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L'Institut du monde arabe : une institution culturelle au carrefour des récits

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Academic year: 2021

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300 North ZeebRaad. Ann Arbor, MI 48106-1346 USA

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(3)

L'Institut du Monde Arabe:

Une Institution Culturelle

au

Carrefour des Récits

by Lina El Baker

Graduate Program in Communications McGill University

August 1997

A Thesis Submitted to the

Faculty of Graduate Studies and Research

in Partial Fulf"tlment of the Degree of Master of Arts

(4)

1+1

National Ubrary of Canada Acquisitions and Bibliographie Services 395 Wellington Street Oftawa ON K1AON4 Canada BibrlOthèque nationale du Canada Acquisitions et services bibliographiques 395.rueW8Uington OIIawa ON K1 A 0N4 canada

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O~1243860-o

(5)

RÉSUMÉ

Cette thèse propose d'identifier les discours idéologiques et politiques qui s'amculent à travers les institutions culturelles et les musées. L'Institut du Monde Arabe à Paris~ qui est l'institution que je propose d'étudier dans ce ttavail~ est particulièrement intéressant du fait de sa position de pont entre les deux cultures.. européenne et arabe .. position qui le rend emblématique d'un lieu où s'articule conjointement les politiques locales et celles reliées aux exigences d'ouverture internationales.

Le premier chapitre présente l'historique de cet institut dédié aux échanges et à la connaissance.. ainsi que les différents partenaires impliqués dans cette entreprise. Une place importante est accordée aux contextes géo-politiques français et arabes et aux relations franco-arabes. Ce chapitre décrit les évènements qui ont marqué l'histoire de l'Institut et présente les données de base sur lesquelles s'appuie le reste de cette thèse.

Le second chapitre s'attarde sur les particularités du paysage culturel français et.. plus spécifiquement.. sur la notion de démocratisation de la culture et des politiques de décloisonnement qui en découlent par rapport aux musées et par rappon aux institutions culturelles.

Le troisième chapitre identifie l'incidence de ces politiques sur le fonctionnement de l'Institut. La perception de leur échec y est opposée au discours officiel qui s'est construit autour de l'Institut.

Le quatrième chapitre cherche à cartographier les différents récits qui s'articulent à travers rIMA et dont la multitude et la

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divergence d'objectifs, peuvent être tenus pour être à ['origine des problèmes que connait l'Institut.

Cette thèse ne prétend pas offrir des solutions aux problèmes auxquels fait face l'Institut du Monde Arabe. Elle se veut suttout un travail de défrichage qui est nécessaire puisqu'il sen à identifier clairement les voies à poursuivre en vue d'une résolution.

(7)

ABSTRACT

This thesis is a case study of a cultural institution located in Paris, France, namely the Arab World Institute. It strives to identify

the various political and ideological discourses that manifest

themselves throughout the Institute's history. The Institute's

mission is to bridge the two cultures, arab and european. It is a particularly interesting case study because of its problematic status which lies somewhere between the imperatives of local policies and those inherent to the international arena.

The first chapter is a presentation of the institute, its history and its mission. It also dweUs upon the local french political scene and the relations between France and the Arab world. It aJso offers a brief overview of the political and social realities of the Arab world.

Chapter two is an introduction to the particularities of the

French cultural landscape. It looks at the historical and social

movement towards the democratization of culture. specifically

through the transformation of the museum and of cultural

institutions as a whole.

Chapter three aims at identifying the repercussions of the

french cultural policies on the Institute's functionning. The

perceived failure of these policies is confronted with the official discourse surrounding the Institute.

Chapter four is a mapping of the different discourses that manifest themselves through the Institute. The muJtiplicity of the discourses and the discrepancies of their proclaimed objectives are

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understood to he at the source of the malfunctionning of the

[nstitute.

This thesis does Dot attempt at rmding solutions to the Many problems of the Arab World Institute. [t is rather an excavation "\\i·ork that aims at bringing forth sorne of the issues that could he

explored while attempting at finding a resolution to the ailments of the [nstitute.

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REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier les gens de l'Institut du Monde Arabe à Paris pour leur temps, leur attention et leurs conseils. Je remercie en

particulier Hana Banna Chidiac du département de muséologie pour

m'avoir ouvert les portes de l'IMA et mis en contact avec les persolUles ressources. Un grand merci pour François Zabbal, pour sa clairvoyance. sa franchise et son temps. Un merci pour Farouk

Mardam Bey pour m'avoir simplifié les mécanismes de

fonctionnement et d'organisation de l'Institut. Et fmalement un

grand merci pour la direction de l'L\JIA pour m'avoir procuré toute la

documentation nécessaire et permis l'accès aux facilités et

ressources de l'Institut.

Plus près de chez nous, je voudrais remercier mon directeur de thèse, professeur Will Straw, pOUl" son support et ses conseils durant la phase d'écriture. Merci à Pierre Goudreault et Lise Guimet

grâce à qui le département de communications me paraissait plus

acceuillant et familier.

ElÛm, un grand merci à mes amis et parents pour leur support, leur patience et les encouragements qu'ils m'ont prodigués tout au long de cette période de recherche et questionnement. Un grand merci àJeanne et à Dunia qui m'ont aidées sur la version finale de cette thèse.

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction :

Le Rendez-vous Raté des Cultures p.l

Chapitre 1 :

L'Institut du Monde Arabe à Paris p.12

La France p.14

Les Pays Arabes p.20

France/Pays Arabes p.30

Chapitre 2 :

La Religion de la Culture en France p.36

L'anthropologie culturelle p.38

La croisade pour la culture p.41

La démocratisation de la culture p.43

L'ambition culturelle p.44

La transformation du musée p.46

L'État et la culture : un mariage de raison p.48

Chapitre 3 :

L'Institut du Monde Arabe: un Mirage à Paris p.52

La génération des musées d'après Beaubourg p.52

Le nouveau public p.56

Le public arabe : une politique de containement p.58 Le monopole sur l'image : le rôle du musée p.61

Le discours officiel p.64

La culture universelle p.68

Chapitre 4 :

L'IMA au Carrefour des Récits

Les traces du passé : le résiduel

L'impératif culturel. un discours dominant Le retour du résiduel. ou la pré-émergence?

p.73 p.76 p.84 p.87

(11)

Conclusion Bibliographie Annexe

* * *

*

*

*

*

*

* p.92 p.95 p.lOl

(12)

INTRODUCTION

LE RENDEZ-VOUS RATÉ DES

CULTIJRES

" Quelque soit l'objet dont on délibère. lU1 unique point de départ, permet de bien s'en tirer: c'est obligatoirement de savoir ce qu'est l'objet sur lequel on délibère; autrement c'est forcé. on manque complètement le but." 1

" La science manipule les choses et renonce à les habiter...EUe est. eUe a toujours été, cette pensée admirablement active, ingénieuse, désinvolte. ce parti pris de traiter tout être comme <cobjet en général», c'est-à-dire à la fois comme s'il ne nous était rien et se trouvait cependant prédestiné à nos artifices." l

Pendant longtemps. la rigueur académique. ce besoin d'être "scientifique". a exigé de moi une sorte d~ détachement. un recul par rapport au travail entrepris. Parler à partir de soi dépouille. paraît-il. l'oeuvre de sa force de validité aux yeux des autres. Force est de constater que le sujet que je traite dans cette thèse émane du besoin profond d'exprimer une expérience personelle. un vécu qui me tient à coeur. Je crois sincèrement qu'il est possible de soumettre un travail "sérieux" tout en le plaçant dans le domaine du soi. Cette thèse tentera, je l'espère. de le prouver.

Étant moi-même ongmaire du Moyen-Orient. jadis terre promise d'ouverture et de dialogue. je ne peux aujourd'hui que constater l'échec de cette promesse et vivre l'amertume d'un

rendez-1Platon: Oeuvres Complètes: Tome IV. Phèdre. Société d'Édition "Les Belles Lettres". Paris.

1970. 237a. p.l8.

