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LES CASTRA DE LABASTIDE, MONTSALVY ET PUYGOUZON : DYNAMIQUES D’OCCUPATION.

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PUYGOUZON : DYNAMIQUES D’OCCUPATION.

Cédric Trouche-Marty

To cite this version:

Cédric Trouche-Marty. LES CASTRA DE LABASTIDE, MONTSALVY ET PUYGOUZON : DY-NAMIQUES D’OCCUPATION.. Revue du Tarn, Albi: Fédération des sociétés intellectuelles du Tarn, 2019. �hal-03129634�

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D

istants les uns des autres de 3 km en moyenne, les sites castraux de Labastide-Dénat, Montsalvy et Puygouzon, implantés aux abords d’un axe reliant Albi à Lombers, sont aujourd’hui confondus dans une seule et même commune. Ils sont pourtant au Moyen Âge les chefs-lieux de trois communautés d’habitants distinctes toutes structurées en groupements ou universités ayant une personnalité juridique et la conscience collective de former une seule personne dans leur existence et leur action commune. Malgré les similitudes juridictionnelles et archéologiques, les modes de gestion de l’espace communautaire divergent néanmoins d’un site à l’autre.

Labastide-Dupuy ou Labastide-Épiscopale

(aujourd’hui Labastide-Dénat)

Labastide-Dénat est le chef-lieu d’une communauté d’habitants structurée dès le XIIIe siècle en universitate que représente un procureur ou syndic1. La seigneurie est partagée entre le seigneur-évêque d’Albi et la maison Dupuy en témoigne la dualité de la titulature pour désigner le lieu dans les textes :

1 Archives nationales, Layettes du Trésor des Chartes, J 1032 B n° 16 (acte du 18 août 1253).

Les

castra de Labastide, Montsalvy et Puygouzon :

dynamiques d’occupation

L’actuelle commune de Puygouzon est le fruit de la fusion au

XIX

e

siècle puis au XXI

e

siècle de trois communautés d’habitants

médiévales autonomes. Les trois chefs-lieux communautaires

de Puygouzon, Montsalvy et Labastide sont au Moyen Âge les

sièges de châteaux auquel sont subordonnés des noyaux d’habitat,

généralement de moindre importance.

Cédric Trouche-Marty est actuellement responsable adjoint de la conservation et de la communication des Archives historiques du diocèse d’Albi. Ses travaux portent essentiellement sur l’habitat rural et les fortifications collectives de la fin du Moyen Âge.

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Bastida d’En Pons del Pueg2 en 1292, Bastide Domini Episcopi3 en 1299. Au XVIe siècle encore, le scribe relève la bipartition coseigneuriale évoquant la communauté de Labastide Delpuech, ci devant episcopale4. La titulature de bastide est à relier au mouvement des juridictions nouvelles mises en place dans le courant du XIIIe siècle5. Maurice Berthe observe en Quercy et Toulousain que le mot bastide désigne « un régime juridique et institutionnel attribué à un territoire clairement délimité et à la communauté des habitants qui l’occupe, c’est-à-dire un mode de gestion de communauté et non un mode d’agglomération6». Le processus de morphogenèse de l’agglomération est du reste à rapprocher de celui d’un petit bourg castral : suivant un alignement unique les maisons se cristallisent autour d’un château occupant une position

2 Archives départementales du Tarn (désormais AD81), H 676.

3 DAVIS (Georgene Webber), The Inquisition at Albi, 1299-1300, New York, Columbia University Press, 1948, p. 134.

4 AD81, C 837.

5 HAUTEFEUILLE (Florent), « La bastide : une juridiction avant le village. L’exemple du bas-Quercy », Les sociétés méridionales à l’âge féodal, hommage à Pierre Bonnassie, Toulouse, PUM, 1999, p. 141-148 ; et BERTHE (Maurice), « Des bastides avant l’ère des bastides classiques », AM, t. 127, n° 291, 2015, p. 293-324.

6 BERTHE (Maurice), « La naissance de Beaumont-de-Lomagne et les fondations de bastides dans la Gascogne toulousaine à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe », Congrès

archéologique de France, Toulousain et Comminges, 154e session, 1996, Paris, SFA, 2002,

p. 20.

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centrale (fig. 1). En Gascogne Benoît Cursente observe du reste que ce sont « des bourgs castraux préexistants qui reçoivent comme promotion un statut de bastide7 ». Au XIIIe siècle le château est la demeure de la maison Dupuy dont les membres issus de l’aristocratie urbaine occupent des places de choix dans la cité épiscopale. Suite à la déposition de Trencavel, tous les droits de ce dernier au bourg Saint-Étienne échoient à Guillaume Dupuy, chevalier d’Albi8 et filius Pontii Bernardi9. La fortune de Guillaume Dupuy est suffisante pour qu’il achète auprès du tribunal d’inquisition en 1264 l’absolution post mortem de ses parents10 Pons-Bernard Dupuy, chevalier d’Albi11, et Vierne Trencavel12, condamnés pour crime d’hérésie13. Le rachat lui vaut d’être réintégré dans les possessions albigeoises confisquées de son père14. Les membres de la lignée assoient leur emprise en Albigeois sur la base de perceptions de redevances et de cens requis sur les terres d’individus aisés pourvus en biens-fonds. En 1292, Guillaume Dupuy amortit les charges grevant la métairie de La Vène à Labastide possédée par l’albigeois Jean Baudier15, « marchand drapier dont la fortune foncière était considérable, une métairie et quatre mas, 37 parcelles de terre labourable, 12 prés, 13 vignes, le tout travaillé par une quarantaine de tenanciers16 ». Les fils de Guillaume Dupuy et de Soubirane17, Amat del Pueg et Pons del Pueg seigneur de Labastide, font cession des cens exigibles sur les terres de Jean Baudier dépendant du ressort de Labastide avec toutefois la réserve d’une redevance annuelle de 6 éperons de cuivre doré et d’un droit d’arrière-acapte de 2 deniers blancs d’argent18. La lignée possède aussi des

7 CURSENTE (Benoît), Des maisons et des hommes, Toulouse, PUM, 1998, p. 199.

8 Histoire générale de Languedoc (désormais HGL), t. VIII, Toulouse, Privat, 1879, c. 2400 : Le sénéchal de Carcassonne précise vers 1252, que les droits que Trencavel tenuit et possedit quoddam burgum, quod dicitur Podius Sancti Stephani, in quo habebat plenum dominium, et jurisdiccionem et districtum, quod modo tenet G. de Podio miles.

9 MARTÈNE (Edmond), Thesaurus novus anecdotorum, t. 1, Paris, Lutetiæ Parisiorum, 1717, c. 986 (Narratio de illatis Arnaldo inquisitori apud Albiensem civitatem injuriis).

10 AD81, E 197.

11 Poncio Bernardi de Albia apparaît comme témoin lors d’un acte ratifié par l’évêque d’Albi en 1237. Cf. CABIÉ (Edmond) et MAZENS (Louis), Un cartulaire et divers actes des Alaman, des de Lautrec et des de Lévis, Paris, Picard, Toulouse, Marqueste et Salis, Albi, Tranier, 1883, p. 92-93.

12 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), Nobiliaire universel de France, t. 5, Paris, Bachelin-Deflorenne, 1872, p. 33 : « de la maison des Trencavel, vicomtes de Carcassonne, de Béziers, d’Agde et d’Alby ». L’auteur se réfère à Doat, n° 105, f° 304.

13 « Glanures historiques », Revue du Tarn (désormais RDT), vol. 3, 1881, p. 135. Se référer par ailleurs à la transcription d’un acte daté de 1282 et donnée par COMPAYRÉ (Clément), Études historiques et documents inédits sur l’Albigeois, le Castrais et l’ancien diocèse de Lavaur, Albi, imprimerie de Maurice Papailhiau, 1841, p. 229, où il est fait allusion à Viernæ et Pontii Bernardi viri sui, parentum Guillelmi de Podio, pro hæresi condempnatorum. 14 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), op. cit., p. 34.

15 AD81, H 674.

16 ROQUEBERT (Michel), L’épopée cathare, vol. 2 : l’Inquisition, Paris, Perrin, 2001, p. 1005. 17 PUY-MONTBRUN (Déodat du), « La famille du Puy en Albigeois », Cahiers d’Études cathares,

n° 113, printemps 1987, p. 26. 18 AD81, H 676.

