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Profil socioaffectif d'enfants abusés sexuellement âgés entre 3 et 6 ans en lien avec leur capacité à jouer

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Academic year: 2021

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(1)

UL

ß V?¿,

KARINE BERGERON

PROFIL SOCIOAFFECTIF D’ENFANTS ABUSÉS SEXUELLEMENT ÂGÉS ENTRE 3 ET 6 ANS EN LIEN AVEC LEUR CAPACITÉ À JOUER

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de !’Université Laval

pour l’obtention

du grade de maître en psychologie (M.Ps.)

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL

NOVEMBRE 2003

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Rare sont les études empiriques qui, palliant limites langagières de l’enfant, ont investigué la symptomatologie psychologique et comportementale de l’abus sexuel auprès des enfants en examinant les séquelles de ce trauma au travers le jeu libre. Conséquemment, l’objectif de la présente étude est de relever le profil socioaffectif de deux groupes d’enfants abusés sexuellement dont l’un démontre une capacité à jouer préservée et l’autre se caractérise par une activité ludique limitée. En outre, cette

recherche vise à identifier les variables relatives aux profils dégagés qui discriminent de façon plus spécifique chacun des deux groupes d’enfants à l’étude. L’échantillon est constitué de 50 enfants abusés sexuellement âgés entre 3 et 6 ans. Tel que prédit, les résultats démontrent que les enfants ayant un potentiel ludique limité, comparativement aux enfants où le potentiel est préservé, sont caractérisés par un surcroît de

comportements de nature anxio-dépressive. De plus, ils démontrent un nombre significativement plus élevé de comportements dissociatifs et leur profil

symptomatologique est davantage « Internalisé ». Ces résultats supportent l'idée que l'abus sexuel, agissant comme traumatisme, perturbe la capacité à jouer de deux manières différentes : soit il bloque l'accès au jeu chez certains enfants, soit il trouble l’activité ludique en elle-même chez un autre groupe.

Lina Normandin, Ph.D. Directrice de recherche lîrase

Karine Bergeron Étudiante à la mi

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AVANT-PROPOS

Tout d'abord, l'auteure désire remercier sincèrement sa directrice de mémoire, madame Lina Normandin Ph D., pour ses précieux conseils tout au cours de l'élaboration de cette étude et pour sa grande générosité à partager son expérience clinique au niveau de la clientèle des enfants.

Un grand merci également aux membres de l'Unité d'intervention auprès de l'enfant et de l'adolescent, Patricia Dion, Isabelle Tessier, Miguel Terradas, Roxanne Lemieux, Audrée Laverdière et Véronique Parent pour m'avoir accompagnée et soutenue pendant ce long processus.

Merci spécialement à toi Lyne, pour m'avoir si généreusement donné de ton temps, de tes conseils, de ton énergie et de m'avoir si volontairement partagé ta passion pour les

enfants et ton professionnalisme à leur égard.

Également, je tiens à remercier chaleureusement ma famille pour son support et ses encouragements à chaque instant. Merci à toi, maman, Réjean, Maguy et à toi aussi Mariève. Une pensée pour toi aussi, papa, même si tu es loin...

Enfin, un merci tout particulier à toi, Sébastien, pour m'avoir accompagnée, encouragée et surtout, de m'avoir poussée à aller toujours plus loin.

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Page

RÉSUMÉ... i

AVANT-PROPOS... ii

TABLE DES MATIÈRES... iii

LISTE DES TABLEAUX...vii

CHAPITRE I : PERSPECTIVE THÉORIQUE... 1

1.1 État de la situation... 1

1.2 L'abus sexuel en tant que traumatisme... ...2

1.3 Le jeu libre comme outil qui assiste le développement de l'enfant... 5

1.4 Le jeu traumatique...6

1.5 Le potentiel ludique et !'actualisation du potentiel de jeu... 8

1.6 Le Children Play Therapy Instrument...9

1.7 Objectifs à l'étude... 12

CHAPITRE II: ARTICLE 2.1 Résumé... 17

2.2 Introduction... 18

2.2.1 État de la situation...18

2.2.2 Le jeu comme mode d'expression de l'enfant...20

2.2.3 Potentiel à jouer et actualisation du potentiel ludique...22

2.2.4 Pertinence de l'étude... 23

2.2.5 Le Children Play Therapy Instrument... 24

(5)

2.3 Méthode...27

2.3.1 Participants... 27

2.3.2 Procédure... 28

2.3.3 Etablissement de la cote abus et du score composite...28

2.3.4 Instruments...30

2.3.5 Juges, formation et processus de cotation pour la segmentation selon le CPTI...32

2.3.5.1 Formation des juges...32

2.4 Résultats...33

2.4.1 Accord interj uges... 33

2.4.2 le1e analyse : capacité à jouer de l’enfant...33

2.4.3 2e analyse : potentiel ludique... 35

2.4.3.1 Comparaison des groupes au niveau du potentiel à jouer... 35

2.4.3.2 Comparaison des groupes au niveau de l’Inventaire des comportements de l’enfant...36

2.4.3.3 Analyse de puissance au niveau du potentiel ludique de l’enfant...37

2.4.3.4 Comparaison des groupes au niveau de l’Échelle de dissociation de l’enfant...7... 38

2.4.3.5 Comparaison des groupes en fonction du score composite attribué à l’enfant... 38

(6)

2.4.4.1 Comparaison des groupes au niveau de

1 ’actualisation du potentiel de jeu... 40

2.5 Discussion... 41

2.5.1 Fidélité du CPTI et des nouvelles sous-échelles... 41

2.5.2 Comportement de l’enfant en situation de jeu libre...42

2.5.3 Analyses principales...45

2.6 Références... 51

2.7 Note de l’auteure... 55

CHAPITRE III : CONCLUSION GÉNÉRALE...56

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES...62

ANNEXE A : SYNOPSIS DU CHILDREN’S PLAY THERAPY INSTRUMENT... 67

ANNEXE B : CHILDREN’S PLAY THERAPY INSTRUMENT...69

ANNEXE C : FORMULAIRES DE CONSENTEMENT...77

ANNEXE D : QUESTIONNAIRES AU DOSSIER DE L’ENFANT...80

ANNEXE E : PROCÉDURE D’ÉTABLISSEMENT DE LA COTE ABUS ET DU SCORE COMPOSITE... 93

ANNEXE F : TABLEAUX DE LA DISTRIBUTION DES POURCENTAGES DE TEMPS CONSACRÉ À CHAQUE CATÉGORIE D'ACTIVITÉ AU COURS DE DEUX SÉANCES DE JEU LIBRE... 95

(7)

ATTRIBUÉS AUX DIFFÉRENTES FORMES DE CESSATIONS D'ACTIVITÉ DE JEU AU COURS DE DEUX SÉANCES DE JEU LIBRE... 100

TABLEAUX DES ANALYSES PRINCIPALES EN FONCTION DU POTENTIEL LUDIQUE DE LA CAPACITÉ À JOUER DE

L’ENFANT... 104 ANALYSES SUBSIDIAIRES EN FONCTION DE L’ACTUALISATION

DU POTENTIEL LUDIQUE DE LA CAPACITÉ À JOUER DE ANNEXEH

ANNEXE I :

111 L’ENFANT

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LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU Fl

Distribution des enfants abusés sexuellement quant au pourcentage de temps

consacré au jeu au cours de deux séances de jeu libre... 96 TABLEAU F2

Distribution des enfants selon le pourcentage de temps consacré à du non-jeu

au cours de deux séances de jeu libre...97 TABLEAU F3

Distribution des enfants selon le pourcentage de temps consacré à de la préparation au jeu au cours de deux séances de jeu libre... 98 TABLEAU F4

Distribution des enfants selon le pourcentage de temps consacré à des interruptions au cours de deux séances de jeu libre...99 TABLEAU G5

Distribution des enfants selon le pourcentage de cessations d'activité de jeu sous un mode de satiété au cours de deux séances de jeu libre... 101 TABLEAU G6

Distribution des enfants selon le pourcentage de cessations d’activité de jeu sous un mode de suspension au cours de deux séances de jeu libre... 102 TABLEAU G7

Distribution des enfants selon le pourcentage de cessations d'activité de jeu sous un mode de perturbation au cours de deux séances de jeu libre... 103

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TABLEAU H8

Distribution des enfants selon leur potentiel ludique déterminé en fonction du

pourcentage de temps consacré à du jeu au cours de deux séances de jeu libre... 105 TABLEAU H9

Analyses corrélationnelle en fonction du potentiel ludique de la capacité à

jouer... 106 TABLEAU H10

Différence de moyennes en fonction du potentiel ludique de la capacité à jouer

de l’enfant... 107 TABLEAU Hl 1

Analyses de puissance pour le score T total du Children Behavior Checklist...108 TABLEAU H12

Analyse discriminante en fonction du potentiel ludique de l'enfant... 109 TABLEAU El3

Statistique du classement des groupes en fonction du potentiel ludique... 110 TABLEAU 114

Distribution des enfants selon !'actualisation du potentiel ludique déterminée

en fonction du pourcentage de cessation de jeu en satiété et/ou en suspension... 112 TABLEAU E 5

Analyse corrélationnelles en fonction de !’actualisation du potentiel ludique de la capacité à jouer de l’enfant... 113

(10)

114

Différence de moyennes en fonction de !’actualisation du potentiel ludique de la capacité à jouer...