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vous raté des cultures. L'Occident nous a amené une vision du

progrès~un projet de modernité et un modèle d'une société civique

à idéaux démocratiques et humanistes. Apparement, nous n'avons

pas su en faire bon usage. La montée de l'intégrisme et les guerres civiles violentes n'ont fait que le confirmer. Devoir choisir entre une

acceptation irrévocable du projet occidental, l'acculturation en

quelque sone, et un retour à une tradition archaique, l'acte

réactionnaire, ne peut mener qu'à une impasse. Pour ceux qui, comme moi, refusent cette dichotomie, la situation paraît intenable. Comment contourner la stérilité de ce débat ? Questionner les motifs de chacun, dévoiler les enjeux et les intérêts, les mettre à jour. les débarasser de leur connotation négative est une entreprise titanesque. N'empêche, elle reste la seule voie possible et nous ne pouvons nous détourner du travail de défrichage qui reste à faire, ne serait-ce que pour esquisser l'amorçe d'une résolution.

Je propose, dans cette thèse, de soumettre à cet exercice de

défrichage un organisme interculturel situé à Paris, en France.

nommément l'Institut du Monde Arabe (IMA). L'L.\1A est un lieu multidisciplinaire qui consiste principalement en un musée, une bibliothèque, un centre audiovisuel et un espace pour les colloques et débats. Il se veut un instnunent d'ouvenure, d'échange et de

dialogue entre les cultures. Créé pour rapprocher les deux

civilisations européennes et arabes, cet institut semble dériver de sa mission première. Sa situation rappelle l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue euro-arabe. Une grande confusion régne quant au statut de l'Institut et cette confusion nourrit une perception d'échec

quant à la mission de l'IMA. Le discours officiel tient le monde

arabe responsable de cet échec, affirmant que ce dernier ne saisit pas la portée d'un projet de cette envergure et qu'il semble étranger au concept des institutions culturelles telles qu'elles existent en Occident. Cenains Européens y voient une résistance de la part des Arabes à dépasser leur vision traditionaliste de la culture et refusent de considérer que ces "autres" ne sont pas convaincus de la validité

(14)

de la conception moderniste de la culture. évitant ainsi de

questionner les prétentions universalistes de leur projet.

"...accueillir la résistance de l'autre comme W1

phénomène positif, comme quelque chose qui nous

oblige à réfléchir plus avant sur nous-mêmes et sur notre vision du monde."3

Que peut-on apprendre de la résistance du monde arabe au projet de la modernité? Peut-elle être porteuse de quelque chose de

positif ? Elle nous permet en tous les cas de questionner le

processus de modernité et les institutions qui en émanent, en

particulier celles qui sont concernées par la diffusion de la culture.

Ce questionnement met à jour le statut problématique des

institutions culturelles à caractère multiculturel. Ces dernières

opèrent dans les limitations des contextes locaux dont elles

dépendent quand, parallèlement, eUes aspirent au rôle de diffuseur des valeurs universelles de la culture. Ce paradoxe de base est inhérent au concept de la culture qui se veut en même temps

représentative des valeurs de l'humanité quand elle est par

définition, particulariste, et associée aux valeurs des groupes qu'elle représente.

L'intérêt de l'Institut du Monde Arabe réside preclsemment dans sa position qui est à cheval entre les réalités de la sphère locale et les exigences d'ouvernare et de décloisonnement liées au processus de circulation et de diffusion des biens culturels. En

suivant la trajectoire de cet institut. on peut voir se dévoiler et se

confronter. les discours qui sous-tendent un projet à portée

universaliste qui est aussi, limité par les exigences des réalités locales. Ce statut est problématique car l'Institut, en alternant d'un récit à l'autre. se retrouve ainsi pris entre deux eaux, d'où le flou dans sa mission et l'impression d'échec.

JHentsch Thierry: "Frontière el usage de l'Orient méditerranéen" in Érudes Francaises. janvier 1990. p.19.

(15)

Pourtant. tous les moyens avaient été mis en oeuvre pour assurer le succès de cette entreprise et pour garantir un avenir prometteur à l'h\fA, soit l'adhésion et le suppon financier de la majorité des pays arabes, le savoir-faire en matière culturelle des français. le recours aux meilleurs architectes pour la construction du projet. Toute ces bonnes intentions reflétaient l'optimisme ambiant des années 70. Les pays arabes connaissaient alors un essor économique sans précédent depuis leur accession à l'indépendance. un essor alimenté par les retombées du boom pétrolier. Les rapports priviligiés, vestiges de l'époque coloniale, qu'entretenait la France avec la plupart de ces pays, en faisait un panenaire de choix pour les opérations et les entreprises d'envergure internationale. Dans le cas de (,IMA. la France mettait à la disposition des Arabes une vitrine culturelle prestigieuse au coeur de l'Europe, vitrine qui, à

partir de Paris, servirait à diffuser et à faire connaître leur culture à travers le monde.

L'optimisme ambiant ne prévoyait guère les boulversements et les revirements politico-économiques que vont connaître les pays arabes et la France dans les années 80. Ces années marquées par les guerres, la montée de l'intégrisme dans le monde arabe et une récession économique dans l'ensemble des pays industrialisés, n'étaient plus si propices à une entreprise philantropique à portée universaliste. Les répercussions des problèmes internes des pays partenaires commençaient à se ressentir sur le développement du projet et ce, avant même son inauguration en 1987. Trés tôt, comme le démontre les titres des articles de la plupart des quotidiens français, on a commençé à parler d'échec et de rendez-vous raté des culnlres-l. La bonne volonté qui régnait au début des

~L'ensembledes articles consultés qui ont parudansla presse française de la fin des années 80. début 90. reflétait cette impression d'échec. Cenains anicles avaient des titres plus évocateurs. d'autres jouaient sur la nuance. Parmi les plus frappants. on retrouve celui de Jeune Amque du 9 décembre 1987. no. 1405 : "Un Institut pourquoi faire".deParis Ma&3zjne d'octobre 1988. no.33 : "L'IMA coule-t-il?". de Minute du 6 janvier 1988 :"Lepalais des mille et un ennuis". du Fi&aro du

1er mars 1989 : "L'IMA ou le rendez-vous raté des cultures: un mirage en plein Paris". du~

du 31 octobre 1990 : "Impasse financière et incompréhension culturelle: l'IMA en demi-sommeil" elfinalement celui duMSDkdu 6 juillet 1995 : "L'lnstitut du monde arabe ne doit pas mourir".

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années 70. a graduellement fait place à la morosité et au scepticisme des années 80. Les bases du projet s'affaissaient sous le poids des contraintes et des impératifs politico-économiques que connaissaient les pays membres. Les différences et les divergences. autrefois considérées secondaires à la survie du projet, ont commençé à refaire surface, jusqu'à parfois occulter le projet lui-même. La liste des doléances s'allongeait et les malentendus devenaient nombreux.

En procédant à l'analyse des discours de chacun des partenaires on ne peut que constater que les concepts qui sous-tendent la dynamique d'un projet tel que l'L\1A sont interprétés différement par les acteurs en jeu et cela en fonction des besoins et des réalités relatifs aux contextes de chacun. La notion de politique culturelle. par exemple. n'a pas la même signification pour les représentants officiels arabes et les représentants officiels français. Les premiers y voient un outil de valorisation au service exclusif de la culture officielle. les seconds la perçoivent comme une nécessité démocratique, visant le bien-être du citoyen. tout en demeurant tributaire des interventions dirigistes de l'État.

Il faut noter que la notion de politique culturelle telle qu'on s'entend à la déîmir en Occident est inexistante en Orient. C'est lU1 concept issu des réalités et des besoins spécifiques du monde occidental et qui doit être percu comme l'aboutissement du projet de la modernité telle que experimenté en Occident. Son articulation

à trdvers une institution comme l'IMA Onstitut du Monde Arabe) doit être considéré comme répondant aux exigences locales -ici francaises- plutôt qu'à celles universelles. de la culture.

Dans les pays occidentaux la question de la culture a dépassé

le stade marginal pour devenir un enjeu public et économique nécessitant l'intervention de l'État et l'élaboration de stratégies gouvernementales, faisant ainsi de la culture une priorité politique.

