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Les latins de la liturgie (Antiquité tardive et Moyen-Âge). Vingt-cinq années de recherches (1978-2002)

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(ANTIQUITÉ TARDIVE ET MOYEN-AGE) :

VINGT-CINQ ANNÉES DE RECHERCHES

(

1978

-

2002)2

En 1978, c’est-à-dire il y a vingt-cinq ans environ, le colloque consacré par le CNRS à la Lexicographie du latin médiéval, à l’oc­ casion du tricentenaire du «Glossarium mediae et infimae latini- tatis » de Du Cange, a été l’occasion de faire le point sur le voca­ bulaire liturgique latin et sur les travaux qui lui ont été consacrés depuis les années 1940 environ3. Cette étape de la recherche a permis de dresser un premier bilan des progrès accomplis dans le domaine de la connaissance de ce latin assez particulier qu’est le latin de la liturgie, de mettre en relief tant l’importance des grandes éditions de textes, telle celle des « Ordines Romani» par Michel Andrieu (1931-1961), ou celle des œuvres liturgiques d’un grand

1. On ne sera sans doute pas étonné outre mesure q u ’il m ’arrive, au cours de cet essai, d ’utiliser le term e « litu rg ie» . Le mot étant, comm e l ’on sait, de création m oderne, c ’est pour des raisons de comm odité que je commettrai cet anachronisme calculé. Cf. J. A. Ju n g m a n n, « Was ist Liturgie ? », dans Zeitschrift fü r katholische

Theologie 55 (1931), p. 8 3-102; E. Ra it z von Fr e n t z, « D er Weg des Wortes « Liturgie » in der G eschichte », dans Ephem erides liturgicae 55 (1941), p. 74-80 ; P.-M. Gy, « Rites et cérém onies, liturgie, culte. Les noms de la liturgie dans l’O ccident m oderne » , repris dans La liturgie dans l ’histoire, Paris, 1990, p. 177-184 ; É . Pa l a zz o,

Liturgie et société au M oyen A g e , Paris, 2000, p. 12 et n. 3.

2. U ne prem ière version de ce texte a été lue lors du colloque organisé par Em m a­ nuel Bury et Francine M ora (U niversité de Versailles Saint-Q uentin-en-Yvelines) sur le thèm e : « L e latin, langue du savoir, langue des savoirs » (Paris, ENS, 11-14 octobre 2000). Je tiens d ’autre part à rem ercier vivement m on ami M ichel-Yves Perrin, maître de conférences d ’histoire rom aine à l ’Université de Paris X-N anterre, qui a bien voulu lire m on texte, corriger bien des inexactitudes, et m ’indiquer mainte référence biblio­ graphique.

3. P.-M. Gy, « L e vocabulaire liturgique latin au M oyen A ge», dans La lexicogra­

ph ie du latin m édiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du M oyen A g e , Paris, 1981, p. 2 9 5-301; M. Hu g l o, « L a lexicographie du latin m édiéval et l ’histoire de la m usique », Ibid., p. 391-399.

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évêque carolingien comme Amalaire, due à Jean-Michel Hanssens (1948-1950), que celle des travaux lexicographiques accomplis notamment par l’école de Nimègue sous l’impulsion de Christine Mohrmann, et de mesurer ainsi le chemin parcouru depuis le début du siècle et les travaux pionniers des maîtres que furent par exemple Ferdinand Probst, Edmund Bishop et Louis Duchesne.

Aujourd’hui, vingt-cinq ans après, bien des travaux ont paru4, qui intéressent l’histoire de ce latin très composite — en vérité, l’éton- nant produit de l’étroite juxtaposition de plusieurs latins d’âges et de styles différents — , si bien que le temps m’a semblé venu de tenter, sinon un nouveau bilan, du moins un nouveau rapport d’étape dans ce domaine. Pour des raisons de cohérence historique, je me limite­ rai à la longue durée qui va du début du IIIe siècle, époque qui voit apparaître les premières attestations de formules liturgiques latines, jusqu’à la mort de Guillaume Durand (t 1296), qui marque vraiment la fin d’un cycle. Après avoir successivement présenté les nouveaux instruments de travail qui sont maintenant disponibles, puis avoir brièvement passé en revue les nouvelles éditions de textes et de commentaires liturgiques qui ont été publiées depuis la fin des années 1970, je tenterai d’en tirer une synthèse provisoire, en mon­ trant de quelle manière, et dans quel sens, ces travaux ont permis d’accomplir un certain nombre d’avancées significatives dans notre évaluation des caractères propres du latin — ou, plus exactement, des latins — de la liturgie5.

4. Trois de ces travaux prennent la form e d ’un bilan et m éritent par conséquent d ’être signalés en priorité : G. Sa n d e r s et M. Va n Uy tfa n g h e, B ibliographie signalé- tique du latin des Chrétiens, Tum hout, 1989, p. 91-99 ; D . Sh e e r in, « T h e liturgy » , dans F. A. C. M antello et A. G. Rigg (éd.), M edieval latin. A n introduction and biblio­

graphical guide, W ashington, 1996, p. 157-182; É. Pa l a z z o, « L es m ots de l ’autel portatif. Contribution à la connaissance du latin liturgique au M oyen A g e » , dans M. Goullet et M. Parisse (éd.), Les historiens et le latin m édiéval, Paris, 2001, p. 247- 258 (Pubi, de la Sorbonne, Hist. anc. et méd., 63). O n peut y ajouter M. C. Día z y Día z, « E l latín de la liturgia hispánica» et « Literary aspects o f the w isigothic liturgy », repris dans Vie chrétienne et culture dans V Espagne du VIIe au X e siècles, Londres, 1992 (Collected studies series, 377) ; K. Schäferdiek (éd.), Bibliographia patristica.

Internationale patristische B ibliographie, t. XX X III-X X X V , D ie Erscheinungen der Jahre 1988-1990, Berlin-New York, 1997, ainsi que le « N otiziario bibliografico » qui

paraît chaque semestre dans le Bollettino di studi latini.

5. Il va de soi que je me lim iterai strictem ent aux travaux qui sont susceptibles d ’intéresser la langue latine et son histoire. O n ne trouvera donc pas ici un bilan général des travaux parus dans le dom aine des liturgies tardo-antiques puis m édié­ vales ; pour cela, on consultera le « B ulletin de liturgie » qui paraît chaque année dans la Revue des sciences philosophiques et théologiques.

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1. De nouveaux instruments de travail

Les instruments de travail qui nous permettent de connaître un peu mieux les latins mis en œuvre par les différents rituels litur­ giques (et leurs commentateurs tardo-antiques et médiévaux) peuvent être rangés en trois catégories : les répertoires, les concor­ dances et les CD-ROM.

A . Le s p r in c ip a u x r é p e r t o ir e s

Commençant donc par les répertoires, il faut tout d’abord saluer l’achèvement du « Corpus antiphonalium officii », entrepris en 1963 par le R René-Jean Hesbert, et dont le 6e et dernier volume a paru en 1979. Les tomes 3 et 4 de ce répertoire monumental, qui concerne essentiellement les antiennes et les répons de la liturgie « romaine » issue de la refonte carolingienne, permettent, dans le domaine qui nous intéresse ic i6, d’accéder à l’édition critique de plus de 4 400 antiennes de l’Office (t. 3) et de près de 2000 répons de matines (t. 4). Il va de soi qu’on dispose, grâce à ces deux volumes, d’une masse d’informations peu commune, qui permet d’analyser les sources de ces pièces, leur vocabulaire et les procédés de composition employés par leurs auteurs, notamment dans le domaine de la centonisation du tissu psalmique.

Le second grand répertoire qui a changé profondément les conditions de la recherche sur les latins de la liturgie touche aux textes euchologiques de la messe, autrement dit aux oraisons. En 1952, Placide Bruylants avait publié une très utile concordance des oraisons du Missel romain, qui regroupait les textes d’environ 1 200 oraisons, avec des variantes tirées d’un petit nombre de manuscrits. Longtemps indispensable, cet ouvrage est aujourd’hui remplacé par trois séries de volumes édités par D. Moeller et ses

6. O n peut en effet aussi les utiliser pour localiser les manuscrits à partir des séries de répons de m atines de l’Avent, du « trid u u m » pascal ou de l’Office des défunts : aux articles du P. Le Roux, parus dans les Études grégoriennes, on ajoutera P. Wit t w e r, « Identifikation liturgischer H andschriften des M ittelalters aufgrund der M atutin- R esponsorien des O ffizium s», dans A rchiv fü r Liturgiewissenschaft 41 (1999), p. 41- 62.

