des mythes qui s'y ra tta c h e n t o n t une co n n o ta tio n

fém inine : eau, lac, mollesse, couleur verte, obscurité (nuit), a n a c o n d a , lune, ainsi q u e les anim aux représentés (grenouille, lézard, poisson). Les « femmes

sans hommes » les fa ço n n a ie n t a v e c la vase d 'u n lac

qui a cq u é ra it la dureté d e la pierre au c o n ta c t de l'air.

La production e t le co m m e rce des pierres vertes déb u tè re n t au moins au d é b u t d e notre ère et se poursuivirent jusqu'aux débuts d e la colonisation. À la lecture des textes d'archive, il ressort clairem ent que les muiraquitàs constituaient le principal moyen d 'é c h a n g e cérém oniel intra- e t interethnique au sein des Guyanes, e t m êm e au delà. Des échanges ava ie n t ainsi lieu entre les chefs d e tribu, pour des transactions d e m ariage ou de paix par exemple, les pierres vertes p re n a n t dès lors une va le u r d e monnaie.

Les pierres des Amazones se retrouvent dans to u te la région nord d e l'Am érique du Sud e t dans les Antilles. Trois aires d'ateliers d e m anufacture d e pierre verte sont connues : dans le bas Amazone, sur la cô te centrale du Surinam e t dans le nord des Petites Antilles.

Le plus ancien centre d e production d ébute d u ra n t l'o c c u p a tio n S aladoïde dans les Petites Antilles. Les trois ateliers d e Vieques, d e Sainte-Croix e t de Montserrat produisaient alors des pendentifs principalem ent en serpentine e t d e diverses pierres semi-précieuses.

Un peu plus ta rd iv e m e n t c o m m e n ç a it la p ro d u c tio n am azonien ne en aval des rivières N h am undâ e t Trombetas, affluents g a u ch e s de l'Am azone. Les ateliers sont ici associés à la tradition Incisée-et-P onctuée (p e n d a n t am azonien d e la tradition Arauquinoïde d e l'O rénoque. Les roches utilisées étaient le plus souvent la néphrite, e t plus rarem ent la stéatite, la quartzite, le granite ou le grès.

L'atelier surinamien d e pierres vertes d e culture Kwatta, associé à la tradition Arauquinoïde, débuta vers 600 apr. J.-C. Elles sont principalem ent faites dans des roches locales provenant d e l'intérieur, surtout la rhyolite, e t dans une moindre mesure la néphrite, la trémolite, le quartz, le m étabasalte e t la latérite. C'est sans d oute ici que l'on peu reconnaître les indices les plus probants d e spécialisation. En effet, c h a q u e g ro u p e A rauquin oïde des G uyanes a eu des productions particulières qu'il é c h a n g e a it a v e c leurs voisins. À l'ouest la culture Hertenrits faisait figure de leader politique e t religieux, au centre les Kwatta fabriquaient des objets d e prestige tandis q u 'à l'est les Barbakoeba se consacraient essentiellement à

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Spécialisation des tâches e t sociétés

l'a g ric u ltu re sur cham ps surélevés. Les K w atta é ch a n g e a ie n t leurs pierres vertes a v e c leur voisins directs e t les exportaient plus loin, jusqu'à l'île de Marajo dans l'em bouchure d e l'Am azone.

La m anufacture des m uiraquitàs é taient d o n c co n ce n tré e dans d e rares centres d e production très localisés. Leur fa b ric a tio n e t leur circ u la tio n se d é v e lo p p a n o ta b le m e n t à l'é p o q u e des m ouvements Arauquinoïde en Amazonie, c'est-à- dire d e 500 à 1600 ans de notre ère, tandis qu'elles é ta ie n t d é jà présentes dans les Antilles depuis quelques siècles.

Conclusion

Le m o rc e la g e linguistique des cartes ethnologiques masque l'im p o rta n ce des relations inter-tribales d 'u n e Am azonie bien plus p euplé e durant l'é p o q u e précolom bienne q u 'e lle ne l'est qu'aujourd'hui. Les com m unautés vivaient dans un réseau d 'é c h a n g e e t selon un système de spécialisations inter-dépendantes, c e qui a favorisé le regroupem ent des tribus dans les missions du XVIIIe siècle.

Textes d'archives, études ethnologiques e t données a rchéolog iques se re jo ig n e n t ici pour reconstituer l'im a g e a n c ie n n e d e sociétés am érindiennes reposant sur un système d e com plém entarité économ iqu e e t d e spécialisation m ulti-ethnique au sein d 'u n large réseau fluctuant d 'é ch a n g e s régionaux et supra-régionaux.

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