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Rapprocher le droit de l'environnement et la réalité en Nouvelle-Calédonie. Des leviers d’amélioration de l’effectivité des normes juridiques environnementales en Nouvelle-Calédonie en faveur de la pérennité du patrimoine naturel.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Université des Antilles

Ecole Doctorale « Milieu insulaire tropical : dynamiques de développement,

sociétés, patrimoine et culture dans l’espace Caraïbes-Amériques » (ED 588)

Université des Antilles

ED 588 : Milieu insulaire tropical : dynamiques de développement, sociétés,

patrimoine et culture dans l’espace Caraïbes-Amériques

Laboratoire Caribéen de Sciences Sociales

Droit de l’environnement

Thèse dirigée par Carine DAVID

Professeur à l’Université des Antilles

présentée et soutenue par

Sylvine AUPETIT

Le 22 septembre 2020

Rapprocher le droit de l’environnement et la réalité

en Nouvelle-Calédonie

Des leviers d’amélioration de l’effectivité des normes juridiques

environnementales en Nouvelle-Calédonie en faveur de la pérennité du

patrimoine naturel

JURY : Président

M. Eric NAIM-GESBERT, Professeur, Université Toulouse 1 Capitole Rapporteur

Mme Guylène NICOLAS, MCF HDR, Université Aix-Marseille Examinateur

Mme. Sarah ROUY, Magistrate, Office Français de la Biodiversité

Thèse de doctorat

(2)

L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

(3)

Au Professeur Guy AGNIEL, pour sa générosité, ses blagues, ses conseils et son aide si précieux à tant d’occasions.

A Madeleine et Paolo, à Louis et Alexandre, en espérant contribuer à ce qu’ils bénéficient d’un environnement propice à leur bonheur.

(4)

Remerciements

Suite à cette expérience passionnante à divers titres, j’adresse toute ma gratitude :

A Carine David, pour sa confiance, son soutien, son rire, son amitié, ses qualités humaines et scientifiques ;

A tous ceux qui ont pris de leur temps précieux pour m’aider dans mes recherches : Caroline Rantien de l’ADEME, Franck Connan puis Christine Fort, de la DAFE, Caroline Groseil, Patrice Hervouët, Suzelle Wilson et Maud Peirano de la province Sud, Marie-Louise Frigère et Nathaniel Cornuet, de la province Nord, Emmanuelle Gindre et Sandrine Sana-Chaillé de Néré de l’Université de Polynésie Française, Victor David de l’IRD, Anne Caillaud, du groupe Outre-mer à l’UICN France, Lucile Sthal, avocate, et Luën Iopue, sociologue ;

A la province Sud qui m’a octroyé le Prix d’Encouragement à la Recherche pendant trois ans ;

A tous ceux qui n’ont jamais répondu à mes sollicitations : on se construit aussi face à soi-même ;

Aux membres de mon comité de suivi : Séverine Blaise, Emmanuel Coutures, Matthieu Junker et Catherine Sabinot pour leur bienveillance, leur confiance et leur sincérité ;

A tous ceux qui ont relu des bribes ou des chapitres entiers de ce travail : Vaimoé Albanese, Axelle Bouquet Bianchi, Céline Massenavette, Scarlett Mitran, Nicolas Rinck, Ornella Seigneury, Julie Taboulé, Binh Tran et Thierry Xozame ;

A tous ceux qui m’ont aidée à me relever quand je suis tombée, notamment : Belle-Sœur, Marie, Dowé, Mélu, Anna, Charline, Binh, Anne-Claire, Ju, Toinan, Stéphane, Cristina, Linda, Marya, Cathy, Macha, Almu, Chloé, Marion, Kev, Mylène ;

A ceux qui m’ont faite et qui ont, depuis, toujours été là pour moi : mes parents ; A mon merveilleux amoureux et père de mes enfants, mon talisman.

(5)

Droits d’auteurs

La feuille de style est inspirée de celle mise à disposition par l’université de Limoges selon le Contrat :

« Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de modification 3.0 France » disponible en ligne : http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

L’université de Limoges a été informée des adaptations apportées à son modèle pour une utilisation par une étudiante d’une université tierce.

(6)

Liste des principales abréviations

AJDA : Actualités juridiques de droit administratif

Al. Alinéa

Art. : Article CA : Cour d’Appel

CAA : Cour Administrative d’Appel CC : Conseil constitutionnel

CCCE : Conseil consultatif coutumier de l’environnement CCE : Conseil consultatif de l’environnement

CCM : Conseil consultatif des mines CE : Conseil d’Etat

CEDH : Cour européenne des droits de l’homme

CESE : Conseil économique, social et environnemental national

CESE-NC : Conseil économique, social et environnemental de la Nouvelle-Calédonie CJCE : Cour de justice des communautés européennes

éd. Edition

EEE : Espèces exotiques envahissantes

Ibid. : Ibidem

ICPE : Installations classés pour la protection de l’environnement JCl. : Jurisclasseur

JCP : Semaine juridique

JONC : Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie

JORF : Journal officiel de la République Française

op.cit. : œuvre citée préalablement

p. : page

p.p. : pages

QPC : Question prioritaire de constitutionnalité Rec. : Recueil Lebon

RDP : Revue de droit public et de science politique en France et à l’étranger RDPC : Revue de droit pénal et de criminologie

RFDA : Revue française de droit administratif RJE : Revue juridique de l’environnement

RSC : Revue juridique de sciences criminelles et de droit pénal comparé

s. : suivant

TANC : Tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie TAPF : Tribunal administratif de la Polynésie française

(7)

Sommaire

Introduction ... 8 Partie I - Vers des modalités d’élaboration des normes environnementales locales

favorisant leur appropriation par les usagers ...56 Titre 1 - Le droit de l’environnement en Nouvelle Calédonie, un patchwork en quête de cohérence globale ...59

Des normes environnementales locales écartelées entre plusieurs sources Chapitre 1

...61 De nouvelles conditions de légalité externe, vers une meilleure effectivité Chapitre 2

-des dispositions environnementales de la Nouvelle-Calédonie et -des provinces ? .... 105 Titre 2 - La nécessaire ouverture des normes environnementales locales à d’autres légitimités que celle de la stricte démocratie représentative ... 167

L’élaboration du droit local à l’épreuve des droits constitutionnels d’accès Chapitre 1

-à l’information environnementale et de participation du public aux décisions ayant une incidence environnementale ... 170

Les contraintes juridiques environnementales dans une société divisée 225 Chapitre 2

-Partie II - Vers une architecture pénale incitant au respect des normes environnementales locales ... 287

Titre 1 - L’infraction en matière environnementale : une compétence locale contrainte par le droit national ... 290

L’incrimination environnementale locale : une compétence locale Chapitre 1

-finalement peu émancipée ... 292 La détermination des sanctions encourues, des compétences à géométrie Chapitre 2

-variable ... 349 Titre 2 - Une vision prospective de la sanction environnementale locale ... 407

Les sanctions possibles pour assoir le caractère dissuasif des infractions Chapitre 1

-locales portant atteinte au patrimoine naturel ... 409 Le suivi du respect des dispositions environnementales locales par la Chapitre 2

-Nouvelle-Calédonie et les provinces ... 460 Conclusion……….…..512

(8)

Introduction

« Langage de la société, le droit est également ˮlangage des valeursˮ. »   Catherine LE BRIS1

1. L’Histoire de la Nouvelle-Calédonie l’a dotée d’une immense diversité linguistique. Plus de vingt-huit langues kanak existent aujourd’hui, chaque vague migratoire a introduit de nouvelles langues d’Océanie, d’Asie ou d’Europe et le français, langue officielle, est la langue véhiculaire de ses moins de trois cent mille habitants.2

Cette diversité linguistique implique une diversité de perceptions du monde. Si, comme un langage, le droit traduit une perception du siècle, le droit local doit donc faire écho à cette diversité.

