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Prévalence et analyse comparative des profils des signalements avec mauvais traitements psychologiques dans deux cohortes de situations signalées aux services de protection de la jeunesse de Québec : avant et après les modifications apportées en 2007 à la

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Prévalence et analyse comparative des profils des

signalements avec mauvais traitements psychologiques

dans deux cohortes de situations signalées aux

services de protection de la jeunesse de Québec : avant

et après les modifications apportées en 2007 à la Loi sur

la protection de la jeunesse

Thèse

Walter Alexander Chavarria Matamoros

Doctorat en psychologie-recherche intervention (orientation communautaire)

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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Résumé

La reconnaissance formelle des mauvais traitements psychologiques (MTP) dans la loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) permet depuis 2007 de protéger les enfants victimes de cette forme de maltraitance dans la société québécoise. Le but de la présente étude est de voir dans quelle mesure cette reconnaissance mène à de situations différentes de celles qui étaient signalées avant 2007. Il s’agit de documenter et de comparer (avant et après 2007), par rapport aux autres motifs de signalement : 1) la prévalence et les manifestations des MTP; et 2) les profils des signalements de MTP sur la base des facteurs propres à l’enfant, aux parents et au milieu familial et de vie. Deux cohortes équivalentes de signalements du centre jeunesse de Québec-Institut universitaire (CJQ-IU) ont été mises à contribution : une cohorte préimplantation du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et une cohorte postimplantation du 1er septembre 2007 au 31 août 2008.

Les MTP constituent le quart des signalements après 2007 et approximativement le tiers avant 2007. Ils se présentent plus souvent en cooccurrence après 2007. Aux deux temps de mesure, la cooccurrence des MTP est plus fréquente avec la négligence et les abus physiques, et leur taux de rétention dépend plus de la nature du motif avec lequel ils sont en cooccurrence que du cumul de problématiques. La maltraitance indirecte est plus fréquente que la maltraitance directe, mais aussi plus fréquente en bas âge et pour les garçons : l’exposition à la violence conjugale et l’exposition à la violence familiale en sont les manifestations les plus courantes. Deux profils ont été documentés : 1) un profil « direct ou abusif », où les formes directes de maltraitance sont plus nombreuses, les filles étant majoritairement concernées; et 2) un profil « indirect ou négligent », où les formes indirectes de maltraitance sont plus communes, les garçons étant majoritairement concernés. Enfin, la reconnaissance formelle en 2007 des MTP dans la LPJ a permis de considérer d’autres manifestations non reconnues auparavant : indifférence parentale, dénigrement, menaces et contrôle excessif à l’égard de l’enfant.

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Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... V Liste des tableaux ... IX Liste des figures ... XI Liste des sigles et des abréviations utilisés ... XIII Remerciements ... XV

Introduction ... 1

Chapitre 1. Cadre théorique ... 5

Bref historique de la prise en charge légale des mauvais traitements envers les enfants5 Prise en charge des mauvais traitements psychologiques par les services de protection de l’enfance ... 9

Mauvais traitements psychologiques : définition et difficultés liées à l’opérationnalisation ... 11

Violence psychologique et mauvais traitements psychologiques : prévalence et incidence ... 20

Mauvais traitements psychologiques : cooccurrence avec d’autres formes de maltraitance ... 23

Mauvais traitements psychologiques : conséquences ... 26

Mauvais traitements psychologiques : facteurs associés ... 30

Facteurs associés aux MTP en lien avec les caractéristiques de l’enfant ... 33

Facteurs associés aux MTP et en lien avec les caractéristiques des parents ... 37

Facteurs associés aux MTP et en lien avec les caractéristiques du milieu familial ou de vie de l’enfant ... 41

Objectifs de recherche ... 44

Objectif 1. Documenter la prévalence de signalements avec mauvais traitements psychologiques ainsi que ses différentes manifestations et comparer cette prévalence par rapport aux autres motifs de signalement ... 44