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CHAPITRE 1

PERSPECTIVE THÉORIQUE

1.1 État de la situation

L’étude des séquelles de Tabus sexuel chez l’enfant semble prévaloir depuis plusieurs décades. En effet, au tournant du siècle passé, Freud a étudié la question et il a avancé l’hypothèse que les symptômes hystériques découlaient à l’origine des

traumatismes sexuels vécus durant l’enfance (Ney, 1995). L’abus sexuel chez l’enfant fut par la suite nié par la société en général et ce n’est qu’au début des années ‘80 que son intérêt pris une proportion grandissante dans la communauté scientifique.

Bien qu’il soit ardu de mesurer avec exactitude l’étendue du phénomène de l’abus sexuel chez l’enfant, la prévalence actuellement connue est particulièrement alarmante. En effet, selon une revue de vingt études rétrospectives effectuées au Canada et au États-Unis s’échelonnant de 1980 à 1997, entre 2 % et 62 % des femmes et entre 3 % et 16 % des hommes sont victimes d’abus sexuels et ce, avant même d’avoir atteint l’âge de 18 ans (Finkelhor, 1994; MacMillan, Fleming, Trocmé et al., 1997). De même, certaines

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données empiriques relatives à l’âge des victimes nous indiquent qu’environ 33 % des enfants sont agressés sexuellement avant l’âge de 6 ans et que 75 % le sont vers 13-14 ans (Pauzé, Mercier et al., 1994). Ainsi, malgré leur plus grande vulnérabilité, les jeunes enfants semblent être la cohorte la plus fortement touchée par le phénomène de l’abus.

Toutefois, plusieurs recherches reconnaissent que la prévalence connue des agressions sexuelles envers les enfants ne représente qu’une infime partie de la réalité (Frappier, Haley et Allard-Dansereau, 1990; Pauzé, Mercier et al., 1994; Morin, 1996). De même, on observe au niveau des différentes études sur l’abus sexuel chez l’enfant, des taux de prévalence nettement variables. Certains auteurs (Frappier, Haley et

Allard-Dansereau, 1990) attribuent plus significativement !’accroissement des taux de prévalence aux mesures de dépistage nouvellement acquises qu’à !’augmentation réelle de la violence envers les enfants. D’autres, par contre, considèrent la variation de prévalence comme étant le reflet de l’impact de la diversité des définitions, des populations étudiées et de la divergence des méthodes utilisées pour la collecte des données (Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor, 1993). Dans ce contexte, la présente recherche s’intéresse à l’abus sexuel chez les jeunes enfants et plus spécifiquement, elle vise à explorer une avenue peu approfondie dans l’évaluation des séquelles

psychologiques de l’abus chez des enfants âgés entre 3 et 6 ans.

1.2 L’abus sexuel en tant que traumatisme

Le traumatisme survient lorsqu’un individu, exposé à un événement de vie stressant et envahissant, ressent un afflux important d’anxiété et se retrouve dans un état d’impuissance le rendant inapte à faire face à la situation de manière usuelle (Eth et Pynoss, 1985). Pour sa part, Lenore Terr, une des figures marquantes dans le champ de

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l’étude des traumatismes infantiles, a largement contribuée à conceptualiser la notion du traumatisme, entre autres, en effectuant des recherches cliniques d’envergures auprès d’enfants victimes de trauma dont les enfants de la célèbre affaire d’un enlèvement dans un autobus scolaire à Chowchilla en 1976. Lenore Terr (1990) définit le traumatisme comme un choc unique ou une série de chocs émotionnels subits, imprévus, intenses et submergeants qui agresse la personne de l’extérieur. Selon elle, les expériences

traumatiques s’immiscent chez l’enfant en créant une brèche dans son esprit. Cette brèche entraîne des changements dans le monde interne de l’enfant et, de la même

manière, elle provoque des interférences sur son développement normal, d’où l’apparition de symptômes.

De plus, Terr (1981) explique que les peurs spécifiques reliées au traumatisme) les cauchemars, les comportements de répétition et la modification des attitudes à l’égard des gens, de la vie et de l’avenir sont tous autant de changements internes persistant bien au- delà de l’événement traumatique. Allant dans le même sens, Green (1978) a découvert, au terme de ses recherches auprès d’enfants abusés, que ceux-ci étaient particulièrement préoccupés par des fantaisies de violence et de souffrance et qu’ils présentaient un niveau élevé d’anxiété et ce, seulement qu’en anticipant la venue d’un événement traumatique. Les recherches, de plus en plus nombreuses, reconnaissent donc que Tabus sexuel, en tant qu’événement traumatique, laisse des cicatrices sur le monde interne de l’enfant et

contribue à l’apparition d’une symptomatologie manifeste ou insidieuse. Au surplus, certains travaux récents ont mis en évidence l’impact de Tabus sexuel, tant dans les comportements de l’enfant que dans son jeu et dans ses rapports avec sa mère.

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Effectivement, la littérature admet de plus en plus le rôle joué par les expériences traumatiques, tel que l’abus sexuel, dans le développement des diverses

psychopathologies et des symptômes comportementaux (Schaefer, 1994; Kendall- Tackett, Williams & Finkelhor, 1993). Par exemple, une étude rétrospective entreprise par Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor (1993) démontre qu’il existe, chez les enfants abusés, une plus grande prévalence de difficultés telles que les troubles anxieux, la dépression, la régression au plan végétatif et/ou affectif, les plaintes somatiques, les comportements antisociaux et/ou autodestructeurs, etc. Cette même recension révèle également que les éléments les plus discriminants des traumatismes sexuels sont les réactions de stress post-traumatique et la présence de comportements sexualisés.

Toutefois, il apparaît que chez un certain pourcentage d’enfants, l’impact de l’abus semble masqué, voire complètement absente. En effet, certaines recherches ont démontré que plus de 21 % des enfants abusés sexuellement ne présentent aucune symptomatologie (Conte et Schuerman, 1987; Kendall-T ackett, Williams et Finkelhor,

1993). Néanmoins, des recherches prospectives ont mis en lumière ce phénomène d’une implication clinique importante et elles ont fait ressortir que, en présence ou non de symptômes manifestes durant l’enfance, la plupart des victimes se trouve lésées psychologiquement après la survenue des sévices sexuels, mais certaines d’entre elles n’affichent des symptômes du traumatisme qu’une fois parvenues à l’âge pubertaire ou à l’âge adulte (Pauzé, Mercier et al., 1994). Plus encore, il apparaît de plus en plus

clairement que, malgré des améliorations de la symptomatologie sur le plan du

fonctionnement social et familial et du plan comportemental chez les enfants pendant une certaine période de leur vie, les conséquences de l’abus sexuel ne se résorbent pas avec le

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temps. Ainsi, au-delà de la présence manifeste de symptômes, on remarque que rares sont les enfants abusés sexuellement qui ne subissent aucun préjudice. Allant en ce sens, Hayez (1991) stipule que dans les cas d’abus sexuels, la structuration d’ensemble de la personnalité de l’enfant en sort rarement indemne. Par contre, nonobstant ce sombre tableau des séquelles de l’abus sexuel, la communauté scientifique s’entend pour dire que la signification qui est donnée à l’abus - par les parents a fortiori — et le niveau d’atteinte à l’intégrité et à la sécurité physiques de l’enfant sont autant de variables modulatrices de la sévérité des séquelles de l’abus et du risque de persistance des symptômes ou d’une évolution vers des pathologies sévères (Brière et Runtz, 1993; Spaccarelli, 1994;

Finkelhor, 1990). Enfin, tenant compte de ses constats, il apparaît incertain d’évaluer la nature et l’ampleur des séquelles psychologiques.uniquement par !’intermédiaire de la symptomatologie manifeste de l’enfant.