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successeurs1. Les quatre volumes du «Corpus benedictionum pontificalium » (1971-1979) regroupent plus de deux mille béné­ dictions épiscopales, classées par ordre alphabétique d’incipit ; les cinq volumes du «Corpus praefationum» (1980-1981) rassemblent plus de 1 600 préfaces eucharistiques ; quant aux onze volumes du «Corpus orationum» (1992-1999), qui constituent la pièce maîtresse de cet instrument, ils répertorient plus de 6 800 oraisons. Ces trois séries d’ouvrages donnent, pour chaque pièce, une édition critique avec un apparat assez approfondi et éventuellement des notes critiques. Contrairement à l’ouvrage de Bruylants, qui se limitait aux matériaux euchologiques romains, ces trois « corpus » répertorient l’ensemble des oraisons de la messe, tous rits confondus, qui se trouvent dans les manuscrits médiévaux (essen­ tiellement les sacramentaires et les missels) dont il existe une édition moderne ; cela représente une masse d’environ deux cents manuscrits. Les limites de cet instrument de travail sont à mon avis au nombre de trois. Tout d’abord, les oraisons acéphales sont souvent absentes, ce qui est particulièrement gênant pour les sources gauloises, dont les trois plus anciens témoins manuscrits sont des palimpsestes dont les matériaux ne sont que partiellement déchiffrables. Ensuite, les oraisons adressées aux fidèles (non à Dieu) sont rarement répertoriées, ce qui exclut la plupart des « praefationes » gauloises, hispaniques et milanaises, ce qui me semble arbitraire et peu compréhensible. Enfin, il m’est apparu, à l’usage, que la consultation de ces «corpus» ne dispense pas de recourir à l’édition critique, notamment quand il se pose des problèmes de restitution des textes8. Naturellement, les oraisons de l’Office ont été laissées de côté; il est cependant assez aisé de

7. Corpus benedictionum pontificalium , éd. E. M oeller, 4 vol., Tum hout, 1971, 1973 et 1979 (CCSL 162); Corpus p raefationum , éd. E. M oeller, 5 vol., T um hout, 1980-1981 (CCSL 161); Corpus orationum , éd. E. M oeller, J.-M . C lém ent et B. C oppieters’ t Wallant, 12 vol. parus (treize volum es sont prévus), Tum hout, 1992- 2001 (CCSL 160). Cf. L. Eiz e n h ö fe r, « B enedictiones pontificales. Z ur A usgabe von Edm ond M oeller OSB », dans A rchiv f ü r Liturgiew issenschaft 23 (1981), p. 57-63.

8. Pour prendre un seul exem ple (C orpus p ra efationum , n° 225), E. M oeller s ’est rallié à une hypothèse (à mon avis fausse) de K laus G am ber au sujet d ’une prétendue « contestado » sans « S an ctu s» , om ettant de signaler au lecteur q u ’il y avait un débat et que l ’auteur de l’édition critique, A lban D old, voyait dans cette oraison ( à m on avis à ju ste titre) une simple collecte « post Sanctus » : A. Do l d, Palim psest-Studien /,

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combler cette lacune en se reportant aux éditions des principaux grands collectaires que sont V« orationale » de Vérone (péninsule ibérique, VIIe s.), 1’« antiphonaire de Bangor » (Irlande, VIIe s.) et le collectaire de Durham (Xe s.)9.

Les seules pièces qui semblent avoir été écartées, outre celles qui se trouvent dans des manuscrits qui n’ont pas encore fait l’objet d’une édition critique moderne10, sont les oraisons qui ont été transmises autrement que par les manuscrits liturgiques. Je pense par exemple à des formulaires transmis par l’épigraphie (ou une « sylloge »), comme les « Marmormessen » placardées par le pape Grégoire III (731-741), en riposte à l’iconoclasme byzantin11. Je pense aussi à des oraisons conservées dans des sources narratives ou conciliaires, comme par exemple les trois messes votives impo­ sées par l’évêque Aldric aux clercs de son diocèse, au cours d’un concile qui s’est réuni au Mans en 840, et dont les actes nous ont été transmis par les « Gesta Aidrici » 12.

9. O rational de V érone (Verona, Bibl. Capit., Cod. LXXXIV) : Oracional Visigó­

tico, éd. J. Vives et J. Claveras, Barcelone, 1946 (M onumenta Hispaniae Sacra, 1);

« A ntiphonaire de B angor » (M ilano, Bibl. Ambros. C 5 inf.) : éd. F. E. Warren, The

antiphonary o f Bangor, 2 vol., Londres, 1893 et 1895 (Henry Bradshaw Society, vol.

4 et 10); collectaire de D urham : éd. A. Harting-Correa, The Durham collectar, Londres, 1992 (HBS 107). Sur les collectaires manuscrits médiévaux, cf. Kl. Gamber,

C odices liturgici latini antiquiores, t. 1 / 2, 2e éd., Fribourg, 1968, p. 548-559, et Supplementum, Fribourg, 1988, p. 145-148. Pour la mise à jour, on peut par exemple

consulter les volum es annuels de Cl. Leonardi et L. Pinelli (éd.), M edioevo latino, Florence, 1978 sq.

10. Pour les sacram entaires carolingiens restés inédits, on a encore la ressource de consulter F ouvrage peu connu de H. N etzer, Uintroduction de la messe romaine en

France sous les Carolingiens, Paris, 1910, qui donne l’édition d ’assez nombreuses

pièces.

11. On en trouvera l ’édition critique dans H. M order, « Rom, Byzanz und die Franken im 8. Jahrhundert. Z ur Überlieferung und kirchenpolitischen Bedeutung der Synodus R om ana Papst G regors III. vom Jahre 732 (mit Edition) », dans G. Althoff, D. G euenich (éd.), Person und Gemeinschaft im Mittelalter. Festschrift fü r K arl Schmid

zum 65. G eburtstag, Sigm aringen, 1988, p. 123-156 (éd. p. 150-151, en deux

colonnes : à gauche, la tradition m anuscrite ; à droite, la version épigraphique frag­ m entaire). L a plupart des oraisons qui com posent cette messe sont inconnues du

Corpus O rationu m : cf. n° 772 (collecte; seul l’incipit est identique), CO 3642b

(« S u p e r oblata » ; l’identité est partielle seulement) et CO 5585c (« A d com pleta»). Sur ces form ulaires, cf. aussi F. A. Bauer, « La frammentazione liturgica nella Chiesa rom ana del prim o m edioevo », dans Rivista di archeologia cristiana 75 (1999), p. 385- 446, ici p. 425-432.

12. Concile du M ans (12 m ai 840) : éd. (d’après les « Gesta A idrici ») MGH,

Concilia, t. II / 2, H anovre - Leipzig, 1906, p. 785-788. Ces trois form ulaires complets (ils com prennent en effet les lectures, les chants et les oraisons) sont une « m issa

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coti-En dépit de ces lacunes, les gains réalisés par rapport à l’ou­ vrage, fort méritoire, de Bruylants, sont évidemment considérables. Ces trois répertoires permettent en effet au latiniste (et à l’historien de la liturgie) de consulter aisément une masse de plus de dix-mille textes, qui jusque là étaient disséminés dans une multitude de publications d’accès parfois difficile. L’intérêt de ces trois « corpus » a en outre été décuplé depuis qu’ils ont été intégrés au CD-ROM du CLCLT5 (2002), que je vais bientôt évoquer.

B. L e s n o u v e l l e s c o n c o r d a n c e s

A ces répertoires sont venues s’ajouter plusieurs importantes concordances, qui permettent dorénavant un accès beaucoup plus facile aux milliers d’oraisons en usage dans les anciens rits latins.

Jean Deshusses et Benoît Darragon ont fait paraître une impor­ tante « Concordance des grands sacramentales », en six volumes (1982-1983), qui donne accès aux oraisons des sacramentaires rattachables aux traditions romaine et carolingienne13. Ont en effet été dépouillés le recueil copié à Vérone au VIIe siècle, plus connu sous le nom doublement trompeur de « sacramentaire léonien » 14, le sacramentaire « gélasien ancien », qui a été copié dans une

diana » à célébrer aux intentions de l ’évêque A ldric et de ses proches, une «m issa, quam mutuo praedicti sacerdotes inter se cantare debent », et une « m issa pro defunctis fratribus et sororibus nostris ».

