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Création de jeux impliquant des concepts mathématiques de première secondaire et étude des raisonnements mathématiques induits chez les élèves

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Academic year: 2021

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(1)

Création de jeux impliquant des concepts

mathématiques de première secondaire et étude des

raisonnements mathématiques induits chez les élèves

Mémoire

Emanuelle Makdissi

Maîtrise en psychopédagogie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Création de jeux impliquant

des concepts mathématiques de

première secondaire et

étude des raisonnements mathématiques

induits chez les élèves

Mémoire

Emanuelle Makdissi

Sous la direction de :

Claudia Corriveau, directrice de recherche

Frédéric Gourdeau, codirecteur de recherche

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Résumé

Bien que les jeux mathématiques puissent être perçus comme un réel contexte d’apprentissage, surtout au préscolaire, peu de jeux sont créés et analysés dans le but de permettre un apprentissage ciblé quant aux mathématiques du secondaire. L’objectif de cette recherche est de mettre en relief le potentiel didactique des jeux mathématiques exploitant des concepts du début du secondaire dans l’expression des raisonnements mathématiques des élèves. Pour ce faire, deux jeux mathématiques portant sur l’algèbre ont été construits au regard des caractéristiques des jeux relevés chez Piaget (1945/1978), Ascher (1998) et Brousseau (1985). Ces jeux ont alors été testés en classe et les raisonnements de douze élèves (quatre pour le premier jeu et huit pour le second) ont été décrits et analysés sous l’angle du raisonnement mathématique de Jeannotte (2015). Les résultats des analyses des raisonnements des élèves soutiennent l’idée que les jeux mathématiques permettent aux élèves de développer leur raisonnement mathématique en plus de construire leur compréhension du concept de l’algèbre.

(4)

Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Remerciements ... xii

Introduction ... 1

Chapitre 1 Problématique ... 3

1.1.Le choix d’aborder l’utilisation des jeux en mathématiques au secondaire ... 3

1.2.Place du jeu dans l’enseignement ... 4

1.2.1.La place du jeu dans les programmes de formation de l’école québécoise ... 4

1.2.2.Les jeux dans l’enseignement secondaire : observations dans la pratique ... 7

1.3.Recherches en lien avec l’utilisation des jeux mathématiques ... 8

1.3.1.Recherches montrant un effet positif de l’utilisation des jeux mathématiques... 8

1.3.2.Recherches précisant des éléments pouvant nuire à l’apprentissage lié à l’utilisation du jeu en classe ... 10

1.3.3.Recherche portant sur les interactions entre enseignants et élèves en contexte de jeu ... 11

1.4.Question de recherche ... 12

Chapitre 2 Cadre théorique ... 14

2.1.Comprendre le jeu mathématique à travers les classements proposés ... 14

(5)

2.1.1.1. Jeux d’exercices ... 15

2.1.1.2. Jeux symboliques ... 16

2.1.1.3. Jeux de règles ... 17

2.1.2.Les jeux selon le champ mathématique de Ascher ... 19

2.1.2.1. Les jeux de hasard ... 20

2.1.2.2. Les jeux de stratégies ... 21

2.1.3.Les jeux selon le champ de la didactique des mathématiques de Brousseau ... 22 2.1.4.Synthèse ... 25 2.2.Raisonnement mathématique ... 27 2.2.1.Aspect structurel... 28 2.2.2.Aspect processuel ... 30 2.3.Objectifs de recherche ... 32

Chapitre 3 Cadre méthodologique ... 33

3.1.Éléments méthodologiques entourant la création des jeux ... 33

3.1.1.Choix d’un contenu mathématique : arithmétique/algèbre ... 34

3.1.2.Description des deux jeux ... 36

3.1.2.1. Jeu 1 : Combinaison cachée ... 36

3.1.2.2. Jeu 2 : Retrouve ton x ... 37

3.1.3.Processus général de création servant à l’analyse des jeux ... 38

3.2.Éléments méthodologiques entourant l’expérimentation ... 39

3.2.1.Participants ... 39

3.2.2.Déroulement de l’expérimentation ... 40

3.2.3.Matériau de recherche ... 41

(6)

3.2.4.1. Transcription de verbatim ... 42

3.2.4.2. Constitution de tableau de verbatim ... 42

3.2.4.3. Tableaux d’analyse ... 43

3.3.Synthèse de la méthodologie ... 43

Chapitre 4 Analyse et résultats du jeu 1 : Combinaison cachée ... 45

4.1.Analyse de la création du jeu Combinaison cachée ... 45

4.1.1.Processus général de création : analyse préalable, production, planification et mise à l’essai ... 45

4.1.2.Analyse du jeu en termes de structure et de fonction... 47

4.1.3.Analyse préalable du jeu en termes de raisonnements mathématiques... 49

4.2.Analyse des raisonnements des élèves ... 52

4.2.1.Présentation du processus d’analyse ... 52

4.2.1.1. Construction des verbatims et images associées ... 53

4.2.1.2. Constitution des tableaux des raisonnements pour chaque partie (tableaux 6 à 18) ... 56

4.2.1.3. Constitution du tableau 19 synthèse des raisonnements ... 59

4.2.2.Résultat de l’analyse des raisonnements des élèves ... 60

4.2.2.1. Raisonnements intra-ligne ... 61

4.2.2.2. Raisonnements inter-lignes ... 66

4.2.2.3. Raisonnements trans-lignes ... 71

4.2.2.4. Synthèse des résultats ... 73

4.3.Interprétation des résultats ... 75

4.3.1.Situation didactique au sens de Brousseau... 75

(7)

4.3.3.Éléments du modèle de raisonnement mathématique de Jeannotte

(2015) ... 76

Chapitre 5 Analyse et résultat du jeu 2 : Retrouve ton x ... 79

5.1.Analyse de la création du jeu 2 ... 79

5.1.1.Processus général de création : analyse préalable, production et planification et mise à l’essai ... 79

5.1.2.Analyse du jeu en termes de structure et fonction ... 82

5.1.3.Analyse préalable du jeu sur le plan du raisonnement mathématique ... 84

5.2.Analyse des raisonnements des élèves ... 86

5.2.1.Présentation du processus d’analyse ... 86

5.2.1.1. Constitution des verbatims et images associées ... 86

5.2.1.2. Constitution des tableaux résumés des parties de chaque équipe ... 90

5.2.1.3. Constitution des tableaux des raisonnements pour chaque équipe ... 93

5.2.1.4. Constitution du tableau synthèse des raisonnements ... 95

5.2.2.Résultats de l’analyse (raisonnement des élèves) ... 96

5.2.2.1. Formulation de la question ... 97

5.2.2.2. Rayage ... 108

5.2.2.3. Synthèse des résultats ... 121

5.3.Interprétation des résultats ... 123

5.3.1.Situation didactique au sens de Brousseau... 124

5.3.2.Développement de la stratégie optimale ... 124

5.3.3.Aspect processuel et structurel du raisonnement mathématique... 125

(8)

6.1.Retour sur les grandes lignes du mémoire ... 128

6.2.Résultats ... 129

6.3.Limites, retombées et avenues prospectives de recherche ... 130

Bibliographie ... 133

Annexe A Règles du jeu 1 : Combinaison cachée ... 136

Annexe B Règles du jeu 2 : Retrouve ton x ... 139

Annexe C Formulaires de consentement des élèves et des parents ... 141

Annexe D Images associées au jeu 1 (Combinaison cachée) ... 147

Annexe E Tableaux des raisonnements pour chaque partie du jeu 1 (Combinaison cachée) ... 175

Annexe F Tableau synthèse des raisonnements du jeu 1 (Combinaison cachée) ... 196

Annexe G Images associées au jeu 2 (Retrouve ton x) ... 201

Annexe H Tableau résumé des parties de chaque équipe du jeu 2 (Retrouve ton x) ... 215

Annexe I Tableaux des raisonnements de chaque partie du jeu 2 (Retrouve ton x) ... 219

(9)

Liste des tableaux

Tableau 1 - Synthèse des types de jeu chez Piaget ... 18

Tableau 2 - Synthèse des types de jeu chez Ascher ... 22

Tableau 3 - Synthèse du jeu chez Brousseau ... 25

Tableau 4 - Éléments du jeu mathématique sur le plan de la structure et de la fonction ... 47

