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La prise en compte de la diversité culturelle dans la réalisation des finalités pénologiques de paix et de réconciliation en droit international pénal

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

© Titine Pétronie Kouendze Ingoba, 2020

La prise en compte de la diversité culturelle dans la

réalisation des finalités pénologiques de paix et de

réconciliation en droit international pénal

Thèse

Titine Pétronie Kouendze Ingoba

Doctorat en droit

Docteure en droit (LL. D.)

(2)

La prise en compte de la diversité culturelle dans la

réalisation des finalités pénologiques de paix et de

réconciliation en droit international pénal

Thèse

Titine Pétronie Kouendze Ingoba

Sous la direction de :

Fannie Lafontaine, directrice de recherche

Julie Desrosiers, codirectrice de recherche

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iii

Résumé

La présente thèse porte sur la problématique actuelle des finalités de la peine, notamment celle de la possibilité pour la justice de contribuer aux finalités de paix et de réconciliation. La question de droit que soulève notre thèse est celle de savoir premièrement si la paix et la réconciliation peuvent être identifiées comme des finalités propres à la peine en droit international pénal, deuxièmement comment la peine peut-elle permettre la réalisation de ces finalités. En réponse à ces questions, nous posons l’hypothèse selon laquelle une prise en compte de la diversité culturelle peut permettre à la peine de contribuer de manière effective à la réalisation de ces finalités spécifiques.

Le droit international pénal se situe pour le moment dans une perspective positiviste, que l’on pourrait qualifier de "légicentriste". Il s’agit dans ce travail de recherche de resituer l’analyse de la peine en droit international dans une perspective qui prend en considération les diversités culturelles, et qui met ainsi en évidence le lien entre la peine et la culture.

La prise en compte de la diversité culturelle des conceptions pénales permettra d’une part un enrichissement de la pratique pénale des juridictions pénales internationales ; et d’autre part, elle permettra à chaque communauté culturelle de s’y reconnaître et à chaque société de trouver des réponses à ses préoccupations particulières.

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v Abstract

This thesis focuses on the current problem of the purposes of sentencing, in particular the possibility for justice to contribute to the purposes of peace and reconciliation. The legal question raised by our thesis is first, whether peace and reconciliation can be identified as specific purposes of the sentence in international criminal law, and second, how the sentence can achieve these purposes. In response to these questions, we hypothesize that taking cultural diversity into account can enable the sentence to contribute effectively to the achievement of these specific goals.

International criminal law is for the time being in a positivist perspective, which could be described as "legalist". The aim of this research work is to place the analysis of the sentence in international law in a perspective that considers cultural diversity, and thus highlights the link between the sentence and culture.

Taking into account the cultural diversity of criminal concepts will make it possible, on the one hand, to enrich the criminal practice of international criminal courts and, on the other hand, to enable each cultural community to identify itself with them and each society to find answers to its particular concerns.

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vii

Table des matières

RESUME --- III TABLE DES MATIÈRES --- VII LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS --- XI REMERCIEMENTS --- XV

INTRODUCTION --- 1

TITRE 1. LES FONDEMENTS DU DROIT DE PUNIR EN DROIT INTERNATIONAL PÉNAL --- 1

INTRODUCTION À LA PREMIÈRE PARTIE --- 2

CHAPITRE 1.LA CONCEPTION DE LA FINALITÉ DE LA PEINE EN DROIT INTERNATIONAL PÉNAL --- 4

Section 1. Les objectifs de la justice internationale pénale --- 4

Sous-section 1. Un objectif légal : la lutte contre l’impunité --- 4

A. Une responsabilité pénale individuelle pour des crimes collectifs --- 5

B. La lutte contre l’impunité --- 19

Sous-section 2. Un objectif transversal : la paix et la réconciliation --- 24

A. Paix et réconciliation : des finalités spécifiques de la justice internationale pénale --- 25

B. Paix et réconciliation : la prise en compte de l’amendement et du plaidoyer de culpabilité dans la jurisprudence pénale internationale --- 28

1. Le plaidoyer de culpabilité --- 28

2. L’amendement --- 32

C. Paix et réconciliation : l’impact de l’arrestation et des conditions de détention --- 33

Section 2. Les finalités spécifiques de la peine --- 38

Sous-section1. La rétribution --- 40

Sous-section 2. La dissuasion--- 51

Sous-section 3. La réinsertion sociale --- 54

CHAPITRE 2.LA PRATIQUE DE LA PEINE ET SON ÉVOLUTION EN DROIT INTERNATIONAL PÉNAL --- 59

Section 1. Les fondements juridiques et jurisprudentiels de la peine en droit international pénal : un retour à l’histoire --- 59

Sous-section 1. Le silence des premiers textes --- 59

Sous-section 2. L’application de la peine de mort par les premières juridictions internationales --- 61

Section 2. L’évolution du droit international pénal et son impact sur certaines peines : l’abolition de la peine de mort --- 65

Section 3. La peine d’emprisonnement comme peine unique en droit international pénal --- 69

Sous-section 1. La définition de la peine d’emprisonnement --- 69

A. Une définition textuelle imprécise --- 69

B. Une définition d’interprétation contradictoire--- 73

Sous-section 2. L’effectivité de la peine d’emprisonnement --- 77

A. Une peine répondant à la finalité de rétribution et de dissuasion --- 77

B. Une réduction de la peine d’emprisonnement dans une perspective de réinsertion sociale du condamné --- 80

C. Une peine permettant difficilement d’atteindre les finalités de paix et de réconciliation --- 83

Section 4. La place de la réconciliation dans le régime de réparation devant la CPI --- 86

Sous-section 1. La définition de la réparation --- 87

A. Les textes internationaux pertinents sur la réparation aux victimes --- 89

B. Les bénéficiaires de la réparation --- 90

C. Les types de réparation pouvant être alloués aux victimes --- 90

Sous-section 2. L’impact de la réparation dans le processus de réconciliation --- 95

Sous-section 3. Les réparations collectives et la poursuite de la réconciliation --- 100

CONCLUSION À LA PREMIÈRE PARTIE --- 103

TITRE 2. LES FONDEMENTS DU DROIT DE PUNIR À TRAVERS LES CULTURES --- 105

INTRODUCTION À LA DEUXIÈME PARTIE --- 107

CHAPITRE 1.POURQUOI PUNIR?LES FINALITÉS DE LA PEINE ET LES PRINCIPES PÉNOLOGIQUES À TRAVERS LES CULTURES -- 111

Section 1. Aperçu des conceptions de la justice à travers les cultures --- 111

Sous-section 1. Les conceptions occidentales de la justice --- 112

Sous-section 2. La conception de la peine dans les pays d’Europe orientale --- 113

(9)

viii

Sous-section 4. Les conceptions de la justice des pays d’Afrique au sud du Sahara (Afrique noire) et des pays

d’Asie --- 115

Sous-section 5. La conception de la peine dans les pays arabes --- 117

Section 2. Les finalités de la peine mettant l’individu au centre de la prise de décision --- 121

Sous-section 1. Les finalités de la peine sous l’aune de la culture occidentale --- 121

A. La rétribution --- 121

B. La dissuasion, la prévention et l’exemplarité --- 127

Sous-section 2. Les finalités de la peine à l’aune de la culture africaine --- 127

A. L’ambiguïté du droit pénal africain actuel--- 128

B. La place de la rétribution, de la dissuasion et de l’exemplarité dans la conception pénale africaine : l’impact de la philosophie pénale occidentale sur les cultures héritières --- 131

Sous-section 3. Les finalités de la peine à l’aune de la culture asiatique --- 133

