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Parcours de parents immigrants dont le fils a fait l'expérience d'un gang de rue et d'une institutionnalisation : vécu familial bouleversé

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

Parcours de parents immigrants dont le fils a fait l’expérience d’un gang de rue et d’une institutionnalisation : un vécu familial bouleversé

Par

René-André Brisebois

École de criminologie Faculté des Arts et Sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de l’obtention du grade de

Maîtrise ès science (M.Sc.) en criminologie

Mars 2007

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de Montréal

Direction des bibliothèques

AVIS

L’auteur a autorisé l’Université de Montréal à reproduire et diffuser, en totalité ou en partie, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, et exclusivement à des fins non lucratives d’enseignement et de recherche, des copies de ce mémoire ou de cette thèse.

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Ce mémoire intitulé

Parcours de parents immigrants dont le fils a fait l’expérience d’un gang de rue et d’une institutionnalisation : un vécu familial bouleversé

Présenté par: René-André Brisebois

a été évalué par un jury composé des personnes suivantes

Carlo Morselli président-rapporteur Sylvie Hamel directrice de recherche Chantal Fredette membre du jury

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Sommaire

À

partir de douze entretiens qualitatifs semi-directifs, la présente étude évoque les difficultés que rencontrent les parents immigrants tout au long de leur vie ainsi que les transformations que leur famille a connues au fil des années. En commençant par les conditions de vie difficiles auxquelles ils ont fait face dans leur enfance, jusqu’à l’insfitutio;rnalisation de leur fils en raison d’une délinquance rattachée aux gangs de rue, ces parents dévoilent leur déception, leur découragement ainsi que leur sentiment d’impuissance. Leur parcours migratoire semble bouleverser, dans un premier temps, leurs repères culturels et identitaires, ce qui, en retour, creuse un fossé entre eux et leurs enfants, qui semblent s’acculturer plus facilement et rapidement. C’est donc avec le cadre conceptuel de la théorie du conflit de culture que nous analysons les récits de vie de ces parents.

Mots clés t conflit de culture, gangs de rue, parents, mères, garçons, adolescents, institutionnalisation.

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Summary

Based on 12 qualitative serni-structured interviews, the present study examines the difficulties encountered by immigrant parents throughout their lives as well as the transformations their family has undergone over time. From the difficuit living conditions experienced in their youth to the institutionalization of their son for delinquent behavior related to street gang activity, these parents expose their disappointment, their discouragement as well as their feelings of powerlessness. The rnigratory course of these parents appears to have disrupted, at the outset, their cultural points of reference and sense of identity which, in return, created a gap between themselves and their chiidren, who seem to be acculturating casier and quicker to their new society. We will therefore employ the conceptual framework of culture conftict theory to analyze the life stories of these parents.

Key words: culture conflict, street gangs, parents, mothers, sons, adolescents, institutionalization.

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Table des matières

Sommaire .111

Summary IV

Table des matières V

Liste des sigles et abréviations IX

Remerciements X

Introduction 1

Chapitre 1:

Une recension des écrits stir le phénomène des gangs et de l’immigration 6

1. Les gangs : un phénomène nouveau 7

2. L’étendue et l’ampleur du phénomène 9

2.1 L’accroissement des villes touchées par le phénomène des gangs 9

2.2 Le nombre de gangs et de leurs membres 10

3. Comment définir un gang 13

3.1. Un concept qui ne fait pas l’unanimité 13

3.2. Une typologie des gangs 14

4. La famille 16

4.1. Le portrait sociodémographique et socioéconomique 17

4.2. La structure familiale 1$

4.3. Le fonctionnement familial 20

4.4. Le climat et les liens familiaux 21

4.5. La famille ou le gang 25

5. L’immigration 26

5.1. Le parcours migratoire : une expérience plutôt difficile 27

5.2. De nouvelles réalités 28

5.3. L’acculturation: le coeur du problème des gangs ?‘ 30

6. Le cadre théorique: le conflit de culture 34

Chapitre 2

La méthodologie 36

1. Les objectifs de recherche 37

2. La définition des concepts 38

2.1. Gang ou Gang de rue 38

2.2. L’institutionnalisation 39

2.2.1. La Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) 39

2.2.2. La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) 40

3. La justification des choix méthodologiques 40

3.1. La méthodologie qualitative 40

3.2. L’entretien à tendance non directive et entretien semi-directif 41

(8)

4. Le choix du terrain .42

5. La stratégie d’échantillonnage 43

5.1. Les critères d’échantillonnage 43

5.2. La technique d’échantillonnage 44

6. Les caractéristiques de l’échantillon 44

7. Le déroulement des entretiens 45

7.1. La consigne au moment de la prise de contact 45

7.2. La consigne de départ et les sous-consignes 45

7.3. Le contexte des entretiens 46

8. L’analyse des entretiens 47

9. Les limites de l’étude 4$

Chapitre 3

L’analyse du discours des parents 52

1. L’enfance 53

1.1.Lafamille 54

1.1.1. Des conditions de vie difficiles 54

1.1.1.1. Des familles nombreuses et défavorisées 54

1.1.1.2. Un régime de guerre et de dictature 55

1.1.2. L’éducation reçue 56

1.2. L’école 59

1.2.1. Les conditions difficiles 60

1 .2.1 .1. Le matériel scolaire insuffisant 60

1.2.1.2. Une école sévère mais égalitaire 61

1.2.2. Le faible niveau de scolarité 61

1.2.3. L’importance des études 62

1.3. Le travail 62

1.3.1. L’aide financière à la famille 63

1.3.2. La contribution des aînés aux tâches familiales 63

2. Le parcours migratoire 65

2.1. Avant l’immigration 65

2.2 L’immigration : processus désunificateur 66

2.3. L’adaptation au pays d’accueil 67

2.3.1. Le processus d’adaptation variable 67

2.3.1.1. L’adaptation difficile : l’inconnu et Finattendu 6$ 2.3.1.2. L’adaptation facile: famille déjà présente 69

2.4. L’intégration: de nouvelles réalités 70

2.4.1. L’éducation des enfants change 71

2.4.2. Les difficultés économiques 72

2.4.2.1. Le travail d’un nouvel arrivant 72

2.4.2.1. L’aide financière de l’état 73

2.4.3. Un retour à l’école 74

2.4.3.1. Apprendre le français 74

2.4.3.2. La scolarité : a-t-elle vraiment servi ‘ 74 2.4.3.3. La difficulté de faire reconnaître les diplômes du pays d’origine 75

(9)

3. La famille acculturée les problèmes surgissent .76

3.1. Lefilsetlerôledespairs 77

3.1.1. La mauvaise influence des amis 77

3.1.2. Connaître leurs amis 7$

3.2. Leur école 79

3.2.1. La période problème l’arrivée au secondaire ou l’adolescence 9 80

3.2.2. Le manque d’encadrement des écoles $1

3.2.2.1. Les parents et l’école une collaboration qui serait utile $1 3.2.2.2. Le manque de compréhension des écoles à l’égard des parents $2

3.3. Les autres membres de la famille 84

3.3.1. L’influence du frère aîné $5

3.3.2. Leur père $6 3.3.2.1. Le père pourvoyeur $6 3.3.2.2. Le père violent $7 3.3.2.3. Le père absent $8 3.3.2.3.1. La séparation $8 3.3.2.3.2. Le décès $9

3.3.3. Les familles nombreuses 90

3.3.4. Les difficultés financières 91

4. Le stress et les préoccupations des parents 92

4.1. Les sentiments éprouvés face aux événements concernant leur fils 92

4.1.1. Ça me rend malade 92

4.1.1.1. Les comportements du fils 93

4.1.1.2. L’intervention de la police 94

4.l.2.Lapeur 94

4.1.2.1. La peur de son enfant 95

4.1.2.2. La peur des représailles sur la famille 95

4.1.3. Le désespoir 96

4.1.3.1. Consternés d’apprendre que leur fils est impliqué dans les gangs 96

4.1 .4. La culpabilisation 97

4.1.5. L’inquiétude 9$

4.2.1. Une discipline rigide 99

4.2.2. La surveillance 99

4.2.3. La correction physique une méthode connue 100

4.2.3.1. La réaction inattendue du jeune 100

4.2.3.2. Une justice qui sévit contre les parents 101 4.2.4. Comment réagir‘

102

4.2.4.1. Tolérer les comportements du jeune 102

4.2.4.2. L’utilisation de la méthode connue 103

4.3. La relation parent-enfant 104

4.3.1. La proximité, malgré tout 104

4.3.2. La relation problématique 106

4.3.3. La relation rompue 107

5. Le système de valeurs 108

5.1. Les conflits relationnels 108

(10)

