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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Vers un nouveau modèle en prévention des risques, entre didactique professionnelle et auto-formation

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Academic year: 2021

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VERS UN NOUVEAU MODÈLE EN PRÉVENTION :

L’ACCOMPAGNEMENT-FORMATION AUX RISQUES,

ENTRE

DIDACTIQUE

PROFESSIONNELLE

ET

AUTO-FORMATION

René BRUNET

Caisse de Mutualité Sociale Agricole du Maine et Loire / Université de Tours

MOTSCLÉS : DÉMARCHES DE FORMATION PRATICIEN RÉFLEXIF PRÉVENTION

DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE

RÉSUMÉ : Dans le cas d’un chantier de compost, les salariés construisent eux-mêmes des règles de

métier, des savoir-faire de prudence pour maîtriser les risques auxquels ils sont confrontés quotidiennement. Ces compétences sont acquises et transmises à partir d’une organisation formative originale. Ce travail d’identification permet de fonder un nouveau modèle en prévention : l’accompagnement-formation aux risques.

SUMMARY : In specific case of compost factory, employees built up their own skills, including

safety related practice while performing their every day work. Skills are acquiered and communicated through a formative organisation. Understanding the skills employees founds a new model of prevention.

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1. INTRODUCTION

Les pratiques de formation dans le champ de la prévention des risques professionnels sont historiquement et culturellement des pratiques d’intervention d’experts. Vingt ans d’activités réfléchies avec mes collègues en tant qu’agent de la M.S.A. et 10 ans de recherche-action dans le cadre des sciences de l’éducation me conduisent à formuler une nouvelle approche formation comme un levier déterminant pour l’évolution des pratiques des compétences en prévention des risques professionnels. Elle vise d’une part à saisir les contenus qui fondent la compétence des professionnels en prévention des risques professionnels en situation de travail, et, d’autre part, à cerner les processus de formation mis en œuvre. C’est à partir de cette production de connaissance sur les deux terrains du savoir, savoir-faire et des conditions de transmission que l’agent de prévention peut construire une démarche d’accompagnement-formation aux risques. Ceci étant, poser cette problématique n’est pas si aisée. Les mots, les pratiques formalisées, les recherches font cruellement défaut. La plupart des études menées sur le champ de la prévention des risques sont issues des modèles de la science appliquée, dominant intellectuellement la scène des pratiques professionnelles depuis plus d’un siècle.

Parmi l’ensemble des pratiques d’intervention dans le champ de la prévention des risques professionnels on peut aisément distinguer le modèle prescriptif de la sécurité et celui de l’analyse du travail. La logique du modèle prescriptif applique, à une situation de travail, la règle ou la norme technique comme solution. Ce modèle ne prend pas en compte les savoir faire existants, mais souvent les nie. Si l’on se place du point de vue de la formation, celle-ci est conçue comme un enseignement d’un savoir institué qui pose le stagiaire dans une posture de vase que l’on remplit. À l’inverse, le modèle d’analyse du travail, dont l’ergonomie est le porte-drapeau, pose l’hypothèse qu’il est nécessaire de comprendre le travail pour le transformer. L’intervention ergonomique suppose une production de savoir objectivée obtenue par un processus reliant une formalisation des savoirs professionnels, une confrontation aux connaissances des disciplines scientifiques, et une mise en débat dans l’entreprise. La finalité de la pensée ergonomique est d’une certaine manière, un processus de démocratisation de la décision sur le devenir du travail de chacun à partir d’une mise en patrimoine des savoirs sur le dit travail.

La dimension formative de cette démarche n’est pas l’objectif principal de l’intervention, elle n’est pas au cœur de la stratégie d’intervention, n’est ni son fil conducteur, ni sa raison d’être. La

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formation, dans le cadre d’une démarche ergonomique est de type classique ; elle vise à enseigner ou initier les opérateurs, les savoirs et les capacités pour devenir un peu ergonome.

