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L'utile et le juste de la discrimination dans la sélection, la classification et la tarification des risques assuranciels

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L'utile et le juste de la discrimination dans la sélection, la

classification et la tarification des risques assuranciels

Par

Sébastien Lanctôt

Institut de droit comparé

Faculté de droit

Université McGiIl, Montréal

Mai 2008

Une thèse soumise à l'Université McGiIl en vue

de répondre partiellement aux exigences du diplôme de doctorat en droit civil (D.CL.)

(4)

1*1

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(6)

Resume

La présente thèse aborde l'épineuse problématique de la classification des risques dans le domaine de l'assurance. En vue d'accepter les risques qui leur sont soumis, les entreprises

d'assurance doivent tout d'abord les évaluer. Pour ce faire, elles tentent de recueillir le plus

d'informations possibles, notamment auprès du preneur et de l'assuré, en vue de jauger le risque, de décider ou non de l'accepter et, ultimement, de déterminer le taux de primes, lequel entraînera la fixation de la prime exigible en contrepartie de la protection

assurancielle. Évidemment, de l'ensemble des données recueillies, les assureurs tirent, à

l'aide de calculs statistiques et actuariels, des hypothèses quant à la gravité du risque, de sa probabilité de réalisation et des coûts inhérents à la réalisation du risque. En vue de procéder

à la sélection des risques et à leur tarification, les assureurs utilisent certains motifs, en

fonction du secteur de l'assurance dans lequel ils oeuvrent. Or, l'utilisation de plusieurs de

ces motifs est grandement susceptible d'entraîner des situations discriminatoires. On peut

particulièrement penser à l'âge et au sexe qui sont actuellement placés au cœur des préoccupations de plusieurs praticiens et intellectuels, intervenants ou non du domaine de l'assurance. Nous effectuons, dans cette étude, une analyse exhaustive du cadre normatif actuellement en place en vue de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, les assureurs

peuvent légitimement et légalement utiliser certains motifs de classification dont, justement,

l'âge et le sexe, en vue de sélectionner, de segmenter et de tarifer les différents risques qui

leur sont soumis. La question se pose de savoir dans quelle mesure l'utilisation d'autres critères, moins ou pas du tout discriminatoires, doit être préférée à l'utilisation des critères actuellement utilisés. Dans le but de bien intégrer ces questions et de mieux aborder la problématique, un essentiel examen de certaines notions de l'assurance est requis. Nous abordons tout d'abord, dans la première partie, la logistique institutionnelle des entreprises d'assurance. Nous nous attardons particulièrement sur le processus décisionnel des entreprises d'assurance en vue d'étudier les différents moments au cours desquels des activités potentiellement discriminatoires sont susceptibles de survenir. Nous constatons que certains courants de pensée, parfois totalement polarisés en regard de la classification

assurancielle, s'affrontent. Nous prenons incidemment position en nous ralliant à la théorie dite du fair discrimination, traditionnellement opposée à la théorie dite du

anti-discrimination. Notre étude révèle que la classification potentiellement discriminatoire

survient à plusieurs moments au cours de la relation ex ante et ex post contractuelle, lesquels moments nous analysons successivement. Sont ensuite examinées, dans la deuxième partie,

(7)

vigueur à l'échelle internationale, nationale et provinciale. Une emphase est évidemment mise sur le cadre normatif permettant certaines dérogations conditionnelles aux droits normalement prohibitifs relatifs à la discrimination. Nous mettons en lumière le fait que

l'habilitation législative que l'on retrouve au sein de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne n'est pas une autorisation générale et inconditionnelle. Par surcroît, nous constatons que certaines modalités d'application, récemment développées par la Cour

suprême du Canada, doivent chapeauter l'utilisation des différents critères de classification

dont la pierre d'assise se trouve, en regard du secteur de l'assurance, à l'article 20.1 de la Charte québécoise. Bref, nous nous attardons sur lejuste, soit le caractère de légitimité de la discrimination dans un domaine qui la prend aujourd'hui pour acquise sans même, souvent,

s'interroger sur ses fondements. Finalement, nous appliquons un nouveau test à la

discrimination assurancielle. Nous appliquons ce test dans deux domaines bien ciblés de

l'assurance : G assurance-vie et l'assurance automobile. L'ensemble de cette thèse nous

permet de déterminer dans quelle mesure une classification discriminatoire peut être légalement effectuée à certains moments (surtout lors de la présélection et lors de la segmentation), et ce, dans les deux domaines mentionnés. Nous proposons finalement un nouveau cadre opérationnel à suivre, en vue de limiter les procédures de classification

(8)

Abstract

This thesis addresses the complex issue of risk classification in the field of insurance. Prior to accepting risks, insurance companies must first be able to evaluate those risks. Accordingly, they seek to collect the most information possible from, amongst other

sources, the insured, so as to gage relative risk and evaluate whether to insure or not, to what degree and at what rate. In due course, the insurer will use this information on conjunction

with statistical and actuarial calculations to draw hypotheses on the degree, probability and

cost of risk. In selecting relevant risks for analysis, insurers will utilise set variables based

on the area of insurance in which they operate. However, said variables are highly

susceptible to being discriminatory. Notably, one thinks of sex and age which are

contentiously considered by practitioners and scholars whether or not they operate in the field of insurance. This dissertation will examine exhaustively the normative framework in place in order to determine to what degree, if indeed at all, insurers can legitimately and legally utilize certain classifications such as age and sex in order to select, categorise and fix

the price for the various risks offered to them.

The question shall arise, to what degree less or all-together non-discriminatory criteria should be favoured over criteria, sometimes considered, prohibited. In order to answer all

these questions to better address the issue, we must first examine certain essential notions of

insurance. Thus, in the first section, we will describe the relevant logistic practices in insurance industries. We shall focus on the decision process at various levels where potential discriminatory practices may arise. We will see that certain schools of thought on insurance classification are at odds, some times diametrically. We will, incidentally, favour the 'fair

discrimination' doctrine over its traditional theoretical rival: 'anti-discrimination'. Our

research shows that potentially discriminatory classification occurs at several stages of the ex ante and ex post contractual relationship, stages we will examine one at a time. In the

second portion we will cover the general juridical regime of the right to non-discrimination

in contracts at the international, national and provincial levels. Special attention will be paid to specific rules which allow some limited derogation to the constitutional rights against discrimination. We shall highlight that the legislative authority granted by the Québec Charter does have limitations. What's more, certain guidelines recently established by the

Supreme Court of Canada regarding application, must take precedence over various

(9)

Québec Charter. Ultimately, we will concentrate on what is just, which is to say the

legitimacy of discrimination in a field that takes it for granted while seldomely questioning

its foundations. We will come to apply a new measure for insurance discrimination. We will

test this new measure in two specific fields: life insurance and automobile insurance.

Overall, this thesis will allow us to determine how discriminatory classification can, at times, be legally employed (mostly in pre-selection and segmentation) in the above

mentioned fields. We will conclude by proposing a new operating model which seeks to limit classification procedures that circumvent rights to privacy and non-discrimination.