5.3. Des valeurs différentes de celles de leur fils 110

5.4. Les attitudes face à la Justice 111

5.4.1. Des lois nuisant aux responsabilités des parents 111

5.4.2. Le respect de la Justice 112

5.5. Les attentes et déceptions 112

5.5.1. La déception du choix de vie du fils 113

5.5.2. L’éducation des filles: plus facile 113

5.5.3. Les attentes et déceptions quant à l’immigration 115

5.5.3.1. Immigrer pour que les enfants réussissent mieux qu’ eux 115 5.5.3.2. Déçus d’avoir pris la décision d’immigrer 116

6. Les gangs et l’institutionnalisation: des thèmes à éclaircir 117

6.1.Lesgangs 117

6.2. L’institutionnalisation 118

6.2.1. Le passage en Centre jeunesse 118

6.2.2. Le besoin d’aide 119

Discussion et conclusion 121

(11)

Liste des sigles et abréviations

CEDJ Centre d’expertise sur la délinquance des jeunes CJM-IU : Centre jeunesse de Montréal- Institut Universitaire DPJ : Direction de la protection de la jeunesse

LPJ : Loi sur la protection de la jeunesse

LSJPA : Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents PPGD : Pratique de pointe GANGS et délinquance du CEDJ SPVM: Service de police de la Ville de Montréal

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Remerciements

Tout d’abord, je tiens à remercier le Centrejeunesse de Montréal - Institut universitaire,

plus précisément M. Clément Laporte. pour m’avoir donné accès à cette institution afin de réaliser ma collecte de donnée pour mon mémoire de maîtrise. Je tiens également à remercier tous les intervenants qui ont collaboré de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire. Un merci tout particulier à Daniel Nault pour ses précieux conseils, pour sa participation constante et son encouragement perpétuel.

Ensuite. je tiens à remercier ma directrice. Mmc Sylvie Hamel, pour avoir cru en moi. pour m’avoir soutenu tout le long de ce périple et pour m’avoir donné la piqûre du phénomène des gangs de rue, plus spécifiquement l’intérêt qu’elle porte aux individus touchés par cette problématique. Je tiens aussi à remercier Chantai fredette pour son

dynamisme et son engouement pour le sujet des gangs de rue. Merci pour tes nombreux

conseils et surtout de m’avoir permis de ventiler mes états d’âme face aux obstacles rencontrés dans le déroulement de ce mémoire. Un gros merci à Carlo Morselli pour m’avoir fait comprendre certains aspects cruciaux d’un mémoire et pour m’avoir conduit

à une réflexion qui a amené un changement fondamental de la structure de ce mémoire.

Merci à ma mère de m’avoir écouté et supporté quand j’en avais le plus besoin. C’est

grâce à elle si ma force de caractère et ma détermination m’ont conduit jusqu’à la fin de

ce périple académique. Un grand merci à mon père et à toute la famille pour m’avoir

encouragé et soutenu dans mes nombreux engagements. Un merci tout spécial à ma soeur

Sophie... sans elle, il n’y aurait pas de mémoire qui se tienne solidement.

De plus,j’aimerais remercier David, Jean-François. Jocelyn, Louis-Philippe et Steve, mes chers amis m’ayant permis de décompresser à l’occasion, me faisant oublier quelques instants, les dures labeurs de ce travail de maîtrise.

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(14)

Bien que les études portant sur les gangs soient nombreuses et se multiplient à vue d’oeil, la majorité d’entre elles font état d’une réalité américaine. En effet, les auteurs américains s’intéressant au phénomène des gangs de rue se sont en quelque sorte appropriés ce champ d’étude et ce, depuis de nombreuses années. Une des premières recherches d’envergure fut celle de Trasher en 1927. Dès lors, une multitude de recherches traitant des gangs ont vu le jour. Cette fascination pour le phénomène démontre que la communauté scientifique y accorde une importance considérable. Certains auteurs se sont intéressés aux gangs sous l’angle des processus que ceux-ci génèrent, notamment la marginalisation, la discrimination et l’exclusion (Vigil, 1988; Belitz & Valdez, 1997; Hagedorn, 1998; Shelden, Tracy & Brown, 2001), tandis que d’autres se sont davantage attardés à la violence qu’engendrent ces groupes ainsi qu’aux moyens potentiellement efficaces de la combattre (Miller, 1982 ; Knox, 1991 ; Goldstein,

1991 ; Huff, 1993 ; Klein, 1995).

Si certains auteurs s’intéressent au caractère explosif des gangs, c’est parce qu’il génère une véritable préoccupation sociale. La violence et la criminalité de ces groupes sont souvent dans la mire des chercheurs, sans oublier que ceux-ci manifestent un intérêt certain pour le fonctionnement, la structure et l’organisation des bandes. De plus, l’observation des acteurs en cause, à savoir les membres de gangs, se fait généralement sous l’angle des facteurs de risque. Plus précisément, ce type de recherche tente d’identifier les ingrédients personnels et sociaux qui parviennent à transformer un jeune dit « normal » en un membre de gang. Dernièrement, les recherches qui suscitent beaucoup d’attention sont celles qui ciblent les filles et leur rôle au sein du groupe. Ces études sont en plein essor; elles s’établissent comme nouveau créneau de recherche.

Au Québec, le champ d’étude s’intéressant aux gangs d’ici est en effervescence. Il est d’autant plus pertinent, puisque le contexte sociopolitique et juridique du Québec est très différent de celui des États-Unis. Néaimioins, les études tendent à cibler les mêmes éléments que nos voisins du sud. L’acteur principalement visé par ces études est bien souvent le garçon ou la fille qui fait l’expérience des gangs. Bien sûr, il est pertinent de comprendre ses différents traits caractéristiques, mais que doit-on faire de sa famille?

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Malgré l’ampleur de l’intérêt porté au phénomène des gangs, très peu d’études abordent le vécu des parents. La sphère familiale est examinée généralement dans le but d’identifier certains facteurs de risque en lien avec l’affiliation aux gangs ou pour cibler des facteurs causaux pouvant expliquer le phénomène des gangs en soi. Très peu d’études se sont penchées sur la famille et les parents pour connaître leur dynamique, leur fonctionnement, ou encore pour comprendre comment l’expérience de gang du jeune s’inscrit dans son histoire familiale. De plus, les études qui ont porté une attention particulière à la famille et aux parents traduisent une réalité américaine. L’intérêt de réaliser une telle étude en sol québécois consiste à tenter de conceptualiser le rôle du vécu parental dans l’affiliation du jeune aux gangs. C’est donc à travers les épreuves et les difficultés que des parents ont rencontrées et auxquelles ils sont toujours confrontés que l’étude tente de jeter une lumière sur le vécu familial des garçons faisant l’expérience des gangs. Le tout afin de porter un regard différent et critique sur le rôle et l’importance des parents dans l’intervention faite auprès de leur fils.

La famille constitue un élément essentiel dans l’intervention, composante que, malheureusement, nous arrivons difficilement à mobiliser, bien souvent en raison d’une incompréhension du vécu des parents. Afin de remédier partiellement à ce problème, le CJM-IU, plus particulièrement la PPGD du CEDJ, s’est donné comme objectif de développer une pratique d’intervention sollicitant et impliquant davantage les parents. C’est en ce sens que la présente étude propose de jeter un regard critique et spécifique sur la sphère parentale, dans l’espoir que les connaissances qu’elle générera donneront des pistes utiles aux intervenants du CJM-IU. Ce faisant, les éléments de compréhension pourront éventuellement leur servir à faciliter leurs contacts avec les parents et à développer avec eux de meilleurs liens de collaboration, lesquels auront ultimement une incidence sur les jeunes eux-mêmes.

Dans le premier chapitre, qui fait la recension des écrits, il sera d’abord question du phénomène des gangs. Quelques pages seront consacrées à l’ampleur du phénomène, aux problèmes conceptuels ainsi qu’aux caractéristiques personnelles et sociales des jeunes.