Tableau 5 - Exemple de deux tours pour le jeu Combinaison cachée ... 50

Tableau 6 - PA1 (A1 décode) ... 176

Tableau 7 - PA2 – (A2 décode) ... 178

Tableau 8 - PA3 (A2 décode) ... 180

Tableau 9 - PA4 (A1 décode) ... 182

Tableau 10 - PA5 (A2 décode) (ils jouent avec les valeurs) ... 183

Tableau 11 - PA6 (A1 décode) ... 184

Tableau 12 - PA7 (A2 décode) (sans les jetons) (sans les valeurs) ... 185

Tableau 13 - PA8 (A1 décode) (sans les jetons) ... 186

Tableau 14 - PB1 (B2 décode) ... 187

Tableau 15 - PB2 (B1 décode) ... 189

Tableau 16 - PB3 (B1 décode) ... 190

Tableau 17 - PB4 (B2 cherche) ... 192

Tableau 18 - PB5 (B1 décode) ... 194

Tableau 19 - Tableau synthèse des raisonnements du jeu 1 (Combinaison cachée) ... 196

Tableau 20 – Tableau résumé des parties de chaque équipe (équipe C) ... 216

Tableau 21 - Tableau résumé des parties de chaque équipe (équipe D) ... 217

Tableau 22 - Tableau des raisonnements pour chaque équipe du jeu 2 (équipe C) ... 220

Tableau 23 - Tableau des raisonnements pour chaque équipe (équipe D) ... 234

(10)

Liste des figures

Figure 1 - Modèle du raisonnement mathématique de Jeannotte (Jeannotte, 2015, p. 277) 28 Figure 2 – Processus itératif d’abduction inspiré de De Souza (2005, dans Rivera, 2008) . 29

Figure 3 - Le support matériel du jeu Combinaison cachée ... 48

Figure 4 - Exemple d'une partie du jeu Combinaison cachée ... 50

Figure 5 - Cycle de raisonnement dans le jeu ... 51

Figure 6 - Extrait du tableau de verbatim ... 54

Figure 7 - Extrait d'images associées pour le jeu Combinaison cachée (PB3) ... 55

Figure 8 - Exemple de tableau des raisonnements pour chaque partie (PA2 - A2 décode) . 58 Figure 9 - Extrait du tableau 19 synthèse du raisonnement dans toutes les parties ... 60

Figure 10 - Extrait de la PA3 ... 62

Figure 11 - Extrait de la PA1 ... 63

Figure 12 - Extrait de la PA6 ... 65

Figure 13 - Extrait de la PB4 ... 65

Figure 14 - Extrait de la PA2 ... 67

Figure 15 -Extrait de la PA8 ... 68

Figure 16 - Extrait de la PA1 ... 68

Figure 17 - Extrait de la PA1 ... 70

Figure 18 - Extrait de la PA1 ... 72

Figure 19 - Extrait de la PA4 ... 73

Figure 20 - Synthèse des catégories de raisonnement ... 74

Figure 21 - Support matériel du jeu Retrouve ton x ... 83

Figure 22 - Exemple de la stratégie optimale pour le jeu Retrouve ton x... 86

Figure 23 - Extrait du tableau de verbatim ... 87

Figure 24 - Extrait des images associées au jeu 2 (Retrouve ton x) (annexe G) ... 89

Figure 25 - Extrait du tableau résumé 21 des parties de chaque équipe (équipe D) ... 92

Figure 26 - Extrait du tableau 22 des raisonnements pour chaque équipe ... 94

Figure 27 - Extrait du tableau 24 synthèse des raisonnements ... 96

Figure 28 - Extrait des verbatims pour le tour 1bC4 ... 101

(11)

Figure 30 - Extrait des verbatims pour le tour 3bD3 ... 112

Figure 31 - Extrait des verbatims pour le tour 5C4 ... 113

Figure 32 - Extrait des verbatims pour le tour 3bD2 ... 114

(12)

Remerciements

Ce mémoire a été alimenté par plusieurs discussions et débats intellectuels partagés avec plusieurs personnes. Tout d’abord, je tiens à remercier la direction et l’équipe enseignante de l’école de la région de Québec qui a permis la collecte des données de cette recherche. Des remerciements particuliers sont adressés à l’enseignante qui a pris le temps de nous accueillir dans ses classes. Le nom de l’école et de l’enseignante sont gardés sous silence par soucis de confidentialité liée à l’éthique dans la recherche. Je tiens à lever mon chapeau et à remercier chaleureusement les élèves qui se sont généreusement prêtés aux jeux mathématiques. Un merci tout spécial s’adresse aux douze élèves dont les raisonnements ont été filmés. Ils ont été très impliqués dans les jeux et ils ont permis de mettre en relief des raisonnements originaux en mathématiques.

Je remercie également le Fonds de recherche du Québec - Société et culture (FRQSC) pour le soutien financier offert pendant mon parcours à la maitrise et l’Université Laval non seulement pour le cadre d’études, mais aussi pour les bourses de cheminement qui facilitent la progression des études.

Je tiens finalement à remercier mes évaluatrices, Doris Jeannotte et Houria Hamzaoui, pour leurs commentaires critiques lors de l’évaluation de mon mémoire. Un merci particulier à Frédéric Gourdeau, mon codirecteur, pour ses commentaires constructifs en des moments clés de mon parcours d’étude. Toute ma gratitude va à ma directrice de recherche, Claudia Corriveau, pour son précieux accompagnement et pour tout le temps qu’elle m’a dédié. Sous sa guidance, j’ai pu conceptualiser, améliorer mon mémoire.

(13)

Introduction

Dès que les enfants fréquentent un service de garde, avant même l’âge scolaire, ils sont amenés à jouer à plusieurs jeux et, ainsi, à construire leurs connaissances sur le monde (Ministère de la Famille, 2019). À l’entrée formelle à l’école, c’est-à-dire en maternelle, le jeu devrait encore avoir une place de choix, si l’on se fie au programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) du ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (2006). Cependant, il n’est plus au programme dès la première année du primaire (MELS, 2006). Il y a certes des enseignants qui continuent à utiliser le jeu, mais il est bien rare de voir des périodes régulières consacrées aux jeux alors que de telles périodes existaient en maternelle. Lorsqu’il est question de l’enseignement secondaire, le jeu est moins présent. On retrouve parfois quelques activités, mais contrairement au jeu vu comme un moteur d’apprentissage au préscolaire, on le voit souvent comme un moment plaisant ou une récompense lorsqu’on l’utilise en enseignement secondaire. Ces jeux visent alors souvent la révision d’un concept déjà abordé ou l’exercice par rapport à un concept et non la construction de nouvelles connaissances. Ce décalage fort entre le début de la scolarité et le secondaire amène à se questionner sur la pertinence du jeu au secondaire. Considérant le jeu important dans le jeune âge de l’enfant, considérant également qu’il perdure naturellement à l’âge adulte au-delà de la scolarisation, il est possible de penser qu’il doit aussi prendre une place à l’adolescence.

Envisager le jeu dans les classes avec les adolescents amène toute une série de considérations propres au secondaire. Si l’on considère le jeu important et porteur de connaissances au secondaire, il reste encore à choisir les jeux à utiliser et les connaissances à y cibler. Les enseignants du secondaire ne sont pas particulièrement formés pour juger d’un jeu ou pour en créer. Cela demeure primordial, car si l’on considère le jeu comme un contexte pédagogique en soi, il est impératif de choisir des jeux qui permettront aux élèves de construire non seulement des connaissances ciblées, mais encore des opérations propices au développement même de la pensée. Dans ce mémoire, on cherchera comment l’exploitation de jeux dans l’enseignement des mathématiques au secondaire peut contribuer au développement des raisonnements mathématiques des élèves. Pour ce faire, il s’agira d’une part de documenter la création de jeux mathématiques, puis, d’autre part, de décrire le raisonnement des élèves au regard de ces jeux.

(14)

Ce mémoire présentera, dans un premier chapitre, la problématique où le jeu dans l’enseignement mathématique sera discuté. Le second chapitre, le cadre théorique, offrira une conceptualisation du jeu mathématique ainsi que du raisonnement mathématique. Le troisième chapitre, le cadre méthodologique, permettra de décrire l’expérimentation qui a été effectuée avec les élèves ainsi que la démarche globale d’analyse des données. Les chapitres quatre et cinq correspondront à l’analyse des deux jeux créés, sous le plan de l’analyse du jeu lui-même et sous le plan des raisonnements mathématiques exprimés par les élèves. De plus, chacun de ces chapitres présentera une section d’interprétation.

