EXPLICITATION DE LA DÉMARCHE
DE CONCEPTION D'UN VIDÉOGRAMME
LE CUIVRE ET SES VOISINS PRÉCIEUX. LES CAPRICES
DE L'OXYDORÉDUCTION
Anne-Marie HUYNEN, Marianne van de WIEL Université catholique de Louvain
MOTSCLÉS: ÉLECfROLYSE MODÈLE PARTICULAIRE CONCEPTS FORMELS -MÉDIATION AUDIOVISUELLE
RÉSUMÉ: Les images du document sont décrites en précisant leur fonction dans une démarche de modélisation. Elles appartiennent au registre du macroscopique (le phénomène industriel d'é1ectroaffinage du cuivre et des métaux précieux), à celui du modèle particulaire de la matière (l'électrolyse), etàcelui des modèles formels (le potentiel d'électrode des couples oxydant-réducteur, l'enthalpie libre standard...). L'articulation visuelle de ces registres, réalisée de manière séquentielle dans un vidéogramme, est remise en question pour améliorer la stratégie didactique.
SUMMARY : Videogramme's pictures belong to three categories: phenomena, microscopic level; symbolic leve!. They are described and the links between them are emphasized. The sequential characler of this presentation is discussed accordingtoan optimised didactic strategy.
1. INTRODUCTION
Notre intention, en construisant le vidéogramme, était de montrer comment des concepts ou des outils de modélisation, habituellement présentés de manière abstraite dans les enseignements de Chimie, peuvent devenir opérants pour déterminer des conditions d'exploitation industrielle (métallurgie du cuivre et des métaux précieux). Dans le vidéogramme, en effet, des images tournées dans des usines voisinent des animations et des graphiques. L'originalité et la spécificité du média consistentà articuler visuellement le modèle du phénomène d'électrolyse, les diagrammes de stabilité thermodynamique de composés, l'échelle des potentiels d'oxydoréduction et des opérations industrielles. Nous ferons une description de différents types d'images utilisés, en précisant la fonction que nous leur avons attribuée dans le fonctionnement d'une démarche scientifique. La communication aux XXeslIESa consistéàdévoiler, àchaque pas du message audiovisuel, les intentions des concepteurs que nous sommes. Tout en visionnant le document nous en avons fait une lecture double:
o étant enseignantes de sciences physiques, nous avons pointé les différents niveaux abordés, macroscopique, subuùcroscopique, formel,
o étant conceptrices nous avons évoqué quelques "coulisses" du spectacle, manière de préciser nos
intentions.
Participantàla formation d'enseignants, nous avons été soucieuses de créer un média susceptible d'entraîner les futurs maîtresàtransmettre aux élèves la démarche réversible entre ces pôles:
phénomène0 modèle particulaire de la matière0 modèle fonnel.
Par ailleurs, le document ayant été réalisé par le Centre Audio-Visuel de l'Université de Louvain permettait quelques commentaires sur les rapports entre enseignants de la discipline et professionnels du media audiovisuel. Enfin, le' vidéogramme a pour destinataires des élèves des classes de preuùères ou de Terminales ainsi que des étudiants de Bac+ 1 ou +Bac+2.
2. QUELLES IMAGES POUR QUELLE FONCTION DIDACTIQUE?
2.1 Les images de J'industrie
"Au commencement... des fils de cuivre qui s'enroulent, des granules d'argent etc." Autrement dit, dès l'abord, il s'agit de s'imprégner du réel des opérations métallurgiques avant d'en présenter des modèles explicatifs. La démarche est à l'inverse de celle de J'illustration, après enseignement, de concepts abstraits.
2.2 Logo
Un logo apparaît en surimpression sur certaines images. Il fonctionnera en leitmotiv visuel chaque fois que des réactions d'oxydoréduction ont lieu. C'est une image en réduction de l'échelle des potentiels d'électrode des couples oxydant-réducteur rencontrés. Ce rappel visuel articule explicitement le phénomène et l'échelle des potentiels d'oxydoréduction.
2.3 L'échelle des potentiels d'oxydoréduction des couples rencontrés
Une image de deux flèches, de largeur croissante, des oxydants / réducteurs les plus faibles aux plus forts, se déroule, en gros plan, sous le regard. L'échelle des potentiels d'électrode permettra des discussions sur les oxydations réaliséesà l'anode et les réductions possibles à la cathode, dans l'électroaffinage du cuivre. La non-séparation des métaux précieux et du cuivre dans la première phase du procédé sera ainsi expliquée. Afin de comparer deux valeurs deEO non contigüe, un artifice visuel a été utilisé par le réalisateur. Il a imaginé de faire défiler, derrière un cache, les valeurs des couples d'oxydoréduction de l'échelle des potentiels d'électrode. Cela permet de percevoir qu'entre les éléments comparés, il y en a d'autres, non impliqués dans le problème traité. La discussion peut s'établirà partir des valeurs de P des couples Ni/Ni2+et Cu/Cu 2+,par exemple, pour justifier la présence de Nickel, dans le bain, après l'électrolyse. Ainsi se fait un lien entre le réel expérimental, manifesté macTOscopiquement dans ce cas par la couleur de la solution, et le modèle des couples d'oxydoréduction.