(10)

Remerciements

Je tiens tout d'abord à exprimer mon incommensurable gratitude au Professeur Jean-Guy

Belley, pour ses précieux conseils, son inlassable patience, son intelligence, ses encouragements stimulants, son indéfectible support et son dévouement édifiant qui ont été d'une inestimable aide au cours de chacune des étapes ayant mené à la rédaction de la

présente thèse. Sa supervision fut exemplaire etje lui exprime toute ma reconnaissance. Je désire également remercier très sincèrement certaines personnes, consoeurs, confrères, collègues et amis qui m'ont, à l'occasion de plusieurs échanges très enrichissants ayant eu

lieu au cours des dernières années, fait part de plusieurs idées, réactions et commentaires en

regard du sujet étudié dans la présente thèse. L'intérêt et la pertinence de ces propos furent grandement appréciés. Je pense notamment à François, Louise, Sandra, Olivier, Diane, Serge, Marie Annik, Pierre, Melanie, Paul, Julie, Madeleine, Monique, Martin, Rémy, Jean-Frédéric, Lorraine, Jean-François, Richard, Marie, Nadia, Georges et à Véronique Fortin

dont l'aide fut inestimable. Également, je ne peux passer sous silence l'exemplaire

collaboration de plusieurs intervenants du secteur de l'assurance qui désirent, pour des raisons évidentes, conserver l'anonymat. Je salue leur disponibilité et leur célérité à répondre à plusieurs des interrogations dont je leur ai fait part au cours des dernières années. Il s'agit principalement de personnes ressources oeuvrant au sein de certains organismes tels que l'Autorité des marchés financiers (AMF), la Chambre de l'assurance de dommages (ChAD) et la Chambre de la sécurité financière (CSF). Quoique leur nom n'apparaisse pas ici, je leur témoigne toute ma reconnaissance. Pareillement, je tiens à remercier vivement quelques

organismes qui m'ont permis, par l'octroi de bourses et de subventions, de réaliser les

travaux de recherche et de rédaction inhérents à la présente thèse. Je pense notamment à la

Faculté de Droit et à la Faculté des Études Supérieures de l'Université McGiIl pour l'octroi

de cinq importantes bourses {Wainwright Fellowships, Graduate studies Fellowships (à deux reprises), Max Stern Humanities McGiIl Major Fellowship et Bourse d'excellence au

doctorat), à l'Institut International de Recherche en Éthique Biomédicale, à l'Institut des

assurances de Paris, au Ministère des relations internationales du Québec, au Ministère du

Développement Économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec et au Ministère

de la Santé et des Services Sociaux du Québec. Qu'ils soient ici vivement remerciés pour leur soutien financier en regard de la préparation de la présente thèse. Enfin, je désire remercier mes parents et ami(e)s qui m'ont encouragé, sans réserve, au cours de mes années

(11)

Table des matières

INTRODUCTION 7

PARTIE I : LE PROCESSUS DÉCISIONNEL DES SOCIÉTÉS

D'ASSURANCE 17

CHAPITRE I. LES ASPECTS JURIDIQUES, ORGANISATIONNELS

ET ÉCONOMIQUES

19

Section 1. Les entreprises d'assurance 23

Sous-section 1. La notion d'entreprise d'assurance 23

Sous-section 2. Les entreprises d'assurance opérant au Québec 25 Sous-section 3. La constitution d'une compagnie d'assurance-vie au

Canada 29

A. Constitution en vertu d'une loi fédérale 29

B. Constitution en vertu d'une loi provinciale 33

Section 2. La logistique institutionnelle des entreprises d'assurance :

la gestion technique et financière 36

Sous-section 1. La structure organisationnelle d'une compagnie

d'assurance 37

A. Les différents secteurs fonctionnels 38

i. Le marketing 38

ii. L'actuariat 39

iii. La tarification 56

iv. Le service à la clientèle 64

v. L'administration des règlements 65

vi. Les placements 67

vii. La comptabilité 68

viii. Le contentieux 68

ix. La conformité 69

x. Les ressources humaines 69

xi. Les systèmes d'information 69

B. La gestion opérationnelle d'une compagnie d'assurance-vie 70

i. Structures organisationnelles classiques 71

ii. La gestion de l'information 73

C. Les systèmes d'information des compagnies (assurance-vie) 76

i. Les systèmes de traitement transactionnel 76

ii. Les systèmes d'aide à la décision 77

iii. Les systèmes experts et intelligence artificielle 78

(12)

Sous-section 2. L'identification des marchés cibles 79

Sous-section 3. Lafixation des prix desproduits d'assurance

82

A. La fixation des taux de prime

83

i. Les taux suffisants 83

ii. Les taux équitables

84

iii. Les taux raisonnables 84

B. Les hypothèses actuarielles comme base de calcul du taux de prime

85

C. Taux de mortalité 86

Section 3.

Le risque

89

Sous-section 1. Le risque doit être licite

93

Sous-section 2. Le risque doit être réel

94

A. Événement possible

94

B. Événement éventuel 95

C. Événement incertain 97

D. Événement indépendant de la volonté de l'assuré

98

i. En assurance de dommages ; 99

ii. En assurance de personnes

102

Sous-section 3. Le transfert du risque : la nature du contrat d'assurance

103

A. Un réel transfert 104

B. L'assurance par la mutualité

110

Sous-section 4. Le prix du risque 113

CHAPITRE IL LES ÉTAPES ET LES PROCÉDÉS D'ÉVALUATION

ET DE DIFFÉRENCIATION DES RISQUES

123

Section 1. L'établissement des classes {ex ante évaluation des

risques)

134

Sous-section 1. Lajustification de l 'établissement des classes, de la

sélection et de la segmentation des risques 135

Sous-section 2. La sélection des risques étudiée sous l 'angle de lajustice distributive, de lajustice commutative et de quelques pertinents

mouvements de 'philosophie politique'

139

Sous-section 3. L 'étude de marché menée par les assureurs : vers

l'identification de la clientèle visée 146

Sous-section 4. Quelques courants doctrinaux : trois auteurs traitent de la

classification des risques assuranciels et des chocs de valeurs 152 Sous-section 5. Le choc des valeurs : deux théories relatives à lajustesse

de la classification dans le domaine de l'assurance 169

Section 2. La sélection des risques par les représentants 179

Sous-section 1. La proposition d'assurance 180

(13)

Sous-section 3. Le contrat définitif. 185 Section 3. La segmentation des risques par l'assureur {ex post

évaluation des risques) 188

Sous-section 1. Les quatre moments clés de la classification 188 A. La classification lors de la souscription et de l'évaluation initiale du

risque 190

B. La classification lors de la couverture d'assurance 194

C. La classification lors de la fixation des primes 196

D. La classification lors d'aggravations de risque résultant de l'assuré 197

Sous-section 2. La segmentation :fruit de la concurrence et cœur de la

fonctionnalité assurancielle 199

A. La segmentation en tant que technique assurancielle 199

B. Les éléments constitutifs de la segmentation 202

i. La séparation 202

ii. La fiabilité 202

iii. La valeur incitative 203

iv. L'homogénéité 203

v. L'admissibilité (légitimité) 205

Sous-section 3. Certains paramètres considérés par les tarificateurs 207

A. La nature de la couverture 207

B. Les modes de sortie 209

C. Les frais liés au démarchage 210

D. Les frais administratifs liés au type de couverture 213

E. Les limites contractuelles 214

F. L'impact des sinistres déclarés antérieurement 216

G. L'aggravation de risque 216

PARTIE II : LES CRITÈRES JURIDIQUES DE LA DISCRIMINATION

LÉGITIME EN MATIÈRE D'ASSURANCE

220

CHAPITRE I. LE DROIT DES ASSURANCES CONFRONTÉ AU

TEST DE LA DISCRIMINATION : ANALYSE GÉNÉRALE 227

Section 1. Le cadre contractuel général : le droit à l'égalité et à la

non-discrimination 231

Sous-section 1. La règle de base : le droit à la non-discrimination à

l'échelle internationale 232

Sous-section 2. La règle de base : le droit à la non-discrimination au

Canada 239

Sous-section 3. La règle de base : le droit à la non-discrimination au

(14)