(15)

Chapitre 1 Problématique

Afin de cerner l’importance de se pencher sur l’utilisation des jeux mathématiques au secondaire, la problématique sera développée en trois parties. D’abord, ce qui a mené à l’intérêt de l’utilisation des jeux dans l’enseignement secondaire sera présenté globalement. Ensuite, la place du jeu dans les programmes de formation, en particulier le programme de mathématiques au premier cycle du secondaire, sera dégagée; puis, la place du jeu dans l’enseignement sera discutée, suivie des recherches en lien avec les jeux mathématiques, pour terminer avec la question de recherche.

1.1. Le choix d’aborder l’utilisation des jeux en mathématiques au

secondaire

Les mathématiques sont à considérer lorsqu’il est question de réussite scolaire. Potvin et Paradis (2000) soutiennent que l’échec en mathématiques est un facteur important du décrochage scolaire. La transition du primaire au secondaire est d’ailleurs une période cruciale à considérer en lien avec la réussite des élèves (Vandebrouck, Corriveau et Cherik, 2015). Dans ce passage, les manières d’approcher les mathématiques aux deux niveaux scolaires sont fort différentes (Bednarz, Lafontaine, Auclair, Morelli et Leroux, 2009). Dans un souci de progression, il apparait important de diversifier les pratiques pédagogiques du début du secondaire. Selon Squalli (2015), cela peut se faire en mettant les élèves en action, en leur permettant d’élaborer leurs raisonnements spontanés et en sollicitant la réflexion en cours d’action. L’utilisation des jeux mathématiques peut alors être vue comme un contexte à privilégier dans cette optique.

Comme l’ont montré plusieurs recherches à propos de l’utilisation des jeux en mathématiques au primaire, lorsqu’ils sont bien choisis et bien exploités, les jeux mathématiques participent à l’apprentissage des élèves (Bednarz, Bourdage, Charpentier, Lartigau, Poirier, Sauvé, Taillon et Tourigny, 2002) et au développement de connaissances et de compétences mathématiques (Peltier, 2000). Or, la littérature scientifique est moins prolifique lorsqu’il s’agit des jeux impliquant des mathématiques plus complexes. En effet, il existe peu de jeux mathématiques faisant intervenir des concepts propres au secondaire et peu de recherches portent sur cette question (Caissie, 2007).

(16)

Parmi les chercheurs qui se sont intéressés à cette question figurent les travaux de Mary, Squalli et Schmidt (2008). Ces chercheurs se sont penchés sur les contextes de jeux propulsant les capacités de généralisation des jeunes au tout début du secondaire, auprès d’élèves en grandes difficultés d’apprentissage (Mary, Squalli, & Schmidt, 2008; Squalli, 2014, 2015). Ces capacités de généralisation sont au cœur même du raisonnement mathématique (MELS, 2006). Ces chercheurs montrent comment les contextes de jeux peuvent favoriser le déploiement de raisonnements originaux des élèves et le développement de plusieurs compétences. Selon eux, le contexte de jeu permet aux élèves de débattre de leurs idées, débats impliquant des argumentations et des démonstrations qui peuvent mener les élèves à complexifier leur compréhension dans une situation de généralisation d’une règle (Mary, Squalli et Schmidt, 2008). Ce genre de situation offre donc aux élèves un contexte pour opérer de manière réfléchie et pour complexifier leurs raisonnements mathématiques, ce que Jeannotte (2015) souligne comme essentiel dans l’enseignement des mathématiques.

Ces travaux soutiennent le potentiel didactique de l’utilisation des jeux sur le développement des raisonnements mathématiques des élèves au regard de certains éléments mathématiques comme la capacité de généralisation ou le raisonnement mathématique en général, mais il reste encore à explorer, pour le début du secondaire, le choix des jeux ou leur conceptualisation de manière à ce qu’ils permettent aux élèves de développer des connaissances, des raisonnements, des compétences visés par le programme de formation.

1.2. Place du jeu dans l’enseignement

Des jeux sont utilisés par les enseignants pour aborder les mathématiques à tous les niveaux scolaires. Toutefois, dans les programmes de formation de l’école québécoise, il y a très peu d’indications quant à l’utilisation des jeux dans l’enseignement des mathématiques. Il convient d’analyser la place accordée aux jeux dans les programmes, puis de mettre en relief certaines observations concernant les pratiques des enseignants.

1.2.1. La place du jeu dans les programmes de formation de l’école québécoise Dans les programmes du ministère de l’Éducation, le jeu est explicitement prescrit uniquement lorsqu’il est question du préscolaire. En effet, à ce niveau, le jeu devrait être partie intégrante de la journée des élèves au préscolaire.

(17)

Par le jeu et l’activité spontanée, l’enfant s’exprime, expérimente, construit ses connaissances, structure sa pensée et élabore sa vision du monde. Il apprend à être lui-même, à interagir avec les autres et à résoudre des problèmes. Il développe également son imagination et sa créativité. L’activité spontanée et le jeu sont les moyens que l’enfant privilégie pour s’approprier la réalité; il est donc justifié que ces activités aient une place de choix à la maternelle et que l’espace et le temps soient organisés en conséquence (MELS, 2006 p. 52).

Dans la compétence construire sa compréhension du monde, compétence dans laquelle les mathématiques sont convoquées, on indique que les jeux et les échanges avec les pairs sont une occasion pour l’élève d’observer, d’anticiper et d’expérimenter (MELS, 2006). Il est d’ailleurs proposé de faire des jeux de nombres avec les élèves. Une étude dans laquelle dix jeux mathématiques ont été déployés dans des classes de maternelle a d’ailleurs montré que les groupes qui avaient été exposés à des jeux mathématiques avaient effectué un plus grand apprentissage sur le plan mathématique que le groupe contrôle (Vogt, Hauser, Stebler, Rechesteriner et Urech, 2018). Il s’agit là d’une étude du préscolaire dans laquelle on ne précise pas vraiment les apprentissages faits.

Si cet effet bénéfique des jeux peut être démontré au préscolaire, il semble plus difficile à démontrer dans les autres niveaux scolaires. De plus, en consultant les programmes du ministère de l’Éducation des niveaux primaire et secondaire, très peu d’indications quant à l’utilisation des jeux en général ou en mathématiques sont présentes. En effet, dans le programme, rien n’est indiqué explicitement par rapport à l’utilisation des jeux. Quant au programme du premier cycle du secondaire, il n’en est question explicitement que lors de l’étude de la probabilité :

L’étude de la probabilité est une occasion de varier les activités et de dynamiser l’apprentissage. Les expériences, les situations concrètes, les jeux et l’utilisation de diagrammes, de graphiques et de schémas facilitent, par leur apport visuel, l’apprentissage et la compréhension de phénomènes aléatoires. La répétition d’une expérience permet d’assimiler certains concepts liés aux phénomènes dans lesquels intervient le hasard. Ce n’est souvent que grâce à de nombreuses simulations que l’élève peut traiter des phénomènes non équiprobables, prendre conscience de la portée de certaines affirmations ou déceler un éventuel trucage dans les règlements d’un jeu, dans un pari ou dans le résultat d’un sondage. (MELS, 2006, p. 256).

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Même si l’utilisation des jeux dans l’enseignement des mathématiques n’est pas explicite dans le programme du premier cycle du secondaire, plusieurs idées développées dans le programme s’appliquent aux jeux. Par exemple, on mentionne :

De plus, si la spécificité de la mathématique […] exige de traiter de façon abstraite les relations entre les objets ou les éléments de situations, son

enseignement au secondaire est plus efficace lorsqu’il prend appui sur des objets concrets. (MELS, 2006, p. 232).

