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Tacite chez La Harpe 

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Rémy Poignault

To cite this version:

Rémy Poignault. Tacite chez La Harpe . Tacite et le tacitisme en Europe à l’époque moderne, Alexandra Merle, Alicia Oïffer-Bomsel (éd.). Paris, Honoré Champion, 2017. �hal-02558438�

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Cet ouvrage collectif est consacré à la lecture, aux

interprétations et aux usages qui furent faits des écrits de Tacite

entre le début du XVI

e

siècle – époque où les premières éditions de

ses œuvres donnèrent naissance à un débat puis à un véritable

engouement dans toute l’Europe – et l’extrême fin de l’époque

moderne. Les 30 contributions réunies ici s’efforcent d’approfondir

les raisons peut-être multiples de l’intérêt ressenti pour Tacite dans

les premiers temps de sa redécouverte avant d’examiner la place

qu’il occupa dans la réflexion sur l’historiographie et de retracer

les différents emplois auxquels se prêtèrent ses écrits au cours du

temps. Elles mettent en valeur la variété de ces emplois, qu’ils

soient liés à la réflexion sur l’art de gouverner et sur l’éthique

individuelle, ou à une production littéraire destinée à un large

public, ou encore directement associés à l’action politique

elle-même.

Alexandra Merle et Alicia Oïffer-Bomsel, respectivement professeur à l’université de Caen et maître de conférences à l’université de Reims, sont toutes deux hispanistes et spécialistes de civilisation et d’histoire des idées dans l’Espagne moderne.

Colloques, congrès et conférences

sur le Classicisme No19

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ISBN 978-2-7453-3562-3

Tacite et le tacitisme en Europe à l’époque moderne

CCCC 19 HONORÉ CHAMPION PARIS

Tacite et le

tacitisme en Europe

à l’époque moderne

Textes réunis et présentés par

Alexandra Merle et Alicia Oïffer-Bomsel

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En parlant ici de la présence de Tacite chez La Harpe, je cours le risque d’être doublement en porte-à-faux par rapport à cet ouvrage collectif ; en effet Le Lycée, ou Cours de littérature ancienne et moderne a été publié pour la première fois en 1799-1805, donc à l’extrême fin des limites chronologi-ques fixées pour cette rencontre et, d’autre part, il sera sans doute plus question de littérature que de politique. La Harpe annonce, d’ailleurs, qu’il n’entend pas juger les auteurs sur leurs idées, mais sur leur valeur littéraire : « je dois surtout considérer les historiens comme écrivains et hommes de lettres » (L, I, p. 325)1. Nous allons essayer de déterminer quelle est l’image qui se dégage de Tacite chez La Harpe, principalement, mais non exclusive-ment, dans le Lycée, en complétant avec le cours de l’École Normale et divers écrits rassemblés dans ses Œuvres2.

Si l’on a longtemps préféré le style fluide de Tite-Live à la densité et aux ruptures de celui de Tacite, l’auteur des Annales est remis à l’honneur principalement par Juste Lipse, Marc-Antoine Muret et Charles Paschal3dans la seconde moitié du XVIe siècle, où les éditions de Tacite se multiplient, et où est né ce qu’on appelle le « tacitisme ». La Harpe rend, d’ailleurs, hommage à Juste Lipse : évoquant la réception de l’œuvre de Tacite, il constate que ce qui a nui à l’écrivain précédemment, c’est l’attitude étroite de gens qu’il disqualifie en stigmatisant les « préjugés de quelques rhéteurs outrés dans leurs principes, et d’une foule de pédants scholastiques » entichés de la période cicéronienne, « comme si le style des orateurs devait être celui de l’histoire ». C’est une conception étroite du classicisme qui a conduit « à regarder Tacite comme un écrivain du second ordre et d’une latinité suspecte » (L, I, p. 329). Et s’il souligne le rôle joué par les philosophes dans la réévaluation de l’historien (L, I, p. 329), La Harpe reconnaît à Juste Lipse, qu’il apprécie, par ailleurs, très modérément d’un point de vue littéraire, le rôle de précurseur en la matière : il cite un passage du savant vantant la

1La Harpe, Cours de littérature ancienne et moderne, Paris, Firmin Didot, 1863 [= Le

Lycée], abrégé désormais par L.

2La Harpe, Œuvres, Genève, Slatkine reprints, 1968 [recueil publié par l’auteur en 1778]. 3 On trouvera une excellente synthèse sur la réception de Tacite à cette époque dans

P. Laurens, Histoire critique de la littérature latine. De Virgile à Huysmans, Paris, Les Belles Lettres, 2014, p. 123-127.

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sagesse de Tacite, sagesse qu’il faut savoir trouver sous l’extrême concision et rapidité du style :

Chaque page, chaque ligne de Tacite, est un trait de sagesse, un conseil, un axiome. Mais il est si rapide et si concis, qu’il faut bien de la sagacité pour le suivre et pour l’entendre. Tous les chiens ne sentent pas le gibier, et tous les lecteurs ne sentent pas Tacite.

Présentons, d’abord, Jean-François de La Harpe. Après de solides études classiques au Collège d’Harcourt, il publia des Héroïdes nouvelles (1759-1760), puis se lança dans la tragédie ; mais celles de ses pièces qui ont un sujet tiré de l’Antiquité romaine, Coriolan et Virginie, conduisent à Tite-Live plus qu’à Tacite. Il reçoit le soutien de Voltaire, qui apprécie particulièrement l’anticléricalisme qu’il montre dans la tragédie de Mélanie. Il participe aussi à de nombreux concours lancés par les Académies, compose des poèmes et traduit « à la demande du Duc de Choiseul »4les Douze Césars de Suétone (publiés en 1770). Il devient, grâce à Voltaire, correspondant littéraire du Grand Duc de Russie, le futur tsar Paul Ier (de 1774 à 1791)5; dans cette correspondance il exprime son sentiment sur les œuvres de son temps. Il est également critique littéraire au Mercure (à partir de 1768) ainsi qu’au Journal

de politique et de littérature. Il entre à l’Académie française en 1776.

La Harpe reçoit, en 17866, la charge de « leçons » littéraires au Lycée, institution issue de la réorganisation du « Musée de Monsieur », qui était dédié à l’origine aux sciences physiques et mathématiques et s’ouvre désormais, sous ce nouveau nom, à l’histoire et à la littérature. Le public, étant donné le prix de la cotisation annuelle, appartenait surtout aux « classes sociales supérieures »7 et était plutôt mondain. La Harpe, qui a été formé sous l’Ancien régime, a partagé les idées philosophiques en « disciple

4A. Hunwick, La Critique littéraire de Jean-François de La Harpe (1739-1803), Berne,

Peter Lang, 1977, p. 14, sur lequel nous nous appuyons pour cet aperçu bio-bibliographique.

5A. Hunwick, « La Harpe : the Forgotten Critic », The Modern Language Review, vol. 67,

n° 2, 1972, p. 282.