1.3 Le jeu libre comme outil qui assiste le développement de l’enfant

Dans le cadre d’une approche psychanalytique et développementale, le jeu est considéré comme un moyen privilégié par les enfants pour représenter, communiquer, exprimer leurs fantasmes inconscients, mais aussi pour élaborer et moduler l’anxiété et les angoisses qui y sont reliées. En d’autres termes, le jeu sert de support au

développement cognitif et socioaffectif de l’enfant (Solnit, Cohen et Neubauer, 1993). Il lui permet de traduire et d’assimiler les schémas relationnels et à un niveau plus profond, il lui sert de refuge lorsque la réalité devient trop pénible et douloureuse. En jouant, l’enfant ne cesse de représenter ses fantasmes, y compris les plus primitifs, ce qui lui permet à la fois de maîtriser son angoisse et d’élaborer ses conflits internes. Plus spécifiquement, !’utilisation du jeu devient un substitut direct à la verbalisation puisque

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l’enfant, sans en avoir conscience, projette, déplace et symbolise ce qu’il vit dans les jouets (Marvasti, 1994). La voie symbolique et métaphorique qu’offre le jeu permet alors à l’enfant d’exprimer ses conflits émotionnels de manière sécurisante. De même,

!’observation et la compréhension du jeu de l’enfant vont nous donner accès à sa réalité psychique et à son monde interne.

Suite à une expérience traumatique, l’enfant aura l’irrésistible besoin de

retravailler au travers le jeu les éléments dramatiques reliés au trauma (Schaefer, 1994). En effet, selon Freud (1905/1931), le jeu permet, non seulement de comprendre la vie émotionnelle de l’enfant, mais il possède également une fonction bien particulière pour ce dernier dans la mesure où il aide à la réparation des séquelles d’expériences

traumatiques. Abondant dans le même sens, Erikson (1950) postule que le jeu permet à l’enfant de reconstruire, de réexpérimenter et de réinventer les événements traumatiques afín de mieux les comprendre, de mieux les assimiler et au terme, d’avoir un meilleur contrôle sur les événements de vie stressants. Considérant ces auteurs (Freud, 1931; Erickson, 1950; Solnit, Cohen et Neubauer, 1993), il apparaît que le jeu est un moyen privilégié pour l’enfant pour lui permettre de comprendre et de concilier ses conflits internes et ainsi de promouvoir son développement. Parallèlement, le jeu libre s’avère une avenue privilégiée en tant qu’outil d’évaluation des séquelles psychologiques chez les enfants ayant vécu des traumatismes sexuels.

1.4 Le 1 eu traumatique

Bien que le jeu soit une activité naturelle et universelle chez l’enfant (Winnicott, 1971), il arrive chez certains d’entre eux que la fantaisie soit freinée, voire totalement entravée par un événement traumatique. De manière générale, la répétition du trauma ou

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du conflit émotionnel au travers le jeu est bénéfique pour l’enfant car elle lui permet de maîtriser graduellement ses expériences (Solnit, Cohen et Neubauer, 1993). Toutefois, pour certains enfants, la répétition s’avère vaine puisqu’elle est sans cesse reconduite. Dans ces cas, le même jeu et la même fantaisie sont rejoués par l’enfant de manière incessante et rigide. Terr (1985) décrit ce phénomène de compulsion à la répétition comme une ritualisation sinistre et monotone pouvant éventuellement être dangereuse pour l’enfant puisqu’il n’y a pas d’issues constructives ou satisfaisantes qui permettent à l’enfant d’assimiler les expériences traumatiques et de résoudre ses conflits internes.

Également, Terr (1981) explique que le traumatisme vécu par l’enfant est difficilement traduit en métaphore dans le jeu. Ainsi, les éléments de l’expérience traumatique se présentent dans le jeu ,־sans camouflage et réveillent chez l’enfant toute la vérité sur son trauma. De même, lorsque la métaphore utilisée dans le jeu est trop proche de la réalité de l’enfant lui-même, des montées d’anxiété liées au rappel du traumatisme assaillent l’enfant et elles entraînent la fin prématurée du jeu (Terr, 1983).

Enfin, toujours selon cette auteur, il peut arriver que l’enfant traumatisé

s’abstienne de jouer par crainte d’être à nouveau submergé psychologiquement et d’être anéanti par l’expérience traumatique. Cette peur intense, soit la « peur d’avoir peur » ressentie par les enfants traumatisés réduit, voire paralyse l’expression symbolique et l’activité ludique. Concrètement, en salle de jeu, il s’agit par exemple d’un enfant hypervigilant, attentif au moindre bruit et qui va se préparer à jouer mais sans jamais y parvenir.

Bref, autant le jeu peut être salvateur des conflits psychiques de l’enfant, autant le conflit lui-même peut inhiber l’activité ludique (Battin, 1993). Dans ce pire des cas, le

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pronostic est de mauvais augure. Dans ce contexte, la présente recherche s’intéresse non seulement à évaluer les séquelles de l’abus sexuel, mais elle cherche plus spécifiquement à comprendre cette cohorte d’enfants bien singulière qui sont les enfants abusés

sexuellement qui ne parviennent pas à jouer.

1.5 Le potentiel ludique et !’actualisation du potentiel de jeu

Il se dégage de la littérature sur le jeu, deux manières de concevoir l’activité ludique. En effet, il apparaît que la capacité ludique de l’enfant englobe deux fonctions essentielles. D’abord, il y a le potentiel de jeu qui requiert que l’enfant soit capable d’établir un espace sécurisant et gratifiant dans lequel il peut jouer (Ritvo, 1993). Cela implique que l’enfant soit capable de mettre en scène un jeu et de s’y investir afin d’assimiler les expériences nouvelles auxquelles il est confronté constamment.

Toutefois, chez les enfants traumatisés sexuellement, certaines études ont démontré que ce potentiel ludique est atteint puisque les enfants abusés jouent significativement moins longtemps que les enfants qui n’ont pas vécu ce traumatisme (Gendron, 1998). Dans ce contexte, le temps que l’enfant consacre au jeu au cours d’une situation de jeu libre apparaît être une manière intéressante d’évaluer les séquelles de l’abus sexuel.

Une autre façon de comprendre le jeu et d’éprouver l’impact de l’abus sexuel sur la régulation de l’activité ludique de l’enfant est de se baser sur !’actualisation du

potentiel ludique. Plus spécifiquement, il s’agit d’observer le niveau d’anxiété de l’enfant par !’intermédiaire des formes de cessations de la séquence de jeu. Considérant les théories sur le jeu traumatique, la séquence de jeu de l’enfant abusé peut être

perturbée ou interrompue à n’importe quel moment. Winnicott (1968) conçoit cette interruption du jeu comme une excitation trop directe et trop grande du corps, par

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exemple, suite à une montée d’anxiété associée au vécu traumatique. Abondant dans le même sens, Ekstein (1966) stipule que cette perturbation de l’activité ludique relève d’une rupture des défenses et de l’expression, même indirecte dans le symbolisme du jeu, des pensées et des émotions reliées au trauma. Le jeu perd son rôle de protection du Moi face à l’anxiété qui devient envahissante (Peller, 1954) et le niveau d’angoisse

insupportable détruit le jeu (Schaefer, 1994). Il en est ainsi que l’enfant abusé

sexuellement se caractérise par des difficultés particulières au niveau de sa capacité à actualiser son potentiel ludique. En ce sens, l’enfant peut être incapable de maintenir le niveau d’angoisse de l’expression symbolique lié à la reviviscence du trauma à un niveau tolérable et enfin, avoir difficilement accès à un état de satisfaction permettant d’évoluer vers une autre forme de jeu. Dans ce cas, l’enfant préfère cesser de jouer plûtot que de revivre l’horreur.

1.6 Le Children Play Therapy Instrument

Il existe une myriade d’instruments portant sur l’évaluation du contexte d’abus sexuel et/ou permettant d’évaluer les séquelles psychologiques de cet événement traumatique sur l’enfant. Parmi ces derniers, le Children Play Therapy Instrument

(CPTI, Kemberg, Chazan et Normandin, 1994) est une grille d’analyse novatrice destinée à mesurer les enjeux développementaux et à apprécier le progrès de l’enfant en thérapie. En effet, en plus de permettre !’investigation des dimensions affectives, cognitives et développementales, cet instrument d’analyse du jeu libre semble un outil privilégié pour relever, décrire et quantifier les différents patrons de jeu déviants des enfants ayant subi un traumatisme tel que les expériences sexuelles.