Poser d’une part l’existence des compétences individuelles et collectives comme objet de recherche en prévention et d’autre part s’interroger sur les conditions de leur développement, c’est faire le pari d’une prévention délibérément centrée sur une prévention d’acteur. L’idée de formation est déjà inscrite dans l’histoire du mot prévention. Le mot prévention pris dans une perspective constructiviste offre les fondements pour penser la formation.

2. LE MOT PRÉVENTION AU SENS D’UNE EXPÉRIENCE QUI SE FORME

Le mot prévention vient du latin praeventio et signifie originellement une opinion préconçue à l’égard de personne ou de chose, un état d’un esprit disposé d’avance dans tel ou tel sens. Bref une orientation de la pensée dans la perspective d’un jugement. Cette définition pose en fait la question de l’intention, de la perception d’une chose dans son environnement, vis-à-vis de l’autre, une sorte de conscience préalable qui oriente le jugement. Sous l’angle du droit du travail, ce mot évoque l’ensemble des mesures ayant pour objet de diminuer les risques d’accidents. Il faut entendre par là, des moyens au sens large, politiques, réglementaires, organisationnels, techniques, d’information, de recherche, financiers, économiques.

Cette notion complexe recouvre à la fois, pour le premier sens, une dimension d’état structurant, une posture liée à une manière d’être, de penser, de juger, de se représenter, de raisonner, alors que le second défend une manière de faire, orientée par des définitions de moyens à caractère social, stratégique, politique, économique et technique. On pourrait dire que l’un sous-tend l’état d’une perception, une posture, une prédisposition de l’esprit, une représentation, alors que l’autre vise l’instrumentation de la prévention.

L’Agir en prévention des risques professionnels exprime une manière de percevoir les risques et une manière de résoudre concrètement les difficultés qu’ils posent à la personne individuellement et collectivement par rapport à une situation donnée. Il fonde les compétences mises en œuvre par les salariés. Il est en quelque sorte, le résultat des apprentissages multiples des relations entre le voir et le faire. Il n’est pas inné mais construit au cours d’une existence. Les expériences successives ont modifié la perception, ajusté les pratiques, ont formé les compétences nécessaires pour continuer à vivre, à travailler. La compétence en prévention des risques professionnels révèle l’aboutissement

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d’un processus de formation par l’expérience. Reconnaître ces compétences en prévention, c’est reconnaître une existence en formation. Identifier les processus de formation de ces savoir-faire c’est reconnaître les leviers de leur développement. Dévoiler les conditions de leur transmission, c’est repérer les conditions de leur reproduction. Ces connaissances sont nécessaires pour favoriser le développement de la prévention des risques professionnels.

Mais penser la prévention des risques et son évolution comme l’expression d’un processus de formation par l’expérience suppose un changement de paradigme. Les deux paradigmes de l’Agir professionnel et de l’auto-formation permettent de comprendre la compétence en prévention au cœur d’une problématique reliant un processus épistémique de l’Agir professionnel et un processus formatif.

3. COMPRENDRE LES SAVOIR-FAIRE EN PRÉVENTION

Pour pouvoir identifier ces savoirs et ces faires en prévention des risques, il faut s’intéresser à la production de compétences et leur formation en situation, et non à l’application des connaissances normalisées et instituées. En ce qui concerne le mode de production de savoir, Schon précise que le modèle de la science appliquée n’est pas adapté pour identifier le savoir-faire des professionnels car ils produisent dans leur pratique des savoirs tout aussi objectifs. La différence tient moins au processus d’élaboration de la production de connaissance qu’à sa finalité. Pour l’un, le but est la production de connaissance objective, pour l’autre c’est la production d’un changement pertinent. Pour cet auteur, il y a un monde entre poser un problème et le résoudre. Le professionnel est quelqu’un qui réfléchit en cours d’action et sur l’action. Dans certaines situations professionnelles où le risque est lourd, les professionnels construisent des savoir-faire de prudence et des règles de métier pour réussir leur travail.

