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La religion, levier de modernisation politique ? Les fondements confessionnels de la démocratie-chrétienne allemande

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Pierre Baudry, EPHE/CNRS, Université de Bourgogne © 2021

A faire :

- épreuves.

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Leur calibrage sera d’environ 50 000 signes (9 000 mots) espaces et notes comprises.

La religion, levier de modernisation politique ? Les

fondements confessionnels de la démocratie-chrétienne

allemande

Les partis démocrates-chrétiens représentent aussi un objet central pour l’étude de l’histoire des partis politiques européens et pour la théorie des clivages politiques. L’apparition des partis démocrates-chrétiens en Europe de l’Ouest a marqué une transformation réelle après la Seconde Guerre mondiale. Mais ni la Democrazia Cristiania italienne, le Parti démocrate-chrétien suisse (PDC), le CDA néerlandais

(Christen-Democratisch Appèl) ni le MRP français (Mouvement républicain populaire) n’ont eu une

capacité à se maintenir au pouvoir aussi longtemps que les démocrates-chrétiens allemands. La CDU/CSU (christlich demokratische Union, christlich-soziale Union) représente1 un en effet des partis les particulièrement institutionnalisés et puissants du paysage politique européen. Cinq chanceliers allemands ont appartenu à la CDU/CSU depuis 1945 (Adenauer, Erhard, Kiesinger, Kohl, Merkel) et les démocrates-chrétiens ont été ma force dominante au sein du gouvernement fédéral depuis 1949. Leur influence sur la politique étrangère de la RFA par leur attachement à la fois à l’alliance américaine et à la construction européenne, leur souplesse idéologique au plan interne leur a permis de s’allier avec tous les partis au niveau des Länder ou fédéral – sauf avec l’extrême droite et l’extrême gauche. La puissance et la stabilité de la CDU/CSU ressort d’autant plus si on les compare à d’autres partis conservateurs européens. On peut en effet affirmer que ni les différents partis gaullistes et post-gaullistes en France ni les Tories au Royaume-Uni ni les républicains américains n’ont connu un niveau d’institutionnalisation partisane, des succès électoraux et une continuité au pouvoir comparables depuis 1945 comparable à celui de la CDU/CSU.

Or, la stabilité du modèle démocrate-chrétien ne va pas de soi. Le déclin des partis traditionnels touche l’Allemagne comme la France ou l’Italie. Les effets de la mondialisation, la montée en puissance de nouveaux clivages, le recul des idéologies traditionnels – « gauche », « droite » - font que le succès durable de la CDU/CSU mérite d’être étudié. Afin d’aborder cette question, nous voulons revenir à l’apparent paradoxe qui sous-tent l’existence même de partis démocrates-chrétiens. Ces partis sont d’une part des mouvements politiques qui défendent une idéologique, cherchent à s’imposer dans la compétition électorale et

1 La CDU et la CSU sont en réalité deux partis politiques distincts : le premier participe aux élections dans

l’ensemble des Länder sauf en Bavière réservée à la CSU. Néanmoins, ces partis gouvernant ensemble au plan fédéral, nous parlerons de la CDU/CSU ici au singulier.

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mènent des politiques publiques et votent des lois quand ils sont au gouvernement. D’autre part, la CDU/CSU sont des partis chrétiens. Le « C » - pour chrétien – dans leur nom montre bien leur identité spécifique et leur positionnement singulier dans le champ politique. La question suivante – ou plutôt l’apparente énigme – doit être posée : comment un parti qui a une base chrétienne a-t-il pu devenir le parti dominant dans un Etat moderne et sécularisé comme l’Allemagne ? Comment expliquer que la laïcisation entendue au sens le plus large comme création d’un ordre politique dont la légitimité vient uniquement de normes profanes ait pu être compatible avec l’apparition d’un parti démocrate-chrétien qui, de plus, est un des plus stables d’Europe ? Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen exposent ainsi le dilemme auxquels sont confrontrés tous les partis démocrates-chrétiens :

« D’où la question : soit le profil religieux des partis démocrates-chrétiens contemporains est sans réalité auquel cas il faut expliquer la persistance de cette étiquette dans un cadre largement sécularisé ; ou il est réel, auquel cas il semble irrationnel, car il réduit l’attrait électoral de ces partis2. »

Afin de comprendre les raisons du succès du modèle démocrate-chrétien dont l’importance est toujours réelle encore aujourd’hui dans plusieurs pays européens (Pays-Bas, Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche, Suisse, Lichtenstein), nous voudrions développer l’esquisse d’une théorie de la démocratie-chrétienne. Or, la définition même du concept de démocratie-chrétienne comme organisation partisane est tout sauf évident. Comme l’écrivent Steven Van Hecke et E. Gerard « (Christian-democracy) “ is as much under-researched as

lacking in theoretical elaboration3.”

L’hypothèse comme nous avançons ici est qu’on peut définir la CDU/CSU comme un parti attrape-tout (catch-all party), mais un parti attrape-tout à base confessionnelle. Le christianisme a ainsi servi de base à ces partis car il a fourni un appui sociologique relativement stable depuis 19494. Néanmoins, c’est un christianisme modernisé dont il s’agit car il combine deux évolutions centrales. Premièrement, il a évolué car il a intégré des modèles organisationnels modernes (partis politiques, syndicats, presse), il a accepté les principes de la démocratie moderne de manière définitive après la Seconde Guerre mondiale et parce qu’il s’est ouvert au principe de l’œcuménisme. Deuxièmement principe de modernisation : la capacité à s’approprier l’Etat moderne comme appareil de pouvoir. Alors que l’Etat moderne s’était affirmé depuis la Révolution française contre la religion et en particulier le catholicisme, la démocratie-chrétienne a réussi à prendre possession des rougaes de pouvoir au sein d’un Etat allemand affaibli après 1945. La CDU/CSU a pu alors s’établir comme un office-seeking party, mettre en place des politiques publiques spécifiques en particulier dans le domaine social et influé en profondeur la position de l’Allemagne sur la scène internationale.

Notre contribution à la recherche consiste en une réflexion sur les rapports entre Etat, parti politique et religion. Tout en partant de l’hypothèse d’une laïcisation croissance des institutions politiques, nous voulons montrer comment le christianisme conservateur des partis démocrates-chrétiens allemands a permi l’émergence d’une médiation politique spécifique qui associe chrétiens pratiquants, électeurs « centristes », une classe politique pragmatique et un ensemble vaste d’électeurs qui rejetaient l’URSS et votaient pour le « parti de l’ordre ». Nous nous proposons ainsi de revenir sur l’idée classique des partis politiques comme médiateurs entre la « société » et l’« Etat ».

2 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », Annual Review of Political Science, mai

2010, vol. 13, no 1, p. 183-209., p. 188.