Dans la section intitulée contexte pédagogique, on décrit plusieurs attentes quant à l’enseignement des mathématiques. Ces attentes sont cohérentes avec l’utilisation des jeux. Par exemple, on souhaite que les élèves soient actifs :

L’élève est actif lorsqu’il s’engage dans des activités de réflexion, de manipulation, d’exploration, de construction ou de simulation et qu’il participe à des discussions au cours desquelles il peut justifier des choix, comparer des résultats et tirer des conclusions. Il doit alors recourir à son intuition, à son sens de l’observation, à son habileté manuelle et à sa capacité d’écouter et de s’exprimer, ce qui favorise l’acquisition de concepts et de processus ainsi que le développement de compétences. (MELS, 2006, p. 237)

On s’attend aussi à un engagement des élèves. Pour susciter cet engagement, il est proposé de varier les approches pédagogiques :

Pour susciter l’engagement de l’élève, l’enseignant doit créer un climat qui permet à l’élève de prendre sa place à l’intérieur de la classe, sa communauté d’apprentissage. Il lui propose diverses activités et varie ses approches pédagogiques. Il compose avec les besoins, les champs d’intérêt et les acquis de chacun des élèves afin de les accompagner dans le développement de leur culture mathématique (MELS, 2006, p.237).

Dans la compétence déployer un raisonnement mathématique, certains éléments rappellent les jeux comme une activité divertissante soumise à un certain nombre de règles. On indique :

Lorsqu’il déploie un raisonnement mathématique, l’élève oriente son action et structure sa pensée. Il a recours à des règles d’inférence et de déduction et construit un ensemble fonctionnel de savoirs. (MELS, 2006, p. 242)

En somme, il semble que l’utilisation de jeux au préscolaire soit prescrite par le Ministère et qu’elle soit porteuse sur le plan des apprentissages. Quant aux jeux aux niveaux primaire et secondaire, il n’y a pas de prescription explicite (en dehors d’une référence précise aux jeux

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de hasard en probabilité). Toutefois, il ressort à travers l’examen du programme du premier cycle du secondaire que plusieurs idées évoquées s’appliquent à l’utilisation des jeux, notamment comme pratique pédagogique, mais aussi comme moyen propice pour solliciter la compétence déployer un raisonnement mathématique.

1.2.2. Les jeux dans l’enseignement secondaire : observations dans la pratique Dans le milieu de l’enseignement des mathématiques au secondaire, il ne semble pas y avoir un consensus autour de l’utilisation de jeux. D’abord, pour plusieurs enseignants de mathématiques du secondaire, l'utilisation de jeux en classe n’est pas systématique et ne porte pas nécessairement à la construction de connaissances mathématiques. Selon Caissie (2007), le jeu demeure souvent perçu comme enfantin par le corps enseignant. D’autres semblent, quant à eux, voir un aspect motivationnel dans l’utilisation des jeux. Par exemple, les enseignants utilisent les jeux comme récompense ou comme une activité lorsque les élèves ont terminé le travail demandé (Poirier, 2011). En ce sens, il a été mis en relief que l’utilisation des jeux est souvent restreinte à des activités spéciales (Halloween, Noël, etc.). Au secondaire, les jeux ne sont donc pas utilisés comme moyen pour apprendre ou pour conceptualiser un contenu mathématique, mais plutôt comme des moments plaisants qui visent davantage à célébrer une fête. Ceci explique peut-être en partie une des raisons pour lesquelles le jeu est donc vu comme une activité sans grande valeur mathématique. Bien entendu, la motivation et l’engagement sont fondamentaux pour l’apprentissage, mais le but doit toujours demeurer de permettre aux élèves de construire leurs connaissances mathématiques.

Comme cela a déjà été évoqué, il y a bien peu d’indications fournies quant à l’utilisation des jeux dans les programmes. Ainsi, les enseignants qui souhaitent s’investir dans l’utilisation de jeux sont laissés à eux-mêmes. Malgré cela, des enseignants utilisent des jeux mathématiques. Par exemple, chaque année, une dizaine d’ateliers est consacrée à la présentation de tels jeux lors du congrès annuel du Groupe des Responsables en Mathématiques au Secondaire [GRMS]. Les enseignants faisant le choix d’utiliser le jeu en classe ont la charge du choix des jeux ou de leur construction au regard des contenus et des compétences à développer chez les élèves. Pour faire cela, les enseignants doivent être à même de juger des caractéristiques que l’on doit rechercher dans un jeu ainsi que de juger

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des apprentissages et des raisonnements que le jeu va susciter. Cette réflexion est souvent menée sans indications ni ressources et, comme le mentionne Poirier (2011) pour les enseignants du primaire, ils disent eux-mêmes éprouver une certaine difficulté à reconnaitre et à nommer les stratégies que les élèves utilisent lorsqu’ils jouent.

En résumé, les enseignants de mathématiques au secondaire sont mitigés quant à l’utilisation du jeu. Alors que plusieurs voient un apport plus important sur le plan motivationnel que sur le plan de l’apprentissage, certains semblent convaincus de la portée des jeux sur le plan des apprentissages mathématiques et élaborent des jeux pour leurs élèves. Dans cette optique, il convient dès lors d’analyser les jeux sous le plan de leur création, notamment par rapport aux mathématiques sollicitées et au potentiel offert en termes d’apprentissages à réaliser par les élèves, ce qui n’est pas une tâche aisée. Dans la section suivante, le portrait des recherches en lien avec les jeux mathématiques sera dressé pour mieux comprendre ce qui est dit en ce sens.

1.3. Recherches en lien avec l’utilisation des jeux mathématiques

Quelques chercheurs se sont penchés sur l’analyse plus approfondie de certains jeux et des différents effets qu’ils avaient en classe. Pratiquement toutes ces recherches arrivent à la même conclusion : les jeux mathématiques offrent un contexte permettant aux élèves d’approfondir leurs connaissances, que ce soit sur un concept précis ou pour la résolution de problèmes. Les recherches ont été regroupées en trois catégories : les recherches confirmant des effets positifs des jeux mathématiques, celles pointant des éléments pouvant nuire au bon déroulement des jeux en classe et finalement, celles se centrant sur les interactions entre élèves et enseignants en contexte de jeux.

1.3.1. Recherches montrant un effet positif de l’utilisation des jeux mathématiques Comme peu de recherches portent sur l’étude de l’utilisation des jeux au secondaire, celles qui portent sur l’étude de l’utilisation de jeu au préscolaire-primaire ont également été considérées. Bien qu’il soit vrai que le contexte scolaire soit très différent entre le préscolaire et le secondaire, certains rapprochements quant aux éléments permettant un apprentissage par le jeu pourront être réinvestis.

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Une étude de Vogt et ses collaborateurs (2018) a été effectuée avec 329 enfants, dont 127 faisaient partie d’un groupe contrôle. Des jeux mathématiques (jeux de cartes et de société) ont été proposés dans des classes de maternelle du groupe expérimental. Les résultats de cette étude montrent que les classes qui avaient été exposées à des jeux avaient mieux performé au post-test que les classes du groupe contrôle. De plus, les effets de l’utilisation des jeux étaient plus prononcés chez les élèves qui avaient des compétences mathématiques plus faibles en début de recherche. Dans ce cas précis, les chercheurs s’intéressaient aux concepts de quantité et de nombre. Cela mène à penser que les jeux peuvent avoir un effet positif en mathématiques au préscolaire.

Voyer, Rousseau, Rajotte, Freiman et Cabot-Thibault (2018) montrent, quant à eux, que l’utilisation du jeu d’échecs favorise le développement des compétences en résolution de problèmes chez les élèves de 8-9 ans. En effet, dans cette étude, 186 élèves du groupe expérimental participaient à une séance de jeu d’échecs à raison d’une heure par semaine, 30 semaines par année pour une durée de deux ans. Lors de la deuxième année de l’étude, les élèves du groupe expérimental ont obtenu des moyennes supérieures à celle d’un groupe contrôle composé de 98 élèves. Cette étude montre que l’utilisation du jeu d’échecs peut alors être vue comme un contexte qui amène les élèves à résoudre des problèmes en développant des stratégies, en prenant des risques en cours de jeu, et ce, sans faire intervenir les habiletés de lecture comme c’est le cas dans la résolution d’un problème formulé dans un texte. Elle montre donc le grand potentiel de l’utilisation d’un jeu de logique dans l’apprentissage des mathématiques, notamment en résolution de problèmes au primaire.

