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Biosurveillance de l’abeille domestique comme indicateur de gradients d’exposition à certains polluants dans la Ville de Québec

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Academic year: 2021

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(1)

Biosurveillance de l’abeille domestique comme

indicateur de gradients d’exposition à certains polluants

dans la Ville de Québec

Mémoire

Emilie Grenier

Maîtrise en santé publique - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Biosurveillance de l’abeille domestique

comme indicateur de gradients d’exposition à

certains polluants dans la Ville de Québec

Mémoire

Émilie Grenier

Sous la direction de :

Isabelle Goupil-Sormany, directrice de recherche

Pierre Giovenazzo, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

L’utilisation des colonies d’abeille mellifère, Apis mellifera, comme outil de biosurveillance est une alternative intéressante pour assurer le suivi de polluants atmosphériques comme les métaux et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Son utilisation a été validée Europe, mais peu explorée en contexte nord-américain. Étant donné les préoccupations manifestées par les résidents des quartiers plus défavorisés, quant aux diverses sources de pollution dans leur milieu, le but principal de cette étude était de documenter le possible gradient d’exposition à certains polluants atmosphériques entre les quartiers défavorisés et favorisés de la Ville de Québec. La complémentarité de la biosurveillance, aux mesures prises par les stations d’échantillonnage de l’air conventionnel (SEC), a également été examinée. Pour ce faire, huit ruches ont été installées dans différents quartiers, potentiellement caractérisés par différents niveaux de pollution : rural et urbain, ce dernier étant divisé en zone favorisée et défavorisée. La collecte des abeilles a été effectuée mensuellement sur une période de cinq mois (mai à septembre). Au total, six HAP et quatre métaux ont été analysés en laboratoire. Des différences significatives ont été détectées pour les contaminants à certains moments entre le milieu rural et urbain, mais également entre la zone urbaine favorisée et défavorisée. Cependant, des gradients d’exposition clairs entre les milieux n’ont pas été observés, sauf pour l’arsenic. De plus, il n’est pas possible de conclure sur la complémentarité des méthodes puisqu’une seule corrélation entre les mesures de la biosurveillance et des stations d’échantillonnage a été établie. Cela peut notamment s’expliquer par des contraintes méthodologiques comme le décalage entre l’échantillonnages des deux méthodes.

Les résultats de cette étude permettent de confirmer que l’abeille est un bio-indicateur suffisamment sensible pour détecter des différences entre des environnements qui se distinguent en termes de pollution atmosphérique, mais également entre des environnements qui présentent des niveaux similaires de pollution.

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Abstract

Honeybees have been widely used in Europe as an environmental bioindicator for heavy metals and polycyclic aromatic hydrocarbons (PAHs). However, their potential in North America has not been explored, especially in smaller cities where the pollution is weaker and presumed more homogeneous. While citizens in a deprived area of Québec city were much preoccupied about the air quality in their neighborhood, especially in regard exposure gradients of some pollutants, the aim of this study was to document their concerns. Also, because little is known about how honeybees could be a complementary method to formal environmental monitoring through physicochemical stations, comparisons have been performed between results obtained by the two different methods. To do so, we sampled honeybees at 8 locations possibly characterized by different levels of pollutant (rural and urban, the latter of which was then divided into deprived and favorized areas) over a 5-month period (May – September). 6 PAHs were analyzed by ultra-performance liquid chromatography, while 4 heavy metals were analyzed by inductively coupled plasma mass spectrometry. Significant differences were detected at some sampling time for heavy metals and PAHs between rural and urban environments, but also between deprived and favorized areas. Nevertheless, a clear gradient of exposure, could not be detected except for As considering that differences for the other contaminants were not often found during the sampling period and varied greatly. Even though we were not able to find a correlation between physicochemical and biomonitoring stations, except for one heavy metal, our results indicate that honeybee is a good biological indicator and is sensitive enough to detect differences between environments who showcased similar level of contaminants.

(5)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... ix Avant-propos ... x Introduction ... 1 Chapitre 1 – Problématique ... 4 1.1 Éléments de contexte ... 4 1.2 Cadre conceptuel ... 5

1.2.1 Les inégalités socio-environnementales et le modèle de stresseurs multiples .... 5

1.3 Caractéristiques des polluants atmosphériques retrouvés dans l’air de Québec ... 8

1.3.1 Les particules ... 9

1.3.2 Données préliminaires sur les concentrations de métaux ... 14

1.4 Biosurveillance environnementale par l’abeille ... 14

1.4.1 Les types de bio-indicateurs ... 15

1.4.2 Biologie et éthologie de l’abeille qui font d’elle un bon bio-indicateur ... 16

1.4.3 Applications et études menées ... 18

1.5 Liens entre la biosurveillance environnementale et les inégalités socio-environnementales ... 25

1.6 Portée et pertinence de l’étude ... 25

Chapitre 2 – Objectifs et hypothèses de recherche ... 27

2.2 Objectif 1 et hypothèse ... 27

2.2 Objectif 2 et hypothèse ... 27

2.2 Objectif 3 et hypothèse ... 27

Chapitre 3 – Méthodologie ... 28

3.1 Devis de recherche ... 28

3.2 Choix du territoire et population à l’étude ... 28

3.2.1 Choix des sites d’échantillonnage pour la biosurveillance environnementale .... 29

3.3 Collecte des données ... 31

3.3.1 Collecte des abeilles et préparation des échantillons ... 31

3.3.1 Collecte des filtres du RSQAQ ... 31

3.4 Variables ... 31

(6)

3.4.2 Variables dépendantes ... 32

3.5 Analyses en laboratoire ... 33

3.5.1 Concentration d’HAP dans les tissus de l’abeille ... 33

3.5.2 Concentration de métaux dans les tissus de l’abeille ... 34

3.5.2 Concentration de métaux dans les PST ... 34

3.6 Analyses statistiques ... 34 3.7 Considérations éthiques ... 35 Chapitre 4 – Résultats ... 36 4.1 Article scientifique ... 36 Résumé ... 37 Abstract ... 37 4.2 Résultats supplémentaires ... 60

4.2.1 Résultats de la présence d’HAP dans les produits de fumigation ... 60

Chapitre 5 – Discussion ... 61

5.1 Biais potentiels et limites ... 61

5.2 Forces de l’étude et recommandations de santé publique ... 66

5.3 Futures études ... 69

Conclusion ... 71

Bibliographie ... 73

Annexe A – Industries figurant dans l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) dans les territoires de CLSC LVBV ... 85

Annexe B – Matériel utilisé pour la collecte d’abeilles ... 86

Annexe C - Résultat du calcul pour l’indice écologique de défavorisation ... 87

Annexe D – Concentration des HAP (ng/m3) dans les produits de fumigation ... 88

Annexe E – Protocole d’analyse des HAP ... 89

Annexe F – Limite de détection et de quantification pour les HAP analysés dans les abeilles ... 90

Annexe G – Limite de détection et de quantification pour les métaux analysés dans les abeilles ... 91

Annexe H – Protocole d’analyse des métaux ... 92

Annexe I – Résultats détaillés des concentrations moyennes de contaminants dans les abeilles (µg/g) ... 93

(7)

Liste des figures

Figure 1 : Modèle de stresseurs multiples ... 7

Figure 2 : Castes d’abeilles ... 17

Figure 3 : Morphologie de l’abeille ... 18

Figure 4 : Stades de développement de l’abeille ... 20

Figure 5 : Quartiers administratifs de la municipalité, englobés par les territoires LVBV ... 29

Figure 6 : Positionnement de sites de biosurveillance environnementale (ruches) et des stations d’échantillonnage du RSQAQ ... 30

(8)

Liste des abréviations

ACP Analyse en composantes principales

ANOVA Analyse de variance

BE Biosurveillance environnementale

BIESP Bureau d’information et d’études en santé des populations CEAEQ Centre d’expertises en analyse environnementale du Québec CERUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval

CIRC Centre international de recherche sur le cancer CLSC Centres locaux de services communautaires

CPAUL Comité d’éthique de protection des animaux de l’Université Laval CRSAD Centre de recherche en sciences animales de Deschambault