3 Steven Van Hecke et E. Gerard, Christian democratic parties in Europe since the end of the Cold War, Leuven,

Leuven University Press, 2004, 343 p., p. 10

4 Dans ce qui suit, nous étudions la CDU/CSU à son “sommet” c’est-à-dire essentiellement durant la période qui

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Dans un premier temps, nous esquissons une théorie de la démocratie-chrétienne en partant de l’idée qu’elle constitue une réponse spécifique et fondée sur la religion aux défis de l’ « individualisme » moderne et qui consiste à créer une organisation politique pour refonder une société « menacée » par la perte des valeurs communautaires et conservatrices. Dans une seconde partie, nous opérationnalisons cette idée en montrant que la CDU/CSU sont historiquement un parti dont le cœur électoral se trouvent chez les chrétiens pratiquants, mais que cette mobilisation par une forme d’organisation spécifique à l’après-guerre : les partis attrape-tout et les Volksparteien, modèle spécifique que nous explorons ensemble.

1 La CDU/CSU, des partis de gouvernement qui dominent

la politique de la RFA après Guerre…

1.1 Approches de la notion de démocratie-chrétienne

Sous quel angle doit-on aborder la démocratie-chrétienne ? Comment proposer une véritable théorie de la démocratie-chrétienne qui pense sa spécificité5 ? Nous esquisserons ici quelques pistes en nous appuyant sur la littérature existante sur la démocratie-chrétienne.

Faut-il définir la démocratie-chrétienne en étudiant ses idées fondamentales ? Carlo Invernizzi Accetti avance ainsi qu’il n’existe aucune étude idéationnelle systématique de la démocratie-chrétienne et que les approches empiriques sur les partis politiques démocrates-chrétiens et sur l’histoire de ces mouvements dominent6. On pourrait ici rappeler l’importance des concepts venant de la doctrine sociale de l’Eglise catholique et de l’éthique sociale protestante : subsidiarité, personnalisme, solidarité, charité. Or, tous ces concepts contribuent en effet à caractériser le substrat idéologique de la démocratie-allemande, mais ils ne permettent pas d’appréhender la spécificité de ce mouvement comme organisation politique.

Doit-on préférer alors une approche en terme d’organisation partisane ? On doit rappeler ici que la littérature secondaire voit dans la démocratie-chrétienne un parti attrape-tout interclassiste, à la fois office- et vote-seeking7. Kalyvas et van Kersbergen avancent ceci sur la démocratie-chrétienne :

« De manière générale, on peut considérer que le phénomène de la démocratie chrétienne peut être repose sur deux piliers : une capacité accrue des partis démocrates-chrétiens à accueillir des groupes et des secteurs hétérogènes, ce qui a donné naissance à un profil « attrape-tout » précoce et prononcé ; et une capacité créative à la fois à conserver et à atténuer leur identité religieuse, qui était une caractéristique essentielle de leur formation8. »

Une autre approche souvent négligée consiste à se pencher sur le rôle des partis démocrates-chrétiens dans la mise en place des politiques publiques en particulier dans le domaine social et de l’Etat-providence9. Les travaux comparatiste de Esping-Andersen sur les différentes formes d’Etat-providence amènent ainsi à distinguer entre l’Etat-providence

5 Jean-Dominique Durand, L’Europe de la Démocratie chrétienne, Bruxelles, Editions Complexe, 1995, 382 p. 6 Carlo Invernizzi Accetti, What is Christian Democracy?: Politics, Religion and Ideology, 1re éd., Cambridge

University Press, 2019, 401 p., p. 4 sqq.

Voir aussi Hans Zehetmair, Philipp W. Hildmann, et Hanns Seidel Stiftung, Politik aus christlicher

Verantwortung, 1. Aufl., Wiesbaden, VS, Verl. für Sozialwiss, 2007, 309 p.

7 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », Annual Review of Political Science, mai

2010, vol. 13, no 1, p. 183-209., p. 191.

8 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », ibidem, p. 197.

9 Sur la politique sociale de la CDU/CSU dans le domaine familiale voir : Pierre Baudry, « La CDU/CSU sous

Merkel, des partis en phase de modernisation ? Les conservateurs allemands, la politique familiale et les enjeux de genre », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 30 juin 2018, vol. 50, no 1, p. 131-143.

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conservateur et l’Etat-providence social-démocrate10. L’Etat-providence conservateur est proche du modèle défendu par la CDU/CSU. Il est centré sur les cotisations sociales prélevées sur le salaire, il est corporatiste, peu redistributif et fondé sur une vision traditionnelle de la famille avec l’homme comme principal source de revenu du foyer. En revanche, l’Etat-providence social-démocrate repose sur l’impôt, il est redistributif, universel, il vise à accompagner les individus dans l’ensemble de leur existence et pas uniquement au travers de l’assurance-chômage et de la retraite et l’émancipation et le travail des femmes est encouragé par une politique familiale généreuse. Or, la démocratie-chrétienne et en particulier la CDU/CSU ont développé un type d’Etat-providence spécifique qui privilégie la famille patriarchale, une politique de redistribution prudente, la garantie des retraites – afin d’avantager un électorat à la fois conservateur et âgé11.

Sans rejeter ces différentes approches sur lesquelles nous nous baserons pour définir la démocratie-chrétienne et pour mieux comprendre ses évolutions depuis les années 1990. Néanmoins, à la suite de ces travaux12 qui ont développé les définitions de la chrétienne les plus abouties à ce jour, nous voudrions proposer une théorie de la démocratie-chrétienne afin de rendre compte de la singularité de ce mouvement dont nous avons souligné l’importance à l’exemple de la CDU/CSU allemande. Pour définir la démocratie-chrétienne, nous voudrions partir de la tension inhérente entre la modernité comme âge de basculement d’une époque une époque d’autonomie et la religion comme soumission à un orde hétéronome. Or, en raison de sa prétention à être fondée sur une « vérité » transcendante, la religion et en particulier le christianisme ont dû répondre à ce défi.

1.2 La démocratie-chrétienne, une réponse confessionnelle aux

changements de la modernité

Philippe Portier expose ainsi ce basculement sur lequel la sociologie des religions et la théorie politique apportent des éclairages précieux pour la science politique et les études germaniques :

« Un ordre inédit s’instaure quelque part autour de 1700. Le monde occidental répudie l’ascendant de la foi pour laisser place à une politique de l’immanence : le pouvoir gouvernemental se replie alors sur ses seules raisons (…) L’âge ancien fixait le gouvernement dans l’hétéronomie : résultante de la providence divine, ce qu’illustrait partout la cérémonie du sacre, il avait pour mission d’entraîner les êtres sur le chemin de la bona vita, et du salut. L’âge moderne l’établit sur un plan d’horizontalité : fruit maintenant d’un pacte humain, le politique se met au service de l’autonomie de ses sujets, en leur permettant de faire valoir, dans la paix que nécessite la vie sociale, leur propre idée de la delightful life13. »

Or, l’enjeu pour l’Eglise catholique qui est à l’inspiratrice en Allemagne du premier mouvement politique chrétien organisé sous la forme d’un parti politique est de répondre à ce défi. Ceci aménera à la création du parti catholique, le Zentrum fondé en 1870, mais cela vaut aussi pour le protestantisme conservateur allemand14.