2. En effet, « si l’on souhaite garantir l’efficacité du droit, il faut admettre qu’il n’est pas

indifférent au lieu dans lequel il s’exerce »3, ni aux gens à qui il s’adresse. Ce constat est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’un droit portant sur la nature environnante. En l’occurrence, au-delà de l’humain, tout le vivant hébergé en Nouvelle-Calédonie se caractérise par son immense diversité. Les espaces terrestres et marins de l’archipel4 hébergent une richesse faunistique et floristique exceptionnelle, très largement endémique, et reconnue au niveau mondial pour sa valeur inestimable et son extrême vulnérabilité5.

Partant du principe que cette richesse doit être préservée, le droit applicable localement doit donc conjuguer non seulement les enjeux humains entre eux, mais aussi les accorder avec les enjeux environnementaux. Prenant acte du fait que le patrimoine naturel est en

1 Catherine LE BRIS, « Le droit comme « langage de la société » », Droit et société, 2014/3, n° 88,

pp. 747‑58.

2

Lire à cet égard, par exemple, Séverine BLAISE, « Le rôle de la culture dans les politiques de développement durable », Revue Francophone du Développement Durable, 2015, no 5, pp. 5‑31 ou Anne-Laure DOTTE, Stéphanie GENEIX-RABAULT et Leslie VANDEPUTTE, « Noumea at the Crossroad of New Caledonian Multilinguialism: Diasporas and Linguistic Norms », Amerasia Journal, 2017, Volume 43, pp. 13‑32.

3

Lucile STAHL, « Le droit de la protection de la nature et de la biodiversité biologique dans les

collectivités françaises d’outre-mer » Thèse de l'université Jean Moulin Lyon 3, 2009, p.53 4

Près de 20 000 km² émergés (la Grande-Terre, scindée entre les provinces Nord et Sud, les Iles Loyauté, qui constituent une troisième province, conformément aux articles 1er et 45 de la loi organique modifiée 99-209 du 9 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, et les îlots inhabités Huon et Surprise, les îles Chesterfield et les récifs Bellone, l'île Walpole, les îles de l'Astrolabe, les îles Matthew et Fearn ou Hunter, conformément aux articles 1er et 20 de la loi organique susmentionnée), bordés de 24 000 km2 de lagons et 350 km² de mangrove, puis 1 740 000 km² de la mer de Corail.

5

Lire à cet égard, par exemple, Céline GOMEZ et al., « Wildfire risk for main vegetation units in a biodiversity hotspot: modeling approach in New Caledonia, South Pacific », Ecology and Evolution, 2015, 5(2), pp. 377‑90, https://doi.org/10.1002/ece3.1317.

(9)

grande partie irremplaçable6, il doit articuler les besoins des générations présentes et futures.

3. Le droit français n’exclut d’ailleurs pas que le droit néo-calédonien puisse être déterminé par les réalités locales. Son statut au sein de la République Française, spécifiquement encadré par la loi organique modifiée n°99-209 du 19 mars 2009 relative à la Nouvelle-Calédonie, lui octroie une autonomie exceptionnelle en droit français. Le droit néo-calédonien a donc vocation -ou opportunité- à traduire le plus justement les exigences et contraintes locales, dans les conditions prévues par ce statut d’exception.

4. On ne saurait cependant réduire le droit au verbe. Son intérêt, « en tant que discours

prescriptif, [est d’assurer] une fonction de direction des conduites humaines qui lui est consubstantielle »7. Cette fonction, en matière environnementale, ne peut s’exercer que

solidement ancrée dans la réalité.

5. « [Les] terres [du droit de l’environnement] ne sont pas seulement lisibles dans les

Codes, les manuels et les jurisprudences, elles se parcourent réellement. »8 C’est en tant

que levier d’action d’une politique publique que, catalyseur de la convergence des comportements humains et des impératifs environnementaux, il peut concourir à la protection du patrimoine naturel néo-calédonien. C’est en cela qu’il est l’objet de ce travail de recherche.

Il s’agit de rendre caduc le constat selon lequel « le droit de l’environnement, si son

affirmation a été rapide, illustre singulièrement l’écart qu’il peut y avoir entre la norme et le fait »9. Le défi est d’autant plus conséquent que son rôle attendu, « rien de moins que d’assurer la protection de l’environnement pour, in fine, préserver « l’existence même de

l’humanité », selon les termes employés dans la Charte de l’environnement - exacerbe

nécessairement la tension entre la norme et le fait. »10 La catastrophe sanitaire qui secoue l’humanité en 2020 ne doit surtout pas faire perdre de vue cette réalité.

6. Thèse en Droit, le discours reste cantonné aux considérations juridiques stricto sensu. Pourtant, lato sensu « le phénomène juridique […] désigne l’ensemble des pratiques par

lesquelles un groupe social entend régler les conduites en son sein. »11 En effet, Montesquieu remarquait déjà que « Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la

6 Par exemple, Valérie BOISVERT, Leslie CARNOYE, et Rémy PETITIMBERT, « La durabilité forte :

enjeux épistémologiques et politiques, de l’économie écologique aux autres sciences sociales ». Entretien avec Valérie Boisvert mené par Leslie Carnoye et Rémi Petitimbert, Développement

durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie, 2020, Volume 11, n°2

https://doi.org/10.4000/developpementdurable.13837.

7

Julien BETAILLE, « Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne : illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement », Thèse de l'Université de

Limoges, 2012, p.8.

8 Eric NAIM-GESBERT, « Pour une théorie générale du droit de l’environnement », Revue Juridique de l’Environnement, 2014/1, Volume 39, pp. 5‑6.

9

BETAILLE, « Les conditions juridiques de l’effectivité de la norme en droit public interne :

illustrations en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement », op.cit. p.44. 10

Ibid. p.48.

11 Roland RICCI, « Le statut épistémologique des théories juridiques : essai de définition d’une

(10)

religion, les maximes du Gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières ; d'où il se forme un esprit général qui en résulte. »12

7. L’objet de ce travail est de proposer des leviers juridiques susceptibles de contribuer à rapprocher le droit de ses destinataires par un double mouvement. Le premier vise à mûrir des normes qui tiennent au mieux compte non seulement des enjeux écologiques déterminés scientifiquement mais aussi de leur acceptabilité sociale, des attentes et de l’expertise d’usage de ses divers destinataires. Le second vise à prévoir une architecture pénale qui incite au respect de ces normes. L’objectif est que l’élaboration d’une norme environnementale et sa présence dans l’ordre juridique stimule effectivement des comportements favorables à la pérennité du patrimoine naturel néo-calédonien. Il importe donc de clarifier les caractéristiques du droit de l’environnement néo-calédonien, au sein du droit national (section 1) et ce en quoi l’effectivité de ce droit doit être recherchée (section 2).