(16)

Par la suite, une section plus approfondie traitera des caractéristiques familiales, du processus migratoire et de l’institutionnalisation des jeunes provenant de familles immigrées. En dernier lieu, une présentation du cadre théorique du conflit de culture, incorporant certains éléments de l’approche systémique, nous permettra d’introduire la problématique de l’étude, soit l’acculturation et son impact sur l’expérience des gangs et de l’institutionnalisation.

Le second chapitre présentera, en première partie, une définition opérationnelle des concepts centraux à l’étude, soit celui de gang et d’institutionnalisation, puis abordera la méthodologie employée, les récits de vie, dans la réalisation de cette recherche.

Le troisième chapitre constituera l’analyse du corpus de données recueillies à partir des comptes rendus intégraux d’entrevue. La progression de l’analyse respectera la chronologie des événements survenus dans le vécu des parents, illustrant ainsi une diversité de sphères d’influence dans le développement de ces derniers (approche systémique), développement qui influence, d’une certaine manière, leur vision, leurs rapports, leurs attentes et leurs aspirations à l’égard de leur fils (conflit de culture). D’une part, les thèmes seront présentés de manière à mettre en avant-plan des extraits d’entrevues pouvant éclairer leurs expériences et leurs points de vue. D’autre part, ces extraits seront analysés de manière à faire ressortir les similitudes et les divergences dans les discours des participants.

En premier lieu, nous aborderons l’enfance des parents en tentant de mieux connaître la famille dont ils proviennent, l’éducation qu’ils ont reçue, leur parcours scolaire ainsi que les grandes responsabilités qu’ils devaient assumer étant enfant. Deuxièmement, nous nous attarderons à leur parcours migratoire, plus particulièrement à leur situation avant l’immigration, à leur adaptation au pays d’accueil, à leurs nouvelles réalités culturelles ainsi qu’à leur retour aux études. Dans un troisième temps, il sera question de leurs enfants et de leur nouvelle dynamique familiale. Plusieurs thèmes seront exposés, notamment la famille, l’école, l’institutionnalisation et l’influence des pairs. Par la suite, nous traiterons des conséquences des comportements du fils sur le parent, à savoir la

(17)

maladie, la peur, le désespoir, la culpabilisation, l’inquiétude, le resserrement de la discipline, la qualité de la relation parent-enfant, la confrontation des valeurs, les sentiments vécus face à la justice ainsi que les attentes et les déceptions. En terminant, nous aborderons les thèmes de gang et d’institutionnalisation en explicitant la manière dont les parents ont abordé le sujet.

Enfin, c’est dans le quatrième chapitre que nous effectuerons un retour sur les thèmes abordés par les parents, en tentant de dégager les principaux constats de cette analyse qui porte à la fois sur l’histoire des parents et sur les conséquences familiales. Le tout sera effectué, dans un premier temps, à travers une discussion qui tentera d’incorporer le discours de ces parents de manière à expliquer les différentes sources d’influence et les interactions déterminantes entre les systèmes ayant affecté le parent dans son rôle parental. Par la suite, ce rôle sera analysé en regard des prémisses de la théorie du conflit de culture afin de mieux comprendre la dynamique parent-enfant et son rôle possible dans l’affiliation du fils à un gang.

(18)

Chapitre J

(19)

1. Les gangs: un phénomène nouveau?

Le phénomène des gangs n’est pas une invention du 2O siècle, pas plus qu’il n’est propre à l’Amérique du Nord. Selon certains auteurs, les premiers regroupements juvéniles délinquants sont apparus dès le Moyen Âge dans quelques pays européens, et chaque siècle suivant aurait connu son lot de bandes organisées (Covey, Menard & Franzese. 1997 ; Klein, 1995 ; Shelden, Tracy & Brown, 2001). Ainsi, l’émergence des gangs— du

moins ceux que les écrits historiques permettent de retracer— remonte à très loin et n’est

certes pas l’apanage des États-Unis.

Ce serait plutôt vers la fin du l9 siècle que le phénomène se manifesta aux États-Unis, dans le contexte d’une recrudescence qui toucha également les Européens. Certains groupes délinquants, que l’on peut désigner comme gangs, régnaient alors dans certains milieux ou territoires précis. tout en s’identifiant par des noms distinctifs (Klein. 1995).

Ce sont ces regroupements de malfaiteurs qui engendrèrent. à l’époque. un sentiment de peur chez les résidants des grandes métropoles, tant américaines qu’européennes, en raison de leur violence et de leur criminalité (Shelden, Trac)’ & Brown, 2001). Le phénomène des gangs prit alors une ampleur considérable tout comme ceci fut le cas dun autre phénomène concomitant : l’industrialisation (Hagedorn. 199$ ; Vigil, 2003).

Dans sa progression, le phénomène des gangs suivait alors — et suit toujours — de manière

cyclique, l’évolution de la société occidentale (Klein, 1995). Si la violence et les crimes ne sont pas l’invention des gangs contemporains, ces derniers ont toutefois contribué à la montée de la violence par leurs activités criminelles et les conflits qu’ont généré leur intérêt pour le trafic des drogues. Leurs percées dans ce créneau criminel ont entraîné en effet des rivalités les conduisant à utiliser des moyens robustes pour les protéger.

À

titre d’exemple, ces deux stratégies bien connues t le drive-by shooting, qui consiste faire feu en direction d’une ou plusieurs victimes à partir d’un véhicule en mouvement, et l’acquisition d’un armement plus sophistiqué (Howell, 199$ Shelden, Tracy & Brown, 2001). C’est pourquoi, les gangs contemporains semblent contribuer à la perpétration des crimes graves et violents (Thornberry. Krohn, Lizotte & Chard-Wierschern, 1993).

(20)

Les changements observés à travers le temps au sein des gangs, au plan de leurs activités et en conséquence de leur structure et de leur organisation, vont de pair avec les transformations sociales, économiques et technologiques de la société. Parmi ces dernières transformations, nous comptons notamment la diminution des perspectives d’emploi, la tolérance accrue face à la violence dans les médias, la fascination de la société pour des peines pénales plus draconiennes et l’utilisation d’un arsenal de guerre de pointe (Shelden, Tracy & Brown, 2001). En d’autres mots, même si cette violence semble plus intense, elle ne reflèterait en fait que l’évolution de la société industrialisée. Les gangs se sont donc modulés à la conjoncture d’une société en pleine évolution, leur permettant ainsi de s’imposer plus que jamais.

Cette violence est bien souvent rattachée à des intérêts lucratifs, que procure notamment le marché des drogues illicites qui est devenu, avec le temps, une source de revenus intéressante pour les gangs. L’épidémie de (<crack)) s’est avérée en effet fort rentable pour plusieurs groupes criminels. Certains gangs ont même apporté des changements à leur structure afin de pouvoir intégrer la vente de stupéfiants à leurs activités (Venkatesh & Levitt, 2000). D’autres ont même émergés en raison du marché profitable que représente le trafic des drogues (Padilla, 1992). Les gains financiers sont donc devenus une finalité ainsi qu’une raison d’être chez plusieurs de ces organisations alors qu’autrefois, les gangs étaient généralement constitués de jeunes dont le principal but était d’assurer leur défense et de pratiquer des activités de groupe telles que la danse, plus précisément le break dance (Hagedorn, 1998).

En résumé, les gangs ont connu une évolution marquante depuis quelques siècles. Ce n’est toutefois qu’à la fin du 19e siècle que le phénomène a pris une tangente différente, suivant ainsi la cadence des changements sociaux de la nouvelle ère de l’industrialisation. L’argent étant devenu le symbole par excellence de la réussite sociale, les gangs ont su se mouler aux nouveaux contours de la société, tout en privilégiant une voie illicite et souvent violente.

(21)

En observant les transformations historiques du phénomène des gangs, nous découvrons en effet une similitude avec les transformations sociales survenues au cours des dernières décennies. Le phénomène est maintenant populaire et répandu, ce qui lui vaut une place d’honneur parmi les préoccupations sociales. De plus, il est maintenant considéré comme une menace importante que les agences gouvernementales tentent désormais d’enrayer.