10 Gøsta Esping-Andersen, The three worlds of welfare capitalism, Cambridge, UK, Polity Press, 1990, 248 p. 11 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », Annual Review of Political Science, mai

2010, vol. 13, no 1, p. 183-209., p. 197 sq.

12 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », ibidem, p. 183-209 ; Carlo Invernizzi

Accetti, What is Christian Democracy?: Politics, Religion and Ideology, 1re éd., Cambridge University Press,

2019, 401 p.

13 Philippe Portier, « Philosophie, politique et religion: Une exploration des paradigmes contemporains », Archives de sciences sociales des religions, 5 juin 2015, no 169, p. 263-284., p. 263.

14 Albrecht Langner, Katholische und evangelische Sozialethik im 19. und 20. Jahrhundert: Beiträge zu ideengeschichtlichen Entwicklungen im Spannungsfeld von Konfession, Politik und Ökumene, Paderborn,

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Nous voyons ainsi dans la démocratie-chrétienne une réponse au défi de la modernité qui consiste à concilier deux principes apparement opposés l’un à l’autre : la modernité

démocratique libérale et technique d’une part et la religion comme source d’une éthique et d’une vérité transcendante d’autre part. En d’autres termes, la démocratie-chrétienne ne se

laisse pas réduire à une certaine définition substantialiste et elle n’est pas non plus une simple étiquette sans contenu fixe, mais elle correspond à une réponse éthique, sociologique, politique à un problème de nature politique voire métaphysique. Comment affirmer une « vérité » chrétienne dans un monde qui se sécularise ? Comment penser la légitimité sur le plan social d’une parole qui se réfère à une inspiration divine à l’époque de la science et de l’émancipation individuelle ?

Pour répondre à ce problème, les penseurs conservateurs catholiques et protestants du XIXème siècle ont conçu une philosophie critique de la modernité qui partage des éléments communs avec Joseph de Maistre, Edmund Burke et avec les romantiques allemands conservateurs (Görres). Mais sous l’impulsion de la doctrine sociale de l’Eglise catholiques théorisée à partir du pape Léon XIII et du projet d’encadrement de la société par des organisations catholiques les catholiques allemands se sont rassemblés autour du Zentrum comme organisation politique transclassiste. Les catholiques allemands se sont emparés des outils de la modernité en termes d’encadrement, d’organisations militants, religieuses, éducatives, caritatives15 pour répondre au défi de la modernité : presse, organisation de jeune, syndicats confessionnels, école privée. Cette mobilisation politico-sociale constitue un point de bascule entre pratique religieuse d’une part et l’engagement politique d’autre part. Le

Zentrum qui voit alors le jour et qui est l’ancêtre de la CDU/CSU s’inscrit dans ce mouvement

plus vaste d’encadrement, de mobilisation sociale et de développement d’initiative sociale. L’Eglise catholique, mais aussi les Eglises protestantes, se sont alors appuyées sur les leviers d’organisation moderne afin à la fois d’effectuer un travail de mission, de prédication et d’action sociale, mais dans un contexte social renouvelé au travers des outils de communication et d’engagement collectif propre à la modernité.

Mais quel est le lien entre le fait sociologique de créer un parti politique d’un côté et le christianisme comme idéologie d’un autre côté ?

Le point commun tient aux notions d’individu et de communauté. Rompant avec les traditions et toute forme de fondation hétéronome de l’Etat, la modernité a imposé la notion de contrat social comme fiction juridique fondamentale qui fait des sociétés des artefacts qui résultent de la volonté humaine. Les individus selon cette théorie auraient volontairement souscrit au projet d’une vie en commun, mais essentiellement par intérêt bien entendu. L’Etat n’aurait donc plus comme responsabilité que d’assurer la sécurité des individus, mais en respectant leurs droits fondamentaux et les droits de l’homme. Pour répondre à ce défi contractualiste qui réduit la communauté à un simple acte de volonté, les papes et philosophes conservateurs vont dès le XVIIIème et XIXème siècle développer des réponses alternatives. Joseph de Maistre, Edmund Burke, mais aussi le pape Pie VI, pape pendant la Révolution française, vont contester la philosophie des droits de l’homme, exalter la tradition et l’héritage des pères (Burke), honnir la révolte des hommes modernes contre le pouvoir monarchique d’origine divine (Maistre), défendre les droits de la religion et de l’Eglise (le Magistère catholique), mais auront en commun de rejeter tout esprit de « table rase », l’individualisme et le « subjectivisme » politique et social moderne. Cette idéologie nourrit le projet social d’encadrement de l’Eglise qui aboutira au catholicisme social du dernier tiers du XIXème siècle et qui amenera l’Eglise à développer en plus des traditionnelles institutions d’enseignement, de charité et médicale des syndicats chrétiens, une presse chrétienne et un

15 Catherine Maurer, La ville charitable: les œuvres sociales catholiques en France et en Allemagne aux XIXe siècle, Paris, Cerf, 2012, 411 p. ; Catherine Maurer, Le modèle allemand de la charité: La Caritas de Guillaume II à Hitler, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1999, 358 p.

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parti catholique, le Zentrum. Dans le cas du protestantisme conservateur, il est traversé à la même époque par la volonté de contester les aspects négatifs de la modernité, récusent la sociale-démocratique allemande et ils soutiennent la monarchie protestante conservatrice prussienne.

Cette volonté de répondre à la modernité comme moment de « révolte » et de contestation « individualiste » par un projet collectif et de rassemblement au sein d’une organisation politique commune se retrouve jusqu’au XXème siècle lors de la naissance de la CDU/CSU comme partis interconfessionnels, anticommunistes et conservateurs. Afin de donner une définition du christianisme politique comme projet partisan, nous dirions alors qu’il constitue une réponse idéologique structurée autour d’une organisation formelle afin de refonder la société autour des communautés naturelles – famille, entreprise, nation, religion – afin de fonder un ordre social et international harmonieux fondé en dernière instance sur Dieu.