Section 3. Les finalités de la peine liées à sa communautarisation au regard des crimes de droit commun --- 134

Sous-section 1. La réinsertion, la réadaptation et la rééducation --- 134

Sous-section 2. La réparation des torts et la réconciliation --- 138

A. La conception pénale africaine : l’exemple de l’arbre à palabres --- 138

B. La réparation pénale dans la conception pénale occidentale --- 141

1. La réparation pénale au Canada --- 142

2. La réparation pénale en France --- 145

Section 4. Le principe pénologique de l’individualisation de la peine à travers les cultures --- 147

Sous-section 1. Le principe de l’individualisation de la peine dans les conceptions culturelles occidentales -- 148

Sous-section 2. Le principe de l’individualisation dans les cultures non occidentales --- 151

Section 5. Les conceptions culturelles de la justice au regard des crimes internationaux --- 153

Sous-section 1. Les Gacaca et leur conception de la justice --- 155

Sous-section 2. La justice traditionnelle en Ouganda --- 163

CHAPITRE 2.COMMENT PUNIR ?LA PRATIQUE DE LA PEINE À TRAVERS LES CULTURES --- 171

Section1. L’emprisonnement --- 172

Sous-section 1. L’origine culturelle de l’emprisonnement --- 173

A. L’emprisonnement dans la pratique pénale occidentale --- 175

B. L’emprisonnement dans les conceptions africaines d’hier à aujourd’hui --- 180

Sous-section 2. La pratique de l’emprisonnement en droit international pénal: une pratique inégale --- 186

A. Les conditions de détention --- 187

1. Les peines d’emprisonnement prononcées par une juridiction nationale à la suite d’un conflit armé ou de violations massives des droits de l’Homme --- 188

2. Les peines d’emprisonnement prononcées par la juridiction d’un État internationalement compétent --- 195

3. L’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée par une juridiction pénale internationale par les États d’accueil --- 198

B. Les possibilités de libération anticipée --- 201

1. L’effectivité de la réinsertion sociale à l’occasion d’une demande de libération anticipée --- 201

2. La faiblesse du critère de réinsertion sociale à l’occasion d’une demande de libération anticipée face au critère du temps --- 207

C. Le travail pénitentiaire --- 216

Section 2. La peine de mort --- 219

Sous-section 1. La pratique de la peine de mort dans certains pays --- 219

A. La persistance historique de la peine de mort en Afrique --- 219

B. Les pays arabes --- 221

C. La Chine --- 222

D. La Russie --- 224

E. Les États-Unis --- 224

Section 3. Les peines de travail --- 226

Sous-section 1. Les fondements et actualités des peines de travail dans les codes pénaux occidentaux --- 227

Sous-section 2. Les peines de travail en Afrique --- 228

CONCLUSION À LA DEUXIÈME PARTIE --- 232

TITRE 3. LA PRISE EN COMPTE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS LA DÉTERMINATION DE LA PEINE EN DROIT INTERNATIONAL PÉNAL --- 234

(10)

ix

INTRODUCTION À LA TROISIÈME PARTIE --- 236

CHAPITRE 1. VERS UN ÉLARGISSEMENT DE LA CONCEPTION DE LA PEINE EN DROIT INTERNATIONAL PÉNAL : DE L’INDIVIDUALISATION À LA COMMUNAUTARISATION DES PEINES --- 238

Section 1. La nécessité de la définition de la peine en droit international pénal--- 239

Section 2. Le principe de complémentarité et la prise en compte des particularismes culturels --- 242

Sous-section 1. Les conditions de recevabilité --- 244

Sous-section 2. Les intérêts de la justice et leur impact sur la décision d’ouvrir ou non une enquête par le procureur --- 252

Sous-section 3. Vers une vision plus large de la complémentarité --- 263

Section 3. La pertinence d’une responsabilité collective en droit international pénal --- 267

Sous-section 1. La responsabilité collective --- 268

Sous-section 2. Les peines pouvant découler de la prise en compte d’une responsabilité collective --- 273

CHAPITRE 2.UNE VISION RELATIVISTE DE LA PEINE : POUR UNE EFFECTIVITÉ DE LA FINALITÉ DE RÉCONCILIATION --- 279

Section 1. Une remise en question des principes d’imprescriptibilité et de proportionnalité --- 280

Sous-section 1. L’imprescriptibilité --- 280

Sous-section 2. La proportionnalité --- 287

Section 2. L’aménagement de la peine d’emprisonnement : la participation aux cérémonies traditionnelles dans le cadre du processus de réconciliation --- 292

Sous-section 1. La mise en œuvre d’une justice restauratrice au sein de la justice internationale pénale --- 295

Sous-section 2. La contribution du condamné à la réconciliation --- 304

CHAPITRE 3.LA PERTINENCE DES CONCEPTIONS COMMUNAUTARISTES DE LA PEINE : POUR UNE EFFECTIVITÉ DES FINALITÉS DE PAIX ET DE RÉCONCILIATION --- 309

Section 1. La peine de travaux d’intérêt général dans le cadre du processus de reconstruction --- 310

Sous-section 1. Une peine de réinsertion sociale --- 310

Sous-section 2. La mise en œuvre de la peine de travaux d’intérêt général --- 313

Section 2. Les excuses publiques et les peines administratives --- 316

Sous-section 1. La pertinence et la mise en œuvre des excuses publiques --- 317

A. La pertinence des excuses publiques --- 317

B. La mise en œuvre des excuses publiques --- 321

1. Au moment de plaider coupable ou non coupable --- 321

2. Au moment de la détermination de la peine --- 328

Sous-section 2. La pertinence et la mise en œuvre des peines administratives --- 329

CONCLUSION À LA TROISIÈME PARTIE --- 334

CONCLUSION --- 337

BIBLIOGRAPHIE --- 344

I. Documentation Internationale --- 345

II. Législations et documents nationaux --- 353

(11)
(12)

xi

Liste des sigles et abréviations

AEP Assemblée des États parties

AFDI Annuaire français de droit international

AFRI Annuaire français de relations internationales

AG Assemblée générale

Art. Article

C. Contre

C de D Cahiers de droit de la faculté de droit de l’Université Laval

CADHP Charte africaine des droits de l‘homme et des peuples

Cambridge LJ Cambridge Law Journal

CDI Commission du droit international

Cour ADHP Cour africaine des droits de l‘homme et des peuples

Cour EDH Doc off AG NU R.T.N.U RDC TPIY TPIR Doc off CS NU CS USA CPI ICTR PUF ASF ASFC ONU MONUC MICT ICC OTP CETIM

Cour européenne des droits de l‘homme

Document officiel de l’Assemblée générale des Nations Unies Recueil des traités des Nations Unies

République Démocratique du Congo

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie Tribunal pénal international pour le Rwanda

Document officiel du Conseil de sécurité des Nations Unies Conseil de sécurité

États Unis d’Amérique Cour pénale internationale

International Criminal Tribunal for Rwanda Presses universitaires de France

Avocats sans frontières (Belgique) Avocats sans frontières Canada Organisation des Nations unies

Mission de l’Organisation des nations Unies pour le Congo Mechanism of international criminal courts

International criminal court Office of the Prosecutor Centre Europe-Tiers monde

(13)

xii RDIDC RQDI RDUS JICJ RICR

Intl Crim L Rev Yale L J

Eur J Crime, Crim L & Crim J RD McGill

Sw J Intl L Ann dr Louv IRRC

Revue de droit international et de droit comparé Revue québécoise de droit international

Revue de droit de l’Université de Sherbrooke Journal of International Criminal Justice Revue internationale de la Croix-Rouge International Criminal Law Review Yale Law Journal

European Journal of crime, criminal law and criminal justice Revue de droit de Mc Gill

South western journal of international Law Annales de droit de Louvain

(14)

xiii

Au Parent Céleste, sans qui aucune réussite ne serait

possible. Cette œuvre est le point de départ de ma mission. A ma tendre mère, du haut des cieux où tu te trouves, tu

continues de croire en moi et de m’insuffler la force d’avancer. A mon père, tes compliments incessants ont fait de moi une

(15)
(16)

xv

Remerciements

Quand on se lance dans l’aventure doctorale on est certain qu’elle se terminera bientôt. Chaque année qui passe, on espère que la prochaine sera la bonne, mais contrairement à la période de gestation, aucune théorie scientifique ne peut nous garantir du temps normal de ce voyage. La seule certitude que nous pouvons avoir dès le départ est qu’il sera long. Alors que j’amorce la fin de ce voyage et avant de débarquer, je veux prendre un instant pour remercier tous ceux et celles qui y ont participé de près ou de loin.