Objectif 2. Documenter les profils des signalements avec MTP sur la base des facteurs propres à l’enfant, aux parents et au milieu familial et de vie, et le comparer à ceux pour d’autres motifs de signalement ... 45

Objectif 3. Comparer les prévalences et les profils des signalements avec MTP avec les prévalences et les profils pour des motifs apparentés aux MTP (avant les changements faits en 2007 à la LPJ) ... 45

Chapitre 2. Contexte de recherche ... 47

Caractéristiques de la population de Québec (région de la Capitale-Nationale)... 47

Le contexte en protection de la jeunesse... 49

Le concept de protection de l’enfance ... 50

Processus de protection de la jeunesse : réception et traitement du signalement et urgence psychosociale (RTS) ... 53

Processus de protection de la jeunesse : évaluation et orientation des signalements (É/O) ... 57

Processus de protection de la jeunesse : application des mesures ... 60

Processus de protection de la jeunesse : révision des situations de protection ... 61

Processus de protection de la jeunesse : la fin de l’intervention ... 62

Chapitre 3. Méthodologie ... 65

Déroulement de la collecte des données ... 65

Système clientèle aux centres jeunesse du Québec ... 65

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Cohorte préimplantation : du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 ... 69

Cohorte postimplantation : du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 ... 71

Groupe d’observations aux signalements multiples (GOSM) ... 73

Variables et facteurs à l’étude... 76

Motifs de signalement (variables) ... 77

Présence de mauvais traitements psychologiques (MTP) : opérationnalisation .... 78

Présence de catégories et manifestations de mauvais traitements psychologiques : opérationnalisation ... 78

Présence d’autres motifs de signalement : opérationnalisation ... 79

Présence de signalements apparentés aux mauvais traitements psychologiques : opérationnalisation ... 80

Facteurs propres aux caractéristiques de l’enfant, des parents et du milieu familial et de vie ... 82

Catégorie : facteurs propres aux caractéristiques de l’enfant ... 82

Catégorie : facteurs propres aux caractéristiques des parents ... 85

Catégorie : facteurs propres aux caractéristiques du milieu familial et de vie ... 86

Plan d’analyse ... 87

Analyse de l’objectif 1 ... 87

Analyse de l’objectif 2 ... 88

Analyse de l’objectif 3 ... 89

Chapitre 4. Résultats et discussions ... 93

Résultats pour le premier objectif. À la suite de la reconnaissance explicite des MTP comme motif de signalement dans la LPJ en 2007, documenter et comparer la prévalence de signalements ainsi que ses différentes manifestations ... 93

Prévalence des mauvais traitements psychologiques, seuls ou en cooccurrence ... 93

Prévalence des mauvais traitements psychologiques selon la nature de ses manifestations... 99

Cooccurrence entre les différentes catégories et manifestations de MTP avec d’autres types de maltraitance, de négligence ou de troubles de comportement sérieux du jeune ... 103

Conclusion relative au premier objectif ... 106

Résultats relatifs au deuxième objectif. Documenter et comparer les profils des signalements avec MTP sur la base des facteurs propres à l’enfant, ceux reliés aux parents et ceux en lien avec le milieu familial et le milieu de vie ... 108

Profils de signalements : facteurs propres aux caractéristiques de l’enfant ... 108

Profils des signalements : facteurs associés aux caractéristiques des parents ... 122

Profils des signalements : facteurs du milieu familial et de vie ... 126

Conclusion relative au deuxième objectif ... 130

Résultats relatifs au troisième objectif. Prévalence et profils comparés des signalements avec MTP avant et après leur ajout explicite dans la LPJ de 2007 ... 132

Prévalence comparée des signalements reçus et retenus pour MTP apparentés et pour MTP avant et après les changements de 2007 à la LPJ ... 132

Prévalence comparée des mauvais traitements psychologiques selon la nature de ses manifestations. ... 138