Nous appelons ainsi démocratie-chrétienne une idéologie politico-sociale de nature conservatrice et d’inspiration religieuse. Elle consiste à défendre des « communautés

naturelles » valorisées par la pensée conservatrice (la famille, le monde agricole, l’artisanat/petits commerces/entreprises familiales, la patrie, l’Eglise) qu’elle veut fonder sur l’appel à la religion comme instance ultime « d’unité » dans un monde pluraliste. La

démocratie-chrétienne est ainsi un mouvement politique, social, éthique qui entend apporter de « l’ordre » dans une société moderne potentiellement menacée par le désordre. Cet ordre

religieux, social, conservateur doit répondre aux sources de désordres supposées de la modernité : individualisme, subjectivisme, technique, déracinement, industrialisation, athéisme, socialisme.

L’idéologie anti-individualiste et le projet de créer une organisation partisane

transclassiste, interconfessionnel et centriste constitue le fil rouge reliant le Zentrum catholique du XIXème siècle et la CDU/CSU biconfessionnelle du XXème siècle. Dans les deux cas, il s’agit d’apporter de l’unité dans une société « individualiste ». Cette définition de la démocratie-chrétienne la resitue dans une perspective interdisciplinaire car nous la pensons depuis la sociologie des religions et depuis la théorie politique16, mais nous l’appréhendons aussi comme une certaine forme de réponse partisane organisée car elle est un mouvement politique participant à des élections et représenté au parlement. Cette approche qui analyse de manière symétrique la critique conservatrice de la part du christianisme et le projet de construction partisane place ainsi la tension entre « individualisme » moderne et « communauté politico-éthique » au centre de l’attention.

Notre approche de la démocratie-chrétienne comme projet de construction d’une organisation partisane pour répondre à « l’individualisme » et à la remise en cause d’une vision purement contractualiste de la société permet, de plus, de mieux comprendre les interactions entre les milieux catholiques et la sous-culture catholique longtemps minoritaire en Allemagne et source d’une socialisation spécifique multiforme. La sociologie et de l’historiographie allemande ont développé un concept important qui a peu pénétré la recherche française : celui de « katholisches Milieu » pour décrire la société spécifique que représente le monde catholique au sein de la société allemande qui entre 1870 et les années 1950 était majoritairement protestante. Mais les Eglises protestantes avec leur œuvre de charité, leurs Eglises dont la chair était occupée – sur plusieurs générations parfois – par des pasteurs de père en fils, leur action sociale n’étaient pas en reste17.

16 Carlo Invernizzi Accetti, What is Christian Democracy?: Politics, Religion and Ideology, 1re éd., Cambridge

University Press, 2019, 401 p., Introduction.

17 Wilhelm Damberg, Soziale Strukturen und Semantiken des Religiösen im Wandel: Transformationen in der Bundesrepublik Deutschland 1949-1989, 1. Auflage., Essen, Klartext, 2011, 222 p., p. 9.

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Cette inscription sociale au sein même de la société au travers des réseaux confessionnels présents dans les différentes classes sociales se manifeste notamment au travers de l’organisation de la CDU qui compte plusieurs « associations » (Vereiningungen). On peut citer les « Salariés démocrates-chrétiens » (Die Christlich-Demokratische

Arbeitnehmerschaft, CDA) qui représentent l’aile chrétienne et sociale du parti depuis 1945,

« l’Union des PME et des entrepreneurs » (Mittelstand- und Wirtschaftsunion, MIT) fondée en 1956 et qui sert de relai aux attentes des entreprises allemandes au sein de la CDU18.

Mais nous devons encore approfondir cette démarche pour comprendre les raisons du

succès historique et de la viabilité du modèle démocrate-chrétien. Le succès de la CDU/CSU

en Allemagne, mais aussi de la démocratie-chrétienne en Europe de l’Ouest (Suisse, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Autriche, en France essentiellement entre 1945 et les années 1960) pourra ainsi être mieux compris. Nous espérons aussi contribuer à une meilleure compréhension de la dynamique de la CDU/CSU allemande au sein d’une histoire longue en nous penchant sur les formes spécifiques de l’organisation partisane des partis démocrates-chrétiens allemands en nous nous demandant à quel type de parti correspondent la CDU et la CSU. Nous voulons ainsi tenter de comprendre ce qui explique le succès durable de la démocratie-chrétienne allemande dans une société de plus en plus sécularisée.

2 Les partis démocrates-chrétiens, des partis attrape-tout

confessionnels

2.1 La CDU/CSU et l’appui sociologique du christianisme

Les travaux du chercheur néerlandais Kees van Kersbergen qui a écrit des travaux de référence sur la démocratie-chrétienne sont précieux ici. Il la définit par sa capacité intégratrice au plan intrapartisan, au sein de chaque société et au plan international notamment par sa ligne pro-européenne et atlantiste. Elle fonctionne ainsi comme une instance de réconciliation et de rapprochement entre des intérêts divergents. Pour démontrer cette idée, Van Kersbergen part tout d’abord de la tension inhérente au projet démocrate-chrétien de faire de la politique dans le contexte démocratique en s’appuyant sur une identité chrétienne19.

Il y a ainsi historiquement une tension entre les origines essentiellement catholiques de la démocratie-chrétienne influencée par le discours du Saint-Siège contre la modernité et le projet proprement partisan, politique et démocratique de ce mouvement qui s’inscrit dans le jeu de la représentation parlementaire. Cette tension était celle du Zentrum catholique dans le Reich bismarckien majoritairement protestant, mais elle était aussi celle de la CDU/CSU face à une société qui se sécularise.

Van Kersbergen montre comment la démocratie-chrétienne a au contraire su rassembler au-dehors de sa base électorale – historiquement majoritairement catholique – pour attirer une base sociologique plus large. Il avance ainsi :

« En ce qui concerne la question de la démocratie politique et de la compétition électorale, l'une des principales différences entre la social-démocratie et la démocratie-chrétienne est que le levier de la première pour attirer les masses a été la rhétorique de l’appartenance à une classe comme fondement principal de la mobilisation politique, tandis

18 Udo Zolleis, Die CDU: Das politische Leitbild im Wandel der Zeit, Wiesbaden, VS Verlag für

Sozialwissenschaften, 2008, 313 p., p. 106.

19 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », Annual Review of Political Science, mai

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que la seconde utilisait une rhétorique religieuse pour surmonter les clivages de classe (…)20. »

La CDU/CSU – mais ceci vaut aussi pour d’autres pays où la démocratie-chrétienne s’est imposée comme une force politique centrale justement en s’appuyant sur le christianisme. Le christianisme a pu constituer un atout central d’un point de vue politique car il est par principe un phénomène transclassiste. La CDU/CSU a pu ainsi rassembler des agriculteurs catholiques bavarois, des ouvriers catholiques de la Ruhr, des entrepreneurs protestants du Bad-Wurtemberg autour du même noyau catholique-protestant. De plus, la CDU/CSU a pu attirer une masse d’électeurs « centristes » ou hostiles aux idées socialistes : ouvriers méfiants envers le marxisme, possédants et classes supérieures et des électeurs « centristes » peu religieux ou peu politisés, mais qui rejettaient la gauche dans le contexte de la Guerre froide. Les raisons du succès de la CDU/CSU ne sont pas paradoxales par rapport à la sécularisation globale de la société allemande. Le christianisme fournit en effet un levier d’intgération interclassiste en soi. En outre, le caractère biconfessionnel de la CDU/CSU – catholique et protestante – lui a permi d’obtenir un appui sociologique vaste dans l’ensemble du pays. Quant au fait d’intégrer des non-chrétiens ou des non-croyants, ceci correspondait à une logique d’intégration et d’ouverture à des franges « centristes » de la population voire hostile aux idées de progrès. Du christianisme comme noyau électoral à la maturation comme parti de l’ordre, la CDU/CSU a pu s’affirmer comme le mouvement dominant en Allemagne après 1945.

