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Table ronde : réflexion éthique liés à l'environnement

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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« Il n’y a pas d’humain sans espérance. » Daniel Rops Propos recueillis par Gervais Deschênes

État de la situation

Le sens étymologique du mot « éthique » relève du terme grec ethica (caractère, mœurs, lieu de vie, habitude) et du latin ethicus, qui signifie « morale ». L’éthique se situe dans la pensée pratique en vue de l’action et de l’application normative de règles dans le contexte quotidien de la vie humaine. Elle a comme objectif de construire des paramètres déterminant comment les humains devraient être et agir dans leur environnement immédiat. L’éthique veut répondre à la question :

Comment vivre? Elle se manifeste quand l’humain s’indigne devant l’injustice, la contradiction et la démesure de certains événements. L’éthique est séculière et centrée sur l’humain. Elle se concrétise dans des discussions, des consensus ou des compromis en vue du bien commun. La visée ultime de l’éthique est la recherche « de la “ vie bonne ” avec et pour autrui dans des institutions justes » (Ricoeur 1990, p. 202). Elle s’inscrit principalement comme un appel et une invitation plutôt qu’un système de régulation imposée de l’extérieur. Le développement d’une réflexion éthique sur l’environnement est un processus qui doit s’ancrer au cœur d’une prise de conscience quant à nos responsabilités et à nos actions par rapport à la nature et face aux générations à venir.

La thématique de l’environnement pose nécessairement une question éthique, car c’est la survie de l’espèce humaine qui est en jeu. L’histoire de l’humanité est jalonnée de plusieurs catastrophes, de cause naturelle ou causées par l’humain lui-même. Certes, nous sommes à la merci des éléments destructeurs de la nature, mais avons-nous assez de sens éthique pour nous prémunir contre les erreurs humaines? Les enjeux environnementaux sont sérieux, multiples et complexes. Il

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est difficile d’ignorer aujourd’hui des phénomènes tels que le réchauffement de la planète, les menaces du nucléaire, la déforestation, l’épuisement des ressources non renouvelables, la désertification et la pénurie d’eau, la pollution des cours d’eau ou des nappes phréatiques, la fonte des glaciers, les changements

climatiques, la disparition de la couche d’ozone, l’extinction d’espèces végétales et animales, les pluies acides, l’épuisement et l’érosion des sols ou la perte de la biodiversité. Le rêve d’une société technologique comme la nôtre, générée par l’avènement de la révolution industrielle, est dès lors compromis; nos philosophes sur l’environnement annoncent même un appauvrissement sans retour de la Terre. Or, depuis quelques années, l’impact des médias de masse a fait naître un

sentiment d’insécurité chez la population, tantôt par la négation et le

désengagement, tantôt par l’inaction et le conservatisme. Une récente enquête conclut même que les jeunes sont inquiets face à l’avenir et qu’ils constatent une nette détérioration de l’environnement. Autrement dit, « plus leur jugement est pessimiste à l’égard de l’avenir de leur milieu de vie ou dans le monde, plus leur pessimisme s’accroît à l’égard de l’environnement » (Pronovost, Payeur et Robitaille 2009, p. 15).

Contexte de la table ronde

Une table ronde réunissant le personnel enseignant et des élèves de l’école Jean-Gauthier (Commission scolaire du Lac-Saint-Jean), qui offre le programme « Ressources fauniques et environnement », s’est tenue à Alma (secteur Saint-Cœur-de-Marie), en septembre 2009. Cette rencontre avait pour but de mieux comprendre les problématiques actuelles relatives à l’environnement auxquelles font face les jeunes. Ce programme optionnel est une formation échelonnée sur cinq ans, qui permet aux élèves d’explorer une multitude de facettes de

l’environnement, entre autres l’exploitation de la faune, sa conservation et la protection de son habitat, la gestion de la ressource, l’orientation et la survie en

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forêt, l’habitat du poisson, la pêche à la mouche, le trappage, la chasse à la sauvagine, l’aménagement de l’habitat et la cartographie.

Voir d’abord les aspects positifs des choses

La notion d’espoir renferme en elle-même une dynamique d’avenir que les élèves construisent au quotidien et qu’ils concrétisent dans diverses activités scolaires et parascolaires. Mais est-il exact de penser que les jeunes sont très pessimistes et qu’ils ont perdu espoir en ce qui a trait à l’environnement? La question est difficile et elle méritait d’être étudiée par les personnes qui participaient à la table ronde. Plusieurs ont rappelé que les médias véhiculaient leur lot de nouvelles négatives, comme le mentionnait une élève, Kim : « La nouvelle est amenée de façon