6 Ph. Roger, « Leçons de littérature de La Harpe. Introduction », dans J. Dhombres,

B. Didier (éd.), L’École Normale de l’an III. Leçons d’analyse de l’entendement, art de la parole, littérature, morale. Édition annotée des cours de Garat, Sicard, La Harpe et Bernardin de Saint-Pierre, Paris, Éditions rue d’Ulm / Presses de l’École Normale Supérieure, 2008, p. 526. La Harpe porte au Lycée le bonnet révolutionnaire en 1793 ; le Lycée fermera, mais après sa réouverture La Harpe « en est exclu très vite pour y revenir en décembre 1796 » : J.-M. Goulemot, « Le cours de littérature de La Harpe ou l’émergence du discours de l’histoire des idées », Littérature, n° 24, déc. 1976, p. 53.

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chaleureux de Voltaire »8, et a été favorable à la Révolution de 1789 ; mais la Terreur, dont il a connu les prisons, a remis en question sa vision des choses : il dénonce dès lors les crimes des révolutionnaires, se convertit au catholicisme et stigmatise les philosophes.

Mais en l’an III (1795) la République confie à La Harpe le cours de littérature de l’École Normale, où sont formés les futurs enseignants. La Harpe s’en tient à l’étude de l’éloquence chez les anciens. Le seul débat qui ait eu lieu à l’occasion du cours révèle qu’on y apportait des objections (celles d’un « élève », Dupuis, et celles d’un collègue, Garat) ; le cours fut attaqué aussi par Guinguené dans La Décade9, pour des raisons analogues : on souhaiterait un cours qui présentât les rapports entre la littérature, le politique et les mœurs, ainsi que l’influence réciproque des diverses littératures nationales, alors que La Harpe s’en tient à l’éloquence antique.

Ces « leçons » sont prononcées du 23 janvier au 23 avril 1795 dans le sanctuaire pédagogique de la République, où La Harpe s’efforce à la prudence, alors même qu’il a repris ses conférences au Lycée, où il tonne contre les « tyrans révolutionnaires ». « Pendant ces quelques mois de 1795, La Harpe fait donc le grand écart entre deux styles, l’un pédagogique, l’autre polémique. »10 La Harpe doit abandonner le Lycée à la suite du « coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) »11et il en publie la matière à partir de 1799. Dans les volumes du Lycée, qui commencent à paraître en 1799, si Guinguené n’est pas totalement entendu, La Harpe se lance dans une histoire littéraire allant d’Homère à son temps12.

Tacite, un écrivain hors pair

Le premier livre du Lycée traite de la poésie, le deuxième de l’éloquence, en une sorte de hiérarchie des genres, et le troisième, d’« Histoire, philoso-phie et littérature mêlée », essentiellement dans l’Antiquité, les autres livres abordant ensuite l’époque moderne à partir du XVIe siècle, avec – volontaire-ment – un grand vide pour l’antiquité tardive et le Moyen Âge.

8 B. Didier, « Les cours littéraires de l’an III : tradition et innovation », dans L’École

Normale de l’an III, op. cit., p. 29.

9A. Hunwick, La Critique littéraire..., op. cit., p. 32 ; Ph. Roger, art. cit., p. 531-532, qui

cite un extrait de l’article du 30 pluviôse an III (19 janvier 1795).

10Ph. Roger, art. cit., p. 528. 11Ph. Roger, art. cit., p. 532.

12Nous ne possédons pas les manuscrits des conférences qu’il donnait au Lycée, on ne peut,

donc, mesurer les changements qui ont pu être apportés pour leur publication, La Harpe ayant lors de son emprisonnement sous la Terreur en septembre 1793, renié ses idées philosophiques et s’étant converti au catholicisme. Mais, en ce qui concerne la littérature, « il est probable que la plupart des idées et des opinions professées dans les cours imprimés étaient déjà formulées avant la Révolution » (A. Hunwick, La Critique littéraire..., op. cit., p. 22).

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La notion de hiérarchie est importante pour La Harpe, et il suit en cela Quintilien, qui dans le livre X de son Institution oratoire classe et compare les auteurs. Ainsi La Harpe, dans le chapitre « Histoire », distingue entre « Historiens grecs et romains de la première classe » (Hérodote, Thucydide, Xénophon, Tite-Live, Salluste, Tacite, Quinte-Curce) et « Historiens de la seconde classe » (Justin, Florus, Patercule ; et les biographes Cornélius Népos, Suétone et Plutarque), avec, entre les deux, un développement sur la question « Des harangues, et de la différence de systèmes entre les histoires anciennes et la nôtre » ; et à la fin de la troisième section, annonçant, en quelque sorte, la pratique des morceaux choisis, il retranscrit, en traduction, des discours significatifs pris chez Tite-Live, Salluste, Tacite et Quinte-Curce. La Harpe défend Tacite contre certaines idées préconçues qui ont affecté sa réception. Tacite n’est pas un historien pessimiste qui présenterait une image faussée du monde : « On a dit qu’il voyait partout le mal, et qu’il calomniait la nature humaine » (L, I, p. 329), mais il est respectueux de la réalité, les horreurs qu’il peint sont celles du temps et il a su montrer la vertu là où il y en avait, par exemple chez Agricola. C’est l’occasion pour La Harpe de souligner la valeur de sa biographie : « cette vie d’Agricola, est le désespoir des biographes : c’est le chef-d’œuvre de Tacite, qui n’a fait que des chefs-d’œuvre » (L, I, p. 329).

La Harpe critique Quintilien, dont il admire, par ailleurs, le jugement, quand l’auteur de l’Institution oratoire estime qu’Hérodote est supérieur à Tite-Live et Thucydide à Salluste : il y voit un « préjugé » de Romain face aux « maîtres » grecs (L, I, p. 325). Mais il semble qu’il commette un contresens, car Quintilien dit l’inverse dans son Institution oratoire (X, 1, 101)13 : Salluste peut supporter sans problème la comparaison avec Thucydide et Tite-Live avec Hérodote. Il n’y a donc pas en réalité de divergence entre La Harpe et Quintilien sur le sujet. Aux historiens grecs La Harpe préfère les romains, parce qu’ils « sont bien plus grands coloristes et meilleurs orateurs que les deux historiens grecs. Les couleurs de Tite-Live sont plus douces ; celles de Salluste sont plus fortes » (L, I, p. 325). Mais à Salluste il préfère « Tite-Live et Tacite, l’un pour la perfection du style,

13 « At non historia cesserit Græcis. Nec opponere Thucydidi Sallustium uerear, nec

indignetur sibi Herodotus æquari Titum Liuium » (trad. J. Cousin, Belles Lettres : « En revanche, l’historiographie n’a pas à le céder aux Grecs. Et je n’hésiterais pas à mettre Salluste en parallèle avec Thucydide, et Hérodote ne saurait s’indigner qu’on lui égale Tite-Live »). L’Abbé Nicolas Gédoyn traduit de manière juste : « Mais nos historiens ne le cèdent point aux Grecs. J’opposerai hardiment Salluste à Thucydide, et je ne ferai point de tort à Hérodote en lui comparant Tite-Live », Quintilien, De l’Institution de l’orateur, Paris, 1770, t. IV, p. 45.