Section 2. Le caractère licite de Ia classification dans le domaine de

l'assurance au Québec : exceptionnalisme justifié ? 254

Sous-section 1. Habilitation implicite 257

A. L'habilitation implicite procédant du Code civil du Québec

259

i. La déclaration initiale de risque

260

ii. La déclaration en cours de contrat 262

B. Le cas des assurances obligatoires 265

Sous-section 2. Habilitation expresse 277

A. Le cas de certaines provinces canadiennes

272

B. La situation au Québec : l'article 20.1 de la Charte 275

C. Les domaines visés par l'article 20.1 281

D. L'objet prohibé : distinction, exclusion et préférence

282

E. Les motifs sur lesquels une discrimination peut se fonder 287

i. L'âge 290

ii. Le sexe 295

iii. L'état civil 303

iv. L'état de santé 309

F. Le critère de légitimité 320

G. La distinction, l'exclusion ou la préférence doit se fonder sur des

données actuarielles 327

Section 3. Les tests jurisprudentiels applicables en matière de

discrimination : la Cour suprême en quête d'une méthode

unifiée ! 333

Sous-section 1. Le test de l'affaire Zurich 334

A. La Commission d'enquête 334

B. En révision judiciaire/appel de la décision rendue par la Commission

d'enquête (Cour divisionnaire « Board of Inquiry ») ...335

C. La Cour suprême du Canada 336

i. La majorité 336

ii. La dissidence 342

La dissidence de la juge McLachlin 342

La dissidence de lajugeL'Heureux-Dubé 346

Sous-section 2. Quelques réactions au test de Zurich ^. 355

A. L'affaire Waiters 355

B. Le rapport ontarien sur les assurances et les droits de la personne 356

Sous-section 3. Le test de l'affaire Meiorin 361

Sous-section 4. Le test de l 'affaire Grismer : transposition du test de

Meiorin au domaine de l'assurance 366

Sous-section 5. Application du test approprié : Meiorin-Grismer vs.

(15)

Sous-section 6. Les différentes modalités du test unifié revues et adaptées

au secteur de l'assurance 383

A. La justification réelle et raisonnable 384

B. L'objectif rationnellement lié aux fonctions exercées 384 C. L'adoption de bonne foi et dans la croyance d'une nécessité 386

D. La norme doit être raisonnablement nécessaire à la réalisation de son

but 386

CHAPITRE II : MISE EN APPLICATION DU NOUVEAU TEST

UNIFIÉ À L'ASSURANCE-VIE ET À L'ASSURANCE-AUTOMOBILE 396

Section 1. Le premier cas : l'assurance-automobile 400

Sous-section 1. Lorsqu'une personne désire soulever un événement discriminatoire dans le domaine de l 'assurance, elle doit établir que la

norme est discriminatoire àpremière vue 403

Sous-section 2. Lajustification réelle et raisonnable 403

A. L'objectif rationnellement lié aux fonctions exercées 404 B. Adoption de la norme de bonne foi, en croyant qu'elle était

nécessaire 405

C. Norme raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but 407

i. Contexte québécois : la pratique de l'assurance et les nouvelles

données disponibles 418

ii. La vérification des données obtenues par l'assureur lors de la

déclaration initiale de risque 419

iii. L'utilisation des critères de l'âge et du sexe en tarification

assurancielle en assurance-automobile 424

iv. Application de ce volet du test au premier cas 440

D. Conclusions relatives à l'application particulière du test unifié dans

le domaine de Gassurance-automobile 450

Section 2. Le deuxième cas : l'assurance-vie 456

Sous-section 1. Lorsqu'une personne désire soulever un événement discriminatoire dans le domaine de l 'assurance, elle doit établir que la

norme est discriminatoire àpremière vue 461

Sous-section 2. Lajustification réelle et raisonnable 461

A. L'objectif rationnellement lié aux fonctions exercées 462 B. Adoption de la norme de bonne foi, en croyant qu'elle était

nécessaire 462

C. Norme raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but 464 i. Motif de classification traditionnel en assurance-vie : le sexe 465

ii. Nouvelle conjecture : le transsexualisme 478

D. Conclusions relatives à l'application particulière du test unifié dans

(16)

CONCLUSION 497

BIBLIOGRAPHIE 512

LÉGISLATION 512

JURISPRUDENCE 519

DOCTRINErARTICLES 538

(17)

INTRODUCTION

L'aphorisme, s'il en est un, à l'effet qu'« il n'est pas d'aventure humaine qui ne

comporte sa part de risque, souvent élevée »' est certes la cause d'un

comportement légitime et idéal, au niveau économique, de la part des personnes, soit le désir de lutter contre le hasard, de se prémunir contre les aléas de la vie. Or, plusieurs moyens s'offrent aux personnes en vue d'atteindre une protection

optimale contre l'impact négatif que la réalisation de ces risques peut avoir sur le

plan financier. L'assurance , qui représente un outil de prévision et d'évaluation calculée, servant soit à limiter les impacts négatifs susceptibles d'affecter le

patrimoine4, soit à préparer la disparition éventuelle, totale ou partielle, d'une

1 Michèle Ruffat, Edouard Vincent et Bernard Laguerre, L 'UAP et l'Histoire de l'Assurance,

Paris, Lattes, 1990 à la p. 8.

2 Didier Lluelles, Précis des assurances terrestres, 4e éd., Montréal, Thémis, 2005 à la p. 2

[Lluelles, Précis]. Pensons notamment à l'épargne et à l'assistance. Vassistance est également appelée «solidarité» : voir Cyril Roux, « Assistance » dans Christian Gollier et François

Bourguignon, dir., « Dictionnaire de l'économie de l'assurance » (1994) 17 Risques 15. Daniel

Zajdenweber, Economie et Gestion de l'Assurance, Paris, Economica, 2006 à la p. 70. Voir Sébastien Beaugendre, Contrat d'assistance et activité d'assurance, Paris, L.G.D.J., 2000.

Également, Bénédicte Piganeau-Desmaisons, L'assistance aux personnes en difficulté, Paris,

Presses universitaires de France, 1993; Bénédicte Piganeau-Desmaisons, L'assistance touristique, coll. Que sais-je ?, Paris, Presses universitaires de France, 1996; Juris-classeur contrats distribution, « Contrat d'assistance », fase. 2040, lere éd. par Philippe Le Tourneau, au sein d'une étude générale sur les contrats d'assistance, spécialement. n° 104 et s. [Le Tourneau]; Véronique

Nicolas, Essai d'une nouvelle analyse du contrat d'assurance, Paris, L.G.D.J., 1996 [Nicolas, Essai]; Isabelle Pariente, Assistance et assurance, thèse de doctorat en droit, Université Paris V,

1990, notamment à la p. 190 et s.; Jean-Pierre Babey, « L'Assistance, l'assurance et les services » (1994) 3 Revue des affaires européennes 22 à la p. 23; A. Dumortier, « Une directive de la C.E.E. concernant l'assistance touristique, Lettre d'information de l'A.I.D.A. (janvier-mars 1985) à la p. 307; Joël Molinier, « L'assistance » (1983) 54 R.G.A.T. 161 à la p. 162 et s.; Brigitte Sollety,

« Le rapatriement médical dans le contrat d'assistance touristique » (1989) 60 R.G.A.T. 749 à la

p. 749 et s. Voir également, Jack A. Fingland, An Introduction to the History ofLife Assurance,

Londres, E.P. Dutton & Company, 1912 à la p. 10.

3 L'assurance est tout d'abord divisée en deux grandes familles : l'assurance maritime, la première

à avoir vu le jour, et l'assurance terrestre, sur laquelle nous nous attarderons au cours de cette

étude. Dans le domaine de l'assurance terrestre, quoique certains secteurs puissent être qualifiés

d'hybrides, l'assurance est normalement soit publique, soit privée. La présente thèse s'attardera principalement aux contrats d'assurance privés. Or, l'assurance terrestre se divise en assurance de personnes et en assurance de dommages. La première regroupe Gassurance-vie, l'assurance maladie, accident et invalidité alors que la deuxième regroupe l'assurance de biens et l'assurance

de responsabilité.

4 C'est le cas de l'assurance de dommages (art. 2463-2504 CcQ.) qui comprend l'assurance de

biens (art. 2480-2497 CcQ.) et l'assurance responsabilité (art. 2498-2504 CcQ.). Les contrats d'assurance non-vie (visant normalement l'assurance de dommages) « gèrent la prévoyance des

(18)

source de revenu , constitue souvent un excellent moyen de pallier le sort et de

remédier aux conséquences néfastes des vicissitudes de la vie. L'industrie de

l'assurance, dont les produits s'affinent, se multiplient et se diversifient

constamment, répond à un besoin socio-économique incessant dans le monde

contemporain dont elle est le produit. Le corollaire de ce besoin se retrouve dans

l'envergure de son rôle économique indéniable, son marché n'étant certes pas négligeable, au Québec comme ailleurs .