Je tiens avant tout à remercier mes directrices de thèse, Fannie Lafontaine et Julie Desrosiers, deux femmes d’exception, fortes et inspirantes. Je vous suis profondément reconnaissante. Fannie, de vous j’ai appris la précision et la rigueur dans le travail. Toujours à la recherche de la perfection, vous m’avez poussé à relire ma thèse encore et encore jusqu’à en être certaine. J’ose croire que ce résultat est à la hauteur de vos attentes. Julie, vous avez compris ma thèse dès la lecture de mon projet, vous avez éclairé ma lanterne et m’avez permis de rassembler assez rapidement les pièces qui manquaient au puzzle. Vos critiques et commentaires m’ont permis d’aboutir à un meilleur résultat. Je sors aguerrie de cette expérience et c’est grâce à vous deux.

Tout au long de ce parcours, des professeurs, des collègues, des amis et mêmes des ennemis m’ont poussé à aller plus loin et à persévérer. Trouvez ici l’expression de ma profonde gratitude.

J’adresse aussi mes remerciements à mon tendre époux, l’homme fort qui m’a redonné courage et espoir dans les moments les plus difficiles. Merci à mon petit garçon Gasson, le bonheur que tu me donnes rend tous les obstacles de la vie plus faciles à surmonter.

Merci à mes sœurs bien aimées, à mes frères, à ma famille et à mon Congo natal, comme toujours, ensemble nous faisons des exploits!

(17)
(18)

I

NTRODUCTION

La reconnaissance de la diversité proclamée par la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle1 peine encore à pénétrer les domaines du droit international qui se construisent sur

la base d’un principe opposé, qui est celui de l’universalité. L’on est dès lors en droit de se poser la question de savoir si la diversité culturelle est une exclusivité du folklore et des divertissements. Sa place dans les tables rondes internationales où se discutent les conceptions centrales régissant la vie de notre communauté humaine n’est pas encore garantie. Pourtant, les cultures dans leur diversité ont plus que l’art et les lettres à apporter au monde. Le droit et les sciences sont tout aussi culturels, donc différents et particuliers d’une société à une autre. Ces particularités ne sont pas nécessairement prises en compte par le droit international pénal qui est notre champ d’étude. La diversité culturelle peut contribuer au développement de la science juridique pénale, de surcroit sur le plan international où ces diversités sont évidemment présentes même s’il n’en est pas toujours fait cas. L’universalité et l’uniformisation sont au centre de la construction du droit international pénal. La justice pénale internationale se construit sur la base de ce principe fondamental et élude de ce fait la diversité qui pourtant la caractérise à bien des égards. Notre propos consiste à nous interroger sur la place que peut occuper la diversité culturelle dans le contexte précis de la réalisation des objectifs de paix et de réconciliation de la peine en droit international pénal.

1. Une justice pour la rétribution ou pour la paix2 : La justice internationale pénale s’inscrit aujourd’hui dans l’ensemble plus vaste qu’est celui de la justice transitionnelle3. En effet, la justice

internationale pénale participe désormais à la reconstruction de la société et à sa marche vers la démocratie. L’idée d’accorder une place à la justice dans un processus transitionnel de paix a fait du chemin. Cependant, il a toujours été difficile de démontrer comment la justice contribue de manière effective à la paix4, ce qui a fait naître des débats autour de deux grands courants.

Le premier rassemble des tenants du positivisme juridique qui estiment que la justice ne doit pas viser

1 La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, 3 novembre 2001 (2002) Doc off de l’UNESCO 31e session, Résolution, Vol 1, au para 25.

2 Compte tenu de la spécificité de la problématique qui justifie la diversité des concepts que nous abordons dans la présente thèse, nous avons choisi pour plus de clarté de subdiviser notre introduction en différents points. Cela n’enlève en rien la logique et la cohérence de notre propos, mais vise simplement à faciliter la compréhension du lecteur.

3 Marc Freeman et Dorothée Marotine, « La justice transitionnelle : un aperçu du domaine » International Center for Transitional Justice, 19 novembre 2007, en ligne :< fr.scribd.com/document/80091424/LA-JUSTICE-TRANSITIONNELLE-UN-APERCU-DU-DOMAINE-Par-Mark-Freeman-et-Dorothee-Marotine> , consulté le 10 décembre 2015.

4 Patrick S. Wegner, The International Criminal Court in Ongoing Intrastate Conflicts, Navigating Peace-Justice Divide, Cambridge University Press, Cambridge, 2015 à la p 277.

(19)

2

à atteindre la paix, car son but est bien de punir et d’appliquer la loi de la rétribution. Cette loi veut que les criminels ne puissent déambuler dans les rues sans être inquiétés, qu’une punition leur soit administrée en exemple pour les autres et que leur soit infligé le traitement le plus sévère en réponse à leur crime5. Cette définition trouve ses fondements dans l’histoire du droit pénal, notamment du droit

pénal français6 et elle est tout aussi présente dans les textes internationaux. Les quatre Conventions

de Genève, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de même que la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, rappellent toutes que les États sont tenus de prévoir des peines « efficaces7 », « appropriées8 » et

« adéquates9 » pour répondre aux crimes qu’elles définissent. Cette conception de la justice est

également exprimée dans les Statuts des tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo10, dans ceux

des tribunaux pénaux internationaux ad hoc (tribunaux pénaux internationaux)11 et dans le Statut de

Rome créant la Cour pénale internationale (CPI)12.

Le deuxième courant place plutôt la justice au cœur de la recherche de la paix. Pour ce courant, la paix est un objectif de la justice et celle-ci doit tendre vers son rétablissement. Il est possible de distinguer les objectifs de la justice pénale d’hier d’avec ceux d’aujourd’hui en tenant compte de la particularité des conflits auxquels répond cette justice. La plupart de ces conflits sont de type armé non

5 Pour comprendre le sens de la justice pénale dans l’histoire, voir Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit pénal et justice criminelle, Paris, PUF, 2014; voir aussi Knafla Lewis, Crime and Criminal Justice in Europe and Canada, Calgary, Wilfrid Laurier University Press, 1981.

6 Ibid.

7 La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, (1951) Rés AG 260(III), Doc off AG NU, 3e session (1948), art 5. [Convention pour le génocide].