DSP CIUSSSCN Direction de santé publique du centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale

g gramme

HVSFS Haute-Ville et Sainte-Foy-Sillery

INRP Inventaire national des rejets de polluants INSPQ Institut national de santé publique du Québec

ICP-MS Spectrométrie de masse par plasma à couplage inductif ISE Inégalités socio-environnementales

ISS Inégalités sociales de santé

km kilomètre

LVBV Limoilou-Vanier et Québec – Basse-Ville

m3 Mètre cube

MELCC Ministère de l’Environnement et de la lutte contre les changements climatiques

MEMS Mon environnement ma santé

ng Nanogramme

OMS Organisation mondiale de la santé

PM2,5 Particules fines de taille inférieure à 2,5 µm

PM10 Particules fines de taille inférieure à 10 µm

ppb Partie par milliard

PST Particules en suspension totales QAE Qualité de l’air extérieur

(9)

RAA Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère RSQAQ Réseau de surveillance de la qualité de l’air du Québec SEC Stations d’échantillonnage de l’air conventionnel

µg Microgramme

UPLC Ultra Performance Liquid Chromatography (Chromatographie liquide à ultra haute performance)

(10)

Remerciements

La rédaction de ce mémoire a été pour moi une expérience enrichissante et formatrice sur le plan personnel et professionnel. Il s’agit de l’aboutissement d’un long processus de réflexion et de nombreuses heures acharnées. Cela n’aurait pas été possible sans la contribution de nombreuses personnes qui m’ont épaulée à un certain moment ou tout au long de mon cheminement à la maîtrise.

Je tiens d’abord à remercier ma directrice de maîtrise Dre Isabelle Goupil-Sormany pour avoir cru en moi et au potentiel de mon projet. Vos conseils et vos encouragements m’ont incité à me surpasser et à développer mon plein potentiel. Merci de m’avoir fait confiance et pour votre soutien indéfectible.

Je tiens aussi à remercier mon codirecteur Monsieur Pierre Giovenazzo, qui m’a accompagnée dans les premiers balbutiements de ce projet jusqu’à sa concrétisation. Merci d’avoir partagé votre expertise avec moi et de m’avoir offert l’opportunité de présenter mon projet dans un congrès d’envergure internationale.

Ce projet n’aurait pas non plus été possible sans la participation de l’entreprise Alvéole (équipe de Québec : Jérémie, Alexia et Gabriel) et du CRSAD (Émile et Georges). Vous m’avez partagé vos connaissances et surtout, m’avez donné la « piqûre » pour l’apiculture.

Je tiens également à souligner l’appui des différents partenaires travaillant sur le projet Mon environnement ma santé (MEMS) sur la qualité de l’air extérieur à Québec. Un merci particulier à l’équipe de santé environnementale de la Direction de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale, au comité-conseil et scientifique du projet MEMS, ainsi qu’à l’équipe du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Ce mémoire a été grandement bonifié grâce à vos commentaires.

Finalement, je souhaite remercier ma famille et mes amis qui m’ont toujours encouragé dans les projets que j’entreprends. Merci pour votre support au quotidien et votre écoute précieuse.

(11)

Avant-propos

Cette recherche s’inscrit dans le premier volet du projet Mon environnement ma santé (MEMS) visant à comprendre comment l’environnement physique affecte la santé des citoyens de Limoilou, de Vanier et de la Basse-Ville de Québec. Elle a été réalisée grâce au soutien financier de la Direction de santé publique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (DSP CIUSSSCN). L’étudiante-chercheure a réalisé plusieurs tâches dans le cadre de cette recherche : la rédaction du protocole, la collecte des données (abeilles et filtres des stations d’échantillonnage de la qualité de l’air), les analyses physicochimiques pour les HAP, la saisie de données, les analyses statistiques en collaboration avec un statisticien, l’analyse des données, la rédaction principale de l’article, ainsi que sa révision.

Ce mémoire intègre un article scientifique « Honeybees as a Biomonitoring Tool to Document Exposure Gradient » qui est prêt à être soumis dans la revue internationale

Environmental Monitoring and Assessment.

Auteurs de l’article

Émilie Grenier1

Pierre Giovenazzo2

Carl Julien3

Isabelle Goupil-Sormany1

Affiliation des auteurs de l’article

1 Université Laval, département de médecine sociale et préventive, Québec (Québec),

Canada

2 Université Laval, département de biologie, Québec (Québec), Canada

3 Centre de recherche en santé animale de Deschambault (CRSAD), Deschambault

(12)

Introduction

La pollution atmosphérique est le facteur environnemental ayant le plus d’incidence sur la santé (Landrigan et coll., 2018; World Bank Group, 2016). Dans la région de la Capitale-Nationale, l’exposition à cette pollution n’est toutefois pas équivalente d’un secteur à l’autre (DSP CIUSSSCN, 2018a). En effet, les concentrations de particules fines (PM2,5) rapportées

sur les territoires de Centres locaux de services communautaires (CLSC) Limoilou-Vanier et Québec – Basse-Ville (LVBV) sont significativement plus élevées comparativement aux autres stations de la région en plus de présenter des dépassements plus fréquents des valeurs de référence quotidiennes (DSP CIUSSSCN, 2018a). Ces particules peuvent contenir des contaminants plus dommageables que d’autres en raison de leurs caractéristiques toxicologiques, c’est le cas des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (Kim et coll., 2013) et des métaux (Amin et coll., 2018). Ces deux types de contaminants sont possiblement associés au transport important dans ces zones, compte tenu de la convergence des grands axes routiers, de l’incinérateur, mais également aux industries à proximité du territoire à l’étude : papeteries, industries de recyclage du métal, zone portuaire et de transbordement de minerais métallique (DSP CIUSSCN, 2018a, 2018b; Walsh & Brière, 2018).

Alors que c’est dans ces quartiers que vivent les populations les plus vulnérables de la ville de Québec, ces populations sont aussi plus sensibles aux stresseurs environnementaux (DSP CIUSSSCN, 2018b; Pratt et al., 2015). En effet, ces populations sont soumises à un nombre plus élevé de facteurs de risque environnementaux et psychosociaux en même temps (DSP CIUSSSCN, 2018b; Sexton & Linder, 2011), disposent généralement de moins de ressources sur le plan individuel, social et communautaire pour se prémunir des effets néfastes de la pollution (DSP CIUSSCN, 2018b; Schulz & Northridge, 2004) et peuvent difficilement éviter ces cumuls de risques en raison de leur situation socioéconomique (DSP CIUSSSCN, 2018b; Sexton & Linder, 2011). Les conséquences de l’exposition simultanée des populations plus vulnérables à ces facteurs de risque peuvent en partie expliquer les inégalités sociales de santé (ISS) observées entre les différents territoires de la Ville de Québec, inégalités qui se répercutent éventuellement sur l’espérance de vie. En effet, l’espérance de vie est réduite de six ans pour la population des territoires LVBV comparativement à celle de la région de la Capitale-Nationale (DSP CIUSSSCN, 2018b).

(13)

Bien que l’exposition à la pollution atmosphérique ne semble pas être équivalente entre les quartiers de la Ville de Québec, les données actuelles ne rendent pas possible la discrimination des expositions à petite échelle (DSP CIUSSSCN, 2018a, 2018b). En effet, le Réseau de surveillance de la qualité de l’air du Québec (RSQAQ) n’est pas configuré pour quantifier les gradients de pollution à petite échelle entre les quartiers. Le nombre limité de stations d’échantillonnage et l’hétérogénéité des sources de pollution peuvent rendre plus difficile la différenciation des expositions locales (DSP CIUSSSCN, 2018b). De plus, le déplacement des masses d’air tend à homogénéiser la pollution associée à certains polluants comme les particules fines (PM2,5) et les contaminants gazeux (CO2, O3)

(Commission de coopération environnementale [CCE], 1997; DSP CIUSSSCN 2018a; Gilbert, 2018). Or, des variations importantes sur de petites distances ont pourtant été démontrées dans quelques études (CCE, 1997; DSP CIUSSSCN 2018a). Ces variations pourraient être observées pour d’autres contaminants atmosphériques comme les particules en suspension totales (PST) puisqu’elles voyagent peu et peuvent potentiellement refléter une exposition plus locale de la pollution provenant des sources d’émission avoisinantes (DSP CIUSSSCN 2018a; Walsh & Brière, 2018).