L'assurance permet de se prémunir contre le risque a priori, soit avant sa

réalisation7. Les diverses formes contemporaines de l'assurance sont issues d'une

évolution, d'une prolifération et d'une modélisation des premières techniques de

protection du patrimoine, ancêtres de l'assurance à proprement parler.

Évidemment, il existe une multitude de produits et de sous-secteurs, de

croisements et de complémentarités mais la quasi-totalité des domaines

personnes physiques et celle des entreprises au sens large (avec ou sans but lucratif) » :

Zajdenweber, supra note 2 à la p. 136.

5 C'est notamment le cas, en assurance de personnes (art. 2415-2462 CcQ.), de Gassurance-vie et

de l'assurance-invalidité. Les contrats d'assurance-vie « gèrent l'épargne des personnes physiques » [,..] et on peut ajouter qu'il « convient de distinguer les contrats en cas de vie, qui

sont une modalité de la constitution de l'épargne, des contrats en cas de décès, qui sont une modalité de la prévoyance, au même titre que l'assurance en cas de maladie, d'invalidité ou d'accident corporel », Zajdenweber, supra note 2 à la p. 136.

6 En 2006, pour la province de Québec, le total des primes ou cotisations souscrites au Québec en

assurance de personnes s'élevait à 9 746 999 000 $ alors que le total des prestations et des participations s'élevait, pour la même catégorie, à 6 935 410 000 $. Durant la même année, le total

des primes ou cotisations souscrites au Québec en assurance «I.A.R.D.» (incendies, accidents et

risques divers) s'élevait à 7 083 993 000 $, alors que le total des prestations et des participations

(indemnités versées) dans le même domaine s'élevait à 4 4 1 6 833 000 $. Voir Autorité des marchés financiers, Rapport annuel sur les assurances, 2006, Québec, juin 2007 aux pp. 2-2 et 2-3 [A.M.F., Rapport annuel 2006]. Le total mondial des primes versées aux assureurs, en 2005, est

évalué à 3 426 milliards de dollars (7.7% du PIB mondial) : Zajdenweber, supra note 2 à la p. 5. À

titre comparatif et selon la Fédération française des sociétés d'assurances (2006), le total des primes versées aux assureurs s'élevait, pour la France en 2005, à 267,6 milliards d'euros : ibid. à

lap. 5.

7 François Ewald, « Genetics, Insurance and Risk » dans Tony McGleenan, Ulrich Wiesing et

François Ewald, dir., Genetics and Insurance, Oxford, Bios, 1999, 17 à la p. 21 [Ewald, « Genetics »]. En effet, « l'assurance n'opère pas a posteriori. Ceci, c'est l'assistance. Le support de l'assurance n'est pas le secours, ou la charité, mais, son inverse, la prévoyance, qui ne joue que

a priori » : François Ewald, « À quelles conditions la sélection d'un risque constitue-t-elle une

discrimination ? » dans Droit et économie de l 'assurance et de la santé : Mélanges en l 'honneur de Yvonne Lambert-Faivre et Denis-Clair Lambert, Paris, Dalloz, 2002, 167 à la p. 178 [Ewald

(19)

d'assurance privés ont un trait commun qui justifie la rentabilité des entreprises

qui les distribuent et qui permet leur existence: la classification des risques. Or,

cette classification implique par ailleurs une tension qui oppose, d'une part, la

nécessité de procéder à une évaluation, nécessaire à la tarification de ces risques

assuranciels et, d'autre part, les droits de la personne et le droit à l'égalité en

particulier9.

En effet, le domaine de l'assurance privée implique nécessairement une distinction à l'égard des risques en vue de permettre à l'assureur de tarifer, c'est-à-dire d'établir le prix du risque. La tension qui habite ce secteur vient notamment de l'existence du cadre normatif relatif à la discrimination, lequel prohibe les distinctions, notamment dans le domaine contractuel, sous réserve de quelques exceptions, telles que celles que nous retrouvons dans le domaine de l'assurance, exceptions dont la portée, l'ampleur et la nature sont toutefois plus imprécises qu'il peut y paraître à première vue.

Nous proposons précisément, dans cette thèse, une analyse de la classification1

(et de la discrimination) systémique caractérisant le domaine de l'assurance. Pour ce faire, nous analyserons les entreprises d'assurance dans le but d'étudier leur logistique institutionnelle. Nous nous attarderons particulièrement sur le processus décisionnel des entreprises d'assurance en vue d'étudier l'utile et le juste de la différenciation des risques. L'examen de la légitimité de ce même

processus se fera à la lumière des principaux instruments normatifs existants" et

de la jurisprudence concernant ce sujet au cœur des préoccupations de plusieurs intervenants de ce secteur d'activités. Nous établirons dans quelle mesure l'utilité

Quoique l'assurance collective commande et implique une classification moindre, « moins

intense ».

9 David Norwood, « Human Rights Discrimination ?. Insurance Discrimination » (1995-96) 6

C.I.L.R. 41 à la p. 49 [Norwood, « Human Rights Discrimination »].

10 Nous préciserons plus loin la portée de différents vocables : classification, sélection,

segmentation et discrimination (positive ou négative).

" Quoique cette étude s'attardera principalement au droit positif, nous analyserons, de façon

incidente, quelques autres sources secondaires, telles que les directives, les usages et certaines conventions.

(20)

et la justice, relativement à la classification potentiellement discriminatoire, sont

conciliables. La présente thèse examinera dans quelles conditions cette classification distinctive est acceptable, dans un domaine qui la tient maintenant pour acquise, sans, malheureusement, se questionner sur sa raison d'être, sur son opportunité et sur sa légitimité, alors que la conscientisation en regard des droits fondamentaux et le mouvement de protection des droits de la personne n'ont jamais été aussi forts et répandus.

Sauf exception, la discrimination est normalement prohibée en regard de la

formation d'actes juridiques et quiconque entend discriminer doit le faire avec

parcimonie et, bien évidemment, dans le respect des prescriptions législatives, voire normatives au sens large. L'existence de l'assurance privée et de la différenciation qu'elle implique est, de nos jours, au Québec, fonction d'une permission relative à la classification des risques. Cette permission est en fait une

dérogation accordée à ce secteur par le législateur dans le but de permettre une

évaluation et une distinction afin d'établir des groupes d'assurés représentant des

1 -3

risques similaires, fonction inhérente de la mutualité propre à ce domaine, et

pour lesquels le coût d'assurance14 doit être, a priori, normalement similaire15.

Les entreprises d'assurance peuvent donc, en principe, se prêter, lors de l'étape

L'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personnes, L.R.Q., c. C-12 [ci-après « Charte » ou « Charte québécoise »], énonce que toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

13 Le vocable « risque » désigne, dans la pratique de l'assurance, plusieurs notions. Il est

normalement utilisé pour désigner la « possibilité de survenance d'un sinistre » mais peut également être employé pour désigner « la chose ou la personne, objet de l'assurance» ou encore «la valeur économique, établie à l'aide de statistique », d'où l'expression bon ou mauvais risque :

Lluelles, Précis, supra note 2 à la p. 171.

14 Le coût d'assurance réfère ici à la prime que doit verser le preneur, l'assuré ou encore un tiers

payeur en contrepartie de la protection qui est offerte par l'assureur.