(17)

architecturaux commandés par Mitterand. Dans cette entreprise l'on peut déceler plusieurs indicateurs qui nous informent sur la volonté du gouvernement français de faire de la culture un instrument au

service de sa politique et un véhicule pour ses idéaux

démocratiques. L'Institut du Monde Arabe~ en tant que monument

architectural et musée, s'inscrit aussi dans la volonté de l'état français et plus spécifiquement du chef de l'état, de réaffirmer le rôle culturel de la France dans le paysage international. Mû par le principe que ".. à la réussite de son architecture se juge une civilisation"'S, François Mitterand a entrepris par le biais des "Grands Travaux" de Paris~ dont l'L\IA fait panie. de rehausser le prestige de la nation française à l'extérieur, tout en affirmant son projet culturel à l'intérieur.

On ne peut nier le rôle important de l'architecture et des institutions dans la construction de l'image d'une nation; les divers

centres culturels. musées, monuments, ponctuent les paysages

urbains tels des symboles de la grandeur et du degré de "culture" d'une société:

"Cultures are constituted in space and under

specifie economic and social conditions : they are

physically and spatially as weU as socially

constnlcted..."6

L'édification d'un institut culturel à l'architecture spectaculaire s'inscrit dans le sillage du mouvement postmodemiste qui privilégie l'image et la mise-en-scène de l'apanage d'une nation. Grâce aux

Grands Projets de Mitterand et à des projets d'envergure

internationale tels que l'IMA, Paris a retrouvé son rôle de "ville-monde", signalant ainsi son retour sur l'échiquier mondial.

5François Miuerand in Chaslin François: Les ParisdeFrancois Millerand. Gallimard. Paris. 1985. p.19

6King Anthony: 'The global. the Urban and the World". in Cyllure Giobaljza1joQand the WQrld-System. Anthony King ed.. Stale University of New York at Binghamlon. 199I.p.150.

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Le projet de 1'L.\fA. est la matérialisation de l'économie

symbolique, la représentation visuelle du pouvoir économique, de la ville de Paris. Le bâtiment fait face à Notre-Dame continuant ainsi le

Paris des a xes historiques dont la trajectoire est jalonnée de

monuments et d'édifices à la gloire des dirigeants bâtisseurs. En construisant l'IMA sur un site plutôt difficile, le pouvoir a assuré une rapide régénération d'un quartier ultérieurement déserté par les visiteurs et les institutions, concrétisant ainsi son programme de

développement et d'investissement dans l'économie de la ville.

Cette décision, bien que favorable à l'ensemble de l'économie de la ville de Paris, n'est néanmoins pas garante du succès du projet lui-même. D'un côté les critiques vantent la superbe architecture de l'IMA, l'intégration de l'édifice dans le paysage urbain parisien; d'un

autre ils déplorent l'impression de vide, le dépouillement des

locaux. "Bel écrin videR, "éléphant blanc", Rpaquebot ensablé", ne sont que quelques-unes des métaphores utilisées pour illustrer ce paradoxe.

Comme l'architecture de Beaubourg, celle de l'IMA joue un rôle de catalyseur et non de contenant neutre. L'espace du musée est

lui-même objet, celui qui frappe d'emblée le visiteur et le met en

situation. L'espace y est signe et se réfère non pas aux objets qui y sont parsemés, mais à lui-même. Cette prédominance de la forme sur le contenu est caractéristique des musées dits postDlodemes où les stratégies esthétisantes sont déployées dans respoir de changer, chez le grand public, la perception qu'il a de ces lieux, autrefois considérés comme les bastions d'un certain élitisme et de la haute-culture. Cette transformation du musée en vue d'attirer un plus grand public, soulève la question à savoir si c'est réellement lme

simple transformation esthétique et formaliste ou une

transformation culturelle plus profonde. Apparement la portée de ce nouveau concept dépasse en réalité l'aspect architectural, puisque les institutions culturelles et les musées en particulier sont des sites privilegiés où peuvent opérer les stratégies de désamorcement des différences culturelles et le niveUement des inégalités sociales :

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"Typically~ contemporary nation-states do this

[pacifying and detlating ideas of difference] by excercising taxonomie control over difference, by creating various kinds of international spectacle to domesticate difference..." ':"

L'IMA dont l'existence est dédiée à la connaissance et à la diffusion de la culture arabe~ est dans son fonctionnement et sa nanlre une fondation de droit français~ située dans la capitale française et dont le concept a pris naissance dans les coulisses du pouvoir français_ Cette rétlection peut paraitre incongrue vu que, dés le 19ème siècle, on assiste partout en Europe à la création d'institutions dédiées à une culture autre, en particulier celle de l'Orient. L'IMA n'est pas une institution à vocation "orientaliste", même si l'on peut quelquefois identifier les traces de cette mouvance dans l'idéologie qui la régit. Elle reste quand même imprégnée des valeurs humanistes et des idéaux spécifiques au système français, particulièrement celles reliées à la volonté de démocratiser la culture et de la sortir de ses frontières élitistes.

La nouveauté de cet institution est que. pour la première fois, on assiste à la naissance d'un projet culturel mixte et à une co-gérance entre les pays arabes et un état européen d'un institut dédié à une culture autre où l'autre participe activement au façonnement de ['image et des informations que l'on diffuse de lui. Cependant,le plus important est que ce projet~ par sa dimension locale française, sous-entend la contribution des pays arabes à la mission civilisatrice et au projet de démocratisation cultureUe qu'entreprend l'état français pour ses propres citoyens. Vu que ces motivations profondes sont particulières au contexte socio-historique de la France, les partenaires arabes s'y sentent naturellement étrangers et

7Appadurni Argun :"Disjuncture and difference in the global cultural economy" in Public Culture.

(20)

s'en détachent. De plus. le manque de transparence dans le discours des officiels français quant à ces motivations, renforçe les doutes des arabes sur les intentions réelles du projet.

Les responsables français, constatant l'échec de l'IMA dans sa mission d'ouverture et de dialogue entre les cultures. ont négligé la dimension problématique de la nature même de cette institution dont le statut est fondé sur une ambiguïté de base entre ses aspirations universalistes et son contexte local. Par facilité et peut-être par habitude, ils se sont plutôt pris au système de référence et à la notion de culture telle qu'elle prévaut dans le monde arabe,

clamant que ce concept n'y est pas le même. La conception arabe

de la culture est perçue comme étant radicalement opposée à celle

attendue par le partenaire français plÙsque ce dernier n'y voit

qu'une volonté de propagande officielle. De là l'impression

généralisée chez les intellectuels français, que les dirigeants arabes portent en eux le potentiel de corrompre et de détourner l'IMA de sa mission initiale. Cette perception d'un monde arabe subversif est tenue pour être la source de l'échec de l'IMA. Une perception qui infuse ce que Hannerz appelle le "scénario de corruption"H où le centre. offrant ses hauts idéaux de connaissance et d'humanisme.

voit son projet adopté, puis corrompu. par la périphérie. Un

scénario où toute tentative de résistance au processus de diffusion des valeurs universelles de la culnlCe est perçue comme étant l'expression d'une non-eulture. de l'absence de culture.

Les raisons de l'échec réel ou perçu de l'IMA sont donc

multiples. Certaines sont liées aux contraintes locales. d'autres sont inhérentes à la mission d'ouverture et de dialogue entre cultures que prône ('Institut. D'autres enfm, sont spécifiques à la nature même de ('Institut qui est exemplaire des institutions multiculturelles prises entre leurs aspirations universalistes et entre les limitations

imposées par le contexte socio-historique dont eUes émanent.

XHannerz Ulf: "Scenarios forperipheral cultures" in Culture. Globalizationandthe World-System.