2. L’étendue et l’ampleur du phénomène

2.1 L’accroissement des villes touchées par le phénomène des gangs

Aux États-Unis, les gangs seraient désormais répandus à travers tout le pays, affectant tous les types de municipalités, tant urbaines que rurales. Certains ont tenté d’évaluer l’étendue du phénomène, mais aucune estimation ne converge vers des statistiques similaires. Par exemple, Klein (1995) divulgue des chiffres intéressants suite à une compilation de données provenant de différentes sources d’information telles que des données provenant de ses recherches antérieures, de ses collègues, des médias ainsi que des données officielles provenant des corps policiers du pays et du département de la justice. L’auteur rapportait en 1991 que le nombre de villes et de municipalités aux prises avec une problématique de gangs s’élevait à 766, alors que cette donnée se chiffrait à 94 en 1970. Ce résultat marque une augmentation de 815 %. De son côté, Miller (2001) indique, en s’appuyant sur des données policières officielles, que 201 villes affirmaient avoir un problème de gangs dans les aimées 70, alors qu’en 1995, ce chiffre s’élevait à 1487. Ce résultat marque une augmentation de 740 %. Sans être tout à fait comparables, les données qui viennent d’être présentées indiquent néanmoins que le phénomène des gangs aux États-unis, semble avoir pris des proportions inattendues depuis le tournant des années 1970.

Au Canada, les outils statistiques de compilation de données concernant les gangs sont très peu développés et ne permettent de faire aucune estimation sérieuse. Toutefois,

(22)

l’ensemble du territoire canadien, sept provinces reconnaissent avoir un problème de gangs (Chettleburgh, 2002). Le Québec fait évidemment partie de ces provinces touchées par le phénomène des gangs, et Montréal est l’une des villes les plus affectées.

Autrefois n’étant l’apanage que des grands centres urbains, le phénomène s’est désormais propagé dans les milieux ruraux (Evans, Fitzgerald, Weigel & Chvilicek, 1999 ; Klein, 1995; Starbuck, Howell, & Lindquist, 2001 ; Stinchcomb, 2002). La couverture médiatique que le phénomène a connue peut aussi expliquer, en partie, l’augmentation du nombre de villes et de municipalités qui se sentent aujourd’hui interpellées par la problématique. Pour des raisons lucratives, les médias ont exploité ce phénomène, qui à la fois suscite la peur et la curiosité (Curry & Decker, 2003 ; Esbensen, 2000 ; Hagedorn, 199$ ; Knox, 1999; McCorkle & Miethe, 2002 ; Thompson, Young & Burns, 2000). Quoi qu’il en soit, ce portrait de la situation que tracent ensemble les statistiques et les médias laissent croire en définitive que le phénomène a littéralement pris d’assaut un bon nombre de territoires américains et canadiens.

2.2 Le nombre de gangs et de leurs membres

Les statistiques américaines, s’appuyant toujours sur des données policières, montrent également que le nombre de gangs et le nombre de membres de gangs ont atteint des niveaux inquiétants. Dans les années 70, les premières estimations rigoureuses de l’ampleur du phénomène dénombraient environ 52 000 membres répartis dans 15 des villes les plus importantes du pays (Miller, 1982). Une décennie plus tard, le même chercheur estime la présence de près du double de membres, soit environ 100 000 individus (Miller, 2001). De son côté, Moore (1997) souligne qu’en 1995, 23 338 gangs étaient rapportés par les différentes agences policières, alors que 664 906 membres étaient répertoriés. En 2004, les autorités américaines notent l’augmentation d’environ 6 500 gangs et de 100 000 membres de gangs depuis près de 10 ans (Egley & Ritz, 2006). Même si ces chiffres sont saisissants, le tracé de l’évolution du phénomène que l’on fait sur une base annuelle aux États-unis montre plus récemment une stagnation de celle-ci et même parfois une certaine baisse (Egley, 2002). Le nombre de jeunes s’affiliant aux

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gangs semble néanmoins avoir augmenté de manière considérable au cours des vingt dernières années (Klein, 1995 ; Walker-Barnes & Mason, 2001).

Au Canada, le phénomène des gangs cause de vives inquiétudes chez les dirigeants et les citoyens, bien que le phénomène soit d’une moindre amplitude qu’aux États-Unis. Pourtant, aucune compilation systématique de données relatives au nombre de gangs n’est tenue par les différents corps policiers du pays à des fins statistiques. La Déclaration uniforme de la criminalité (DUC), formulaire utilisé par l’ensemble des corps policiers afin de recenser le nombre et les types de délits, ne fait qu’informer sur les incidents criminels sans tenir compte du contexte dans lequel ils furent perpétrés. C’est donc pour tenter d’estimer l’ampleur du phénomène des gangs à l’échelle nationale que l’Enquête policière canadienne sur les gangs de jeunes (Chettleburgh, 2002) fut effectuée à travers le pays. Avec une méthodologie sensiblement similaire à celle des Américains, soit en se basant sur des données policières, les résultats révèlent la présence de 434 gangs de jeunes au Canada avec plus de 7 000 membres sur son territoire. De son côté, le Service canadien de renseignements criminels (2006) estime la présence de 300 gangs de rue à travers le pays comptant environ 11 000 membres.

Au Québec, les corps policiers redoutent l’épidémie, remarquant que certains gangs d’ici se calquent sur les gangs américains, ou encore qu’ils entretiennent des rapports étroits avec eux. Même s’il est évident qu’un tel processus ne puisse s’opérer si facilement dans le contexte sociopolitique du Québec, l’inquiétude persiste malgré tout. Le Service canadien de renseignements criminels (2006) nous signale la présence d’environ 50 gangs au Québec. De son côté, le Service de renseignements criminels du Québec (2006) mentionne que 1766 membres sont répartis à travers 54 gangs, dont 25 de ces groupes oeuvrant sur le territoire montréalais et comptant près de 1250 adeptes. Dans un document publié par le Secrétariat à la jeunesse (2005 p.17), il est mentionné que : «on dénombre 30 gangs de rue au Québec, la majorité se trouvant à Montréal». Une autre étude souligne que dans quatre municipalités du Québec, soit Québec, Montréal, Gatineau et Sainte-Julie, on y rapporte la présence de 25 gangs de jeunes ainsi que 533 membres de gangs (Chettleburgh, 2002).

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Pourtant, la Division du renseignement du SPVM évalue, à elle seule, la présence d’une vingtaine de gangs majeurs (groupes bien établis avec des activités criminelles organisées) et encore davantage de gangs émergents (nouveaux regroupements violents qui tentent de s’imposer) sur l’ensemble de son territoire (SPVM, 2005 : p.15). Un document publié par la Direction de la santé publique (Riberdy & Fontaine, 1997) stipule que sur une période d’environ dix ans, les services de police auraient répertorié près de 124 gangs sur le territoire montréalais dont la majorité auraient disparu avec le temps. Dans le même document, il est mentionné qu’à Montréal, 35 à 40 gangs seraient actifs, regroupant près de 2 000 jeunes adeptes. En s’appuyant sur ces différentes statistiques, nous comprenons que la ville de Montréal n’est pas épargnée par le phénomène. Le SPVM évalue que, depuis 1989, sept homicides par aimée sont attribuables aux gangs sans compter que, depuis 2002, 397 tentatives de meurtre ont également été reliées aux gangs (Barbeau, 2005 p.4).

Toutefois, à la lumière des variabilités rapportées dans les lignes précédentes, il est évident qu’il est bien difficile de conclure sur le nombre exact de gangs et de jeunes qui en font partie. Il faut donc demeurer critique puisque les estimés sont souvent gonflés et peu fiables (Fédération canadienne des municipalités, 1994; Hagedorn, 1998 ; Petersen, 2004; Soullière, 1998 ; Spergel, 1995). Les statistiques rapportées s’appuient strictement sur des données policières qui n’offrent qu’un point de vue sur cette réalité. De plus, la définition qu’utilisent les policiers en est une parmi d’autres. Il est important de rappeler, notamment, que le manque de fiabilité des ces données découle en partie de l’absence d’une définition universelle des notions de gang, de membre de gang et d’incident de gang (Ball & Curry, 1995 ; Covey, Menard & Franzese, 1997; Curry & Decker, 2003 Decker & Van Winlde, 1996; Esbensen, Winfree, He, & Taylor, 2001 ; Fredette & Hamel, 2003 ; Howell, 1994 ; Huff, 1990 ; Maxson & Klein, 1990; Parks, 1995 ; Schram & Gaines, 2005; Sheldon, Tracy & Brown, 2001 ; Spergel, 1992, 1995; Spergel & Curry, 1993). Cette situation concerne aussi les différents corps policiers sur lesquels nous nous appuyons généralement pour estimer l’ampleur du phénomène.