15 II convient de préciser que le coût d'assurance ne sera pas forcément identique mais plutôt

similaire, car il est possible que deux personnes se trouvant dans la même « classe » d'évaluation se voient imposer un taux de prime différent. Cette différence est normalement tributaire

d'éléments subjectifs, propres à chacun des preneurs et/ou assurés à l'intérieur d'un référentiel

(21)

précontractuelle qu'est l'évaluation du risque et la décision de l'accepter1 , à une

différenciation normalement désignée par les vocables «distinction», «exclusion» ou «préférence» fondée sur l'âge, le sexe ou l'état civil, sous réserve du respect de

certaines conditions17 sur lesquelles nous nous attarderons plus amplement lors de

l'étude détaillée de cette notion .

Notre hypothèse de base est à l'effet que la discrimination est légitime si elle est utile etjuste. Demeure donc entière la tâche de déterminer l'utilité et la «justice » de cette opération. Mais nous partons de la prémisse à l'effet que la discrimination est, lorsqu'elle suit les prescriptions de l'article 20.1 de la Charte des droits et

libertés de lapersonne1 , valide et légitime.

Les politiques institutionnelles des compagnies d'assurance doivent impérativement respecter les prescriptions législatives qui réfèrent notamment à la

nécessité que cette activité discriminatoire soit légitime et que le motif qui la

fonde constitue un facteur de détermination de risque, basé sur des données

actuarielles . Or, les données statistiques constituent, pour les assureurs, un guide

des plus pertinents leur permettant de calculer les risques, autant que faire se peut,

et d'établir des tables actuarielles21 caractérisant des situations données.

De même qu'en regard des modalités relatives au contrat d'assurance lui-même, voir art. 2408 CcQ.

17 Le premier alinéa de l'article 20.1 de la Charte québécoise, supra note 12, énonce, in fine,

qu'une distinction fondée sur un des ces motifs est réputée non discriminatoire lorsque son utilisation est légitime et que le motif qui la fonde constitue un facteur de détermination de risque, basé sur des données actuarielles. De plus, le deuxième alinéa du même article énonce que dans les contrats d'assurances, l'utilisation de l'état de santé comme facteur de détermination de risque

ne constitue pas une discrimination au sens de l'article 10.

18 Voir infra, Partie II, chapitre I.

19 Charte québécoise, supra note 12. Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours.

Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant

du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle

ou pour les tiers ou d'un autre motif raisonnable. Voir, en regard de l'importance de cet

instrument, André Morel, « La Charte québécoise : un document unique dans l'histoire législative

canadienne » (1987) 21 R.J.T. 2.

20 Voir l'article 20.1 de la Charte québécoise, supra note 12.

21 Dans le domaine de Gassurance-vie, ces tables actuarielles servent notamment à évaluer la

« probabilité de la durée de la vie humaine ». Nous analyserons ces tables actuarielles en détail

dans le deuxième chapitre de la deuxième partie de cette étude. Sur ce thème, voir notamment

(22)

L'assurance est tributaire de cette classification mais ses différents secteurs

répondent de risques divers et, conséquemment, de classifications différentes.

Le processus décisionnel des compagnies d'assurance est normalement assujetti

au respect de plusieurs facteurs externes, tels les instruments constitutionnels ou

quasi-constitutionnels comme les Chartes, les différentes législations, les

règlements, les normes du marché, les usages de ce secteur de l'économie, bref

de tout le cadre normatif entourant ce domaine d'activités. De plus, les compagnies d'assurance, à titre de bons citoyens corporatifs, doivent certes veiller à ce que ce processus décisionnel respecte le cadre normatif en vigueur sur le territoire sur lequel elles oeuvrent et elles doivent également se prêter à une évaluation du coût d'opportunité socio-économique qu'est susceptible d'entraîner certaines acceptations ou certains refus en regard des risques soumis.

Les notions de «libre entreprise» et de «liberté contractuelle» constituent la toile de fond du mécanisme interne à la base de l'élaboration des politiques

discriminatoires qui sont adoptées et appliquées, par la suite, par les entreprises

d'assurance. Ces mêmes entreprises sont en mesure d'agir, à l'égard du cocontractant éventuel qu'est le futur preneur, en toute liberté et sont libres de justifier leurs agissements suivant bien évidemment un axiome de bonne foi et dans le respect des règles entourant la discrimination au Québec et au Canada. En

résumé, si nous sommes pragmatiques, la pratique de l'assurance et la

sociale, Paris, 1973; Bernard Benjamin et H. W. Haycocks, The Analysis ofMortality and other

Actuarial Statistics, Londres, Cambridge University Press, 1970.

22 En effet, « [u]ne des caractéristiques des assurances volontaires réside dans la liberté de

contracter des deux parties concernées : preneur d'assurance et assureur. Le candidat-preneur est

libre de déterminer lui-même si, quand, chez qui et comment il va s'assurer et il choisira donc aussi le contrat d'assurance qu'il considère le plus attrayant » : Nelson De Pril et Jan Dhaene,

« Commission des assurances. Rapport du groupe de travail « Segmentation » » dans Herman Cousy, Hubert Claasens et Caroline Van Schoubroek, dir., Compétitivité, éthique et assurance, Maklu, Academia Bruylant, 1998, 109 à la p. 123. Voir aussi Trudo Lemmens et Yves Thiery,

"Insurance and Human Rights: What can Europe learn from Canadian Anti-Discrimination Law?"

dans Caroline Van Schoubroek et Herman Cousy, dir., Discriminatie in Verzekering -Discrimination et Assurance, Antwerpen-Apeldoom, Maklu, Academia Bruylant, 2007, 253 à la

p. 256.

(23)

classification à la base de celle-ci ne sont qu'affaire de motivation en autant

qu'elles se justifient, à la lumière de l'article 20.1 de la Charte.

Il importe ici de bien délimiter le champ de notre étude car les vastes secteurs de

l'assurance peuvent commander des analyses fort différentes. Par exemple,

certains secteurs, de par l'importance que quelques éléments ou motifs peuvent

avoir24, commanderaient une étude en fonction de l'accès aux soins, du

fonctionnement de l'assurance collective comparativement à l'assurance

individuelle, etc.25 Nous avons, pour les fins de la présente thèse, concentré notre

attention sur deux domaines de l'assurance, soit Gassurance-automobile et

l'assurance de personnes27, l'essentiel de notre propos portant sur Gassurance-vie

7R

individuelle en cas de décès et sur le contrat privé d'assurance-automobile (collision et responsabilité civile).

Prenons par exemple le sexe en regard de l'assurance collective : la grossesse, qui ne peut

concerner directement que les femmes - soins hospitaliers -, peut avoir des répercussions importantes au niveau des coûts et les primes doivent refléter ce fait.

25 Voir à cet effet l'affaire Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1219 [Brooks]. Dans

cette affaire, la question en litige concernait les femmes enceintes privées de prestations d'invalidité pendant dix-sept semaines en vertu du régime d'assurance maladie et d'accidents. Une des questions posées était celle de savoir si le régime créait de la discrimination envers les employées enceintes, si la discrimination fondée sur la grossesse était de la discrimination fondée sur le sexe.

26 Voir infra, Partie II, chapitre II.

27 En 2003, le montant des « primes ou cotisations souscrites directes en assurances de personnes »

s'élevait à près de neuf milliards, soit 8 791 717$ alors que le montant des prestations directes versées aux assurés dans le même domaines s'élevait à un peu plus de six milliards, soit

6 260 046$ : Autorité des marchés financiers, Rapport annuel sur les assurances, 2003, Québec,

juin 2004 aux pp. 4-11 et 4-21 [A.M.F., Rapport annuel, 2003]. Du montant de 8 791 717$ représentant les primes versées aux assureurs, un montant de 4 53 1 278$ a été versé aux assureurs ayant leur siège social au Québec ou leur bureau principal canadien situé au Québec alors que

4 260 439$ ont été versés à d'autres assureurs : A.M.F., Rapport annuel, 2003, ibid. à la p. 2-5.