Nous pouvons ainsi mieux comprendre les raisons du succès de la CDU/CSU depuis les années 1950 comme parti qui vise à surmonter les oppositions de classe, de confession et d’intérêt autour d’un discours centriste et qui se veut à la fois conservateur, social et libéral, ce qui aurait été impensable dans le contexte des anciens clivages politiques du XIXème siècle. Nous comprenons mieux comment elle a pu s’affirmer au-delà des cercles catholiques au sens étroit pour être autre chose qu’un parti confessionnel comme l’était le Zentrum.

Ces développements nous amènent à nous poser la question du type de parti politique que représente la CDU/CSU afin de comprendre le haut degré de stabilité et d’institutionnalisation que connaissent ces partis : institutionnalisation interne par la continuité idéologique et partisane21 et institutionnalisation externe par la participation très régulière de ces partis aux gouvernements des Länder et au gouvernement fédéral. Nous nous intéresserons en particulier au type de parti auquel appartient la CDU/CSU historiquement afin de comprendre dans quelle mesure la CDU/CSU connaît une remise en cause importante de son modèle organisationnel traditionnele depuis les années 1990/2000.

La CDU/CSU est-elle un parti attrape-tout (catch-all party) sur le modèle de la Democrazia Italiana d’après guerre ? Ou doit-on parler d’un parti de masse (Massenpartei)22 ? Est-ce que la CDU/CSU représente un Volkspartei23 ? Et que faut-il entendre par Volkspartei en particulier dans un contexte de crise des partis politiques ? Nous proposons de

partir d’abord des notions de partis de masse et de partis attrape-tout.

La CDU et la CSU sont-elles alors des partis de masse ? Certes, ces mouvements partagent des caractéristiques importantes avec ce type d’organisation qui expliquent la longévité et la stabilité de ces partis. Les partis de masse comptent un nombre important de membres, ils possèdent des fédérations au niveau local, la bureaucratie interne du parti se

20 Stathis N. Kalyvas et Kees van Kersbergen, « Christian Democracy », Annual Review of Political Science, mai

2010, vol. 13, no 1, p. 183-209., p. 188 sq.

21 Udo Zolleis, Die CDU: Das politische Leitbild im Wandel der Zeit, Wiesbaden, VS Verlag für

Sozialwissenschaften, 2008, 313 p.

22 Sur ces questions voir Karsten Grabow, Abschied von der Massenpartei: Die Entwicklung der Organisationsmuster von SPD und CDU seit der deutschen Vereinigung, Wiesbaden, Deutscher

Universitätsverlag, 2000, 356 p.

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distingue par un haut niveau de différenciation et de professionalisation. Le parti possède une fonction d’intégration sociale au sein de la société dominante sur une base de classe ou confessionnelle. Sur tous ces points, les partis démocrates-chrétiens allemands relèvent des partis de masse. Néanmoins, la CDU/CSU se distinguent des partis de masse sur les éléments suivants. Dans les partis de masse, en effet, la discipline interne y est importante, les dirigeants du parti dominent par rapport aux députés, le programme s’appuie sur une idéologie spécifique. L’électorat représente un corps social défini et relativement stable.

Or, ceci ne correspond à la CDU/CSU qui se définissent davantage sur ces points comme des partis attrape-tout et des Volksparteien. Nous nous concentrerons sur ces deux notions dans ce qui suit afin de comprendre ce que ces deux concepts nous apprennent sur la CDU/CSU et sur son évolution et dans quelle mesure elles se recoupent.

D’abord quels sont les différences et points entre les notions de parti attrape-tout et celle de Volkspartei ? La première vient de la science politique et relève du discours analytique alors que la seconde tire son origine du discours des partis politiques eux-mêmes et est utilisée essentiellement dans les pays germanophones24. Il faut rappeler la définition de parti attrape-tout défini dans un article de Kirchheimer, juriste et politiste allemand exilé ensuite aux Etats-Unis. Le concept de parti attrape-tout vise à définir une certaine forme d’organisation partisane caractérisée par plusieurs caractéristiques. La dépolitisation des enjeux et du positionnement des partis y est forte. Les partis attrape-tout sont caractérisés par la volonté d’en appeler à des masses électorales larges afin de trouver un débouché à leurs attentes au sein de la représentation parlementaire. Ces partis font appel à un électorat en phase d’ascension sociale, qui appartient à la classe moyenne et qui a attend un comportement professionnel des élus. Quant aux structures partisanes, elles se caractérisent par un haut niveau de professionalisation des représentants politiques tandis que les campagnes électorales sont fondées sur des stratégies de conquête proche du marketing commercial25.

La notion de parti attrape-tout, cependant, gagne à être distinguée de celle de Volkspartei qui nous semble plus opératoire pour comprendre la CDU/CSU et aussi le SPD. C’est par conséquent à partir de la notion de Volkspartei que nous aborderons la démocratie-chrétienne dans la présente étude.

A la suite d’Udo Zolleis et de Carina Wertheimer, nous entendons désagréger la notion de Volkspartei que des traductions françaises littérales (« parti populaire », « parti du peuple ») ne rendent pas de manière éclairante26. Par Volkspartei, nous entendons un modèle hybride qui relève du parti attrape-tout par sa capacité à attirer un électorat large et peu

politisé, mais qui est comparable au parti de masse par sa capacité à recruter des militants en grand nombre et à créer une structure partisane professionnalisée. Ainsi, la CDU/CSU

possède par son positionnement centriste et interclassiste les caractéristiques d’un parti attrape-tout. Cependant, le renforcement de son appareil militant, la mise en place d’un véritable programme et l’augmentation du nombre de militants dans les années 1970 ont permis à la CDU/CSU de se rapprocher du modèle du parti de masse. La CDU/CSU représente un objet hybride entre le parti de masse et le parti attrape-tout qui vise un électorat large et peu politisé. Le Volkspartei rassemble ainsi différentes caractéristiques au travers de

24 Hermann Kaste et Joachim Raschke, « Zur Politik der Volkspartei », in Wolf-Dieter Narr (dir.), Auf dem Weg zum Einparteienstaat, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 1977, p. 26-74.