Dans son mémoire portant sur des jeux convoquant des concepts du début du secondaire, Caissie (2007) a analysé deux jeux à caractère mathématique. Pour ce faire, elle a élaboré et analysé deux jeux travaillant divers concepts mathématiques dans le cadre de sa recherche. Entre autres observations, Caissie mentionne que les élèves étaient amenés à améliorer leurs stratégies lorsqu’ils étaient confrontés à d’autres élèves, que ce soit à même le jeu (en jouant en équipe) ou lors des retours en groupe sur le jeu. Cela laisse penser que les interactions entre les élèves peuvent favoriser le développement de plusieurs stratégies possibles. Les élèves pourront alors user de diverses stratégies en jouant. Cette étude, impliquant des stratégies relatives à la géométrie, montre que des élèves du secondaire se créent des

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stratégies, à leur niveau, peu importe le contenu en jeu, lorsqu’ils sont dans un contexte de jeu mathématique.

En plus du jeu lui-même, le caractère compétitif du jeu peut amener les élèves à se dépasser. Une étude de Kili, Ojansuu, Lindstedt et Ninaus (2018) montre que l’aspect compétitif d’un jeu peut amener les élèves à s’améliorer quant à un concept mathématique précis. Dans cette étude faite auprès de 164 élèves de 4e et 6e année et impliquant la compétition, les élèves se sont significativement améliorés quant au concept de fraction.

En somme, les trois premières études montrent l’apport positif que peut avoir le jeu – aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire – quant aux développements de compétences liées au concept de quantité et de nombre, liées à la résolution de problèmes et dans la mise en place de plusieurs stratégies par les élèves. De plus, les caractéristiques des jeux, comme le caractère compétitif, peuvent stimuler les apprentissages chez les élèves. Cependant, d’autres éléments liés à l’utilisation de jeux en classe pourraient plutôt nuire à l’apprentissage. C’est ce dont il est question dans la section qui suit.

1.3.2. Recherches précisant des éléments pouvant nuire à l’apprentissage lié à l’utilisation du jeu en classe

Bien que les jeux puissent favoriser certains apprentissages, certaines précautions ressortent de quelques études sur les jeux utilisés en classe de mathématique. Dans un article relatant une recherche menée en 1998-1999, Peltier (2000) souligne qu’il avait été difficile pour les élèves de transférer les compétences travaillées en cours de jeu aux exercices traditionnels. Dans cette étude, des élèves du 3e cycle du primaire étaient amenés à élaborer des jeux en collaboration avec leur enseignant, à les construire, puis à y jouer. Le caractère ludique des jeux était souvent perdu parce que ceux-ci comportaient des calculs trop difficiles pour les élèves. De plus, les élèves ne voulaient pas jouer plusieurs fois au même jeu. L’utilisation du jeu en classe peut être difficile si le lien entre le concept en cours de jeu et hors-jeu n’est pas évident. Ainsi, le niveau de difficulté du jeu peut nuire à la motivation des élèves. L’étude de Peltier (2000) montre l’importance de garder un équilibre entre le niveau de difficulté du jeu et les contenus mathématiques imbriqués dans le jeu.

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Le jeu lui-même peut donc à la fois être générateur d’apprentissages ou non et il peut amener une plus grande motivation ou non de par sa structure et son niveau de difficulté. De plus, comme il en sera question dans la section qui suit, l’interaction des enseignants avec les élèves en cours de jeu peut également avoir une influence sur l’apprentissage.

1.3.3. Recherche portant sur les interactions entre enseignants et élèves en contexte de jeu

Une étude de Heshmati, Kaerting et Sutton (2018) a été effectuée auprès d’élèves de 10-11 ans. Elle s’intéressait à la nature des interactions entre les enseignants et les élèves en situation de jeu et elle a montré que le nombre d’interactions mathématiques en cours de jeu (c’est-à-dire les interactions portant de loin ou de près sur un concept mathématique) était moins élevé que dans un contexte de classe régulière. Les auteurs expliquent cela en partie par le fait que les enseignants ne soient pas portés à faire émerger le lien entre le jeu et le concept mathématique lors des périodes de jeu. En effet, les enseignants étaient portés à avoir des questions de type oui/non et à placer leur attention sur les pièces du jeu plutôt que sur les concepts mathématiques. Par exemple, lorsqu’ils questionnaient les élèves, ils étaient portés à parler d’une pièce en utilisant sa couleur pour la nommer plutôt que sa valeur (ex. la pièce bleue plutôt que la pièce valant une demie). Cette étude montre donc que tout enseignant doit être sensible à l’interaction enseignant-élève afin qu’il réinvestisse les concepts et le vocabulaire mathématiques lorsqu’ils interagissent avec les élèves et non le vocabulaire qui se réfère aux formes et aux couleurs des pièces du jeu.

Cependant, les études présentées ci-haut sont si disparates qu’il est difficile de tirer des conclusions quant à l’utilisation des jeux en mathématiques. Plusieurs études montrent le potentiel des jeux mathématiques utilisés en contexte scolaire, mais celles-ci se situent essentiellement au préscolaire et au primaire. D’autres apportent à la fois certaines nuances sur les jeux à choisir et sur quelques éléments pouvant nuire à l’apprentissage visé par l’utilisation de jeux en classe : niveau de difficulté du jeu, structure du jeu, la manière d’interagir avec les élèves lorsqu’ils jouent. Tout dépend donc du jeu et de la manière de le mener avec les élèves.

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1.4. Question de recherche

L’utilisation de jeux au début du secondaire pourrait participer à amoindrir le fossé entre les ordres primaire et secondaire. En plus de permettre une certaine continuité des approches pédagogiques, les jeux mathématiques ont un important potentiel de développer le raisonnement mathématique des élèves (Mary, Squalli, & Schmidt, 2008; Squalli, 2014, 2015). Toutefois, dans le programme, il n’y a pas de prescription explicite quant à l’utilisation des jeux. Or, il est apparu, à travers l’examen du programme du premier cycle du secondaire, que plusieurs idées évoquées dans le programme s’appliquent à l’utilisation des jeux, notamment comme une approche pédagogique porteuse, mais aussi lorsqu’il est question de la compétence déployer un raisonnement mathématique.

Dans la pratique, les enseignants de mathématiques au secondaire sont mitigés quant à l’utilisation du jeu et y voient essentiellement un moyen de motiver les élèves (récompense, révision, etc.). Alors que plusieurs n’y voient pas d’apport sur le plan mathématique, d’autres semblent plutôt convaincus de la portée des jeux sur le plan des apprentissages mathématiques et élaborent des jeux pour leurs élèves. Comme Poirier (2011) le mentionne, bien comprendre l’activité des élèves, les raisonnements et les stratégies mis en œuvre par ces derniers restent un défi pour les enseignants. Ainsi, il apparait important de comprendre et d’analyser les jeux sur le plan de leur création mathématique et de leur potentiel à stimuler les raisonnements des élèves. En effet, la question du choix ou de l’élaboration du jeu devient importante si l’on considère le jeu comme une approche pédagogique et un outil d’apprentissage et non comme une simple récompense.

Du côté de la recherche, bien peu d’études portent sur l’utilisation des jeux en mathématiques au niveau secondaire (Caissie, 2007). Bien que la recherche montre certains aspects positifs du jeu (Caissie, 2007; Kili et al., 2018; Vogt et al., 2017; Voyer et al., 2018), essentiellement à d’autres ordres scolaires, certaines études montrent aussi les limites liées à l’utilisation du jeu en classe (Peltier, 2000). Ainsi, le jeu en soi n’est pas garant de l’apprentissage des élèves. Tout dépend du jeu lui-même, de la manière de le mener en classe et de son potentiel en termes de stratégies et de raisonnements qu’il permet de développer chez les élèves (Bednarz et al., 2002). En effet, il semble impératif de considérer comment le jeu permettra aux élèves

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de déployer leur raisonnement mathématique sur un concept donné afin d’en justifier l’utilisation en classe. Or, la recherche informe peu à ce sujet (Héroux et Proulx, 2015).

À la lumière de cette synthèse, la question de recherche sera la suivante : comment l’exploitation de jeux dans l’enseignement des mathématiques au secondaire peut-elle contribuer au développement des raisonnements mathématiques des élèves ? De cette question découle un objectif général, celui de mettre en relief le potentiel didactique des jeux mathématiques exploitant des concepts du début du secondaire dans l’expression des raisonnements mathématiques des élèves du début du secondaire. Plus précisément, deux objectifs spécifiques sont circonscrits : 1- documenter la création des jeux impliquant des concepts mathématiques du secondaire et 2 - décrire le raisonnement des élèves du secondaire en contexte de jeu.