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Le CPTI est constitué de trois niveaux d’analyse. Le premier niveau d’analyse repose sur la segmentation de l’ensemble des activités de jeu de l’enfant. Plus

précisément, ce processus permet de circonscrire dans le temps les quatre catégories différentes d’activités qui composent une séance de jeu libre. En effet, en entrevue de jeu libre, le temps n’est pas exclusivement consacré au jeu. L’enfant peut également

s’adonner à la préparation au jeu (ex. : l’enfant sort des vêtements, des couches et des biberons avant de commencer à jouer à la maman avec des poupées), à des périodes de non-jeu (ex. : l’enfant parle avec l’évaluateur, se lave les mains ou refuse de participer à la séance de jeu) et à des interruptions (ex. : l’enfant quitte la salle de jeu pour aller voir sa mère ou pour aller aux toilettes). Le CPTI permet donc une analyse et une

interprétation plus justes et raffinées du phénomène du jeu, puisqu’il épure l’ activité de jeu en isolant les différentes activités qui composent une séance de jeu libre. Également,

en plus d'obtenir un aperçu de la distribution des différentes activités composant une séance de jeu libre, la segmentation permet d'apprécier le temps qui leur est

respectivement consacré. Suite à l'analyse segmentaire, il est donc possible de décrire le comportement de l'enfant en situation de jeu libre; de distinguer l'enfant qui joue de l'enfant qui ne joue pas (Kemberg, Chazan et Normandin, 1998); et de différencier l'enfant qui présente un potentiel ludique préservé de celui caractérisé par un pauvre potentiel de jeu. En outre, une récente étude portant sur ce premier niveau d’analyse du CPTI a permis de révéler clairement l’infiltration du trouble émotif que provoque l’abus sexuel sur la régulation de l’activité ludique chez l’enfant en démontrant que les enfants ayant vécu ce genre de traumatisme présentent un plus grand nombre d’unités de jeu que ceux n’ayant pas été abusés sexuellement (Gendron, 1998).

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Le second niveau d’analyse du CPTI, soit l’analyse dimensionnelle, regroupe trois sous-échelles permettant l’évaluation qualitative des séquelles de l’abus sexuel chez l’enfant : l’analyse descriptive, l’analyse structurale et l’analyse adaptative. Brièvement, ces échelles permettent, entre autres, de relever les catégories de jeu, les thèmes employés dans le jeu, les mécanismes de défenses et d’adaptation utilisés par l’enfant, elles

permettent de mesurer l'état de satiété dans lequel se trouve l'enfant au terme de son jeu, etc. Le terme de satiété, mis de l'avant par Erikson (1941), réfère au processus complet de jeu qui comprend généralement un début, un milieu et une fin. Lorsque la séquence de jeu est complète, il y a satiété et l'enfant est satisfait puisqu'il a atteint un niveau de

maîtrise de son angoisse et il a réussi à comprendre davantage son monde externe et interne. Précisons que l'appréciation de la satiété que le jeu a procurée à l'enfant ne s'appuie pas sur le dénouement heureux de la fantaisie. Le facteur de satiété réfère plutôt à un élément central qui consiste au fait que l'enfant soit en contrôle du jeu et non pas envahi émotivement. De même, toute entrave de la séquence de jeu évoque que l'enfant est assailli par une montée d'anxiété liée au rappel du traumatisme et elle souligne que l'activité ludique ne procure pas la satiété. L'échelle de satiété du CPTI permet donc de cerner les perturbations des séquences de jeu de l'enfant et ainsi, d'évaluer la capacité de l'enfant à actualiser son potentiel ludique.

Finalement, le troisième niveau d’analyse, soit l’analyse séquentielle, réfère pour sa part aux patrons caractérisant l’activité ludique de l’enfant dans le temps permettant d’apprécier les changements et l’évolution en cours de processus thérapeutique.

Également, il est pertinent de souligner les bons indices de fidélité observés pour le premier niveau d’analyse du CPTI dans l’étude de Gendron (1998). En effet, avec un

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degré d’accord interjuges de k=0,59, cette recherche a démontré que les consignes du

manuel de cotation du CPTI permettent de circonscrire fidèlement le jeu de l’enfant et d’identifier les différentes catégories d’activités composant une séance de jeu libre. Quant à la validité de l’instrument, les résultats de cette même recherche appuient ceux de certaines études antérieures (Kenberg, Chazanht Normandin, 1998) et confirment la pertinence d’utiliser le CPTI comme outil permettant d’évaluer et de distinguer les

particularités des séquelles de l’abus sexuel chez l’enfant au travers le jeu libre (Gendron,

1998).

1.7 Objectifs de l’étude

La présente recherche se propose d'étudier le profil socio-affectif d’enfants abusés sexuellement en regard de י deux-fonctions de la capacité à jouer, soit le potentiel ludique et !'actualisation du potentiel de jeu de l'enfant. D’abord, en utilisant le premier niveau d’analyse du CPTI portant sur la segmentation des différentes catégories d’activités de jeu et les formes de cessations de jeu, un premier objectif est poursuivi à l’effet de décrire le comportement d’enfants abusés sexuellement en situation de jeu libre au niveau de leur potentiel de jeu et de !’actualisation de ce potentiel ludique. Ensuite, sur la base du potentiel à jouer, des analyses comparatives sont exécutées sur deux premiers groupes d'enfants afin de cerner les variables socioaffectives caractérisant ces enfants. Plus pécisément, plusieurs variables individuelles, familiales, sociales et comportementales sont auscultées.

Entre autres, il est postulé que les enfants ayant un potentiel ludique limité se distingueront des enfants ayant un potentiel élevé de jeu sur le plan de la

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seront dans l’incapacité de se créer un espace sécurisant pour jouer et de s’impliquer dans l’activité ludique. De plus, en s'appuyant sur la documentation scientifique qui reconnaît l'âge de l'enfant au moment du traumatisme comme un haut prédicateur de la

symptomatologie psychopathologique, des analyses viseront à confirmer la présence d'une relation entre l'âge de l'enfant et son potentiel à jouer. Par ailleurs, afin

d'homologuer la thèse soutenue par un corpus d'études à l'égard de l'influence de la relation significative entre l'enfant, l'abuseur et l'exacerbation des perturbations

psychologiques et comportementales chez ce premier, les relations, en ce qui à trait au type d'abus vécu par l'enfant et sa fréquence et la capacité à jouer, seront également examinées. De même, traduisant l'hypothèse de la transmission intergénérationnelle des séquelles de l'abus sexuel, il est postulé une relation entre la présence ou non d'abus chez la mère et la régulation de l'activité ludique de l'enfant.

Enfin, des analyses comparatives subsidiaires en fonction de !'actualisation du potentiel ludique établi par les formes de cessations de l’activité ludique sont tenues sur deux autres groupes d'enfants pour dégager les variables socioaffectives de ces deux cohortes. Ainsi, il est attendu que les enfants actualisant faiblement leur potentiel de jeu auront un tableau symptomatologique de nature anxieuse ce qui traduira les montées d’anxiété liées au rappel ou à l’évocation du traumatisme provoquant la fin prématurée du jeu. Également, d’autres variables individuelles, familiales, sociales, etc., seront examinées.

Postérieurement, un deuxième objectif est d’identifier les variables relatives aux profils qui discriminent de façon plus décisive chacun des deux groupes d’enfants. De façon plus précise, la seconde partie de la recherche consiste à comparer chacun des deux

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groupes d’enfants abusés sexuellement afin de déterminer quelles sont les caractéristiques les plus significatives à chacun d’eux.

Afin de vérifier les hypothèses à l’étude, un échantillon, composé de 50 enfants âgés entre 3 et 6 ans pour lesquels pèsent de forts soupçons d'abus sexuel, est constitué à partir d’un plus large échantillon d’enfants abusés (enfants recrutés au cours des travaux du Laboratoire de Recherche et d’intervention auprès de l’Enfant et de l’Adolescent de !’Université Laval et portant sur l’évaluation et le traitement des séquelles

psychologiques de l’abus sexuel chez l’enfant). Chaque enfant est rencontré deux fois, individuellement, pour une situation de jeu libre de 45 minutes. Chaque séance de jeu libre avec l’enfant est filmée et ce matériel vidéo est subséquemment segmenté à l’aide des consignes de segmentation du CPTI. Les unités de jeu représentant du jeu de fantaisie sont identifiées de même que les périodes où il y a absence de jeu. De plus, la forme de cessation de l'activité de jeu est précisée au terme de chaque terminaison de jeu.

Les enfants abusés sexuellement qui participent à cette recherche sont référés principalement par les Centres jeunesse et les CLSC de la région de Québec, de la Rive-Sud de Québec et de Trois-Rivières ainsi que par des médecins d’AEVAS qui sont responsables des évaluations médico-légales des enfants abusés sexuellement dans la région de Québec.