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droits sur les tables du marché d’Albi, notamment sur la leude des pots et vases de terre, du poivre et du gingembre et de tous les ustensiles de bois de la valeur d’un denier. Amat et Pons del Pueg cèdent leurs parts à l’évêque d’Albi en 1286 contre le versement à leur profit de 60 livres tournois19. Si Guillelmus de Podio est miles (chevalier) en 125320, son fils Amat est damoiseau21 dans les actes de 1292. Frère d’Aimé et capitaine d’arbalétriers22, Pons est seigneur de Labastide. À Albi les membres du lignage embrassent la charge des dignitaires : vers 1252 Amatus de Podio est bajulus episcopi Albiensis (bayle de l’évêque)23. Après la croisade la maison Dupuy gravite en Albigeois autour de la sphère épiscopale. Spécialement depuis que Guillaume, père de Pons seigneur de Labastide, a racheté la légitimité de la lignée auprès du prélat albigeois par les « grands services qu’il avait rendus en faisant la guerre aux ennemis de l’Église24 ». Les liens d’intérêt qui unissent Dupuy au seigneur-évêque d’Albi semblent pour partie expliquer la coseigneurie à Labastide et la présence ponctuelle du prélat dans les lieux. Dominique de Florence y est en août 140225. Fuyant la peste en 1456, Bernard IV de Casilhac y fait ainsi transporter sa temporalité et son sceau26. Profitant vraisemblablement de la confiscation des terres albigeoises de Pons-Bernard pour cause d’hérésie, l’évêque d’Albi parvient à se faire attribuer des droits sur la seigneurie de Labastide que seules les démonstrations pieuses du fils, Guillaume, permettent à la lignée Dupuy de reconquérir pour partie. À la fin du XIIIe siècle le pontife albigeois gouverne donc la seigneurie de Labastide avec Pons Dupuy27, fils de Guillaume.

La présence en milieu rural d’une aristocratie urbaine constituée de chevaliers et damoiseaux d’Albi a conditionné à Labastide la nature de l’habitat polarisé. La localité est, depuis la deuxième moitié du XIIIe siècle a minima, un lieu de fixation privilégié d’un habitat bourgeois en témoignent les oculi ouvragés et les portes monumentalisées qui attestent, à l’époque moderne encore, de la prédominance des ménages aristocratiques à Labastide, foyer d’une basse noblesse aux portes

19 « Glanures historiques », art. cit., p. 135 ; HGL, t. V, Toulouse, Privat, 1875, c. 1355 ; et VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), op. cit., p. 35.

20 AURIAC (Eugène de), Histoire de l’ancienne cathédrale et des évêques d’Alby, Paris, imprimerie impériale, 1858, p. 208-209.

21 AD81, H 676.

22 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), op. cit., p. 35. 23 HGL, t. VIII, Toulouse, Privat, 1879, c. 1306. 24 VITON DE SAINT-ALLAIS (Nicolas), op. cit., p. 34. 25 AD81, 4 EDT CC 161.

26 AD81, 4 EDT CC 197. La curia temporalis, assise juridique même de la souveraineté seigneuriale de l’évêque, comprend un grand nombre d’officiers légitimant l’autorité du prélat parmi lesquels figurent des notaires, sergents, juges et bayles. Cf. BIGET (Jean-Louis), « Albi, la Temporalité », RDT, n° 170, été 1998, p. 186.

27 Bastide Poncii de Podio en 1299. Cf. DAVIS (Georgene Webber), The Inquisition at Albi, op. cit., p. 184.

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d’Albi. Antoine de Ciron juge d’Albigeois28 et président au Parlement de Toulouse29, y possède plusieurs demeures en 160130. L’universitat de Labastida de mos. d’Albi compte pour cinq feux31 dans la révision effectuée en 1380, soit plus du double de la moyenne constatée en Albigeois où les communautés ne dépassent que rarement à la fin du XIVe siècle les deux feux fiscaux. Cette communauté dont l’épicentre polarisé n’excède pas 6000 m2 et n’accède du reste jamais spécifiquement dans les textes consultés au rang de castrum – villa en 129732 et loci en 131533 – n’est pas plus importante numériquement, elle est manifestement plus riche. L’agglomération relève d’une formation castrale classique marquée par la déconnexion entre le château et l’église paroissiale. Si l’agglomération est le chef-lieu monumental de la communauté, elle n’en est pas le siège paroissial bien qu’elle supporte toutefois une église dédiée à Sainte-Catherine. Effectuant sa visite pastorale, l’archevêque d’Albi observe en 1700 que « l’église est située dans le lieu qui est une espèce de fort fermé de portes et pont levis34 ». L’examen du compoix de 1601 permet de restituer une enceinte englobante dont la muralhe35, que ceinture un fossé ou valat36, est constituée par l’accolement systématique des unités d’habitations les unes aux autres (fig. 2). Le fossé est franchissable a minima par une porte qui figure dans le compoix par confront avec l’hort du seigneur de Labastide situé davan la porte de la villa et jouxtant la salide et pathus de la porte37. C’est sur la base de l’unique pénétration du réseau viaire dans le village située à l’est au niveau du flanc méridional de l’église Sainte-Catherine et indiquée par le plan cadastral de 1818 que la localisation de la porte est permise. Louis Brieussel précise du reste en 1927 que « la porte du village existait jadis contre l’église38 ». Elle est gardée par le chevet de l’église Sainte-Catherine formant une tour en saillie sur l’enceinte percée d’ouvertures de tir. Pourvue d’une porte en arc brisé dont la clé est ornée d’un quatre-feuilles à remplissage trilobé et de trois chapelles voûtées sur croisées d’ogives dont l’une d’entre elles présente une « clé de voûte armoriée, un encadrement d’autel et une crédence

28 GRESLÉ-BOUIGNOL (Maurice), « Famille de Ciron », in GRESLÉ-BOUIGNOL (Maurice, dir.), Les Tarnais, dictionnaire biographique, Albi, FSIT, 1996, p. 81.

29 MÉNARD (Léon), Pièces fugitives pour servir à l’histoire de France avec des notes historiques et géographiques, t. 2, Paris, Chaubert et Herissant, 1759, p. 38.

30 AD81, 113 EDT CC 1, compoix de 1601, f° 48 notamment : maison de monseno lou presiden Ciron.

31 VIDAL (Auguste), Douze comptes consulaires d’Albi du XIVe siècle, Paris, Picard, Toulouse,

Privat, Albi Nouguiès, 1906, vol. 1, p. 303. 32 HGL, t. X, Toulouse, Privat, 1885, c. 345. 33 Paris, BnF, Doat, n° 103, f° 140.

34 CABAYÉ (Olivier) et GRAS (Guillaume), L’Albigeois au XVIIe siècle : les visites pastorales de

Charles Le Goux de La Berchère, Albi, Archives & Patrimoine, 2009, p. 249-252.

35 AD81, 113 EDT CC 1, f° 38 : Le charpentier possède une maison confrontant la muralhe del dict loc.

36 AD81, 113 EDT CC 1, f° 31 : Jean Pezous possède ung hort confrontant le valat de la ville. 37 AD81, 113 EDT CC 1, f° 2v (la sortie et les abords de la porte).

38 BRIEUSSEL (Louis), « Vieilles églises fortifiées de l’Albigeois », Bulletin de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres du Tarn, 1927, p. 678.

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en accolade39 », l’église est imputable aux XIVe-XVe siècles40. La présence dans le chœur d’une peinture murale représentant le martyre de sainte Catherine

39 ALLÈGRE (Victor), Les richesses médiévales du Tarn. Art gothique, Toulouse, Imprimerie régionale, 1954, p. 380.

40 « XIVe et XVe siècles » pour FABRE (Géraldine), « Inventaire archéologique du canton de

Réalmont », RDT, n° 152, hiver 1993, p. 531. « Deuxième moitié du XVe siècle » pour BERGÈS

(Élise et Pierrette), « Labastide-Dénat, découverte et restauration de peintures murales », art. cit., p. 307.

Fig. 2. Proposition de restitution partielle du complexe fortifié de Labastide d’après le plan cadastral de  1818, le compoix de 1601 et les observations in situ (© 2019 CTM).