Le droit de l’environnement néo-calédonien, un édifice juridique en cours Section 1

-d’élaboration en faveur de la pérennité du patrimoine naturel local

8. Le droit de l’environnement néo-calédonien, en ce qu’il est établi localement conformément à la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, se démarque singulièrement du droit national (§2). Son objet même, disposer d’un patrimoine naturel conforme aux ambitions politiques locales n’est en effet pas forcément superposable à celui du droit national (§1).

§ 1 - Le patrimoine naturel en Nouvelle-Calédonie, une valeur immense perçue sous diverses facettes

9. L’objet du droit de l’environnement envisagé dans ce travail de recherche est le patrimoine naturel néo-calédonien. Cette expression, outre sa réalité matérielle (A), intègre une notion de patrimoine qui souligne notamment sa dimension vitale et intergénérationnelle (B).

A - L’objet du droit de l’environnement local, le patrimoine naturel

10. Attribuer au droit de l’environnement la mission de pérenniser le « patrimoine naturel », ou du moins lui faire désigner l’ensemble des dispositions ayant une incidence sur ce patrimoine naturel, renvoie à deux vérités vérifiées localement. En premier lieu, l’« environnement » connait une définition trop large pour être concrètement appréhendée par des normes juridiques. À l’inverse, le patrimoine naturel peut être inventorié. L’ensemble des comportements stimulés par le droit de l’environnement doit impacter positivement le patrimoine naturel et, de façon plus diffuse, l’environnement (1). En second lieu, le patrimoine naturel est une réalité non seulement écologique, mais aussi un élément fondamental du patrimoine culturel, voire identitaire (2).

1 - Le patrimoine naturel, composante « tangible » de l’environnement

11. L’« environnement » est d’abord défini par le dictionnaire Larousse comme « ce qui

entoure de tous côtés ». Cela illustre la difficulté à cerner l’objet du Droit de

l’environnement, alors tentaculaire. « Bien que très largement utilisé aujourd’hui dans

l’intitulé de formations universitaires voire de disciplines scientifiques, l’environnement n’est

12

(11)

pas un concept scientifique. L’analyse socio-historique de la pénétration de cette notion dans les sphères institutionnelles montre que sa définition est largement tributaire d’enjeux économiques et sociaux historiquement situés. »13 La Nouvelle-Calédonie connait d’ailleurs

probablement une acception plurielle de l’environnement.

12. On pourrait penser résumer le droit de l’environnement local au contenu des Codes éponymes. Ce serait pourtant s’éloigner de sa vocation à assurer la pérennité du patrimoine naturel. Si de nombreuses dispositions en faveur du patrimoine naturel ne figurent pas dans les Codes de l’environnement, on peut aussi y trouver des dispositions qui n’ont qu’un effet mineur sur sa pérennité.

13. Par exemple, les « publicités, enseignes et préenseignes » sont traitées dans des Codes de l’environnement, en Métropole ou en province Sud. Toutefois, ces affichages n’ont aucun impact en soi sur le fonctionnement des écosystèmes, sur l’érosion de la biodiversité ou le réchauffement climatique. Ils sont en premier lieu une nuisance visuelle pour le public, comme le souligne le fait qu’ils figurent sous un tel intitulé14.

14. À l’inverse, le constat de Raphaël ROMI selon lequel « La loi du 26 octobre 2005,

adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, […] livre une définition de l'environnement […] extensive [posant], ce qui tranche un débat de la doctrine, que la santé est intégrée à l'environnement, pour autant qu'elle « est » ou « puisse être » « altérée par des éléments de l'environnement » » peine à s’appliquer en

Nouvelle-Calédonie. L’environnement et la santé y relèvent d’administrations distinctes, attribués respectivement aux provinces et à la Nouvelle-Calédonie par la loi organique15.

15. Il n’en reste pas moins vrai, localement comme ailleurs, que « c'est l'existence

d'atteintes aux éléments de l'environnement ou à leur interrelation qui fait l'appartenance au Droit de l'environnement. Celui-ci se définit donc comme tout le Droit qui touche à l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, et au-delà, si le juge ou le législateur le veulent puisque celui-ci a inclus dans sa rédaction un « notamment » qui laisse une large place à l'évolution à venir. Cet inventaire recouvre le champ du droit de l'environnement défini par les auteurs spécialistes du domaine. Un noyau central le compose, autour duquel ses contours, plus

13 Chantal ASPE et Marie JACQUE, « La prise en charge publique du champ de l’environnement », Natures sociales, 2012, pp. 83‑104. p.83.

14

De la même façon, le Code national traite par exemple des nuisances visuelles causées par les câbles à haute tension et nuisances lumineuses. Si les câbles haute tension et les lumières artificielles nocturnes impactent effectivement l’environnement, notamment l’avifaune, cette considération est accessoire par rapport à la nuisance causée à l’Homme, du moins parmi les justifications de l’adoption de ces dispositions. Le titre où elles figurent est d’ailleurs celui du « cadre de vie ».

15

Articles 20 et 22 de la loi organique susmentionnée. La scission entre énergie et environnement est tout aussi surprenante. La Nouvelle-Calédonie se structure en effet, depuis 1988, en trois provinces, en charge des compétences les plus larges, dont l’environnement. La province des Iles et la province Nord sont moins peuplées et les habitants sont majoritairement kanak. Elles ont toujours été présidées par les indépendantistes. La province Sud est la plus riche et accueille les trois-quarts des habitants de la Calédonie. La province Sud et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ont toujours été présidés par des loyalistes. Ces différents contextes laissent deviner différentes approches de l’environnement et du droit de l’environnement.

(12)

flous, intègrent ou touchent de près le droit de l'urbanisme et le droit rural […] ou le droit agricole. »16

16. Rejetant une vision anthropocentrique « comme débouchant inévitablement sur la

domination de la nature par l’homme sans égard aux relations biologiques de l’homme avec la nature », l’environnement peut être perçu, de façon similaire à l’écologie scientifique,

comme « l’expression des interactions et des relations entre les êtres vivants (dont

l’homme) entre eux et avec leur milieu. »17

17. Si l’environnement est délicat à cerner dans sa matérialité, il est peut-être plus opportun de recourir à la notion de patrimoine naturel18. Son anthropocentrisme le rend plus accessible au droit, science humaine qui n’existe que par le fait de l’Homme. Le droit local, dans la lignée du droit national, ne se prive pas de cette référence.

18. En effet, si le patrimoine commun de la Nation n’est pas exclusivement un patrimoine naturel, celui-ci en fait explicitement partie19.

16

Raphaël ROMI, « Environnement- Droit de l’environnement », in Encyclopædia Universalis, consulté le 2 juin 2017, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/environnement-droit-de-l-environnement/.

17

Michel PRIEUR, Précis de droit de l’environnement, 7e éd., Précis DALLOZ, Dalloz, Paris, 2016, p.7.