13. J. De shu sses et B. Da r r a g o n, Concordances et tableaux p o u r Vétude des grands sacram entaires, 6 vol., Fribourg, 1982-1983 (Spicilegi! Friburgensis subsidia,

9-14). Pam en 1976, l ’art, de J. He n n ig, « Studies in the vocabulary o f the Sacram en-

tarium Veronense », dans J. J. O ’M eara et B. N aum ann (éd.), Latin script an d letters A.D. 400-900. Festschrift presented to Ludw ig B ieler, Leyde, 1976, p. 101-112, prend

encore appui sur la concordance verbale m ise au point par P. Bruylants.

14. En dépit des efforts de Callew aert, Capelle, Coebergh et, dernièrem ent encore, de lo rd i Pinell, il est tout d ’abord peu probable que l ’évêque L éon ait beaucoup contribué à la composition des m atériaux réunis dans ce m anuscrit (bibliogr. dans Ph. B e r n a r d , « O vere beata nox, quae sola m eruit scire tem pus et horam, in qua

Christus ab inferís resurrexit! Les fastes de l ’éloge dans les liturgies latines, du IVe au

IXe siècle », dans L. M ary et M. Sot (éd.), Le discours d 'élo g e entre A n tiquité et M oyen

A g e, Paris, 2001, p. 79-139, ici p. 137-139). D ’autre part et surtout, ce « sacram entaire

léonien » n ’est pas un m anuscrit liturgique (il ne sem ble pas avoir été utilisé lors de célébrations eucharistiques), et encore m oins un « codex » officiel sanctionné par une autorité ecclésiastique, mais une sim ple com pilation à usage privé, une sorte de travail de collectionneur ou d ’am ateur de littérature euchologique ou de m orceaux choisis. Ce recueil n ’a donc nullem ent droit au titre de sacram entaire.

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abbaye de l’Est de Paris (Chelles ou Jouarre ?) dans la décennie 740, et qui représente une recension franque du sacramentaire romain, le groupe des sacramentaires « gélasiens du VIIIe siècle », et celui des sacramentaires « grégoriens », y compris le Supplément carolingien15. Peut-être en raison de présupposés culturels, il n’a pas été tenu compte des sources liturgiques non-romaines qui, aux yeux des auteurs, n’avaient semble-t-il pas qualité pour faire partie des « grands sacramentaires ». On doit donc toujours recourir à l’ouvrage commode, quoiqu’ancien et forcément incomplet, de Georg Manz (1943)16, ainsi qu’aux éditions de sacramentaires réalisées par Alban Dold (t 1960), qui sont souvent pourvues d’un répertoire des « iuncturae verborum » (« Ausdrucksformen ») employées par les compositeurs d’oraisons17. Sans vouloir me livrer ici à de fastidieuses énumérations, il me semble utile de signaler qu’on dispose ainsi de listes d’expressions toutes faites telles que, par exemple, « actes cordis », « arcanum legis », « claus­ tra inferni », « forma peccatoris », « praeputium cordis », ou encore « varietas mortis ». Les plus longues d’entre elles peuvent prendre la forme de véritables maximes, comme par exemple « vita muta- tur, non tollitur». L’examen des expressions stéréotypées qu’on rencontre dans les oraisons permet bien sûr d’établir d’utiles comparaisons et des rapprochements éclairants avec la prose d’art de la fin de l’Antiquité, qui a souvent recours à des expressions de même nature.

Dans le même ordre d’idées, le répertoire d’incipit d’hexamètres d’Otto Schumann (t 1950) a été publié par les MGH dans la série « Hilfsmittel » (1979-1983). Il répertorie, par ordre alphabétique, l’ensemble des « iuncturae verborum » employées par les poètes latins de l’Antiquité et du Moyen Age jusqu’au milieu du

15. J ’ai proposé de retirer à B enoît d ’Aniane la paternité de ce Supplément, pour des raisons que j ’expose dans « B enoît d ’Aniane est-il l ’auteur de l ’avertissement « H ucusque » et du Supplém ent au sacram entaire « Hadrianum » ? », dans Studi m edie­

vali 39 (1998), p. 1-120.

16. G. Ma n z, A usdrucksform en der lateinischen Liturgiesprache bis ins elfte Jahrhundert, B euron, 1943 (Texte und Arbeiten, Beiheft 1).

17. A. Do l d, D as Sakram entar im Schabcodex M 12 Sup. der Bibliotheca Am bro­ siana, B euron, 1952, p. 54*-58* (Texte und Arbeiten, 4 3 ); Id., Palimpsest-Studien /,

Beuron, 1955, p. 35 (TuA, 45) ; A. Dol d et L. E i z e n h ö f e r , D as irische Palimpsestsa- kram entar im Clm 14429 d er Staatsbibliothek M ünchen, Beuron, 1964, p. 179-200

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XIIe siècle. S’il est surtout utile pour les oraisons hexamétriques, qui sont certes peu nombreuses, même si certaines d’entre elles sont particulièrement anciennes18, on peut cependant aussi recourir à lui pour tenter des rapprochements avec les clausules rythmiques de la prose d’art, qui est pratiquement de règle dans les oraisons19. D ’autre part, Benoît Darragon a fait paraître en 1991 un réper­ toire des oraisons20 éditées par D. Edmond Martène dans le « De antiquis Ecclesiae ritibus » 21, dont les sources avaient été étudiées et identifiées par Aimé-Georges Martimort dans un ouvrage paru en 1978, et complété par un article publié en 198622 Ce répertoire permet d’accéder aisément à une importante documentation — près de neuf mille oraisons — d’autant plus précieuse qu’une partie des manuscrits décrits ou utilisés par Martène a disparu aujourd’hui, soit qu’ils aient été détruits, soit qu’ils soient pour le moment perdus. On attend en revanche toujours un index et une concor­ dance des cinq volumes des « Ordines Romani » publiés par Michel Andrieu (1931-1961)23. Capitale pour la connaissance de l’un des

18. O. Schumann (éd.), Lateinisches Hexam eter-Lexikon. D ichterisches Form elgut

von Ennius bis zum Archipoeta, 4 vol. et un vol. de R egister (« index verborum »),

M unich, 1979-1983 (MGH, H ilfsm ittel, 4 ) ; D. Kottke (éd.), Stellenregister, M unich, 1989 (inventorie par ordre alphabétique les œ uvres poétiques exploitées par Schu­ mann). J ’ai examiné ces oraisons hexam étriques (et traduit intégralem ent la prem ière des « Messes de M one », conservée par un palim pseste du V IIe siècle) dans « O vere

beata nox», p. 98-99 et 125-134.

19. Sur ce sujet, outre l ’ouvrage bien connu de Tore Janson (Prose rhythm in

m edieval latin fro m the 9th to the 13th century, Stockholm , 1975), on peut consulter

G. Or l a n d i, « L e statistiche sulle clausole della prosa. Problem i e proposte », dans

Filologia mediolatina 5 (1998), p. 1-35, ainsi que M. Cu p ic c ia, « C lausole quantitative e clausole ritm iche nella prosa latina della Spagna visigotica », dans Filologia m edio­

latina 8 (2001), p. 25-110.

20. B. Da r r a g o n, Répertoire des p ièces euchologiques citées dans le « De antiquis Ecclesiae ritibus » de D om M artène, Rom e, 1991 (B ibliotheca Ephem erides liturgicae,

Subsidia, 57).

21. E. Ma rtèn e, De antiquis E cclesiae ritibus libri tres: l re éd., Rouen, 1700-

1702; 2e éd. (dite «éd. d ’A nvers»), M ilan, 1736-1738 (cette éd., qui est la plus répandue, a été réim primée par Georg Olm s, H ildesheim , 1967-1969); 3e éd., Venise- Bassano, 1763-1788.

22. A.-G. M a r t i m o r t , La docum entation liturgique de D om E dm ond M artène. Étude codicologique, Rome, 1978 (Studi e testi 279) ; Id., « A dditions et corrections à la documentation liturgique de D om Edm ond M artène », dans Ecclesia orans 3 (1986), p. 81-105.

23. M. A ndrieu (éd.), Les ordines rom ani du haut M oyen-A ge, 5 vol., Louvain, 1931, 1948, 1951, 1956 et 1961 (Spicilegium sacrum lovaniense 11, 23, 24, 28 et 29). Le dernier tome est bien sûr posthum e.

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latins liturgiques carolingiens les plus typiques — le latin des rubriques — , cette source ne peut donc pas encore être exploitée comme elle le mériterait.