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attribuée au XIVe siècle41 confirme la datation. L’église est donc construite ou reconstruite pendant la guerre de Cent Ans vraisemblablement en lien avec le réaménagement d’une partie du secteur oriental de l’agglomération à des fins défensives. À l’intérieur de l’agglomération la communauté dispose de plusieurs aménagements destinés à la survie et notamment d’un four commun42. L’enceinte collective abrite plusieurs maisons relevant de la famille Dupuy. Antoine Dupuy, seigneur de Labastide possède dans le village au début du XVIIe siècle une maison apelade de la gleye43. Confrontant tout à la fois la gleysa, la place et carieyra publicque, et ne joignant d’autre part aucune autre habitation, la bâtisse peut être attribuée à la parcelle 151 du plan cadastral44. Elle confronte également la muralhe et gachal del dict loc, autrement dit la guérite située sur la porte du lieu. L’ensemble comprend une habitation ou ya salubert, (cour intérieure45), fenial ou estable (grange ou étable), et cuberte ou peyrie46. À la fin du XVIIIe siècle, la maison de la gleye comprend un pigeonnier47 joignant l’église48. De la bâtisse ne subsiste qu’une portion des élévations occidentale et méridionale correspondant à une partie du premier niveau dont le chaînage d’angle présente un appareil de moellons calcaires régulièrement équarris imputable à la fin du Moyen Âge. Le mur occidental est encore percé de l’une des entrées de la maison consistant en une porte étroite surmontée d’un linteau monolithique en arc en accolade très dégradé imputable au XVe siècle. Enfin, l’hôtel familial Dupuy, ferme l’angle sud-ouest de la muraille de la localité. Il présente une spectaculaire façade du XVIe siècle49 composée d’une porte monumentale encadrée de deux oculi, de trois fenêtres à croisées de meneaux et appuis chanfreinés et de quatre fenêtres à traverses également chanfreinées (fig. 3). À l’intérieur un escalier à vis permet la desserte des étages divisés par des cloisons à ossatures de bois tandis qu’en sous-sol des espaces dévolus à l’entreposage sont pour partie constitués par

41 Données communiquées par l’atelier de restauration Hervé Langlois à Gaillac responsable notamment de la dépose et du déplacement de la peinture murale.

42 AD81, 113 EDT CC 1, f° 1, f° 40 et f° 86. 43 AD81, 113 EDT CC 1, f° 1.

44 AD81, 3 P 2443, plan cadastral de 1818, section A1.

45 Se référer à AZAÏS (Gabriel), Dictionnaire des idiomes romans du Midi de la France, t. 3, Montpellier, Publications de la Société pour l’étude des langues romanes, 1877 ; à COUZINIÉ (Jean-Pierre), Dictionnaire de la langue romano-castraise et des contrées limitrophes, Castres, Cantié, 1850 ; et à GARY (Fortuné), Dictionnaire patois-français à l’usage du département du Tarn, Castres, Pujol, 1845.

46 Lo peyrie est, en ancien languedocien, un des termes désignant la basse-cour. Cf. GODOLIN (Pèire), Dictiounari sus la lengo moundino, Toulouso, Imprimurs de monseignou l’archebesque d’Alby, 1694. À moins que les termes ne soient ici employés comme synonymes de salubert. 47 Archives diocésaines d’Albi, P 12.04, Devis des réparations à faire à l’église paroissiale

Sainte-Catherine de Labastide de Dénat.

48 Parcelle 150 sur le plan cadastral de 1818 (section A1), bien que l’emplacement indiqué soit faux, le pigeonnier confrontant l’église non pas par-devant la chapelle méridionale mais au niveau du flanc occidental de cette dernière.

49 Datation proposée par FABRE (Géraldine), « Inventaire archéologique du canton de Réalmont », RDT, n° 152, hiver 1993, p. 530 ; et par BERGÈS (Élise et Pierrette), « Labastide-Dénat, découverte et restauration de peintures murales », RDT, n° 170, été 1998, p. 307.

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une salle voûtée en berceau plein cintre. La voûte est bâtie de briques foraines dont un grand nombre porte les traces de préhension avant le passage au four (fig. 4). La construction semble imputable à la fin du XIIIe siècle et par l’utilisation de la brique elle relie encore davantage Labastide à la sphère albigeoise représentée dans la localité par l’évêque et par les membres de la maison Dupuy issus d’une lignée de chevaliers et damoiseaux d’Albi.

Au centre du village se situe le château seigneurial de la lignée des Dupuy. D’après les vestiges en élévation il est constitué a minima d’une tour maîtresse

Fig. 3. Labastide-Dénat, hôtel Dupuy, façade du XVIe siècle à croisées de meneaux chanfreinés et fenêtres 

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et d’un corps de logis. La tour maîtresse50 est nettement arasée à 6,50 m du sol actuel51. Elle est bâtie de moellons calcaires uniformément équarris assemblés à joints maigres sur assises régulières. À sa base et partiellement enterrée est une éventuelle citerne en berceau plein cintre (fig. 5). Les

50 Parcelle 134 sur le plan cadastral de 1818 (section A1).

51 En 1820 elle n’est plus désignée que de « bâtiment » (AD81, 3 P 956).

Fig. 4. Labastide-Dénat, hôtel Dupuy, voûte en berceau plein cintre, fin du XIIIe siècle (© 2019 CTM).

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percements latéraux qui l’ont largement ouverte ne sont pas antérieurs au XVIIe siècle. La voûte est percée en son centre de deux ouvertures acheminant les eaux de ruissèlement. La façade orientale est percée d’une archère à étrier qui garde une baie en plein cintre imputable au XIIe siècle (fig. 6). Dans la cour

située à l’est est creusé un puits52 dont l’appareil semble contemporain de celui de la tour maîtresse. Au sud-est de cette dernière et dissociées d’elle subsistent plusieurs élévations remaniées53 assimilables à celles d’un corps de logis ou d’une aula seigneuriale54. On relève la présence d’un mur formant la portion méridionale d’une ancienne salle dont la richesse des décors conservés est à rapprocher de celle d’un piano nobile. Sur la face septentrionale du mur il est encore possible d’observer, au niveau d’un ancien premier étage, une colonne engagée originellement à fût monolithique surmontée d’un chapiteau à décor de feuilles d’acanthe et à tailloir vierge supportant le départ d’un arc brisé polygonal (fig. 7). Les vestiges d’un chapiteau identique, bien que très dégradé, subsistent à l’est du premier et supportent également un départ d’arc brisé signalant manifestement une salle anciennement voûtée sur croisées d’ogives. La colonne jouxte une porte surmontée d’un linteau monolithique trilobé à motifs végétaux (fig. 8) donnant accès à un escalier à vis à noyau

52 La profondeur du puits a été estimée par son propriétaire, M. Jean-Pierre Lallée, à 15 m. 53 Parcelle 135 sur le plan cadastral de 1818 (section A1).

54 En 1820 l’ensemble n’est plus qualifié que de « bâtiment » (AD81, 3 P 956).

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Fig. 7. Labastide-Dénat, aula, chapiteau à feuilles d’acanthe, XIIIe siècle (© 2019 CTM).

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à tambours monolithiques (fig. 9) formant une tour à pans coupés en saillie sur le mur. La tour est percée d’archères et est nettement arasée à 8,50 m du sol actuel. La salle est percée à son extrémité méridionale d’une porte en arc brisé à double rouleau flanquée d’un pilier massif de section carrée55. La question de l’incidence bâtie liée à la présence ponctuelle à Labastide de l’évêque d’Albi et d’une partie de la curie épiscopale demeure posée. Il semble permis de penser qu’en tant que coseigneur le prélat albigeois bénéficie de prérogatives sur le château comme il dispose de droits sur la juridiction. Et c’est vraisemblablement au sein du château central de Dupuy, dont il doit avoir la jouissance en indivis comme coseigneur, qu’il loge lors de ses séjours à Labastide. En définitive, le centre aggloméré de la communauté de Labastide s’est constitué par l’établissement aux abords du château d’un habitat occupé de façon pérenne par une caste aristocratique et bourgeoise suburbaine. Dans l’état actuel des recherches, il est complexe de parvenir à cerner le rôle de l’agglomération dans la protection des résidents du mas à la fin du Moyen Âge. Le cas pose la question des prérogatives dont peut disposer la communauté nettement structurée en universitat sur une agglomération dont elle semble pourtant pour partie physiquement exclue.

55 L’actuelle porte est un fac-similé et le pilier est aujourd’hui détruit. Fig. 9. Labastide-Dénat, aula, escalier à vis (© 2019 CTM).

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Montsalvy

Relativement peu perturbé bien que ruiné, le site de Montsalvy présente toujours un promontoire ovoïdal d’une étendue d’environ 2600 m2, assis sur le sommet d’une éminence naturelle rehaussée par la terre extraite du creusement d’un fossé d’environ 8 m de large circonscrivant la butte oblongue. Le tracé du fossé, aujourd’hui comblé, est nettement perceptible notamment le long des flancs occidental et oriental de la butte où subsiste un fragment de la contrescarpe. Le sommet de la butte est occupé par une esplanade, d’environ 1000 m2, dont la frange méridionale supporte les vestiges d’un château (fig. 10). Il s’agit d’une part d’une tour maîtresse carrée de 8 m de côté et arasée dont l’appareil constitué de moellons calcaires régulièrement équarris compose une structure dont les murs avoisinent 2 m d’épaisseur. La tour est percée au sud d’une baie axiale couverte en plein cintre imputable aux XIIe-XIIIe siècle (fig. 11). Il s’agit d’autre

Fig. 10. Château de Montsalvy, promontoire ceinturé d’un fossé, prise de vue aérienne par drone, Laurent  Nion (© 2019 LN).