Par ailleurs, les stations d’échantillonnage conventionnelles (SEC), utilisées pour assurer le suivi des polluants, ne reflètent que partiellement l’exposition réelle à la pollution des organismes vivants (Ruiz et coll., 2013). En effet, elles mesurent uniquement les polluants dans l’air, ne traduisent pas la biotransformation possible de ces polluants et sont fixes contrairement aux organismes qui sont mobiles (Ruiz et coll., 2013). Enfin, ce ne sont pas tous les contaminants qui sont analysés par ce réseau. Les HAP sont absents de la caractérisation effectuée par le RSQAQ. Pourtant, certains HAP sont considérés comme cancérogènes et selon une revue de la littérature effectuée par Kim et coll. (2013), ont été mesurés à des concentrations suffisantes dans l’air pour avoir un impact sur la santé des populations dans plusieurs pays. Le manque de connaissances sur les niveaux de polluants dans certains quartiers justifie la nécessité d’évaluer la pollution à une échelle plus fine. De plus, considérant les limites associées aux mesures prises par les stations d’échantillonnage, des méthodes alternatives ou complémentaires pourraient être explorées afin de se rapprocher davantage de l’exposition réelle des populations humaines à la pollution atmosphérique.

(14)

L’utilisation de l’abeille domestique (Apis mellifera) pourrait être un outil de biosurveillance environnementale (BE) intéressant. Cette méthode consiste à utiliser l’abeille et/ou ses produits, tels que le miel, le propolis et le pollen, pour mesurer la contamination environnementale à certains polluants (Bargańska et coll., 2016; Giglio et al., 2017; Perugini et coll., 2009). L’abeille présente notamment de nombreux avantages comme le fait d’être un organisme vivant mobile capable de bioaccumuler les substances avec lesquelles elle entre en contact, en plus d’avoir fait l’objet de nombreuses études qui confirment son potentiel pour assurer le suivi de polluants atmosphériques (Bargańska et coll., 2016; Giglio et al., 2017; Lambert et coll., 2012; Perugini et coll., 2009). Ces études ont toutefois été réalisées dans des milieux fortement pollués et présentant des différences importantes en termes de pollution entre les sites. De plus, les impacts de ces gradients de contamination n’ont jamais été explorés d’après une perspective sociale en y accolant un cadre d’inégalités sociales de santé, ce qui sera fait dans cette étude.

La question de recherche qui sera abordée dans cette étude est la suivante : est-ce que la biosurveillance par l’abeille permettrait de mettre en évidence des gradients d’exposition à certains métaux et HAP entre différents quartiers de la Ville de Québec ?

Le présent mémoire est divisé en cinq chapitres. Le chapitre 1 présentera la problématique sur lequel ce projet s’appuie. Le chapitre 2 exposera les différents objectifs et les hypothèses qui y sont associés. Le chapitre 3 précisera la méthodologie employée et le chapitre 4 présentera les résultats de l’étude. C’est également dans ce chapitre que l’article scientifique rédigé en anglais sera inséré. Finalement, une discussion sur les forces et les limites sera effectuée au chapitre 5.

(15)

Chapitre 1 – Problématique

1.1 Éléments de contexte

Les territoires LVBV présentent en général plus de conditions environnementales défavorables : sols contaminés, industries polluantes à proximité, axes autoroutiers, maritimes et ferroviaires, îlots de chaleur, etc (DSP CIUSSSCN, 2018a, 2018b). Ces caractéristiques découlent en partie du passé industriel de ces quartiers ainsi que du caractère industriel actuel des secteurs limitrophes aux secteurs résidentiels. En effet, la création de parcs industriels et l’expansion de l’industrie manufacturière, maritime et portuaire dans ces secteurs, ont favorisé le développement des premiers villages ouvriers, jusqu’à la création de municipalités (Ville de Québec, 2020a, 2020b, 2020c). En parallèle, différents axes routiers majeurs parcourent ce territoire pour desservir le centre-ville administratif de la Ville. Bien que ces aménagements du territoire puissent contribuer à la vitalité économique locale et régionale, ils peuvent en contrepartie entraîner une certaine dégradation de l’environnement comme du bruit et des poussières (DSP CIUSSSCN 2018b). S’y ajoute la présence, sur le territoire LVBV, de plusieurs industries qui doivent faire une déclaration à l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) (Annexe A) (DSP CIUSSSCN 2018b, Gouvernement du Canada [GC], 2018). Certains secteurs d’activité sont particulièrement visés1 par cet inventaire en plus d’autres entreprises où les employés ou

les entrepreneurs travaillent plus de 20 000 heures pendant une année (Gouvernement du Canada [GC], 2018). Les entreprises ne répondant pas à un de ces deux critères sont exemptées de déclarer leurs émissions de polluants à l’INRP. Le potentiel d’industries connues pour émettre des polluants dans l’air est donc sous-estimé si on se fie uniquement au registre de l’INRP. Il faut d’ailleurs souligner le fait que les émissions qui leur sont associées, en plus des émissions provenant d’autres sources comme le transport sont notamment reconnues pour leurs effets potentiels sur la santé.

Les citoyens des territoires LVBV sont soucieux et conscients des différentes problématiques environnementales dans leur milieu de vie et manifestent leurs inquiétudes à l’égard des développements industriels prévus dans leur quartier tels que l’implantation d’une usine de biométhanisation et du projet d’agrandissement du port, en plus de suivre

1 incinération de déchets ou de boues d’épuration, préservation du bois, activités à un terminal de carburant,

(16)

de près les enjeux de qualité de l’air extérieur (DSP CIUSSSCN 2018a, 2018b). Ils se mobilisent depuis plusieurs années afin de défendre la qualité de leur environnement et dénoncer la présence de poussières contaminées sur le territoire. Cela découle entre autres des dépassements de normes en ce qui a trait à certains métaux qui ont été associés aux émissions provenant du port et de l’incinérateur (Bencze & Pouliot, 2017; DSP CIUSSSCN 2018b). Ils croient également être exposés à des niveaux plus élevés de métaux par le biais des PST ainsi qu’à d’autres polluants (Bencze & Pouliot, 2017). Cette recherche vise principalement à répondre à ces préoccupations en vérifiant si l’utilisation de l’abeille comme bio-indicateur permet de mettre en évidence le gradient d’exposition auquel les citoyens sont susceptibles d’être exposés.

1.2 Cadre conceptuel

1.2.1 Les inégalités socio-environnementales et le modèle de stresseurs

multiples

Les ISS peuvent être définies comme des écarts dans l’état de santé entre les groupes sociaux, qui sont liés à des avantages ou des désavantages sociaux (DSP CIUSSSCN, 2018b; Schulz & Northride, 2004; Hajat et coll., 2015). Lorsque ces ISS découlent de désavantages associés à des expositions chimiques, physiques, biologiques, ainsi qu’à une difficulté d’accès pour se prémunir de celles-ci, il est alors question d’inégalités socioenvironnementales (ISE) (Schulz & Northridge, 2004). La pollution atmosphérique fait partie de ces expositions qui ne sont pas réparties de façon uniforme dans toutes les populations (Hajat et coll., 2015; Landrigan et al., 2018). La littérature scientifique sur le sujet suggère que la pollution de l’air peut influencer le développement et l’incidence de certaines maladies, notamment des maladies respiratoires, cardiovasculaires et pulmonaires (Hajat et coll., 2015; Landrigan et al., 2018; Miao et coll., 2015). Or, la distribution inégale de cette pollution entraîne un triple fardeau :

1- Les communautés dont le statut socioéconomique est faible sont davantage exposées aux polluants ;

2- En raison de leur statut socioéconomique elles sont aussi plus susceptibles d’être en moins bonne santé, notamment à cause d’un plus grand nombre de stresseurs psychosociaux ;

3- Leur capacité d’éviter ou de se protéger des effets de cette pollution ou à requérir les soins appropriés est plus limitée.