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René Brunet -Ma rs 2000 Approche comparative entre sciences appliquées

et de l'agir professionnel et les logiques de formation

sciences appliquées sciences de l'Agir professionnel

«Il y a un monde entre résoudre un problème et le poser» (Schon) Type enseignement répond à la question : Qu'est ce qui s'enseigne ? Type auto-formation répond à la question :

Qu'est ce que mon propre agir m'enseigne ? spécialisé balisé scientifique standardisé transdisciplinaire incorporé contextualisé singulier • buts stables • finalités claires • contextes institutionnels stables

• savoir fondamental ou rès technologisé

• buts changeants • conflits sur les buts • pratique institutionnelle instable

• incapacité de développer un savoir prof. scientifique

Savoir Savoir Démarche Démarche Formation des habiletés Formation des connaissances

c'est par la structuration de la situation problématique qu'on peut clarifier les finsà poursuivre et les moyens

possibles pour les atteindre. Il ne s'agit pas d'un processus technique Si le praticien trouve les solutions à

des conflits, c'est par un mode de recherche de solutions qui sort du modèle de la science appliquée

4. LE PARADIGME DE L’AUTO-FORMATION EN PRÉVENTION

Les recherches qui posent la formation de la compétence et les conditions de son développement comme objet essentiel de la prévention supposent d’une part de s’intéresser prioritairement non seulement aux processus d’apprentissage de formation et d’éducation mais aussi de miser sur la capacité des acteurs à évoluer, d’autre part de poursuivre leur développement individuellement et collectivement au sein de l’organisation et en dehors de celle-ci. Penser l’initiative du sujet comme levier prioritaire à l’action formative rejoint le courant des recherches sur l’auto-formation. Cette approche de la formation suppose, selon Gaston Pineau, de s’intéresser aux dynamiques formatives de la personne dans un rôle déterminé en relation avec les autres et son environnement. C’est aussi considérer la formation non pas uniquement dans une dynamique positiviste mais existentielle. Ceci suppose donc de penser non seulement le fait formation dans sa dimension synchronique mais aussi de prendre en considération la dimension diachronique qui pose un regard sur la durée de l’existence. Ceci étant dit, la formation du sujet sous l’angle de l’auto-formation ne réduit pas ce processus formation à l’unique initiative de celui-ci. Mais ceci souligne que son initiative est prépondérante dans la construction de sa compétence.

La didactique professionnelle s’intéresse précisément à repérer les savoirs professionnels et les modes de leur transmission appropriation pour identifier dans quelles conditions une situation de

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travail peut être une situation de formation d’une part et d’autre part pour reconstruire une formation qui vise le développement personnel et des compétences. Vergnaud et Pastré proposent un concept intéressant pour repérer les conditions d’un processus de développement. La zone proche de développement ou zone proximale de développement désigne l’écart fécond existant entre la capacité d’un sujet pouvant s’appuyer sur autrui et ses capacités autonomes de conceptualisation. Pour un chercheur en situation d’intervention, ce concept permet de repérer les niveaux de difficultés auxquels tout nouveau est confronté identifier les niveaux de savoir et savoir faire qu’exigent une situation de travail donnée, l’aide des anciens et leur stratégie vis-à-vis du nouveau.

5. LES COMPÉTENCES EN PRÉVENTION DES RISQUES : CAS D’UN ATELIER DE FABRICATION DE COMPOST NOMMÉ LES FORMES

Une recherche action mise en œuvre dans un atelier de compost en Maine et Loire en 1999 a mis en évidence que les salariés construisent eux-mêmes les règles de métier, les savoir-faire de prudence pour maîtriser les risques auxquels ils sont confrontés quotidiennement. Car pour eux réussir le travail suppose de combiner et d’ajuster au quotidien savoir-faire technique et connaissance d’un contexte complexe. Cet atelier emploie 15 personnes. Elles produisent chaque semaine 6000 tonnes de compost sur un espace de 10 Ha. Le travail consiste à mélanger de la paille et du fumier de cheval pour rendre homogène la fermentation. Cinq gros chargeurs, des composteurs, des tracteurs se croisent et circulent parfois en situation de visibilité très réduite (la nuit, le brouillard). Or, malgré les risques élevés, il n’y a pas d’accident d’écrasement. L’étude a montré que cette fiabilité résultait des compétences des salariés. Ces savoir-faire sont acquis et transmis à partir d’une organisation formative originale permettant la combinaison de trois grandes logiques d’acteurs : l’auto-formation du nouveau, l’accompagnement des anciens et une didactique des situations professionnelles du contremaître. La capacité à produire ces compétences, à les actualiser comme à créer les conditions de leur transmission-appropriation révèle l’existence de praticiens réflexifs capables de réfléchir en cours d’action et sur l’action. Cette capacité réflexive et auto-formative structure la formation des compétences en prévention des risques professionnels des salariés.