Fig. 11. Château de Montsalvy, tour maîtresse, XIIe

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part de maigres portions en élévation s’appuyant contre la tour et correspondant à l’ancien corps de logis dont l’appareil semble contemporain de celui de la tour (fig. 12). Le quartier septentrional de la butte est occupé par la basse-cour du château. Le promontoire sur lequel est assis le château occupe la bordure orientale d’une plateforme qui s’étend tout autour de la butte sauf sur son versant oriental où de puissants escarpements enregistrent une forte déclivité. L’étendue de la plateforme, environ 8000 m2, est assignée à l’établissement d’un talus artificiel dont la levée de terre semble subordonnée au creusement d’un second fossé ceinturant l’ensemble, et dont le tracé et une portion de la contrescarpe paraissent subsister au nord-est en contrebas du talus de la plateforme. Cette terrasse elliptique correspond à l’établissement d’un bourg subordonné au château sur son versant occidental, l’ensemble se rapprochant morphologiquement du modèle des castelnaux de Gascogne étudiés par Benoît Cursente56. Il ne semble toutefois pas qu’un véritable noyau aggloméré se soit formé, et faut-il sans nul doute considérer le bourg comme un habitat inorganique demeuré au stade embryonnaire du regroupement. « Dans bien des régions, on devine donc une période, plus ou moins longue selon les cas, durant laquelle les châteaux semblent poursuivre un obscur travail de sape pour cristalliser à leur

56 CURSENTE (Benoît), « Castra et Castelnaux dans le Midi de la France (XIe-XVe siècles) »,

Châteaux et peuplements en Europe occidentale du Xe au XVIIIe siècle, Premières journées

internationales d’histoire des 20-22 septembre 1979 de Flaran, Bordeaux, Biscaye imprimeur & conseil, 1980, p. 47.

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pied l’habitat rural environnant ; une période semée d’échecs ou de réussites précaires57 ». Assertion à mettre en rapport avec une certaine indécision des termes utilisés pour qualifier le lieu au XIIIe siècle, oscillant entre la formation ouverte et celle du château. Ainsi en 1297 dans acte touchant la levée du subside en Languedoc il est question de la villa de Monte Salvii58. Il semble que la tentative de regrouper la population au pied du château se soit soldée à Montsalvy par un relatif échec étant donné que le bourg ne se dote jamais de structures collectives de défense à caractère pérenne. « Le bois et la terre sont restés les matériaux de base les plus courants jusqu’au bas Moyen Age, palissades de bois et maisons en torchis ayant disparu, seuls en général le fossé et le talus témoignent sur le sol de l’existence d’un castet59 ».

Le chapitre collégial de Saint-Salvi d’Albi est seigneur du lieu. La présence physique des chanoines à Montsalvy même est attestée régulièrement tout au long du Moyen Âge. Le château est précocement lié à l’exploitation du terroir. Compte tenu de la mention au XIIIe siècle d’une grange et de ses dépendances, il faut vraisemblablement y voir une sorte de grenier castral. En 1219 une bulle papale confirmant le chapitre dans la jouissance de ses biens, sous la redevance annuelle d’une obole d’or, mentionne en effet Sancti Michaelis de Barzac et grangiam de Montis Salvii cum pertinentiis suis60 . Il s’agit de la première mention relevée de la basse-cour du château, le terme grangia évoquant au XIIIe siècle tant le lieu d’entreposage des récoltes que l’ensemble des bâtiments agricoles composant la basse-cour61. Le château est mentionné à plusieurs reprises dans les textes. « En 1254, des discussions s’étant élevées entre les chanoines [du chapitre] et Lambert de Monteil-Adhémar, seigneur de Lombers, relativement aux limites de certains pâturages, Lambert attaqua le château [de Montsalvy], blessa plusieurs habitants et dirigea même ses flèches contre le prévôt [du chapitre]62 ». Et en 1294, Bégon Boursery, prévôt du chapitre de Saint-Salvi, demande au viguier d’Albi de livrer au juge de Montsalvy les frères Bernard, Jean et Raymond de Ronel poursuivis pour le meurtre du chanoine Alric dans le château même de Montsalvy63. Montsalvy est le siège du château mais aussi l’épicentre juridictionnel du territoire que ce dernier contrôle, celui du castrum avec sa cour, sa justice seigneuriale, son

57 Ibid., p. 36.

58 HGL, t. 6, Toulouse, Paya, 1843, p. 642.

59 CURSENTE (Benoît), « Castra et Castelnaux dans le Midi de la France (XIe-XVe siècles) », art.

cit., p. 49.

60 LACGER (Louis de), « L’abbaye Saint-Salvy d’Albi du VIe au XIIe siècle », Revue Mabillon, 1925,

p. 234-235 (ASAV, Reg. Vat., vol. 10, f° 59 V°, bulle 280).

61 GIULIATO (Gérard), « Insécurité et mise en défense du village en Lorraine médiévale », in DESPLAT (Christian, dir.), Les villageois face à la guerre (XIVe-XVIIIe siècle), Actes des XXIIe

journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran des 8, 9, 10 septembre 2000, Toulouse, PUM, 2002, p. 44 : « les bâtiments agricoles et les dépendances constituent un second ensemble appelé la grange ».

62 JOLIBOIS (Émile), « Histoire du pays d’Albigeois », RDT, vol. 8, 1890-1891, p. 51. 63 VIDAL (Auguste), « Histoire des rues du viel Albi », RDT, vol. 20, 1903, p. 81.

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personnel et son trompette64. Le castrum sans avoir été, semble-t-il, le siège d’un véritable noyau d’habitat parfaitement aggloméré – et ce même si des habitants évoqués notamment en 1254 y résident – est toutefois en relation avec une communauté d’habitants autonome structurée en universitate et représentée par des procuratores en 129765. En 1380, la universitat de Monsalvi compte pour 2 feux fiscaux66. Suivant la traditionnelle déconnexion du site castral avec l’église paroissiale, Montsalvy n’est pas le siège d’une église-mère. Le castrum dépend de la juridiction paroissiale de l’église Saint-Michel de Brassac, implantée à 800 m environ au sud-est du château. L’esglise de Barzac est délaissée dès le XIIe siècle au profit du chapitre collégial de Saint-Salvi par Aymé, sa femme et sa fille67 et est alors associée à un masage68. À la fin du XIIIe siècle, Saint-Michel de Brassac est devenu le siège d’un prieuré-cure : Bégon prévôt du chapitre de Saint-Salvi présente en 1280 à l’évêque Bernard de Castanet des sujets pour huit prieurés parmi lesquels figure celui de Barzaco69. Le lieu de Brassac tend à se confondre rapidement avec la juridiction du castrum de Montsalvy. Ainsi en 1303 Ermengaudus Amblardi est nommé prior Montis Salvii pour le prieuré de Saint-Michel70. Et dans les comptes de la décime levée entre le début du XIVe et le début du XVe siècle dans le diocèse d’Albi c’est sous l’appellation ecclesia de Montesalvio qu’est mentionnée Saint-Michel de Brassac71 dite aussi eglise de Brassac alias Monsalvy72. L’église Saint-Michel de Brassac, dont il ne reste aujourd’hui plus aucun vestige en élévation, n’est désaffectée que tardivement et n’est transférée sur le site du château de Montsalvy qu’en 177873.

64 En 1333, Jean Guybré, trompette public du chasteau de Monsalvy, trompeta et cria a haulte voix : vegeats touts la justice que fan sur la cour de Monsalvy et lous personniers del castel de Monsalvy, de par Monseignour lou prevost de l’esglise de Saint-Salvy d’Alby, du prieur de Monsalvy, des chanoines et chappitre dudit Saint-Salvy, de ce larron qui avoit desrobé beaucoup de choses en ladite seigneurie de Monsalvy et autres lieux, et jugé a pandre, par leur santance confirmée par le juge des crimes de Carcassonne. Qui aytal fara aytal prendra. Cf. « Glanures historiques », RDT, vol. 3, 1881, p. 87.

65 HGL, t. X, Toulouse, Privat, 1885, c. 345-346 : Notum vobis facimus, quod procuratores hominum civitatis Albie et villa de Montesalvii… universitatibus civitatis Albie et predictarum villarum…

66 VIDAL (Auguste), Douze comptes consulaires d’Albi du XIVe siècle, op. cit., vol. 1, p. 304.

67 « Extrait d’un ancien inventaire des archives du chapitre de Saint-Salvi d’Albi », RDT, vol. 4, 1883, p. 248 (acte n° 37).