(17)

De façon plus détaillée, le modèle de stresseurs multiples de Morello-Frosch & Shenassa, qui a été retenu comme cadre conceptuel pour cette étude, stipule que les populations en situation de vulnérabilité socioéconomique sont également exposées à différents facteurs environnementaux, économiques et sociaux qui peuvent moduler leur exposition aux contaminants chimiques par le biais d’un stress chronique rendant ainsi certaines populations plus vulnérables aux effets néfastes de la pollution (figure 1). Ces populations possèdent souvent moins de ressources sur le plan personnel, social et communautaire pour mettre en place des mécanismes d’adaptation afin de se protéger et atténuer les effets d’une exposition environnementale donnée (DSP CIUSSSCN, 2018b). Le fait d’être soumis à différents facteurs de risque peut également générer un stress (Morello-Frosch & Shenassa, 2006). Des preuves empiriques montrent d’ailleurs que les individus dont le statut socioéconomique est plus faible éprouvent un stress chronique plus important, car ils sont confrontés à un nombre plus élevé de situations stressantes (Szanton et coll., 2005). En soi, le stress est un mécanisme naturel et nécessaire qui permet à un organisme de faire face à une menace externe (Gee & Payne-Sturges, 2004; McEwen, 1998). Effectivement, au fil du temps, ce stress chronique entraîne une charge allostatique grandissante, qui découle de la dégradation des systèmes physiologiques du corps face à différents stresseurs (Gee & Payne-Sturges, 2004; McEwen, 1998). Par conséquent, plus cette charge est grande, plus la capacité du corps à déployer des mécanismes, qui ont pour but de diminuer les effets délétères d’une exposition à un stresseur, sera réduite. Ainsi, un individu sera non seulement plus à risque de développer des maladies, mais sera aussi plus sensible aux contaminants qui se trouvent dans son environnement (Gee & Payne-Sturges, 2004; Hébert et coll., 2015). Les conditions environnementales joueraient ainsi un rôle important dans la production, mais aussi le maintien des ISS (McEwen, 1998). Il en résulte ainsi des inégalités sociales de santé exacerbées par des facteurs environnementaux (Hajat et coll., 2015).

(18)

Figure 1 : Modèle de stresseurs multiples

Tiré et traduit par la Direction de santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale avec la permission de Environmental Health Perspectives (Morello-Frosch & Shenassa, 2006).

Il est possible d’expliquer la présence de ces inégalités selon une perspective sociale. Ainsi, comme démontré dans une étude réalisée à Montréal, les restrictions de zonage ainsi que le coût élevé des terrains situés dans des quartiers plus riches font en sorte que les industries vont plutôt s’établir dans des quartiers moins favorisés économiquement (Crouse et al., 2009). C’est en partie pour ces raisons que la présence d’un plus grand nombre de corridors de circulation importants (autoroutes, voies ferroviaires, artères maritimes), de raffineries et de secteurs industriels, qui rejettent des niveaux plus élevés de contaminants dans l’air, se retrouve dans les quartiers plus défavorisés, qui abritent généralement les populations les plus vulnérables (Crouse et al., 2009; Kaswan, 2009). De plus, les individus avec moins de ressources financières, qui sont à la recherche d’un logement, sont souvent plus limités dans leurs options et n’ont souvent d’autres choix que de s’installer dans ces quartiers compte tenu du prix des loyers qui est en général plus abordable (Hajat et coll., 2015). Les chercheurs ont été en mesure de lier les caractéristiques socioéconomiques avec la qualité de l’air grâce à la cartographie et la surveillance par différentes méthodes

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comme des stations d’échantillonnage. Cela leur a permis d’identifier les quartiers où la présence de certaines caractéristiques physiques et sociales peut représenter un risque cumulatif pour la santé des populations qui y vivent (Hajat et coll., 2015).

Ainsi, les études convergent vers une même conclusion : la pollution et les maladies qui y sont associées sont concentrées dans les populations pauvres (Crouse et al., 2009; Hajat et coll., 2015; Kaswan, 2009; Landrigan et coll., 2018; Miao et coll., 2015). Ces phénomènes d’ISE et d’ISS ont fait l’objet de nombreuses études aux États-Unis et permettent notamment de bien démontrer les injustices environnementales et leurs inégalités associées à la pollution (Hajat et coll., 2015; Kaswan, 2009; Landrigan et coll., 2018; Pratt et coll., 2015). Or, au Canada, la recherche sur ces inégalités, en relation avec la pollution atmosphérique, est limitée, comme démontré par Miao et coll. 2015 dans une revue de littérature sur le sujet (Miao et coll., 2015). Pour étudier les gradients d’exposition dans une perspective d’injustice environnementale, plusieurs méthodes ont été utilisées : stations d’échantillonnage fixes ou encore utilisation de biomarqueurs (Miao et coll., 2015). Toutefois, les portraits de gradients de contaminants sont rares. En conséquence, au Canada, les politiques d’équité environnementale restent en général sous-développées (Haluza-Delay, 2007; Miao et al., 2015). Bien que certaines recherches commencent à s’intéresser aux inégalités dans un contexte canadien, il serait pertinent de s’y intéresser davantage en contexte québécois (Haluza-Delay, 2007; Miao et al., 2015)

1.3 Caractéristiques des polluants atmosphériques retrouvés

dans l’air de Québec

La pollution atmosphérique n’est pas distribuée de façon uniforme dans les différentes strates de la société, comme l’ont démontré de nombreuses analyses spatiotemporelles réalisées sur différents contaminants (Crouse et al., 2009; Lovasi et coll., 2014; Morrens et coll., 2012). Des gradients d’exposition pour les HAP et les métaux ont d’ailleurs été mis en évidence (Amin et coll., 2018; Gutiérrez et al., 2015; Lovasi et coll., 2014; Perugini et coll., 2009). Ces deux polluants sont très présents en milieu urbain en plus d’avoir des impacts négatifs sur la santé, ce qui en fait des contaminants pertinents à analyser, d’autant plus que certaines populations y sont davantage exposées (Lovasi et coll., 2014; Morrens et al., 2012).

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1.3.1 Les particules

Les activités industrielles des quartiers LVBV génèrent différents polluants tels que des particules dans l’environnement. Selon leur taille, celles-ci peuvent avoir des effets aigus (ex. asthme) ou chroniques (ex. cancer) sur la santé (DSP CIUSSSCN, 2018a; Fang et coll., 2003). Les PM2,5, dont le diamètre est de moins de 2,5 µm, sont les particules les mieux

documentées quant à leurs effets sur la santé (DSP CIUSSSCN, 2018a). Les effets toxiques de ces particules ont des conséquences au niveau respiratoire et cardiovasculaire en plus d’entraîner une augmentation de la mortalité et de la morbidité quotidienne (DSP CIUSSSCN, 2018a; WHO Regional Office for Europe, 2013). Les particules grossières, qui comprennent les PST ont quant à elles un diamètre moyen autour de 50 µm, mais peuvent aller jusqu’à 150 µm (DSP CIUSSSCN, 2020). Bien qu’il existe peu de documentation en ce qui a trait aux effets sur la santé, qui sont directement attribuables aux PST, celles-ci semblent néanmoins démontrer un potentiel allergique ou irritant selon leur composition et leur taille (DSP CIUSSSCN, 2018a, 2020).