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l’autre pour la profondeur des idées » (L, I, p. 327)14. Dans une présentation volontiers simpliste car pédagogique, il place ici le plus grand mérite de Tite-Live dans la forme, sans doute en raison de sa conception cicéronienne, et celui de Tacite dans le fond. Tacite apparaît ici comme un penseur politique et un moraliste. Ce que La Harpe dit ensuite en poursuivant sa comparaison avec Salluste le souligne : « Il s’en faut bien que sa morale et sa politique vaillent celles de Tacite, qui dans ce genre n’a rien au-dessus de lui » (L, I, p. 327). Il est une autre supériorité de Tacite sur Salluste aux yeux de La Harpe : l’adéquation entre la vie de Tacite et ses écrits, alors que Salluste, dont « la perversité [des] mœurs » est manifeste, est loin d’avoir respecté dans son existence les principes qu’il vante dans ses ouvrages. « On ne peut pas dire de Tacite, comme de Salluste, que ce n’est qu’un parleur de vertu : il la fait respecter à ses lecteurs, parce que lui-même paraît la sentir » (L, I, p. 328)15. La force de la peinture de Tacite vient précisément de son authenticité, qui lui fait atteindre directement son lecteur, et, grâce à une sorte de sympathie, assure la transparence de l’écriture, loin de l’obscurité qu’on lui reproche souvent : « il peint avec des couleurs si vraies tout ce que la bassesse et l’esclavage ont de plus dégoûtant, tout ce que le despotisme et la cruauté ont de plus horrible [...] ; il peint tellement tout ce qu’il a vu et souffert, que l’on voit et que l’on souffre avec lui » (L, I, p. 329)16. L’au-thenticité fonde en quelque sorte l’évidence. La Harpe reconnaît une conformité entre le style et la personnalité de Tacite : « Sa diction est forte comme son âme, singulièrement pittoresque sans jamais être trop figurée, précise sans être obscure, nerveuse sans être tendue. Il parle à la fois à l’âme, à l’imagination, à l’esprit » (L, I, p. 328)17. Il a des qualités sans les défauts de l’excès, en grand classique qu’il est. On retrouve là, en quelque sorte, le

14Diderot affirme aussi que Tacite n’a pas l’élégance stylistique de Tite-Live, mais que

c’est un « penseur profond », « un auteur sublime et profond » dont il admire l’expression énergique. Essai sur les règnes de Claude et de Néron, p. 301, 171, 104 (Diderot, Œuvres complètes, tome XXV, Paris, Hermann, 1986), cité par É. Aubrion, « Diderot lecteur de Tacite », dans R. Chevallier et R. Poignault (éd.), Présence de Tacite, Tours, Centre de recherches A. Piganiol, « Caesarodunum » XXVI bis, 1992, p. 36-37.

15Tacite incarnation de la vertu est un lieu commun qu’on trouvait déjà chez La Bletterie :

voir C. Volpilhac-Auger, Tacite en France de Montesquieu à Chateaubriand, Oxford, Voltaire Foundation, 1993, p. 150.

16Mais Voltaire, on le sait, doute fortement de l’impartialité de Tacite, ainsi dans « Le

Pyrrhonisme de l’Histoire » dans les Mélanges historiques : voir R. Martin, « Voltaire lecteur de Tacite », dans R. Chevallier (éd.), L’Antiquité gréco-romaine vue par le Siècle des Lumières, « Caesarodunum » XXII bis, Tours, 1987, p. 343.

17 Diderot, au contraire, dans le Salon de 1767, oppose « l’imagination [...] qualité

dominante du poète » au « jugement [...] qualité dominante du philosophe », cité par É. Aubrion, « Diderot lecteur de Tacite », art. cit., p. 37.

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jugement de Racine, « le plus grand peintre de l’antiquité »18. Dans le « Discours préliminaire » de sa traduction des Douze Césars de Suétone, La Harpe le qualifie ni plus ni moins comme « le plus sublime de tous les écrivains de l’antiquité »19. Tacite agit en moraliste, en peintre et en politique, touchant le lecteur à plus d’un titre, comme s’il remplissait les trois devoirs de l’orateur : docere, mouere, delectare. C’est un penseur très profond qu’il n’est pas permis à tout un chacun de suivre : « chacun y pénètre plus ou moins, selon le degré de ses forces » (L, I, p. 328)20.

La Harpe est sensible à la justesse du ton, qu’il trouve chez Tacite, et il est opposé à un genre qui a fleuri au XVIIe siècle et a été mis à l’honneur par Saint-Réal, celui des « Nouvelles historiques », car, à ses yeux, c’est « une corruption de l’histoire, inconnue aux anciens, et qui caractérise la légèreté des modernes, que de défigurer par un vernis romanesque des faits importants et des noms célèbres, et de mêler la fiction à la réalité. »21 À propos de l’Epicharis de Saint-Réal : « c’est un étrange projet que de nous donner les billets galants de Néron », et, inversement de Don Carlos (1672) : « un Tacite en aurait tiré un autre parti »22. C’est toujours l’historien ancien qui est la référence du ton juste.

Tacite exerce, en outre, une sorte de magistère moral qui fait de lui le juge des tyrans : « Les tyrans nous semblent punis quand il les peint. Il représente la postérité et la vengeance, et je ne connais point de lecture plus terrible pour la conscience des méchants » (L, I, p. 329). La Harpe prolonge la croyance de la tragédie antique que le méchant pourrait souffrir de la prise de conscience des abominations qu’il commet. En même temps, il se souvient sans doute d’Agricola, II, 2, où Tacite dit que le pouvoir brûle en vain des livres en espérant abolir « la conscience du genre humain » (conscientiam

generis humani). C’est aussi « le rôle que l’on assigne à l’historien depuis la

fin du XVIIe siècle : faire passer les souverains devant le tribunal de l’histoire »23. On notera surtout l’impact des excès de la Révolution sur la modification apportée par La Harpe à cette phrase qui se trouvait déjà dans

18Racine, Britannicus, « Seconde préface ».

19La Harpe, Œuvres, tome VI, Genève, Slatkine Reprints, 1968, p. 35.

20Déjà D’Alembert, dans ses Observations sur l’art de traduire, disait que « Tacite

sous-entend beaucoup, et fait penser son lecteur », cité par J. Chomarat, « D’Alembert traducteur de Tacite », dans Présence de Tacite, op. cit., p. 107.

21La Harpe, Lycée, t. II, p. 37. 22Ibid.

23C. Volpilhac-Auger, « Tacite du XVIIIeau XIXesiècle : les causes d’une révolution »,

dans Présence de Tacite, op. cit., p. 286. On sait que, plus tard, l’article du Mercure, où Chateaubriand présentera l’historien comme « chargé de la vengeance des peuples », en 1807, entraînera le courroux de Napoléon Ieret la suppression du Mercure : R. Turcan, « Tacite et

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le « Discours préliminaire » de sa traduction des Douze Césars sous la forme suivante : « Il représente la postérité dans tout ce qu’elle a d’auguste et d’imposant ; et je ne connais point de lecture plus terrible pour la conscience d’un mauvais roi »24: La Harpe sait désormais que la tyrannie n’est pas le seul fait de la monarchie25.

La leçon politique retenue, c’est, d’une part, la critique de la tyrannie, mais aussi la critique de l’excès d’opposition. Agricola présente l’image de ce que doit être un comportement digne face à la tyrannie : préserver l’honneur sans céder à une stérile opposition frontale. « C’est là qu’il donne cette leçon si belle et si utile à tous ceux qui peuvent être condamnés à vivre dans des temps malheureux » (L, I, p. 329). La Harpe cite alors Agricola, XLII, 6, mais en édulcorant quelque peu le texte par l’omission du début de la phrase : « L’exemple d’Agricola, dit-il, nous apprend qu’on peut être grand sous un mauvais prince, et que la soumission modeste, jointe aux talents et à la fermeté, peut donner une autre gloire que celle où sont parvenus des hommes plus impétueux, qui n’ont cherché qu’une mort illustre et inutile à la patrie » (L, I, p. 329). Le texte de Tacite est plus vif à l’égard d’une opposition frontale :

Sciant quibus moris est inlicita mirari, posse etiam sub malis principibus magnos uiros esse, obsequiumque ac modestiam, si industria ac uigor adsint, eo laudis excedere, quo plerique per abrupta sed in nullum rei publicæ usum ambitiosa morte inclaruerunt26.