68 Ibid., p. 247 (acte n° 26 : masage de Brasc). 69 Paris, BnF, Doat, n° 107, f° 180.

70 PICOT (Georges), Documents relatifs aux États généraux et Assemblées réunies sous Philippe le Bel, Paris Imprimerie nationale, 1901, p. 108

71 LACGER (Louis de), États administratifs des anciens diocèses d’Albi, de Castres et de Lavaur, Paris, Picard, Albi, ICSO, 1921, p. 140 (ecca de Montesalvio) ; et FONT-RÉAULX (Jacques de), Pouillés de la province de Bourges, Paris, Imprimerie nationale, 1942, p. 361 et 366 (ecclesia de Monte Salvio).

72 « Extrait d’un ancien inventaire… », art. cit., p. 250 (acte n° 54). 73 JOLIBOIS (Émile), « Puygouzon », RDT, vol. 3, 1881, p. 197.

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En 1355 Bernard Raimond de Durfort et Bernard de Bonne, commissaires chargés par le roi en Languedoc de visiter les territoires albigeois afin de vérifier l’état des fortifications, inspectent Montsalvy. Parvenus au castro dicti loci de Monte Salvio que le chapitre collégial de Saint-Salvi d’Albi dit tenir du Saint-Siège, les commissaires convoquent les habitants in loci de Monte Salvio dicti castrum de Monte Salvio, qui jurent sur l’Évangile n’être pas assez riches pour mettre en défense la forteresse. Ordre leur est donné de se retirer à Albi, « place forte de premier ordre ». Toutefois le prévôt du chapitre de Saint-Salvi promet de mettre le château en état d’être défendu. Les commissaires persistent néanmoins dans leur ordonnance et donnent quinze jours aux habitants pour vider les lieux74. Il convient d’interpréter cette injonction qui ne traduit pas l’absence de fortifications communautaires mais au contraire leur apparition précoce. Il s’agit pour les commissaires de tenter de provoquer le démantèlement des réduits défensifs qui s’établissent et se multiplient aux abords d’Albi contre la volonté même des consuls de la cité épiscopale qui n’ont qu’une crainte : qu’insuffisamment défendus ces forts soient pris par les routiers et ne leur servent de points d’appuis pour piller les campagnes, priver la cité d’Albi de ses ressources et la rançonner. Les réduits communautaires sont autant de points faillibles qui gênent l’administration consulaire albigeoise et les inspections traduisent tout de la crainte des grandes cités de se retrouver encerclées par un réseau dense de forts tombés aux mains de l’ennemi. Les sommations réitérées et les mises en demeure restent vaines. Les ordres ne sont pas suivis : Montsalvy n’est ni évacué, ni démantelé. Et ce malgré les manœuvres d’intimidation entreprises par les consuls d’Albi, qui suite au refus des habitants d’évacuer la place en 1355, continuent quatre ans plus tard d’exhorter la population à abandonner le lieu, la sommant de venir se réfugier à Albi et de pourvoir aux frais inhérents au relèvement des murs de la ville. En 1359, les comptes consulaires d’Albi évoquent toujours l’obligation faite à la communauté de Montsalvy représentée par ses consuls : obligationem per consules et habitatores de Monte Salvio factam de contribuendo clausure Albie75. S’ensuit une véritable bataille juridique entre les consuls de Montsalvy et l’administration albigeoise dont les comptes font toujours état en 1361. Au mois d’août est rétribué P. Rauza loqual fon trames a Gualhac per far ordenar razos per lasquals Bernard Bandier, de Monsalvi, devia contrubuir en la clausura de la vila d’Albi coma los autres habitans de Monsalvi, quar jornada ne aviam en la cort del rey, e per vezer de la nota de la carta de la unio facha am nos per las jens de Monsalvi76. Au mois de septembre de la même année, c’est Guiraut Blacas qui est rémunéré per las grossaduras de la carta (les clauses de l’acte) de las jens de Monsalvi que se obliguero a pagar en la vila a las clauzuras77. Cette conception centraliste de la défense des territoires est générale et des constats similaires sont effectués pour la région de Cordes où « les nombreux

74 AD81, 4 EDT EE 7.

75 VIDAL (Auguste), Comptes consulaires d’Albi (1359-1360), Toulouse, Privat, 1900, p. 53-54. 76 VIDAL (Auguste), Douze comptes consulaires d’Albi du XIVe siècle, op. cit., vol. 1, p. 24-25.

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procès qui opposent les communautés du consulat et l’institution consulaire traduisent l’échec, ou du moins les limites, de cette stratégie de centralisation de la défense qui n’est pas uniformément respectée, même au terme de longues négociations et de rappels à l’ordre78 ». La capacité de la communauté regroupée en universitat à décider seule des moyens de sa défense traduit la relative indépendance dont peuvent jouir les ruraux à Montsalvy à l’égard des institutions consulaires urbaines. Ils bénéficient de l’appui tacite de l’autorité seigneuriale locale soucieuse de préserver les revenus qu’elle tire de l’exploitation d’un terroir subordonné à sa juridiction. « Une défense efficace ne pouvait reposer que sur la collaboration active du seigneur châtelain et des habitants79 ». Ce que confirme l’examen des lauzimes du viel de Monsalvi, dont certains reçus apud turrim de Monte Salvio évoquent vers 1455 l’investiture en faveur du prieur de Montsalvy « de la tour du dit lieu » à charge pour ce dernier de défendre la place en temps de guerre80.

L’examen du compoix de 160181 permet d’isoler l’établissement d’un réduit communautaire en lien avec « la tour du dit lieu », s’articulant autour de la forteresse des chanoines, là où le plan cadastral de 180882 ne permet plus d’en discerner le tracé. Le réduit collectif s’établit contre le corps de logis et la tour maîtresse du château du chapitre par allotissement et restructuration de la basse-cour castrale établie par-devant le château et occupée par plusieurs bâtiments dont les dépendances agricoles mentionnées dans les textes sous l’appellation de grangia (fig. 13). Les lauzimes du viel de Monsalvi mentionnent bien dans la deuxième moitié du XVe siècle des hostals en lo loc de Monsalvi confrontant lo mur del castel del capitol83. Le compoix évoque la muralha de la villa84 ainsi que la carrieyra publiqua, que la grande majorité des biens bâtis confrontent de part et d’autre. Le fossé figure dans les lauzimes du XVe siècle : une pessa de terra al bari confronte ainsi amb lo valat del fort de Monsalvi85. La muraille est percée d’une unique porte que le compoix nomme intrada86. L’espace est strictement rationnalisé et le bâti vraisemblablement

78 CASSAN (Élodie), « Des forts villageois autour du castrum de Cordes en Albigeois : défense des campagnes et évolution des paysages du XIVe au XVIIe siècle », Archéologie du Midi

médiéval, t. 29, 2011, p. 156.

79 CURSENTE (Benoît), « Castra et Castelnaux dans le Midi de la France (XIe-XVe siècles) », art.

cit., p.45 80 AD81, G 374.

81 AD81, 218 EDT CC 4.

82 AD81, 3 P 2432/11. 83 AD81, G 374, f° 25v.

84 AD81, 218 EDT CC 4, f° 9 : les héritiers de Bernard Champagnol possèdent ung hostal dins lo loc de Monsalvi confrontan amb las carrieyras publicquas deldict loc, cambra dels heritierz de Jean Maliès et muralha de la villa, ung autre hostal a doas estachas confrontan amb cambra dels heritierz de Jean Maliès, cambra de Duran Osioul, cambra de Jean Palaffre et muralha de la villa.

85 AD81, G 374, f° 3.

86 AD81, 218 EDT CC 4, f° 103 et 146 : Antoine Pierre possède la mitat de ung dehault d’ostal et sa part de l’intrada ; Pierre Cathala possède una cambra et sa part de l’intrada deldict loc de Monsalvi.

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très dense étant donné que même l’espace de la porte est alloti et comporte des modules de refuge87. Cette dernière figure également dans les lauzimes du XVe siècle : un hostal en la dicha vila de Monsalvi confronte amb la carrieyra publica, amb lo mur del dich loc et amb la porta del dich loc88. Une déclivité

87 Outre Antoine Pierre et Pierre Cathala, Duran Osioul possède aussi sa part de l’intrada al loc de Monsalvi confrontant la cambra de Salvi Brieussel (AD81, 218 EDT CC 4, f° 34).

88 AD81, G 374, f° 10v.

Fig.  13.  Proposition  de  restitution  partielle  du  réduit  communautaire  de  Montsalvy  d’après  le  plan  cadastral de 1808, le compoix de 1601, les lauzimes du XVe siècle et les observations in situ (© 2019 CTM).