8 La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants,10 décembre 1984, (1987), R.T.N.U 85, art 4.

9 Convention de Genève (I) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949, (1950) 75 R.T.N.U 31; Convention de Genève (II) relatif à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, (1950) 75 R.T.N.U 287; Convention de Genève (III) pour l’amélioration du sort des blessés et des malades et des naufragés des forces armées sur mer, 12 août 1949, (1950) 75 R.T.N.U 85; Convention de Genève (IV) relatif au traitement des prisonniers de guerre, 12 août 1949, (1950) 75 R.T.N.U 135. [Conventions de Genève de 1949]. 10 Accord concernant la poursuite des grands criminels de guerre des puissances européennes de l’Axe et Statut du Tribunal militaire, États-Unis, France, Russie, Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, 8 août 1945, (1945) 82 RTNU 251, (ci-après Statut de Nuremberg). Anne-Marie La Rosa, Dictionnaire de droit international pénal, troisième édition, Genève, Graduate Institute Publications, 1998, aux pp 101 à 103, « Tribunal militaire international institué par la proclamation spéciale du Commandant suprême des Forces alliées en Extrême-Orient en date du 19 janvier 1946 pour “le juste et prompt châtiment des grands criminels de guerre dʼExtrême-Orient”. Le statut constitutif du Tribunal est joint à cet instrument (reproduit en françaisdans Stefan Glaser, Droit international pénal conventionnel, vol.I, Bruxelles, Bruylant, 1970, p. 225) ».

11 Statut du TPIR et TPIY, infra note 19 et 20.

12 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Rome, 17 juillet 1998, (2002) 2187 R.T.N.U.3. (ci-après Statut de Rome).

(20)

3

internationaux13. Il s’agit de crimes perpétrés par les citoyens d’un pays contre la population de ce

même pays. Ce sont des conflits avant tout internes même s’ils pourraient évoluer et sortir des frontières nationales pour basculer en conflit armé international14, comme la Première ou la Seconde

Guerre mondiale. Dans le contexte des présents conflits, les membres des communautés concernées vivent sur un même territoire, parfois très restreint. Ils sont donc obligés de s’entendre pour vivre ensemble. Parmi les cas les plus importants, on peut évoquer ceux des populations de l’ex-Yougoslavie, du Rwanda et, aujourd’hui, de la République démocratique du Congo (RDC)15. C’est à

ce stade que la paix devient une préoccupation première et une nécessité. La justice internationale pénale intervient très souvent dans le contexte d’un processus de paix déjà enclenché sur le plan national. Par exemple, divers accords de paix ont été signés entre les belligérants dans le cadre de la situation en RDC16, avant l’ouverture des enquêtes par le Bureau du Procureur de la CPI. Au Rwanda,

un gouvernement d’union nationale a été mis en place pour venir à bout du conflit en 1994, peu de temps avant la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)17.

La justice internationale pénale s’inscrit dans ce processus de paix en y occupant une place de choix, notamment par la recherche de la vérité, qui est une étape importante. Elle a aussi l’impérieux devoir de punir, car il n’y a pas de justice pénale sans peine. À ce stade, la question qui se pose est celle de savoir, comment ce devoir de punir peut-il s’insérer ou, mieux, jouer un rôle dans le processus de paix? Les atrocités du siècle précédent ont été à la base de la création des juridictions pénales internationales. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le TPIR ont vu le jour grâce à des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies agissant sur la base du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, soit celles traitant « du rétablissement ou du maintien de la paix et de

13 Cherif Bassiouni, Introduction to International Criminal Law, second revised edition, Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2014, aux p 142, 664 et 913, [Bassiouni « Introduction to International Criminal Law, second revised edition »]; voir aussi Statut du TPIR et TPIY, infra note 19 et 20, arts 4 et 5 respectifs; Conventions de Genève de 1949, supra note 9, art 3 commun.

14 Pietro Verri, Dictionnaire du droit international des conflits armés, Genève, Comité international de la Croix-Rouge, traduit par Inès Mottier et adapté par Antoine Bouvier, 1988 aux pp 37-38.

15 Les conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda ont abouti à la création par le Conseil de sécurité de juridictions ad hoc qui seront au centre de notre étude. La situation en RDC est actuellement en procès devant la Cour pénale internationale et fera également l’objet de notre propos. Dans le cadre de cette thèse et comme nous l’évoquerons dans notre délimitation, nous ne nous intéresserons pas aux juridictions internationalisées ; le sort de la CPI est au centre même de notre réflexion. Toutefois, il est important de relever que la nécessité de la paix est présente dans tous les pays sortant d’un conflit armé. 16 Pour en savoir plus sur le conflit en RDC et le processus de paix, voir Patrice Eméry Bakong, Les déterminants de la violence organisée en Afrique : analyse comparée des conflits armés en Côte d’Ivoire et en RDC, Paris, Editions Publibook Université, 2015 ; Yvan Conoir et Gérard Verna, DDR, démobiliser, désarmer et réinsérer. Défis humains – Enjeux globaux, Presses de l’Université Laval, 2006, p 223 et s.

17 Pour en savoir plus sur le processus de paix au Rwanda, voir Laure de Vulpian, Rwanda, un génocide oublié, un procès pour mémoire, Paris Arte, 2004, p 291-292.

(21)

4

la sécurité internationales »18, leurs préambules statuant respectivement que :

Constatant que cette situation continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales,

Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en sont responsables soient traduites en justice,

Convaincu que, dans les circonstances particulières qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire permettraient d’atteindre cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale ainsi qu’au rétablissement et au maintien de la paix19.

Et que :

Constatant que cette situation constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales,

Résolu à mettre fin à de tels crimes et à prendre des mesures efficaces pour que les personnes qui en portent la responsabilité soient poursuivies en justice,

Convaincu que, dans les circonstances particulières qui prévalent dans l’ex-Yougoslavie, la création d’un tribunal international permettrait d’atteindre cet objectif et contribuerait à la restauration et au maintien de la paix20.

De plus, dans le préambule du Statut de Rome de la CPI, les États affirment « que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la coopération internationale », et sont « [d]éterminés à mettre un terme à l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes »21.

Il ressort de ces textes que les finalités principales de la justice internationale pénale sont de lutter contre l’impunité et de contribuer à la paix et à la réconciliation. S’il est vrai que c’est tout le processus de justice qui participe à atteindre ces finalités, il n’en demeure pas moins vrai que l’aboutissement de toute justice pénale est le prononcé de la peine. La peine constitue la palissade du système pénal. 2. Un débat sur les finalités de la peine : La peine, qui est ici l’objet de notre étude, n’a pas été définie en droit international pénal. Les textes des Statuts des tribunaux pénaux internationaux et de la CPI se contentent d’indiquer la sanction à prononcer, à savoir la peine d’emprisonnement22.

18 Charte des Nations Unies, 26 juin 1945, RT Can 1945, n°7, chap. VII, art 39. Nous soulignons.

19 Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Rés. CS 955/1994, Doc off CS NU, 3454e séance, (8 Novembre 1994) [Statut du TPIR].

20 Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Rés CS 808/1993, Doc Off CS NU, 3175e séance (22 Février 1993) [Statut du TPIY].

21 Statut de Rome, supra note 12. La lutte contre l’impunité est une particularité de la CPI, ni les statuts ni les résolutions créant les deux tribunaux pénaux internationaux ne mentionnent cet objectif. A contrario le Statut de Rome ne prévoit pas le rétablissement de la paix comme objectif, il reconnait toutefois dans l’alinéa 3 de son préambule « que des crimes d’une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde ».