(21)

Plusieurs voies sont à explorer pour comprendre les raisons de cet échec. Une analyse du contexte local français, ainsi que l'historique des rapports inter·arabes et franco-arabes est donc nécessaire. Il est important de souligner que de tels projets n'émanent pas d'une pensée et d'un système de référence ltdénationalisé" et universel, mais sont le résultat des limitations réelles dont ils sont issus. Il faut par la suite, identifier le rôle des institutions et musées dans le façonnement de l'image d'une nation et le degré d'intervention de l'État dans l'élaboration de cette image. Ces institutions et musées restent, malgré les tentatives de dépolitisation, des lieux privilégiés oit s'articule les idéaux d'une nation, parfois même au détriment d'autres cultures. Le discours officiel nie cette utilisation de ces lieux pour fm de politique locale et la masque sous le couven de ['universalité du message de la culture. Le refus arabe de contribuer

à la démagogie officielle entretenue à travers la manipulation du

discours sur la culture est, nous le verrons ensuite, interprété

comme une tentative de subversion et de détournement du projet de l'IMA. Elle est tenue pour être la raison majeure sinon unique de ['échec de cette institution et non comme réaction au manque de transparence officiel.

Cet aperçu de la situation problématique de l'Institut impose une constatation première selon laqueUe riMA est une institution culturelle au carrefour de récits multiples et parfois divergents. Ce

travail tentera d'identifier les différents discours qui alimentent la

dynamique de l'Institut, sans toutefois en privilégier un en

particulier ou l'investir des causes des difficultés que rencontre l'IMA. Il reste néanmoins que ce travail émane du point de vue d'une personne issue d'un contexte socio-historique précis et ne prétend donc pas à une objectivité sans faille.

Pour comprendre la complexité de la situation de l'IMA, une approche multidisciplinaire et matérialiste de l'histoire me parait nécessaire, une approche qui incluerait des domaines aussi variés que le développement du concept de culture, la matérialisation du

(22)

projet de société dans l'architecture et l'économie culturelIe~ la formation d ridentités nationales et le rôle des institutions et des musées dans l"articulation de ces dernières. AUClme des approches proposées çi-haut ne sauraient~ si prises séparément~être porteuses

des causes du mauvais fonctionnement de IrIMA. Plutôt en

explorant ces diverses avenues, j'espère pouvoir identifier quelques

unes des problématiques qui contribueraient à une meilleure

compréhension de la nature des institutions multiculturelles plus particulèrement, celles spécifiques au cas de rIMA.

Le domaine des communications est traditionellement

concerné par la circulation et le mouvement des idées et des

messages à travers les différents réseaux de diffusion. Bien que

statiques et confinés à l'espace bâti, les institutions culturelles .. musées et monuments architecturaux, n'en sont pas moins des lieux de transmission et de diffusion de messages à l'intention du grand public. Cette dimension communicationneUe justifie la pertinence du sujet de cette thèse quant à la discipline considérée. L"IMA, en tant que geste architectural et musée, est un site où se communique tlne certaine conception des rapports franco-arabes, du rôle de la culture dans

r

évolution de la société française, et du rôle de la culture dans le rapprochement des deux civilisations, européenne et arabe. Symbole du dialogue entre les cultures, l"Institut du Monde arabe à Paris est aussi un site où srarticuJent une multitude de récits

et de discours, d'où son intérêt en tant que structure

(23)

CHAPITRE 1

L'INS'rriUT DU MONDE ARABE A PARIS

"L'Institut du monde arabe est l'oeuvre commune de vingt et un pays arabes et de la France. C'est un lieu d'échanges artistiques, techniques et scientifiques sur les richesses passées et présentes des civilisations arabo-islamiques~"9

L'acte de fondation de l'Institut du Monde Arabe a été signé en 1980 par la France et 19 pays arabes bien que l'idée de cette entreprise gennait dans les coulisses diplomatiques depuis 1974. Deux autres pays ont été ultérieurement admis au sein de la fondation, l'Égypte et la Palestine.

Il s'agit d'une entreprise à caractère politique dont l'acte de fondation a été entériné par des ambassadeurs, un ministre des affaires étrangères et un président d'État. Selon les statuts de la fondation, le but de l'établissement est de développer la connaissance du monde arabe en France, favoriser les échanges culturels, faciliter la réflexion en commun sur le monde actuel et enfin, participer à l'essor des rapports entre la France et le monde arabe10. L'Institut dispose d'une bibliothèque et d'un centre de

documentation sur le monde arabe contemporain, d'un auditorium, et d'lm musée d'art et de civilisation arabe et islamique. Le siège de l'Institut est Paris.

lJMinistère de la CullUre, de la Communication et desGrandsTravaux. Publication du département de l'information et de communication du ministère. Paris. France. 1990. p.86

(24)

L'Institut est placé sous l'autorité morale et le patronnage d'un Haut-Conseil. et il est géré par un conseil d'administration. assisté de comités spécialisés et d'un comité juridique. Le Haut-Conseil se réunit lme fois par année et se compose d'un représentant de chaque membre fondateur, des membres du conseil d'administration et de six personalités choisies par l'État français en raison de leur compétence et de l'intérêt qu'elles portent au monde arabe. L'administration effective de l'Institut est aux mains du conseil d'administration qui est composé de six membres-fondateurs arabes désignés par les représentants arabes au Haut-Conseil et de six personalités désignées par l'État français. Un bureau composé d'un président. de quatre vice-présidents. d'un secrétaire généraI et d'un trésorier régit les activités du conseiL Le

président. le vice-président et le trésorier sont nécessairement de nationalité françaisell . Le rôle du président est primordial. C'est lui qui convoque le conseil d'administration quand il le juge nécessaire. nomme le directeur de l'Institut, et tranche le débat en cas de partage sur un vote. De plus. il assure à la fois la présidence du conseil d'administration et du Haut Conseil.

L'inauguration officielle de l'Institut a eu lieu en 1987 soit sept années après sa création. En 1989. avec l'adhésion de l'Égypte et de la Palestine, la représentation du monde arabe était complète et totalisait lm nombre de 21 pays. L'adhésion tardive de l'Égypte est essentiellement due à l'opposition farouche des pays arabes membres, qui lui reprochaient la signature de l'accord de paix avec Israël. C'est à la suite de longs pourparlers et d'échanges diplomatiques que sa candidature a été fmalement acceptéel2• Celle de la Palestine était retardée à cause de la nature de sa représentation internationale et du statut contesté de l'OLP. Ces incidents à résonnance diplomatique étaient loin d'être isolés et les premières années de l'existence de l'Institut ont été jalonnées d'embûches qui ont retardé son ouverture de sept années. Pendant

11Ibid.p.lO-l [

(25)

ce temps, les déboires de l'Institut ont fait la une des journaux et ont pris un aspect de plus en plus politisé.

L'Institut s'est retrouvé bon gré.. mal gré, au centre de luttes d'interêts et de malentendus qui ne relevaient pas uniquement du domaine de la diplomatie ou des affaires internationales mais aussi de celui de la politique locale, culturelle et économique. Dès sa conception, l'Institut s'est trouvé pris au centre des négociations entre cwtures, entre états et finalement entre acteurs politiques

locaux. On peut donc avancer que I~MA est exemplaire, d'un site

d'articulation de politique culturelle et nous allons dans la partie suivante, essayer d'identifier les multiples acteurs en place, la nature de leur interaction pour finalement aboutir au rôle résultant de la somme des deux dans la définition de la nature de l'institut.

La France:

"L'affaire de l'Institut du Monde Arabe remonte aux temps où le président Valéry Giscard d'Estaing et son ancien premier ministre Jacques Chirac, devenu en mars 1977 maire de Paris, se livraient une guerre féroce

àpropos d'opérations d'urbanisme dans la capitale."13

C'est souvent à travers l'architecture et les travaux d'urbanisme

que se sont concrétisées, sur la scène politique française des

dernières vingt-cinq années et plus particulièrement dans la capitale Paris, les luttes entte les pouvoirs publics. Bien que l'autorité du maire et des pouvoirs municipaux soit plus légitime en matière

d'urbanisme et de travaux architecturaux, la France a connu

plusieurs instances d'intervention du chef de l'État dans les affaires

municipales. Depuis l'intervention de Napoléon nI dans le

13Chaslin François: Les ParisdeFrao~ojsMillerand' Histoire des a;mdsprojeLe;archjlecluraux. Gallimard. Paris. 1985. p.99.

(26)

réaménagement du Louvre au début du 19ème siècle, celles-ci sont acceptées comme étant le legs d'une époque monarchique où le roi intervenait à tout les niveaux des affaires d'État. Ce phénomène, communément appelé le "fait du prince" a connu son apogée avec les Grands Projets de Mitterand et l'on parle d'un style Mitterand ou d'un style Giscard comme on parlerait d'un style Louis XVI ou Henri

HI.