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située à la pointe nord du promontoire sur lequel le château est assis indique aujourd’hui encore l’entrée du fort et l’emplacement de la porte. Par ailleurs, la muraille collective est couronnée d’une galerie sommitale défensive ou anvans89 : Antoine Pierre possède ainsi la mitat de ung dehault d’ostal dins lou loc de Monsalvi confrontan amb les envantz deldcit loc90. Les biens bâtis se répartissent le long de la muraille qu’ils confrontent suivant probablement l’emprise de l’ancienne basse-cour. Le réduit communautaire est pourvu d’éléments de survie. Lo forn del dich loc confronte un hostal confrontant lui-même la porta, lo mur et lo valat del dich loc91. Dans l’état actuel des recherches, il est difficile de déterminer si oui ou non le corps de logis seigneurial et sa tour maîtresse ont fait l’objet d’un accensement, même partiel. Néanmoins l’évocation vers 1455 du prieur de Montsalvy qui semble résider « dans la tour du dit lieu » suggère que la forteresse des chanoines et notamment la tour n’a pas été louée à bail, laquelle est toujours occupée par le prieur de Montsalvy, Pierre Barrassy, en 1589. La répartition des biens bâtis que dénombre le compoix et qui confrontent conjointement la muralha et la carrieyra92 indique donc, en l’absence d’un parcellaire fossilisé sur le plan cadastral, un espace clos de très faible étendue correspondant à l’emprise de la basse-cour. Le réduit est constitué par un alignement unique d’un petit nombre d’unités de refuge et d’entreposage des biens bordant une rue centrale ou carrieyra permettant l’accès à ces dernières. Certains biens bâtis jouxtent la gleya93. Il ne s’agit toutefois pas de l’église Saint-Michel de Brassac, le compoix distinguant formellement la gleya de Sanct Miquel de la gleya del loc implantée à Montsalvy même, dont la titulature n’est d’ailleurs jamais évoquée. De toute évidence il s’agit d’une simple chapelle votive à mettre en lien avec le logis seigneurial capitulaire. Elle coexiste un certain temps avec l’église paroissiale Saint-Michel située à 800 mètres en contrebas. Le transfert du siège de la juridiction paroissiale de Saint-Michel de Brassac vers le fort en 1778 provoque finalement la désaffection de l’église de Brassac. Les vestiges encore en élévation à Montsalvy correspondent pour partie à cette église reconstruite sur les ruines du fort entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle et dont le flanc oriental s’appuie contre une portion de la muraille du corps de logis seigneurial. Les modalités de mise en place du réduit communautaire sont mal connues. Il semble toutefois que l’allotissement de la

89 Suivant la définition donnée par le philologue OLIVIER (Philippe), Dictionnaire d’ancien Occitan auvergnat, mauriacois et sanflorain (1340-1540), Tübingen, Niemeyer, 2009, coll. Beihefte zur Zeitschrift für Romanische Philologie, Band 349, p. 68 : « Anvan, anban, envan, galerie couverte placée sur un rempart ». Se référer en outre particulièrement aux travaux de LOPPE (Frédéric), Construire en terre pendant la guerre de Cent Ans : les fortifications de Castelnaudary (vers 1355-1450), Carcassonne, Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, 2010, p. 125 : « Les textes les nomment la plupart du temps amban, envan, ou emban ». 90 AD81, 218 EDT CC 4, f° 103.

91 AD81, G 374, f° 22.

92 Au XVe siècle aussi les hostals dins lo fort de Monsalvi confronte conjointement le mur del

dich loc et la carrieyra publica (AD81, G 374, f° 18).

93 L’église, sans nul doute liée au château du chapitre, est d’implantation précoce. Au XVe siècle

déjà, les lauzimes mentionnent des hostals dins lo fort de Monsalvi confrontant la gleya de Monsalvi, lo mur del loc et la carrieyra publica (AD81, G 374, f° 5v).

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basse-cour ait donné lieu, dès l’origine ou plus tardivement, à des concessions non soumises au versement d’un cens compte tenu du fait que les biens figurant dans les lauzimes ou le compoix sont tenus en pleine propriété. On voit bien là comment par le biais de revendications communautaires s’effectue le transfert de parcelles initialement de propriété seigneuriale via les individus qui les entretiennent et les restructurent parfois en adéquation avec leurs impératifs.

Le réduit communautaire de Montsalvy dont le compoix de 1601 dresse le portrait se distingue par un fort taux de résidence bipartite. Environ 75 % des propriétaires d’un bien bâti dans le fort possèdent conjointement une maison dans l’un des mas du terroir. Les tenanciers résident ainsi de façon permanente dans des maisons disséminées au sein du terroir subordonné à la juridiction du castrum, en lien avec l’exploitation de terres ; et disposent en parallèle de modules de refuge et d’entreposage au sein du fort. Il est à noter que tous les mas que le compoix évoque sont concernés par la résidence bipartite. L’examen du compoix permet de distinguer trois types d’unités de refuge de secours et d’entreposage des biens. La cambra94 d’abord, très présente et de superficie modeste, d’une moyenne de 3 cannes et demi se rapprochant ainsi des emplacements de 4 cannes concédés dans les réduits du Quercy95. Certains ne possédant en outre que la mitat d’una cambra dins lou loc de Monsalvi96. Les chambres sont généralement associées à la possession d’un houstal au mas, toutefois certains tenanciers n’ont en pleine propriété qu’une seule cambra. La deuxième unité de refuge est également de superficie modeste, elle correspond à la division de l’houstal. La tenue de biens en indivis par les résidents du mas est un processus tout à fait symptomatique des réduits communautaires. Ce fait doit être signalé étant donné qu’il souligne manifestement tant une forte structuration des populations paysannes que l’existence de micro-réseaux intra-communautaires d’entraide, de partage et de bien commun. Ainsi plusieurs tenanciers se partagent la mitat d’ung dehault ou d’ung debas doustal97 ou même la quarta part d’ung debas d’oustal98. Enfin la troisième unité de refuge

94 AD81, 218 EDT CC 4, f° 16 et 146 : Philippe Brieussel possède una cambra dedins lou loc de Monsalvi confrontan amb la carrieyra deldict loc, la cambra de Pierre Cathala et la muralha deldict loc ; Pierre Cathala possède una cambra et sa part del intrada deldict loc de Monsalvi. 95 LARTIGAUT (Jean), Les campagnes du Quercy après la guerre de Cent Ans (vers 1440-1550),

Toulouse, Association des publications de l’université de Toulouse-le-Mirail, 1978, p. 213. 96 AD81, 218 EDT CC 4, f° 45 et 66v : Cécile Rodière possède la mitat d’una cambra dins lou loc

de Monsalvi confrontant la gleya deldict loc et la cambra de Pierre Roquefeuille ; François Roquefeuille possède la mitat d’una cambra dins lou loc de Monsalvi confrontant la gleya et la cambra de Pierre Roquefeuille.

97 AD81, 218 EDT CC 4, f° 90 et 103 : Jean Roquefeuille possède la mitat d’ung debas d’oustal al loc de Monsalvi confrontan amb las carrieyras, muralha deldict loc et amb la gleya deldict loc ; Antoine Pierre possède la mitat d’ung dehault d’ostal dins lo loc de Monsalvi confrontant la cambra de Pierre Cathala et les envantz deldict loc.

98 AD81, 218 EDT CC 4, f° 16 et 21 : Philippe Brieussel possède la quarta part d’ung debas confrontant la muralha deldict loc ; Antoine Meult possède la quarta part de ung debas d’houstal dins lou loc de Monsalvi confrontan amb la carrieyra publicqua deldict loc et muralha. AD81, 218 EDT CC 4, f° 107 : Pierre Roquefeuille possède la terssa part de la mitat de ung debas d’houstal dins Monsalvi confrontan amb la carrieyra et la muralha !

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est celle de l’houstal à deux ou trois estachas99. Elle est indifféremment associée ou non à la possession d’un autre houstal au mas. Le compoix signale enfin la présence d’un habitat hors les murs, dit alz barris de la villa100, composé principalement de cazals, unités d’habitations ruinées. Il s’agit des vestiges des maisons du bourg subordonné au château au XIIIe siècle. Au XVe siècle encore, le faubourg est toujours en fonctionnement et les lauzimes du viel de Monsalvi mentionnent de nombreux hostals101 ainsi que des orts102 al bari de Monsalvi. Dans la dernière moitié du XVIIIe siècle le fort semble en voie de déshérence et réduit à la tour maîtresse du castel del capitol peu ou prou telle qu’elle figure dessinée à l’encre noire (fig. 14) à l’occasion d’un arpentement des biens du chapitre collégial de Saint-Salvi103.