On trouve ici une défense de la modération qui peut être rapprochée d’un passage de la « Cinquième leçon » à l’École Normale, où La Harpe critique le stoïcisme intransigeant de Caton : « Il rendit peu de services, parce qu’il manquait de cette mesure dont je parlais tout à l’heure, et que Tacite appelle

tenere ex sapientia modum. »27 C’est une citation de l’Agricola, IV, 6 : le beau-père de Tacite a refréné l’ardeur philosophique de sa jeunesse et

24La Harpe, Œuvres, tome VI, Genève, Slatkine Reprints, 1968, p. 42.

25On notera que La Harpe ne privilégie pas les considérations d’ordre politique : c’est sur

le terrain de la littérature qu’il entend se placer avant tout. Le jugement qu’il porte sur Velleius Paterculus est tout à fait symptomatique. Certes, il reconnaît qu’il est d’un total parti pris en faveur de Tibère, dont Tacite montre toute l’abomination, mais ses qualités littéraires le sauvent à ses yeux (L, I, p. 333). La Harpe ne s’encombre pas d’idéologie.

26« Qu’ils sachent, les admirateurs habituels de la révolte, que même sous de mauvais

princes il peut y avoir des grands hommes, et que la soumission et la réserve, si l’activité et l’énergie s’y ajoutent, s’élèvent au degré de gloire où beaucoup, suivant des voies abruptes, mais sans avantage pour l’État, ont atteint par l’éclat d’une mort tapageuse. » Vie d’Agricola, XLII, 6, texte établi et traduit par E. de Saint-Denis, Paris, Belles Lettres, 1942.

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« [p]lus tard, l’apaisement vint avec la réflexion et avec l’âge : il garda de la philosophie, ce qui est très difficile, le sens de la mesure. »28

Un auteur aussi remarquable que Tacite est difficile à traduire et La Harpe donne son sentiment sur des traductions de Tacite, parfois avant même qu’elles aient été achevées. Critiquant, dans une lettre adressée au futur tsar, la traduction du De beneficiis de Sénèque par Dureau de la Malle (publiée en 1776), il remarque perfidement qu’il n’attend rien de bon du prochain travail du traducteur : « après avoir manqué Sénèque, je doute qu’il attrape Tacite »29. Pour La Harpe, Tacite est un auteur d’une telle classe qu’il faut un traducteur excellent pour rendre ses qualités. C’est en 1790 que Dureau de la Malle publiera sa traduction des œuvres complètes de Tacite, qui sera maintes fois rééditée, traduction que M. J. Chénier, au contraire, estime la meilleure qu’il y ait jamais eu, même s’il a été impossible au traducteur de rendre « toutes les beautés d’un tel historien »30.

D’autre part, critiquant la traduction de Salluste par le président de Brosses31, La Harpe en vient à trouver un défaut analogue – un « goût particulier pour une certaine familiarité d’expressions, pour des termes bas et populaires qui répugnent à la noblesse de l’histoire » – dans la traduction de Tacite par l’abbé de La Bletterie, qui avait aussi été mise en cause par Voltaire32, défaut d’autant plus sensible ici « parce que le ton de Tacite est plus élevé et plus soutenu » que celui de Salluste33. Pratiquant la digression, dans ce qui devait être un compte rendu sur l’ouvrage du président de Brosses, il donne un exemple de faiblesse chez La Bletterie, à propos de l’expression de Tacite, « Assibus animam et corpus aestimari decem », que La Bletterie a rendue par « À dix as par jour un soldat romain, corps et âme ». Et de commenter :

28« Mox mitigauit ratio et aetas, retinuitque, quod est difficillimum, ex sapientia modum »,

Vie d’Agricola, IV, 6, éd. citée.

29La Harpe, Correspondance littéraire, lettre XLIII, t. X, Genève, Slatkine Reprints, 1968,

p. 298.

30M. J. de Chénier, Tableau historique de l’état et des progrès de la littérature française

depuis 1789, dans La Harpe, L, t. III, p. 516.

31« Sur l’Histoire de la République romaine dans le septième siècle, par Salluste, traduite

par le président de Brosses », Le Lycée, t. III, p. 182-183. De même pour J. M. Chenier, Tableau..., op. cit., p. 515, la traduction de Salluste par de Brosses « n’est digne d’aucun éloge ».

32Dans une lettre à La Harpe du 2 juin 1762, Voltaire a critiqué la traduction de Tacite

par La Bletterie, où il ne retrouve pas « la précision et l’énergie » de l’historien latin : J. Hellegouarc’h, « Tacite, Voltaire et Gaston Boissier », dans Présence de Tacite, op. cit., p. 144.

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Qui reconnaîtrait, dans cette ridicule version, le sentiment énergique des vétérans romains, qui s’écriaient indignés : On évalue à dix as par jour notre

sang et notre vie ? C’est ainsi qu’en cherchant cette espèce de simplicité

familière on s’éloigne non seulement de l’élégance, mais encore de la vérité34.

Commentaire non seulement acerbe, mais encore injuste. On notera une légère différence avec le texte même de Tacite, laissant penser à une citation de mémoire ; le discours de Percennius, destiné à soulever les légions de Pannonie après la mort d’Auguste et rapporté au style indirect par Tacite contenait, en effet, « denis in diem assibus animam et corpus aestimari » (Annales, I, 17, 4 : « dix as par jour, voilà le prix qu’étaient estimés une âme et un corps »35). Certes, La Bletterie, rend par une tournure nominale une proposition qui avait un verbe et lui donne ainsi un aspect plus rugueux, mais elle est située dans une série de propositions qui sont, elles, dénuées de verbe et sont le fait d’un « parleur effronté », procax lingua, dénigré par Tacite et cherchant à exacerber l’exaspération des soldats. La Bletterie opère seulement un transfert, sans dénaturer le ton de Tacite.

Supériorité de Tacite sur les Modernes

Dans les différents travaux de critique littéraire de La Harpe, on rencontre Tacite surtout comme pierre de touche à partir de laquelle s’effectue le jugement. L’auteur latin, en sa qualité d’exemplum, est un point de comparai-son incontestable. Il apparaît souvent comme une norme indépassable36.

La Harpe ne cache pas que ce qui l’intéresse dans le Lycée ce sont « ceux des historiens de la Grèce et de Rome que le suffrage de tous les siècles a mis au nombre des auteurs classiques » (L, I, p. 325). Et il déplore que les vicissitudes de la transmission des œuvres antiques nous aient privé de beaucoup de chefs-d’œuvre de Salluste, Tite-Live et Tacite (L, I, p. 326). Il y revient plus loin en remarquant que malgré les efforts de son homonyme, l’empereur Tacite37, pour conserver et diffuser l’œuvre de celui dont il

34Ibid.