Profils comparés des signalements pour MTP ou MTP apparentés sur la base des facteurs propres à l’enfant, aux parents et au milieu familial et au milieu de vie ... 142

Profils comparés des signalements avec MTP : facteurs propres à l’enfant ... 143

Profils comparés des signalements avec MTP : facteurs parentaux ... 151

Profils comparés des signalements : facteurs du milieu familial et du milieu de vie ... 156

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Conclusion ... 161

Références ... 173

Annexes : ... 189

Annexe 1. Comparatif entre l’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) avant et après les modifications de 2007 ... 189

Annexe 2. Définition des mauvais traitements psychologiques selon l’APSAC (Binggeli, Hart & Brassard, 2001) ... 190

Annexe 3. Définition de la violence psychologique selon Gagné, Lavoie et Fortin (2003) ... 191

Annexe 4. Définitions des différents motifs de signalement selon la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) de 2007 ... 192

Annexe 5. Catégories et manifestations des MTP : définitions ... 194

Annexe 6. Motifs apparentés aux MTP : opérationnalisation ... 197

Annexe 7. Facteurs propres aux caractéristiques de l’enfant : opérationnalisation ... 198

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Liste des tableaux

Tableau 1. Facteurs associés à la violence ou à la maltraitance psychologique….. 32

Tableau 2. Caractéristiques de la cohorte préimplantation : du 1er septembre

2005 au 31 août 2006 (N= 6 540)………. 71

Tableau 3. Caractéristiques de la cohorte postimplantation : du 1er septembre

2007 au 31 août 2008 (N= 6 832)……….… 73

Tableau 4. Principales caractéristiques du groupe d’observations aux signalements multiples (GOSM) communs aux deux cohortes à

l’étude : (N= 3 416)……….. 76

Tableau 5. Prévalence et taux de rétention des MTP seuls ou en cooccurrence et des autres motifs de signalement au CJQ-IU entre le 1er septembre

2007 et le 31 août 2008…... 94

Tableau 6. Prévalences et taux de rétention selon la catégorie et la manifestation de MTP au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31 août 2008…………... 100 Tableau 7. Catégories et manifestations de MTP : prévalence de la cooccurrence

en lien avec d’autres types de maltraitance, de négligence ou de TC pour les signalements retenus au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au

31 août 2008 (N= 648)……… 104

Tableau 8. Profils des signalements selon le sexe, l’âge, la fréquentation scolaire et les problèmes de santé mentale et de comportement de l’enfant pour les signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007

au 31 août 2008 (N= 2 006)……….……….………. 109 Tableau 9. Catégories et manifestations de MTP selon le sexe de l’enfant,

signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31

août 2008 (N= 601)……….………. 111

Tableau 10. Cooccurrence des catégories de MTP selon le sexe de l’enfant, signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31

août 2008 (N= 381)……….. 113

Tableau 11. Signalements corroborés au CJQ-IU selon le motif de compromission seul ou en cooccurrence et l’âge de l’enfant du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 (N= 2 006)... 115

Tableau 12. Catégories et manifestations de MTP selon l’âge de l’enfant, signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31

août 2008 (N= 601)……….. 118

Tableau 13. Profils comparés selon les facteurs associés aux parents,

signalements corroborés pour MTP au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 (N= 2 006)………... 123

Tableau 14. Facteurs parentaux associés aux manifestations et aux catégories de manifestations de MTP, signalements corroborés au CJQ-IU du 1er

septembre 2007 au 31 août 2008 (N= 381)………... 124

Tableau 15. Profils comparés selon les facteurs du milieu familial et de vie, signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007 au 31

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Tableau 16 Catégories et manifestations de MTP selon la structure familiale de l’enfant, signalements corroborés au CJQ-IU du 1er septembre 2007

au 31 août 2008 (N= 601)……….………. 129

Tableau 17. Prévalences et taux de rétention des motifs apparentés aux MTP (préimplantation), des MTP (postimplantation) et des autres motifs de signalement au CJQ-IU : cohorte préimplantation du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et cohorte postimplantation du 1er septembre