2.4 Le tableau de Mendeleev
Un tableau périodique des éléments est présenté régulièrement. Il met en évidence, de manière animée, les éléments du groupe des non-ferreux rencontrés dans les processus industriels, et leur environnement d!lns les familles et les périodes. Faire référenceà la classification des éléments en tableau, au milieu d'images métallurgiques vise à faciliter un pont entre macroscopique et classification rationnelle sur base de propriétés. Le cuivre, l'argent, l'or, le nickel, etc... sont bien des "voisins".
2.5 Les diagrammes d'Ellingham
Les droites, représentant, en fonction de la température, l'enthalpie libre standard de formation des oxydes et des sulfures des éléments rencontrés, se construisentà l'écran. L'objectif est de suivre d'un coup d'oeil rapide (repérage dynamique sur des points du graphique) ce qui se passe dans le Haut Fourneau et dans les fours d'oxydation et de réduction, via le concept. L'interprétation d'une représentation graphique se rapportantà un concept, formel s'il en est, l'enthalpie libre standard de réaction deltaGO, est en lien direct avec le choix de la température optimale du four d'oxydation. Le lien se fait entre le transcodage graphique et le traitement macroscopique d'un phénomène. Nous avons rencontré d'énormes difficultés pour rédiger le commentaire. Malgré les réelles simplifications que nous lui avons apportées après discussion avec les thermodynamiciens, la densité des informations est trop élevée.
2.6 Un schéma animé
Après avoir les vues d'un nombre impressionnant de cathodes et d'anodes à l'échelle industrielle, il s'avère nécessaire d'utiliser le modèle particulaire de la matière. La modélisation, au niveau submicroscopique, du phénomène d'électrolyse fait intervenir des ions: Cu2+, H30+, 5042-, des molécules: H20, des électrons... Une animation met les ions en mouvement vers les électrodes et "figure" les déplacements d'électrons. Tâcheôcombien délicate et dévoilant pas mal de faiblesses! Celles-ci sont liées à l'opération de modélisation elle-même et aux limites du budget (animation réalisée en 20 et pas 3D, mouvement répétitif des ions, etc...). 11 faut insister sur le statut de modélisation de ce qui est montré sur le schéma animé, sans trop alourdir le commentaire oral, cependant.
2.7 Schéma électrique
Les connexions, en parallèle, des électrodes dans les cellules industrielles, et, en série, des ensembles de cellules d'électrolyse sont schématisées selon les règles usuelles de l'électrocinétique. C'est l'occasion de décloisonner aux yeux de l'élève les connaissances de la physique (électrocinétique) de celles de la chimie. Nous avons repéré ici un bel exemple pour "sentir" la chute de potentiel au bout de chaque cellule de 19 anodes /cathodes. Nous pouvons distinguer clairement le concept d'intensité du courant ( 12.000A ) qui circule dans le circuit d'électrolyse, avec son effet Joule sensible, et le concept de tension appliquée (6V), qui ne constitue aucun danger pour ceux qui sont amenésà faire des manipulations dans les cuves d'électrolyse. Ces concepts peuvent sortir ainsi de leur habituel contexte scolaire et abstrait et montrer leur opérationnalité concrète.
2.8 Équations chimiques
Des équations chimiques s'inscrivent sur fond d'images du réel, la solution d'électrolyte, par exemple. Ainsi se réalise une tentative de ne pas isoler les équations chimiques du milieu réactionnel. Elles représentent les phénomènes dont ce milieu est le théâtre, tout en montrant de manière patente le non isomorphisme entre réel et modèle symbolique.
2.9 Flowsheet de l'usine
La schématisation des différentes étapes de la métallurgie est présentée de manière dynamique par une mise en couleur progressive des différentes unités. Notre objectif est de remettre dans leur contexte industriel les opérations d'électro-affinage, détaillées précédemment.
3. CONCLUSION
Notre propos, en réalisant ce vidéogramme, nous situe dans la mouvance des recherches en didactique de la chimie et de la physique développant des activités de modélisation en classe. Plusieurs d'entre elles montrent combien l'introduction de modèles paniculaires de la matière, par
exemple, sont imponants pour permettre une utilisation performante des modèles symboliques et formels. Nous avons tenté d'expliciter la structure d'exposition sous-jacenteàce document. Mais ce type de média rencontre sa limite dans le fait que la présentation des différents niveaux d'approche de la matière: macroscopique, microscopique et symbolique est nécessairement séquentielle. Permet-il dès lors un meilleur apprentissage de l'aniculation réel-modèles, animés, formels, symboliques? Pour développer cette compétence, centrale en sciences expérimentales, nous avons le projet de réaliser un multimédia, sur CD Rom ou Digital Video Disk, proposant des navigations individuelles diversifiées. En termes de stratégie didactique, il s'agira de promouvoir l'aniculation conceptuelle entre les différents niveaux de modélisation et les phénomènes macroscopiques, par la voie d' images, simultanées et synchronisées.
BIBLIOGRAPHIE
LARCHER
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