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Chapitre 2 Cadre théorique

Au terme de la problématique, des objectifs de recherche ont été circonscrits. Ces objectifs visent à mieux comprendre le potentiel didactique des jeux mathématiques dans l’expression des raisonnements des élèves et traitent plus particulièrement de la création de jeux et des raisonnements induits lorsque les élèves jouent. Dans le cadre théorique, un regard sera jeté sur les objets clés inhérents à ces objectifs : jeu mathématique et raisonnement

mathématique. Dans un premier temps, un survol des divers travaux qui se sont penchés sur

les jeux mathématiques sera présenté afin de mieux comprendre ce qu’on entend par jeux

mathématiques. Dans un second temps, un modèle théorique concernant le raisonnement mathématique sera exposé.

2.1. Comprendre le jeu mathématique à travers les classements

proposés

Lorsque l’on se penche sur le concept de jeu, deux aspects ressortent assez rapidement de plusieurs définitions : l’aspect du plaisir et l’aspect des règles. Le dictionnaire Le Robert (en ligne) propose quatre grandes définitions1 du terme2 : « action de jouer, de s’amuser; activité

ludique organisée selon des règles; ce qui sert à jouer; manière de jouer et fonctionnement ».

La deuxième définition va comme suit : « activité physique ou mentale purement gratuite, qui n’a, dans la conscience de la personne qui s’y livre, d’autre but que le plaisir qu’elle

procure ». Elle touche l’aspect du plaisir d’un jeu. Bien que cet aspect soit intéressant dans

le cas des jeux mathématiques, ceux-ci ne sont dans aucun cas créés ou utilisés dans l’unique but de divertir et de procurer du plaisir. C’est alors plutôt la troisième définition qui se rapprocherait ici d’un jeu mathématique : « [c]ette activité organisée par un système de

règles définissant un succès et un échec, un gain et une perte ». On retrouve dans cette

définition l’idée de règles, idée qui semble, comme cela sera vu, au cœur de tout jeu mathématique. Elle se rapporte aussi en quelque sorte à l’idée de compétition (succès/échec, gain/perte). Ainsi, on observe d’emblée des éléments liés aux jeux dans leur structure (règles,

1 Une cinquième définition ne traite pas du jeu au sens où on l’entend dans le cadre de ce mémoire, mais renvoie

plutôt au « mouvement aisé, régulier d’un objet, d’un organe, d’un mécanisme », ce qui rejoint le jeu d’exercice, au sens de Piaget, qui sera défini plus loin.

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compétition), et des éléments faisant plutôt référence à des fonctions du jeu (procurer du plaisir, divertir).

Pour élaborer cette section, les écrits de Caissie (2007) et de Héroux et Proulx (2015) ont été consultés, écrits qui présentent chacun un découpage des travaux entourant les jeux mathématiques. Caissie distingue trois champs pour définir les jeux (mathématiques) : le champ de la psychologie (avec les travaux de Piaget), le champ mathématique (avec les travaux de Ascher) et enfin, le champ de la didactique des mathématiques (avec les travaux de Brousseau ainsi que ceux de Bednarz et ses collaborateurs). Ce découpage sera repris, puis complété à la lumière de nos propres lectures. En effet, bien que le découpage soit repris de Caissie (2007), l’analyse des auteurs est propre à ce mémoire. Plus particulièrement, le jeu a été abordé sous l’angle de sa structure et sous l’angle de sa fonction.

2.1.1. Les jeux selon le champ de la psychologie de Piaget

Piaget (1978/1945) a décrit l’évolution des jeux chez l’enfant dès la naissance. Il ressort trois catégories de jeu qui sont basées non pas sur les contenus des jeux, mais bien sur leurs structures. Il y a, selon lui, les jeux d’exercices, les jeux symboliques et les jeux de règles. Bien que tous ces types de jeu ne soient pas adaptés pour le secondaire, ils seront décrits brièvement puisqu’ils amènent un éclairage sur la fonction et la structure d’un jeu et sur des éléments à considérer lors de l’analyse des structures des jeux.

2.1.1.1. Jeux d’exercices

Le premier type, les jeux d’exercices correspondent majoritairement à des jeux moteurs. Ces jeux sont les premiers à apparaitre et ont comme fonction « d’exercer les conduites » et cela amène un plaisir. Ils n’ont pas de but en soi, mais procurent à l’enfant un plaisir. Avant de s’adonner à de tels jeux, les enfants passent par une phase d’imitation et de répétition où ils reproduisent des comportements (gestes, son, etc.). L’imitation en elle-même ne procure pas de plaisir, c’est ce qui la distingue des jeux d’exercices. Ces jeux peuvent inclure des éléments d’imitation, mais il est inévitable qu’ils doivent procurer un plaisir à l’enfant. On pense ici, par exemple, à un enfant qui lance un objet et qui s’en amuse. Bien qu’il existe des jeux de ce type qui portent sur la pensée, comme questionner sans but précis (un enfant qui demanderait pourquoi simplement pour le plaisir de questionner et non pour avoir une

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réponse) (Piaget, 1978/1945), les jeux d’exercices de base demeurent des jeux moteurs. Si l’on peut penser que ces jeux d’exercices ont pour seul effet de divertir l’enfant, ils sont tout de même le lieu des premières formes d’abstractions qui mèneront l’enfant vers la permanence de l’objet, la représentation inhérente à la fonction symbolique. En effet, Piaget mentionne que ces jeux, qui sont les premiers à apparaitre dans le développement de l’enfant, viennent s’imbriquer aux deux autres formes de jeux, tendant ainsi à disparaitre avec l’âge.

Cependant, ce type de jeu est intéressant de par sa fonction : exercer des conduites pour le plaisir3. On retient d’ailleurs que l’élément central « procurer du plaisir » deviendra pour certains un élément essentiel de tout jeu.

2.1.1.2. Jeux symboliques

Le second type de jeu qui, selon Piaget (1978/1945), apparait un peu après les jeux d’exercices correspond aux jeux symboliques. Il est amené à évoluer tout au long du développement de l’enfant. Si la fonction des jeux exercices correspond essentiellement à des plaisirs sensori-moteurs, celle des jeux symboliques correspond à « l’utilisation de symboles ». Le symbole permet de représenter quelque chose qui n’est pas présent. Par exemple, l’enfant qui se déplace avec une boite vide en imaginant qu’il conduit une automobile représente symboliquement l’automobile (Piaget, 1978/1945). Les jeux symboliques font donc référence, en termes plus familiers, à « faire semblant ». Il s’agit d’un jeu libre dans la mesure où l’enfant décide lui-même de « faire semblant » à sa manière, selon ses représentations. Ces jeux d’assimilation du réel auxquels tous les enfants s’adonnent peuvent contenir certains éléments des jeux exercices, mais ils amènent les enfants dans une nouvelle structure (celle où ils considèrent un élément comme un autre qui n’est pas présent).

3 On ne peut même pas voir ici un mince rapprochement entre ce type de jeu et certains « dits jeux » utilisés par

des enseignants lors des moments de récompense. Par exemple, un « dit jeu » où les élèves auraient à faire correspondre une équation (écrite dans un bonhomme de neige) à sa solution (écrite dans un flocon) pour célébrer Noël ou l’arrivée de l’hiver. Contrairement aux jeux d’exercices, de tels « dits jeux », même s’ils peuvent donner l’impression d’« exercer » au sens de «répéter en conformité», ne sont pas spontanément initiés par l’enfant dans une activité d’action et de réflexions sur elle, ils ne sont donc pas l’exercice spontané d’une conduite à reproduire pour le plaisir de l’observer et d’apprendre à la contrôler par un jeu d’assimilation fonctionnelle. Un tel « dit jeu » se réduit à la répétition d’une technique imposée à l’enfant. Il serait ainsi réducteur d’affirmer que de tels « dits jeux » correspondent à la forme la plus primitive de jeux d’exercices documentés par Piaget. Dans le cadre de ce mémoire tout comme du point de vue de l’enfant, de telles activités « dits jeux » ne sont tout simplement pas considérées comme des jeux, car elles sont dirigées par le raisonnement adulte; elles portent plutôt à se questionner sur leur pertinence non seulement au secondaire, mais également au primaire et au préscolaire. Ceci sera d’ailleurs discuté plus loin.