18 La diversité des perceptions de l’environnement est résumée dans les premiers mots de l’ouvrage

de référence de Michel PRIEUR : « L’environnement notion caméléon. L’environnement est un mot

qui au premier abord exprime des passions, des espoirs, des incompréhensions. Selon le contexte dans lequel il est utilisé, il sera entendu comme étant une idée à la mode, un luxe pour pays riches, un mythe, un thème de contestation issu des idées hippies et soixante-huitardes, un retour à la bougie, une nouvelle terreur de l’an 1000 liée à l’imprévisibilité des catastrophes écologiques, les fleurs et les petits oiseaux, un cri d’alarme des économistes et philosophes sur les limites de la croissance, l’annonce de l’épuisement des ressources naturelles, un nouveau marché de l’anti-pollution, une utopie contradictoire avec le mythe de la croissance. Mais l’environnement est devenu avec la notion de développement durable et la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Rio, 1992) une préoccupation majeure non seulement des pays riches mais aussi des pays pauvres. Aujourd’hui éclate au grand jour ce qui résultait depuis fort longtemps des réflexions des naturalistes et écologues, à savoir que l’homme comme espèce vivante fait partie d’un système complexe de relations et d’interrelations avec son milieu naturel. Il en résulte que toute action humaine a des effets directs ou indirects insoupçonnés. De ce fait, l’environnement est l’ensemble des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel l’homme vit. » (PRIEUR, Précis de droit de l’environnement)

19 Le terme « patrimoine » est utilisé avec parcimonie dans le bloc constitutionnel, n’y figurant qu’à

quatre reprises. La Constitution de 1958 le mentionne à l’article 75-1 lorsqu’elle proclame que « les

langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » puis de façon plus commune aux

articles 47-2, à propos du patrimoine des administrations publiques, et 74, à propos des mesures que peuvent prendre les collectivités en faveur de la protection du patrimoine foncier. La Constitution propose une acception de l’environnement « patrimoine commun des êtres humains » renvoyant au patrimoine naturel. La Charte de l'environnement de 2004, constitutionnalisée par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement considère « que l'environnement est le patrimoine commun des êtres humains », dont « la préservation de

l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ». Sans toutefois les désigner expressément comme composantes de ce patrimoine

commun, elle mentionne : « les ressources et les équilibres naturels », le « milieu naturel », « les

(13)

19. Le Code national reflète le sens donné au patrimoine naturel par la déclaration de Stockholm adoptée par la conférence des Nations Unies sur l’environnement en 1972 : un « patrimoine constitué par la faune et la flore sauvage et leur habitat ». Il le complète désormais, inventoriant les « richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques,

pédologiques, minéralogiques et paléontologiques » et précisant qu’il concerne « le territoire national terrestre, fluvial et marin »20. Pourtant, il est surprenant que le livre IV s’intitule « patrimoine naturel »21, comme si le reste de ce Code ne visait pas à sa préservation. Cela souligne combien le droit national reste otage des strates de textes successifs et des visions parcellaires qu’ils proposaient. Certains corpus se juxtaposent ou sont répartis dans le Code de l’environnement national sans forcément transcrire l’exhaustivité de l’objet du droit de l’environnement. Il semble en tout cas que, en droit national, le patrimoine naturel est une partie de l’environnement.

20. Localement, les trois Codes de l’environnement existant en Nouvelle-Calédonie, révèlent, sous des formulations très largement inspirées du droit national, des approches du patrimoine naturel et de l’environnement propres à chacune des trois provinces.

21. Les provinces Nord et Sud ont listé presque unanimement, chacune dans l’article 110-2 de son Code de l’environnement, ce qui fait partie de leur patrimoine commun. Elles citent toutes deux « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les

espèces animales et végétales la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent » 22.

La province Sud ne définit pas parallèlement l’environnement. La province Nord précise, pour sa part, l’envisager « comme l'ensemble des conditions qui permettent le

développement et la préservation de la vie »23. Un tel ensemble ne saurait jamais faire l’objet d’une énumération exhaustive.

Plus précisément mais dans la même philosophie, le point I de l’article L110-1 du Code l’environnement national établit que : « Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et

marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. […] Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.

On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants.»

Notons enfin que l’article L101-1 du Code de l’urbanisme national dispose que : « Le territoire

français est le patrimoine commun de la Nation. » Si la notion de territoire mêle en effet joyeusement

nature et culture, l’urbanisme allie justement (entre autres) les surfaces construites et végétalisées -sauvages ou non.

20 Article L411-1A du Code national de l’environnement. 21

À ce sujet, Chantal CANS, « La protection de la nature dans la loi portant engagement national

pour l’environnement ou comment picorer dans une loi pour reconstruire une génétique des normes », Revue Juridique de l’Environnement, 2010/5, n° spécial, pp. 95‑113.

22

Au Sud, sont ajoutés « la qualité de l'air, de l'eau et des sols » mais aussi « les écosystèmes et les services qu'ils procurent ». Le Code de la province Nord précise que seules les espèces végétales et animales « autochtones » sont concernées. Le détail n’est pas anodin car les espèces exotiques peuvent être, au contraire, des menaces sur la biodiversité.

(14)

22. Le Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté ne mentionne pas explicitement de « patrimoine », justement pour prévenir toute connotation anthropocentrique. Son préambule évoque « la richesse exceptionnelle de la diversité

naturelle et culturelle des îles Loyauté préservée coutumièrement par ses habitants ».

Ces Codes n’intitulent aucune de leurs subdivision « patrimoine ». Il semble que le patrimoine mentionné en exergue, ou la richesse exceptionnelle de la diversité naturelle et culturelle, recouvre les éléments tangibles de l’environnement dont chaque province entend favoriser, par ses dispositions, la pérennité.

23. La notion de patrimoine naturel semble néanmoins pouvoir s’étoffer d’une dimension culturelle, identitaire.

2 - La culture, composante plus locale du patrimoine naturel

24. La nature apparait, en premier lieu, comme « le monde physique, l'univers, l'ensemble

des choses et des êtres, la réalité ; l’ensemble de forces ou principe supérieur, considéré comme à l'origine des choses du monde, de son organisation. »24 Ceci renvoie à la notion

de physis, la « naissance », natura en latin, qui désigne, pour les Grecs, la « question

fondamentale »25.

25. Dans cette physis, la Nature ne se distingue pas par une existence indépendante de l’Homme. Il n’en est ni le créateur ni le fruit exclusif, il en est un élément. Largement traitée dans la philosophie depuis les présocratiques, elle a une dimension métaphysique. Cette dimension dépasse largement le cadre de cette réflexion mais dénote l’importance vitale, à la fois biologique et identitaire, de la Nature.

26. Le simple fait d’étudier notre patrimoine naturel, d’y fonder de nos croyances, de nos valeurs, d’y enraciner notre coutume, d’en encadrer les usages… suffirait à le dépouiller de cet adjectif. Il est donc impensable d’opposer patrimoine naturel et culture : les deux s’articulent inévitablement. Cette vérité s’impose avec une autorité particulière en Nouvelle-Calédonie. Parmi une multitude d’exemples possibles,

« Mentionnons […] la rencontre de l'anthropologie avec la botanique et la zoologie,

qu'illustre notamment l'analyse d'André-Georges HAUDRICOURT, en Nouvelle-Calédonie : étudiant les modes de reproduction des tubercules par clones, il est conduit à rapporter ce système de culture à la représentation du clan, de l'étranger, de la nature et de la culture. Le souci de repenser les rapports de la nature et de la culture justifie cette interdisciplinarité dont tous les courants anthropologiques ont admis la nécessité à la lumière des apports de l'écologie culturelle américaine. En France, l'ethno-science se donne comme objectif, selon Jacques BARRAU, de s'occuper « des modes humains de perception, de représentation et d'utilisation des

environnements naturels et de leurs ressources », ainsi que des processus de

coévolution des systèmes naturels et sociaux ». »26

24

Dictionnaire Larousse, 2017.