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3. Comment définir un gang?

3.1. Un concept qui ne fait pas l’unanimité

Les chercheurs ne sont pas non plus arrivés à une définition consensuelle du concept de gang. Certains lui donnent une étiquette légale reliée aux activités criminelles perpétrées (Decker & Kernpf-Leonard, 1991), alors que d’autres ne voient pas la pertinence de faire une telle chose étant donné que leurs activités criminelles ne représentent généralement qu’une partie de leurs activités (Klein, 1995). Bref les diverses positions qui sont prises dans le cadre de ce débat épistémologique ne semblent aucunement converger vers la formulation d’une définition universelle.

Mais le manque de consensus face à la définition du terme « gang » a des incidences notables sur son opérationnalisation puisqu’il est, en conséquence, impossible de définir, avec certitude, ce qu’est un membre de gang, à quel degré de participation un jeune peut être considéré comme un membre et quelles sont les activités pouvant être attribuées spécifiquement à un gang (Sheldon, Tracy & Brown, 2001). Même si cela ne semble pas nuire au développement de la recherche sur le sujet, il convient qu’il serait sans doute préférable pour les chercheurs de s’entendre sur l’utilisation d’un terme solidement défini. Ils pourraient ainsi mettre en commun les résultats et les statistiques des différentes études.

Quoi qu’il advienne, de nombreux auteurs s’entendent sur le fait qu’un gang représente généralement un regroupement de jeunes, adolescents ou jeunes adultes, qui participent, de manière régulière ou non, à des activités délinquantes et/ou criminelles. De plus, ils s’entendent habituellement sur l’utilisation d’un qualificatif accompagnant le terme gang, tel que gang de rue, ce qui permet de définir sa nature, de le discriminer des autres groupes et d’éviter ainsi toute confusion possible (Bali & Curry, 1995 ; Kiein, 1995). Tout compte fait, ce qualificatif assure aux chercheurs bon nombre de précisions nécessaires à la compréhension de la définition utilisée (Horowitz, 1990).

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Malgré ces efforts de précision, l’objet d’étude reste toujours difficilement comparable d’une recherche à l’autre puisque les groupes étudiés sont parfois très différents au plan de leurs attributs et de leur finalité. Ce faisant, les vocables utilisés pour nommer cet objet d’étude sont également différents gangs de rue, gangs de jeunes, gangs délinquants ou gangs criminels. Afin de dissiper ces ambiguïtés et d’apporter quelques nuances nécessaires à la compréhension d’un phénomène qui peut prendre plusieurs formes, certains chercheurs ont élaboré des typologies de gangs (Covey, Menard & Franzese, 1997; Spergel & Curry, 1993). Mais encore, ces typologies sont variées et s’articulent autour de caractéristiques différentes. Par exemple, certaines typologies s’articulent autour des activités criminelles des gangs, alors que d’autres le font autour de l’ethnicité.

3.2. Une typologie des gangs

Les typologies ethniques distinguent les gangs selon l’origine ethnique des membres (Sheldon, Tracy & Brown, 2001), ce qui vraisemblablement peut entraîner de la discrimination et du ciblage racial (Symons, 1999). Mais même si les gangs sont généralement homogènes (Klein, 1995), une tendance nouvelle veut que ces groupes soient de plus en plus hétérogènes ati plan de l’origine ethnique de leurs membres (Hamel, Fredette, Blais, & Bertot, 1998 ; Service canadien de renseignements criminels, 2005 ; Starbuck et al., 2001). De plus, certains chercheurs avancent même que les différences entre groupes ethniques ne sont pas si prononcées. Au contraire, leurs caractéristiques sont plutôt semblables à bien des égards comme les motifs d’affiliation des membres et les activités criminelles, pour n’en nommer que deux (Esbensen & Winfree, 199$ ; Lyon, Henggeler, & Hall, 1992 ; Wissink, Dekovic, & Meijer, 2006). Ce constat laisse croire qu’il n’est pas tellement utile de distinguer les gangs en fonction de la composition ethnique des groupes, d’autant plus que cet unique critère n’est plus suffisant, ni valable. En fait, les activités auxquelles se livrent ces groupes, à titre de critère distinctif, seraient beaucoup plus significatives en soi (Maxson & Klein, 1995).

Les typologies qui mettent en évidence les activités des gangs tentent de différencier notamment les groupes polymorphes au plan criminel des groupes qui se spécialisent

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dans un type d’activités criminelles en particulier. Par exemple, Klein (1998) précise que les street gangs ou « gangs de rue », groupes aux activités criminelles diversifiées, doivent être séparés d’autres catégories de gangs tels que les prison gangs, racist gangs et drug gangs, qui pour leur part concentrent habituellement leurs activités dans un champ spécifique de la criminalité. Mais bien que ces typologies soient plus adéquates, un autre problème se pose celui de pouvoir discriminer les groupes de jeunes qui commettent de la délinquance en groupe, des gangs, proprement dit, plus fortement criminalisés (Curry & Decker, 2003).

Dans cette optique, une classification des types de gangs peut s’effectuer sur la base du niveau de délinquance et de criminalité des groupes. Dans une recension des écrits, Hébert, Hamel et Savoie (1997) se sont inspirés de quelques auteurs pour établir une typologie de différents groupes délinquants ou criminels. L’équipe de chercheurs a proposé les catégories suivantes, placées dans un ordre croissant aux niveaux de leur organisation, de leur stabilité et de leur violence : les pseudo-gangs, les groupes délinquants, les gangs de territoire, les gangs violents à visée idéologique, les gangs de rue et les organisations criminelles. Les différents groupes énumérés précédemment permettent simplement de constater que les groupes délinquants et criminels se distinguent à bien des égards.

De plus, il est à noter que les gangs de rue ne devraient pas être confondus avec les groupes traditionnellement associés au crime organisé. Malgré que la définition du crime organisé fasse, elle aussi, l’objet de nombreuses définitions et d’un débat de fond (Von Lampe, 2006), il existe plusieurs différences notables. Plus précisément, les gangs de rue sont habituellement composés à la fois d’adolescents et de jeunes adultes. Ils sont polymorphes au plan de leurs activités criminelles, lesquelles sont centrées autour d’une gratification hédoniste (Klein, 1995). Du côté des organisations criminelles, le portrait est bien différent : ces dernières sont composées d’adultes dont les activités s’articulent principalement autour de la sphère économique visant ainsi spécifiquement les gains financiers (Naylor, 1997). En outre, aux plans de la structure et de l’organisation, les groupes criminels sont au sommet de la liste des différents types de gangs (Hébert et al.,

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1997), surclassant ainsi les gangs de rue qui ne sont pas guidés que par les gains économiques mais aussi par le goût du risque et du plaisir (Esterle-Hedibel, 1997).

Toutefois, dans le cadre de cette étude, notre intérêt se concentre sur les gangs de rue’. Ce sont ces groupes très médiatisés qui attirent l’attention en raison de leurs actes de violence imprévisibles, de la peur qu’ils provoquent et de la réaction sociale qu’ils engendrent. Une définition plus concrète et complète sera présentée au prochain chapitre. Pour l’instant, abordons le thème de la famille et son incidence sur les membres de gangs.

4. La famille

À

une époque où la famille faisait figure d’institution dominante au sein de notre société, les structures sociales étaient plutôt stables (Messner & Rosenfeld, 1997). Mais dans la foulée de certaines transformations sociales, technologiques et économiques, des dynamiques d’exclusion sont également apparues (Castel, 1995), entraînant des conséquences majeures sur la famille d’aujourd’hui (Garbarino, 1982). Et maintenant que cette institution est profondément atteinte par ces changements sociaux, elle pourrait avoir, dans certaines circonstances, une influence négative sur ses membres.