Bien que traditionellement limitées à la sphère politique locale, ces ingérences du chef de l'État dans les affaires municipales ont pris, dans le cas de l'L.'IA, une dimension de débat social et racial. puisqu'il s'agissait d'un institut dédié à une culture étrangère et qui allait occuper une place de choix dans le paysage urbain parisien. Une forme de xénophobie14 a trouvé un exutoire dans la dynamique

de la lutte des pouvoirs publics qu'eUe a par ailleurs infusé d'une passion et d'lme dimension plus intense.

La décision du gouvernement Giscard de construire rIMA sur

un site du XVème arrondissement a soulevé un toUé général de la pan du conseil municipal et des élus locaux. Le premier contestait la décision unilatérale du gouvernement de reprendre possession d'un terrain qui avait été cédé à la municipalité pour y construire des terrains de jeu, et les seconds s'indignaient de cet acte du gouvernement qui préférerait accomoder une institution à vocation internationale au détriment du bien-être des citoyenslS • De plus, certains politiciens mal informés sur la nature paritaire du projet, critiquaient les largesses de l'État16 et voyaient là, une mauvaise

gestion des biens publics. Le terrain de riMA qui représentait en

I~Dansune pétition organisée par les comitésLe Pen on pouvait lire que la France n'avait pas"à faire de cadeau aux dix-neuf pays arabes" (Chaslin p.1Ol)

IS"Ciryofficiais (by lhis time political rivais of Giscard d'Estaing) shunted lhe project among undesirable sites. Government lawyers refused to accordtheproposed institute diplomatie (and tax) immunity". Fitchett Joseph. "Parisians discoveradazzling Acab showcase" in Herajd Tribune. 13

mai 1988. p.7.

lfiL'onpeutse demander d'où émanait cette notion de cadeau puisqu'il était entendu que les arabes financeraient la moitié du projet: s'agissait-il d'une simple manoeuvre diplomatique?: en tout les cas cenains furent pris au piège puisque :..It look a white. an official recalled, for the Arabs to realize thal they were expecled to pay forthegift themselves." Filchett Joseph.op.cit.

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réalité. une part de la contribution de l'État Français au projet. ne pouvait être cédé à n'importe quel prix et surtout pas au détriment des résidents et de leurs enfants. L'acte du gouvernement a été ressenti comme un abus de pouvoir puisque ce dernier avait transgressé les limites de ses prérogatives administratives et avait fait fi de la volonté des citoyens.

Aprés maints débats à l'assemblée nationale et quelques manifestations organisées par des élus locaux. on a reculé le début des travaux sur le terrain du XVème en attendant un climat politique plus propice. Car en plus de la tension entre les pouvoirs publics du fait d'une définition vague des prérogatives de chaque pouvoir, s'est ajoutée ceUe due à la rivalité existante entre les deux partis majoritaires héritiers de DeGaulle, le RPR et rUDRI7. Les deux ténors de ces mouvements. respectivement Jacques Chirac (maire de Paris) et Valéry Giscard D'Estaing (président de la république) se livraient alors une lutte acharnée afin d'imposer leur vision propre de l'héritage Gaulliste. L'architecture et les grandes entreprises urbaines constituaient un terrain idéal pour la concrétisation d'une telle lutte car elles sont :

".. .l'enjeu le plus visible, le plus spectaculaire, des ambitions politiques. qu'elles soient positives et témoignent du désir de porter une empreinte. de laisser la trace d'un passage au pouvoir, ou qu'eUes soient négatives et ne fassent que refléter l'acharnement à entraver l'expression physique, visible et durable du gouvernement du pays ou de la ville par une autre faction politique que la sienne."lH

17"Les relations se dégradèrent fonement. au fur etàmesure que se renforçait la rivalité Giscard/Chirac. Et.lorsque le leader gaulliste fut. le20mars 1977. poné à la mairie contre le candidatduprésident de la république. le ministre d'Ornano. la rupture fut immédiate." (Chaslin. p.17).

(28)

La rivalité entre les deux chefs de la majorité s'est donc

traduite par le gel des travaux du chantier de ('IMA mais aussi par un refus du projet proposé par l'architecte alors en charge. Henry Bernard, projet que l'on jugea médiocre. surtout qu'il correspondait aux aspirations de rune des factions en conflit, celle du président de la république19. Le projet a été abandonné. une halte mise aux

travaux, occasionnant des dépenses des deniers publics (recherche de terrains, pennis divers, frais de l'architecte), dépenses qui ont

miné le budget accordé à l'Institut et dont les pays arabes

assumaient la charge à moitié.

Avec l'arrivée de François Mitterand au pouvoir, en 1981, un plan de renouveau urbain a été lancé avec les Grands Travaux Parisiens du président. Ceux-ci incluaient le Grand Louvre, l'Opéra Bastille, la Cité de la musique et le Parc de la Villette. L'IMA, ainsi que le musée d'Orsay et la Cité des sciences et de l'industrie, projets décidés avant 1981, Y furent incorporés. Étonnamment, le règne des socialistes a connu par la suite un répit dans les rivalités entre le pouvoir de l'État et celui de la municipalité,20 et Jacques Chirac, alors maire de Paris, accorda aux socialistes toute la coopération

nécéssaire par l'intermédiaire de l'APUR ou l'Atelier parisien

d'urbanisme21 • Les fonctionnaires de ce dernier proposèrent à Jack Lang, alors ministre de la Culture, un nouveau site près de la faculté de Jussieu. quai Saint-Bernard, l'actuel emplacement de ['IMA. Situé au bout du boulevard Saint Germain et en bordure de Seine, l'édifice de l'IMA offre une vue surprenante de l'église Notre Dame créant en

quelque sorte un "dialogue" de monuments. Ce dialogue

correspondait aussi à la vision socialiste d'une société tolérante et 1l)"Quand en 1980. le président Giscard d'Estaing avança le nomdel'architecte Henri Bernard...un tollé se déclencha contre ce choix." K.Khaytti: "Institut du monde arabe: un an d'existence et une relance" in Messaaes. décembre 1988. Paris. p.32.

20"On n'allait pas recommencer les rivalités dans lesquelles s'étaient épuisés l'État et la Ville sous le règne de Valéry Giscard d'Estaing: mais au contraire. instruitsdepan et d'autre par cet échec coûteux et désolant. clairemnet convenir des domaines respectifsdechacun." <Chaslin. p.28-29).

l'''Des contacts s'étaient noués entre-temps entre certains fonctionnaires de l'Apur. Atelier parisien

d'Urbanisme. et le nouveau régime. au service duquel ils avaient spontanément mis leur connaissance des sites de la capitale dans la préparation de ce que l'on n'appelait pas encore les Grands projets." (Chaslin. p_I02>

(29)

ouverte à la présence de l'autre~ une France unie où il n'y aurait pas de place à la xénophobie et au racisme.

Cette tolérance a ses limites et bien que prônant l'ouverture, le

gouvernement socialiste aspirait à la contenir dans un espace

contrôlable, aspiration qui se réflète dans le choix du site de I·L.~.

En effet, il est rarement mentionné que le bâtiment est bloqué,

enclavé entre la Seine et les édifices de l'université de Jussieu rendant toute expansion impossible:

"Quand au problème de place~ j'ai toujours dit que c'était un bâtiment bloqué~ sans soupape. En fait, nous sommes en train de payer les improvisations du projet". 22

L'exiguité du site n'a même pas ete contestée et l'on s'est empressé d'organiser un concours d'architectes pour soumettre aux ambassadeurs arabes et le choix du nouvel emplacement, et le projet de bâtiment. En se soumettant au désir de la municipalité de Paris par rapport à l'affaire du terrain, le gouvernement s'est ainsi assuré une liberté de choix parmi les projets hâtivement improvisés et c'est à Jean Nouvel et son équipe, architecte "aux opinions politiques bien connues"23, qu'incomba la réalisation de rIMA. Q:

projet bien complexe, prévoyait la construction de deux blocs distincts séparés par une faille; l'un abriterait la bibliothèque et les bureaux et l'autre le musée. Un avis favorable fut donné par la commission des sites en 1982, mais cenaines modifications au plan original furent demandés dont une très importante d'abaisser le bâtiment de quelques mètres pour qu'il ne soit pas en infraction

avec le plan d'occupation du SOp4; détail qui a occasionné un

!2Jean Nouvel (architecte de l'IMA) in Guerrin Michel: "Une Rolls-Royce lourde à manier".1&. Monde du 23 février 1993.