25

Pierre AUBENQUE, « Physis », in Encyclopædia Universalis, consulté le 21 avril 2017, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/physis/.

26

Élisabeth COPET-ROUGIER et Christian GHASARIAN, « Anthropologie », in Encyclopædia

(15)

27. Dans la loi organique statutaire, le terme de patrimoine n’apparait que dans sa dimension culturelle27. Or, la culture kanak est largement fondée sur le lien à la terre, ce qui induit une porosité des patrimoines naturel et culturel. La Charte du peuple Kanak 28, ou socle commun des valeurs kanak, proclamée sous l’égide du Sénat coutumier, consacre ainsi que « le lien à la terre traduit la relation charnelle et spirituelle d’un clan avec l’espace

naturel où se situe son tertre d’origine où apparut l’ancêtre et avec les espaces des tertres successifs qui jalonnent son histoire. Plus largement, le lien à la terre traduit la relation affective liant la famille/ le clan et la terre qui l’a vu naître et grandir. »29

De façon encore plus englobante, cette Charte souligne que « Les valeurs de cohésion,

d’harmonie et de consensus impliquent en permanence la recherche de l’équilibre entre l’Homme composante de son collectif (famille-clan), son groupe social, entre la société et la nature environnante. »

28. Deux des Codes de l’environnement locaux officialisent d’ailleurs l’imbrication entre culture et nature. Le Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté insiste sur « la relation particulière des Kanak avec la nature et […] l’existence de modes de gestion et

d’utilisation traditionnelles des milieux et ressources naturels. »30 Celui de province Nord affirme que « L'identité kanak, en particulier, est fondée sur un lien spécifique à la terre et à

la mer. ». En outre, il contient des dispositions relatives au patrimoine culturel31.

29. Le sens prêté au patrimoine naturel dans cette recherche contient donc, outre les éléments tangibles de l’environnement, une forte dimension culturelle, particulière dans le contexte propre à la Nouvelle-Calédonie. En effet, la culture kanak rend chacun indissociable de son environnement. L’expression « patrimoine naturel » a enfin pour avantage d’intégrer les connotations « patrimoniales ».

B - Le patrimoine naturel, héritier de la notion de patrimoine

30. Si le pourtour du patrimoine naturel se précise, restent à relever les diverses connotations que la notion de patrimoine s’est vue ajouter au fil du temps.

27

Article 215 de la loi organique susmentionnée : « Dans le but de contribuer au développement

culturel de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci, après avis des provinces, conclut avec l'Etat un accord particulier. Celui-ci traite notamment du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou.

[.. .] ».

28

Délibération n° 06-2014/SC du 15 juillet 2014 constatant la proclamation et portant adoption de la Charte du peuple kanak fixant le Socle commun des valeurs et principes fondamentaux de la civilisation kanak.

29

Chapitre 1er du socle commun des valeurs kanak.

30 Préambule du Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté.

31 La province Sud, au moment de la codification, a d’ailleurs scindé la délibération 14-90 du 28 mars

1990 relative à la protection et à la conservation du patrimoine dans la province Sud, distinguant sans ambiguïté les patrimoines naturel au sens strict et culturel. À l’inverse, le Code de province Nord contient, dans le livre « protection et valorisation du patrimoine naturel », un titre « sites et patrimoine » faisant la part belle au patrimoine culturel, voire identitaire. Il concerne en effet ce qui peut être considéré comme essentiel « au regard de l'identité et la mémoire collective des citoyens

de la Nouvelle-Calédonie » notamment « les sites sacrés, archéologiques, paysagers ou traditionnels ainsi que les lieux de mémoire [ainsi que] les œuvres du patrimoine kanak, les ensembles bâtis et industriels, les mobiliers et œuvres d'arts, les manuscrits et archives ainsi que les objets archéologiques et paléontologiques.»

(16)

1 - La dimension économique et matérielle du patrimoine naturel

31. Une relation existe inévitablement entre les questions économiques et environnementales. Les premiers « économistes » se présentant comme tels, les Physiocrates, considéraient ainsi que les seules lois légitimes à encadrer l’économie sont celles, universelles, de la nature. Les Classiques, leur succédant, corrélaient les sphères économique, sociale et naturelle sans les hiérarchiser. Ces sont les Néoclassiques, au XXe siècle, qui ont fait prévaloir la rationalité économique comme un déterminant des enjeux sociaux et environnementaux32. Comme sous l’effet d’un balancier, le concept de durabilité a d’ailleurs commencé à mûrir, à partir des années 1970, quand le mode de développement alors mis en œuvre a fait apparaître les limites de l’environnement33.

32. Si, « dans un sens économique passé en français courant, le patrimoine se réfère

surtout à l’ensemble des avoirs d’une personne qui lui permettent de vivre, ce qui se rapporte à son capital […] » 34

, une telle définition peut se transposer, du moins pour partie, au patrimoine naturel.35

33. Le capital naturel est alors « l'ensemble des biens et services fournis par la nature,

c'est-à-dire les ressources naturelles mais aussi les services écologiques tels que l'épuration permise par les océans, les grands équilibres bio-géochimiques, l'équilibre climatique, etc. La dégradation environnementale s'interprète dès lors comme une dépréciation du capital naturel dont l'économie de l'environnement a vocation à éclairer les modalités de gestion. »36

Des économistes ont pu débattre sur la durabilité du développement en interrogeant la possibilité, au sein du capital global légué de générations en génération, de substituer du capital naturel par du capital technique. Aujourd’hui, il apparaît que « ce raisonnement

souffre plusieurs limites. En premier lieu, la nature ne se réduit pas à un stock de ressources, elle nous fournit des services écologiques dont certains ne sont pas substituables : ni le travail des hommes, ni la technique ne sauraient se substituer à la photosynthèse. [En outre, il] ne tient pas compte des effets involontaires et hautement dommageables de nos techniques. »37

Le terme de « patrimoine naturel » est donc approprié aussi pour le fait qu’il implique un capital propre, qui procure des services. Eminemment anthropocentrée, cette dimension

32

Sylvie FAUCHEUX, Nature, Société, Economie : quelle régulation pour le développement durable?, MOOC « Le développement durable, un levier de croissance » session 1 (2016).

33

Donella MEADOWS et al., The Limits to Growth (First Report to the Club of Rome), New American Library, (New York: Club de Rome, 1972). (En français : Halte à la Croissance).

34

Pierre-Laurent FRIER, « Patrimoine », in Dictionnaire de la culture juridique (Lamy, PUF, 2003).

35

En ce qui concerne le patrimoine naturel, comme pour le patrimoine vérifié traditionnellement par le notaire, un calcul comptable peut être fait dès lors qu’on s’accorde sur une valeur chiffrée. Si cette approche peut avoir une grande utilité, par exemple en ce qui concerne les assurances, ce n’est pas du tout celle qui sert cette thèse.