Il est reconnu que la famille, cette cellule occupant le premier rôle de socialisation des enfants, possède une influence capitale sur les comportements ultérieurs des enfants (Cusson, 1998 ; Roché, 2001 ; Sampson & Laub, 1993). Les variables familiales peuvent jouer un rôle déterminant en ce qui a trait à l’apparition des premiers signes de délinquance (Kumpfer, 1999). Bien qu’il soit indéniable que la famille constitue un élément important dans l’explication de la délinquance juvénile, les pairs, ainsi que d’autres facteurs d’influence externes, sembleraient prendre la relève de la famille en ce qui a trait au maintien des comportements délinquants (Dekovic, 1999 ; Sarnpson & Laub, 1993). Quoi qu’il en soit, sachant l’importance que revêt le milieu familial, il est important que celui-ci soit considéré avec la plus grande attention, ce que nous faisons

Dans le présent document, le terme « gang » fera référence à« gang de rue». Son utilisation a pour but d’allégerle texte.

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d’ailleurs dans le cadre de cette recherche visant à approfondir notre compréhension du phénomène de gangs.

4.1. Le portrait sociodémographique et socioéconomique

Les familles de jeunes membres de gangs vivent, pour la grande majorité, des difficultés économiques et sont bien souvent contraintes à s’installer dans des milieux urbains offrant de mauvaises conditions de vie (Covey, Menard & franzese, 1997). Ces milieux sont bien souvent à forte densité ethnique, regroupant des familles qui recherchent des congénères qui sont de la même origine ethnique, afin d’éviter la perte de repères culturels (Vigil, 198$). En se regroupant, ces familles peuvent mieux affronter les conditions de vie difficiles qui les affligent. Ne disposant que de très faibles revenus, elles peuvent ainsi mieux s’aider et s’appuyer, ce qui en revanche contribue à la ghettoïsation des quartiers et restreint considérablement l’environnement des jeunes, de même que les perspectives de leur développement et de leur éducation (Belitz & Valdez,

1997 ; Vigil, 198$).

La pauvreté, le manque d’emplois, une forte mobilité résidentielle, ainsi qu’une forte densité démographique sont généralement de bons indicateurs du niveau de désorganisation sociale qui sévit dans ces quartiers (Hagedom, 1991, 1998 ; Hill, Howell, Hawkins & Battin, 1999; Shelden, Tracy & Brown, 2001). Ces quartiers, où les gangs sont ordinairement bien implantés, possèdent peu d’éléments ou d’activités dont les jeunes et les familles peuvent disposer pour développer des liens avec la communauté (Venkatesh, 1997; Vigil,19$$). Cette faiblesse des liens significatifs avec la communauté favoriserait en retour l’affiliation de certains jeunes à des gangs délictueux (Hamel et al., 199$), sans compter que l’absence de modèles d’identification positifs dans ces communautés constitue un motif potentiel d’explication de l’attrait de certains jeunes pour les gangs (Douyon, 1996; Hagedorn, 1998 ; Perreault & Bibeau, 2003). Le gang

constituerait à la fois un moyen et une réponse socialement adaptée à ce type d’environnement (Covey, Menard & Franzese, 1997 ; Curry & Decker, 2003 ; Decker &

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Bray, & Egley, 1999; Spergel, 1995 ; Thornberry, 1996; Vigil, 198$; Zatz & Portillos, 2000).

De plus, les parents établis dans ces quartiers où règne la désorganisation sociale doivent généralement travailler comme des forcenés. Afin d’assurer la subsistance économique de la famille, ils sont souvent obligés de travailler à différents endroits pour réussir à survivre (Hagedorn, 1998; Shelden, Tracy & Brown, 2001 ; Toy, 1993). Ce faisant, le stress et les préoccupations personnelles reliés à la sphère économique peuvent venir entacher le climat familial et ainsi créer une source potentielle de conflits, sans compter que l’absence prolongée des parents laisse inévitablement aux enfants une grande liberté qui peut les rendre vulnérables à l’influence négative des pairs, en plus d’affecter la qualité de la supervision et de l’encadrement parental (Vigil, 198$).

En outre, un autre scénario possible veut que parfois les parents n’ont aucun travail et survivent grâce aux prestations de l’État. Les parents sont alors confrontés à une pauvreté sévère mais tentent néanmoins, tant bien que mal, de subvenir aux besoins de leur famille. Le stress et les préoccupations économiques affectant ces parents sont si grands qu’ils peuvent générer des tensions au sein de la famille, susceptibles de nuire à la qualité du climat et des liens familiaux.

À

cela s’ajoute bien souvent un manque de ressources communautaires et humaines, relié à l’isolement que vivent généralement les familles qui vivent de grandes difficultés financières. Selon Vigil (1996), cette situation est celle que vivent en grand nombre les familles aux prises avec une problématique de gangs, plus encore que les familles qui ne connaissent pas un tel problème

4.2. La structure familiale

Ces familles, en plus de vivre de nombreuses difficultés économiques, ne trouvent à leur tête qu’un seul parent bien souvent. Les jeunes faisant partie de gangs proviennent donc généralement de familles monoparentales (Hill et al., 1999), matricentriques plus spécifiquement (Decker & Van Winkle, 1996; Sirpal, 2002 ; Vigil, 1996). L’absence du père est causée, le plus souvent, par son décès, une séparation ou un divorce (Vigil,

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198$). Ces familles perdent alors le pilier de la famille, celui qui servait de modèle aux fils, qui rapportait l’argent à la famille et qui faisait figure d’autorité (Adler, Ovando & Hocevar, 1984; Belitz & Valdez, 1995). Ce sont donc les mères qui, en raison de l’absence du père, doivent assurer tous ces rôles en plus des autres rôles qu’elles assumaient déjà.

Des problèmes familiaux menacent alors ces foyers. En plus d’être à la barre, les mères doivent composer avec le fait que leur famille est généralement nombreuse. En effet, une étude de Vigil (1996), comparant des familles caractérisées par une problématique de gang avec d’autres familles choisies aléatoirement sans cette problématique, tend à démontrer qu’elles ont significativement plus d’enfants à charge et qu’elles sont surtout dirigées par la mère. C’est dire que les différents stress de la vie quotidienne et un nombre élevé d’enfants complexifient les tâches parentales de ces mères (Reiboldt, 2001).

Il ne faut toutefois pas se leurrer, les familles de type biparental et traditionnel, où le père est présent, ne parviennent pas toutes à protéger leurs enfants de l’univers des gangs. Plusieurs familles sont marquées par un passé criminel des parents, le père étant ordinairement celui qui est concerné (Decker & Van Winkle, 1996 ; Sirpal, 2002). De plus, avec l’augmentation de la durée du passage dans les gangs et la persistance de ces groupes, il est possible d’observer depuis plusieurs années certaines familles présentant une transmission intergénérationnelle provenant de parents qui eux-mêmes appartiennent au milieu des gangs et dont les enfants suivent les traces de leurs ascendants (Klein,

1995).

En outre, la monoparentalité, même si on l’associe souvent à la délinquance, ne semble pas être directement liée celle-ci. Cette problématique s’avère plutôt unie au processus d’attachement. Une étude de Rankin et Kern (1994) apporte une clarification importante à cet égard en indiquant qu’un lien d’attachement solide aux deux parents réduit davantage la probabilité de délinquance qu’un attachement solide à un seul parent, indépendamment que le jeune provienne d’une famille biparentale ou monoparentale. Dans cette

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perspective, la probabilité de commettre des actes délictueux serait donc pius étroitement associée à un faible lien d’attachement entre l’enfant et ses parents qu’à la monoparentalité en soi.

4.3. Le fonctionnement familial

Le fonctionnement familial jouerait aussi un rôle important dans le développement des comportements délinquants des membres de la famille (Mucchielli, 2001; Smith & Krohn, 1995). Plus précisément, la qualité de l’éducation parentale semble prédire significativement les comportements oppositionnels et déviants des enfants (Simons, Wu, Conger & Lorenz, 1994). Cependant, la qualité de l’éducation parentale peut être influencée de manière négative par la détresse psychologique que vivent certains parents en lien avec les troubles de comportements de leurs enfants. Ceci peut en retour nuire au fonctionnement familial, et même l’aggraver. (Myers, Taylor, Alvy, Arrington & Richardson, 1992).