13Jean Nouvel était très inlroduit au cabinet du ministre de la Culture. Jack Lang. Les Grands Travaux parisiens étant sous la supervision directe de ce ministère.

1~'Telqu'il était (le bâtimentt) au sortir du concours.ilétait trop haut et en infraction avec le plan d'occupation des sols...i[fallu abaisser..Je bâtiment... Evidemment plus rien ne rentrait: on dut

(30)

remaniement des plans. donc plus de frais. et une compression des étages dont cenains ne dépasseront pas deux mètres de hauteur.

L'exiglÙté des locaux est un problème avec lequel vivent au quotidien les employés de ['IMA. puisque c'est sunout du côté des bureaux que l'on a grignoté les quelques mètres nécessaires. situation que décrit bien Edgard Pisani. alors président de l'L\1A. :

" il est aussi incommode qu'il est possible de l'imaginer Par patti pris fonctionnaIiste. il étale ses structures et ses tripes mais il est aussi peu fonctionnel que possible. Il fourmille d'idées neuves mais sa conception n'a tenu aucun compte de la vie quotidienne qui était appelée à y trouver abri."25

Mis à part les modifications imposées au projet qui ont marqué la qualité de l'en~ironnementdu travail de l'Institut. les tensions engendrées par la scène locale se sont répercutées au niveau de la direction et de l'administration mêmes de l'IMA. Les pays membres se plaignaient de ce qu'ils nommaient "la valse du personnel". phénomène qui consistait en un changement à la tête de l'Institut avec chaque remaniement ministériel et chaque virage politique local. Ainsi, plusieurs présidents se sont succédés à la direction de l'IMA et ce, sans avoir achevé la durée de leurs mandats26 • Ces fluctuations politiques locales se répercutaient directement sur l'organisation interne et les objectifs de l'Institut, provoquant des incohérences voire des contradictions importantes au sein de la fondation. Cette inconstance dans la direction du projet a été

serrer les éta!!es. désonnais très bas de plafond..." (Chaslin. p.1 09).

.!5Pisani Edg'ird : Persiste et si~ne. Éditions Odile Jacob. Paris. 1992. p.373.

16Entre 1980. datedela signaturedel'acte de fondationdel'IMA.et 1988 quatre présidents se succédèrent :"Mr.Pïsani est en effet la quatrième personnalitéàprésider l'Institut. après Philippe Ardent. nommé par le président Giscard d'Estaing. Jean Guidoni. nommé par le précédent

gouvernement socialiste. et Paul Canon. Les trois premiers présidents deIrlMA n'ont pas achevé leur mandat et leur remplacement a coïncidé avec des changements politiques en France".

(31)

exprimée par l'un des présidents de rIMA, Philippe Ardent. et je cite:

"Sous Valéry Giscard d'Estaing, on avait conçu un bâtiment fonctionnel et on avait mis l'accent sur le contenu de l'Institut. Il s'agissait non pas de faire lU1

ccBeaubourg arabe )) mais le lieu où les Français

découvriraient la culture arabe. Sous François Mitterand, la priorité des priorités fut accordée au bâtiment en soi. Il s'agissait de construire un monument, de réussir lU1 geste architectural et l'objectif îmal devint secondaire."r

Les changements à la tête de l'Institut et dans ses objectifs se sont répercutés sur la qualité des interactions franco-arabes au sein de la fondation; ils n'ont point encouragé la solidification des rapports entre les différents panenaires et ont provoqué chez les ambassadeurs arabes, une perte de confiance en la rigueur et le sérieux de leur interlocuteur français et du projet lui-même. Les hésitations, querelles et luttes de pouvoir particulières au paysage politique français, ont entamé le crédit déjà fragile de cette entreprise complexe qu'est l'IMA et. comme nOLIs le verrons dans le paragraphe suivant, le bloc arabe, formation multiple donc à priori sujette à discorde, contribua à son tour, à efîtlocher la solidité du projet IMA.

Les Pays Arabes .

"La simple mention de l'unité arabe fait aujourd'hui sourire; sans doute à tort. Car si les États arabes ne veulent pas s'unir ou n'y réussissent pas, la vérité c'est qu'ils n'arrivent pas à vivre sans se mesurer, se définir, se déterminer les uns par rapport aux autres.

La rivalité, la compétition, l'hostilité deviennent ainsi

nln "L'Institut du monde arabe ou le rendez-vous raté des cultures: un mirage en plein Paris",1&

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paradoxalement des modes d'intégration aussi effectifs que le serait la coopération."28

Le monde arabe est en lui-même un paradoxe~ car bien que divisé politiquement, il pone en lui l'idéal d'une nation arabe unie. La langue et la civilisation arabes~ ainsi qu'une expérience historique d'occupation et de colonisation commune en sont les piliers fondateurs. Dans l'imaginaire arabe, l'llmma (la nation), est

un idéal auquel tendent les peuples et les états :

"Pan-arabism is the proclaimed ideal among the ruling classes and the prevailing sentiment among the Arab masses, but Arab society continues to suffer from the erosion of civil lite and profound fragmentation.ft J!.)

Dire que l'unité arabe est illusoire occulte tme part de la réalité selon laquelle la société arabe contient en elle, aussi bien le potentiel de division que celui d'unité. De ces deux aspects, les médias occidentaux ont tendance à privilégier celui d'un monde arabe morcelé et divisé, et à souligner ses divergences pour étoffer leurs critiques de l'IMA30. Il est évident que la problématique du "monde arabe" n'aide pas à endiguer les causes des maux de (,IMA, surtout que cette problématique est elle-même ouverte au débat. Pour certains, l'unité arabe est le seul concept intégrateur et par conséquent rIMA, dans sa mission, doit se baser sur ce qu'il ya de commun à cette civilisation3l . Pour d'autres,:" __ J'expression «monde arabe» est un néologisme suspect qui est probablement né dans le !XSalamé Ghassan :"Lenationalisme arabe: une passion en fragments" inOanmra.magazine de l'Insùtm du Monde Arabe. No.17. oct-nov-déc. 1995. p.33.

29 Barakat Halim : The Arab World: Society. CultureandStare. University of Carolina Press.

Berkeley. Los angeles and New York:. 1993. p.3.

30DansLeMondedu 23 février 1993. Michel Guerrin écrit :" ...un Institut du monde arabe est-il opportun quand ['«unité arabe» est une formule aussi généreuse que creuseT"Lavitrine du monde arabe", p.l.

31 Dans le Compte rendu de la première sessioo du comiJé culturel consultatif de l'IMA (janvier

1990).un des intervenants. Mr. Saber. déclare que :"L'[nstitut doit considérer le monde arabe dans sa globalité sans se préoccuper des problèmes interarabes:·. p.1 O.

(33)

vocabulaire des Nations Unies autour de l'année 1947...".:U. Ces

derniers favorisent la dimension islamique comme point de

ralliement des nations arabes et invitent l'Institut à s'y concentrer. D'autres enfin, rejettent la dimension réductrice que véhiclÙe une approche globale du monde arabe et/ou islamique et favorisent plutôt celle qui mettrait en valeur sa diversité .H.

C'est en définitive d'un débat entre la vision traditionaliste et

celle moderniste de l'histoire du monde arabe que doivent

s'accomoder les responsables de l'IMA. Je m'attarderai sur cet

aspect du débat dans le chapitre consacré à l'élaboration de la

mission culturelle de l'Institut, et me suffirai ici d'observer les répercussions de ce débat dans le fonctionnement de l'IMA. Car. en se pliant aux exigences des divers courants de la problématique de la représentation historique, les responsables des projets de l'IMA ont fini par élaborer des programmes qui oscillaient entre les deux opinions, les rendant souvent peu cohérents aux yeux d'un public peu informé de la complexité du débat. Naviguant entre les diverses sensibilités, l'IMA se retrouve tantôt en train de vanter l'héritage

commun du monde arabe et tantôt en train de souligner ses

différences. D'un côté, l'on représente un monde figé dans

l'homogénéité de son passé glorieux et de l'autre l'on souligne la vivacité de ses particularismes présents.