36 Sylvie FAUCHEUX, « Économie de l’environnement », in Encyclopædia Universalis, consulté le 3

mai 2017, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/economie-de-l-environnement/. Une étude a questionné plus spécifiquement la soutenabilité de la trajectoire de développement de la Calédonie (Cécile COUHARDE et al., « Vulnérabilité et développement soutenable en Nouvelle-Calédonie », Mondes en développement, 2011/2, n°154, , pp.65-85.).

37

Dominique BOURG et Kenny WHITESIDE, Vers une démocratie écologique. Le citoyen, le savant

(17)

n’en est pas moins réelle. Selon les interlocuteurs, elle peut être prépondérante dans les choix individuels ou politiques d’œuvrer à une durabilité forte ou faible.

34. Par ailleurs, il ne prête pas à débat que le patrimoine naturel permet la vie. Parmi toutes les composantes de l’univers, un écosystème tel que celui de la Terre est a priori la condition sine qua non de la vie au sens premier, biologique, pour toutes les espèces dont l’Homo sapiens sapiens. La déclaration de Stockholm, depuis près de cinquante ans, proclame que « l’homme est à la fois créature et créateur de son environnement, qui

assure sa subsistance physique et lui offre la possibilité d’un développement intellectuel, moral, social et spirituel, […] environnement […] dont dépendent notre vie et notre bien-être »38. Outre le fait que nature et culture y sont mêlées, le caractère vital de l’environnement en tant que patrimoine naturel y est souligné.

Il est d’ailleurs établi au sommet de la hiérarchie des normes françaises que « l'avenir et

l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel. » 39 Cela souligne à nouveau le fait que le patrimoine naturel mêle, comme le patrimoine au sens strictement juridique, les dimensions de l’avoir et de l’être.

35. Symétriquement à la définition classique de droit privé du patrimoine « ensemble

(universalité) des biens appartenant à un sujet de droit » 40, la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel signée à Paris en novembre 1972 sous l’égide de l’UNESCO considère explicitement les « biens » inscrits comme « éléments » constitutifs du patrimoine naturel41. Un parallèle existe donc, qui ne renvoie toutefois pas à une stricte vérité juridique.

36. Historiquement, en droit « français », la nature et la terre ont pu être deux catégories de « choses » distinctes de celle des « biens ». Les Francs distinguaient « trois catégories

de degré dans l’emprise humaine sur les choses. […] A l’égard de la nature, le Franc entretient un rapport qui n’est pas de souveraineté ou de maîtrise corporelle mais plutôt d’identification. […] La terre, élément du cosmos, n’est pas un bien patrimonial, elle n’est pas davantage un bien commun, elle échappe à toute forme d’appropriation, elle est l’ensemble naturel qui permet la vie. Cependant, lorsqu’elle est conquise, défrichée, maîtrisée par la succession des générations et la solidarité de tous, elle est appropriée […] La terre héritée des ancêtres n’est pas un bien personnel. Le cercle des biens ne concerne que […] l’objet sur lequel le propriétaire peut apposer son signe. C’est tout ce qui n’est pas la nature ou la terre travaillée, tout ce qui est précaire, périssable et qui peut être volé. […] Ils sont l’expression concrète de l’existence de l’individu au sein du groupe familial ou clanique. »42

37. Le droit romain a pourtant pu imprimer la notion de bien immeuble dont fait partie en premier lieu la terre et ses accessoires. « Les exigences de la publicité foncière et le

contrôle social de plus en plus pesant sur l’usage de l’immeuble ont réintroduit, derrière le

38 Déclaration de Stockholm de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement du 16 juin

1972.

39 Charte de l’environnement, constitutionnalisée par la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er

mars 2005 relative à la Charte de l'environnement.

40

FRIER, « Patrimoine ». op.cit.

41

« Considérant que certains biens du patrimoine culturel et naturel présentent un intérêt

exceptionnel qui nécessite leur préservation en tant qu'élément du patrimoine mondial de l'humanité tout entière […] ».

42

(18)

critère de la stabilité, la vieille opposition individu-corps social : d’un côté les biens territoriaux et assimilés, de l’autre tout le reste, soumis à la maîtrise individuelle quasi-totale. »43

38. La terre et ses accessoires peuvent donc aujourd’hui relever du domaine de personnes privées ou publiques, auquel cas ils peuvent en constituer un domaine privé ou public. Dans ce dernier cas, leur dimension de patrimoine commun est traduite concrètement puisque ces espaces sont gérés au profit de tous.

Figure 1 : Les statuts fonciers terrestres (2019), ADRAF Source : http://www.adraf.nc

39. Le patrimoine naturel se distingue donc de la notion de patrimoine en ce qu’il est largement composé de « choses » qui ne sont pas des « biens »44. « Nombreux sont les

éléments de l'environnement à entrer dans la catégorie des choses appropriées. Il en va

43

Ibid.

44

En attendant que la personnalité juridique soit reconnue à des éléments de ce qui ne feraient alors plus partie de notre patrimoine. Lire en ce sens, par exemple, Victor DAVID, « La lente consécration de la Nature, sujet de droit. Le monde est-il enfin Stone? », Revue Juridique de l’Environnement, 2012, no 3, pp. 469-485.

(19)

ainsi du sol et du sous-sol, des animaux domestiques ou d'élevage, des végétaux cultivés, tous objets d'un droit de propriété. »45 Réduire le patrimoine naturel à un ensemble de biens serait pourtant inenvisageable. Le terme de patrimoine naturel utilisé ici s’émancipe donc de la notion de patrimoine au sens du droit privé principalement en ce qu’il n’est pas composé de « biens ».

2 - La notion de responsabilité intergénérationnelle inhérente au patrimoine

40. Le terme de patrimoine, du fait qu’il « permet de vivre », porte en lui la nécessaire responsabilité vis-à-vis des différents bénéficiaires. Le patrimoine naturel étant « commun », il appelle une dimension particulière de solidarité entre ses bénéficiaires, contemporains ou successifs.

41. Cet enjeu apparait en premier lieu, au niveau national, dans la Charte constitutionnelle de l'environnement, posant qu’« afin d'assurer un développement durable, les choix

destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins. » 46 Un droit et des devoirs. Aussi, les quatre premiers articles de la Charte constitutionnelle de l’environnement proclament respectivement le droit de chacun « de vivre dans un

environnement équilibré et respectueux de la santé » et les devoirs de toute personne « de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement », « de prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » ainsi que de « contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement. »47

42. Localement, les provinces des Iles Loyauté48, Nord49 et Sud répercutent ces principes dans leurs Codes de l’environnement ; la province Sud y fait référence50.

45

Laurent NEYRET, « Environnement », in Dalloz Encyclopédie, Répertoire de Droit civil (Dalloz, février 2017), http://www.dalloz.fr.proxy.univ- nc.nc/documentation/Document?id=ENCY/CIV/RUB000294/PLAN004/2013-10&ctxt=0_YSR0MT1jaG9zZSBjb21tdW5lwqd4JHNmPXBhZ2UtcmVjaGVyY2hl&ctxtl=0_cyRwYWdl TnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PcKncyRzbE5iUGFnPTIwwqdzJGlzYWJvPVR ydWXCp3MkcGFnaW5nPVRydWXCp3Mkb25nbGV0PcKncyRmcmVlc2NvcGU9RmFsc2XCp3Mkd2 9JUz1GYWxzZQ==&nrf=0_UmVjaGVyY2hlfExpc3Rl. 46

Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement.