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5

Comme nous venons de l’évoquer, les objectifs de la justice internationale pénale sont clairs. Cependant, les textes juridiques sont muets à l’égard des finalités que doit poursuivre la peine23. La

jurisprudence a élaboré certains principes à cet égard, sans toutefois répondre précisément à la question. L’étude des finalités de la peine en droit international révèle une véritable confusion conceptuelle. Il existe à l’heure actuelle un débat tant jurisprudentiel que doctrinal sur ces finalités. Les textes, la jurisprudence et la doctrine ne mettent pas de l’avant les mêmes finalités. Il ressort de ce débat l’existence de deux courants : d’un côté, celui prônant que la peine en droit international ne peut poursuivre des finalités autres que la rétribution et la lutte contre l’impunité24 et, de l’autre, celui

préconisant qu’elle devrait au contraire s’imprégner de toutes les finalités existantes de la peine25, tant

des classiques que celles de paix et de réconciliation. En effet, s’inspirant du contenu des textes ci-dessus cités, certains auteurs26 considèrent la paix et la réconciliation comme des finalités pouvant

être attribuées aux peines. Notre propos va dans le sens de ce dernier courant.

Dans la mesure où les objectifs de détermination de la peine demeurent flous, il devient difficile, voire impossible, d’en mesurer l’effectivité, d’où les nombreuses critiques faites à l’encontre de la justice internationale pénale, notamment sur son incapacité à contribuer véritablement au rétablissement de la paix et de la réconciliation27. La paix et la réconciliation sont laissées à la discrétion des États dans

le cadre des différents mécanismes mis en place au niveau interne. En effet, les États sortant de conflits armés, tout comme la communauté internationale, se déploient en vue du rétablissement de la paix, de la sécurité et de la réconciliation. La justice transitionnelle participe à ce processus au niveau international par la mise en place des juridictions pénales internationales et des juridictions internationalisées ou mixtes et au niveau interne, par le biais d’une justice dite traditionnelle pénale ou

23 William A. Schabas, « Penalties » dans Cassese, Gaeta, Jones, The Rome statue of the International Criminal Court, Vol II, Oxford, Oxford University Press, 2002 à la p 1519.

24 Damien Scalia, Du Principe de la légalité des peines en droit international pénal, Bruxelles, Bruylant, 2011 à la p 294. 25 Mark Findlay et Ralph Henham, Exploring the Boundaries of International Criminal Justice, Burlington, Ashgate, 2011 à la p 229, [Mark Findlay and Ralph Henham, “Exploring the Boundaries”]. Les critiques à la justice internationale pénale se font de plus en plus nombreuses ces dernières années, sur la question de la paix, mais sur d’autres problématiques tout aussi importantes. Voir Julien Pieret et Marie-Laurence Hébert Dolbec, « La justice pénale internationale en tant que projet critique », (2016) vol XIII Champ pénal. Tous les articles de ce dossier spécial; Christian De Vos, Sara Kendall et Carsten Stahn, Contested justice, The Politics and Practice of International Criminal Court Interventions, Cambridge, Cambridge University Press, 2015; Kamari Maxine Clark, Fiction of Justice, The International Criminal Court and the Challenge of Legal Pluralism in Sub-Saharan Africa, Cambridge, Cambridge University Press, Cambridge Studies in Law and Society, 2009, Christine Schwöbel, Critical Approaches to International Criminal Law, An Introduction, Londres, Routledge, 2014; Nollez-Goldbach Raphaëlle et Julie Saada, La justice pénale internationale face aux crimes de masses, une approche critique, Paris, Pedone, 2014.

26 Ibid.

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réparatrice28, des commissions « vérité et réconciliation »29 et d’autres mesures. Le retour à une justice

traditionnelle, il faut le relever, s’explique très souvent par le fait que le système de justice moderne est presque ou complètement détruit, et que la complexité du conflit nécessite souvent de faire appel à des sources traditionnelles30. Toutefois, même s’il sera possible d’évoquer cette dernière forme de

justice transitionnelle, notre étude portera essentiellement sur le travail des juridictions pénales internationales.

Avant d’entamer l’exposé de la problématique et de poser les questions centrales de notre étude, il nous paraît important et opportun de nous arrêter sur la définition de certains concepts clés évoqués dans notre présentation de l’état actuel de la question, comme la peine, la culture, la paix, la justice et la réconciliation.

3. Du sens de la peine : De nombreuses études ont été effectuées sur la définition de la peine, notamment dans les domaines du droit et des sciences sociales. Nous nous contenterons donc, pour les besoins de cette thèse, de rapporter uniquement quelques définitions pertinentes.

Il sied d’indiquer à ce stade que nous ne nous intéressons pas à toutes les formes de punitions pouvant exister, mais bien de la répression des crimes les plus graves tels qu’ils sont reconnus dans la plupart des droits pénaux, notamment le meurtre, l’assassinat31, le viol et les crimes de droit international.

Le Lexique des termes juridiques définit la peine de la manière suivante : « sanction punitive, qualifiée comme telle par le législateur, infligée par une juridiction répressive au nom de la société, à l’auteur d’une infraction en rétribution de la faute commise, l’intimidation et la réadaptation du délinquant étant les autres objectifs poursuivis » 32.

28 Marc Freeman et Dorothée Marotine, supra note 3 à la p 4.

29 Ibid; Pierre Hazan, Juger la guerre, juger l’histoire : du bon usage des commissions vérité et de la justice internationale, Paris, Presses universitaires de France, 2007; Etienne Jaudel, Justice sans châtiment, Les commissions vérités-réconciliation, Paris, Odile Jacob, 2009.

30 C’est le cas des Gacaca au Rwanda, voir François Sobo, « La justice transitionnelle : le point sur les juridictions Gacaca au Rwanda » (2009) 10-12:4 Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 763 ; voir aussi, Allen, Tim. « Ouganda, la Justice traditionnelle est-elle une alternative viable à la Cour pénale internationale ? » (2008) 1:53 Mouvements 118. 31 Bien que cette distinction ne fasse pas l’objet de notre étude, l’objectif est ici simplement de préciser que ces deux crimes sont communément punis d’emprisonnement à temps ou à perpétuité selon les cas. Pour la distinction, le meurtre est défini à l’article 221-1 du Code pénal français, comme le fait de donner volontairement la mort à un individu, il est puni de trente ans de réclusion criminelle ou de réclusion à perpétuité. L’assassinat quant à lui est un meurtre avec préméditation, article 221-3 du Code pénal français. La différence entre les deux réside dans la préméditation, l’intention doit être délibérée. S’il est requis pour le second il ne l’est pas pour le premier. Voir, Serge Guinchard, infra note 32. Cette distinction n’est pas aussi stricte en droit criminel canadien, où le meurtre peut être intentionnel ou non, la préméditation n’est pas un critère de distinction. La distinction qu’opère le Code criminel se base sur le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré, on parle aussi d’homicide volontaire ou involontaire, articles 229 et 231 et suivants.