1.3.1.1 Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)

Essentiellement associés aux particules fines, les HAP sont un groupe de contaminants produits par la combustion incomplète de matière organique et non organique (Kim et coll., 2013). Ils proviennent de sources anthropiques comme l’incinération de déchets ménagers, la combustion de bois et les émissions associées au transport routier (Kim et coll., 2013; Rengarajan et al., 2015). Il est d’ailleurs estimé que ce dernier représenterait 60% des émissions totales d’HAP (Slezakova et coll., 2013). La persistance des HAP dans l’environnement contribue à leur bioaccumulation le long de la chaîne alimentaire, affectant par le fait même, les écosystèmes, mais également les humains (Deng et coll., 2006; Rengarajan et al., 2015). Leur potentiel mutagène, tératogène et/ou cancérogène a été démontré dans de nombreuses études (Abdel-Shafy & Mansour, 2016; Deng et al., 2006; Kim et coll., 2013; Rengarajan et coll., 2015). Compte tenu de leur association avec les particules fines, les HAP peuvent également pénétrer plus profondément dans l’appareil respiratoire et ainsi contribuer à la relation observée entre le risque de cancer et la pollution atmosphérique (DSP CIUSSSCN, 2018a; Deng et al., 2006). Le composé le plus souvent étudié et qui est considéré comme le plus toxique pour l’humain est le benzo(a)pyrène (Abdel-Shafy & Mansour, 2016; Kim et coll., 2013). Il est d’ailleurs le seul représentant de sa famille à être classé comme cancérogène (groupe 1) selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (CIRC, 2018). Il est souvent utilisé comme référence de

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toxicité pour l’ensemble des HAP (Walsh & Brière, 2018). Le dibenzo(a,h)anthracène est un autre HAP d’intérêt, classé comme cancérogène probable et dont les effets sur la santé sont assez bien documentés (CIRC, 2010; GC, 2019a). Son pouvoir mutagène et la capacité de ce composé à induire des dommages à l’ADN, plus particulièrement au niveau du foie, des poumons et de la peau, ont clairement été démontré sur des modèles animaux et de façon plus limitée chez l’homme (California Office of Environmental Health Hazard Assessment, 2014, Okona-Mensah et al., 2005; Pfeiffer, 1977; Wynder & Hoffmann, 1959). Au niveau canadien, d’autres HAP tels que le benzo(a)anthracène, benzo[b]fluoranthène, benzo[k]fluoranthène et benzo[j]fluoranthène sont également pris en considération dans l’évaluation des effets sur la santé humaine (GC, 1994). Ces six HAP feront l’objet d’analyse dans le cadre de ce mémoire.

Comme mentionné précédemment, les populations les plus exposées aux contaminants sont souvent celles dont le statut socioéconomique est plus faible (Hajat et coll., 2015). Tous comme pour les métaux, une exposition différenciée aux HAP peut également être observée. Des chercheurs ont d’ailleurs été en mesure de conclure que le quotient intellectuel (QI) d’enfants était influencé par l’exposition aux HAP et par le contexte socioéconomique d’un quartier (Lovasi et coll., 2014). Il existe aussi une association significative inverse entre l’exposition prénatale aux HAP et le QI des enfants de familles défavorisées (Perera et coll., 2014). L’exposition prénatale aux HAP, combinée au contexte socioéconomique défavorable peut certainement avoir un effet cumulatif sur les enfants, qui sont une population vulnérable face aux effets toxiques des HAP (Abdel-Shafy & Mansour, 2016). De plus, des études ont démontré que ces contaminants étaient associés à une diminution significative du poids à la naissance, de la grandeur et de la circonférence de la tête, et ce une fois avoir contrôlé pour les variables confondantes comme les métaux (Edwards et coll., 2010; Jedrychowski et al., 2003) .

Bien que les HAP ne soient pas une source d’inquiétude majeure pour les citoyens des territoires LVBV, contrairement aux PST, il semble pertinent de documenter l’exposition des populations à ces contaminants. D’une part parce que le suivi des HAP n’est pas effectué sur une base régulière (Walsh & Brière, 2018) et d’autre part, parce que même à de faibles doses, ils peuvent avoir des impacts significatifs sur la santé (Kim et coll., 2013). De plus, un gradient d’exposition pourrait potentiellement être observé entre les territoires LVBV et

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le reste de la Ville de Québec compte tenu de la présence d’un plus grand nombre de conditions environnementales défavorables (DSP CIUSSSCN, 2018a, 2018b).

1.3.1.2 Les métaux

Certains métaux sont des éléments essentiels pour les organismes vivants compte tenu du rôle important qu’ils jouent dans le maintien de fonction de diverses fonctions physiologiques et biochimiques (Jaishankar et coll., 2014). Au-delà d’un certain seuil, ils peuvent cependant devenir toxiques et avoir des effets significatifs sur la santé en interférant notamment avec les processus métaboliques du corps (Jaishankar et coll., 2014). D’autres métaux sont d’emblée toxiques, tels le mercure et le plomb (Matta & Gjyli, 2016). Les métaux sont libérés de manière continue dans l’environnement par des sources anthropiques et naturelles. L’exposition de la population aux métaux, par voie respiratoire, est surtout associée aux particules fines (PM2.5) (Tchounwou et coll., 2012) qui sont des particules atmosphériques d’un diamètre inférieur à 2.5 micromètres (GC, 2013a). Les PST, qui sont des particules atmosphériques d’un diamètre maximal d’environ 100 micromètres (GC, 2013a), peuvent toutefois contribuer à l’exposition, notamment par la voie digestive (Calabrese et coll., 1997; Fang et coll., 2003).

Les PST font notamment l’objet de l’analyse pour le volet de la caractérisation environnementale dans ce mémoire. Plusieurs raisons sous-tendent ce choix et viennent justifier la pertinence de s’y intéresser. D’abord, les PST reflètent souvent une contamination environnementale plus locale que les PM2.5, ce qui les rend d’autant plus pertinentes afin d’identifier des gradients d’exposition. En effet, compte tenu de leur taille plus importante, les PST vont avoir tendance à être davantage influencées par la gravité et à sédimenter plus rapidement à proximité de leur source d’émission (Fang et coll., 2003; Walsh & Brière, 2018). À l’inverse, les PM2.5 restent en suspension dans l’air plus longtemps et voyagent sur de plus longues distances (DSP CIUSSSCN, 2018a). Les PST sont également considérées comme le meilleur indicateur mesurable des poussières visibles, qui sont au cœur des préoccupations citoyennes (DSP CIUSSSCN, 2018b). La composition chimique de ces poussières, notamment leur profil en métaux, représente une source d’inquiétude pour les résidents qui s’interrogent quant aux possibles répercussions que cette exposition peut avoir sur leur santé (DSP CIUSSSCN, 2018b). De plus, la déposition de ces particules au sol peut exposer davantage les enfants qui sont, non seulement exposés par voie

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aérienne, mais également par voie orale compte tenu de leur comportement main-bouche ou de pica (Calabrese et coll., 1997; Lanphear et al., 1996, INSPQ, 2012). Ceux-ci sont particulièrement sensibles aux effets de ces contaminants (DSP CIUSSSCN, 2018a; Morrens et al., 2012). Il est dorénavant connu que l’exposition aux métaux a des conséquences sur le développement neurologique qui peuvent se manifester entre autres par des QI plus faibles et une prévalence accrue de troubles comportementaux (INSPQ, 2013).

Dans le cadre de ce mémoire, quatre métaux ont été retenus : le plomb, le nickel, le cadmium et l’arsenic. Ce choix a été fait en amont du projet de maîtrise et sont ceux retenus par le projet MEMS (DSP CIUSSSCN, 2018b). Ces quatre métaux correspondent à des contaminants d’intérêt pour la santé, mais aussi à des situations particulières dénoncées par les citoyens des quartiers à l’étude (DSP CIUSSSCN, 2019a).

Plomb

La présence de ce métal dans l’air peut être attribuable à différentes sources comme la combustion de déchets contenant du plomb, les rejets atmosphériques des industries de production de fer et d’acier, de production de batteries et des fonderies non ferreuses (ATSDR, 2010). Les enfants sont particulièrement sensibles à ce contaminant. Il peut notamment endommager les reins ainsi que le cerveau, entraîner des déficits neurodéveloppementaux et entraîner un retard intellectuel (ATSDR, 2010 ; Liu et al., 2013). Chez l’adulte, le plomb peut aussi contribuer à augmenter la pression artérielle et causer l’anémie. Des problèmes de reproduction sont également documentés (DSP CIUSSSCN, 2018a; GC, 2013b). Bien que les concentrations moyennes annuelles soient en diminution dans les PST de la région (DSP CIUSSSCN, 2018a), le plomb reste une priorité en santé publique étant donné le passé industriel de la ville et l’absence de seuil sécuritaire d’exposition sans effets sur la santé (GC, 2013b).