47

Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement : « Article 1er. Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Article 2. Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.

Article 3. Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.

Article 4. Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi. »

48 Alinéas 2 et 3 de l’article 110.2 du Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté :

« Chacun a le droit de vivre dans un environnement écologiquement sain et équilibré, préservant les

sites et les paysages, en accord avec le rythme et l'harmonie de la nature.

Toute personne a le devoir solennel de préserver et d'améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures. »

49

Article 110-1 du Code de l’environnement de la province Nord : « La réglementation organise le

(20)

43. En matière environnementale, tant au niveau international51 que national ou local, on constate des ambitions diverses : identifier, valoriser, exploiter, conserver, préserver, protéger, restaurer…. Cela revient, de façon très caricaturale, à une gestion utilitariste : tirer parti des services écosystémiques aujourd’hui et s’organiser pour pouvoir continuer demain.

44. Le terme de « patrimoine » souligne donc la concomitance de deux aspects : le droit d’usage du patrimoine naturel serait assorti d’une obligation de l’entretenir mais aussi de prévenir et de corriger les atteintes qui peuvent lui être portées, voire de l’améliorer.

45. Cela renvoie au principe de responsabilité développé par Hans Jonas. « L’éthique

environnementale […] vise à la préservation de la vie sous toutes ses formes, humaines et non humaines, dans le but ultime de préserver l’humanité. Sans la nature, celle-ci ne peut perdurer. Les générations successives sont donc solidaires entre elles du fait de leur relation avec les éléments naturels : préserver la nature, c’est se donner les moyens de préserver les conditions d’existence de l’humanité, à condition que les actions réalisées par l’homme soient responsables, c'est-à-dire qu’elles préservent les conditions d’existence de l’humanité […]. »52

46. C’est d’ailleurs la dimension transgénérationnelle du patrimoine qui en fait un terme pertinent en matière environnementale et identitaire :

« Etymologiquement, le mot latin patrimonium désigne les biens de la famille qui viennent du père, des ascendants, qui doivent être gérés dans l’intérêt familial pour être à leur tour transmis aux générations suivantes. Le patrimoine, qui s’inscrit dans la durée, est largement synonyme d’héritage. » 53

47. Le lien est flagrant avec la définition du développement durable établie dans le rapport Brundtland54 : « développement qui répond aux besoins des générations présentes

sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » Les

Nations Unies avaient d’ailleurs déjà identifié cet aspect en 1972, en demandant « aux

Gouvernements et aux peuples d’unir leurs efforts pour préserver et améliorer l’environnement, dans l’intérêt des peuples et des générations futures ».55

prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement et de prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, d'en limiter les conséquences. » 50 Article 110-1 du Code de l’environnement de la province Sud.

51

Ainsi, par exemple, en application de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel signée Paris en novembre 1972 sous l’égide de l’UNESCO, les personnes en charge des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial, culturel et naturel51 en sont-elles appelées les « gestionnaires ».

52 Sylvie FERRARI, « Éthique environnementale et développement durable : Réflexions sur le

Principe Responsabilité de Hans Jonas », Développement durable et territoires, 2010, Volume 1, no 3, http://developpementdurable.revues.org/8441 ; DOI : 10.4000/developpementdurable.8441.

53

FRIER, « Patrimoine », op.cit.

54

Gro Harlem BRUNDTLAND, Notre avenir à tous (Our Common Future), Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement de l’Organisation des Nations unies, 1987.

55 Déclaration de Stockholm de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement du 16 juin

(21)

48. Les deux termes reposent en effet sur ce socle temporel et humain « transgénérationnel »56. Chaque génération hérite d’un patrimoine modelé par les précédentes et qu’elle-même travaille de sorte à en retirer ce dont elle a besoin sans en départir les suivants.

49. La spécificité du patrimoine naturel est que la conscience de ses limites57 et de la nécessité de le gérer « en bon père de famille » - « raisonnablement » selon la sémantique désormais utilisée dans le Code civil58- est plus récente. Antérieurement, il pouvait être considéré comme un élément de contexte sur lequel l’humain avait trop peu d’influence pour en envisager une gestion.

50. Sans recourir au terme « patrimoine », la province des Iles Loyauté a d’ailleurs proclamé en 2016 que « la protection et la préservation de l’environnement sont des

valeurs fondamentales pour les populations des îles Loyauté. Leur traduction juridique à travers ce Code constitue un engagement pris auprès des générations futures de leur laisser un environnement sain. »59 Elle souligne aussi, reprenant des termes du premier principe de la déclaration de Stockholm60, que « toute personne a le devoir solennel de

préserver et d’améliorer l'environnement pour les générations présentes et futures. »61 51. Comme le résume Jacqueline Morand-Deviller, « le principe de fraternité, longtemps

méconnu, dame le pion à celui de liberté et celle-ci s’apprécie comme une liberté-participation. L’abusus s’efface devant un usus dont le propriétaire est responsable devant les générations futures et un fructus inspiré par les principes de précaution et de développement durable. »62 Sans franchir le Rubicon, en renonçant à une appropriation, on constate que le patrimoine naturel n’est plus affecté à de plein propriétaires.

52. Le terme de patrimoine naturel en Nouvelle-Calédonie cerne donc ici la qualité de l'air, de l'eau et des sols, les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, les espèces autochtones, les écosystèmes et les services qu'ils procurent, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent, mais aussi leur dimension culturelle voire identitaire. Il traduit une entité vitale,

- dont la nécessité pour l’Humanité a été reconnue au point d’être proclamé « patrimoine » en droit calédonien, en droit national et en droit international, dont les politiques publiques commencent à être comptables ;

- modelée par la Nature mais aussi par l’Homme, plus ou moins consciemment, du fait par exemple de l’agriculture, de l’urbanisation, de la mine, de pollutions incidentes ou accidentelles des sols, des eaux dulçaquicoles et marines, de l’atmosphère…

56 Qui ne doit pas nier l’exigence de solidarité intra-générationnelle.

57 Par exemple, les travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur le Climat (GIEC) lient le

réchauffement climatique à la présence de gaz à effet de serre dont une partie importante est émise par l’activité humaine, ceux de l’union internationale pour la conservation de la nature (UICN) constate l’érosion de la biodiversité, l’agence internationale de l’Energie (AIE) constate la stagnation des réserves mondiales de pétrole…

58

Depuis la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes

59 Article 110-6 du Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté.

60 Adoptée par la conférence des Nations Unies sur l’Environnement le 16 juin 1972. 61 Alinéa 3 de l’article 110-2 du Code de l’environnement de la province des Iles Loyauté 62

Jacqueline MORAND-DEVILLER, « Environnement », in Dictionnaire de la culture juridique (Lamy, PUF, 2003).

(22)

- oscillant entre l’ « avoir » et l’« être » ;

- transgénérationnelle, appelant une éthique, une solidarité dans le temps et dans l’espace du fait notamment de la non-reproductivité du capital naturel.