Cette hésitation est particulièrement notable dans la variabilité de l'analyse des dossiers dans le magazine publié par l'IMA, Qantara,

analyse qui na"igue entre une approche traditionaliste et

moderniste et qui rend le message souvent indéchiffrable. Par ailleurs on retrouve cette hésitation dans l'organisation même du musée où, pour faire face à cette ambivalence, les responsables de 32Berque Jacques in Compre rendudela première session du comité culturel consuhalif.Op.cil..

~.8.

. 3Lavernhe G.cfans "Institut du monde arabe: et les arabes chrétiens?'· se demande: ··L'lnstitut du monde arabe.àParisdesurcroit(!).doit-il doncêrreprésenré...comme islamique et uniquemenl islamique?1I vaudrait bien mieux chercheràcerner la place que pourraient occuper les Arabes chrétiens dans l'[nslitut en évoquant leur rôle historique très marqué dans ccl'arabiré» ... in La CmiAdu29janvier 1988.

(34)

la programmation ont consacré un espace à la tradition arabo-islamique et un autre aux expositions temporaires et aux très grandes expositions. Le premier espace consiste en une exposition permanente de l'héritage, estimé commun, aux cultures du Maghreb et du Machrek : le musée d'art et de civilisation arabo-islamique. Cet espace a la particularité de s'adresser surtout au public français comme le mentionne le programme scientifique et

muséographique34~et présente une introduction sur le monde arabe

anteislamique, sur l'art et la civilisation de l'ensemble du monde arabo-musulman des origines au XIXe siècle et sur ['art contemporain des pays arabes. L'autre espace du musée est réservé

à "des salles d'expositions temporaires consacrées à des expositions qui uniront des qualités de prestige, de pédagogie et d'intérêt scientifiqlie"3'5 teUes que celles sur les lieux saints de l'Islam ou les calligraphies sacrées et aux grandes manifestations culturelles telles que celles sur la Syrie (Syrie, mémoire et civilisation en 1993-94) où l'Égypte (Égypte-Égypte en 1989).

Si le contenu de la section du musée consacrée à la tradition et aux manifestations de prestige n'est pas sujet à controverse de la part des pays arabes membres, puisqu'il met en évidence un passé glorieux et des valeurs communes~ celui des expositions événements par contre, est ouvert aux méandres des sensibilités et des divergences des états qui cherchent chacun à l'utiliser comme instnlment de valorisation de la culture officielle. Pour mieux appréhender la nature de ces différends, un bref aperçu des moments clés de l'évolution politique du monde arabe d'aprés 1945 me parait nécessaire

L'histoire contemporraine du monde arabe se caractérise par des périodes d'extrême ardeur et de militantisme pour l'union pan->4Dans le programme scientifique et museographique présenté le15mars 1993par J.Moulierac chef du Département musée et expositionsàriMA.ilest mentionné que :"Pour les salles d'exposition permanente"ilétait spécifié qu'il s'agissait d'un musée d"m et de civilisation arabe-islamique. destiné au public français."p.2

(35)

arabe. suivies par de longues périodes de désillusion et d'effritement de ce rêve. Ainsi~ les préoccupations de Nasser pour une libération de la région de l'emprise ocddentale ont trouvé écho dans la totalité du monde arabe:

"His attempts to break away from the Western embrace and its imperial connotations found a responsive echo in Baghdad and Damascus. and the promise of social and political reform associated with his policies became the ideal for refonners elsewhere. And the dream of Arab unity was shared by millions disillusioned at the status of Arabs in recent history."36

Nasser qui a nationalisé le canal de Suez en 1956, est devenu le champion de l'unité arabe et a mis l'Égypte en position de Leadership dans la région et ce, jusqu'à la défaite de 1967 qui a vu ['écrasement des forces arabes alliées par l'année israélienne. Parallèlement au Nassérisme, le monde arabe a connu d'autres mouvements de réfonne dont le plus important a été le Ba'th, parti socialiste crée en 1953, qui prônait le regroupement de tous les États arabes en une seule nation. Ce parti est au pouvoir en Syrie depuis 1963 et en Iraq depuis 1968. sauf que l'idéologie du parti a été mise au service des ambitions politiques des leaders de ces deux pays. respectivement Hafez Al Assad et Saddam Hussain. qui en offre chacun une vision personelle et rivale :

"For al-Asad and Husayn. the Ba"th became an instrument of conrrol and indoctrination that assured the survival of their regirnes. 80th leaders justified their mIe in the name of Ba'thist principles, but...used it to criticize one another and to buttress their individual claim to regional supremacy. In the hands of al-Asad and Husayn. the Ba'th lost its Pan-Arab mission and

3tJCleveiand William: A bisloQ' ofthemodem MiddleEast.Weslview Press. Boulder.San

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developed rival Syrian and [raki branches, each 0 f

which sought to undennine the other."37

Un des derniers soubresauts de solidarité arabe s'est présenté

SOliS la forme de l'embargo pétrolier de 1973, embargo qui fut

utilisé par les pays du golfe pour fin de pression diplomatique dans le conflit israélo-arabe. Ce dernier événement a introduit sur la scène régionale deux derniers acteurs principaux: l'Arabie Séoudite et les Palestiniens.

L'histoire du Proche-Orient ne peut être limitée à ces grands

moments de son existence mais il ne s'agit pas ici d'écrire un

mémoire sur la politique du Moyen Orient mais d'essayer

d'identifier les acteurs principaux qui, riches de leur passé politique influent, ont tenté d'intervenir et de faire pression sur la direction

de l'IMA38. Ainsi. l'héritage arabe ne se limite pas à un passé

glorieux mais aussi à celui de luttes intestines pour la suprématie régionale et pour la survie des États39.

Les conflits inter-arabes ont eu des répercussions sur

('ensemble du fonctionnement de l'IMA, et ce depuis sa création. Du choix du directeur général, nécessairement arabe, au contenu des expositions, tout est sujet à pourparlers et à négociations. Déjà avant son ouvetture, l'Institut s'était retrouvé pris dans le tourbillon de la politique régionale, phénomène qui s'est matérialisé à l'époque dans la question de l'adhésion de l'Égypte. En effet l'Égypte, sous ('impulsion du président Sadate, avait décidé de faire cavalier seul

37Cleveland William.op.cit..p.375.

3sEdgard Pisani. qui fut le président de l'IMA pendant six années. écrit:"Lesambassadeurs n'aident pas...Ia direction de l'Institut. Que diable viennent-ils faire dansmonconseil d'administration. alors qu'ils n'ont souci que d'intérêts nationaux souvent sordides.dediplomatie bilatérale étroite. de propagande en faveur d'une politique dont ils croient être les représentants,à l'exclusiondetaUle autre tâche? A quel combat quotidien nem'a-l-ilpas fallu me livrer pour obtenir que leur indifférence. leur étroitesse de vue. leur goût rhétorique ne paralysent pas complètement notre action! .. in Persiste et sif:lle.op.cit.. p.375.

:wPour les origines historiques de ces luttes voir le livre d'Amine Maalouf: Les croisades vuesPaf les Arabes.. Éditions JeLattès. Paris. 1983.

(37)

en signant avec Israël les accords de Camp David en septembre 1978. La perspective d'un accord de paix global avec Israël s'est alors refermé. accentuant la désarticulation du monde arabe. La France, prudente. a évité de soulever la question de la présence de ce pays parmi les États membres de l'IMA et cela malgré le fait que l'Égypte a toujours occupé un rôle phare dans le domaine de la culture arabe. si ce n'est un rôle dominant. En effet, Le Caire, a

longtemps ete un centre de diffusion des productions

cinématographiques, musicales et littéraires du monde arabe.