99 AD81, 218 EDT CC 4, f° 21 et 25 : Antoine Meult possède ung hostal a tres estachas dins lou loc de Monsalvi confrontan amb la muralha de la villa et carrieyra deldict loc ; les héritiers d’Antoine Pezous possèdent ung houstal a tres estachas dins lou loc de Monsalvi confrontan amb la carrieyra et muralha de la villa.

100 AD81, 218 EDT CC 4, f° 30 : les héritiers de Bernard Malavialle possèdent ung cazal alz barris de la villa confrontan amb lous pathus communals de la villa.

101 AD81, G 374, f° 2. 102 AD 81, G 374, f° 9. 103 AD81, G 389 (1753).

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Puygouzon

Le site de Puygouzon, implanté sur une éminence rocheuse, est situé à la confluence des églises de Saint-Genieys, de Saint-Sernin d’Entremons et de Saint-Sauveur de Caynac dont la présence sur le finage communautaire est attestée dans les textes depuis au moins le XIIIe siècle. En 1120, l’église Saint-Genieys est délaissée par Guillaume Salomon et sa femme au profit des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, implantés à Rayssac104. Au XIIe siècle, les chanoines du chapitre collégial de Saint-Salvi d’Albi semblent aussi détenir des droits sur la cure105. Le chapitre collégial se partage en outre avec le seigneur-évêque d’Albi les revenus issus de l’église Saint-Sernin d’Entremons. En 1242 il s’engage ainsi à présenter au pontife le titulaire de l’église Sancti Saturnii d’Entremons106. Bien que figurant au XIIe siècle dans les biens relevant à nouveau du chapitre collégial de Saint-Salvi107, l’église Saint-Sauveur de Caynac semble néanmoins liée assez précocement à l’hôpital du Puy-en-Velay108. Relativement resserrés, distants les uns des autres de 2 km en moyenne, ces trois points forts du paysage bâti ne paraissent toutefois pas avoir polarisé l’habitat. L’église Saint-Genieys n’est pas le centre d’un noyau aggloméré et demeure associée à un peuplement de type épars que la mention en 1146 d’une boria de Sancto Genesio suggère109. Elle est toutefois à la tête d’une juridiction paroissiale de laquelle dépend Puygouzon au XIVe siècle110. L’église Saint-Sauveur de Caynac a déjà disparu en 1642 au moment où Melchior Tavernier dresse sa carte du diocèse d’Alby111. Seule l’ecclesia de Entremons figure dans le compte de la décime levée en 1382 dans le diocèse d’Albi112. Suivant la déconnexion classique entre réseau castral et réseau paroissial, le lieu de Puygouzon n’est pas au Moyen Âge le siège d’une église. Constitué strictement en dehors des trois pôles ecclésiaux voisins, le site de Puygouzon est celui d’un modeste bourg subordonné à un

104 Archives départementales de la Haute-Garonne (désormais AD31), Inventaire de la commanderie de Rayssac, liasse 14, n° 416. Par ailleurs Bernard et Amat Delpuech, fils de Guilhem chevalier d’Albi et frères de Pons seigneur de Labastide-Dénat, cèdent à l’Hôpital en 1289 une partie de leurs droits sur les terres et prés de Saint-Genieys (AD31, Inventaire de la commanderie de Rayssac, liasse 14, n° 418).

105 « Extrait d’un ancien inventaire… », art. cit., p. 246 (acte n° 7).

106 CABIÉ (Edmond), « Actes de l’évêché et du chapitre cathédral d’Albi transcrits dans la collection Doat », Albia Christiana, 1899, p. 100 (Paris, BnF, Doat, n° 106, f° 17) ; et AURIAC (Eugène de), Histoire de l’ancienne cathédrale et des évêques d’Alby, op. cit., p. 237. 107 « Extrait d’un ancien inventaire… », art. cit., p. 246 (acte n° 7).

108 CABIÉ (Edmond), « Possessions albigeoises de la cathédrale et de l’hôpital du Puy-en-Velay », RDT, vol. 12, 1895, p. 10 et 12 (acte de 1158).

109 CABIÉ (Edmond), « Actes de l’évêché et du chapitre cathédral d’Albi transcrits dans la collection Doat », Albia Christiana, 1897, p. 39-40 (Paris, BnF, Doat, n° 105, f° 60).

110 AD81, G 102, Inventaire des titres du chapitre métropolitain de Sainte-Cécile d’Albi par maître Serres, feudiste, t. 2, 1787.

111 AD81, 1 Fi 351/2.

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château. La forteresse est assise sur un roc (fig. 15) tandis qu’au nord-ouest une muraille se substitue au rocher. La plateforme aménagée sur le promontoire rocheux s’étend sur environ 1000 m2 et est ceinturée d’un fossé. Contournant l’enceinte, la rue del viel castel établie sur le pourtour du promontoire est aménagée pour partie par comblement du fossé du château. Ne subsistent de ce dernier que des portions des flancs sud-ouest et nord-sud-ouest de l’enceinte (fig. 16 et 17). Le percement d’une archère sur le flanc sud-ouest de l’enceinte et celui de deux ouvertures de tir absolument identiques sur la portion nord-ouest (fig. 18), ainsi que l’appareil constitué de moellons régulièrement équarris sur assises réglées associant la pierre calcaire et le grès permettent d’imputer les

Fig. 15. Puygouzon, roc du château, angle méridional  (© 2019 CTM).

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vestiges à une construction du XIIe -XIIIe siècle. En contrebas de cette dernière, sur le versant méridional de l’éminence naturelle, est établi un bourg de moindre importance constitué d’un alignement unique de maisons en arc de cercle suivant la topographie naturelle. Le bourg ne semble néanmoins n’avoir jamais été ceint d’une muraille englobante.

Au XIVe siècle, les sources procédurales évoquent la bastide et castri de Podio Gozone. L’emploi du terme bastide ne renvoie pas ici non plus à une fondation nouvelle. Les travaux menés dans le Quercy sur le contexte dans lequel émerge l’emploi du terme bastide dans les sources médiévales montrent qu’il « ne s’agit ici nullement d’une ville neuve, mais seulement d’une juridiction nouvelle généralement mise en place à la fin

Fig. 17. Puygouzon, vestiges du flanc nord-ouest de l’enceinte castrale (© 2019 CTM)

Fig. 18. Puygouzon, château, archère de la muraille  nord-ouest (© 2019 CTM).

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du XIIIe ou au tout début du XIVe siècle113 ». Au XIVe siècle, Puygouzon est donc soumis à une juridiction première, celle du castrum, sur laquelle s’est greffée une juridiction auxiliaire, celle de la bastide. Le document se caractérisant de surcroît par une hésitation voire une certaine ambivalence dans le choix des qualificatifs associés au lieu. En Gascogne ce sont « de minuscules castelnaux qui sont rehaussés par le verbe au rang de bastides114 ». Au XIVe siècle Puygouzon, chef-lieu d’une communauté d’habitants structurée en universitat115, présente effectivement une structuration morphologique analogue à celle d’un petit castelnau. Au cours de la guerre de Cent Ans, la présence anglaise est signalée dans la région. En 1369 l’administration consulaire albigeoise rétribue les filh d’en P. Fontanier e filh d’en Sicart Siras qui foron trameses de nuechs a Puech Gozo, que disia hom que hi avia gens d’armas116. La même année la femme d’en Guilhem Guitbert anec a Caylus e a S. Ginieys (Saint-Genieys) quant las companhas hi ero rapporte que ces dernières avian pres bestial117. En 1381 les guetteurs missionnés par les consuls d’Albi ne veulent plus retourner au puech de Foys – poste de guet situé au sud-est de Puygouzon – quar cajet esser pres per los Engles118. La même année les guetteurs continuent de far bada al pueg de Rantelh et signalent la enbosca dels Engles as Creyssas, proche de Saint-Sernin d’Entremons119. L’insécurité permanente liée à la présence chronique dans la région de Puygouzon au cours des XIVe et XVe siècles de compagnies armées occupant et pillant le terroir est vraisemblablement pour partie à l’origine de la constitution d’un réduit collectif composé d’unités de refuge temporaire et d’entreposage des biens destinées à la population du territoire subordonné au château (fig. 19). Au XIIIe siècle le site de Puygouzon abrite donc un bourg ouvert de moindre étendue développé sur la pente méridionale d’un escarpement sur lequel est assis un château et sa basse-cour. L’établissement d’un réduit communautaire – dans la première moitié du XIVe siècle ou plus tôt encore – bouleverse totalement le mode d’occupation du site. C’est la basse-cour du château qui est allotie et des modules de refuge et d’entreposage y sont édifiés. En juillet 1388, les consuls de Puygouzon font ainsi saisir et mettre dans les « maisons » de la basse-cour du château les récoltes de blé des communautaires : fo dig que los cossols de Pueg Gozo aviau fags bandir e metre en las mas (sic) de la cort de Pueg Gozo alscus blatz et outres frugs d’alscus habitans d’esta vila120. Au début du XVIe siècle,

113 HAUTEFEUILLE (Florent), « Communautés infra-juridiques : pouvoirs et imbrication des territoires en pays d’habitat dispersé (sud-ouest du Massif-Central) à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XIVe siècle) », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, 2011, p. 357.