53. A la différence de l’environnement, qui peut être éco-centré, la notion de patrimoine naturel s’inscrit certes dans une perspective anthropocentrique63. Ceci est cohérent avec le constat que les normes dont le patrimoine naturel fait l’objet, ou dont on escompte qu’il soit bénéficiaire, ne canalisent que des comportements humains.

« Redisons-le une fois encore pour finir : si une définition intangible et universelle du droit de l’environnement, telle une langue vivante, est introuvable, l’essentiel est qu’elle soit reconnaissable entre toutes et qu’elle construise à l’infini des possibilités d’énonciation normative qui lui sont propres, menant à l’ordre public écologique. Soit : ordre juridique qui, par la quête d’un juste accord du mot à la chose au plus près de l’équité issue du droit naturel, et fondé sur la science, vise la sauvegarde de la biodiversité et tend à définir des droits à l’environnement constitutifs d’un nouvel humanisme. »64

54. Si l’expression « droit de l’environnement » reste inexpugnable, ce travail de recherche le considère plus prosaïquement comme l’ensemble des dispositions ayant une incidence sur la pérennité du patrimoine naturel. C’est cet ensemble qu’il est nécessaire de considérer lorsqu’on ambitionne de faire du droit de l’environnement levier d’action sur la pérennité du patrimoine naturel. A défaut, les politiques publiques environnementales ne sauraient être cohérentes et l’action publique ne saurait être lisible.

55. Cet ensemble peut néanmoins être délicat à cerner, puisque la transversalité inhérente au droit de l’environnement induit l’intervention d’une pluralité d’acteurs à des titres distincts et complémentaires, de la fiscalité à la prescription de période de chasse.

§ 2 - Les briques éparpillées du droit de l’environnement néo-calédonien

56. Ce travail de recherche entend favoriser la contribution du droit à la pérennité du patrimoine naturel néo-calédonien. Les normes locales étant les plus opérationnelles, et les plus spécifiques dans l’architecture juridique française, elle ne traite que des dispositions émises par les provinces et la Nouvelle-Calédonie, qui sont produites et sanctionnées dans des circonstances propres à la Nouvelle-Calédonie. Pourtant, depuis le statut issu des

63 Un tout autre paradigme, appelé notamment par la province des Iles Loyauté, ferait d’éléments de

la Nature des sujets de droit. En particulier, des travaux visent actuellement à faire accorder la personnalité juridique à l’Océan Pacifique, ce qui conforterait la perception océanienne de la Nature et de l’Océan en particulier et permettrait un tout autre soutien de la Justice à la pérennité d’éléments de la Nature. A cet égard, par exemple, Victor DAVID, « La nouvelle vague des droits de la nature. La personnalité juridique reconnue aux fleuves Whanganui, Gange et Yamuna », Revue

Juridique de l’Environnement, 2017/3, Volume 42,

https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-lenvironnement- 2017-3-page-409.htm. ou Matthias PETEL, « La nature : d’un objet d’appropriation à un sujet de droit. Réflexions pour un nouveau modèle de société », Revue Interdisciplinaire

d’Etudes Juridiques, 2018/1, Volume 80, pp.207‑39.

64 Éric NAIM-GESBERT, « Que le droit de l’environnement soit une langue vivante ! », Revue juridique de l’environnement, 2018/3, Volume 43, pp.449‑53.

(23)

accords de Matignon-Oudinot65, « dans l’archipel calédonien, trois collectivités territoriales

ont vocation à agir : le Territoire [devenu « Nouvelle-Calédonie »66], les provinces, les communes. Aux actions de ces trois collectivités s’ajoutent celles de l’Etat. Il s’ensuit des situations complexes, voire inextricables. L’exercice de certaines compétences étatiques, territoriales ou communales, dans des domaines autres que celui de la protection de l’environnement, affectent ce même environnement. »67

57. En effet, la répartition des rôles des diverses autorités n’a pas été établie dans la perspective de consolider la protection de l’environnement, ce qui prête parfois à quelques difficultés d’ajustement. Les dispositions ayant une incidence environnementale peuvent émaner de plusieurs sources. En l’occurrence, les acteurs présents sur l’ensemble de la scène nationale - l’Etat et les communes - ont des rôles discrets, quand ceux exclusifs à la scène locale – notamment la Nouvelle-Calédonie et les provinces, qui ont compétence réglementaire voire législative - sont plus bavards. L’identification des contributions des acteurs présents sur tout le territoire national (A) et l’identification des acteurs locaux – dont les contributions sont étudiées dans la partie I - (B) est un exercice indispensable à la bonne compréhension du rôle législatif et réglementaire de chacun.

A - Les artisans du droit de l’environnement local à l’œuvre sur tout le territoire national

58. Deux types d’acteurs sont présents en Nouvelle-Calédonie comme sur le reste de la République Française : l’Etat, dont le rôle est alors radicalement différent (a) et les communes, dont le fonctionnement reste comparable à leurs homologues bien qu’elles soient encadrées par un Code distinct (b).

1 - L’Etat, architecte et ouvrier des normes environnementales

59. L’Etat reste architecte du droit de l’environnement local en ce qu’il est le seul auteur de la Constitution et de la loi organique statutaire relative à la Nouvelle-Calédonie. C’est donc lui qui planifie les marges d’action des différentes autorités en présence localement68.

60. Il est aussi ouvrier en ce qu’il adopte aussi directement des dispositions primaires, qui « prescrivent à des êtres humains d’accomplir ou de s’abstenir de certains comportements,

qu’ils le veuillent ou non »69. Néanmoins, à la différence du droit national, où il joue un rôle prépondérant en matière environnementale, les normes étatiques environnementales

65

Traduit juridiquement notamment par la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998.

66 Suite à l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 et à la loi organique modifiée n° 99-209 organique du

19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

67

Gérard ORFILA, « La répartition des compétences », Revue Juridique de l’Environnement, 1993, noHS, pp.41‑48, p.45. Le nouveau statut, issu de l’accord de Nouméa, traduit juridiquement notamment par la loi organique susmentionnée, a assis cette situation et il est à parier celui à venir ne modifiera pas ce principe de l’existence de trois provinces. Lire à cet effet Carine DAVID, « Le partage de la compétence environnementale en Nouvelle-Calédonie », Revue Juridique de

l’Environnement, 2007, HS, https://www.persee.fr/doc/rjenv_0397-0299_2007_hos_32_1_4592 68 Le rôle en filigrane l’Etat est notamment développé dans la thèse de Victor DAVID, Pour une meilleure protection juridique de l’environnement en Nouvelle-Calédonie Innover par la construction participative du droit (Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales).

69

Herbert L.A. HART, Le concept de droit, 2e éd., Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 2005, p.101.

Figure

Figure 1 : Les statuts fonciers terrestres (2019), ADRAF  Source : http://www.adraf.nc
Figure 2 : Les provinces et les communes de Nouvelle-Calédonie, avec indication des  densités de population en 2014
Figure 3 : Les trois provinces de Nouvelle-Calédonie
Figure 4 : Les huit aires coutumières de Nouvelle-Calédonie  (Source : http://www.isee.nc/tec/atlas/telechargements/4-1-organcoutum.pdf)
+5

Références

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