2007 au 31 août 2008……… 133

Tableau 18. Prévalences et taux de rétention des MTP en cooccurrence avec d’autres motifs de signalement au CJQ-IU : cohorte préimplantation du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et cohorte postimplantation du 1er septembre 2007 au 31 août 2008……… 136 Tableau 19. Prévalence et taux de rétention des signalements selon la catégorie et

la manifestation de MTP au CJQ-IU : cohorte préimplantation du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et cohorte postimplantation du 1er

septembre 2007 au 31 août 2008...………. 139 Tableau 20. Profils des signalements selon le sexe, l’âge, la fréquentation scolaire

et les problèmes de santé mentale et de comportement de l’enfant pour les signalements corroborés au CJQ-IU : cohorte préimplantation du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et cohorte postimplantation du 1er septembre 2007 au 31 août 2008……… 144 Tableau 21. Profils des signalements selon le sexe, l’âge, la fréquentation scolaire

et les problèmes de santé mentale et de comportement de l’enfant

pour les signalements corroborés au CJQ-IU : GOSM (N= 306)………. 145

Tableau 22. Cooccurrence des signalements corroborés pour MTP et les troubles du comportement sérieux du jeune au CJQ-IU selon l’âge de l’enfant : cohorte préimplantation, cohorte postimplantation et GOSM………...… 148

Tableau 23. Analyse comparée selon les facteurs associés aux parents,

signalements corroborés au CJQ-IU : cohorte préimplantation, cohorte postimplantation et GOSM………….…………...………. 152

Tableau 24. Manifestations de MTP en lien avec les facteurs parentaux, signalements corroborés au CJQ-IU : cohorte préimplantation et

cohorte postimplantation…...……….…… 153

Tableau 25. Manifestations de MTP en lien avec les facteurs parentaux,

signalements corroborés au CJQ-IU : GOSM………. 154

Tableau 26. Profils comparés des signalements corroborés pour MTP au CJQ-IU selon le facteur famille séparée et mauvaises conditions du logement ou la mauvaise hygiène des lieux : cohorte préimplantation, cohorte

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Liste des figures

Figure 1. Continuum des pratiques parentales positives aux mauvais

traitements psychologiques……….……….. 15

Figure 2. Principales étapes et décisions du processus de la protection de la

jeunesse………... 53

Figure 3. Cheminement possible d’un signalement à l’étape de la réception et

du traitement des signalements (RTS)………. 56

Figure 4. Cheminement d’un signalement retenu qui fait l’objet d’une évaluation à l’étape de l’évaluation et l’orientation (É/O)………. 59

Figure 5. Exécution de l’Entente sur les mesures volontaires ou de l’ordonnance à l’étape de l’application des mesures……….. 61

Figure 6. Association entre le nombre de signalements corroborés pour

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Liste des sigles et des abréviations utilisés

Sigles et

abréviations Signification

ACJQ Association des centres jeunesse du Québec

APSAC American Professional Society on the Abuse of Children ASPC Agence de santé publique du Canada

BDC-PIBE Banque de données commune de la plateforme informationnelle pour le bien-être de l’enfant BDI Banque de données informationnelles

CDPDJ Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse CJQ-IU Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire

CLIPP Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales DPJ Directeur de la protection de la jeunesse

DSP Directeur des services professionnels

ECI Étude canadienne sur l’incidence des signalements des cas de maltraitance et de négligence auprès des enfants

É/O Évaluation et orientation des signalements GOSM Groupe d’observation aux signalements multiples INSPQ Institut national de la santé publique du Québec ISQ Institut de la statistique du Québec

LPJ Loi sur la protection de la jeunesse

LSSSS Loi sur les services de santé et les services sociaux MSSS Ministère de la Santé et des Services sociaux MTP Mauvais traitements psychologiques

PIBE Plateforme informationnelle pour le bien-être de l’enfant PIJ Projets intégration Jeunesse