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Ces jeux basés sur l’idée de « faire semblant » rappellent certains éléments mathématiques, notamment la relation logique « si…alors » à la base même de la logique mathématique. Notons que les jeux symboliques reposent entièrement sur le « si » et que le scénario qui en découle correspond au « alors »4. Cette relation logique qui est si importante dans les jeux symboliques (bien qu’elle soit implicite) est à la base même des jeux de logique. Dans le cas des jeux symboliques, les règles prises en compte sont d’ordre social alors qu’en mathématiques, ce sont plutôt des règles découlant de la logique mathématique.

En faisant semblant, les enfants se représentent leur environnement social, l’interprètent et le reproduisent à leur manière. Ce type de jeu a la fonction de permettre aux enfants de se représenter leur environnement social et les règles s’y rattachant. Ces règles se rapportent à des normes de comportement et sont donc porteuses d’une dimension sociale. Ce type de jeu permet aussi de s’approprier le langage tel qu’il est utilisé dans les interactions sociales.

2.1.1.3. Jeux de règles

La dernière catégorie de jeu selon Piaget est celle des jeux de règles. Ces jeux, qui peuvent encore une fois intégrer des éléments des jeux exercices et des jeux symboliques, se distinguent des deux autres catégories en ce sens qu’ils sont régis par des règles, qui constituent un éventail d’obligations pour les joueurs. Bien qu’elles supposent des relations interpersonnelles, ces règles vont donc au-delà des normes sociales comme dans le cas précédent. Les jeux de règles sont encore amplement présents à l’âge adulte. Ils correspondent davantage au type de jeu qui peut être exploité en classe mathématique au secondaire.

Piaget divise les jeux de règles en deux catégories : les jeux de règles institutionnels et les jeux de règle de nature contractuelle et momentanée. La première catégorie correspond à des jeux où les règles sont déjà déterminées et auxquels les enfants jouent parce qu’ils voient les adultes ou des enfants plus vieux jouer (ex. les jeux de billes, les jeux de société). La seconde catégorie correspond aux jeux de règles spontanées, créées par les enfants dans un contexte précis. Dans les deux cas, les enfants doivent suivre des règles bien établies. Ces jeux peuvent

4 Par exemple, un enfant qui joue à la maman se retrouvera dans la situation suivante : « si » je suis une maman,

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reposer sur une combinaison sensori-motrice (billes, courses, etc.) ou intellectuelle (échec, cartes, etc.), impliquent une part de compétition et sont réglés par des accords partagés (Piaget, 1978/1945).

Comme le mentionne Caissie (2007), en jouant, l’enfant construit des concepts sociaux comme la coopération et la compétition. Ce type de jeu développe l’autonomie et les interactions de groupe. Qu’ils soient sensori-moteurs ou intellectuels, le caractère compétitif des jeux de règles nécessite de développer certaines stratégies.

Voici, au tableau 1, une synthèse des types de jeu chez Piaget présentant ce qui relève de leur structure et leur fonction.

Tableau 1 - Synthèse des types de jeu chez Piaget

Structure Fonction Jeux d’exercices Libre. Répétition. Imitation. Développement sensori-moteur. Assimilation fonctionnelle Plaisir. Jeux symboliques Libre. Représentation. Reproduction. « Faire semblant ». Assimilation du réel. Appropriation des normes sociales.

Développement du langage.

Jeux de règles

Libre (règle contractuelle et momentanée) ou contraint (règle institutionnelle). Combinaisons sensori-motrices ou intellectuelles. Respect de règles. Interactions de groupe. Construction de concepts sociaux (coopération et compétition). Développement de l’autonomie. Élaboration de stratégies.

En bref, dans chacun des cas, les jeux permettent des apprentissages : du développement sensori-moteur avec les jeux d’exercices, à la pensée représentative et au langage avec les jeux symboliques, jusqu’à l’autonomie et la coopération avec les jeux de règles. On retient aussi que, parmi les trois types de jeu définis par Piaget, celui qui se rapproche davantage du

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type de jeu que l’on cherche ici à étudier est le jeu de règles institutionnelles. Toutefois, les jeux mathématiques qui sont intéressants dans le cadre de ce mémoire s’en distinguent sur deux plans : 1) les élèves ne pourront pas jouer en observant des plus vieux jouer et 2) les jeux ont la spécificité que les apprentissages visés sont de nature mathématique.

2.1.2. Les jeux selon le champ mathématique de Ascher

Après avoir décrit les types de jeu définis par Piaget, qui portent sur le jeu en général, il convient maintenant de se pencher plus spécifiquement sur les types de jeux mathématiques. Cela sera fait à travers la proposition de la mathématicienne Marcia Ascher, connue aussi pour ses travaux en ethnomathématiques. En effet, comme le rappelle Caissie (2007), Ascher (1998) a analysé les jeux mathématiques de sociétés traditionnelles sous l’angle de leur potentiel en lien avec l'activité mathématique. Pour Ascher, l’activité mathématique renvoie à l’idée de mettre en œuvre des nombres, de la logique, des configurations spatiales et des combinaisons (Ascher, 1991, dans Vandendriessche, 2007). Elle définit les jeux de la façon suivante : « les activités que nous nommons jeux ont des buts bien définis vers lesquels les joueurs évoluent tout en suivant des règles convenues » (Ascher, 1998, p. 105). Cette définition rappelle l’idée de structure (règles convenues) et de fonction (buts définis) déjà évoquée.

C’est en analysant la « manière de résoudre le jeu » que l’on peut comprendre les catégories de Ascher. Autrement dit, on n’en est plus à regarder la structure du jeu lui-même comme chez Piaget, mais la structure des règles du jeu (qui devient alors la structure du jeu) afin d’envisager les manières de résoudre le jeu ou de gagner (qui devient alors la fonction du jeu).

Ascher (1998) a distingué trois types de jeu : les jeux d’habileté physique, les jeux de stratégies et les jeux de hasard. Elle ajoute qu’un jeu peut également être composé d’une combinaison de ces types de jeu. Il convient alors de considérer le type dominant des jeux. Un jeu de hasard pourra alors contenir des stratégies, mais celles-ci n’enlèveront pas le côté provenant du hasard du jeu. Lorsqu’on s’intéresse aux mathématiques, elle propose de laisser de côté les jeux qui dépendent purement d’habileté physique, ce qui sera également fait dans

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le cadre de ce mémoire. Ainsi, dans ce qui suit, les jeux de hasard et les jeux de stratégies seront présentés.

2.1.2.1. Les jeux de hasard

Les jeux de hasard auraient un potentiel mathématique, selon Ascher (1998), de par leur rapprochement avec les probabilités; ils peuvent générer un contexte qui fait apparaitre les probabilités ou, mieux encore, un contexte qui nécessite l’utilisation des probabilités. Cependant, un jeu de hasard qui ne nécessite aucune stratégie n’amènera pas le joueur à utiliser ou à discuter des probabilités. Ce type de jeu est donc à exclure des classes de mathématiques. On pense ici à un jeu tel le Bingo où l’issue du jeu ne dépend que du hasard et de la capacité du joueur à écouter correctement les indications. Il existe cependant des jeux de hasard qui peuvent inclure une certaine stratégie si les probabilités sont envisagées par le joueur. Par exemple, un jeu de roulette où il y aurait le nombre « 1 » représenté sur la moitié de la roulette, le nombre « 2 » sur un quart de la roulette et le nombre « 3 » sur le quart restant et où l’on demanderait au joueur de prédire le nombre sur lequel terminera la roulette. Il est ici évident qu’il y a la moitié des chances d’obtenir « 1 », donc un joueur, bien qu’il y ait la possibilité découlant du hasard d’avoir « 2 » ou « 3 », devrait choisir « 1 ».

Bien que ce choix, représentant la stratégie optimale, fasse appel aux probabilités, il n’y a aucune certitude que les joueurs qui utilisent cette stratégie gagnent et c’est là tout le problème des jeux de hasard. Il est donc possible de concevoir comment l’analyse du jeu lui-même pourrait mener à des discussions sur les probabilités, mais il est difficile de penser utiliser un tel jeu en espérant qu’il génère à lui seul des apprentissages par rapport aux probabilités. Bref, les jeux de hasard peuvent être un prétexte pour discuter des probabilités lorsqu’ils sont analysés, mais le fait d’y jouer ne peut pas constituer une situation d’apprentissage en soi. En termes de structure, on note qu’un tel jeu sera basé sur un élément du hasard (venant d’un objet, par exemple choisir une bille parmi 10, ou venant de personnes). En termes de fonction, on note que ces jeux ont pour but d’amener le passage de l’observation du hasard, vers les probabilités ou les statistiques. Cette fonction en est donc une d’observation, de construction de règles (généralisation) et, au final, possiblement d’apprentissage.