25 Otto Kirchheimer, ‘The Transformation of the Western European Party System’, in J. LaPalombara and M.

Weiner (eds), Political Parties and Political Development, Princeton, NJ: Princeton University Press, 1966, pp. 177–200.

26 Udo Zolleis et Carina Wertheimer, « Is the CSU Still a “Volkspartei” ? », German Politics, juin 2013, vol. 22,

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son caractère hybride entre parti de masse et parti attrape-tout : il est un parti majoritaire27, un parti interclassiste28, mais aussi un parti de membres. Grâce à ces différentes caractéristiques, un Volkspartei dispose de la base électorale et de la stabilité institutionnelle pour s’affimer comme un parti de gouvernement. C’est ici que réside l’élément central expliquant la succès de la CDU/CSU.

Pour comprendre la notion de Volkspartei et les caractéristiques que nous lui attribuons, il convient néanmoins de compléter notre approche essentiellement conceptuelle et sociologique par une approche historique afin de comprendre les raisons de la stabilité historique de la CDU/CSU et ses difficultés relatives depuis la réunification allemande. Ce que nous voulons montrer est que le modèle des Volksparteien né après la Seconde Guerre mondiale a permis de surmonter la une segmentation des partis politiques et de la société allemande. Le modèle Volkspartei permet ainsi de contribuer à la stabilité de la RFA après 1945 même si ce type de parti se trouve en difficulté depuis les années 1990. Le phénomène

Volkspartei – même si le terme remonte au XIXème siècle – renvoie à des évolutions

empiriques spécifiques liées aux singularités de l’histoire allemande qu’une approche historique et pas exclusivement sociologique doit permettre d’éclairer. Pour appréhender correctement la CDU/CSU, il faut ainsi partir d’une donnée historique propre à l’évolution de l’Allemagne moderne et d’une typologie venant de la sociologie des partis politiques.

2.2 Le modèle démocrate-chrétien, réponse à l’instabilité

institutionnelle allemande après 1945 ?

La CDU/CSU qui a vu le jour après la Seconde Guerre mondiale constitue une nouveauté par sa capacité à rassembler un électorat qui allait beaucoup loin que la clientèle catholique traditionnelle du Zentrum. Pour la première fois, les catholiques purent proposer une alternative au « ghetto » relatif qu’avait représenté le « milieu catholique » (katholisches

Milieu29) victime du Kulturkampf bismarckien au XIXème siècle et qui s’était replié sur lui-même dans une sorte de sous-culture minoritaire face à la Prusse protestante et aux tendances anti-religieuses du XIXème siècle (scientisme, marxisme).

La donnée historique dont il faut partir est la suivante : l’Etat allemand moderne créé en 1870/1871 sous la houlette de Bismarck se caractérise par un haut niveau d’hétérogénéité sociale, politique, culturelle, territoriale. La Prusse elle-même, qui est la pièce maîtresse de l’unité allemande rassemble une classe bourgeoise libérale, une aristocratie terrienne – les

Junker – des ouvriers en nombre grandissant dans la région de Berlin et dans la Ruhr et une

très importante minorité catholique dans sa partie occidentale, les territoires rhénans. Le rattachement du Bade, du Wurtemberg et de la Bavière au Reich ne fera que participer à la complexification sociologique dans un contexte de modernisation politique et économique. La société allemande telle qu’elle existe à partir de 1871 est une société segmentée, inégalitaire, avec des milieux sociaux étrangers voire hostiles les uns aux autres. Les partis politiques allemands du XIXème siècle et de la république de Weimar reflètent ces réalités sociologiques avec des partis qui expriment soit des intérêts de classe soit des intérêts confessionnels. Ils expriment encore des intérêts sectoriels loin du modèle du Volkspartei.

27 G. Smith, ‘Stages of European Development: Electoral Change and System Adaptation’, in D. Urwin and W.

Paterson (eds), Politics in Western Europe Today (London: Longman, 1990), p. 251–69.

28 Thomas Nipperdey, Die Organisation der deutschen Parteien vor 1918, Düsseldorf: Habiliationsschrift, 1961. 29 Arbeitskreis für kirchliche Zeitgeschichte: Das katholische Milieu als Forschungsaufgabe; in: Westfälische

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Le projet politique profond de la CDU/CSU comme organisation politique et comme parti de gouvernement est de s’affirmer comme un Volkspartei. Son but sera de dépasser ces oppositions de classe, géographique et confessionnelles en créant un véhicule politique commun et suffisamment unificateur pour offrir une stabilité réelle à la RFA naissante après la Seconde Guerre mondiale. Cette volonté d’unité socio-politique se manifeste dès les origines de la CDU et de la CSU. Elle renvoie certes au projet du Zentrum de rassembler les catholiques au sein d’un mouvement politique unique les représentants et les défendant, mais elle dépasse de loin cette entreprise en se posant comme un mouvement interconfessionnel, transclassiste et capable de s’affranchir de la tutelle du clergé.

Il est difficile de fixer une date précise à la naissance des deux partis démocrates-chrétiens en Allemagne, la CDU et la CSU car la reconstitution de forces politiques fut possible à des dates différentes selon les différentes zones occupées par les Alliés occidentaux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, URSS)30. La naissance des premiers partis politiques démocrates-chrétiens eut lieu de manière décentralisé entre 1945-1946 à partir de différentes fédérations régionales (Landesverbände). Jusqu’en 1950, il exista ainsi plus de 16 fédérations régionales autonomes les unes des autres. Le premier événement important dans l’unification de ces mouvements et groupes de travail fut « la rencontre impériale de Bad Godesberg » (14-16 décembre 1945) même si la CSU n’y prit pas part. Le processus aboutissant à l’émergence de ces partis s’étendit de 1945 à 1950, date du premier congrès de la CDU (20-22 octobre 1950) à Goslar dans le Land de Basse-Saxe. De manière intéressante, il faut relever que la CDU comme parti fédéral n’émergea qu’en mai 1950 soit plusieurs mois après les premières élections législatives en République fédérale d’Allemagne qui furent tenues le 14 août 1949.

Les tentatives pour recréer une alternative à la fois centriste, conservatrice et libérale prirent des formes variées dans les différentes zones de la nouvelle Allemagne occupée et s’affirmèrent bien avant la création d’un parti clairement structuré. La CDU parvient en effet sous la houlette de Konrad Adenauer à dépasser les oppositions politiques entre protestants, bourgeoisie libérale et l’électorat catholique. La CDU parvint à rassembler l’ensemble du spectre politique antisocialiste, antimarxiste et conservateur de l’ancienne République de Weimar laquelle avait toujours souffert d’une instabilité politico-économique à cause des tensions entre socialistes, nationalistes et les Zentrum catholique qui soutient différentes coalitions dans les années 1920-1930. Adenauer créa une coalition politique rassemblant les catholiques de la Ruhr et de Sud de l’Allemagne, les libéraux urbains soutiens du Deutsche

Volkspartei et l’électorat national-conservateur qui avait soutenu le Deutschnationale Volkspartei pendant la république de Weimar.