35Tacite, Annales, texte établi et traduit par P. Wuilleumier, Paris, Les Belles Lettres, 1990

[1974].

36La Harpe disait déjà dans le « Discours préliminaire » de sa traduction des Douze Césars

(Œuvres, Genève, Slatkine Reprints, 1968, t. VI, p. 20-21) : « C’est en lisant les anciens qu’on juge et qu’on goûte mieux les bons modernes qui leur ressemblent ; c’est avec eux que le goût s’épure et que l’âme s’élève et se fortifie, que le sentiment de la vraie gloire et l’amour du vrai beau s’accroissent et s’affermissent. »

37Histoire Auguste, Vie de Tacite, 10, 3. On notera une erreur de La Harpe, qui prétend

qu’« il ordonna de plus que tous les dix ans on en renouvelât les copies », alors que le texte latin dit : « librum per annos singulos decies scribi publicitus in – euicos archiis iussit et in

(12)

prétendait descendre, une grande partie de cette œuvre a disparu : « Tous ses soins n’ont pas pu nous conserver ses écrits, dont la plus grande partie est encore l’objet de nos regrets. » (L, I, p. 330).

La Harpe a une haute idée de l’histoire, qui doit beaucoup, mais pas uniquement, à la conception cicéronienne38, d’ailleurs : l’historien doit

entremêle[r] avec habileté et avec goût le récit des faits, l’examen des mœurs et la peinture des hommes ; qu’il nous indique leurs rapports, leurs liaisons, leur dépendance ; qu’il raisonne sans pesanteur, qu’il raconte sans prolixité, qu’il décrive sans emphase. Nous voulons qu’il satisfasse la raison par des pensées, l’imagination par des tableaux, l’oreille par la diction39.

L’histoire, en outre, doit être comme un « tribunal » ; la première obligation de l’historien « est de dire aux souverains qui sont dans la tombe les vérités que l’on a coutume de cacher à ceux qui sont sur le trône » et il s’agit de « juger les morts pour l’utilité des vivants »40. Nul doute que Tacite corresponde à cet idéal, comme nous l’avons vu.

De manière générale, pour La Harpe, les modernes, à de rares exceptions près, comme Bossuet, Voltaire, ou Montesquieu, ne parviennent pas à la hauteur des anciens dans l’historiographie ; d’aucuns, comme l’abbé Fleury, s’en tiennent trop à la compilation et ne savent pas opérer de sélection41. Si « la lecture des histoires anciennes est généralement beaucoup plus agréable et plus attachante que celle des histoires modernes », ce n’est pas en raison des sujets, qui pourraient se révéler passionnants, mais en raison des historiens, qui n’ont pas « l’excellence » des anciens : les Croisades, le règne de François Ier, la réforme ou la Ligue seraient dignes d’intérêt « s’ils étaient coloriés par la main d’un Tite-Live, ou d’un Salluste, ou d’un Tacite ». « Le malheur de nos historiens, pour la plupart, a été de n’être ni peintres, ni philosophes, ni hommes d’État ; et ceux de l’antiquité avaient au moins un de ces caractères : plusieurs les ont réunis. »42 Les anciens excellent donc aussi bien par la forme que par la profondeur des pensées et leurs compéten-ces en matière de gouvernement, beaucoup d’entre eux ayant, comme on le sait, parcouru le cursus honorum avant de se tourner vers l’écriture de l’histoire.

bibliothecis poni » (« il décida que chaque année aux archives dix copies en seraient faites aux frais de l’État – pour être déposées dans les bibliothèques », traduction d’A. Chastagnol, Robert Laffont).

38Voir Cicéron, De oratore, II, 63. 39La Harpe, Lycée, t. II, p. 38. 40Ibid., p. 36.

41Ibid., p. 38. 42Ibid., p. 38-39.

(13)

Quand l’abbé Arnaud compose un Portrait de Jules César, il n’offre qu’un « morceau de rhéteur, fort différent des portraits que traçaient en vingt ou trente lignes Salluste, Patercule, Tite-Live et Tacite. »43 D’autre part, il faudrait à l’Histoire d’Amérique de Robertson « plus d’énergie dans les idées, plus d’imagination dans les peintures. En général sa diction n’est pas toujours à la hauteur des objets qu’il traite. Il est philosophe, et c’est beaucoup ; mais Tacite était peintre, et nul moderne ne nous a encore rendu Tacite. »44 La formule de Racine dans sa préface de Britannicus n’est pas lettre morte ; et même La Harpe va au-delà car pour lui, il semble ne pas y avoir de plus grand « peintre » à l’époque moderne.

Mais La Harpe peut associer anciens et modernes dans le même jugement positif : critiquant Les Veillées du château de Madame de Genlis, qui faisait de la sensibilité l’exclusivité de l’un de ses amis historiens, il fait remarquer que d’autres ont trouvé le ton d’une sensibilité juste : « Mais il me semble que Tite-Live, Tacite, Voltaire, l’abbé de Vertot, ne sont pas des historiens froids, et leur sensibilité n’est jamais déclamatoire. »45

Les modernes peuvent même surpasser les anciens. Voltaire a fait mieux que la Germanie : l’Essai sur les mœurs est une

entreprise unique en ce genre, et dont on chercherait en vain le modèle dans l’antiquité. Tacite a dessiné de ses crayons énergiques les mœurs d’un peuple agreste et guerrier, mais peut-être moins avec le désir de montrer ce qu’étaient les Germains, qu’avec l’affectation satirique d’opposer la simplicité sauvage à la corruption civilisée, et de faire de la Germanie le contraste et la leçon de Rome46.

Voltaire, lui, a conçu, avant tout autre, la « haute et sublime idée d’interroger tous les siècles, et de demander à chacun d’eux ce qu’il a fait pour le genre humain »47. Voltaire aurait, donc, ici sur Tacite l’avantage d’universaliser la recherche et de ne pas avoir de visée partisane. Mais il faut reconnaître que le caractère épidictique de cet écrit – il s’agit d’un Éloge de Voltaire

43La Harpe, Correspondance littéraire, op. cit., lettre CLXXIII, t. XII, p. 41.

44 Ibid., lettre XCII, t. XI, p. 76. De même, Vertot, certes, « sait écrire et narrer avec

élégance et intérêt », mais dans ses Révolutions romaines « la supériorité des auteurs anciens, qu’il traduit le plus souvent, fait trop sentir à ceux qui les connaissent ce qui reste à désirer chez lui » (La Harpe, Lycée, t. II, p. 36).

45La Harpe, Correspondance littéraire, lettre CCVIII, t. XII, p. 221.

46On sait que Voltaire dans l’Essai sur les mœurs et dans le Traité sur la tolérance conteste

la présentation des Germains par Tacite comme relevant d’une satire de Rome : voir J. Hellegouarc’h, « Tacite, Voltaire et Gaston Boissier », dans Présence de Tacite, op. cit., p. 144-145. Sur la réception de la Germanie au XVIIIesiècle, voir l’ouvrage fondamental de

C. Volpilhac-Auger, Tacite en France de Montesquieu à Chateaubriand, op. cit., p. 291-401.

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(1779) – explique peut-être, outre la réelle admiration que La Harpe éprouve alors pour Voltaire, cette valorisation du moderne.