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CHAPITRE II ARTICLE

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3 et 6 ans en lien avec leur capacité à jouer Karine Bergeron

École de psychologie Université Laval

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L’objectif de la présente étude est de relever le profil socioaffectif de deux groupes d’enfants abusés sexuellement dont l’un démontre une capacité à jouer préservée et l’autre se caractérise par une activité ludique limitée. En outre, elle vise à identifier les variables relatives aux profils dégagés qui discriminent de façon plus spécifique chacun des deux groupes d’enfants à l’étude. L’échantillon est constitué de 50 enfants abusés sexuellement âgés entre 3 et 6 ans. Tel que prédit, les résultats démontrent que les

enfants ayant un potentiel ludique limité, comparativement aux enfants où le potentiel est préservé, sont caractérisés par un surcroît de comportements de nature anxio-dépressive. De plus, ils démontrent un nombre significativement plus élevé de comportements dissociatifs et leur profil symptomatologique est davantage « Internalisé ». Ces résultats supportent l'idée d'assise que l'abus sexuel, agissant comme traumatisme, perturbe la capacité à jouer de deux manières différentes : soit il bloque l'accès au jeu chez certains enfants, soit il trouble l’activité ludique en elle-même chez un autre groupe.

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en lien avec leur capacité à jouer

2.2 Introduction

2.2.1 État de la situation

Le phénomène de l’abus sexuel chez l’enfant est une problématique de plus en plus inquiétante puisqu’elle est en nette progression depuis ces dernières années. En effet, les données statistiques provenant de la Commission de la protection de la jeunesse au Québec, confirment !’augmentation du nombre d’abus sexuels dénoncés depuis 1975 et elles démontrent que le nombre d’enfants abusés sexuellement et pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse a presque doublé entre 1985 et 1990 (Faugeras, Moisan et Laquerre, 2000). Actuellement, avec un taux d’incidence se situant autour de 0,8 à 0,9 enfants/1000, on estime que le nombre véritable d’enfants victimes d’abus sexuel se situerait entre 4000 et 6000 par année. De plus, selon une revue de vingt études rétrospectives effectuées au Canada et au Etats-Unis s’échelonnant de 1980 à 1997, entre 2 % et 62 % des femmes et entre 3 % et 16 % des hommes sont victimes de sévices sexuels avant même d’avoir atteint l’âge de 18 ans (Finkelhor, 1994; MacMillan, Fleming, Trocmé et al., 1997). Dans ce contexte, malgré leur plus grande vulnérabilité, les jeunes enfants semblent être la cohorte la plus fortement touchée par le phénomène de l’abus.

L’abus sexuel est vécu par l’enfant comme une expérience traumatisante

profondément néfaste et déconcertante puisqu’un tel événement traumatisant crée un état d’impuissance annihilant chez l’individu sa capacité à faire face à la situation de manière

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usuelle (Eth et Pynoss, 1985). Selon Terr (1990), le traumatisme consiste en un choc ou une série de chocs émotionnels subits, imprévus, intenses et submergeants qui agresse la personne de P intérieur. Les expériences de vie traumatiques s’immiscent chez l’enfant en créant une brèche dans son esprit. En tant que traumatisme, l’abus sexuel peut donc faire empreinte sur le monde interne de l’enfant, provoquer des interférences sur son développement normal et contribuer à l’apparition d’une symptomatologie manifeste ou insidieuse.

Jusqu’à maintenant, la littérature scientifique fait état d’études très consistantes à l’égard du rôle joué par les expériences traumatiques telles que l’abus sexuel, dans le développement des diverses psychopathologies et des symptômes comportementaux (Schaefer, 1994; Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor, 1993). Par exemple, une étude rétrospective entreprise par Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor (1993), démontre des difficultés tels des symptômes d’anxiété, de la dépression, de la régression au plan végétatif et/ou affectif, des plaintes somatiques, des troubles de comportements antisociaux et/ou autodestructeurs, etc. Une tendance à répéter dans le jeu des scènes sexuelles (Goodwin, 1988), des préoccupations sexuelles explicites et la présence de réactions de stress post-traumatiques ont également été relevées comme étant des éléments discriminants des traumatismes sexuels.

Or, certaines recherches ont démontré que plus de 21 % des enfants abusés sexuellement ne présentent aucune symptomatologie (Conte et Schuerman, 1987;

Kendall-Tackett, Williams et Finkelhor, 1993). Néanmoins, des études prospectives ont mis en lumière ce phénomène cliniquement notable et elles ont fait ressortir que, malgré une symptomatologie manifeste ou non durant l’enfance, la plupart des victimes se

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trouvent lésées psychologiquement après la survenue des sévices sexuels, certaines d’entre elles n’affichant des symptômes qu’une fois parvenue à l’âge pubertaire ou à l’âge adulte (Pauzé, Mercier et al., 1994). Plus encore, un sombre tableau se dresse puisqu’il apparaît de plus en plus clairement que, malgré des améliorations de la

symptomatologie sur le plan du fonctionnement social, familial et comportemental chez les enfants à une certaine période de leur vie, les conséquences de l’abus sexuel ne se résorbent pas avec le temps si aucune attention n’est portée à ce niveau. Ainsi, force nous est de reconnaître que l’abus sexuel relève du traumatisme pour une grande part des victimes et que rares sont ceux qui n’y subissent aucun préjudice. Sur ces constats, il semble incertain d’évaluer la nature et l’ampleur des séquelles psychologiques uniquement par !’intermédiaire de la symptomatologie manifeste de l’enfant. Le jeu, mode de communication privilégié par les enfants pour s’exprimer, s’avère donc une avenue intéressante pour saisir d’infinies subtilités.

2.2.2 Le jeu comme mode d’expression de l’enfant

Selon l’approche psychanalytique, le jeu est conçu comme étant un moyen naturel d’expression chez l’enfant (Winnicott, 1968). Sa fonction de support au développement cognitif et socioaffectif (Solnit, Cohen et Neubauer, 1993) permet à l’enfant de traduire et d’assimiler les schémas relationnels, il lui permet de se représenter, de communiquer et d’exprimer ses fantasmes inconscients et rend également possible l’élaboration et la modulation de l’anxiété et des angoisses qui y sont rattachées. À un niveau plus profond, l’espace transitionnel offert par le jeu sert de refuge à l’enfant lorsque la réalité devient trop pénible et douloureuse.

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Le jeu d’un enfant ayant vécu un traumatisme, tel un abus sexuel, revêt quant à lui, de multiples particularités. En effet, l’activité ludique aide à la réparation des séquelles d’expériences traumatiques (Freud, 1905/1931). Selon Schaefer (1994), à la suite d’un événement traumatique, l’enfant aura l’irrésistible besoin de retravailler à travers le jeu les éléments dramatiques reliés au trauma. On peut s’imaginer, par exemple, un enfant qui reproduit incessamment un contexte d’abus sexuel en répandant sans cesse ce qu’il prétend être de la crème sur la zone génitale d’une poupée, avec un degré élevé d’anxiété. L’affect associé revêt un aspect de pression, d’anxiété, de désespoir absolu ou de tristesse. Par contre, bien que le jeu soit une activité naturelle et universelle chez l’enfant (Winnicott, 1971), il arrive chez certains d’entre eux que la fantaisie soit freinée, voire totalement entravée par un afflux d’affects liés à l’événement traumatique. Si, pour Lenore Terr (1983), la répétition du trauma (ou la compulsion à la répétition) permet à l’enfant d’acquérir une maîtrise graduelle de ce qu’il a expérimenté, pour certains autres, soutient-elle, l’activité ludique est paralysée et elle se transforme en un rituel sinistre et monotone où la répétition s’avère vaine puisqu’elle est sans cesse reconduite. Il en découle aucune issue constructive ou satisfaisante pouvant permettre à l’enfant d’assimiler les expériences dramatiques et les conflits qui en résultent.

D’autre part, l’expression symbolique peut également être contrée en raison de la crainte de l’enfant d’être à nouveau submergé psychologiquement et d’être anéanti par l’expérience traumatique. Selon Terr (1983), cette peur intense, soit la « peur d’avoir peur » peut se manifester lorsque la métaphore utilisée dans le jeu est trop proche de la réalité de l’enfant lui-même. Des montées d’anxiété liées au rappel du traumatisme surgissent, assaillent l’enfant et entraînent la fin prématurée du jeu. Il peut s’agir, par

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exemple, d’un enfant insérant le thermomètre dans les fesses de sa poupée pour y prendre la température et qui soudainement, cesse son jeu en mentionnant vouloir aller aux toilettes. L’expérience d’un niveau d’angoisse trop intense devient insupportable pour l’enfant et il se produit une véritable cassure dans le jeu. En d'autres termes, tel un cercle vicieux, autant le jeu peut être salvateur des conflits psychiques de l’enfant, autant le conflit lui-même peut inhiber l’activité ludique (Battin, 1993).