Pour l’Italie du Sud, c ’est-à-dire pour le rit traditionnellement nommé « rit bénéventain » à cause de la minuscule très caractéris­ tique avec laquelle sont copiés ses principaux manuscrits, minus­ cule que le grand paléographe Elias Avery Lowe, dans un ouvrage fondateur paru en 1914, a qualifiée d’« écriture bénéventarne » 24, on dispose maintenant du monumental répertoire des PP. Jean Mallet et André Thibaut25. Ces deux volumes, qui traitent les plus importants témoins manuscrits de ce rit, fournissent des tables et des index qui facilitent l’accès à plusieurs centaines de pièces, qu’il s’agisse d’oraisons ou de chants. Pour l’Italie du Nord, et plus précisément Milan, Judith Frei a fait paraître en 1983 une concor­ dance de plusieurs des plus importants sacramentaires « ambro- sien s»26, qui permettent des recherches approfondies sur le latin liturgique de la grande métropole du Nord21.

Il serait cependant dommage que ce rapide bilan se cantonne à la seule documentation proprement liturgique. En dépit du médiocre nombre d’inscriptions (par rapport à l’Orient grec) que nous ont laissé les diverses régions d’Occident pour les IVe- VIIIe siècles, et malgré la relative pauvreté de leur formulaire (il est

24. E. A. L o w e , The beneventan script. A history o f the south italian m inuscule, 2

vol., Oxford, 1914 ; 2e éd. revue par Virginia B r o w n , Rome, 1980 (Sussidi eruditi, 33- 34). C ela ne signifie bien sûr pas que cette « écriture bénéventaine » ait été la seule pratiquée dans cette région de l ’Italie : la m inuscule caroline était égalem ent en usage, com m e l ’a bien m ontré Fr. N e w t o n , « O n e scriptorium, two scripts : beneventan, caro­ line, and the problem o f M arston MS 112», dans Yale University Library G azette, Supplem ent to vol. 66 (1991) : Beinecke studies in early manuscripts, p. 118-133 ; Id.,

The scriptorium a n d library a t M onte Cassino, 1058-1105, Cambridge, 1999.

25. J. Ma l l e t et A. Th ib a u t, L es manuscrits en écriture bénéventaine de la B iblio­ thèque Capitulaire de B énévent, t. 2 et 3, Paris - Tumhout, 1997.

26. La liturgie de M ilan com m ence à se dire « ambrosienne » à partir de l ’époque carolingienne : cf. J.-Ch. P i c a r d , Le souvenir des évêques. Sépultures, listes épisco- p a les et culte des évêques en Italie du N ord des origines au Xe siècle, Rom e, 1988,

p. 628 (BEFAR 268). Cf. égalem ent C. A l z a t i , Am brosiana Ecclesia. Studi su la Chiesa m ilanese e T ecum ene cristiana fr a tarda antichità e m edioevo, M ilan, 1993

(A rchivio am brosiano, 65) ; Id., Am brosianum m ysterium : la Chiesa di M ilano e la sua

tradizione liturgica, M ilan, 2000 (A rchivio ambrosiano, 81).

27. J. Frei (éd.), Corpus ambrosiano-liturgicum I : D as Sacramentarium Triplex, 2. T eil: Wortschatz und A usdrucksform en, Münster, 1983 (Liturgiewissenschaftliche Q uellen und Forschungen, 49/2).

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plus stéréotypé et moins riche en détails que le formulaire des inscriptions grecques contemporaines)28, il me semble en effet utile de mentionner la parution d’instruments de travail, mis au point par nos collègues épigraphistes, qui sont susceptibles d’ap­ porter des éléments nouveaux et peu connus des liturgistes eux- mêmes 29.

Qui s’intéresse aux latins de la liturgie doit en effet d’abord dépouiller systématiquement les précieux « indices » de L ’année

épigraphique, l’équipe qui les met au point étant sensible aux

« liturgica ». Les recueils d’inscriptions permettent en effet de retrouver des formules et des épithètes dont l’usage est commun à la « laudatio » des souverains et aux textes euchologiques, mais aussi, notamment dans les épitaphes, des termes techniques chré­ tiens qu’on retrouve bien sûr dans les latins de la liturgie. Je pense par exemple au mot «infans», qui ne désigne pas forcé­ ment un nourrisson, comme le voudrait pourtant le sens obvie : il peut en effet être employé en un sens technique, baptismal, emprunté à 1 Petr. II, 2 (« sicut modo geniti infantes »), et servir à désigner tout néophyte, quel que soit son âge30. Françoise

28. Cf. J. Gu y o n, « L es inscriptions chrétiennes de la Gaule m éridionale», dans M. Christol et O. M asson, Actes du X e congrès international d ’épigraphie grecque et

latine (Nîmes, 4-9 octobre 1992), Paris, 1997, p. 141-155 ; G. Cu s c it o, « L’epigrafia cristiana nei secoli VI-VII in Gallia, Iberia e A frica settentrionale », dans A cta X III

congressus intem ationalis archaeologiae christianae, Split-Porec, 1994, t. 2, R om e -

Split, 1998, p. 893-918 (Studi di antichità cristiana, 54) ; D . Fe is s e l, « L es inscriptions des premiers siècles byzantins (330-641) », dans X I congresso intem azionale di

epigrafia greca e latina (Roma, 18-24 settem bre 1997), t. 2, R om e, 1999, p. 577-589.

Les inscriptions se m ultiplient en revanche aux X IIe et X IIIe siècles, et plus encore ensuite.

29. Cf. R. Favreau, « L’épigraphie com m e source pour la liturgie », dans R. Neum üllers-K lauser (éd.), Vom Q uellenw ert der Inschriften. Vorträge und B erichte

der Fachtagung Esslingen 1990, H eidelberg, 1992, p. 6 5 -1 3 4 ; repris dans É tudes d ’épigraphie médiévale, Limoges, 1995, p. 372-446. A u carrefour entre form ulaires

épigraphiques et latins de la liturgie, on consultera par ex. les ouvrages de J.-P. Ca ill et, L ’évergétisme m onum ental chrétien en Italie et à ses marges d ’après l ’épigraphie des pavem ents de mosaïque (IV e -VIIe s.), Rom e, 1993 (CÉFR 175), et de

A. Ze t t le r, Offerenteninschriften a u f den frühchristlichen M osaikfußböden Venetiens und Istriens, Berlin - New York, 2001.

30. Cf. A. Gravasse, Le sacram entaire gélasien (Vaticanus Reginensis 316), sacra­ m e n ta re presbytéral en usage dans les titres rom ains au VIIe siècle, Paris - Tournai,

1958, p. 164 ; M.-J. Dela g e, Césaire d ’Arles, Serm ons au peuple, t. 1, Paris, 1971, n. 2

p. 164-165 (Sources chrétiennes, 175); Fr. Do l b e a u, « Sept serm ons antiques, tirés d ’un homéliaire latin d ’Olomouc », dans Revue bénédictine 111 (2001), p. 353-398, ici p. 356.

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Descombes a ainsi pu observer que, dans les inscriptions chré­ tiennes de Viennoise du Nord, aux Ve-VIIIe siècles, le vocable « infans » peut prendre un sens très large, et 1’« infantia » aller de zéro à quinze ans; une épitaphe (n° 104) fait même l’éloge de 1’« infantia» d’un jeune homme de vingt-trois ans31. Je songe aussi à l’expression « medium noctis », que nous livre l’épitaphe de Casaria, l’épouse de Valens, l’évêque d’Avignon, décédée dans la nuit du dimanche 8 décembre 586, et qui est le nom technique servant, dans la Gaule de cette époque, à désigner le grand Office de nuit32.

Les très récents volumes de la Carte archéologique de la Gaule méritent eux aussi un dépouillement intégral. On trouve en effet souvent dans ces ouvrages aisément accessibles un bilan des découvertes les plus récentes ; je pense par exemple à cette aiguière de bronze qui a été exhumée au début de la décennie 1980 à Annecy-le-Vieux, sur les contreforts du Mont Veyrier, et qui porte une inscription dont la teneur et les graphies trahissent à la fois l ’usage liturgique précis et la date de fabrication. Cette inscription se présente en effet ainsi: «LAVAVO INTER INNVCENTES

MAN VS MEAS ET CERCVNDAVO ALTARE TVOM

DOMEÑE ». Grâce à cette citation du Ps. 25, 6 (Vulg.), il ne fait guère de doute que cette aiguière ait été destinée à un usage litur­ gique, que l’usage en question soit le rituel du « Lavabo », et que la date de fabrication de cet objet gaulois puisse être située entre le VIe et le VIIIe siècle33. Dans le même ordre d’idées, on imagine que le volume sur le département de l’Aisne apportera du nouveau

31. Fr. De sc o m b e s, Viennoise du N ord, Paris, 1985, p. 163 (.Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule, XV ).