Les leçons de l’histoire

Si Tacite ne peut être que très rarement égalé, il en va de même de la matière qu’il traite : l’histoire moderne n’offre pas plus d’intensité que l’histoire antique. Ainsi de la tyrannie. C’est du moins une vue exprimée dans sa correspondance à propos de l’Histoire universelle du seizième siècle de Linguet (publiée en 1769), qui présente la tyrannie d’Henri VIII d’Angleterre comme bien pire que celle des empereurs romains. Selon La Harpe, il y a « une ressemblance de conduite très frappante » « entre les tyrans de Rome et ceux de l’Angleterre », et il contredit Linguet qui prétend que les empereurs romains agissaient par la force militaire, mais non par des lois qu’ils faisaient accepter ; il lui réplique que

Les barbaries de Tibère, de Néron et de Caligula, furent toujours approuvées par des décrets du sénat. On rendit grâces aux dieux du meurtre d’Agrippine, bassesse que le grand Racine a si bien caractérisée dans la sublime tragédie de Britannicus, où il pense comme Tacite et écrit comme Virgile48.

Notons que Tacite n’est plus seulement mentionné en tant que grand peintre et pour son style, mais pour la profondeur de ses idées.

La Harpe souligne le rapprochement entre Henri VIII et Tibère : « Tacite dit en termes exprès. Proprium id Tiberio fuit noua et inaudita priscis

nominibus obtegere. C’est précisément la politique de Henri VIII et de son

prédécesseur. »49 Il s’agit là – mais sans que cela ait d’incidence sur le sens – d’une citation approximative d’Annales, IV, 19, 4 : « Proprium id

Tiberio fuit scelera nuper reperta priscis uerbis obtegere » (« C’était un trait

propre à Tibère que de dissimuler les crimes récemment imaginés sous des mots d’autrefois », trad. P. Grimal).

Il n’entend pas qu’Henri VIII l’emporte sur les empereurs romains en ignominie. Il réfute l’argument de Linguet, selon lequel, si le roi d’Angleterre avait trouvé un historien de la trempe de Tacite, « les Tibères et les Nérons ne paraîtraient plus que des hommes ordinaires ». Pour La Harpe, en effet, « un Tacite aurait peint Henri avec des couleurs plus fortes ; mais Henri ne pouvait pas laisser une mémoire plus odieuse »50. Henri VIII n’est pas un

48La Harpe, Littérature et critique, Œuvres, t. XIV, p. 55. Tacite, Annales, XIV, 12, montre

comment à Rome les grands décrètent des supplications pour remercier les dieux d’avoir sauvé Néron de la haine d’Agrippine.

49Ibid., p. 56. 50Ibid., p. 57-58.

(15)

moindre monstre que Néron et réciproquement : « d’ailleurs, pourquoi mettre de la différence entre des monstres ? Il y a un degré de scélératesse et un degré de vertu qui n’admet ni plus ni moins »51. S’il n’y a pas de meilleur peintre de monstres que Tacite, il n’en demeure pas moins que la monstruo-sité en elle-même semble un absolu. C’est reconnaître, pour ainsi dire, le caractère indépassable de l’Antiquité par sa matière même, qui concerne la nature humaine et constitue aux yeux de la Harpe un invariant52.

Mais, dans son cours à l’École Normale, il fait entendre que la violence politique moderne peut être pire que celle de l’antiquité : s’il est obligé de reconnaître que « les Gracques et Cicéron finirent par une mort violente », il minimise en disant que « ces accidents tragiques ont été très rares » ; en fait, il développe une vision idéalisée de la république romaine, où la violence n’a pas tué la parole à la différence de la Révolution française :

nous voyons, dans l’histoire, qu’un certain ordre légal, toujours conservé dans toute nation policée, et une certaine décence de mœurs, qui ne fut jamais violée chez les anciens, laissèrent en tout temps un champ libre au talent oratoire ; au lieu que ce talent a dû disparaître parmi nous, quand la parole même a été interdite (LL, p. 559).

Une fois encore la Révolution française a conduit La Harpe à une réévalua-tion.

Sentiment de la relativité historique et de l’influence des circonstances Pour La Harpe, il existe des vérités et des canons universels qui ne doivent rien au temps. Il a, d’ailleurs, prévenu dans son cours à l’École Normale qu’il citait largement Tacite, car « il s’y rencontre des vérités applicables dans tous les temps » (LL, p. 557). La Harpe est semblablement convaincu de l’universalité des « règles du goût », « puisqu’elles sont fondées sur la nature, qui est toujours la même ; mais chacun les applique suivant son caractère et ses moyens » (LL, p. 558), ce qui fait qu’il convient de s’inspirer des anciens qui ont montré la voie, mais avec ses propres « facultés », « selon son caractère et ses dispositions » ; il ne s’agit pas d’une « imitation servile ».

51Ibid.

52D’un autre point de vue, La Harpe affirme un invariant à travers les siècles. Il peut ainsi

comparer le style du discours de Marius s’adressant au peuple (Salluste, Jugurtha, LXXXV) avec « une éloquence inculte, agreste et militaire » au style des écrits du « grand Villars » (L, I, p. 336-338). « [o]n s’apercevra qu’aux formes près, nécessairement différentes dans un consul romain et dans un général français, les hommes, placés dans les mêmes situations, ont, dans tous les temps, à peu près le même langage » (L, I, p. 338). L’unicité de la nature humaine estompe les différences circonstancielles.

(16)

Mais, paradoxalement, La Harpe n’ignore pas toujours le rôle de l’histoire et il constate que les usages sont relatifs.

La Harpe, dans certains cas, est conscient de l’éloignement de l’Antiquité par rapport à l’époque moderne, un éloignement qui peut nuire à la justesse d’un jugement sur les auteurs antiques : « la distance des temps et des lieux, et la diversité des religions, des mœurs, des coutumes et des préjugés, ont placé les anciens et les modernes à un si grand éloignement les uns des autres, que les derniers ne doivent prononcer qu’avec beaucoup de précaution quand il s’agit de se rendre juges de ce que les premiers ont pu faire ou penser » (L, I, p. 325). Est-ce à dire que La Harpe serait un précurseur de Paul Veyne, qui souligne l’ « exotisme » de l’Antiquité53 ? Certes non : il cherche plutôt, dans ce cas précis, à persuader les lecteurs de ne pas rejeter la lecture d’Hérodote, enclin au merveilleux et aux fables. De même, il va à l’encontre des critiques que d’aucuns formulent contre Tite-Live et son recours aux prodiges (L, I, p. 326). La Harpe est gêné par ce manque de rationalisme et il justifie Tite-Live en disant qu’il peut rapporter ces phénomènes, non par superstition, mais parce que le peuple y croyait. Toutefois La Harpe se montre prudent :

Ce n’est pas pourtant que je voulusse assurer que Tite-Live n’eût sur ce point aucune crédulité : je dis simplement que ce qu’il a écrit ne peut pas être regardé comme une preuve de ce qu’il pensait. Il est très possible qu’avec un beau génie on croie à la fatalité et à la divination : on soupçonnerait volontiers en lisant Tacite, qu’il croyait à l’une et à l’autre (L, I, p. 326)54.

Sur ce point, La Harpe est conscient des différences de mentalité entre les époques, et il effleure ici la question de l’esprit critique chère aux philo-sophes des Lumières, D’Alembert, par exemple, ayant, dans l’article « Astrolo-gie » de l’Encyclopédie (1751), vu en Tacite « un grand génie qui lutte contre le préjugé de son temps, et qui pourtant ne saurait totalement s’en défaire »55.