2.2.3 Potentiel à jouer et actualisation du potentiel ludique

Deux manières de concevoir l’activité ludique se dégagent de la littérature sur le jeu. D’une part, il y a le potentiel de jeu qui requiert que l’enfant soit capable d’établir un

espace sécurisant et gratifiant dans lequel il peut jouer (Ritvo, 1993). Cela nécessite que l’enfant soit capable de mettre en scène un jeu et de s’y investir afín d’assimiler les expériences nouvelles auxquelles il est confronté constamment. Toutefois, chez les enfants traumatisés sexuellement, ce potentiel ludique est atteint puisque les enfants abusés jouent significativement moins longtemps que les enfants qui n’ont pas vécu ce traumatisme (Gendron, 1998). Dans ce contexte, le temps que l’enfant consacre au jeu au cours d’une situation de jeu libre apparaît être une manière intéressante d’évaluer les séquelles de l’abus sexuel.

D’autre part, !’actualisation du potentiel ludique s’avère être une avenue

pertinente pour comprendre le jeu et éprouver l’impact de l’abus sexuel sur la régulation de l’activité ludique de l’enfant. Plus spécifiquement, il s’agit d’observer la séquence de jeu de l’enfant et d’apprécier si elle est complète et procure la satiété à l’enfant ou si, au contraire, elle est perturbée ou interrompue par une montée d’anxiété. Considérant les théories sur le jeu traumatique, la séquence de jeu de l’enfant abusé peut être perturbée ou

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interrompue à n’importe quel moment. Winnicott (1968) conçoit cette interruption du jeu comme une excitation trop directe et trop grande du corps, par exemple suite à une

montée d’anxiété associée au vécu traumatique. Le jeu perd son rôle de protection du Moi face à l’anxiété qui devient envahissante (Peller, 1954) et le niveau d’angoisse insupportable détruit le jeu (Schaefer, 1994). Il en est ainsi que l’enfant abusé sexuellement peut être incapable de maintenir le niveau d’angoisse de l’expression symbolique à un niveau tolérable et enfin, avoir difficilement accès à un état de satisfaction permettant d’évoluer vers une autre forme de jeu. Dans ce cas, l’enfant préfère cesser de jouer plûtot que de revivre l’horreur.

2.2,4 Pertinence de l’étude

Les recherches, au niveau de la régulation de l’activité ludique, sont relativement récentes et limitées en nombre. De plus, la plupart d’entre elles décrivent l’impact majeur du jeu sur le développement cognitif et socioaffectif de l’enfant, mais aucune étude ne s’est prêtée, comme cette étude se propose de le faire, à décrire cette cohorte d’enfants bien singulière qui sont les enfants abusés sexuellement qui n’arrivent pas à jouer. Ainsi, cette voie exploratoire du profil socioaffectif en fonction de la capacité à jouer s'avère pertinente à plusieurs niveaux. D'abord, parce que l’activité ludique peut

être en lien avec certains symptômes et psychopathologies de l'enfance, elle peut

également être en relation avec des caractéristiques liées au vécu traumatique ou avec des éléments individuels, relationnels, etc. Ensuite, parce que connaissant les distinctions entre les enfants qui jouent et ceux qui n'y arrivent pas, on peut mieux planifier et orienter les interventions auprès de cette clientèle infantile.

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Actuellement, il existe une myriade d’instruments portant sur l’évaluation du contexte d’abus sexuel et/ou permettant d’évaluer les séquelles psychologiques de cet événement traumatique sur l’enfant. Toutefois, parmi ceux-ci, aucun modèle d’analyse du jeu ne se prête à une population d’enfants abusés sexuellement.

2.2.5 Le Children Play Therapy Instrument

Le Children Play Therapy Instrument (CPTI : Kemberg, Chazan et Normandin, 1994) est une grille d’analyse novatrice destinée à mesurer les enjeux développementaux et à apprécier les progrès de l’enfant en thérapie. De même, cet instrument permet de mettre en lumière certains troubles émotifs et comportementaux chez l’enfant. Il semble donc judicieux d’utiliser le CPTI comme outil d’investigation des traumatismes sexuels chez l’enfant.

Le CPTI est composé de trois niveaux d’analyse. Le premier niveau repose sur la segmentation de l’ensemble des activités de jeu de l’enfant. Ce processus, une des contributions originales du CPTI, permet de circonscrire dans le temps les quatre différentes catégories d’activités qui composent une séance de jeu libre soit, la

préparation au jeu (ex. : l’enfant prend les autos, le tapis d’autos et le petit garage), le jeu proprement dit (ex. : l’enfant a une petite maison avant de commencer à jouer au

mécanicien), le non-jeu (ex. : l’enfant parle à l’évaluateur, mange une pomme) et les interruptions (ex. : l’enfant va aux toilettes). L’épuration de l’activité de jeu s’avère pertinente puisque de cette manière, l’analyse et !’interprétation ultérieures du jeu de l’enfant s’avèrent plus justes et raffinées. Également, en plus d'obtenir un aperçu de la distribution des différentes activités composant une séance de jeu libre, la segmentation permet d'apprécier le temps qui leur est respectivement consacré. Suite à l'analyse

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segmentaire, il est donc possible d'objectiver le comportement de l'enfant en situation de jeu libre, de distinguer l'enfant qui joue de l'enfant qui ne joue pas (Kemberg, Chazan et Normandin, 1998), et de différencier l'enfant qui présente un potentiel ludique préservé de celui caractérisé par un pauvre potentiel de jeu.

Le second niveau d’analyse du CPTI, soit l’analyse dimensionnelle, regroupe trois sous-échelles permettant l’évaluation qualitative des séquelles de l’abus sexuel chez l’enfant. Brièvement, ces échelles permettent, entre autres, de relever les catégories de jeu, les thèmes employés dans le jeu, les mécanismes de défense et d’adaptation utilisés par l’enfant, elles permettent de mesurer l'état de satiété dans lequel se trouve l'enfant au terme de son jeu, etc. Le terme de satiété, mis de l'avant par Erikson (1941), réfère au processus complet de jeu qui comprend généralement un début, un milieu et une fin. Lorsque la séquence de jeu est complète, il y a satiété et l'enfant est satisfait puisqu'il a atteint un niveau de maîtrise de son angoisse et il a réussi à comprendre davantage son monde externe et interne. Précisons que l'appréciation de la satiété que le jeu a procuré à l'enfant ne s'appuie pas sur le dénouement heureux de la fantaisie. Le facteur de satiété réfère plutôt à un élément central qui consiste au fait que l'enfant soit en contrôle du jeu et non pas envahi émotivement. De même, toute entrave de la séquence de jeu évoque que l'enfant est assailli par une montée d'anxiété liée au rappel du traumatisme et elle souligne que l'activité ludique ne procure pas la satiété. L'échelle de satiété du CPTI permet donc de cerner les perturbations des séquences de jeu de l'enfant et ainsi, d'évaluer la capacité de l'enfant à actualiser son potentiel de jeu.

Finalement, le dernier niveau d’analyse, soit l’analyse séquentielle, réfère aux patrons caractérisant l’activité ludique de l’enfant dans le temps et qui lui permet

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d’apprécier les changements et l’évolution de l’enfant en cours de processus thérapeutique.

2.2.6 Objectifs à l'étude

L’objectif principal de la présente recherche est d'étudier le profil socioaffectif d’enfants abusés sexuellement en regard de deux fonctions de la capacité à jouer, soit le potentiel ludique et !'actualisation du potentiel de jeu de l'enfant. D’abord, en utilisant le premier niveau d’analyse du CPTI portant sur la segmentation des différentes catégories

d’activités de jeu et les formes de cessations de jeu, un premier objectif est poursuivi à l’effet de décrire le comportement d’enfants abusés sexuellement en situation de jeu libre au niveau de leur potentiel de jeu et de !’actualisation de ce potentiel ludique. Ensuite, sur la base du potentiel à jouer, des analyses comparatives sont exécutées sur deux premiers groupes d'enfants afin de cerner les variables socioaffectives caractérisant ces enfants. Enfin, des analyses comparatives subsidiaires en fonction de !'actualisation du potentiel ludique établi par les formes de cessations de l’activité ludique sont tenues sur deux autres groupes d'enfants pour dégager les variables socioaffectives de ces deux cohortes.

Entre autres, il est postulé que les enfants ayant une capacité ludique limitée se distingueront des enfants ayant une capacité élevée de jeu sur le plan de la

symptomatologie comportementale. Ces premiers, en raison d’éléments dépressifs et anxieux, seront dans l’incapacité de se créer un espace sécurisant pour jouer et de

s’impliquer dans l’activité ludique. Également, diverses variables individuelles, sociales, familiales, etc., seront analysées pour explorer l’existence d’une différence entre deux types d’enfants, soit ceux dont le potentiel et !’actualisation de la fonction ludique sont

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préservés et ceux dont ces fonctions sont entravées significativement. L'âge et le sexe de l'enfant, le type d'abus sexuel vécu par celui-ci, sa fréquence, la présence d'abus sexuel vécu par la mère, les résultats obtenus à différents questionnaires mesurant les

comportements et symptômes affichés par l’enfant seront auscultés quant aux liens qu'ils peuvent posséder avec le potentiel ludique chez l'enfant et !'actualisation de ce potentiel.