Les Formes transforment le praticien en praticien réflexif : en situation à risque élevé, et dans des conditions de travail instables, la maîtrise des risques dévoile la capacité des personnes à réfléchir sur

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leur pratique, à rechercher leur « one best way », et à prendre en main leur propre formation individuellement et collectivement.

Didactique du contremaître

Situation proposée

Hiérarchisation des situations de travail

Parcours de formation Évaluation des compétences

Initiative découverte observation

Ajustement d'intervention

• zone proximale au développement • accueil et intégration au collectif

Le praticien réflexif Savoir faire : • technique • de prudence • formatif intervention individuelle et collective

Accompagnement des anciens

désignation d'un ancien pour une situation

Légitimation d'un tutorat

Autoformation du nouveau

6. CONCLUSION

Cet exemple singulier et situé pose l’agir professionnel comme une compétence d’intervention que les professionnels mettent en œuvre pour prévenir les risques. Le dispositif didactique et d’accompagnement mis au point par le contremaître et les collègues est une réponse pertinente à l’auto-formation de cet agir professionnel. L’objet de la prévention des risques aux FORMES est l’auto-formation du praticien réflexif. À partir du moment où le nouveau est admis par l’équipe du chantier, cette formation repose sur la reconnaissance d’une part et l’expression, dans un second temps, d’un agir professionnel possible chez tout praticien. Mais pour comprendre cette étape de la connaissance et de l’expression de l’intelligence de l’Agir, l’intervenant chercheur doit procéder à un double déplacement. Un déplacement d’abord sur l’objet de son investigation. L’objet n’est pas l’application de la règle, ou d’une norme, l’objet n’est pas non plus l’identification des contraintes du travail et de l’analyse de l’activité pour améliorer l’organisation et l’environnement, l’objet est un sujet. Il est centré sur la capacité de la personne à réfléchir sur l’action et en cours d’action. Car c’est

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cette capacité réflexive qui donne forme, ici, à la prévention du quotidien. L’identification des contraintes, l’analyse de l’activité, la connaissance de la réglementation, des normes changent de statut. Elles ne deviennent que des moyens au service de l’activité réflexive du praticien. Cette production de connaissances sur l’activité sociale, normative, organisationnelle, culturelle ne se substitue pas à leur activité de penser et de décider, mais nourrit cette faculté. Aussi, on peut penser l’intervention en prévention comme la capacité à pouvoir accompagner ce cheminement réflexif. Le deuxième déplacement tient à cette faculté que possède tout être humain à se former par lui-même, à se mettre en forme. Il appartient alors d’accompagner cette démarche en vue de favoriser les conditions de l’appropriation de cette compétence en relation avec les autres et en fonction de la situation. Cette démarche éducative n’a de sens que si elle s’inscrit dans la durée. Cette perspective temporelle pose la redoutable question de l’évaluation et des conditions politiques de son existence...

BIBLIOGRAPHIE

BRUNET R., Entre didactique professionnelle et auto-formation : la formation des praticiens en prévention des risques professionnels, D.E.A., Université de Tours, 1999.

BRUNET R., CRU D., PRESSELIN J., SEE N., VIEL M., Construction d’une prévention d’acteur: une nouvelle pratique des agents de prévention de la MSA du Maine et Loire (1981-1998).

CRU D., Règle de métier-langue de métier, Paris : E.P.H.E., 1995.

PINEAU G., Autonomie et formation au cours de la vie, Chronique sociale, 1998.

PASTRÉ P., Didactique professionnelle et développement, Psychologie française, 1997, 42. SCHON D., Le praticien réflexif, Éditions logiques, 1996.

Références

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