32. Cette épitaphe (débarrassée des ajouts apocryphes de Polycarpe de La Rivière) vient d ’être rééditée, traduite et com m entée par M. Ch a l ó n, « A propos des origines de Saint-A ndré : l ’épitaphe de C asaria », dans G. Barruol, R. Bacou et A. G irard (éd.),

U a b b a ye de Saint-A ndré de Villeneuve-lès-Avignon : histoire, archéologie, rayonne­ m en t, M ane, 2001, p. 23-48 (Les cahiers de Salagón, 4).

33. F. B ertrandy, M . C hevrier et J. Serralongue, La Haute-Savoie (74), Paris, 1999, p. 91 et 178-179 et fig. 132 (Carte archéologique de la Gaule, dir. M. Provost). L’ins­ cription a été éditée par J. Se r r a l o n g u e et C. Tre ffo r t, «R éflexions autour d ’une aiguière liturgique du V Ie - V IIe siècle découverte à Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie) », dans Bulletin d 'étu d es p réhistoriques et archéologiques alpines 5-6 (1994-95), p. 267- 279, ici p. 269 (A ctes du V IIe colloque sur les Alpes dans l ’Antiquité, Châtillon, Vallée d ’A oste, 11-13 m ars 1994). Je rem ercie m a collègue Cécile Treffort d ’avoir eu l’ama­ bilité de m e faire parvenir une photocopie de cette im portante publication.

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sur la « gourde » de bronze qui a été découverte dans une nécropole à Concevreux. Datable du VIe siècle, cette « ama » (ou « amula » )34 était en effet destinée à contenir du vin destiné aux célébrations eucharistiques, comme l’indiquent les inscriptions qu’elle porte, gravées sur la panse, en cercles concentriques : « [1] PAX FIDIS CARITAS SEMPER TECUM PERMANEAT / [2] CALICEM SALUTARIS ACCIPIAM ET NOMEN DOMINI INVOCABO / [3] IOCHANNIS VIVE DEO UTERE FELIX»35.

Enfin, il est bon de recourir également aux index des publica­ tions qui font régulièrement le bilan des études épigraphiques ; il n’est pas rare en effet qu’il s’y trouve des matériaux de nature à intéresser latinistes et historiens de la liturgie36.

Ces instruments de travail nouveaux ne concernent cependant pas que les oraisons. On dispose en effet depuis 1996 de deux concordances des textes des chants de l’actuel « Graduel Romain» (1974)37. Celle de Dominique Fournier comprend également les textes des versets des offertoires, qui sont tombés en désuétude dans le courant du Moyen Age central, avec toutefois d’assez importants décalages chronologiques d’une région à l’autre. Outre qu’ils facilitent grandement l’accès au texte d’environ 800 pièces de chant, ces deux ouvrages permettent aussi d’examiner les fort intéressants procédés de centonisation mis en œuvre par les compositeurs, qui n’ont pas hésité à remanier les textes bibliques (et notamment le psautier) pour mieux les adapter au but qu’ils se

34. Sur ce type de récipients, cf. W. Hil g e r s, Lateinische G efässnam en. B ezeich­ nungen, Funktion und Form röm ischer Gefäße nach den antiken Schriftquellen,

Düsseldorf, 1969, n° 185-186, p. 193-195 (B eihefte der B onner Jahrbücher, 31). 35. Ces trois inscriptions ont été éditées par J. Pil l o y, « L a gourde de Concevreux (Aisne) », dans Bulletin archéologique du CTH S 1903, p. 460-468 (ici, p. 462) et pl. 28-29, qui a vu personnellem ent l ’objet, peu après sa découverte, en se rendant lui- m êm e sur place. Résum é dans H. Le c l e r c q, art. « Burettes », dans D AC L 2 / 1 (Paris, 1910), col. 1351-1357, puis dans É . Sa l in, La civilisation m érovingienne d 'a p rès les sépultures, le texte et le laboratoire, t. 4, Les croyances. Conclusions. Index général,

Paris, 1959, p. 418-420.

36. Je pense notam m ent aux riches « indices » de l ’ouvrage de W. Koch, M. G laser et F.-A. Bom schlegel (éd.), Literaturbericht zur m ittelalterlichen und neuzeitlichen

Epigraphik (1992-1997), Hanovre, 2000 (M G H , H ilfsm ittel, 19).

37. D. Fo u r n ie r, Concordance textuelle du «G ra d u a le R om anum Triplex» et des versets de V« Offertoriale Triplex », Solesm es, 1996 (Subsidia gregoriana, 5) ; G. Mil a­ n e se, Concordantia et instrumenta léxicographica a d «G raduale R o m a n u m » perti- nentia, Gènes-Savone, 1996 (Bibliotheca gregoriana, 1).

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proposaient38. Ils permettent aussi d’évaluer les préférences scrip- turaires des compositeurs : pour prendre un seul exemple, l’Évan­ gile de Marc a été très peu utilisé par les auteurs d’antiennes et de répons de l’Office, contrairement aux deux autres synoptiques et à l’Évangile de Jean, abondamment mis à contribution.

C. L e s CD-ROM

Mais plus encore que les répertoires et les concordances, l’ins­ trument de travail qui a sans doute le plus contribué à changer la donne, dans le domaine des recherches sur les latins de la liturgie, est le CD-ROM. J’observe cependant que, si l’existence de ce nouveau moyen d’investigation offre certes d’immenses possibi­ lités, elle crée aussi (et peut-être surtout) des exigences nouvelles : il est désormais indispensable de recourir à lui, sous peine de publier des travaux comportant des lacunes ou des incertitudes qui, naguère excusables (nul n’est censé savoir par cœur les dix ou onze mille oraisons latines connues, même les spécialistes), seront main­ tenant jugées d’autant plus impardonnables que ces CD-ROM sont, pour certains d’entre eux en tout cas, d’usage assez aisé39. Ils vont donc dorénavant contribuer eux aussi à déterminer l’étiage scienti­ fique en deçà duquel une recherche sera jugée mal conduite ou insuffisamment mûrie.

38. Sur l ’usage de centons bibliques pour mettre en forme des textes liturgiques anciens, q u ’il s ’agisse de chants ou d ’oraisons, cf. par ex. A.-M . Tr ia c c a, « «Volum ina divina percurrere ». U na significativa « praefatio » del sacramentario Veronese (Ve 428). L’eucologia centonizzazione scritturistica », dans M. Löhrer et E. Salmann (éd.),

M ysterium Christi. Sym bolgegenw art und theologische Bedeutung. Festschrift f ü r Basil Studer, Rom e, 1995, p. 179-203 (Studia anselmiana, 116); Ph. Be r n a r d, «D avid m utatus in m elius ? L’origine et la signification de la « centonisation » des chants litur­

giques au V Ie siècle par la Schola cantorum rom aine », dans M usica e Storia 4 (1996), p. 5-66.

39. Cf. par ex. Fr. Do l b e a u, « Le repérage des sources assisté par ordinateur », dans L. Fossier (éd.), Le m édiéviste et l ’ordinateur (Actes de la table ronde, CNRS, Paris,

17 novem bre 1989), Paris, 1990, p. 25-27. On peut aussi, en dernier lieu, consulter le

dossier centré sur « L e latin dans le texte», qu ’ont coordonné M. Goullet et N. B ouloux, dans M édiévales 42 (2002), p. 5-100.

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Les emplois possibles des CD-ROM en liaison avec les latins de la liturgie

Cela étant, l’un des plus efficaces et des plus utiles pour l’étude des latins de la liturgie est la « Library of latin texts », dont une nouvelle version est disponible depuis 2002 40. Plusieurs sacramen­ tales carolingiens figuraient déjà dans la version précédente : trois sacramentaires « gélasiens du VIIIe siècle» — celui de Celione, celui d’Angoulême et celui de l’ancienne collection Phillipps — , ainsi que le « liber sacramentorum excarpsus»41. Comme le « Corpus orationum », le «Corpus praefationum » et le « Corpus benedictionum pontificalium » viennent d’être intégrés à la nouvelle version, le CLCLT5 va donc devenir un outil essentiel pour le liturgiste. Certes, la littérature patristique et (surtout) médiévale est encore loin d’y figurer en entier, mais la masse d’in­ formations que rassemblent ces trois disques permet néanmoins des sondages extrêmement significatifs. On sait en effet que la très grande majorité des textes liturgiques latins — je pense surtout aux oraisons — ont été composés entre le Ve et le IXe siècle. L’usage de cet instrument permet donc maintenant de comparer le vocabu­ laire et le style des oraisons à celui des écrivains, chrétiens ou non, de la fin de l’Antiquité, à celui des savants carolingiens, et à celui des théologiens et des canonistes médiévaux.