RTS Réception et le traitement des signalements et de l’urgence psychosociale

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Remerciements

Je tiens avant tout à remercier mes directrices de recherche Marie-Hélène Gagné et Ginette Dionne. Merci, Marie-Hélène, pour la pertinence de tes commentaires, la régularité de ton suivi, la promptitude de tes réponses et ta rigueur scientifique qui m’ont toujours poussé à me dépasser. Merci, Ginette, pour ton soutien dans cette dernière année de rédaction, merci de m’avoir soutenu dans l’analyse scientifique des données, et de m’avoir donné la motivation nécessaire pour continuer et terminer mon doctorat.

Je remercie aussi les membres de mon comité de thèse, Francine Lavoie et Danielle Nadeau, pour leurs commentaires qui ont apporté une grande plus-value à mes travaux.

Je tiens également à remercier Denis Lacerte du centre jeunesse de Québec-Institut universitaire (CJQ-IU) de m’avoir aidé dans l’exploitation de mes données PIJ.

Je tiens aussi à remercier ma conjointe, Margarita Morales. Margarita, bien qu’aux études de deuxième cycle, tu as toujours trouvé le temps de m’écouter, de m’encourager. Merci de m’avoir épaulé quand j’en avais besoin. Ma reconnaissance à mes enfants, Alexandra et Walter-Francisco Chavarria; vous illuminez mes journées avec vos sourires. Vous êtes une source d’inspiration qui m’encourage à aller de l’avant.

Merci à ma mère Dora Matamoros, de m’avoir inculqué le goût des études, et de m’avoir encouragé dans les moments les plus difficiles. Merci à mon père disparu, Fidel Chavarria, de m’avoir enseigné le dépassement de soi.

Enfin, un merci à tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de cette thèse. Un merci particulier à Maurice Pageau qui, à mon arrivée au Québec, m’a encouragé dans mon choix de reprendre mes études universitaires.

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Introduction

La racine latine du terme violence est violentia et fait référence au caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, extrême, brutale (Larousse, 2010). La violence est comme l’histoire, un concept immédiat et millénaire, local et universel, culturel et temporel, individuel et sociétal (Bylander & Kydd, 2008). En 1999, l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2002) aborde lors de sa 49e assemblée générale la violence envers les enfants et signale qu’il s’agit d’un phénomène lourd de conséquences, présent dans toutes les cultures et sociétés du monde. Elle propose la définition suivante de la maltraitance à l’enfance : « […] toutes les formes de mauvais traitements physiques ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence ou de traitement négligent, ou d’exploitation commerciale ou autre, entraînant un préjudice réel ou potentiel pour la santé de l’enfant, sa survie, son développement ou sa dignité dans le contexte d’une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir » (p. 65).

Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle que la violence envers les enfants est devenue un motif de préoccupation pour les sociétés occidentales. Auparavant, les parents avaient la liberté et le devoir de discipliner leurs enfants avec des méthodes austères, parfois même avec des punitions corporelles sévères (Bensel, Rheinberger & Radbill, 1997). Cela dit, au Canada, le parent ou tout autre instituteur qui le remplace peut, selon l’article 431 du Code criminel canadien, employer la punition corporelle comme mesure disciplinaire envers les enfants. En 2004, la Cour suprême du Canada a toutefois statué que l’usage de la punition corporelle devait se faire avec les balises suivantes : 1) l’usage de la force pour corriger un enfant n’est permis que dans les cas où l’enfant peut apprendre et ne doit pas être dû à la colère; 2) l’enfant doit être âgé de deux à douze ans; 3) la force utilisée doit être raisonnable, et son effet doit être « transitoire et insignifiant »; 4) la personne ne doit pas utiliser un objet, comme une règle ou une ceinture; 5) la personne ne doit pas frapper ou gifler la tête de l’enfant; 6) la gravité de la situation ou du comportement de l’enfant ne doit pas être considérée lors de la punition corporelle. La Cour suprême a également établi que, dans certaines circonstances, une force raisonnable peut être utilisée pour retenir un enfant constituant un danger pour lui-même

1 Art. 43 du Code criminel canadien : tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou

la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances (Code criminel, L. R. C. 1985, ch. C-46.).