28 L'assurance-vie constitue ni plus ni moins un mécanisme permettant de prévenir les fâcheuses

conséquences économiques qu'est susceptible d'entraîner la mort. Elle ne vise pas à combattre le fait qu'est la mort elle-même mais plutôt à limiter les impacts négatifs, au niveau économique,

qu'elle est susceptible d'entraîner en fonction du moment où elle surviendra (voir Fingland, supra note 2 à la p. 10). Le nombre et l'ampleur des incertitudes naturelles (pour reprendre l'expression employée par Fingland, supra note 2 à la p. 2.) visant l'intégrité physique que vise à prévenir

l'assurance de personnes sont bien évidemment tributaires de facteurs presque totalement, dans la

plupart des cas, hors de notre contrôle, mais potentiellement détectables et davantage prévisibles à

l'aide d'une technologie en constant perfectionnement. Le cadre juridique doit donc être adapté

aux développements sociaux, économiques et technologiques! Sans traiter de la notion à l'effet que le droit est très souvent en retard sur les réalités sociales, il importe de mentionner que

(24)

Nous étudierons, dans un premier temps (Partie I), le processus décisionnel des

compagnies d'assurance dans une perspective socio-économique, le tout en vue d'examiner l'utile de la classification, d'un point de vue opérationnel,

administratif et économique. De façon générale, nous verrons la formation et la

constitution des entreprises d'assurance, le rôle que jouent ces citoyens corporatifs, leurs fonctions de gouvernance et l'impact de ce vecteur de l'économie, le tout en fonction de la logistique institutionnelle générale de ces entreprises. Cela nous permettra de mieux comprendre l'institution d'assurance en tant qu'entité. Egalement, considérant le fait que la classification vise les risques et qu'elle s'opère à de multiples moments au cours de la relation précontractuelle et contractuelle, nous prendrons soin d'analyser la notion de risque, telle qu'elle doit être comprise dans le domaine de l'assurance. Nous verrons les trois principaux moments au cours desquels la classification des risques s'opère, soit la mission et la stratégie opérationnelle des entreprises d'assurance, la présélection

effectuée par les représentants et la segmentation opérée par les assureurs

eux-mêmes.

Nous poursuivrons, dans la deuxième partie de cette thèse (Partie II) par une étude de la notion de « discrimination » utilisée dans différents instruments, dont les Chartes, suivant en ce sens une perspective juridique. Nous analyserons également son application spécifique au domaine de l'assurance. Nous examinerons dans un premier temps les principales dispositions législatives

établissant le droit à la non-discrimination dans le cadre contractuel, dispositions

en vigueur à l'échelle internationale, nationale et provinciale. Nous étudierons

également le cadre normatif permettant certaines dérogations conditionnelles aux

prohibitions relatives à la discrimination. Nous considérerons les justificatifs

résultat d'un processus évolutif progressif et constant. Voir à ce sujet Fingland, supra note 2 à la p. 8.

29 Nous pourrions également employer le vocable « discrimination ». En effet, « in the context of

insurance, discrimination is the scientific selection of risks, although these risks may be affected by sex, age, médical condition or marital status of people seeking insurance » : Norwood, « Human Rights Discrimination », supra note 9 à la p. 49.

(25)

juridiques permettant cette discrimination tout en portant une attention toute particulière aux développements jurisprudentiels de la Cour suprême en cette matière, lesquels seront analysés de façon détaillée. Nous nous pencherons sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, la classification des risques

assuranciels30 estjuridiquement valide.

Nous tenons à préciser que, considérant l'ampleur de la tâche et la nature des différentes analyses qui seront effectuées au cours de cette étude, nous examinerons la classification (et la discrimination effective) dans le domaine de

l'assurance, et ce, d'un point de vue global. En effet, nous ne traiterons pas de

certains types particuliers de discrimination, ceux-ci ayant d'ailleurs fait l'objet

d'études détaillées de la part de certains auteurs. Il en va ainsi de la discrimination

génétique susceptible d'être opérée dans le domaine de l'assurance de personnes.

Cette question d'actualité a d'ailleurs fait l'objet de nombreux écrits auxquels il

importe, lorsque la pertinence le commande, de se référer. L'objet de cette thèse

est plutôt d'analyser en détail l'ensemble du processus décisionnel des entreprises

d'assurance et de tenter de dresser un portrait de la validité de la classification

généralement effectuée dans le domaine de l'assurance (vie et automobile), en

s'appuyant notamment sur l'habilitation législative et sur les développements

Les vocables « assurançiel[le] » et « assuranriel[le] » étant alternativement utilisés par les auteurs, nous emploierons les deux formes indistinctement dans la présente thèse.

31 Voir notamment Robert J. Pokorski, « Insurance Underwriting in the Genetics Era » (1977) 60

American Journal of Human Genetics 205; Neil A. Holzman, Proceed with Caution, Predicting Genetic Risks in the Recombinant DNA Era, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1989. Voir notamment, en regard de Ganti-sélection et du risque moral : Trudo Lemmens, Genetic Information and Insurance: A Contextual Analysis ofLegal and Regulatory Means ofPromoting Just Distributions, Thèse de doctorat, Institut de droit comparé, Université McGiIl, 2003

[Lemmens, Genetic Information]; Marcus Radetzki, Marian Radetzki et Niklas Juth, Genes and

Insurance: Ethical, Legal end Economie Issues, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 (particulièrement à la p. 105); Cathleen D. Zick et al., "Genetic Testing, Adverse Selection, and

the Demand for Life Insurance" (2000) 93 American Journal of Medical Genetics 29; Leah Wortham, « The Economics of Insurance Classification : The Sound of One Invisible Hand

Clapping » (1986) 47 Ohio St. L.J. 835 à la p. 844 [Wortham, « The Economics of Insurance »].

Voir également Ken R. Smith et al, « Genetic Testing and Adverse Selection in the Market for

Life Insurance » dans Alison K. Thompson et Ruth F. Chadwick, dir., Genetic Information :

Acquisition, Access and Control, New York, KluwerAcadamics/Plenum Publishers, 1998, 57; Lisa N. Geller et al, « Individual, Family, and Societal Dimension of Genetic Discrimination : A Case

Study Analysis » (1996) 2 Science and Engineering Ethics 71 à la p. 82; Mark A. Hall, "Insurers' Use of Genetic Information" (1996) 37 Jurimetrics Journal 13 à la p. 18.

(26)

jurisprudentiels. Finalement, nous évaluerons la validité du test applicable, à la lumière des récents développements jurisprudentiels pour poursuivre par l'élaboration d'un nouveau test unifié, à plusieurs volets.

Nous appliquerons ensuite, dans le dernier chapitre de cette thèse, cette nouvelle modélisation, ce nouveau test, au domaine de l'assurance. Nous mesurerons ce test, relatif à la discrimination, à deux domaines bien ciblés de l'assurance : Gassurance-vie et Gassurance-automobile. Cet exercice nous permettra de

déterminer dans quelle mesure une classification peut être légalement effectuée à

certains moments (surtout lors de la présélection et lors de la segmentation), et ce,

dans les deux domaines mentionnés. Nous serons ainsi en mesure de proposer un

modèle opérationnel à suivre, voire de suggérer une réforme, si les circonstances et le contexte normatif actuel le commandent effectivement. Surtout, nous serons

en mesure de déterminer si l'utilisation de certains motifs de distinction et de

(27)

« The legislators and the courts appear rather uninterested in the ways in which the insurance industry

renders the future calculable. Yet

insurance is taken by many theorists as emblematic of the technology of risk»32.

PARTIE I: LE PROCESSUS DÉCISIONNEL DES SOCIÉTÉS

D'ASSURANCE

L'étude du processus décisionnel des entreprises d'assurance implique l'analyse de plusieurs composantes ainsi que l'examen d'une multitude d'activités, de tâches effectuées par celles-ci.