53P. Veyne, L’Inventaire des différences, Paris, Seuil, 1976, p. 13 : « Il y a une poésie de

l’éloignement. Rien n’est plus loin de nous que cette antique civilisation ; elle est exotique, que dis-je, elle est abolie [...]. »

54L, I, p. 324-325 : il utilise les notions de vrai et de vraisemblable de Boileau pour excuser

les anciens à propos du merveilleux.

55 Cité par C. Volpilhac-Auger, « Tacite du XVIIIe au XIXesiècle : les causes d’une

révolution », dans Présence de Tacite, op. cit., p. 287-288. Voir aussi Id., Tacite en France..., op. cit., p. 215-229. D’Alembert cite Annales, VI, 21 et 22 ; IV, 58, mais en excusant Tacite : « quand un préjugé est général, les meilleurs esprits ne peuvent s’empêcher de lui sacrifier, mais ne le font pourtant qu’avec plus ou moins de restriction, et, pour ainsi dire, avec une sorte de répugnance. »

(17)

D’autre part, à ceux qui considèrent que les discours que les historiens anciens prêtent aux acteurs de l’histoire sont des inventions, La Harpe réplique que si ces discours ne sont pas ceux qui ont été réellement prononcés ils auraient pu l’être : ils répondent donc à la norme classique du vraisemblable ; et il justifie aussi la part importante que prennent dans l’historiographie antique les discours – que d’aucuns trouvent déplacés dans le genre historique – par le rôle particulier de l’éloquence dans l’Antiquité ; il revient là sur l’idée de la différence des époques : « nos mœurs et notre éducation ne sont pas à beaucoup près celles des anciennes républiques » (L, I, p. 330). Pour être homme politique dans la Rome républicaine, il fallait maîtriser parfaitement l’éloquence. L’éloquence, en outre, est liée à la liberté, ce qui est la leçon du Dialogue des orateurs : « Dans le pays de la liberté, la persuasion est un genre de puissance qu’on ne soupçonne pas dans les pays où il ne doit y en avoir d’autre que l’autorité. » (L, I, p. 331).

La Harpe souligne également que les « harangues » trouvent tout à fait leur place dans l’historiographie antique (L, I, p. 335). Elles ont une justification psychologique et littéraire et n’alourdissent nullement le récit. Il juge ainsi les discours chez Tacite : « Les harangues dans Tacite sont ordinairement courtes ; mais toujours substantielles ; et, dans sa précision, il ne manque point de mouvement, quoi qu’il en ait moins que Tite-Live dans son abondance. » (L, I, p. 338).

La Harpe met aussi l’accent sur une autre différence entre la conception antique de l’historiographie et celle de son temps : il suffisait aux anciens d’être « éloquents et vrais » (L, I, p. 331). Ils avaient donc le souci du style et de la conformité avec la réalité56. Les modernes ont des exigences supplémentaires : ils veulent des « détails sur les mœurs publiques et particulières, sur la politique intérieure, sur les lois, sur les finances, sur les impôts, sur les subsistances, sur l’art militaire, etc. » (L, I, p. 331). La Harpe se situe ici dans la lignée de Voltaire, qui, dans une lettre à Madame Du Deffand regrette de ne pas trouver dans Tacite « les droits du sénat, les forces de l’Empire, le nombre des citoyens, la forme du gouvernement, les mœurs, les usages »57.

Or La Harpe constate qu’à son époque ce sont « la législation et l’économie politique » et « la comparaison de ce que [ces deux grands objets] étaient autrefois et de ce qu’ils sont aujourd’hui » qui intéressent en

56Voir, en particulier, Cicéron, De oratore, II, 62-64. Point sur la question de la véracité

des Annales dans R. Martin, « Voltaire lecteur de Tacite », dans L’Antiquité gréco-romaine vue par le Siècle des Lumières, op. cit., p. 340-343.

57 Cité par J. Hellegouarc’h, « Tacite, Voltaire et Gaston Boissier », dans Présence de

(18)

histoire (L, I, p. 331). Il trouve une explication pour cette différence de conception de l’histoire dans le fait que les nations modernes sont longtemps restées « barbares », et cela jusqu’au seizième siècle. « La curiosité de ces nations est donc aujourd’hui de connaître leurs ancêtres, dont elles n’ont rien conservé [...]. Mais les Romains, mais les Grecs, ont toujours été, à la corruption près, ce que leurs pères avaient été » (L, I, p. 331). La Harpe semble concilier ici déclin et fixisme. En dehors d’un phénomène de décadence, les Romains auraient, donc, connu une sorte d’immobilisme des mœurs et des institutions. « Il n’est donc pas étonnant qu’on ait beaucoup à nous apprendre sur nos ancêtres, et que les Romains et les Grecs ne voulussent savoir de leurs pères que leurs exploits » (L, I, p. 331). C’est par ce qu’il faut bien considérer comme un sophisme que La Harpe explique la différence de conception des historiographies antique et moderne. Les anciens se trouvent ainsi justifiés par le recours à l’histoire et à la diversité des époques. Mais cette défense repose sur une méconnaissance de l’Antiquité : on ne peut affirmer « les magistratures étaient les mêmes » (L, I, p. 331), sous la république et l’Empire, sans ajouter qu’il s’agissait seulement des mêmes noms, et que la réalité du pouvoir du magistrat était tout autre, ce qui n’échappe pas à l’esprit de Tacite58. En outre, prétendre que les Romains ne s’intéressaient pas à leur propre ancienneté, c’est oublier ceux des Romains qu’on appelle les antiquaires, qui, tel Varron, se sont attachés à recueillir et à essayer de comprendre les traces d’un passé qui leur était déjà lointain.

La Harpe est conscient aussi du rôle des circonstances socio-historiques dans le domaine littéraire. C’est ainsi qu’il explique l’œuvre de Tacite à la fois par le « génie » propre de l’auteur et par l’époque à laquelle il a vécu. « Le secret de son style, qu’on n’égalera peut-être jamais, tient non seulement à son génie, mais aux circonstances où il s’est trouvé » (L, I, p. 329). Le critique passe en revue les empereurs qui ont régné depuis son enfance, évoque ses origines non sénatoriales, le début de son ascension sous Titus59; il explique par cette situation sociale la prudence dont il a dû faire preuve sous Domitien pour ne pas bloquer l’ascension sociale de sa famille (La Harpe prend soin ainsi de ne pas en faire une question d’ambition personnelle) :

Il fut contraint de plier la hauteur de son âme et la sévérité de ses principes, non pas jusqu’aux bassesses d’un courtisan, mais du moins aux complaisances, aux assiduités d’un sujet qui espère, et qui ne doit rien condamner, sous peine de ne rien obtenir. Incapable de mériter l’amitié de Domitien, il fallut ne pas mériter sa haine (L, I, p. 329).

58Voir Tacite, Annales, I, 2. 59Voir Tacite, Histoires, I, 1.