Comment s'accomoder de son absence quand pratiquement 50%

des produits culturels en proviennent?40 De plus l'attrait des

richesses culturelles de l'Égypte auprès du public Européen est

indéniable et la présence de ce pubüc est une garantie pour

l'existence et la survie de l'IMA. Il n'empêche que, la question de l'adhésion de l'Égypte a été occultée, le temps que se calment les passions au lendemain de la signature des accords séparés de paix.

Le règlement de cette question n'en a pas moins été épineux et il a fallu aux responsables de riMA. déployer toute leur ingéniosité de négociateurs pour finalement parvenir à faire accepter l'Égypte au sein de la fondation, en 1989-11.

Le choix du directeur général de l'IMA cristallise la précarité de l'institut face aux incertitudes des relations inter-arabes; en effet et

bien qu'il soit désigné par le président (français) parmi des

postulants arabes, le choix du directeur est soumis à l'approbation des pays membres; cette dernière étant plus ou moins facilement obtenue selon les fluctuations des rapports inter- arabes. Le passage

suivant. tiré d'un magazine dédié à la culture arabe. illustre

parfaitement ce sujet. Intitulé le portrait-robot du prochain

-IO"Several Arnb representatives told me thal culturaIly. Egypt represents 50% of the Arab world. Would it have been possible to manage an arab cultural instilUte without Egypt?" interview d'Edgard Pisani inMosaic. a new broom alrhe InsriruIe. de Phillippa Neave.lbeMiddleEast. novembre 1989. p.44.

-II"Laquestion de l'adhésion de l'Égypte. principale puissance et métropole culturelle du monde arabe. reste toujours posée en raison de l'opposition de cenains membres. comme la Syrie et la Libye.à l'entrée d'un pays qui a conclu la paix avec Israel." "L'ouvenure de rlnstitut du monde arabe est repoussée àla findel'année" inLeMonde du 27 mai 1987. p.28A.

(38)

directeur. ('auteur y énumère les qualités que doit posséder le candidat idéal et je cite :

"Ne peut être Directeur général qui veut...Un postulant valable doit se confonner au portrait-robot suivant:

:Jouir d'une certaine notoriété dans le monde arabe...

-Ne pas s'opposer au gouvernement de son pays. mais aussi ne pas être pour autant à sa solde...

-Etre originaire d'un pays arabe qui entretient de

bonnes relations avec l'ensemble du monde arabe... Cette condition, qui sanctionne injustement nombre de candidatures potentielles, pèse plus lourdement sur les candidats originaires du Proche-Orient.

-Ne pas être ressortissant d'un pays qui prétend exercer un brutal leadership sur le monde arabe...car on parlerait d'une mainmise du pays en question sur les destinées de l'IMA."42

Pour se libérer de l'imbroglio politique qui menace le bon fonctionnement de l'Institut, le président et le directeur général de (' IMA doivent constamment rappeler à leurs interlocuteurs arabes la dimension culturelle du projet. Mais cela ne se fait pas sans difficultés. L'IMA est certes une institution culturelle, mais elle est aussi, et avant tout, le résultat d'un acte politique entre la France et les pays arabes. Ainsi tout en prônant le principe de la non-ingérence des pays fondateurs dans la gestion de l'Institut, il reste que les responsables ne peuvent ignorer que ces États sont à ('origine de la fondation et qu'il ne faut point les froisser. L'incident de ('exposition des caricaturistes arabes était révélateur de l'étroitesse de la marge qui sépare le culturel du politique, espace ambigü où doivent naviguer les responsables de l'IMA.

En juin 1988, l'Institut avait organisé une exposition consacrée à la caricature arabe. La caricature est une forme artistique qui

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permet la dénonciation des regunes politiques par le biais de

l'humour et la dérision. Cette forme est assez répandue dans le monde arabe et la plupart des quotidiens y consacrent un espace apprécié par les lecteurs~ surtout qu'elle représente un champ d'expression qui échappe à l'emprise de la censure. Cette forme est généralement tolérée par les régimes arabes qui se fient au sens de

l'auto-censure des journaux pourvu qu'elle ne dépasse pas les limites de l'acceptable. Mais souvent sa portée dépasse ces limites invisibles et crée des remous.

Les critiques des journaux français appuyaient cette exposlbon et s'étonnaient de la liberté d'expression dont jouissent les artistes dans le monde arabe-l3 . Mais c'était sous-estimer la tenacité des censeurs officiels que de croire qu'ils passeraient sous silence une caricature qui, semblait-il~ faisait référence au leader Irakien Saddam Hussain. L'oeuvre qui a provoqué les foudres de l'ambassade d'Irak en France était celle d'un artiste Syrien représentant un général bardé de décorations et qui en verse une dans l'assiette d'un mendiant, en guise d'aumône. En effet les délégués de Baghdad~ y ont vu une naggression carac tériséen""contre l'Irak, et ils ont exigé le retrait immédiat de la caricature qui, de surcroît, était l'oeuvre d'un dtoyen d'un pays rival. la Syrie. Une épreuve de force a suivi entre les Irakiens et les responsables de l'IMA qui voyaient dans la réaction de l'Irak un acte d'ingérence dans les affaires de l'Institut et une entrave à la liberté d'expression. L'Irak a menaçé de boycotter les séances du Conseil d'administration et d'arrêter ses contributions au budget de l'IMA avec ce que cela représente quant à la participation de l'Irak au fonctionnement de l'IMA. Au bout d'une semaine de pourparlers~les responsables Irakiens sont demeurés sur leur position exigeant le

~3"L'humournoir et la dérision brocardaient sans retenue les traits abusifs des régimes politiques de ces contrées. Naïfs. nous nous étions étonnés de la présence de cene critique cinglante au seinde cene vitrine internationale de la culture arabe." Hélène Cases. "Institut du monde arabe: diplomatie à tous les étages" in Le Quotidien de Paris du II août 1988.

..w"Caricatures arabesàParis: même si le dessin n'est pas ressemblant". in LeMondedu 1er juillet 1988. p.2.

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retrait de l'oeuvre en question. Par solidarité avec l'artiste impliqué

et en guise de protestation contre cette menace d'atteinte à la

liberté d'expression~ les artistes participants ont décidé de

décrocher leurs oeuvres et les employés de l'L.'\IA. ont entamé une grève qui, à son tour, a affecté le bon déroulement de l'exposition45 •

Au lieu de régler le problème~cet incident~au contraire, a envenimé la situation en rendant le conflit public. La direction de ('IMA s'est

retrouvée face à deux problèmes majeurs: d'un côté rappeler aux

employés que les États membres sont à l'origine de la fondation et,

d'un autre, expliquer aux pays arabes le principe de la

non-ingérence dans les affaires internes de l'Institut. Le directeur général

a résumé la situation difficile à laquelle l'L''IA se retrouvait

confronté et je cite:

"Fondé par des États, nous ne pouvons pas

devenir un centre de diffusion d'une culture qui milite contre des aspects de leurs régimes, mais en même temps nous ne pouvons pas être un centre de culture arabe officiel."-16

Bien que débordant du contexte des relations inter-arabes, les incidents çi-haut cités n'auraient néanmoins pas pris une tournure de passion et de défi si ce n'était de la tension sous-jaçente qui imprégnait les rapports arabes. Ainsi, la caricature représentant le général offrant ses médailles n'aurait pas suscité autant de remous si elle n'était pas l'oeuvre d'un artiste natif d'un pays historiquement rival et en lutte pour (a prédominance régionale. L'Égypte aurait été plus facilement acceptée au sein de ('IMA si son rôle phare dans le

monde arabe n'était pas ouvert aux convoitises d'autres pays

émergents et ainsi de suite jusqu'à la question de l'attribution des

~5"Soucieuxd'éviter de rransposeràParis les rivalités intte-arabes. les exposants. relayés par les employés de l'Institut. ont désidé. les premiers de retirer leur toile et les seconds de se mettre en grève: en signe de solidarité avec le peintre syrien et pour protester contre ['instaurationdela censure sur les activités arabes en France:' Agence France Presse. dépêche du 29 juin 1988.

~6Mr.lisr. directeur général de l'IMA in "Institut du monde arabe:diplomatieàtous les étages". Op.cil.

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