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2.1.2.2. Les jeux de stratégies

Les jeux de stratégie s’apparentent beaucoup à la résolution de problèmes en ce sens qu’il faut prédire l’effet de chacun des coups dans une suite logique afin d’arriver à gagner (d’arriver à la solution). On voit rapidement l’intérêt que ce type de jeu peut avoir en classe. Ce type de jeu fait donc référence à l’idée de devoir créer une stratégie pour résoudre le jeu, c’est-à-dire pour gagner. Chaque coup découle de règles précises et amène le joueur dans une suite logique (basée sur lesdites règles) qui l’amènera à gagner ou à perdre. On pense ici à des jeux comme les échecs où chaque partie correspond à une suite logique de coups ayant pour but de mener le joueur à gagner. Dans ce type de jeu, les joueurs se retrouvent obligatoirement dans une situation de raisonnement mathématique. D’une part, ils doivent faire des déductions : si je me déplace ici, alors l’autre joueur fera ceci ou encore si le joueur a joué ceci, alors je dois me déplacer là pour ne pas perdre. D’autre part, la construction même de stratégies gagnantes se fait à l’aide de processus du raisonnement mathématique. En effet, pour créer une stratégie, la plupart du temps le joueur devra faire plusieurs essais (exemplifier), créer une règle générale (généraliser) et vérifier si la stratégie est optimale (valider), tous des éléments du raisonnement mathématique au sens de Jeannotte (2015). Ici, la structure du jeu en est donc une qui permet une suite logique d’actions basées sur des règles précises. La fonction du jeu pourrait être le développement du raisonnement mathématique. Bien que ce ne soit pas précisé comme tel par Ascher (1998), cette fonction ressort de cette catégorie qu’elle décrit.

Voici, au tableau 2 une synthèse des types de jeu chez Ascher présentant ce qui relève de leur structure et leur fonction

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Tableau 2 - Synthèse des types de jeu chez Ascher

Structure Fonction

Jeu d’habileté physique Basé sur un élément physique.

Développement physique. Plaisir.

Jeu de hasard

Faisant intervenir le hasard ou les probabilités.

Observation;

Construction de règles (généralisation).

Apprentissage en lien avec les statistiques et

probabilités.

Jeu de stratégie

Jeux basés sur des règles; Permettent une suite logique d’actions (basée sur les règles).

Développement de stratégie.

Développement du raisonnement mathématique.

Bref, tous les jeux mathématiques mentionnés par Ascher (1998) (les jeux d’habileté physique ont été exclus) ont un potentiel en termes d’apprentissage pour les élèves.

2.1.3. Les jeux selon le champ de la didactique des mathématiques de Brousseau Dans sa thèse de doctorat qui définira les bases de la théorie des situations didactiques (TSD), Brousseau (1986) s’intéresse à la notion de jeu qu’il apparente à la notion de « situation »5 :

« [m]odéliser la notion vague de situation par celle de jeu exige une précision sur les sens accordés à ce mot [sous-entendu jeu] » (p. 328). Pour Brousseau, et dans la perspective de la TSD, le jeu doit permettre à l’élève d’accéder à la connaissance que l’on cherche à développer que ce soit en termes de solution ou en termes de moyens ou de stratégies pour y arriver. Le jeu, en tant que situation, a donc un rôle de « motivation » qui doit, non pas

5 « Les conditions d’une des utilisations particulières d’une connaissance mathématique sont considérées

comme formant un système appelé « situation ». Une situation est, d’une part, un jeu hypothétique (qui peut être défini mathématiquement), qui explicite un système minimal de conditions nécessaires dans lesquelles une connaissance (mathématique) déterminée peut se manifester par les décisions aux effets observables (des actions) d’un actant sur un milieu. D’autre part, un modèle du type ci-dessus, destiné à interpréter la partie des décisions observables d’un sujet réel qui relèvent de son rapport à une connaissance mathématique déterminée » (Brousseau, 2010).

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conduire uniquement à procurer du plaisir, mais conduire l’élève à produire la connaissance voulue. Brousseau propose quelques questions à poser en ce sens :

[E]st-ce que connaitre telle propriété est le seul moyen de passer de telle stratégie à telle autre ? Pourquoi l'élève chercherait-il à remplacer celle-ci par celle-là ? Quelle motivation cognitive conduit à produire telle formulation d'une propriété ou telle démonstration ? Telle raison de produire ce savoir est-elle meilleure, plus juste, plus accessible ou plus efficace que telle autre ? (Brousseau, 1986, pp.326-327)

Il présente aussi cinq éléments de définition du terme « jeu » qui ne sont pas sans rappeler celles présentées en introduction de la section 2.1. La définition de Brousseau amène des éléments clés pour circonscrire le jeu : le plaisir, l’aspect motivationnel compétitif, les instruments, les règles et les stratégies et les options permises par le jeu. Voici donc les définitions du jeu proposées par Brousseau :

1. « Activité physique ou mentale, purement gratuite, généralement fondée sur la convention ou la fiction, qui n’a dans la conscience de celui qui s’y livre d’autre fin qu’elle-même, d’autre but que le plaisir qu’elle procure. » (Brousseau, 1986, p.328) 2. « L’organisation de cette activité sous un système de règles définissant un succès et

un échec, un gain et une perte » (Brousseau, 1986, p.328, définition reprise de

Lalande).

3. « Ce qui sert à jouer, les instruments de jeu » (Brousseau, 1986, p.329) (ce que Caissie nomme un support matériel).

4. « La manière dont on joue » (Brousseau, 1986, p.329) (ce qui peut inclure les tactiques et les stratégies).

5. « L’ensemble des positions entre lesquelles le joueur peut choisir dans un état donné du jeu » (Brousseau, 1986, p.328). Autrement dit, plusieurs options sont possibles et l’élève fait des choix (Caissie, 2007).

Brousseau (1986) va plus loin que ces cinq définitions en donnant cinq caractéristiques structurelles du jeu :

1. « Un ensemble […] de positions distinctes dans lesquelles peuvent se trouver les objets et les relations pertinentes » (Brousseau, 1986, p.330).

(36)

3. « Un état initial […] et un ou des états terminaux » (Brousseau, 1986, p.330). 4. Un ensemble de joueurs avec un ordre dans lequel ceux-ci devront jouer. 5. Une « fonction de gain », soit le moment ou la position où l’un joueur gagnera. Ces caractéristiques mènent alors à une clarification du jeu mathématique en ce sens qu’elles offrent cinq caractéristiques structurelles du jeu.

Il convient également d’aborder le terme « stratégie », également défini par Brousseau et présent dans tout jeu mathématique. Brousseau (1986) éclaire davantage cette notion de stratégie en développant les notions de stratégie gagnante et de stratégie non gagnante à tout coup :

Une stratégie gagnante fournit contre toute défense une partie de gain positif,

mais on peut évaluer diverses caractéristiques (son coût, par exemple le nombre de coups amenant la fin de la partie; le gain qu'elle procure...) [.]

Une stratégie non gagnante à tout coup pourra être néanmoins meilleure qu’une

autre du point de vue des risques de pertes qu’elle entraine, des gains qu'elle permet d'espérer, etc. (Brousseau, 1986, p.332).

Le jeu doit également, selon Brousseau, permettre un certain contrôle à l’enfant; il s’agit d’une condition fondamentale du jeu. Il s’agit en quelque sorte d’un équilibre entre ce qui serait trop évident, où l’élève serait certain de gagner, et ce qui serait insolvable du point de vue de ce dernier. C’est en ce sens que Brousseau va parler d’« équilibrer les frustrations et les tensions » (1986, p. 334). Il s’agit d’un jeu qui n’est ni trop facile, ni trop difficile. En effet, un jeu trop facile ne proposerait pas assez de tensions pour vouloir y jouer, alors qu’un jeu trop difficile proposerait trop de frustrations pour vouloir y rejouer ou même pour vouloir y jouer une première fois.

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