(19)

La Harpe, usant là de termes qui renvoient à l’Ancien Régime, explique et excuse, donc, l’attitude prudente de Tacite face au tyran. Mais ce qui l’intéresse, ce n’est pas tant de justifier l’attitude de l’homme Tacite, que d’expliquer le style de l’écrivain : cette nécessité où fut Tacite de refréner ses sentiments60 a nourri la vigueur de son style : « Dans cette douloureuse oppression, Tacite, obligé de se replier sur lui-même, jeta sur le papier tout cet amas de plaintes et ce poids d’indignation dont il ne pouvait autrement se soulager » (L, I, p. 329). La Harpe découvre la littérature comme exutoire61.

Ainsi, vers le milieu du XVIIIe siècle, on assiste à « une véritable vague de fond », selon l’expression de C. Volpilhac-Auger62, les traductions et les commentaires se multiplient et Tacite est apprécié non seulement en tant qu’écrivain, mais il devient, depuis Montesquieu, « comme le maître à penser des “philosophes” »63.

Renouant avec la tradition humaniste qui faisait de la lecture de l’historien l’école de la liberté, disqualifiant la lecture tacitiste qui le transformait en suppôt du machiavélisme, Montesquieu lui rend un éclat qu’il avait quelque peu perdu à l’âge classique64.

60Voir Tacite, Agricola, 3, 2.

61C. Volpilhac-Auger fait remarquer que La Harpe commet ici une erreur et fait comme

si les Annales et les Histoires avaient été écrites sous Domitien et que l’Agricola leur eût été postérieur et eût constitué une œuvre de la maturité : ainsi les Annales et les Histoires « apparaissent comme l’expression même de la liberté de pensée en butte aux attaques d’un pouvoir exclusivement tyrannique » (Tacite en France, op. cit., p. 128). Mais on peut relever que dans ses Leçons de littérature à l’École Normale, c’est bien à l’époque de Trajan qu’il renvoie pour expliquer que Tacite ait pu pourfendre la tyrannie. La Harpe explique que « ce qui a caractérisé le génie de Tacite, c’est sa profonde indignation contre la tyrannie ; indignation qui, longtemps concentrée, s’exhalait enfin avec une énergie qui ne pourrait se retrouver que dans des circonstances semblables, et que, dans des temps plus heureux, il lui fut permis grâce aux mœurs douces de Trajan, de répandre tout entière dans ses écrits » (LL, p. 548). Il est intéressant de remarquer que dans son histoire littéraire La Harpe établit une relation entre la production littéraire et ses circonstances d’élaboration : toute la rage contenue de Tacite sous la tyrannie a pu s’exprimer sous Trajan. On perçoit en filigrane le début de l’Agricola (II-III), où Tacite évoque le grande patientiæ documentum, la « grande preuve de patience » (trad. d’E. de Saint-Denis) que les sénateurs romains ont donnée sous Domitien, et affirme que « aujourd’hui seulement on revit » (Nunc demum redit animus), Nerva ayant « combiné des régimes jadis incompatibles, le principat et la liberté » et Trajan « chaque jour [...] accroiss[ant] le bonheur de l’époque » ([...] Nerua Cæsar res olim dissociabilis miscuerit, principatum ac libertatem, augeatque cotidie felicitatem temporum Nerua Traianus [...]).

62C. Volpilhac-Auger, « Tacite du XVIIIeau XIXesiècle... », art. cit., p. 283. 63Ibid.

(20)

Si La Harpe, d’une part, peut conserver quelque chose d’un certain tacitisme quand il voit dans l’Agricola un modèle de comportement face aux tyrans, et s’il fait de Tacite une lecture politique en voyant en lui le défenseur de la liberté, il a pris ses distances par rapport aux excès révolutionnaires, tout en demeurant un peu l’héritier des Lumières65 ; mais il est résolument du côté des anciens et combat les idéologues qui, comme Guinguené autour de la

Décade, veulent libérer la littérature.

Jean-Marie Goulemot a montré que, pour ce qui est de la littérature française, le Lycée combine le « caractère fixiste » d’un classement par genres « avec une philosophie implicite des progrès de l’esprit humain (tout est dit depuis mille ans, mais Racine est supérieur à tous ceux qui l’ont précédé) »66 et il y voit « une aspiration [...] à l’enracinement historique » bien qu’il soit « bien en deçà, dans le rapport à établir entre littérature et histoire, du Discours Préliminaire de l’Encyclopédie ou de l’Essai sur les

Mœurs de Voltaire pour ne citer qu’eux. »67

Ces analyses se voient confirmées ici dans le cas de Tacite. Le Cours de

littérature privilégie le point de vue littéraire : La Harpe y dit la supériorité

de Tacite comme historien, vante son style et sa pensée et essaie d’expliquer cette excellence, à la fois par son génie propre et par sa propre histoire. Il fait une place aux conditions historiques dans une histoire littéraire où prédomine néanmoins une conception classique, où règne la fixité, les règles du beau ayant été établies une fois et de manière universelle, les modernes n’arrivant à se hisser au niveau des anciens qu’à titre d’exception. Ne dit-il pas au début du Lycée : « Le beau est le même dans tous les temps, parce que la nature et la raison ne sauraient pas changer »68 ? Le critère du goût est essentiel à ses yeux, comme la raison, la vraisemblance, les bienséances69. À sa manière il reprend la querelle des anciens et des modernes70.

Rémy POIGNAULT Université de Clermont-Ferrand II, CELIS EA 4280

65 R. Fayolle, La Critique, Paris, 1978 [rééd.], p. 76 : le Lycée « constitue un curieux

témoignage de ce que pouvaient produire dans un esprit la formation voltairienne et le repentir post-révolutionnaire ».

66J.-M. Goulemot, « Le cours de littérature de La Harpe... », art. cit., p. 55. 67Ibid., p. 57.

68Lycée, I, p. 14.

69A. Hunwick, « La Harpe : the Forgotten Critic », art. cit., p. 284-285.

70N. C. Le Coat, « Philosophy vs. Eloquence : La Harpe and the Literary debate at the

(21)

Cet ouvrage collectif est consacré à la lecture, aux

interprétations et aux usages qui furent faits des écrits de Tacite

entre le début du XVI

e

siècle – époque où les premières éditions de

ses œuvres donnèrent naissance à un débat puis à un véritable

engouement dans toute l’Europe – et l’extrême fin de l’époque

moderne. Les 30 contributions réunies ici s’efforcent d’approfondir

les raisons peut-être multiples de l’intérêt ressenti pour Tacite dans

les premiers temps de sa redécouverte avant d’examiner la place

qu’il occupa dans la réflexion sur l’historiographie et de retracer

les différents emplois auxquels se prêtèrent ses écrits au cours du

temps. Elles mettent en valeur la variété de ces emplois, qu’ils

soient liés à la réflexion sur l’art de gouverner et sur l’éthique

individuelle, ou à une production littéraire destinée à un large

public, ou encore directement associés à l’action politique

elle-même.

Alexandra Merle et Alicia Oïffer-Bomsel, respectivement professeur à l’université de Caen et maître de conférences à l’université de Reims, sont toutes deux hispanistes et spécialistes de civilisation et d’histoire des idées dans l’Espagne moderne.

Colloques, congrès et conférences sur le Classicisme No19

Tacite et le tacitisme en Europe à l’époque moderne

CCCC 19 HONORÉ CHAMPION PARIS

Tacite et le

tacitisme en Europe

à l’époque moderne

Textes réunis et présentés par

Alexandra Merle et Alicia Oïffer-Bomsel

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