Nickel

L’utilisation des combustibles fossiles, l’incinération municipale, la combustion du charbon et certaines activités de transbordement de minerai au Port de Québec font partie des différentes sources anthropiques qui contribuent à augmenter la présence de ce contaminant dans l’air ambiant (ATSDR, 2005; GC, 1994b). L’exposition à ce métal peut

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entraîner différents effets sur la santé. Les réactions allergiques au niveau de la peau sont d’ailleurs l’une des conséquences les plus communes, chez les personnes qui y sont sensibilisées (Das et coll., 2008). Le CIRC classe également les composés de nickel comme cancérogènes, dont plusieurs se retrouvent d’ailleurs dans l’air ambiant en milieu urbain (CIRC, 1990). Ils sont essentiellement liés à des cancers nasaux et respiratoires chez l’adulte (CIRC, 1991). Des effets immunotoxiques sont aussi documentés (Das et coll., 2008). Malgré le fait que ce contaminant diminue de manière significative depuis quelques années, des dépassements de la norme journalière du Règlement sur la qualité de l’atmosphère sont toujours observés à la station du Vieux-Limoilou (DSP CIUSSSCN, 2018a). Les niveaux élevés de nickel dans ce secteur ont d’ailleurs fait l’objet d’une vive mobilisation citoyenne dans les récentes années et restent à ce jour une préoccupation pour les habitants du quartier. En effet, le MELCC a été en mesure d’établir un lien entre la présence de ce métal dans l’air extérieur et les activités de transbordement du Port de Québec (Walsh & Brière, 2018).

Cadmium

L’alimentation est la principale source d’exposition environnementale au cadmium (Järup & Akesson, 2009). Le tabagisme en constitue également une, en plus d’avoir des conséquences sur la santé respiratoire des enfants via leur exposition à la fumée de tabac (Järup & Akesson, 2009; Willers et al., 2005). Il est également estimé qu’une exposition prénatale au cadmium peut entraîner une diminution de poids chez les nouveau-nés, ainsi que des naissances prématurées (Jaishankar et coll., 2014). Bien que les niveaux de cadmium dans l’air soient généralement faibles, les individus peuvent néanmoins y être exposé par différentes sources anthropiques comme l’utilisation de combustibles fossiles, l’incinération de déchets, la production de métal non ferreux et l’utilisation de fertilisants phosphatés (GC, 1994c). Une exposition chronique par inhalation de ce métal peut engendrer des dommages rénaux, pulmonaires et osseux squelettique (Jaishankar et coll., 2014; Rafati Rahimzadeh et coll., 2017). Le cadmium et ses composés sont également classés cancérogènes par le CIRC et seraient potentiellement liés au développement du cancer du poumon.

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Arsenic

La combustion et les procédés industriels sont les deux sources d’émission principales d’arsenic (DSP CIUSSSCN, 2018a). Les fonderies de cuivre et de plomb, le trafic automobile, l’incinération des déchets et le trafic maritime constituent également des sources anthropiques (GC, 1993). L’arsenic inorganique est considéré comme cancérogène par le CIRC contrairement à l’arsenic organique qui représente un moins grand enjeu au niveau de la santé. Bien que l’humain soit essentiellement exposé à ce contaminant par le biais de la nourriture et de l’eau contaminée, une certaine proportion de l’exposition se fait par inhalation (Jaishankar et coll., 2014). De façon chronique, ce métal peut entraîner des effets cutanés, circulatoires et neurologiques (ATSDR, 2007). Des études ont également rapporté des troubles neurodéveloppementaux chez les enfants et une diminution du quotient intellectuel lié à une exposition prénatale et au cours de la petite enfance (Rodríguez-Barranco et coll., 2013). À la station Vieux-Limoilou, les concentrations d’arsenic inorganique retrouvées dans les PST ont souvent dépassé la norme annuelle du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (RAA) au cours des dernières années dans la région de la Capitale-Nationale (DSP CIUSSSCN, 2018a).

1.3.2 Données préliminaires sur les concentrations de métaux

À Québec, les valeurs mesurées de ces différents métaux sont généralement sous la norme du RAA dans les PST. Un gradient d’exposition entre la Basse-Ville et la Haute-Ville de Québec semble toutefois être observé, mais n’est pas significatif, possiblement à cause du faible nombre d’échantillons disponibles (DSP CIUSSSCN, 2018b). Les analyses préliminaires de la campagne d’échantillonnage de PST montrent néanmoins que les concentrations pourraient être plus élevées en Basse-Ville comparativement à la Haute-Ville de Québec (DSP CIUSSSCN, 2019). Il faut également souligner que la fréquence de dépassements des valeurs de référence quotidienne pour les PST est plus importante à la station Vieux-Limoilou comparativement aux autres stations de la ville (DSP CIUSSSCN, 2019b).

1.4 Biosurveillance environnementale par l’abeille

Alors que la première partie de la mise en contexte a détaillé l’importance de mesurer les HAP et les métaux en lien avec leur impact sur la santé, les préoccupations citoyennes et les inégalités sociales de santé, il convient de trouver une méthode sensible pour les

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mesurer. Considérant les limites du RSQAQ, il est proposé d’utiliser l’abeille domestique comme outil de mesure. La prochaine partie de la mise en contexte/problématique en justifie l’utilisation.

La définition de la biosurveillance environnementale (BE), retenue dans le cadre de cette étude, se définit comme l’utilisation d’organismes vivants dans le but de mesurer la contamination environnementale (Bargańska et coll., 2016). Les organismes utilisés dans le cadre de cette biosurveillance sont des bio-indicateurs qui fournissent des informations sur l’environnement en mesurant le degré, l’étendue de la pollution et les effets de celle-ci sur l’organisme utilisé (Kaiser, 2001). Ils sont des témoins de la santé des écosystèmes, en plus de permettre la caractérisation d’un habitat et de suivre l’évolution de l’état d’un écosystème dans le temps (Kaiser, 2001). Afin de pouvoir être qualifiés de bio-indicateurs, ces organismes doivent posséder les caractéristiques suivantes : 1) être présents à des densités élevées, 2) être facilement capturés et manipulés, 3) posséder une aire de répartition connue, et 4) avoir déjà fait l’objet d’études confirmant ses qualités en tant que bio-indicateur (Kaiser, 2001).

L’abeille domestique, Apis mellifera possède tous ces attributs, en plus d’avoir fait l’objet de plusieurs études récentes qui reconnaissent son potentiel et son utilité dans la surveillance des contaminants atmosphériques (Bargańska et coll., 2016; Giglio et al., 2017; Gutiérrez et coll., 2015; Perugini et coll., 2009). De plus, puisque les abeilles se retrouvent de façon presque ubiquitaire, cela facilite l’établissement de protocoles standardisés partout dans le monde, ainsi que le potentiel d’assurer une certaine reproductibilité entre les études (Ruiz et coll., 2013). Les sections subséquentes détailleront les principes fondamentaux l’utilisation des bio-indicateurs et les avantages d’utiliser les abeilles domestiques.

1.4.1 Les types de bio-indicateurs

Le premier type de bio-indicateur couramment utilisé est le bioaccumulateur. Celui-ci accumule des substances toxiques qui peuvent entraîner certaines modifications au niveau comportemental, histologique, cellulaire et morphologique (Kaiser, 2001). Ce type d’indicateur permet notamment d’évaluer et d’assurer le suivi de polluants pouvant avoir des effets toxiques à faible concentration (Kaiser, 2001). Il faut toutefois faire preuve de prudence lors de l’interprétation des données de BE recueillies par ce type de bio-indicateur.

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En effet, l’accumulation des contaminants est influencée par différents facteurs biologiques comme l’âge et la taille, ainsi que par des facteurs physicochimiques tels que la température (Oehlmann & Schulte-Oehlmann, 2003). Il faut donc prendre en considération ces facteurs lors de l’analyse des résultats. L’abeille est considérée comme un bioaccumulateur (Crane, 1984).

Différents organismes comme les plantes, les champignons, les mollusques et certains insectes, comme les abeilles sont d’ailleurs considérés comme des bioaccumulateurs et ont été utilisés dans le cadre d’études environnementales (Crane, 1984; Kargar et al., 2017; Oehlmann & Schulte-Oehlmann, 2003).

Le deuxième type de bio-indicateur est le biomarqueur qui est défini par Key et coll. (2006) comme un changement observé à une échelle moléculaire, cellulaire ou physiologique, suite à l’exposition à un stress, dans le cas présent, à un contaminant. Le biomarqueur permet d’obtenir des informations quant au degré d’exposition présent ou passé à un contaminant, ainsi qu’aux effets de ce dernier (Key et coll., 2006). Les matrices biologiques des organismes, par exemple le miel des abeilles domestiques sont considérées comme des biomarqueurs (Van Gestel & Van Brummelen, 1996).