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Gérard Cornu, dans le dictionnaire Vocabulaire juridique, définit la peine comme « un châtiment édicté par la loi (peine prévue) à l’effet de prévenir et, s’il y a lieu, de réprimer l’atteinte à l’ordre social qualifiée d’infraction (nulla poena sine lege); châtiment infligé en matière pénale par un juge répressif, en vertu de la loi (peine prononcée) »33 . Cette définition semble aller à l’encontre de celle du Dictionnaire de la

culture juridique34 qui relève l’équivoque entre le fait de châtier et de punir. En effet, selon ce

dictionnaire, la peine est définie comme « un mal dont le souverain menace ceux de ces sujets qui seront disposés à violer les lois, et qu’il leur inflige lorsqu’ils les violent »35. Diderot et d’Alembert, de

qui émane cette définition, prennent soin de ne jamais utiliser le mot « châtiment ». C’est le cas également du rédacteur de l’article « peine » du Répertoire encyclopédique du droit français (1894), qui la définit comme « un mal infligé au coupable à raison et en punition de son infraction »36. L’auteur

poursuit avec une définition de J.-D. Robert, qui :

(…) préfère identifier la peine avec la sanction pénale. Cette dernière est pénale s’il a plu expressément au législateur de la qualifier ainsi ou si elle est prononcée de manière exclusive par une juridiction judiciaire compétente pour infliger une telle sanction et si le pouvoir de la requérir appartient au Ministère public. Le fait que la peine soit infligée par l’autorité souveraine et en son nom lui donne plusieurs caractères. La peine est afflictive car elle procure au condamné une souffrance graduée en fonction de la gravité de l’infraction commise. Cette souffrance est physique quand la peine prend la forme d’un châtiment corporel, morale quand elle revêt l’aspect d’une privation de liberté, matérielle quand elle affecte le patrimoine du condamné. La peine est infamante car elle reflète la réprobation de la société envers le crime et envers l’état de criminel. Par ces deux aspects, affliction et infamie, elle se distingue de la sanction et de la mesure de sûreté37.

Michel Van de Kerchove allant dans le même sens affirme que :

Selon une conception traditionnelle, la peine est constituée de deux caractères essentiels : d’une part, la privation d’un bien ou, si l’on préfère, l’imposition d’un mal (en termes objectifs) ou d’une souffrance (en termes subjectifs), qu’on vise généralement en parlant de la dimension ‘’afflictive’’ de la peine; d’autre part, une marque de réprobation sociale, un blâme, une stigmatisation ou, si l’on préfère une atteinte à l’honneur susceptible de susciter la honte, à laquelle on se réfère habituellement en parlant de la dimension “infamante” de la peine.38

Denis Alland et Stéphane Rials poursuivent leur définition de la peine en ces termes : « prononcée par un tribunal au nom de l’autorité souveraine, elle manifeste la réaction de la société face à un comportement qu’elle réprouve et refuse d’admettre. Pour ce faire et prévenir la réitération de comportement analogue, elle ne saurait être un simple moyen de sanction de l’infraction et doit

33 Gérard Cornu, dir, Vocabulaire juridique, 7e éd., Paris, Presse Universitaire de France, 2005 à la p 749. 34 Denis Alland et Stéphane Rials, Dictionnaire de la culture Juridique, PUF, Paris, 2003 à la p 1138. 35 Ibid.

36 Fernand Labori, Répertoire encyclopédique du droit français, Tome 10, Paris, Gaz Pal, 1894. 37 Denis Alland, supra note 34.

38 Michel Van de Kerchove, Quand dire c’est punir, essai sur le jugement pénal, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2005 à la p 35.

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répondre à différents impératifs »39 .  Cependant, le Traité de Droit criminel de Merle et Vitu, plus

proche du dictionnaire de Gérard Cornu, considère que « la peine est un châtiment infligé au délinquant en rétribution de l’infraction qu’il a commise »40.

Le Dictionnaire de la culture juridique tente de faire le tour de la définition de la peine. Il est d’ailleurs intéressant de retenir la différence qu’il en fait d’avec la sanction. De plus en plus, les dictionnaires, comme ceux cités plus haut, définissent la peine comme une sanction; or, la sanction elle-même présente une définition particulière. Il en ressort que les objectifs de la peine sont différents de ceux de la sanction. En effet,

[l]a sanction ne revêt pas nécessairement en droit le sens d’une punition et peut même consister en une récompense ou un avantage. La mesure de sureté, terme créé au début du XXe siècle, est une mesure de précaution que prend la société pour prévenir la récidive éventuelle d’un délinquant. Même si la distinction s’estompe actuellement, cette notion différait de la peine par son fondement et par son but. Ce n’est pas la culpabilité qui la motive, mais le caractère dangereux du délinquant et elle n’a intrinsèquement aucun caractère afflictif ou infamant 41.

A contrario, le Guide juridique Dalloz, pour sa part, définit la peine (ou sanction pénale) comme :

(…) une sanction infligée à un délinquant, traditionnellement prononcée au terme d’un procès par les juridictions répressives en réponse à l’infraction qu’il a commise. Elle permet d’assurer la protection de la société contre l’inobservation des règles de conduite établies. Pour qu’une sanction soit une peine, elle doit être considérée comme telle par la loi.

a. Les peines se différencient des autres sanctions administratives ou disciplinaires par leurs fonctions et caractères.

b. Les fonctions de la peine :(…) la peine (…) est rétributive, intimidatrice, éliminatrice, et doit contribuer à la resocialisation ou la réinsertion du délinquant42.

Les fonctions de la peine sont donc, selon le Guide juridique Dalloz : la rétribution, l’intimidation, l’élimination, la resocialisation, la réinsertion et l’amendement.

« Les caractères de la peine sont : la légalité de la peine, l’égalité des peines, personnalité des peines, nécessité et proportionnalité des peines, autorité de la chose jugée, individualisation, personnalisation de la peine »43.

Toutefois, il y a lieu de noter que cette définition est fondée sur le droit français, et donc que certaines fonctions et caractères émanent de la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de

39 Denis Alland, supra note 34.

40 Roger Merle et André Vitu, Traité de droit criminel, Paris, Cujas, 1997. 41 Denis Alland, supra note 34.

42 Jean Vincent et Sébastien Bigot de la Touanne, Guide Juridique Dalloz, Paris, Jurisprudence générale Dalloz, 2011 à la p 390-1.

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9 178944.

Dans la majorité des manuels consultés, la peine est définie d’un point de vue essentiellement philosophique. Il faut dire que la définition juridique elle-même tire ses fondements des différents courants philosophiques, notamment ceux de la théorie de la rétribution45 et de la théorie de l’utilité46.

L’examen de ces textes démontre que la peine appliquée de nos jours, et juridiquement définie, est le résultat de ces deux principaux courants. En effet, selon le Dictionnaire de culture juridique, dire que « la peine est un châtiment infligé au délinquant en rétribution de l’infraction qu’il a commise »47, c’est

de la rétribution. Châtier dans le but de prévenir la récidive et d’agir en tenant compte du bien-être de la victime et de la société48, c’est de l’utilitarisme.

Il y a lieu de relever en passant que dans l’ancien droit romain, la peine était une question d’ordre moral49 qui n’entrait pas dans la compétence des juges50, dont la mission était essentiellement de

statuer sur la culpabilité de l’accusé. En effet, dans le droit Romain, « le magistrat tient un rôle dynamique dans l’enquête qu’il poursuit jusqu’au jugement, déféré en dernière instance à une assemblée du peuple »51.

Notons que la peine a fait l’objet d’une évolution sans précédent, notamment dans les sociétés occidentales, où elle a continué à être atténuée. La vue du sang et de la cruauté choquait de plus en plus la sensibilité de l’être humain, dont l’intelligence se forgeait au fil des siècles, au point où, la peine de mort en est finalement arrivée à sortir du registre des peines applicables dans la majorité des États occidentaux52. Norbert Élias semble faire un lien entre cette évolution et la civilisation53.

44 France, Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen, 1789, en ligne :

www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789.

45 Emmanuel Kant, Métaphysique des mœurs, Première partie, doctrine du droit, Paris, Librairie philosophique, J. Vrin, 1993 à la p 214.

46 Jeremy Bentham, Introduction aux principes morales et de législation, texte traduit de l’anglais par Bozzo-Rey et autres, Paris, Librairie philosophique, 2011.

