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CHAPITRE II: ARTICLE

2.2 Introduction

2.2.4 Pertinence de l'étude

Les recherches, au niveau de la régulation de l’activité ludique, sont relativement récentes et limitées en nombre. De plus, la plupart d’entre elles décrivent l’impact majeur du jeu sur le développement cognitif et socioaffectif de l’enfant, mais aucune étude ne s’est prêtée, comme cette étude se propose de le faire, à décrire cette cohorte d’enfants bien singulière qui sont les enfants abusés sexuellement qui n’arrivent pas à jouer. Ainsi, cette voie exploratoire du profil socioaffectif en fonction de la capacité à jouer s'avère pertinente à plusieurs niveaux. D'abord, parce que l’activité ludique peut

être en lien avec certains symptômes et psychopathologies de l'enfance, elle peut

également être en relation avec des caractéristiques liées au vécu traumatique ou avec des éléments individuels, relationnels, etc. Ensuite, parce que connaissant les distinctions entre les enfants qui jouent et ceux qui n'y arrivent pas, on peut mieux planifier et orienter les interventions auprès de cette clientèle infantile.

Actuellement, il existe une myriade d’instruments portant sur l’évaluation du contexte d’abus sexuel et/ou permettant d’évaluer les séquelles psychologiques de cet événement traumatique sur l’enfant. Toutefois, parmi ceux-ci, aucun modèle d’analyse du jeu ne se prête à une population d’enfants abusés sexuellement.

2.2.5 Le Children Play Therapy Instrument

Le Children Play Therapy Instrument (CPTI : Kemberg, Chazan et Normandin, 1994) est une grille d’analyse novatrice destinée à mesurer les enjeux développementaux et à apprécier les progrès de l’enfant en thérapie. De même, cet instrument permet de mettre en lumière certains troubles émotifs et comportementaux chez l’enfant. Il semble donc judicieux d’utiliser le CPTI comme outil d’investigation des traumatismes sexuels chez l’enfant.

Le CPTI est composé de trois niveaux d’analyse. Le premier niveau repose sur la segmentation de l’ensemble des activités de jeu de l’enfant. Ce processus, une des contributions originales du CPTI, permet de circonscrire dans le temps les quatre différentes catégories d’activités qui composent une séance de jeu libre soit, la

préparation au jeu (ex. : l’enfant prend les autos, le tapis d’autos et le petit garage), le jeu proprement dit (ex. : l’enfant a une petite maison avant de commencer à jouer au

mécanicien), le non-jeu (ex. : l’enfant parle à l’évaluateur, mange une pomme) et les interruptions (ex. : l’enfant va aux toilettes). L’épuration de l’activité de jeu s’avère pertinente puisque de cette manière, l’analyse et !’interprétation ultérieures du jeu de l’enfant s’avèrent plus justes et raffinées. Également, en plus d'obtenir un aperçu de la distribution des différentes activités composant une séance de jeu libre, la segmentation permet d'apprécier le temps qui leur est respectivement consacré. Suite à l'analyse

segmentaire, il est donc possible d'objectiver le comportement de l'enfant en situation de jeu libre, de distinguer l'enfant qui joue de l'enfant qui ne joue pas (Kemberg, Chazan et Normandin, 1998), et de différencier l'enfant qui présente un potentiel ludique préservé de celui caractérisé par un pauvre potentiel de jeu.

Le second niveau d’analyse du CPTI, soit l’analyse dimensionnelle, regroupe trois sous-échelles permettant l’évaluation qualitative des séquelles de l’abus sexuel chez l’enfant. Brièvement, ces échelles permettent, entre autres, de relever les catégories de jeu, les thèmes employés dans le jeu, les mécanismes de défense et d’adaptation utilisés par l’enfant, elles permettent de mesurer l'état de satiété dans lequel se trouve l'enfant au terme de son jeu, etc. Le terme de satiété, mis de l'avant par Erikson (1941), réfère au processus complet de jeu qui comprend généralement un début, un milieu et une fin. Lorsque la séquence de jeu est complète, il y a satiété et l'enfant est satisfait puisqu'il a atteint un niveau de maîtrise de son angoisse et il a réussi à comprendre davantage son monde externe et interne. Précisons que l'appréciation de la satiété que le jeu a procuré à l'enfant ne s'appuie pas sur le dénouement heureux de la fantaisie. Le facteur de satiété réfère plutôt à un élément central qui consiste au fait que l'enfant soit en contrôle du jeu et non pas envahi émotivement. De même, toute entrave de la séquence de jeu évoque que l'enfant est assailli par une montée d'anxiété liée au rappel du traumatisme et elle souligne que l'activité ludique ne procure pas la satiété. L'échelle de satiété du CPTI permet donc de cerner les perturbations des séquences de jeu de l'enfant et ainsi, d'évaluer la capacité de l'enfant à actualiser son potentiel de jeu.

Finalement, le dernier niveau d’analyse, soit l’analyse séquentielle, réfère aux patrons caractérisant l’activité ludique de l’enfant dans le temps et qui lui permet

d’apprécier les changements et l’évolution de l’enfant en cours de processus thérapeutique.

2.2.6 Objectifs à l'étude

L’objectif principal de la présente recherche est d'étudier le profil socioaffectif d’enfants abusés sexuellement en regard de deux fonctions de la capacité à jouer, soit le potentiel ludique et !'actualisation du potentiel de jeu de l'enfant. D’abord, en utilisant le premier niveau d’analyse du CPTI portant sur la segmentation des différentes catégories

d’activités de jeu et les formes de cessations de jeu, un premier objectif est poursuivi à l’effet de décrire le comportement d’enfants abusés sexuellement en situation de jeu libre au niveau de leur potentiel de jeu et de !’actualisation de ce potentiel ludique. Ensuite, sur la base du potentiel à jouer, des analyses comparatives sont exécutées sur deux premiers groupes d'enfants afin de cerner les variables socioaffectives caractérisant ces enfants. Enfin, des analyses comparatives subsidiaires en fonction de !'actualisation du potentiel ludique établi par les formes de cessations de l’activité ludique sont tenues sur deux autres groupes d'enfants pour dégager les variables socioaffectives de ces deux cohortes.

Entre autres, il est postulé que les enfants ayant une capacité ludique limitée se distingueront des enfants ayant une capacité élevée de jeu sur le plan de la

symptomatologie comportementale. Ces premiers, en raison d’éléments dépressifs et anxieux, seront dans l’incapacité de se créer un espace sécurisant pour jouer et de

s’impliquer dans l’activité ludique. Également, diverses variables individuelles, sociales, familiales, etc., seront analysées pour explorer l’existence d’une différence entre deux types d’enfants, soit ceux dont le potentiel et !’actualisation de la fonction ludique sont

préservés et ceux dont ces fonctions sont entravées significativement. L'âge et le sexe de l'enfant, le type d'abus sexuel vécu par celui-ci, sa fréquence, la présence d'abus sexuel vécu par la mère, les résultats obtenus à différents questionnaires mesurant les

comportements et symptômes affichés par l’enfant seront auscultés quant aux liens qu'ils peuvent posséder avec le potentiel ludique chez l'enfant et !'actualisation de ce potentiel.

Par ailleurs, un deuxième objectif sera poursuivi à l’effet d’identifier les variables relatives aux profils qui discriminent de façon plus rigoureuse chacun de ces deux

groupes d’enfants. Plus spécifiquement, la seconde partie de l’étude consistera à comparer les deux groupes d’enfants abusés et ce, afin de déterminer quelles sont les caractéristiques les plus significatives à chacun d’eux.

2.3 Méthode

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