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ou pour les autres (Institut canadien d’information juridique [en ligne]; ministère de la Justice du Canada, [en ligne]a).

Dans cette thèse, il sera question d’une forme de violence grave, les mauvais traitements psychologiques (MTP) à l’égard des enfants. Même si cette forme de mauvais traitement est relativement moins reconnue que les autres formes, elle n’en demeure pas moins très répandue (Glaser, 2002) et a fait l’objet de nombreuses recherches depuis plusieurs décennies. Les MTP sont définis par Garbarino et Vondra (1987) comme tous les actes posés par commission ou omission par le parent ou le tuteur de l’enfant et qui sont jugés par un mélange de valeurs communautaires, et par une expertise professionnelle comme inappropriés et dommageables.

L’étude présentée porte sur les signalements avec MTP faits au directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) et plus spécifiquement au Centre jeunesse de Québec-Institut universitaire (CJQ-IU). Il sera question de documenter les profils des signalements, sur la base de facteurs concernant l’enfant lui-même, ses parents et son milieu familial et de vie, après la reconnaissance formelle des MTP dans la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) en juillet 2007, et de comparer ces profils aux situations signalées pour des motifs apparentés aux MTP avant cet ajout explicite apporté à la loi. L’objectif général de la thèse est de voir dans quelle mesure l’ajout des MTP à la loi mène au signalement de situations différentes de celles qui étaient signalées avant la modification de la loi. Deux cohortes équivalentes seront mises à contribution dans cette étude : une cohorte postimplantation, du 1er septembre 2007 au 31 août 2008, et une cohorte préimplantation du, 1er septembre 2005 au 31 août 2006. Chacune de deux cohortes concerne tous les signalements faits au CJQ-IU sur une période de douze mois et elles sont séparées l’une de l’autre par une période de douze mois.

Le chapitre 1 dressera un bref portrait historique de la prise en charge légale de la violence envers les enfants tant au Canada qu’au Québec, et plus spécifiquement de la prise en charge légale des MTP à l’égard des enfants. Il sera aussi question des modifications qui ont eu lieu en juillet 2007 à la LPJ, notamment l’ajout des MTP comme nouveau motif de signalement. Les difficultés d’opérationnalisation de ce construit ainsi que la définition retenue seront ensuite explicitées. L’ampleur de la violence psychologique et des MTP sera ensuite établie sur la base des études empiriques antérieures, car il s’agit de deux construits apparentés, mais différents. Un portrait de la

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cooccurrence entre les différentes formes de mauvais traitements avec les MTP et les défis que ce phénomène pose pour la recherche seront présentés. Il sera ensuite question des conséquences ainsi que des facteurs qui sont associés à cette forme de maltraitance. Enfin, les objectifs de recherche seront présentés à la fin de ce chapitre. Le chapitre 2 traitera du contexte dans lequel s’inscrit cette étude, et notamment de l’environnement de protection de la jeunesse. Le chapitre 3 décrira la méthodologie utilisée et s’attardera plus spécifiquement sur la description des variables et des facteurs d’intérêts à l’étude, des cohortes (populations), de la banque de données, du traitement des données et de la stratégie d’analyse retenue. Les résultats de l’étude ainsi que leur interprétation et les questions qu’elle soulève seront présentés au chapitre 4. La conclusion globale de l’étude suivra.

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Chapitre 1. Cadre théorique

Bref historique de la prise en charge légale des mauvais

traitements envers les enfants

Joyal (2000) a découvert les traces d’une première loi canadienne censée protéger les enfants, qui date du début du XVIIe siècle. En vigueur jusqu’en 1812, cette loi prévoyait la peine capitale pour toute femme ayant fait disparaître le cadavre de son nouveau-né qui, s’il avait survécu, aurait été un « bâtard ». Par ailleurs, le Code criminel de 1892, également de compétence fédérale, introduit le délit de négligence lors de l’accouchement2, de négligence3 et d’abandon4 d’un enfant.