négative pour montrer le problème et dire “ Cela va mal, on ne sera jamais capable de prendre le dessus. ” Tout ce dont la nouvelle parle, c’est de recycler parce que la terre va mourir. Si c’est trop négatif, on ne peut tout simplement rien faire. » Pamela donne un autre son de cloche à ce sujet : « C’est vrai que les jeunes sont pessimistes, mais il y a une raison à tout. Ils se disent “ Si je ne fais pas attention, c’est pas grave. Les autres feront attention, cela ne changera rien ”. Si tout le monde se dit cela, il n’y a personne qui fait attention à l’environnement. » Kim ajoute : « Souvent, les élèves sont pessimistes, mais quand ils commencent à s’impliquer, alors ils deviennent positifs et trouvent des solutions à leurs

problèmes. On finit par arriver à quelque chose. Si tout le monde essaie de voir ce que l’on peut faire pour sauver la planète, alors ils deviennent plus positifs en faisant des efforts. »

On constate donc qu’il est important de voir le côté positif des choses et non seulement leur côté sombre. Jean, un enseignant, abonde dans ce sens : « Les jeunes sont un peu inquiets, mais en même temps, malgré les sondages, on peut observer beaucoup de positif chez eux. J’ai vu plein de jeunes, l’année passée et les autres années, qui sont positifs et confiants devant l’avenir et qui veulent

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s’investir. » D’après nos participants à la table ronde, tout n’est pas aussi négatif qu’on pourrait le supposer. Il existe donc chez nos jeunes des forces

insoupçonnées qui leur permettent de chercher et de trouver le côté positif des choses et de garder espoir en la vie.

L’espoir : une question de transmission

Mais comment parler d’avenir aux jeunes? Cela s’enseigne-t-il ou est-ce simplement une question de transmission? Selon Kim, « le sentiment d’espoir n’est pas une matière ni une formule mathématique. C’est à l’enseignant de trouver comment il peut amener ses jeunes à s’y intéresser et que lui-même s’intéresse à son sujet ». Pour leur parler d’avenir, il faut leur montrer qu’il existe des solutions et les conscientiser aux problèmes. Keven explique : « Oui, ils constatent qu’il y a un problème avec les déchets, mais en même temps, ils voient qu’il existe des solutions engageantes et motivantes. L’année dernière, on a travaillé à la fabrication et à la vente de vermicomposteurs à l’école. » Selon Jean (l’enseignant), l’espoir est une notion qui se communique et se transmet dans les petites actions : « L’espoir, c’est un sourire, une tape sur l’épaule, un clin d’œil, un compliment, c’est suivre un adulte qui est positif. » L’important est que

l’enseignante ou l’enseignant démontre le plus de cohérence possible entre ses actions et son discours, mettant ainsi en œuvre sa vision optimiste de l’existence.

Pour plusieurs, l’espoir en l’avenir consiste à mettre les jeunes en action par une approche pédagogique au quotidien. Jacques (un autre enseignant) en est

persuadé : « Sans action à entreprendre, on demeure dans le rêve. Quand les élèves voient que leur action peut compter, cela fait toute la différence. Il y a des groupes d’élèves qui accomplissent des choses, par exemple nettoyer une rivière,

revitaliser un secteur ou faire de l’ensemencement. Ces actions sont directes et cela rapporte. » Son collègue Jean apporte une nuance : « Pour susciter l’espoir et mettre en action les jeunes, le rôle de l’enseignant dans la classe est important. Les

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jeunes sont pleins de potentiel et d’espoir, mais souvent ils ont besoin d’un guide. J’ai affiché la citation suivante dans ma classe : “ Vous devriez être le changement que vous voulez voir dans le monde. ”. » Il rappelle la visée éthique du

programme « Ressources fauniques et environnement » de l’école Jean-Gauthier, en expliquant pourquoi on va chasser et pêcher : « Pour moi, c’est simpliste, mais le but premier est d’avoir du plaisir à venir à l’école. Si les jeunes décrochent de l’école, c’est parce qu’ils n’y prennent pas plaisir. » Ainsi, apprendre à l’école doit demeurer dans l’esprit d’une pédagogie de l’espoir, un jeu qui conduit à une réalité particulière où l’on construit le climat éducatif sans autres règles et contraintes que celles qu’on se donne à travers la relation pédagogique qui s’établit entre

l’enseignant et les élèves, puisque le principe du jeu est une « épreuve de soi » (Château 1967, p. 61) qui permet de devenir, par la maîtrise personnelle, une meilleure personne. Que j’aie le désir de rire, de crier ou de bouger, ce n’est pas cela qui commande le jeu, mais plutôt la mise en œuvre des compétences de l’enseignante ou de l’enseignant à guider les élèves de façon telle qu’ils puissent vivre dans les limites raisonnables de la classe.