Une grande partie de la littérature scientifique portant sur le phénomène des gangs ne fait que souligner les facteurs de risque associés à ces groupes, ce qui ne permet pas de comprendre la problématique en soi. Par exemple, les jeunes proviendraient généralement de familles où les mesures d’encadrement, de supervision, d’autorité et de proximité affectives sont défaillantes (Henry, Tolan & Gorman-Smith, 2001 Frauenglass, Routh, Pantin & Mason, 1997; Shelden, Tracy & Brown, 2001; Toy,

1993 ; Walker-Barnes & Mason, 2001). Ces constats mettent en évidence des prémisses théoriques bien connues dans le domaine de la criminologie qui font le lien entre les facteurs familiaux et la délinquance. Ces dernières prétendent que les familles dont les parents ne sont pas en mesure d’assurer un encadrement et une supervision adéquate font partie d’un environnement propice à l’émergence de comportements délinquants chez leurs enfants (Cusson, 1990). De plus, l’incapacité à garder le contrôle sur ses enfants et à assurer une bonne relation parent-enfant constituent d’autres détenTiinants importants du développement de comportements délinquants. En fait, le dysfonctionnement de la dynamique familiale pourrait conduire à l’affaiblissement du contrôle parental, cette

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condition étant de nature à influencer de manière négative le jeune dans ses choix de comportements (Cureton, 1999; Smith & Krolm, 1995). La problématique des gangs ne fait qu’exacerber cette dynamique de délinquance (Knox, 1991).

Par surcroît, la littérature indique que les jeunes qui se joignent aux gangs font souvent l’objet d’une violence physique, sexuelle ou psychologique au sein même de leur famille (Belitz & Valdez, 1997; Maxson, Whitlock & Klein, 199$; Wood, Furlong, Rosenblatt, Robertson, Scozzari & Sosna 1997). Bien souvent, ces familles sont affectées par diverses problématiques telles que la violence domestique, l’alcoolisme et la toxicomanie. Ces troubles, lorsque concomitants, créent une dynamique interne contribuant à assurer le maintien de la violence.

La violence vécue au sein de la famille peut également être associée à la correction physique. Dans plusieurs sociétés, et anciennement dans la nôtre, la punition corporelle est une pratique parentale courante et acceptée. Elle se veut, pour ces sociétés, un droit parental fondamental. Pourtant, les sociétés occidentales ont interdit, depuis bon nombre d’aimées, cette pratique justifiant que celle-ci est amorale et ne respecte pas les droits de l’individu, plus particulièrement ceux des enfants. D’ailleurs, une étude canadienne sur la correction physique vient souligner que les parents faisant fréquemment usage d’une discipline inadéquate, comme la correction physique, étaient plus enclins à avoir des enfants présentant des problèmes de comportements (Stevenson, 1999). En d’autres mots, la violence perpétrée dans le contexte familial, peu importe sa forme, semble affecter le climat familial ainsi que les relations intrafamiliales.

4.4. Le climat et les liens familiaux

À

ce point culminant, l’attachement est une variable essentielle à la compréhension de la dynamique familiale. Dans l’enfance, les parents font figure d’attachement, mais à l’adolescence, la dynamique se transforme (Zimmermaim, 2000). Avec des capacités cognitives et de communication qui augmentent sans cesse, le jeune tente de faire valoir ses besoins et ses désirs en percevant la relation avec ses parents de manière plus

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symétrique et en désirant renégocier les limites parentales (Allen & Land, 1999 ; Curry &

Decker, 2003 ; Garbarino, 1982). Ces transformations peuvent créer différentes tensions

entre des membres de la famille. Par exemple, certains parents seront confrontés dans une telle situation, particulièrement ceux ayant reçu une éducation autoritaire de leurs parents, voulant qu’ils n’aient eu d’autres choix, lorsqu’ils étaient enfants, que de se conformer à la volonté de leurs ascendants. Avec les transformations des valeurs liées à l’éducation familiale, certains jeunes se sentent cependant lésés par l’éducation de leurs parents qui n’accordent que très peu de place à une communication saine et bidirectionnelle (Douyon, 1996; Perreault & Bibeau, 2003). Ce faisant, la situation familiale s’avère plutôt difficile à vivre pour les jeunes et leurs parents et peut engendrer la détérioration du climat et de la qualité des liens. D’autant plus si les parents, en désirant retrouver un certain contrôle sur leurs enfants, recourent à des mesures disciplinaires plus sévères. Ils risquent ainsi de détériorer plus profondément et même de rompre les liens avec leurs enfants et ce, même si leurs intentions étaient bonnes au départ, comme celles d’assurer la protection de leur progéniture (Belitz & Valdez, 1997; Wissink et al., 2006).

Un climat familial défavorable peut également inciter un jeune à s’affilier à un gang. Par exemple, les familles se caractérisant par l’absence de modèles parentaux positifs, où par exemple les parents adoptent certaines attitudes favorisant l’utilisation de la violence et des membres de la fratrie font eux-mêmes partie de gangs, seraient des lieux propices à l’émergence du besoin chez les jeunes à se lier aux gangs (Hill et al., 1999 ; Thornberry, 1996).

Les facteurs liés au climat familial et à la qualité des liens familiaux semblent avoir une incidence sur la décision de plusieurs jeunes à se joindre aux gangs. En contrôlant la variable du statut socioéconornique et du quartier défavorisé, les résultats d’une étude américaine (Maxson, Whitlock & Klein, 1998) semblent indiquer que les familles épargnées par la problématique de gang ont une cohésion familiale significativement meilleure, un engagement parental plus important, un attachement familial plus fort et une meilleure estime de soi chez les jeunes que les familles vivant un tel problème. Il est

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à dire également que dans les familles dites «saines», les parents semblent davantage connaître les amis de leurs enfants (Maxson, Whitlock & Klein, 1998). Une autre étude (Adler et al., 1984) pointe dans la même direction. Leurs résultats semblent montrer que la qualité des interactions familiales, les activités réalisées en famille et l’image plutôt positive du père, véhiculée par la mère, caractérisent les familles sans problématique de gang. De plus, les mêmes auteurs ont constaté que les jeunes appartenant au milieu des gangs sont plus troublés, vivent un sentiment d’isolement et de marginalité dans leur famille, au sein de leur culture et avec les autres institutions telle que l’école. Ce phénomène est celui que Vigil (1988; 2003) appelle la marginalité multiple. Cette position dérive d’une variété et d’une accumulation de situations et de conditions défavorables interconnectées qui tendent à agir les unes sur les autres. Par exemple, un parent pauvre et monoparental, habitant un quartier défavorisé, contraint de travailler pendant de nombreuses heures pour subvenir aux besoins économiques de sa famille, délaisse la demeure familiale, abandonnant ainsi ses enfants aux influences et pressions des pairs. Lorsqu’il tente de reprendre le contrôle et l’influence sur ses enfants, le parent surchargé est soit trop strict ou trop permissif, ce qui a un effet vraisemblablement nuisible pour ceux-ci.

Il est possible de faire un lien avec la théorie du contrôle social et des liens sociaux puisque celle-ci stipule, d’une part, que les individus dont les liens aux institutions traditionnelles — telles que la famille et l’école — sont faibles tendent à tisser des liens

avec d’autres individus dans le but de répondre à leurs besoins fondamentaux. Hirschi (1969) soutient qu’un bon lien d’attachement aux parents, une bonne intégration des normes sociales, un style de vie comptant des activités conformistes, une surveillance accrue et un contrôle sévère des enfants les empêchent de sombrer dans la délinquance. Toutefois, plusieurs facteurs sont responsables de l’affaiblissement des contrôles sociaux, qu’ils soient sociaux ou familiaux (Sampson & Laub, 1993).

Sur le plan familial, certaines conditions de vie difficiles expliquent, du moins en partie, la diminution des contrôles sociaux. Par exemple, la pauvreté, la monoparentalité, l’absence du père ou encore la discipline exagérée de celui-ci, en sont de bons indicateurs

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(Belitz & Valdez, 1995 ; Cureton, 1999). En d’autres mots, la carence du contrôle parental, de la supervision et des liens familiaux sont en quelque sorte le résultat de ces conditions de vie précaires, ce qui accentue grandement la probabilité que les jeunes soient attirés par l’univers des gangs (Hill et al., 1999 ; Thomberry, Krohn, Lizotte, Smith, & Tobin, 2003).