Par ailleurs, un deuxième objectif sera poursuivi à l’effet d’identifier les variables relatives aux profils qui discriminent de façon plus rigoureuse chacun de ces deux

groupes d’enfants. Plus spécifiquement, la seconde partie de l’étude consistera à comparer les deux groupes d’enfants abusés et ce, afin de déterminer quelles sont les caractéristiques les plus significatives à chacun d’eux.

2.3 Méthode 2.3.1 Participants

L'échantillon est composé de 50 enfants abusés sexuellement (29 filles et 21 garçons) âgés entre 37 et 70 mois (M = 54,9, é-t = 9,84). Au niveau de l’état civil de la mère, information déterminée en fonction de la présence ou non d’un conjoint au sein du milieu familial, l'analyse des données révèle que 54 % des mères (n = 27) cohabitent actuellement avec un conjoint, 44 % (n = 22) vivent sans conjoint et pour un dossier d'enfant, cette donnée est manquante. Quant au revenu familial annuel, 20 familles ont un revenu inférieur à 15 000 $, neuf ont entre 15 001 $ et 25 000 $, huit obtiennent des gains se situant entre 25 001 $ et 35 000 $, sept ont entre 35 001 $ et 45 000 $ et cinq obtiennent un gain annuel supérieur à 45 001 $. Pour un dossier, cette information est manquante.

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Le recrutement des enfants est effectué avec la collaboration des Centres jeunesse et des CLSC de la région de Québec, de la Rive-Sud de Québec et de Trois-Rivières ainsi que par la contribution des médecins responsables des évaluations médico-légales des enfants abusés sexuellement dans la région de Québec (AEVAS).

2.3.2 Procédure

Chacun des enfants ainsi que leur mère, sont rencontrés à deux reprises au Service de consultation de l’École de psychologie de ΓUniversité Laval par deux intervenants en psychologie clinique de l’enfant.

D’abord, l’enfant et sa mère sont reçus par les deux intervenants responsables afin de leur présenter la salle de jeu, d’expliquer à chacun le déroulement de la rencontre et . pour obtenir le consentement écrit de la mère pour participer à la recherche. L ’ en faut est,

par la suite, conduit dans une salle de jeu aménagée de manière standard, c’est-à-dire dans un endroit où l’on retrouve des jouets et des jeux adaptés à l’âge et au sexe de l’enfant. Dans la salle de jeu, et pour les deux séances, l’enfant est filmé et il a la consigne de jouer librement avec les jouets mis à sa disposition pour une période de 45 minutes. Le second intervenant, pour sa part, présente à la mère les questionnaires relatifs aux comportements de l’enfant, s’enquiert du contexte d’abus allégué ou révélé et

recueille des informations normalisées concernant le développement de l’enfant. 2.3.3 Établissement de la cote d'abus et du score composite

Au point de départ, les enfants recrutés pour la recherche sont identifiés et référés par les intervenants du milieu sur la base d'une probabilité d'abus. Toutefois, il n'en demeure pas moins que l'histoire de vie et le contexte d'abus allégué ou révélé de ces enfants sont très diversifiés. Ainsi, afin d'obtenir un échantillon représentatif des

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populations recherchées, un indice de probabilité qui traduit le plus exhaustivement la possible vraisemblance d'un abus est établi. Plus spécifiquement, une procédure développée par Normandin (1996) est utilisée dans la présente recherche, afin de sélectionner les participants parmi un échantillon plus large.

La procédure permettant !'établissement d’une cote d'abus et d’un score composite est effectuée par une clinicienne d'expérience en matière d'abus sexuel. Sa fonction consiste à examiner l'ensemble des informations recueillies et comptabilisées au dossier, telles que l'histoire de vie de l'enfant et son contexte familial, les verbalisations de l’enfant en lien avec le contexte d’abus, l’évaluation des intervenants sociaux et les résultats de l'examen médico-légal s'il y lieu, les données des différents questionnaires et la présence d'éléments cliniques notés dans les séances d’observation de l'enfant. Ce n'est qu'au terme de cette analyse exhaustive que l'expert attribue à chacun des enfants une cote d'abus quantifiant la probabilité qu'il y ait eu abus ainsi qu'un score composite permettant de distinguer les perturbations liées à l'abus de celles issues de d'autres phénomènes (négligence, violence physique, etc.). Ainsi, un score composite de 2 peut être attribué à une catégorie particulière d’enfants qui ne présentent aucune manifestation comportementale de type post-traumatique liée à l’abus. Quant aux enfants qui

obtiennent un score composite de 3, il regroupe ceux pour lesquels il s’avère difficile de dissocier les éléments prémorbides et les réactions post-traumatiques liées à l’abus. Le lecteur pourra trouver, en annexe, la procédure complète et détaillée permettant

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Pour les fins de cette étude, les enfants sélectionnés pour constituer l'ensemble des groupes au niveau des deux modalités de la capacité à jouer obtiennent tous des cotes d'abus de 6 et plus, soit une probabilité allant de moyenne à une certitude d'abus. 2.3.4 Instruments

Le protocole de cette recherche est composé d’une série de questionnaires, tous complétés par la mère. Ces questionnaires servent à colliger des informations relatives à l'enfant afin d'établir la cote d'abus et le score composite attribués à chacun des enfants et, de manière concomitante, de circonscrire !'échantillon à l'étude. Par ailleurs, puisque ce projet de recherche s'inscrit dans une perspective exploratoire et descriptive, les

questionnaires complétés sont utilisés dans les analyses selon que leurs résultats caractérisent ou non le profil socioaffectif des deux׳groupes d'enfants abusés. Ces

questionnaires sont : Y Inventaire des Comportements de l’Enfant, une traduction du Child

Behavior Checklist (Achenbach et Edelbrock, 1983), Y Échelle des Événements marquants pour Enfants, une traduction française du Life Event Scales for Children and Adolescents

(Coddington, 1972), Y Inventaire des Comportements Sexuels de l'Enfant, une traduction du Children's Sexual Behavoir Inventory (Friedrich et al., 1992) et Y Échelle de

Dissociation chez l'Enfant, traduit du Child Dissociative Checklist (Putnam, 1993).

Les qualités métrologiques pour l’ensemble des questionnaires utilisés s’avèrent excellentes. Concernant le Child Behavior Checklist, cet instrument a fait l’objet de vastes études de normalisation. Utilisé dans plus d’une dizaine de recherches menées auprès des enfants victimes d’abus sexuel (Freidrich et al., 1988; Kelley, 1989), cet instrument permet de discriminer le fonctionnement normal du fonctionnement d’enfants victimes d’abus sexuel sur différentes échelles comportementales. Quant au Children ’s

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Sexual Behavior Inventory, le coefficient de cohérence interne est de 0,82 pour la

population normative (n = 880 enfants) et il atteint 0,93 pour un échantillon d’enfants abusés (n = 276). Le Child Dissociative Checklist, pour sa part, a été validé auprès d’une population normale d’enfants, ceux ayant vécu un traumatisme sexuel et également ceux ayant un diagnostique d’un trouble dissociatif. Pour deux études effectuées (Putnam et Peterson, 1994), les indices de consistance interne varient entre 0,78 et 0,95. L’étude de fidelité test-retest démontre une consistance entre les deux études se situant entre 0,69 et 0,73. La validité a également été éprouvée et elle démontre, entre autres, que les enfants abusés sexuellement obtiennent un score plus élevé à ce questionnaire que les enfants de la population normative (Putnam et Peterson, 1994). Enfin, concernant le Life Event

Scales for Children and Adolescents, les indices psychométriques sont excellents.

L'instrument de mesure sur lequel s'appuie principalement cette étude est le

Children Play Therapy Instrument (CPTI) ( Kemberg, Chazan et Normandin, 1998). Le

CPTI est une grille d'analyse du jeu mettant en relief la dynamique psychologique de l'enfant activée lors de son jeu. Dans l'ensemble, il permet l'évaluation de trois éléments différents, soit la prévalence des schémas relationnels ou conflictuels, le type et la force des affects qui y sont inhérents et les stratégies problématiques ou adaptatives sollicitées par l'enfant à l'intérieur de thèmes associés à un abus sexuel. Plus spécifiquement, le CPTI est constitué de trois principaux niveaux d'analyse du jeu : la segmentation de l'ensemble des activités de jeu, l'analyse dimensionnelle regroupant trois sous-échelles dont l'analyse descriptive (catégorie de jeu, description du scénario de jeu et sphères d'activité de jeu), l'analyse structurale (composantes affectives, cognitives, dynamiques et

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développementales de l'activité de jeu) et l'analyse adaptative (mécanismes de défense et d'adaptation de leur séquence temporelle) et finalement, l'analyse séquentielle.