La CDU/CSU bénéficiera ainsi à la fois de l’appui de la clientèle traditionnelle du

Zentrum, mais s’alliera aussi aux milieux protestants, aux classes libérales bourgeoises

centristes et aux ouvriers catholiques et/ou antisocialistes.

Si les remarques qui précèdent son exactes, une anomalie apparente existe relative à la l’existence de la CSU. Celle-ci est en effet implantée exclusivement en Bavière, terre historiquement catholique, elle défend les intérêts régionaux de ce Land et elle affirme

30 Pour rédiger les passages relatifs à l’histoire de la CDU, nous nous sommes appuyés sur les ouvrages

suivants : Frank BÖSCH, Die Adenauer-CDU. Gründung, Aufstieg und Krise einer Erfolgspartei, 1945–1969, Stuttgart 2001; Hans-Otto Kleinmann, Geschichte der CDU 1945–1982, Stuttgart 1993. U. Schmidt, Die Christlich Demokratische Union Deutschlands, in: R. Stöss (Hg.), Parteien-Handbuch. Die Parteien der Bundesrepublik Deutschland 1945-1980, 1 (1983). Bösch, Frank (2002), Macht und Machtverlust. Die Geschichte der CDU, Stuttgart/München. Kleinmann, Hans-Otto (1993), Geschichte der CDU 1945-1982, Stuttgart. Parmi les sources primaires sur cette période, voir : Die Unionsparteien 1946–1950. Protokolle der Arbeitsgemeinschaft der CDU/CSU Deutschlands und der Konferenz der Landesvorsitzenden, bearb. von Brigitte KAFF (Forschungen und Quellen zur Zeitgeschichte, 17), Düsseldorf 1991.

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volontiers son particuliarisme bavarois. Dans quelle mesure alors la CSU représente elle aussi un Volkspartei ?

2.3 La CSU, variante bavaroise conservatrice de la CDU

La CSU (christlich-soziale Union) qu’on qualifie souvent de « parti frère » (Schwesterpartei) de la CDU31 mérite en effet un examen plus attentif. Nous voulons comprendre comment ce parti a pu s’établir comme un Volkspartei de manière comparable à la CDU, mais sur une base électorale et politique légèrement différente de celle de ce dernier parti. Nous devons constater ici aussi que recherche sur la CSU en langue française est très modeste. Il n’existe pas à ce jour de monographie en français sur ce parti qui a été en tête des élections bavaroises de manière constante depuis les années 1950. En langue allemande, la recherche est nettement plus riche. Les origines de ce parti sont bien étudiées tout comme sa politique européenne et ses positions dans le domaine de la politique étrangère – ce qui vaut aussi pour la CDU. Néanmoins, il n’existe pas à ce jour d’étude systématique sur le programme de ce parti ni sur son rôle au niveau fédéral. Il n’existe pas non plus d’études sur les liens entre la CSU et des groupes ou organisations sociales centrales : syndicat, Eglises chrétiennes, association d’agriculture32. On regrette aussi l’absence d’études sur le rôle de la chancellerie du gouvernement de Bavière qui sert aussi de centre informel dans la direction de la CSU.

Ce parti souvent considéré comme plus conservateur que la CDU n’existe qu’au plan régional dans le Land de Bavière. Plus marqué par le catholicisme que la CDU dont le caractère biconfessionnel – protestant et catholique – est plus prégnant, la CSU s’impose peu à peu comme le grand parti conservateur dans l’ « Etat libre » (Freitstaat) de Bavière. La CSU parvient à ce succès en rassemblant les catholiques très largement majoritaire en Bavière, mais aussi les paysans bavarois et les Allemands expulsés (Heimatvertriebene) des anciens territoires perdus par l’Allemagne après la défaite de 1945 autour d’un programme libéral, conservateur et attaché au particularisme bavarois. Les origines de la CSU doivent être cherché dans le Bayerische Volkspartei (BVP), parti né d’une scission interne du Zentrum en 1918, mais soucieuse d’un fédéralisme plus marqué contre toutes les tentations centralisatrices et dont l’électorat était essentiellement constitué de paysans, rapprochant ce parti d’un parti agraire (Agrarpartei). La CSU connut ainsi une évolution comparable à celle de la CDU : elle put s’attacher l’ancienne clientèle électorale d’un parti de la République de Weimar – le Bayerische Volkspartei – tout en s’attachant l’électorat conservateur du

Bayerische Mittelpartei (BMP), parti des élites aristocratiques datant lui aussi la république

de Weimar. Le programme social de la CSU lui permit d’attirer les salariés et ouvriers dont le nombre allait croissant face à la modernisation de l’économie bavaroise tout en défendant un programme libéral qui lui attirait les faveurs des milieux entreprenariaux. La défense de la spécificité de la Bavière par la CSU comme Etat et sur le plan culturel qui avait sa propre tradition étatique et constitutionnelle depuis le XIXème siècle participa aussi au succès du parti bavarois.

31 Les ouvrages classiques sur ce parti sont Alf Mintzel, Die CSU: Anatomie einer konservativen Partei 1945-1972, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1975, 776 p. ; Alf Mintzel, Geschichte der CSU: ein Überblick, Opladen,

Westdeutscher Verlag, 1977, 498 p. ; Alf Mintzel, Die CSU-Hegemonie in Bayern: Strategie und Erfolg ;

Gewinner und Verlierer, 2. Aufl., Passau, Wiss.-Verl. Rothe, 1999, 314 p. ; voir aussi : Gerhard Hopp, Martin

Sebaldt, Benjamin Zeitler, (dir.), Die CSU: Strukturwandel, Modernisierung und Herausforderungen einer

Volkspartei, Wiesbaden: VS Verlag, 2010.

32 Gerhard Hopp, Martin Sebaldt, Benjamin Zeitler, (dir.), Die CSU: Strukturwandel, Modernisierung und Herausforderungen einer Volkspartei, Wiesbaden: VS Verlag, 2010., p.

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Mais comment la CSU a-t-elle pu s’affirmer comme un Volkspartei et acquérir une stabilité remarquable au moins jusque dans les années 2010 ? Il n’est pas inexact, en effet, d’insister sur le caractère régionaliste de la CSU, mais il faut rappeler qu’elle repose sur un certain modèle politique – la démocratie-chrétienne – et sur une modalité d’organisation partisane et électorale qui en font un parti interclassiste et interconfessionnel : un véritable

Volkspartei. Plusieurs raisons doivent être évoquées ici.