47 Denis Alland, supra note 34. L’auteur reprend ici les propos du Traité de droit criminel de Merle et Vitu.

48 Christopher Berry Gray, The philosophe of law, an encyclopedia, New-York, Garland Publishing INC, 1999 à la p 708. 49 André Laingui, « Faire régner la justice par le châtiment des méchants », dans Annette Sousa Costa dir, Entre droit et morale : la finalité de la peine, Berlin, Peter Lang, 2010, aux p 55-59 et s.

50 René Maris Rampelberg, « La peine romaine, entre réparation et dissuasion », dans Annette Sousa Costa dir, Entre droit et morale : la finalité de la peine, Berlin, Peter Lang, 2010 à la p 18.

51 Ibid.

52 David Garland, « Les processus de civilisation et la peine capitale aux USA », (2010)2 Vingtième siècle, Revue d’histoire 193 à la p 194. L’auteur veut établir un lien entre le processus de civilisation et l’usage de la peine de mort, même si Elias « n’évoque guère dans ces travaux la manière dont les formes que prend la peine s’intègre dans ses évolutions »; voir Norbert Elias, Le processus de civilisation, Paris, Calmann-Lévy, 1989.

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Le Dictionnaire de droit québécois et canadien donne une définition qui semble encore plus précise que celles ci-dessus citées. Il définit la peine comme une « sanction édictée par la loi et appliquée par les juridictions pénales à titre de punition ou de réparation pour un acte portant atteinte à l’ordre social »54. L’idée de réparation qui apparait dans cette définition de la peine est rare et peut soulever

des discussions quant à la stricte distinction qui est faite entre la peine et la réparation dans d’autres droits pénaux. Nos développements55 nous permettrons de remettre en contexte cette définition de la

peine, qui est une pratique récente mais aussi inspirante du droit pénal canadien.

Gérard Cornu, quant à lui, prend le soin, dans son dictionnaire Vocabulaire juridique, de relever la distinction entre peine prévue et peine prononcée : « châtiment édicté par la loi (peine prévue) à l’effet de prévenir et s’il y a lieu de réprimer l’atteinte à l’ordre social qualifiée d’infraction (nulla poena sine lege); châtiment infligé en matière pénale par le juge répressif, en vertu de la loi (peine prononcée) »56.

En effet, il y a lieu de faire une distinction entre la peine et la sentence. De possibles confusions peuvent survenir en anglais avec l’expression « sentencing », généralement traduite comme le prononcé ou la détermination de la peine, ou simplement comme la sentence. La sentence est la décision prononcée par une juridiction à l’issue d’un procès. D’après le Multi dictionnaire de la langue française, la sentence est « une décision rendue sur une question litigieuse par l’autorité compétente »57.

La sentence ne donne pas toujours lieu à une peine. Elle peut se solder par un non-lieu, un acquittement ou toute autre décision, mais elle n’est pas la peine en soi. Elle est en fait synonyme de verdict. C’est ainsi que Gray Christopher B, par exemple, présente la définition de « sentencing » en ces termes :

A sentencing is an imposition, requirement or prohibition directs against someone who has been identified as having committed an offense by a sentencing authority in response to the alleged offense. Sentences have traditionally been linked in the public mind with hard treatment or punishment, though both linkages have been challenged by sentencing and punishment theorists. In modern legal systems, sentencing is a task normally undertaken by a court presided over by a judge in accordance with law set down by a legislative authority58.

En droit international pénal, la définition de la peine ne s’éloigne pas vraiment de celles citées ci-haut. Elle s’inspire de celle existant dans la plupart des droits pénaux, soit une sanction visant à punir la commission de crimes internationaux. Cette absence de définition spécifique au droit international est

54 Hubert Reid, Dictionnaire de Droit Québécois et canadien, Montréal, Wilson et la Fleur Ltée, 2001 à la p 410. 55 Nous abordons la question à la section 1. La réparation pénale au Canada, ci-dessous.

56 Gérard Cornu, supra note 33.

57 Marie-Eva Villers, Multi Dictionnaire de la langue française, Montréal, Québec Amérique, 2009 à la p 1476. 58 Gray Christopher B, The philosophy of Law, an Encyclopedia, vol 2, New York, Garland, 1999 à la p 794.

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d’ailleurs au centre de la présente réflexion. La définition de la peine en droit international pénal se fonde essentiellement sur l’objectif poursuivi par ce droit, à savoir la lutte contre l’impunité. Benjamin Schwab relève, d’après l’expérience du TPIY, quatre autres fonctions de la peine : la dissuasion générale, la rétribution, la stigmatisation et la réprobation publique59.

A ce stade, il nous parait important de relever l’aspect moral de la peine. Le lien entre la morale et la peine est d’autant plus important à établir que la réprobation sociale60, comme nous venons de le

relever, est de plus en plus identifiée comme une finalité de la peine. En effet, comme le constate Diane Bernard en reprenant les propos de certains auteurs,

[l]a peine est devenue “un blâme moral”. On ne punit plus pour que, mais, dit Denis Salas, notamment parce que l’opinion publique l’exige. Pour Yves Cartuyvels, on assiste plus profondément à « la création d’un espace moral de substitution » où le recours à la peine, ou du moins au procès, apparaît comme un appel au gardien d’une moralité, voire du sens. François Ost écrit ainsi que le pénal constitue une « ultime expression de la morale commune, la dernière source des sens dans un monde dont les repères mobiles et les cadres flottants creusent l’inquiétude et suscitent le malaise autant qu’ils la libèrent61.

Au regard de tout ce qui précède, la définition de la peine est le fruit de la conception d’un groupe sociétal précis. La société est un élément important qui renvoie à la conception romaine de la justice. En effet, c’est la société qui est responsable de décider du sort de l’accusé. Cette définition, prise en compte par la plupart des droits pénaux, est la preuve que la peine émane de la volonté de la société de condamner tout acte constituant une violation de ses valeurs et de ses normes62. C’est ainsi qu’il

est possible de retrouver des conceptions culturelles de la peine.

Pour récapituler et mettre au point la définition de la peine dont nous nous inspirerons pour penser une nouvelle forme de pénalisation interculturellement définie au niveau international, nous retiendrons que les éléments suivants ressortent de différentes définitions de la peine : la punition, la sanction, le châtiment pour certains auteurs, la légalité, la juridiction, l’infraction et enfin, un élément commun à tous, la société. En effet, dans toutes les définitions ci-dessus citées, l’élément « société » est essentiel dans la définition de la peine. En d’autres termes, il ne peut y avoir de peine si l’action mise en cause n’est pas condamnée par la société et par une société bien déterminée. Cet aspect important constitue l’élément central que nous utiliserons pour établir l’importance du lien existant entre la peine et le point

59 Benjamin Schwab, « Les sanctions applicables et les décisions quant à l’exécution », dans Laurent Moreillon, dir, Droit pénal humanitaire, Bruxelles, Bruylant, 2006 à la p 332.

60 Ibid.

61 Auteurs cités par, Diane Bernard, Trois propositions pour une théorie du droit international pénal, Bruxelles, Presses universitaires de Saint-Louis, 2014 à la p 164.

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12 de vue sociétal sur l’infraction commise.