Au niveau de l’étude de fidélité préliminaire (Kemberg et al., 1998), les indices obtenus s’avèrent excellents variant de 0,63 à 0,95 selon les échelles. De plus, les

données relatives à la validité de l’instrument montrent que les enfants abusés forment un groupe distinct de la population normative et ce, à plusieurs égards (Gendron, 1998; Prémont-Vézina, 2000).

2.3.5 Juges, formation et processus de cotation pour la segmentation selon le CPTI

2.3.5.1 Formation des fuses

Quatre juges de sexe féminin, étudiantes au niveau du baccalauréat et de la

maîtrise en psychologie, ont été sélectionnées pour effectuer la cotation du matériel vidéo recueilli. Les différents juges ont reçu une formation préalable de 35 heures portant sur la segmentation du CPTI et sur la cotation de l’échelle de cessation des activités de jeu, donnée par une psychologue formée à cet effet par une des auteures de la grille. Dans le cadre de cette formation, la tâche des juges consistait à relever et à identifier, dans le matériel vidéo, les différentes unités d’activités de l’enfant. Après avoir repéré les arrêts des activités de jeu, les juges devaient déterminer le contexte de cessation de l’activité de jeu.

Également, dans le cadre de l'accord interjuges, une attention particulière a été portée aux différents poids de désaccord au niveau des catégories d'activités entre lesquelles il y avait divergence d'opinion entre les juges. Concrètement, un poids de désaccord plus élevé était attribué lorsqu'il y avait divergence dans !'identification de la catégorie d'activité de jeu.

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2.4 Résultats

2.4.1 Accord interjuges

Dix séances de jeu libre sélectionnées au hasard ont été cotées de façon indépendante par les juges. Le degré d'entente obtenu par les juges au niveau de la segmentation, mesuré par le coefficient kappa pondéré est de 0,76. Cet indice signifie que 76 % des jugements communs effectués par les juges sont similaires relativement au niveau de la segmentation du CPTI nonobstant la proportion d’accord attribuable à la chance1. Selon les balises d'évaluation du niveau d'accord interjuges fixées par Landis et Koch (1977)2 *, cet indice est considérable. Quant au degré d’accord concernant la forme de cessation de l’activité de jeu, il est jugé considérable puisque le score standard du coefficient kappa est de 0,6425:4Cela dénote que, en excluant la proportion d’accord liée à la chance, 64 % des jugements communs faits par les juges en ce qui concerne la forme de cessation de jeu sont équivalents.

2.4.2 lere analyse : capacité à jouer de l'enfant

Dans le but de se représenter la capacité ludique des enfants abusés âgés entre 3 et 6 ans, des analyses ont été effectuées à partir des 50 participants. La courbe

1 La valeur du coefficient kappa standard ou un coefficient kappa pondéré se situe entre -1,00 et 1,00. Une valeur négative signifie que l'entente observée est inférieure à celle attribuable à la chance; une valeur de 0,00 est, quant à elle, équivalente à celle attribuable à la chance et finalement, une valeur positive signifie que l'entente mesurée et supérieure à celle attendue par la chance. Une valeur de 1,00 correspond à une entente parfaite entre les juges (Tinsley et Weiss, 1975).

2 Selon Landis et Koch (1977), les critères d'évaluation du niveau d'entente interjuges calculé par le coefficient kappa et le coefficient kappa pondéré sont les suivants : inférieur à 0,00 est considéré mauvais; de 0,00 à 0,20 est faible ; de 0,21 à 0,40 est jugé raisonnable ; de 0,41 à 0,60 est modéré ; de 0,61 à 0,80 est considérable alors qu'un kappa de 0,81 à 1,00 est jugé presque parfait.

(44)

de distribution, la moyenne et F écart-type découlant de ces analyses figurent au Tableau 1. Les résultats obtenus indiquent que les enfants jouent en moyenne 80,9 % du temps au cours des deux séances de jeu libre allouées au niveau de la présente étude. Hormis 11 sujets, la totalité de !'échantillon se positionne à l'intérieur d'un écart-type de la moyenne (M = 80,9, é-t = 11,36).

Insérer Tableau 1

Relativement aux différentes autres catégories d'activités mesurées par le CPTI, les données obtenues démontrent que les enfants abusés sexuellement s'adonnent à des activités de non-jeu en moyenne 5,8 % (é-t = 7,21) du temps qui leur est alloué, en moyenne 10,6 % (é-t = 7,21) du temps en ce qui concerne les activités de préparation au jeu et ils obtiennent une moyenne de 2,1 % (é-t = 3,81) quant au pourcentage de temps

accordé à des interruptions. Les courbes de distribution des ces différentes catégories d'activité figurent aux Tableaux 2, 3 et 4.

Insérer Tableaux 2, 3 et 4

Enfin, considérant l'aspect des formes de cessations d'activité ludique appréciées par le CPTI, les observations témoignent que les enfants abusés complètent leurs

séquences de jeu en satiété dans une proportion moyenne de 1,38 jeux sur 10 et ils le suspendent momentanément dans une proportion de 2,52 activités ludiques sur 10. Quant à la forme de cessation sous forme de bris (perturbation), elle apparaît dans 3,96 activités

(45)

dejen sur 10. Les courbes de distribution représentant les différentes formes de cessations de jeu sont présentées aux Tableaux 5, 6 et 7.

Insérer Tableaux 5, 6 et 7

2.4.3 2e analyse : potentiel ludique

Deux sous-groupes ont été constitués en utilisant, pour l’un, tous les enfants qui ont obtenu un score de temps consacré au jeu supérieur à un écart-type de la moyenne de !’échantillon des 50 enfants (é-t = 11,36; M = 80,9) et, pour l’autre groupe, tous les enfants qui ont obtenu un score de temps consacré au jeu inférieur à un écart-type de la moyenne de l’échantillon. Le premier groupe est constitué de six enfants abusés ayant préservé leur potentiel à jouer. L’autre groupe, caractérisé par un potentiel ludique limité, regoupe cinq enfants abusés. Le Tableau 8 illustre la répartition des enfants en fonction du temps consacré aux activités de jeu.

Insérer Tableau 8

2.4.3.1 Comparaison des groupes au niveau du potentiel à jouer

Afín de cerner le profil socioaffectif des enfants des deux groupes, des analyses ont été effectuées à partir de tests de Mann-Whitney et de tableaux croisés pour un échantillon de 11 enfants s'étant distingués de la moyenne (M = 80,9 %) quant au pourcentage de temps consacré au jeu. Le groupe démontrant un potentiel à jouer limité (P.L. : Potentiel Limité) est composé d'enfants ayant consacré moins de 69,54 % de leur temps à du jeu à proprement parler. Quant au groupe où ce potentiel est préservé (P.P. :

(46)

Potentiel Préservé), il rassemble les enfants dont la catégorie d'activité dejen se positionne, en terme de pourcentage de temps, à plus de 92,26 %.

Les analyses principales consistent à vérifier l'état de relation entre le potentiel à jouer et les variables telles : l'âge et le sexe de l'enfant, le type d'abus vécu par celui-ci et

sa fréquence, la présence d'abus sexuel pour la mère de l'enfant et les scores aux différents questionnaires et sous-échelles administrés. Les valeurs des relations et les seuils de signification de chacune des variables à l'étude en fonction du groupe figurent aux Tableaux 9 et 10.

Insérer Tableaux 9 et 10

2.4.3.2 Comparaison des groupes au niveau de l'Inventaire des comportements de l'enfant

Certaines analyses corrélationnelles ont été conduites au niveau des principaux scores de Y Inventaire des Comportements de l'Enfant, une traduction du Child Behavior

Checklist (Achenbach et Edelbrock, 1983), soit le score T total et les échelles

d’internalisation et d’externalisation. Les résultats de ces analyses figurent au Tableau 10. De manière sommaire, les résultats des analyses statistiques révèlent une faible relation entre le potentiel d'activité ludique chez l'enfant et le score T comportemental obtenu au CBCL. En ce sens, il apparaît que les enfants du groupe P.L. obtiendraient un niveau légèrement supérieur de comportements symptomatologiques que les enfants de la cellule P.P., U (5,000), à un seuil de signification de 0,67. De même, un examen plus pointu de la seconde sous-échelle de ce questionnaire révèle un profil symptomatologique différent des sujets du groupe P.L. quant aux comportements d’internalisation, U (3,000),

Figure

TABLEAU HIO
TABLEAU Hll

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