Mais la famille ne serait pas l’unique responsable de la chute des contrôles sociaux, les écoles aussi ont leur part de responsabilité. Klein (1995) soulève que l’échec des écoles réside dans l’incapacité qu’elles ont de garantir aux jeunes, ceux qui particulièrement proviennent des milieux défavorisés, une éducation adéquate et l’obtention d’un diplôme. Par conséquent, les jeunes membres de gangs développent moins d’affinités avec le système culturel de l’école, qui ne leur fournit pas un environnement adéquat pour leur éducation (Curry & Decker, 2003). Pourtant, l’attachement à l’école est d’une grande importance, d’autant plus que celui-ci est relié, dans la littérature, à un faible niveau de délinquance, de violence et de probabilité d’adhésion à un gang (Catalano, Haggerty, Oesterie, f leming, & Hawkins, 2004). D’autres éléments s’ajoutent à l’attachement, comme les difficultés d’apprentissage, les mauvais résultats académiques, un sentiment de discrimination et le manque d’aspirations scolaires et professionnelles (Decker & Van Winkle, 1996 ; Hill et al., 1999 ; Thornberry, 1996 ; Vigil, 1988). Tous ces éléments sont associés à un niveau de risque élevé de délinquance, de violence et d’affiliation aux gangs.

Par conséquent, le jeune membre d’un gang peut se faire expulser de l’école en raison de ses comportements dérangeants et délinquants. Cette dernière, en retour, semble ne pas hésiter à recourir à la justice si le jeune commet une action jugée répréhensible (Curry & Decker, 2003 ; Tromanhauser, 1995 ; Zatz & Portillos, 2000). Autrement dit, l’école n’aurait plus la tolérance ou la capacité de contrôler efficacement ses jeunes en difficulté et ne semble plus en mesure d’offrir les services adéquats garants du succès et de la motivation académique des jeunes en difficulté. Conséquemment, ces jeunes vivant des déceptions et des frustrations face à l’école peuvent être attirés par les gangs puisque ceux-ci offrent de remédier à ces situations négatives et du même coup, ces gangs

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peuvent influencer le jeune à décrocher de l’institution scolaire voire même se faire expulser de celle-ci (Curry & Decker, 2003 ; Decker & Van Winkle, 1996).

La défection de l’institution scolaire inciterait donc les pairs déviants et vivant des conditions similaires à se regrouper entre eux (Hagedorn, 1992 ; Vigil, 198$). Si l’école

n’est plus au centre des préoccupations de ces jeunes, leurs pairs deviennent du coup plus importants, et les risques de s’enfoncer dans la problématique des gangs sont, en conséquence, de plus en plus grands (Curry & Decker, 2003 ; Knox, 1991).

En somme, l’affaiblissement des contrôles sociaux, tant familiaux que scolaires, pourrait conduire certaines jeunes à emprunter une voie délictueuse et même à s’affilier à un gang. Plusieurs auteurs expliquent d’ailleurs que certaines carences affectives et sociales observées chez les membres de gangs, tant au plan personnel que social, sont en partie dues à la faiblesse des liens et des contrôles sociaux, faisant que les jeunes tentent de combler leurs besoins fondamentaux par l’entremise du gang, qui représente bien souvent une sorte de famille complémentaire ou alternative (Belitz & Valdez, 1997; Curry & Decker, 2003 ; Douyon, 1996; Hamel et al., 199$; Hamel & Brisebois, 2005 ; Perreault & Bibeau, 2003 ; Venkatesh, 1997 ; Vigil, 1988). Les pairs du gang deviennent alors des agents de socialisation qui assurent le rôle de soutien, de contrôle et d’affection.

4.5. La famille ou le gang?

Ce gang, pouvant faire office de famille afin de pallier aux différentes carences et blessures qu’occasionnent certaines dynamiques familiales (Vigil, 198$), ne se substitue en aucun temps à la véritable famille du jeune. Elle semble davantage s’y annexer ou la compléter (Decker & Van Winkle, 1996; Douyon, 1996; Hamel et al., 199$; Hunt, Mackenzie & Joe-Laidler, 2000). Néanmoins, une chose demeure certaine: le gang constitue un espace où les jeunes tentent de résoudre des problèmes auxquels ils ne pourraient pas s’adresser directement dans leur famille (Peiieault & Bibeau, 2003). Ces jeunes cherchent à combler le vide que les familles ont laissé. Ainsi, lorsqu’un jeune décide d’opter pour ce milieu marginal, les liens qu’il entretient avec sa famille et les

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autres institutions sociales tendront à s’affaiblir encore davantage (Knox, 1991). C’est alors que les gangs deviennent une institution capable de rivaliser efficacement avec les autres institutions traditionnelles (Hagedorn, 199$).

Mais s’il est vrai que plusieurs membres de gangs proviennent de familles ayant laissé en eux un vide qu’ils tentent de combler, il faut alors s’intéresser aux causes qui sous-tendent à de telles dynamiques familiales. Or, à cette étape où nous voulons comprendre la dynamique familiale plus en profondeur, nous considérons qu’il est de mise de considérer la dimension ethnique. Par exemple, Curry et Spergel (1992) indiquent que l’affiliation à un gang chez les Afro-Américains semble davantage liée à des facteurs sociaux et interpersonnels (par exemple : présence de gangs dans le quartier, à l’école ou à la maison) alors que chez les Hispano-Américains, ce serait les facteurs intrapersonnels (par exemple: estime de soi et frustrations scolaires) qui joueraient un rôle décisif. Quelle est la principale distinction entre ces deux groupes ? Les familles Afro-Américaines sont nées aux États-Unis, pour la plupart, alors que les familles Hispano Américaines ont connu une immigration récente.

Les familles issues de l’immigration font souvent l’objet d’une critique à leur égard puisque le lien délinquance et immigration est souvent incontournable (Roché, 2001). Au Québec, depuis les dernières décennies, les vagues d’immigrations ont transformé les dynamiques sociales et l’image qui y était traditionnellement associée, soit des caucasiens francophones. Cette nouvelle réalité pluriethnique mérite qu’on lui porte attention. Le parcours migratoire que vivent les immigrants n’est pas sans causer quelques préjudices, d’autant plus qu’il est souvent lié au phénomène des gangs de rue.

5. L’immigration

Le processus migratoire est long et complexe. Il consiste non seulement en la migration en tant que telle, mais il s’étale sur une période de temps importante parce qu’il comprend également des processus d’adaptation (Fronteau, 2002). En d’autres mots, l’immigration ne se limite pas à un simple déplacement géographique, mais fait référence

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à un processus continu d’adaptation à de nouvelles normes et à une nouvelle culture. Ces bouleversements ne sont pas sans conséquence puisqu’ils entraînent de profondes répercussions au plan identitaire ainsi qu’une rupture sociale et familiale (Kwak & Berry, 2001 ; Panunzi-Roger, 2005 ; Walsh, Shulman, Feldman & Maurer, 2004).

Tout d’abord, il convient d’expliquer les dynamiques complexes qui animent le processus migratoire.

À

ce sujet, Legault (2002) fournit une explication des trois processus que doivent vivre les immigrants, à savoir l’adaptation, l’intégration et l’acculturation. Le premier défi consiste à s’adapter à de nouvelles réalités, aux changements de style de vie. Vient ensuite celui de l’intégration qui se juxtapose au premier. Il s’agit de l’intégration sociale de l’immigrant en tant que travailleur et citoyen prenant part à des décisions politiques et partageant les valeurs des institutions dominantes de la société. Finalement, l’acculturation renvoie à la dernière étape qui, n’est jamais totalement complétée, s’agissant de l’intériorisation de la culture du pays d’accueil en échange de laquelle intervient une certaine influence de la culture d’origine.

Ce processus d’adaptation culturelle que vivent les immigrants peut être déchirant. Pour ces derniers, particulièrement les parents, le coeur est bien souvent demeuré au pays d’origine faisant que toute leur existence est déchirée entre deux mondes (f alicov, 2005). Plusieurs immigrants entretiennent même l’idée de revenir dans leur pays natal (Panunzi Roger, 2005). L’expérience migratoire et les bouleversements qui s’ensuivent peuvent donc provoquer une détresse psychologique importante, en raison notamment des changements de repères culturels qui surviennent (Slonim-Nevo, Sharaga, Mirsky, Petrovsky & Borodenko, 2006 ; Moro, 2002).

5.1. Le parcours migratoire: une expérience plutôt difficile

Cette expérience peut sembler pénible, mais l’immigration se veut en premier lieu une solution visant à améliorer la situation de l’immigrant. Habituellement, les familles quittent leur pays pour un autre en quête de meilleures conditions de vie et désirent fournir à leurs enfants, de meilleures perspectives d’avenir, tant par l’éducation que par le

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