1.4.2 Biologie et éthologie de l’abeille qui font d’elle un bon bio-indicateur

Afin de valider l’utilisation des abeilles comme biomarqueurs dans le cadre de la BE, il faut avant tout dresser un portrait global de la colonie d’abeilles. Une meilleure compréhension de sa dynamique est nécessaire afin de mieux saisir en quoi elle s’avère pertinente en BE. D’abord, la ruche est composée de 20 000 à 80 000 individus divisés en trois castes (figure 2) : une reine unique, qui est fertile et assure le renouvèlement de la colonie en pondant des milliers d’œufs par jour pendant l’été, des faux-bourdons qui ont comme rôle de féconder la reine et finalement les ouvrières qui représentent la majorité de la colonie (Cultive ta ville, 2020, Michener, 2000).

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Figure 2 : Castes d’abeilles

Tiré et adapté d’Apiconso (2018)

Vu leur nombre important dans la colonie, ce sont les ouvrières qui sont généralement analysées en BE, puisqu’elle constitue une quantité considérable de matériel à échantillonner et à analyser (Bogdanov, 2006). De plus, leur vie moyenne étant relativement courte (environ 40 jours en été), ainsi que le taux de reproduction élevé de la reine (environ 1000 œufs par jour) permettent une régénération continuelle et rapide de la colonie (Porrini et coll., 2003).

Les ouvrières occupent des rôles variés comme nettoyer la ruche, prodiguer des soins à la reine et au couvain, défendre la ruche, produire de la cire et du miel et butiner (Pelletier, 2010). L’activité de butinage à laquelle s’adonnent celles-ci est un comportement associé à la recherche alimentaire et qui consiste à faire des allers-retours entre la ruche et l’environnement, dans le but de ramener l’eau et la nourriture à la ruche (Bogdanov, 2006; Crane, 1984). D’après Perugini et coll. (2009) celles-ci effectuent entre 12 et 15 voyages par jour. Cela représente donc un nombre élevé de microprélèvements dans l’environnement compte tenu du nombre élevé d’ouvrières et d’allers-retours. De plus, l’activité de butinage place les ouvrières en contact avec un large éventail de polluants dans un rayon moyen de 1,5 km autour de la ruche, ce qui fait d’elles des bio-indicateurs spécifiques pour un endroit donné (Badiou-Bénéteau et coll., 2013; Hoopingarner & Waller, 1993).

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Figure 3 : Morphologie de l’abeille

Tiré d’ADA France (2020)

En se penchant sur la morphologie des ouvrières (figure 3), il est aussi possible de comprendre pourquoi elles peuvent capter efficacement les contaminants atmosphériques avec lesquels elles entrent en contact (Gómez-Ramos et coll., 2016). En effet, les poils recouvrant tout leur corps, créent autour d’elles un champ électrostatique permettant d’attirer les particules en suspension dans l’air (Apilab, 2018; Free, 1993).

1.4.3 Applications et études menées

1.4.3.1 Utilisation de l’abeille pour les métaux

Bien que l’abeille soit reconnue depuis 1935 comme un bio-indicateur, c’est en 1970 qu’elle fût utilisée la première fois pour mesurer la contamination environnementale, plus précisément, la contamination aux métaux (Bargańska et coll., 2016; Crane, 1984). Une des études phares dans le domaine a été réalisée par Bromenshenk et coll. (1985). Leur recherche, réalisée sur un territoire de 7500 km2 et comportant plus de 72 sites de

prélèvements, a permis de conclure que l’abeille peut fournir des informations quantitatives sur la concentration et la distribution des métaux dans l’air, à l’intérieur d’une grande zone géographique. Les auteurs ont également analysé le pollen qui s’avère être pertinent du point de vue de l’accumulation et du transfert des métaux dans les plantes. Ils soulignent nénamoins que les tissus de l’abeille sont la matrice la plus sensible aux métaux et s’avèrent donc l’outil le plus adéquat pour assurer le suivi de cette pollution. En effet, l’abeille montre des niveaux plus élevés de contamination aux métaux en plus de démontrer une moins grande variabilité biologique entre les échantillons, contrairement au pollen. Il faut souligner

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que contrairement à plusieurs espèces, la variabilité biologique entre les abeilles peut être diminuée en procédant uniquement à l’échantillonnage des abeilles butineuses (Badiou-Bénéteau et coll., 2013).

Une autre étude menée en 2016 avait pour but de tester l’accumulation de métaux dans les tissus de l’abeille le long d’un gradient d’urbanisation (Giglio et coll., 2017). Dans leur expérience, des ruches ont été disposées sur deux sites : un situé proche d’une aire industrielle et un situé dans un jardin de ville. Cette étude a démontré que les différences spatiales de concentrations de métaux, détectées dans les tissus de l’abeille, sont en grande partie dues aux activités anthropiques qui rejettent des polluants dans l’atmosphère. En effet, les concentrations de métaux étaient plus élevées dans les abeilles capturées proche de l’aire industrielle. Les chercheurs sont aussi parvenus à démontrer que l’analyse de l’abeille et de ses produits pouvait indiquer le niveau de ces polluants dans l’air, l’eau et le sol se trouvant aux alentours de la ruche, ce qui fait d’elles un outil utile dans la BE. Les produits de la ruche comme le miel seraient toutefois moins sensibles que les tissus de l’abeille (Bogdanov, 2006; Porrini et al., 2003). De plus, des évènements de pollution ponctuels où une charge plus importante de polluants serait libérée dans l’environnement pendant une courte période seraient suffisants pour polluer les abeilles butineuses, mais insuffisants pour contaminer le miel (Ruschioni et coll., 2013). À cela s’ajoute le fait que l’abeille filtre le miel ce qui en réduit conséquemment sa teneur en métaux (Fakhimzadeh & Lodenius, 2000; Ruschioni et al., 2013). Bien que l’utilisation du miel ou de l’abeille comme meilleur bio-indicateur soit l’objet de débat dans la littérature scientifique, il semblerait que l’utilisation de ces deux matrices complémentaires soit souhaitable pour évaluer la pollution aux métaux (Herrero-Latorre et coll., 2017).

D’après l’étude de Velmínsky et coll. (1990) l’abeille serait le bio-indicateur le plus pertinent puisqu’elle représente le principal apport de métaux à la ruche. Ils arrivent à cette conclusion en comparant différentes matrices, notamment les différents stades de développement de l’abeille (stades larvaires, jeunes abeilles et abeilles adultes) (figure 4).

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Figure 4 : Stades de développement de l’abeille

Tiré d’Apis Bruoc Sella (2013) et modifié

Les analyses effectuées sur les larves révèlent une concentration en plomb et en cadmium inférieure à celle présente dans les abeilles adultes (Velemínsky et coll., 1990). Cela peut s’expliquer par le fait que durant le dernier stade larvaire et le stade de pupe, l’abeille excrète les métaux, ce qui contribue à diminuer la concentration présente dans leur corps. Il faut également souligner le fait que les contaminants peuvent difficilement atteindre l’abeille lors du stade de pupe puisque l’alvéole (cavité dans laquelle l’abeille se développe) est scellée par un bouchon de cire (figure 4) (Velemínsky et coll., 1990). L’étude de (Balestra et coll., 1992) arrive toutefois à des conclusions différentes puisque les larves analysées montraient plutôt un taux assez élevé en métaux qui s’expliquent par une alimentation des larves composée exclusivement de pollen et que le pollen est généralement davantage pollué que les autres produits comme le miel (Lüken & Ohe, 2018; Moroń et coll., 2012). Leur étude ne mentionne toutefois pas durant quel stade les larves ont été échantillonnées. Sachant que le taux de contamination dépend du stade larvaire de l’abeille, comme Velmínsky et coll. (1990) le mentionne, il est donc possible d’arriver à des niveaux plus élevés. Les larves et les jeunes abeilles pourraient permettre d’étudier le transfert des métaux dans la ruche, essentiellement par voie alimentaire (Velemínsky et coll., 1990).