Nous examinerons, dans cette thèse, l'utile et le juste de la discrimination dans le domaine de l'assurance, le tout, bien évidemment, en regard des différentes pratiques de classification, de segmentation et de différenciation des risques que les entreprises effectuent. Mais avant de s'attarder, dans la deuxième partie de cette étude, sur la légitimité (le juste) de cette discrimination, selon une étude principalement axée sur le juridique, il importe d'étudier l'utilité du processus de classification, qui, en apparence du moins, semble évidente. Or, l'analyse du processus de classification opéré par les entreprises d'assurance commande a priori un entendement minimal de ce qu'est une entreprise d'assurance, de sa

constitution et de son fonctionnement.

Nous verrons tout d'abord (Chapitre I) la constitution et l'élaboration d'une entreprise d'assurance désirant effectuer le commerce au Québec. De façon

générale, nous analyserons les aspects juridiques, organisationnels et juridiques et

verrons la formation et la constitution des entreprises d'assurance, le rôle que jouent ces citoyens corporatifs, leurs fonctions de gouvernance et l'impact de ce

32 Pat O'Malley, Risk, Uncertainty and Government, Londres, The Glass House Press, 2004 à la p.

(28)

vecteur de l'économie, le tout en fonction de la logistique institutionnelle générale

de ces entreprises. Cela nous permettra de mieux comprendre l'institution

d'assurance en tant qu'entité. Egalement, considérant le fait que la classification

vise les risques et qu'elle s'opère à de multiples moments au cours de la relation

précontractuelle et contractuelle, nous prendrons soin d'analyser la notion de

risque. Nous nous pencherons donc dans ce chapitre, de façon générale, sur Vutile

de la classification des risques assuranciels. Ce premier chapitre aura une visée davantage technique, organisationnelle et économique.

Nous examinerons ensuite (Chapitre II) l'élaboration des politiques de classification, potentiellement discriminatoires, tant au stade de l'établissement des classes (ex ante) qu'au stade de la présélection par les représentants et de la segmentation effectuée par les assureurs une fois le risque soumis.

Nous postulerons deux hypothèses générales en regard de chacune des deux

parties caractérisant la présente thèse, lesquelles hypothèses il nous sera permis de

valider, ou d'infirmer, c'est selon, à la lumière des constats et des analyses, objets de la présente. En regard de la première partie, relative à l'utilité de la

discrimination, notre hypothèse (laquelle semble avérée) est à l'effet qu'il estfort

utile pour les assureurs de procéder à une classification discriminatoire, dans l 'optique d'un marché ouvert de libre concurrence.

33 Nous pourrions également employer le vocable « discrimination ». En effet, « in the context of

insurance, discrimination is the scientific selection of risks, although these risks may be affected by sex, age, medical condition or marital status of people seeking insraunce » : Norwood,

(29)

« Je tâcherai d'allier toujours dans cette recherche ce que le droit permet avec ce que l'intérêt prescrit, afin

que la justice et l'utilité ne se. ,. . , 34

trouvent point divisées »

CHAPITRE I. LES ASPECTS JURIDIQUES,

ORGANiSATiONNELS et économiques

La société de consommation dans laquelle évoluent les « fournisseurs »

d'assurance est indéniablement en constante évolution. La diversité des produits35

et la multiplicité des commerçants d'assurance témoignent d'ailleurs de l'intensifiant désir de la part des personnes, physiques ou morales, de pallier, d'un

point de vue économique, la réalisation de certains risques.

La preuve en est de la nature des organismes qui distribuent de tels produits et que

l'on peut, aujourd'hui, regrouper sous l'expression « marchands d'assurance ».

L'expression « entreprise d'assurance » serait ici inappropriée car, en effet,

certaines entreprises, qui ne sont pas des entreprises dont la principale vocation

est la vente de produits d'assurance, telles que les institutions financières et de

crédit, sont également autorisées à distribuer, à vendre des produits d'assurance.

34 Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, Paris, GF-Flammarion, 1992 à la p. 27.

35 Pour les diverses catégories d'assurances, voir le Règlement d'application de la Loi sur les

(30)

Les mutuelles et les compagnies à fonds social ne sont donc pas seules à offrir des

protections assurancielles. Nous concentrerons par ailleurs notre propos sur les

Or, l'étude de l'ensemble des établissements et institutions qui distribuent des produits

d'assurance, de même que l'étude des cadres normatifs auxquels ils sont soumis, commande un

examen très large et déborde le cadre de la présente analyse. Voir, en regard de l'assurance crédit

et des différents produits d'assurance offerts par les Banques (et, incidemment, en regard du rôle

et, surtout, de la formation que doivent (...ou devront!) suivre les « distributeurs » d'assurance qui

agissent au sein d'institutions financières), la récente affaire Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3 [Banque canadienne de l'Ouest]. Dans cette décision rendue par le plus

haut tribunal du pays, les juges Binnie et LeBeI, s'exprimant au nom de la Cour (le juge Bastarache dispose de la même façon mais apporte certaines nuances en regard des propos

exprimés par les juges Binnie et LeBeI), résument la question en litige en ces termes : « [l]a

question qui se pose dans le présent pourvoi concerne la mesure dans laquelle les banques, en tant qu'institutions financières régies par le droit fédéral, doivent respecter les lois provinciales réglementant la promotion et la vente d'assurance. Plus particulièrement, nous sommes appelés à décider si et dans quelle mesure les règles de surveillance des pratiques du marché visant la

protection du consommateur contenues dans la loi de l'Alberta intitulée Insurance Act, R.S.A.

2000, ch. 1-3, s'appliquent à la promotion par les banques d'assurance liée au crédit maintenant permise en vertu de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, modifiée » : ibid. au para. 2. Les juges poursuivent en mentionnant que « [lorsqu'elles font de la promotion d'assurance, les banques se livrent au commerce de l'assurance, et comme la preuve l'a clairement établi, ce n'est qu'accessoirement qu'elles améliorent la sécurité de leurs portefeuilles de prêts. Certes, cela signifie que les banques doivent respecter à la fois les lois fédérales et provinciales, mais lorsque des entités régies par le droit fédéral participent à des activités réglementées par les lois provinciales, il en résulte forcément un certain chevauchement de compétences. Néanmoins, la règle de la prépondérance n'entre pas en jeu. En l'absence de conflit avec une loi fédérale valide, les textes législatifs provinciaux valides s'appliquent. Il n'existe en l'espèce aucun conflit d'application. Le respect des lois provinciales sur l'assurance par les banques n'entrave pas la

réalisation de l'objectifdu Parlement mais la favorise. À l'égard des deux volets de l'argumentation

des appelantes, le pourvoi doit être rejeté » ibid. au para. 4. En effet, au para. 6 de ce même arrêt, les juges expliquent que la « Loi sur les banques et son Règlement sur le commerce de l'assurance (banques et sociétés de portefeuille bancaires), DORS/92-330 (« RCA »), autorisent maintenant les banques à faire la promotion, dans leurs succursales » de huit types d'assurances. Ils poursuivent, au para. 9, en mentionnant que « [l]a promotion de l'assurance hypothèque est faite au moment où les hypothèques sont consenties (bien qu'elle soit obligatoire, selon l'art. 4 1 8 de la Loi sur les banques, dans le cas d'un prêt hypothécaire à proportion élevée excédant 75 pour cent de la valeur de la résidence hypothéquée) ». Les juges mentionnent, au para. 10, que « [e]n l'an 2000, l'Alberta a apporté à son Insurance Act des modifications visant à assujettir les banques à charte fédérale au régime provincial de délivrance de permis régissant la promotion des produits d'assurance. Selon l'art. 454, une banque qui désire faire de la promotion d'assurance doit obtenir un [traduction] "certificat restreint d'agent d'assurance" ». Partant, « [d]ès l'entrée en vigueur de YInsurance Act, les banques appelantes ont sollicité un jugement déclarant que la promotion d'assurance à laquelle elles se livrent entre dans la catégorie des opérations des "banques" énoncée au par. 91(15) de la Loi constitutionnelle de 1867, et que YInsurance Act et ses règlements d'application sont constitutionnellement inapplicables ou inopérants à l'égard de la promotion d'assurance par les banques » : ibid. au para. 11. Les juges ajoutent fort à propos, au para. 88, que « [fjoutefois, si, comme nous le concluons, la promotion d'assurance n'est pas vitale ou essentielle à l'activité bancaire, rien ne justifie que les banques soient protégées contre les conséquences du non-respect de YInsurance Act provinciale. Si une banque fait des fausses déclarations quant au montant des primes d'assurance, communique à tort des renseignements confidentiels à des tiers ou se livre à des pratiques commerciales que l'Assemblée législative de l'Alberta considère déloyales, rien ne saurait justifier qu'elle échappe à la discipline réglementaire à laquelle tous les autres promoteurs d'assurance de la province sont assujettis » (les italiques sont de la Cour). Les

(31)

entreprises et organismes dont la vente de produits d'assurance constitue la

principale activité.