On peut compléter les informations du CLCLT5 à l’aide du CD- ROM des « Acta Sanctorum », pour les vies de saints, du CD-ROM de la « Patrologie latine » de Migne (« Patrologia Latina Data­ base»), et du CD-ROM des « Monumenta Germaniae Histórica » («Die e-MGH»), qui contient déjà une bonne partie des textes qui ont été édités dans les diverses séries de cette grande collection érudite. Ce dernier présente l’avantage, par rapport aux deux autres disques, de fournir une documentation qui a bénéficié d’éditions

40. Library o f Latin Texts - C L C L T 5 (ex-C etedoc Library o f Christian Latin Texts), éditée sous la dir. de P. Tombeur par le « C entre Traditio Litterarum O ccidentalium », Tumhout, 2002.

41. C. Coebergh et P. de Puniet (éd.), dans Testimonia orationis christianae anti-

quioris, Tumhout, 1977, p. 85-97 (CCCM , 47). Sur ce sacram entaire-lectionnaire festif

fragm entaire (Bruxelles, B R 10127-10144), cf. Ph. Be r n a r d, D u chant romain au chant grégorien. IV e-XIIT siècle, Paris, 1996, p. 712-714, et Y. He n, « Know ledge o f canon law among rural priests : the evidence o f tw o carolingian m anuscripts from around 800», dans Journal o f theological studies n.s. 50 (1999), p. 117-134.

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critiques menées conformément aux règles de l’art; les CD-ROM des « Acta Sanctorum » et de la Patrologie latine livrent en revanche des données brutes, qui doivent ensuite être vérifiées et triées en se reportant aux éditions critiques modernes, quand elles existent, ce qui peut naturellement demander un travail considé­ rable.

Je n’apprendrai à personne que le CD-ROM permet tout d’abord de repérer les sources éventuelles (bibliques et patristiques) desquelles se sont inspirés les compositeurs des oraisons. Ainsi, par exemple, 1’« Horacio post sanctus in Quatragesima » du « Missale Gothicum » (début du VIIIe siècle), qui proclame, dans une clas­ sique optique monothéiste, que l’on acclame, par le chant du triple «Sanctus», «non pas trois saints, mais Celui qui est trois fois saint » («non tres sancii, sed ter sanctus»)42, s’inspire directement du Symbole « Quicumque ». Sans doute mis au point dans le Sud de la Gaule, dans la seconde moitié du Ve siècle, ce symbole de foi déclare en effet que, pour être sauvé, il faut professer «non tres aetemi, sed unus aetemus, sicut non tres increati nec tres immensi, sed unus increatus et unus immensus, (...) non tres Dii, sed unus Deus, (...) non tres Domini, sed unus Dominus, (...) unus ergo Pater, non tres Patres, unus Filius, non tres Filii, unus Spiritus sanctus, non tres Spiritus sancii»43. On en trouve un autre écho direct dans la fameuse lettre adressée (avant 568 ?) par le métropo­

42. « M issale G othicum », n° 185 : « Horacio post Sanctus in Quatragesima. Deus, rerum om nium conditur adque creatur, qui hunus in Trinitate et trinus in unitale congnusceris, cuius m agnitudinem difficiens est lingua hum ana narrare, quem sene cessacione proclam ant angeli san ctu s; ideo nus, menim e famoli tue, ore quidem indigno, non tres sanctus, sed ter sanctus preconiae vocis attollemus, ut consono modo- lam enum proclam itur, ter repetitur laudacio ; ob hoc pietatem tuam , clim entissim e D om ine, exoram us, oblada tribuas, presum ía indulgías, ut, detersa nube peccaminum, pura et libera consciencia tuam m eriam ur obolencia conlaudare, salvator < m undi, qui vivis et régnas ...> » : éd. L. C. M ohlberg, M issale Gothicum (Vat. Reg. lat. 317), Rome, 1961, p. 51. A r exception de « sanctus » / « sa n c ii» , j ’ai conservé les graphies du m anuscrit. Els R ose prépare actuellem ent une nouvelle éd. du « M issale Gothicum » pour la « C ontinuado m edievalis » du « Corpus christianorum ». On im agine qu ’elle sera pourvue d ’apparats scripturaire et patristique ainsi que d ’« indices », qui font défaut à l ’éd. de L. C. M ohlberg, M issale Gothicum (Vat. Reg. lat. 317), Rom e, 1961.

43. Le texte du sym bole « Q uicum que » a été comm odément repris par R Hüner- m ann et J. Hoffm ann, dans H. De n z in g e r, Symboles et définitions de la fo i catholique,

38e éd., trad, fr., Paris, 1996, n° 75, p. 27-29. Sur le symbole « Q uicum que », cf. J. Ma c h ie l se n, C lavis Patrística Pseudepigraphorum M edii Aevi, t. II / A, Tumhout,

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litain de Trêves, Nizier / Nicetius, à Clodosvinde / Chlodosvinda, petite-fille de Clovis, afin de l’inciter à convertir son mari, Alboin, le roi des Lombards : Nizier y déclare en effet que les troupes angé­ liques, dans les cieux, chantent le triple « Sanctus » en l’honneur non de trois saints, mais de Celui qui est trois fois saint (« non tres sancii, sed ter sanctum»)44. Ce faisceau de convergences permet, me semble-t-il, à l’échelle d’une seule oraison, d’appréhender un peu mieux le statut de cette complexe compilation de matériaux euchologiques qu’est le « Missale Gothicum».

L’usage du CD-ROM va aussi permettre de reprendre entière­ ment, sur des bases plus solides, la question, jadis fort débattue, de l’attribution de certaines oraisons, voire de certains sacramentaires, à tel ou tel évêque de Rome de la fin de l’Antiquité. On peut en effet maintenant réaliser des comparaisons systématiques entre le style et le vocabulaire des oraisons regroupées dans le sacramentaire qui est traditionnellement qualifié de « grégorien », et les œuvres qui sont certainement issues de la plume du grand évêque de Rome. Alors que, jusque là, seuls des rapprochements ponctuels avaient été ten­ tés, par exemple par Bernard Capelle, qui avait ainsi cru apercevoir, selon ses propres termes, « la main de saint Grégoire dans le sacra­ mentaire grégorien » (1937)45, ou par une série d’articles publiés par Henry Ashworth entre 1957 et I96046, c’est maintenant un travail systématique qui peut être entrepris, d’autant que Dag Norberg, lors

44. N izier de Trêves, lettre à C lodosvinde, reine des L om bards : « E pistulae austra- sicae », n° 8 : « (...) omnis m ilitia angelorum per singulos dies clam at : « Sanctus, sanctus, sanctus, Dominus Deus Sabaoth » — non tres saneti, sed ter sanctum dixit D om inum Deum Sabaoth : sanctus Pater, sanctus Filius, sanctus Spiritus ; unus sanctus, sicut unus Dom inus » : éd. MGH, E pistolae, t. 3, B erlin, 1982, p. 120, 1. 36. Sur cette lettre, cf. C. Nolte, Conversio und christianitas. Frauen in d er C hristianisierung vom

5. bis 8. Jahrhundert, Stuttgart, 1995, p. 86 sq.

45. B. Ca pel l e, « L a m ain de saint G régoire dans le sacram entaire grégorien », dans Revue bénédictine 49 (1937), p. 13-28; repris dans Travaux liturgiques de

doctrine et d'histoire, t. 2, Louvain, 1962, p. 161-175.

46. H. Ashw or th, « Gregorian elem ents in som e early gallican service books », dans Traditio 13 (1957), p. 431-443, « T h e liturgical prayers o f St. Gregory the G reat », dans Traditio 15 (1959), p. 107-161, et « F urther parallels to the « H adrianum » from St. Gregory the G reat’s Com m entary on the first book o f K ings », dans Traditio 16 (1960), p. 364-373. La force de persuasion de ce dernier article a bien sûr pâti de la découverte, par le P. A dalbert de Vogüé, que ce com m entaire sur le livre des Rois n ’est pas de Grégoire, m ême s’il n ’est pas exclu que son auteur ait utilisé des m atériaux grégoriens. Cf. A. de Vo g ü é, « L ’auteur du C om m entaire des Rois attribué à saint Grégoire : un moine de Cava ? », dans R evue bénédictine 106 (1996), p. 319-331.