Le climat éducatif de l’école a un impact certain sur l’attitude positive ou négative des élèves, comme l’affirme Élizabeth, en se référant à sa pratique enseignante : « Auparavant, l’école était souvent un milieu caractérisé par la sanction et où le couperet tombait vite. Maintenant, on essaie de travailler avec les forces des élèves et d’être en mode solution. On va essayer de faire en sorte que nos jeunes se

dépassent dans l’action. » Dans la mise en application d’une action, il faut

apprendre à consulter les élèves et ne pas se réfugier derrière un savoir théorique. Chez une enseignante ou un enseignant, la capacité d’écoute est une qualité essentielle qui permet d’apporter des solutions aux problèmes qui touchent les jeunes. Il existe une manière de faire les choses, comme en témoigne cette même enseignante : « On a tendance à prendre la direction des opérations, mais parfois, il

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faut que cela vienne des élèves eux-mêmes. Oui, on a des idées, mais les élèves en ont eux aussi! »

La prise de conscience de sa responsabilité

Les élèves portent en eux les questions relatives au développement durable et à la crise de l’environnement ainsi qu’aux conséquences possibles sur les générations futures. Ils en viennent à créer des liens importants pour stimuler les rapports intergénérationnels afin d’apporter des éléments de solution, puisque que la référence générationnelle « est un des rares lieux et liens sociaux qui s’inscrivent dans la durée » (Grand’Maison 2007, p. 197). Marc-Antoine commente ainsi : « Il faut savoir ce qu’il est possible de faire. C’est important pour les générations futures. Notre génération dit que c’est la faute des baby-boomers. Si nous avions vécu dans le même temps qu’eux, nous aurions probablement fait les mêmes choses. Il faut se mettre tous ensemble pour poser des gestes pour

l’environnement. » Kim ajoute son grain de sel à la discussion : « Les adultes disent toujours “ C’est à vous, les jeunes, de faire des efforts parce que c’est vous qui allez habiter la planète. ” Jusqu’à preuve du contraire, avant qu’ils meurent, ils vont eux aussi habiter sur la planète… Ce n’est pas seulement la population jeune, c’est tout le monde qui doit se conscientiser! » C’est donc dire que la crise de l’environnement concerne les élèves, mais aussi tous les citoyens et que les solutions ne s’appliqueront que par une conscientisation progressive de la collectivité. En ce sens, les jeunes sont d’excellents agents multiplicateurs pour entraîner un changement de mentalité à l’égard de la préservation de

l’environnement, comme le précise Élizabeth : « Dans le fond, on voit que l’école a une influence sur nos jeunes. On ne réalise pas toujours que les gestes que l’on pose peuvent avoir un impact. Il y a des élèves qui sont impliqués et qui

deviennent des agents multiplicateurs à la maison. La conscientisation fait son chemin. » La conscientisation collective sur la crise de l’environnement demeure une question de responsabilité personnelle. Être responsable signifie se porter

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garant d’une action ou répondre des actions que l’on pose. La responsabilité comporte un engagement moral et l’obligation de faire le nécessaire pour rendre les choses possibles. Pour que la responsabilité s’instaure, la personne reconnaît dans sa réflexion les conséquences d’une initiative ou d’une tâche ainsi que le « retentissement affectif » de l’imputabilité personnelle que l’on nomme le sentiment de responsabilité (Ladrière 1997, p. 148).

Les personnes qui participaient à cette table ronde sont d’accord pour soutenir que la responsabilité s’apprend au contact des autres et par l’application de gestes concrets, par exemple faire partie du comité de l’environnement à l’école. Elle s’acquiert donc par l’exemple de tous et de chacun et, pour les enseignants et les élèves, en se préoccupant de l’avenir qui se construit au fil des jours. Ainsi, ils deviennent progressivement plus responsables et sont alors conscients de préserver l’environnement et de contribuer à l’avancement de l’humanité dans leur

communauté respective.

M. Gervais Deschênes est chargé de cours à l’Université du Québec à Chicoutimi.

Références bibliographiques

BEAUCHAMP, A. Introduction à l’éthique de l’environnement, Montréal, Paulines et Médiaspaul, 1993.

CHÂTEAU, J. « Jeux de l’enfant », dans CAILLOIS, R. (dir.), Jeux et sports, Paris, Gallimard, 1967, p. 49-149.

GRAND’MAISON, J. Pour un nouvel humanisme, Montréal, Fides, 2007. LADRIÈRE, J. L’éthique dans l’univers de la rationalité, Montréal, Fides, 1997. PRADES, José A. L’éthique de l’environnement et du développement, Paris, PUF, 1995.

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PRONOVOST, G., C. PAYEUR et J. ROBITAILLE. Sondage sur les attitudes des jeunes à l’égard de l’environnement et de l’avenir, Québec, Fondation Monique-Fitz-Back, 2009.

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