Premièrement, il s’agit tout d’abord de la stratégie suivie par la CSU et par son leader historique, Franz Josef Strauss (1915-1988). La difficulté pour la CSU n’est pas de rallier les protestants ou les milieux entrepreneuriaux : les premiers sont très minoritaires en Bavière et les seconds ont ralliés historiquement les rangs des partis conservateurs par anticommunisme. En outre, l’entrée tardive de la Bavière dans l’âge industriel – après la Seconde Guerre mondiale essentiellement – a fait que ce Land est passé de manière relativement direct d’une économie dominée par l’agriculture à une société industrialisée, mais aux effets amortis par l’Etat-providence. Ceci a empêché l’apparition d’un prolétariat favorable à la gauche et de tensions liées à la « lutte des classes ». Le problème pour la CSU a bien plutôt consisté à s’affirmer dans un Land majoritairement catholique et conservateur, mais soumis à une concurrence par d’autres partis au positionnement idéologique qui se recoupe en partie avec celui de la CSU. Le Bayernpartei après 1945, parti catholique défenseur du séparatisme bavaroise, a ainsi constitué au cours des années 1950 un concurrent contre lequel la CSU a réussi à s’imposer. Les expulsés des anciens territoires allemands en Europe centrale, traditionnellement fortement anticommunistes et conservateurs, ont été aussi un enjeu électoral important pour la CSU qui a forgeé des coalitions avec le parti représentant leurs intérêts, le Vertriebenenpartei BHE (Vertriebenenpartei-Block der Heimatvertriebenen und

Entrechteten). Franz Josef Strauss, le charismatique leader de la CSU des années 1960 -1980,

théorise cette ligne droitière autour de la célèbre phrase : « Rechts von der Union darf es keine demokratisch legitimierte Partei geben » (« Il n’y doit pas y avoir de parti légitime démocratiquement à la droite de la CDU/CSU »). Cette phrase prononcée dans les années 1980 marquées par la naissance d’un parti de droite nationaliste et xénophobe, Die

Republikaner, montre le positionnement à la droite de la droite de la CSU. Cette logique de

droitisation est caractérique de la CSU qui cherche ainsi à refouler tout parti (Deutsche

Volksunion, DVU, Nationaldemokratische Partei Deutschlands, NPD, Die Republikaner)

pouvant lui faire concurrence en utilisant notamment ses thématiques antiimmigrés.

Deuxièmement, la CSU utilisa le levier des politiques publiques et en particulier des politiques publiques industrielles pour assurer son statut Volkspartei. La singularité de la CSU tient en effet à l’importance de ce parti dans la modernisation de la Bavière au travers de politiques publiques volontaristes. La CDU en a certes fait autant dès les années 1950/1960 en mettant en place des politiques sociales généreuse au niveau des retraites notamment. Cependant, la CDU a cherché à laisser libre cours aux forces de l’économie dans le même temps. Ludwig Erhard, ministre de l’économie de la RFA (1949-1963) a ainsi insisté sur l’importance de la libéralisation des prix et d’une politique ordolibérale centrée sur la lutte contre les oligopoles et non sur l’interventionnisme étatique. Les politiques publiques de la CSU ont consisté à intervenir de manière beaucoup plus affirmée dans l’économie elle-même et à mener une politique industrielle de rattrapage pour permettre à la Bavière de sortir de son statut de territoire agricole. Les politiques publiques menées par la Bavière furent un élément de sédimentation pour la CSU comme parti qui put étendre son influence et pour le Land de manière générale qui profita de la modernisation impulsée par le gouvernement bavarois. La CSU mena des politiques publiques d’investissement dans l’éducation, la recherche et par des interventions ciblées afin de soutenir le développement économique et industriel. Ce parti mit ainsi en place une combinaison de politique industrielle horizontale et verticale dans une logique de rattrapage pour un Land historiquement en retard sur le plan industriel. Cette

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stratégie électorale au sens large du terme fut un facteur de stabilisation pour la CSU comme

Volkspartei en contribuant à donner naissance à la Bavière actuelle, mais aussi en contribuant

à la prospérité économique d’un Land qui recevait encore des fonds de péréquation dans les années 1980.

Enfin, le dernier pilier qui permit à la CSU de s’affirmer comme Volkspartei fut sa capacité à créer un format politique original alliant positionnement comme parti régional, sans concurrence démocrate-chrétienne en Bavière, mais participant au gouvernement fédéral et présentant même des candidats aux élections générales. Il se différencie ainsi historiquement du Bayernpartei, parti majeur encore dans les années 1950/1960, mais qui défendait une ligne secessioniste. La CSU put ainsi à la fois défendre une ligne favorable à la spécificité bavaroise, mais en bénéficiant aussi d’une représentation au plan national en participant à un groupe parlementaire commun avec la CDU (die CDU/CSU Fraktion). Le positionnement spécifiquement bavarois de la CSU, mais récusant toute sécessionisme ou indépendance pour la Bavière lui a permi de s’intégrer pleinement au jeu politique national et a contribué à le positionner comme un Volkspartei allemand et non pas exclusivement bavarois.

Conclusion

Comment un parti fondé sur le christianisme comme la CDU/CSU a-t-il pu s’imposer dans un pays comme l’Allemagne qui est engagé sur la voix de la sécularisation ? Comment un parti qui se dit chrétien peut-il attirer des électeurs de moins en moins croyants ? Pour répondre à ces questions, nous nous sommes proposé de revenir sur le concept de démocratie-chrétienne comme modèle politique. Cette interrogation nous a semblé d’autant plus importante que les partis démocrates-chrétiens ont dominé ou dominent encore aujourd’hui le paysage politique d’une très grande partie des pays d’Europe de l’Ouest (Allemagne, Suisse, Autriche, Italie, Belgique, Pays-Bas). Le concept central pour aborder cette question est celui de Volkspartei à base chrétienne. Par Volkspartei, nous entendons un certain type de parti attrape-tout qui vise à rassembler de vastes franges de la population autour d’un programme « centriste » et rassembleur. Néanmoins, la CDU/CSU s’appuient sur un noyau chrétien qui est un atout précieux pour eux car il leur permet de disposer d’un appui sociologique stable et d’attirer des classes sociales différentes, mais reliées par la même adhésion à une idéologie religieuse. En outre, le rejet des idées progressistes pendant la Guerre froide a permi à la CDU/CSU d’agréger des électeurs qui se sont rapprochés d’elle par hostilité au socialisme et au marxisme. La CDU/CSU a ainsi pu contribuer de manière décisive à la stabilité de la RFA après 1945 en servant de médiateurs entre les chrétiens conservateurs pratiquants, un électorat peu politisés et plus vaste et la jeune république allemande de Bonn.

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