L’utilisation de l’abeille et/ou de ses produits dans le cadre de la BE a essentiellement été exploitée en Europe. Au Canada, une seule étude, réalisée à Vancouver, a été relevée dans la littérature pour avoir utilisé le miel comme bio-indicateur de la pollution atmosphérique (Smith et coll., 2019). Le but de cette étude était de vérifier si le miel provenant d’environnements distincts (industriel, résidentiel, urbain, rural et naturel) présentait des différences en termes de concentration de métaux. De plus, en analysant la composition de

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sources d’émission de ces métaux. Les résultats de cette étude ont mis en évidence des différences significatives entre les sites, et discerné l’origine environnementale et anthropogénique de la pollution atmosphérique. Les auteurs concluent leur article en soulignant le fait que le miel est un outil utile pour évaluer les variations de métaux et de composition de plomb isotopique, à petite échelle à l’intérieur d’une ville. Leur étude constitue la première étude nord-américaine qui supporte l’analyse combinée de métaux et de plomb isotopique dans le miel comme bio-indicateur géochimique. Bien que leur étude vienne combler un vide dans la littérature quant aux données au niveau canadien, elle ne donne pas d’informations concernant l’intégration des contaminants dans les tissus de l’abeille.

Finalement, il faut souligner que les études de BE, où des différences significatives dans le degré de pollution ont été détectées, étaient caractérisées par des sites souvent éloignés et placés dans des environnements très distincts en termes de qualité de l’air (Van der Steen et coll., 2012). En effet, un biais de sélection pouvait ainsi être introduit par le choix de la localisation et ainsi augmenter les chances de détecter une différence significative entre les sites. Peu d’études ont été réalisées afin de déterminer si l’abeille peut détecter des différences lorsque la variation des polluants atmosphériques est moins marquée, comme entre différents quartiers d’une ville par exemple. Or, c’est dans ces contextes que l’utilisation des abeilles pourrait être la plus intéressante en BE puisque les SEC ne permettent pas nécessairement de vérifier si des variations significatives dans le niveau de pollution sont présentes au sein d’une même ville. Documenter ces variations pourrait d’ailleurs s’avérer particulièrement pertinent dans une perspective d’inégalités socioenvironnementales.

1.4.3.2 Utilisation de l’abeille pour les HAP

Compte tenu de l’intérêt croissant en ce qui a trait à l’utilisation de l’abeille dans la biosurveillance de l’air (Bromenshenk et coll., 1985; Crane, 1984; Gutiérrez et coll., 2015), les scientifiques ont voulu vérifier son potentiel à être un bio-indicateur pour d’autres contaminants de l’environnement, comme les HAP (Amorena et coll., 2009; Corredera et al., 2014; Kargar et coll., 2017; Lambert et coll., 2012; Perugini et coll., 2009). La capacité de l’abeille et de son miel à détecter la présence d’HAP dans des environnements caractérisés par des niveaux de pollution différents a fait l’objet d’une première étude en

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2009 (Perugini et coll., 2009). Les conclusions de cette étude permettent entre autres d’établir que l’abeille peut révéler des niveaux d’HAP très bas dans l’environnement. Bien qu’aucune différence significative entre les sites n’ait été mise en évidence dans cette étude, les auteurs soulignent que la grande sensibilité des abeilles peut tout de même permettre d’anticiper l’évolution des conditions environnementales et d’évaluer les changements anthropiques sur de longues périodes. Les auteurs ont également étudié le potentiel du miel à être utilisé dans la biosurveillance des HAP et ont conclu qu’il ne s’agit pas de la meilleure matrice pour assurer le suivi de ces contaminants. Tout comme pour les métaux, cela pourrait s’expliquer par le fait que le miel est un sous-produit de l’abeille et que celle-ci filtre en partie les contaminants en les accumulant plutôt dans leur corps (Bogdanov, 2006; Fakhimzadeh & Lodenius, 2000; Lüken & Ohe, 2018; Perugini et coll., 2009). Son faible contenu en lipides et sa capacité plus faible à bioaccumuler les HAP n’en font donc pas la matrice idéale pour ce contaminant (Lambert et coll., 2012). Il n’en demeure pas moins que le miel reste un produit de consommation et peut donc, par voie alimentaire, exposer l’humain aux HAP, d’où l’intérêt de tout de même l’analyser (Al-Alam et coll., 2019; Ciemniak et al., 2013).

Une étude réalisée en 2012 a également montré que les abeilles ainsi que les produits de la ruche sont significativement influencés par les concentrations d’HAP dans l’environnement (Lambert et coll., 2012). En effet, les échantillons récoltés dans les sites pollués, où il y a une forte urbanisation et industrialisation, présentent des niveaux plus élevés d’HAP que dans les sites ruraux plus éloignés. Toutefois une étude de 2017 souligne que la contamination dans les sites ruraux peut rivaliser avec les zones industrielles en termes de niveaux de pollution dans les pays en développement (Kargar et coll., 2017). En effet, le profil des activités agricoles et l’utilisation parfois inappropriée de la biomasse, comme la combustion du bois, des restes agricoles et de fumiers comme combustible peut contribuer à une augmenter la charge d’HAP dans l’air (Kargar et coll., 2017). Cette étude a également établi le profil en HAP d’une ville située dans un quartier industriel de la Turquie, et ce, en utilisant principalement l’abeille comme bio-indicateur. Les données recueillies, plus précisément celles concernant les concentrations d’HAP, ont permis d’une part de clarifier la distribution régionale de ces contaminants et d’autre part, d’identifier les sources d’émission spécifiques. Les résultats de cette étude constituent un argument supplémentaire de la pertinence de l’utilisation de l’abeille dans les programmes de

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d’évaluation des risques associés (Kargar et coll., 2017). Subséquemment, cette identification pourrait certainement permettre d’accélérer la mise en place d’actions concrètes visant à diminuer les émissions.

Bien qu’il semble y avoir un certain intérêt pour l’utilisation de l’abeille et de ses produits pour assurer le suivi environnemental des HAP, la littérature sur le sujet reste limitée. Par ailleurs, les études menées sur le sujet ont principalement été réalisées en Europe (Amorena et coll., 2009; Ciemniak et al., 2013; Corredera et coll., 2014; Lambert et coll., 2012; Perugini et coll., 2009).

1.4.3.3 Intégration de la biosurveillance environnementale de l’abeille et des stations d’échantillonnage de l’air

Une équipe de chercheurs a testé si la BE par l’abeille avait le potentiel d’être intégrée aux protocoles d’évaluation de la qualité de l’air (PM2,5 et PM10), plus précisément dans le but

de compléter l’information obtenue par les SEC (Gutiérrez et coll., 2015). La comparaison entre les niveaux de métaux détectés par les deux méthodes a permis de montrer deux éléments importants. Premièrement, les concentrations en contaminants peuvent coïncider et donner une variation temporelle similaire, ce qui fait de l’abeille un outil fiable pour suivre la pollution aux métaux. Deuxièmement, les abeilles sont capables de détecter des pics de contaminants, qui ne sont pas nécessairement décelables par les stations d’échantillonnage ; ce constat qui vient appuyer l’idée que la BE par l’abeille peut apporter des informations additionnelles aux données sur la qualité de l’air provenant des SEC.

L’étude de (Van der Steen et coll., 2015) en arrive toutefois avec des conclusions nuancées. En effet, les auteurs ont vérifié si la concentration de certains métaux (plomb, cadmium et vanadium) était corrélée aux données des stations d’échantillonnage de l’air et en sont arrivés à la conclusion que l’abeille pouvait être une alternative intéressante, mais seulement pour certains métaux, plus précisément pour le vanadium. En effet, les niveaux de plomb et de cadmium dans les tissus de l’abeille étaient trop faibles pour établir une relation avec les données des stations d’échantillonnage de l’air standard. Cette étude a toutefois été conduite sur une période de deux mois et seulement quatre échantillons d’une centaine d’abeilles ont été prélevés, ce qui peut représenter une taille d’échantillon insuffisante. De plus, les auteurs ont échantillonné les abeilles directement à l’intérieur de

Figure

Figure 1 : Modèle de stresseurs multiples
Figure 2 : Castes d’abeilles
Figure 3 : Morphologie de l’abeille
Figure 4 : Stades de développement de l’abeille
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