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du colloque « Saint Grégoire » qui s’est tenu à Chantilly en 1982, a clarifié la situation en faisant observer l’existence d’une distinction, dans les lettres conservées dans le « Registrum » grégorien, entre les missives qui ont été rédigées par les bureaux du Latran47, à partir d’un formulaire stéréotypé (du type de ceux qui ont été réunis plus tard dans le « Liber diumus » )48, et celles que Grégoire a dictées lui- même, et dans lesquelles on trouve par conséquent un écho de son style personnel et de sa pensée49. Cette comparaison systématique devrait donc permettre le passage à une nouvelle étape dans l’his­ toire de l’étude du sacramentaire « grégorien ». Après une première phase, qu’on pourrait qualifier de pré-critique, au cours de laquelle la paternité de l’évêque a été admise sur la seule foi d e l’« inscrip- tio » carolingienne que portent les manuscrits, et sans véritable éva­ luation des textes euchologiques concernés, qu’a suivie une phase dominée au contraire par une démarche plus critique qui a conduit, dans plus d’un cas, au rejet de cette attribution, tenue pour légen­ daire, on devrait assister maintenant à un dépassement à la fois de l’imagerie d’Épinal et du scepticisme hypercritique. Les premiers sondages qui ont été réalisés, notamment sur la base d’une compa­ raison entre le vocabulaire et le style des oraisons, d’une part, et la nouvelle édition critique des « Homiliae in Evangelia », due à Ray­ mond Étaix (1999), d’autre part, indiquent en effet que le sacramen­ taire « grégorien » pourrait effectivement contenir des matériaux dont la rédaction serait attribuable à l’évêque dont il porte le nom50.

47. Cf. P. To u b e r t, «Scrin iu m et p a la tiu m : la formation de la bureaucratie

rom ano-pontificale aux V IIIe-IX e siècles », dans Roma n e ll’alto M edioevo, t. 1, Spolète, 2001, p. 57-117 (Sem aines de Spolète, 48).

48. Cf. Th. Fr e n z, Papsturkunden des M ittelalters und der N euzeit, 2e éd., Stutt­

gart, 2000, p. 50-51.

49. D. No r b e r g, « Qui a com posé les lettres de Grégoire le G rand ? », dans Studi

m edievali 21 (1980), p. 2 -1 7 ; Id ., « Style personnel et style adm inistratif dans le « R egistrum e p istu laru m » de saint G régoire le G rand», dans les A ctes du colloque

international Grégoire le G rand (Chantilly, 1982), Paris, 1986, p. 489-497. Cf. égale­

m ent E. Pit z, Papstreskripte im frü h e n Mittelalter. Diplomatische und rechts geschicht­ liche Studien zum Brief-C orpus Gregors des Grossen, Sigmaringen, 1990 (Beiträge zur

G eschichte und Q uellenkunde des M ittelalters, 14).

50. Cf. J. De s h u ss e s, « G régoire et le sacramentaire grégorien », dans Grégoire le

G rand (Chantilly, 1982), Paris, 1986, p. 637-644; Id., « Quelques remarques sur les oraisons de saint G régoire », dans Revue M abillon n. s. 9 (70) (1998), p. 5-15; P.-M. G y , La liturgie dans l ’histoire, Paris, 1990, p. 188-194 ; Id ., « Bulletin de liturgie », dans R evue des sciences philosophiques et théologiques 84 (2000), n. 9 p. 516.

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Pour qui cherche à évaluer les latins de la liturgie, l’un des usages possibles des CD-ROM consiste aussi à les employer afin d’identi­ fier les points de contact, ou au contraire les décalages, voire les oppositions, entre les textes patristiques, carolingiens et médiévaux, d’une part, et les textes liturgiques, et notamment les oraisons, d’autre part, principalement dans le domaine du vocabulaire, des formules toutes faites (les « iuncturae verborum ») et des figures de style. La procédure allant de soi, un seul exemple suffira. Mal vue par les Pères du IVe siècle, et notamment par Augustin, qui y voient un néologisme de mauvais aloi, l’épithète « salvator » a cependant fini par s’imposer, pour désigner le Christ, grâce à la médiation opé­ rée par les versions latines de la Bible, sous la forme de l’expression « salvator mundi », qui traduit la formule johannique « ho sôter tou kosmou » (Io. IV, 42 ; 1 Io. IV, 14 ; cf. Gen. XLI, 4 5 )51. Aussi est-elle fréquente dans les oraisons de la fin de l’Antiquité, notamment en Irlande52, et plus encore en Gaule, comme le prouvent abondam­ ment les matériaux euchologiques rassemblés dans le «Missale Gothicum », qui a été copié au début du VIIIe siècle, mais aussi le « Missel de Bobbio » et les deux ou trois fragments de sacramen­ tales réunis sous le nom de « Missale Gallicanum Vêtus » 53. La vogue de cette formule se prolonge tout au long de l’époque carolin­

51. Cf. P. de La b r io ll e, « S alv ato r» , dans M élanges en hom m age à la m ém oire de

François M artroye, Paris, 1940, p. 59-72 ; F. J. Dö l g e r, « D er Heiland », dans A ntike und

Christentum , t. 6, Münster, 1950, p. 241-272, ici p. 264-265 ; M. P. El l e b r a c h t, Rem arks on the vocabulary o f the ancient orations in the M issale R om anum , N im ègue - Utrecht,

1966 (Latinitas christianorum primaeva, 12), p. 14-15 ; J.-A . Ju n g m a n n, The p la ce o f Christ in liturgical prayer, nouv. éd. m ise à jour, Londres, 1989 ( l re éd. 1965), p. 217-

222. Sur l ’épithète « sôter », cf. par ex. A. D. No c k, « S oter and evergetes », repris dans

Essays on religion and the ancient w orld , t. 2, Oxford, 1972, p. 720-735.

52. Sur l ’emploi de cette épithète dans les sources liturgiques irlandaises, cf. F. E. Wa r r en, The antiphonary o f Bangor, t. 2, p. X X V I-X X V II (H enry Bradshaw

society, 10) ; A. Do l d, Ein H ym nus abecedarius a u f Christus a u f Codex E insiedlensis 2 7 (1125), Beuron, 1959, p. 16 (hym ne « D e Christo D om ino », refrain) (Texte und

Arbeiten, 5 1 ); A. Ga l l i, « Zénon de V érone dans l ’antiphonaire de B angor » , dans

Revue bénédictine 93 (1983), p. 293-301, ici p. 300-301 (réf. aim ablem ent com m uni­

quée par le Dr M artin H einzelm ann, D H IP) ; M. Cu r r a n, The antiphonary o f Bangor,

Dublin, 1984, p. 91-92.

53. Sur l ’importance de l ’épithète « Salvator m undi » dans les sources liturgiques gauloises, cf. J. A. Pr e n d o, The « Post Secreta » o f the « M issale G othicum » and the eucharistie theology o f the gallican anaphora, M alte, 1977, p. 3 3 ; L. van To n g e r e n,

Exaltation o f the Cross. Toward the origins o f the fe a s t o f the Cross a n d the m eaning o f the Cross in early medieval liturgy, Louvain, 2000, p. 264 (Liturgia condenda, 11) ;

M. Gr o s, « L ’ancien Ordo gallican d ’enterrem ent », dans Ecclesia orans 14 (1997), p. 347-360, ici p. 350 et 354-355.

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gienne, comme l’indique par exemple la collecte de la « missa coti­ diana» instituée (à ses propres intentions) par l’évêque Aldric du Mans, que j ’ai évoquée plus haut54. Elle est également passée dans les prières dévotionnelles privées à l’époque carolingienne55 ; elle a même laissé des traces dans les compositions musicales originaires de la « Francia » carolingienne et post-carolingienne56.