Nous examinerons, dans ce chapitre, la notion d'entreprise d'assurance et

traiterons de sa formation, de son plan stratégique, de son organigramme et de son

fonctionnement. Surtout, nous analyserons la gestion technique et actuarielle de

cette entité, la mécanique de la logistique institutionnelle guidant les décideurs et

menant au processus décisionnel37. Nous nous attarderons de façon plus

particulière sur la tarification et sur les techniques actuarielles qui sous-tendent

cette dernière. Bref, nous verrons comment la tarification se fait au sein d'une

« compagnie d'assurance-vie type » en s'attardant au processus d'affaire propre à

ce type d'entreprise.

D'entrée de jeu, certaines précisions s'imposent. Le pouvoir décisionnel sur

lequel nous porterons notre attention dans le présent chapitre est très large. Il

englobe certes le processus contractuel, sans toutefois y être limité. Nous

cataloguerons les principaux secteurs des compagnies d'assurance et analyserons certaines des décisions prises à chacune des étapes, en partant du moment où

juges concluent donc en répondant par la négative aux deux questions constitutionnelles

auxquelles ils devaient répondre, à savoir : « 1 . Est-ce que la loi de l'Alberta intitulée Insurance

Act, R.S.A. 2000, ch. 1-3, et les règlements pris en vertu de cette loi, sont pour tout ou partie constitutionnellement inapplicables, par l'effet de la doctrine de l'exclusivité des compétences, à la promotion par les banques d'"assurance autorisée" et d'"assurance accidents corporels" au sens du Règlement sur le commerce de l'assurance (banques et sociétés de portefeuille bancaires),

DORS/92-330? Et 2. Est-ce que la loi de l'Alberta intitulée Insurance Act, R.S.A. 2000, ch. 1-3, et les règlements pris en vertu de cette loi, sont pour tout ou partie constitutionnellement inopérants, par l'effet de la doctrine de la prépondérance des lois fédérales, à l'égard de la promotion par les

banques d'"assurance autorisée" et d'"assurance accidents corporels" au sens du Règlement sur le commerce de l'assurance (banques et sociétés de portefeuille bancaires), DORS/92-330? » : ibid. au para. 19. Par ailleurs, pour une brève discussion de l'interprétation à donner au vocable « agent », employé dans le contexte de la Loi sur les banques et dans celui du Insurance Act, voir

les propos des juges Binnie et LeBeI au paragraphe 100. Il sera intéressant de voir les

conséquences pratiques qu'aura cette décision, non seulement en Alberta mais aussi dans les autres provinces (les lois provinciales sur les assurances n'étant pas identiques). L'ensemble de cette note est tiré de l'ouvrage Sébastien Lanctôt, Les représentants en assurance : pouvoirs de

représentation et obligations, Markham, LexisNexis, 2007, aux pp. 21-22, note 70 [Lanctôt, Les représentants en assurance].

37 Nous n'aborderons par ailleurs pas la fiscalité de ces entreprises, sujet qui déborde également le

(32)

l'élaboration de la stratégie d'assurance est arrêtée jusqu'au processus de règlement des sinistres.

Il importe par ailleurs d'être sensibilisés à la nature particulière de l'assurance. Normalement, une entreprise donne avant de recevoir (ou de façon concomitante) alors que l'entreprise d'assurance vit selon une mécanique opérationnelle inversée en recevant d'abord et en donnant, possiblement (si le risque se réalise) ensuite. En ce sens, « on dit que l'assurance fonctionne en cycle inversé » et qu'elle « vend un service dont elle connaîtra le coût plus tard, au moment de régler un sinistre, contrairement aux autres entreprises qui connaissent les coûts de leurs

services avant de les vendre»39, abstraction faite de certains types d'assurances40.

Cette « inversion du cycle d'activité et la [duration] longue du passif des entreprises d'assurance, surtout en assurance-vie, expliquent pourquoi l'activité

des assureurs est fortement réglementée et contrôlée » 41. Ce cadre normatif a

donc pour principal but de « protéger les assurés, qui sont les principaux

créanciers des assureurs »42. Mais que désigne-t-on par le vocable « assureur » ?

Quelles sont les diverses formes que peut prendre, au Québec, un organisme désirant vendre de l'assurance ? Comment une telle entreprise est-elle constituée

et quelles modalités de constitution doit-elle minimalement respecter ? À ces

questions, les sections suivantes s'efforceront de répondre.

Zajdenweber, supra note 2 à la p. 85. « L'inversion du cycle d'exploitation a une conséquence importante pour la gestion d'une entreprise d'assurance : elle doit gérer l'en-cours des primes

encaissées pendant toute la période qui précède les indemnisations et prestations versées aux assurés, période qui s'étend parfois sur plusieurs années. Le résultat de la gestion des primes s'ajoute aux résultats provenant des contrats d'assurance » : ibid. à la p. 85-86.

39 Ibid. à la p. 85-86.

40 Quoique même en assurance vie, le coût n'est pas toujours prévisible. Certains types

d'assurance vie (polices universelles, polices avec valeurs de rachat, etc.) impliquent que les coûts

peuvent varier en fonction du temps et en fonction des circonstances du sinistre (accidentel ou non, exercice de la valeur de rachat, etc.).

41 Zajdenweber, supra note 2 à la p. 86.

(33)

Section 1. Les entreprises d'assurance

La notion d' « entreprise » évoque normalement une idée davantage économique

que juridique43 et elle connaît, notamment dans le domaine de l'assurance,

plusieurs définitions.

Sous-section 1. La notion d'entreprise d'assurance

La notion d'entreprise correspond normalement à une « organisation économique

tendant à la production de biens ou services » 4. Les entreprises d'assurance sont

bien évidemment, a priori, des entreprises. Néanmoins, la définition d'entreprise d'assurance n'est pas sans causer certains problèmes de vocabulaire et de « fonctions ». De façon générale, le terme assureur regroupe plusieurs entités, plusieurs types d'entreprises. Qu'en est-il au Québec?

Selon la Loi sur les assurances*5, un assureur est :

Quiconque, directement ou indirectement, s'annonce comme assureur ou agit à ce titre, émet un contrat d'assurance ou s'engage à en émettre un, touche des primes, cotisations, ou autres sommes en vertu d'un tel contrat ou en vue de verser des secours mutuels ou s'engage à payer des prestations d'assurance ou de secours mutuels, mais à l'exclusion de tout syndicat professionnel autorisé à exercer les pouvoirs prévus au paragraphe Io de l'article 9 de la Loi sur les syndicats professionnels ( chapitre S-40) et de toute personne qui, en matière d'assurance, n'offre ou ne conclut que des contrats de garantie supplémentaire en vertu desquels elle s'engage envers une autre personne à assumer directement ou indirectement, en tout ou en partie, le coût de la réparation ou du remplacement d'un bien ou d'une partie

d'un bien advenant leur défectuosité ou leur mauvais

fonctionnement46.

Jean Bigot avec la collaboration de Jean-Louis Bellando, Traité de droit des assurances, t.l,

Entreprises et organismes d'assurance, 2e éd., Paris, L.G.D.J., 1996 à la p. 33.

44 Ibid.

L.R.Q. c. A-32 [Loi sur les assurances ou L.a.].

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