114 CURSENTE (Benoît), Des maisons et des hommes, op. cit., p. 199.

115 COMPAYRÉ (Clément), op. cit., p. 508-509 : universitat de Pueygoso (dos focs). 116 VIDAL (Auguste), Douze comptes consulaires d’Albi du XIVe siècle, op. cit., vol. 1, p. 120.

117 Ibid., p. 132.

118 VIDAL (Auguste), Douze comptes consulaires d’Albi du XIVe siècle, op. cit., vol. 2, p. 38.

119 Ibid., p. 39.

120 VIDAL (Auguste), « Les délibérations du conseil communal d’Albi de 1372 à 1388 », Revue des langues romanes, t. XLVIII, 1905, p. 465-466.

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le réduit comporte encore plusieurs unités d’entreposage ou botiguas121. Ce sont surtout les modules de refuge que l’examen lexicographique du compoix de 1635 permet d’isoler sous l’expression cambras de la communaultat122.

121 En 1504, les frères Jean et Jean (sic) Sudre, fils de Pierre, vendent à Jean Perrière « une boutique sise dans le lieu de Pech Gousou joignant la maison des vendeurs » (AD31, Inventaire de la commanderie de Rayssac, liasse 14, n° 433).

122 AD81, 218 EDT CC 1, compoix de 1635, f° 5v : Bernard Gorsse possède un ostal dins lou Fig. 19. Proposition de restitution partielle du réduit collectif de Puygouzon d’après le plan cadastral de 

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1808, le compoix de 1635 et les observations in situ (© 2019 CTM).-Les chambres sont octroyées aux communautaires contre le versement d’un cens ou louées à bail. En effet, même si le réduit est constitué au XVIIe siècle de plusieurs maisons tenues en pleine propriété, les chambres ne figurent pas parmi les biens imposables et n’apparaissent principalement que par confront. Ces divers modules traduisent tant une résurgence de la fonction traditionnelle d’asile attribuée aux basses-cours castrales qu’une forme nouvelle d’appropriation de l’espace seigneurial par les communautaires en lien avec la construction d’unités bâties à l’intérieur même de l’enceinte du château. Ce dernier est alors pleinement intégré à l’espace communautaire au titre de noyau collectif fortifié de la collectivité.

La basse-cour seigneuriale devient alors un espace communautaire dévolu à une occupation temporaire ou intermittente mais vraisemblablement durable dans le temps. En témoigne l’édification au sein du réduit de la chapelle votive Notre-Dame d’Espérance123. Au XVIe siècle Jacques de Filatirgue, commandeur de Rayssac, estimant que les habitants de Puygouzon ne peuvent plus assister en sécurité aux offices dans l’église paroissiale de Saint-Genieys dont ils dépendent, ordonne la construction de la chapelle dans l’enceinte124 . Bernard Gorsse possède ainsi un ostal dins lo loc de Puech Gozou confrontant la muralha del dict loc et la muralha de la gleya125. Le réduit est percé d’une unique porte correspondant vraisemblablement à l’entrée primitive de la basse-cour castrale. Berthomieu Sudre possède ainsi un ostal a dos estachas dins lou loc de Puech Gozou confrontant du bas la porta de la vila et du haut l’escalie de la comuna per ana a la garda126 que la communauté possède vraisemblablement en propriété utile. Cet escalier surmonte le portal dudit lieu et conduit à la gache de Pechgousou que les échanges de baux conclus en 1508 entre Jean Perrière et Antoine Peironel au sujet de deux étages d’une maison sise dans Puygouzon signalent127. Ce dernier témoignage met par ailleurs en évidence au sein du réduit l’existence de phénomènes locatifs manifestes. Les propriétaires d’un bien les plus aisés peuvent louer tout ou partie des modules qu’ils tiennent en pleine propriété dans le fort128. Cette dernière occurrence signale également une porte surmontée d’une guérite, autrement dit une tour-porte vraisemblablement, celle-là même que figure la carta pentha et vehuta dressée en 1314 à l’occasion d’un contentieux portant sur les limites contestées de

loc de Puech Gozou a dos estachas confrontant la muralha del dict loc et las cambras de la communaultat.

123 AD81, BIB MS 327.

124 ALLAIRE (Roger), « Les chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, commanderie de Rayssac », Bulletin de la société des sciences, arts et belles-lettres du Tarn, 1927, p. 648. 125 AD81, 218 EDT CC 1, f° 5v.

126 AD81, 218 EDT CC 1, f° 10.

127 AD31, Inventaire de la commanderie de Rayssac, liasse 14, n° 436.

128 Ibid : « Échange passé entre frère Jean Perrière, prêtre et curé de Saint-Benoît de Gourgous d’une part, et Antoine Peironel d’autre part, par lequel ledit Perrière baille audit Peironel deux étages d’une maison sise au lieu de Puygouzon et sous (sic) le portal dudit lieu, confronte d’une part la gache dudit lieu de Pechgousou, d’autre maison de Pierre et Georges Fabriès, d’autre maison des héritiers de Jean Bousquet. »

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la seigneurie de Puygouzon (fig. 20). Si comme l’observe Juliette Dumasy dans le cadre de la réalisation des vues figurées en Rouergue « le cartographe allie ainsi en permanence le signe emblématique et uniforme et la restitution de caractères spécifiques qui reflètent la réalité du terrain129», la porte du réduit est majoritairement bâtie en pierre. Elle semble surmontée d’un couronnement encorbellé à pans de bois et remplissage de terre formant un crénelage sous une toiture couverte en tuiles canal. L’analyse du réseau viaire permet de localiser la porte sur le flanc septentrional du réduit. Le fossé ceinturant le fort reprend sans nul doute le tracé de celui entourant primitivement l’ancienne basse-cour seigneuriale. Creusé à même le roc, il

coupe franchement l’isthme du promontoire rocheux sur son flanc occidental, configuration typique d’un éperon barré castral. Le fossé sépare donc le réduit communautaire du bourg puisqu’il confronte tant les biens bâtis dans le fort que les maisons du bourg devenu le faubourg puisque seule portion du lieu désormais non enclose à la fin du Moyen Âge. Jacques Rives, forgeron de Puygouzon, possède ainsi un ostal en pezen dins Puech Gouzou confrontant lou fossat del dict loc, la muralha de la gleya et la place publiqua del dict loc ainsi qu’autre ostal a dos estachas al bary de Puech Gousou confrontant lou fossat de la vila et la place publiqua130. La place publique, par la position qu’elle occupe entre l’enceinte du réduit communautaire et l’alignement de maisons du bourg ou barri, paraît correspondre à la place de marché primitive du XIIIe siècle aménagée en lien direct avec le bourg subordonné au château.

Le tracé du bourg primitif – et bien que les maisons qui le constituent soient issues de reconstructions d’époque moderne – est toutefois relativement préservé et perceptible sur le plan cadastral de 1808131. La persistance dans le compoix de 1635 de l’emploi du terme communaultat et l’établissement de modules de refuge et d’entreposage soulignent bien l’existence d’une forte structuration communautaire à Puygouzon. Et bien que les membres de la communauté soient dispersés au sein du finage, ils sont capables de se réunir, de se doter d’organes représentatifs communs constitués par

129 DUMASY (Juliette), « Entre carte, image et pièce juridique : la vue figurée de la baronnie de Sévérac-le-Château (1504) », Revue historique, 2009, n° 651, p. 631.

130 AD81, 218 EDT CC 1, f° 23v.

131 AD81, 3 P 2432/11, plan cadastral de 1808, section A.

Fig. 20. Puygouzon, porte du réduit collectif figurant  sur la carta pentha et vehuta, AD81 4 EDT II 5 (1314).

Figure

Fig. 1. Site de Labastide-Dénat (© 2019 CTM).
Fig. 2. Proposition de restitution partielle du complexe fortifié de Labastide d’après le plan cadastral de  1818, le compoix de 1601 et les observations in situ (© 2019 CTM).
Fig. 3. Labastide-Dénat, hôtel Dupuy, façade du XVI e  siècle à croisées de meneaux chanfreinés et fenêtres  à traverse (© 2019 CTM).
Fig. 4. Labastide-Dénat, hôtel Dupuy, voûte en berceau plein cintre, fin du XIII e  siècle (© 2019 CTM).
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