Les CD-ROM permettent en outre de mesurer aisément le degré d’écart entre la norme linguistique courante et les habitudes des latins de la liturgie : ces latins se distinguent-ils au point de constituer une « Sondersprache », c’est-à-dire une langue spéciale, ou usent-ils simplement de l’un des paradigmes du langage commun — de sa forme encomiastique, par exemple ? Pour prendre l’exemple des deux courts traités liturgiques qui ont été copiés, sous le nom de Germain, l’évêque de Paris (t 576), dans un unique manuscrit du IXe siècle aujourd’hui conservé à Autun, l’usage du CD-ROM permet aisément de voir comment son auteur, quel qu’il soit, s’écarte parfois volontairement de l’usage commun pour

54. C ette collecte est certes connue du Corpus orationum , où elle figure sous les n° 5306-5307. Elle a cependant été rem aniée par Aldric, qui l’a adaptée au but q u ’il se proposait ; ce sont donc les variantes de cette recension aldricienne qui sont inconnues du Corpus orationum . Or, c ’est précisém ent là que se trouve la form ule « Salvator m undi » : « Sanctae Dei genetricis M ariae ac beatorum apostolorum sive martyrum tuorum G ervasii et Prothasii atque s aneti Stephani simulque reliquorum m artyrum et confessorum virginum que atque om nium sanctorum tuorum assiduis intercessionibus quaesum us, Salvator m undi, pontificem nostrum Aldricum m isericorditer protege pari- terque ei fam iliari tate atque consanguinitate coniunctos et omnes sibi com m isses utriusque ordinis, viros et fem inas, ab omni praevitate defende et secundum tuam voluntatem eis vivere trihue om nem que populum christianum m isericorditer custodi et anim abus fam ulorum fam ularum que tuarum om nium sibi com m issorum et commis- sarum atque cunctorum cunctarum que in Christo quiescentium requiem tribue beni- gnus sem pitem am et sanctorum tuorum coetibus consociare digneris propitius. Per » : éd. M G H , C oncilia, t. II / 2, H anovre - Leipzig, 1906, p. 785.

55. Cf. A. Wil m a r t, « L e m anuel de prières de saint Jean G u alb ert», dans Revue

bénédictine 48 (1936), p. 259-299, ici p. 290, n° 7 0 ; H. Ba r r é, Prières anciennes de V O ccident à la M ère du Sauveur. D es origines à saint Anselm e, Paris, 1963, n. 47 p. 8

et p. 8 2 ; P. Sim s- Wil l ia m s, « T houghts on Ephrem the Syrian in Anglo-Saxon E ngland », dans M. Lapidge et H. Gneuss (éd.), Learning and literature in Anglo-

Saxon England. Studies p resen ted to Peter Clem oes, Cambridge, 1985, p. 205-226.

56. Cf. O. Cu l l in, « U n e pièce gallicane conservée par la liturgie de Gaillac. L’of­ fertoire « Salvator m undi » pour les défunts », dans Liturgie et m usique (IXe - X IV e s.), Toulouse, 1982, p. 287-296 (C ahiers de Fanjeaux, 17). Sur l’esthétique de ces chants aquitains d ’époque post-carolingienne, et la difficulté q u ’on éprouve à les distinguer, sur cette seule base, des chants qui constituent le vieux-fonds « grégorien » (c’est-à- dire carolingien), cf. C. Ro e d e r e r, « C an we identify an aquitanian chant style ? » , dans

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employer des vocables rares, par souci d’éviter le terme banal ou trop galvaudé, ou pour détourner un mot ou une expression de son sens ordinaire51. Ainsi, dans la première « lettre », le prologue use de l’expression « canon ecclesiasticus » 58, dans un sens visiblement assez large, pour désigner les usages (liturgiques ou non) instaurés par les autorités ecclésiastiques ; l’usage du CD-ROM nous enseigne en revanche que cette formule désigne ordinairement, chez les Pères, quelque chose de très précis, qui est le canon des Écritures, duquel elle vise surtout à bannir les « apocryphes ». Un peu plus loin, dans son § 7, « Germain » use du diminutif « plebicula » au sens, positif, de « fidèle petit troupeau », alors que la consultation du CD-ROM montre que ce vocable, rare en dehors du discours hérésiologique, est presque toujours employé par les Pères dans un sens péjoratif, par exemple pour dénigrer des rivaux, et notamment les conventicules des « hérétiques », accusés d’être essentiellement composés de rustres et d’ignorants59. Ces deux exemples montrent bien, je crois, comment l’on peut, au moyen de sondages portant sur le vocabulaire, situer l’un ou l’autre des latins de la liturgie.

Le recours aux CD-ROM est désormais tout aussi indispensable pour établir un texte de nature liturgique, par exem ple pour résoudre les énigmes posées par les erreurs des copistes. Pour proposer une conjecture, il est en effet indispensable de savoir au

préalable si une tournure est attestée, à quelle époque, et par qui.

Pour prendre un seul exemple, que j ’emprunte à mon édition du

document bipartite attribué à Germain de Paris, on peut lire, dans

le § 19 de la seconde « lettre» , la formule suivante, à propos de la

chrysalide du ver à soie qui se métamorphose en papillon et qui

57. Germain de Paris (?), « Expositio brevis antiquae liturgiae gallican ae» (C PL3 1925): éd. E. C. Ra tcliff, E xpositio antiquae liturgiae gallicanae, Londres, 1971

(Henry Bradshaw Society, 98). Je prépare depuis bientôt dix ans une édition nouvelle et un comm entaire de ce document, qui est capital pour connaître les rituels eucharis­ tiques et baptismaux dans la Gaule pré-carolingienne.

58. Sur rex p ressio n « canon ecclesiasticus », cf. H. Oh m e, Kanon ekklesiastikos. D ie Bedeutung des altkirchlichen K anonbegriffs, B erlin - New York, 1998 (A rbeiten zur

Kirchengeschichte, 67).

59. Cf. Augustin, « D e unico b a p tism o » XV I, § 2 8 : éd. CSEL 53, 1910, p. 3 0 ; Augustin, « Contra Iulianum opus im perfectum » I, § 33 et II, § 14: éd. C SEL 85, 1974, p. 25 et 172 ; Jérôme, « In Ierem iam prophetam libri V I» III, 15 : éd. C SEL 59, 1914, p. 164; Jérôme, « C om m entarli in evangelium M atthaei » III, 21, 10: éd. C C SL 77, 1969, p. 186; Jérôme, « epistula » 52, § 8 : éd. C SEL 54, 1910, p. 429 ; Jérôm e, « ep istu la» 121, § 10: éd. CSEL 56, 1918, p. 49.

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« (...) post occasum et volatum (...) ». L’erreur du copiste ne fait pas de doute ; reste à découvrir la solution. Or, la consultation du CD- ROM permet de s’assurer que l’expression « volatum sumere » est bien attestée à l’époque où écrit «Germain», c’est-à-dire au VIIe ou au VIIIe siècle 60 ; il est donc possible de corriger en toute sécurité cette faute classique de la manière suivante : «(...) post occasum <sum>et volatum (...)»: « après le coucher du soleil, il prend son envol»61.

Cet emploi du CD-ROM se heurte cependant à une limite, spécialement quand l’éditeur de textes hésite entre plusieurs graphies possibles, l’une conventionnelle, et l’autre davantage phonétique (du type : « eucharistia » / «eucarestia»): le texte du CD-ROM ne reflète en effet pas nécessairement l’état de la langue des auteurs, mais les choix des éditeurs. Or, il est patent que certains d’entre eux ont systématiquement privilégié les graphies non-conventionnelles — je pense par exemple à l’édition de Grégoire d’Elvire et à celle de Defensor de Ligugé — , si bien que les textes ainsi édités se retrouvent souvent complètement isolés, non parce que leurs auteurs auraient écrit dans un latin spécial, mais à cause des choix (pour ne pas dire des partis-pris) de leurs éditeurs.

Le CD-ROM permet aussi à l’historien et au latiniste de mieux évaluer les notions dont usent les différents latins mis en œuvre par les sources liturgiques, de mieux cerner leur signification précise, mais aussi d’en suivre les « corsi e ricorsi ». Je pense par exemple au vocabulaire servant à désigner l’évêque (« sacerdos » / « episcopus »), dont on sait qu’il a profondément évolué entre le IVe et le IXe siècle62. Je songe aussi à une expression telle que

60. Cf. par ex. G régoire le Grand, « M oralia in lo b » XXXI, viii, 12: « At contra struthionis pennae dissolutae, eo volatum sumere nequeunt, quo ab ipso quem premere debuerant aere transcenduntur » : éd. CCSL 143B, 1985, p. 1558.

61. Puisque j ’en suis à « G erm ain » et aux fautes comm ises par les deux copistes du m anuscrit unique, je m e perm ets de rappeler q u ’il m ’a été donné de rectifier la lecture « trecanum » et de dém ontrer q u ’il s’agissait d ’une mélecture du m ot grec « trisagion » et que, par conséquent, le chant du « trecanum » n ’avait jam ais existé: cf. « L e tre ca n u m : un fantôm e dans la liturgie gallicane ? », dans Francia 23 (1996), p. 95-98.

62. Cf. P. Meyvaert et P. De v o s, « Autour de Léon d ’Ostie et de sa Translatio

S. Clem entis (légende italique des SS. Cyrille et M éthode) », dans A nalecta bollan- diana 74 (1956), p. 189-240, ici, p. 196 sq. ; P.-M. Gy, « Remarques sur le vocabulaire

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