4. De la définition de la culture : Le concept de culture a été défini par de nombreux auteurs. La définition sur laquelle nous fonderons notre réflexion est celle de la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. En effet, elle prévoit dans son préambule que « dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »63. Cette définition semble s’inspirer de celle d’Edward Tylor qui, pour la

première fois, a défini le concept de culture dans son ouvrage Primitive culture, paru en 1871. On peut y lire que la « culture ou civilisation prise dans son sens ethnologique le plus étendu, est ce tout complexe qui comprend la connaissance, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la société »64. Il ressort

de cette définition des éléments précis de la culture pouvant être répartis entre les conceptions de la vie, c’est-à-dire les systèmes de pensées d’une part et, d’autre part, leurs reflets, soit les pratiques, l’art et les lettres. Il est important de relever que :

[d]’un autre côté, les cultures sont aussi les produits de la créativité humaine : c’est même l’une des principales raisons pour lesquelles on voudrait actuellement les sauvegarder. Aucune ne se confond avec une autre, malgré les nombreux emprunts qu’elles se font. Chacune peut être considérée comme l’invention collective d’une philosophie de l’existence, d’une forme d’expression de l’homme dans sa relation à son environnement total, à lui-même et à son imaginaire65.

En effet, l’environnement géographique, l’histoire et les croyances sont autant d’éléments qui entrent en ligne de compte pour la production d’une culture.

Toutefois, dans le cadre de notre recherche, l’aspect « reflet » ou « symbole » de la culture ne nous intéresse pas. Nous considérons plutôt les systèmes de valeurs, les traditions et les coutumes. L’élément essentiel que nous tirons de ces systèmes de valeurs et de traditions est la conception de la justice. En effet, comme l’affirme Jessica Almqvist:

A third cultural variation with a direct impact on the prospects of successful international adjudication of

63 UNESCO, Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Déclaration de Mexico sur les Politiques culturelles (1982),

Préambule au para 6, en ligne :

<file:///C:/Users/tpkoi/AppData/Local/Packages/Microsoft.MicrosoftEdge_8wekyb3d8bbwe/TempState/Downloads/Déclar ation+de+l'UNESCO+de+mexico+sur+les+politiques+culturelles%20(2).pdf>.

64 Edward Burnet Tylor, Primitive Culture, Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Religion, and Custom, London, John Murray, Albemarle Street, 1871 à la p 1. Texte traduit par Jean Fleury dans son ouvrage La culture, Rosny sous-bois, Éd. Bread, 2008 à la p 13.

65 Carmel Camilleri et Margalit Cohen-Emerique, dir, Choses de cultures : concept et enjeux pratiques de l’interculturel, Paris, L’Harmatan, 1989 à la p 35.

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13

grave crimes is that of differing convictions about justice which, in this context, refers to differing views on what must be done in response to a serious wrong. Such convictions are seen as cultural inasmuch as they refer to particular settlements on the interpretation of general principles of justice interwoven with the historical and social conditions of a people or a place. The settlements inform their subjects of the more specific meaning of their rights, obligations and opportunities embodied in the law that applies to them. The most significant settlements are those embedded in national public cultures although some religious communities also have their own bodies of law66.

Chaque société possède sa propre conception et ses propres pratiques de la justice, et ces conceptions sont culturelles. La culture qui nous importe est donc celle qui s’attache aux conceptions ou définitions de la justice d’un groupe social ou d’une société.

Le groupe social qui nous intéresse ici est le groupe national susceptible, à l’heure actuelle, d’être représenté au niveau international, notamment lorsqu’il s’agit d’élaborer des textes relatifs au droit international pénal. Dans une certaine mesure, nous nous arrêterons sur le groupe social qui dépasse les frontières de la nation lorsque la culture nationale d’un pays peut être similaire à celle d’un autre pays, limitrophe ou pas, d’après le sens donné par Samuel Huntington dans son ouvrage intitulé Le Choc des civilisations67.

Dans le cadre de ce travail de recherche, ces deux concepts centraux seront mis en relation. Cela nous amène à présenter le débat concernant le lien entre la culture et la peine afin de nous positionner et de définir les bases de notre problématique.

5. Du rapport entre culture et peine : L’existence d’un lien entre la culture et la peine a été démontrée. Cette question étant le point de départ de notre réflexion, il est nécessaire d’en présenter un aperçu. Pour ce faire, nous avons dû explorer des domaines d’étude tout à fait distincts, notamment le droit, la philosophie du droit, la sociologie juridique et l’anthropologie juridique.

Différentes conceptions de la peine sont mises de l’avant par les auteurs que nous avons lus. Les premiers, des juristes positivistes, n’établissent pas nécessairement un lien entre culture et peine. Ils considèrent que le droit est posé et que la peine émane uniquement de la volonté du législateur (a). Les seconds, les socio juristes, vont plus loin et recherchent les fondements de la peine dans des réalités socioculturelles (b).

a. Courant juriste positiviste : Les tenants de ce courant estiment que la peine est l’œuvre du législateur et que ce dernier a seul le pouvoir de définir la sanction appropriée en vue de châtier un coupable. Le

66 Jessica Almqvist, “The impact of cultural diversity in international criminal law” (2006) 4 JICJ 745. 67 Samuel Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1997.

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juge a la seule et unique mission de définir l’acte commis et de prononcer la peine prévue par la loi68.

Robert, identifiant la peine à la sanction pénale, précise qu’« elle est pénale s’il a plu au législateur de la qualifier ainsi ou si elle est prononcée de manière exclusive par une juridiction judiciaire compétente pour infliger une telle sanction et si le pouvoir de la requérir appartient au Ministère Public »69.

Cette conception tire ses sources de la révolution Beccarienne du XVIIIe siècle. S’opposant à la justice

arbitraire du prince, Beccaria écrit Des délits et des peines, dans lequel il pose le principe nula poena sine lege : « seules les lois peuvent fixer les peines des crimes, et ce droit ne peut résider que dans la personne du législateur, qui représente toute la société unie par un contrat social »70. Ce principe de

légalité est devenu le pivot du droit pénal moderne et semble avoir une force incontestable, tant aux niveaux interne qu’international. En effet, il faut relever que partant de sa consécration par la Déclaration universelle des droits de l’homme71 jusqu’aux conventions sous régionales, le principe de

légalité a désormais une portée universelle72.

Par ailleurs, il ressort des développements positivistes que les sources du droit pénal sont essentiellement normatives. Il s’agit de la loi et du règlement73. Dans ces conditions, on peut

difficilement penser la peine en dehors de ce cadre législatif et réglementaire bien défini. Cependant, le prochain courant que nous analysons n’aborde pas la question de cette façon.

b. Courant sociojuridique : Loin de s’opposer à l’idée d’une peine légale, encore moins au principe de la légalité des peines, les sociologues du droit pénal, les pénologues et les anthropologues du droit vont chercher plus loin la définition de la peine. Leurs études établissent le lien direct existant entre la peine et la société, et entre la peine et la culture.

D’abord, ils reconnaissent que la peine est un fait universel. Cependant, comme l’exprime J.-F. Chassaing, concevoir la peine reste une étape liée aux particularités culturelles de chaque société humaine. En effet :

Si la peine en tant que telle est universelle, les comportements qu’elle sanctionne, son régime juridique, ses modalités pratiques, sa place dans l’imaginaire collectif et dans les représentations mentales, sont extrêmement variables. Les infractions à première vue les plus simples et les plus universelles –

68 Christophe Grzegorczyk et Françoise Michaut, Le positivisme juridique, Paris, L.G.D.J, 1993.

69 J.-H. Robert, cité par Denis Alland et Stéphane Rials, Dictionnaire de la culture juridique, Paris, Presses universitaires de France, 2003 à la p 1138.

70 Cesare Beccaria, Des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1991 à la p 65, [Beccaria].

71 Déclaration Universelle des Droits de l’homme, Rés AG 217A (III), Doc off AGNU, 3e sess, supp n°13, Doc NUA/810 (1948) art 11 al.2.

72 Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 12è éd., Paris, Economica, 2005 à la p159. 73 Ibid à la p 147.

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