La première société d’aide à l’enfance a vu le jour à Toronto, dans la province de l’Ontario, en 1891. Deux ans plus tard, l’Ontario adoptait la première loi canadienne sur le bien-être de l’enfance. Au Québec, les organismes de protection de l’enfance ne sont apparus que plusieurs années plus tard, d’abord chez les anglophones en 1922 et ensuite chez les francophones en 1930. Ils étaient placés sous l’égide des institutions de charité dirigées par des communautés religieuses (Joyal, 2000). Mais l’émergence de diverses lois et d’initiatives citoyennes pour contrer la violence envers les enfants est apparue surtout vers la fin des années 1960. Les travaux réalisés par Kempe et ses collaborateurs sur le syndrome de l’enfant battu et la publication de leur livre The battered child syndrome en 1962 ont particulièrement contribué à combler le vide social et juridique dans lequel se trouvaient les enfants maltraités à cette époque (Kaplan, 1996; OMS, 2002; Santé Canada, 2001).

2 […] Est coupable d’un acte criminel toute femme qui, dans l’un ou l’autre des buts ci-dessous mentionnés,

étant enceinte et sur le point d’accoucher, néglige de se procurer l’aide raisonnable pour son accouchement, si par là elle fait un tort permanent à son enfant, ou s’il meurt, soit immédiatement avant, ou pendant, ou peu de temps après sa naissance, à moins qu’elle ne prouve que sa mort ou le tort permanent qui lui est fait n’est pas dû à cette négligence, ou à un acte illégal auquel elle a été partie consentante, et est passible des peines suivantes : (a.) Si le but de cette négligence était que l’enfant ne vécût pas, l’emprisonnement à perpétuité; (b.) Si son but était de cacher le fait qu’elle a eu un enfant, l’emprisonnement pendant sept ans (Art. 239. Code criminel. 1892, 55-56 Victoria, Chapitre 29).

3 […] Tout individu qui, comme père ou mère, tuteur, gardien ou chef de famille, est légalement tenu de

pourvoir aux besoins d’un enfant mineur de 16 ans, est criminellement responsable s’il s’abstienne de le faire, sans excuse légitime, pendant que cet enfant reste dans sa famille, que cet enfant soit hors d’état de pourvoir à ses besoins ou non, si la mort de cet enfant est causée, ou si sa vie est mise en danger, ou si sa santé est ou peut être irrémédiablement compromise par suite de cette abstention (Art. 210. Code criminel. 1892, 55-56 Victoria, Chapitre 29).

4 […] Est coupable d’un acte criminel et passible de trois ans d’emprisonnement, quiconque abandonne ou

délaisse illégalement un enfant âgé de moins de 2 ans, par lequel fait la vie de cet enfant, est mise en danger, ou sa santé est irrémédiablement compromise. 2. Les expressions « abandonner » et « délaisser » comprennent l’omission volontaire de prendre soin d’un enfant de la part d’une personne légalement tenue de le faire, et toute manière de le traiter de nature à le laisser exposer à quelque danger sans protection (Art. 216. Code criminel. 1892, 55-56 Victoria, Chapitre 29).

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Dès le début du XXIe siècle, le gouvernement du Canada adopte plusieurs mesures pour contribuer à la protection de l’enfance. On retrouve parmi ces mesures différentes lois, politiques et programmes de lutte et de prévention contre les mauvais traitements à l’égard des enfants. Les droits des enfants canadiens sont aussi garantis et protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, adoptée en 1982 (Tourigny et al., 2002). Même si le Code criminel ne pénalise pas spécifiquement les infractions relatives à la violence familiale, parce que cette dernière relève de la protection de la jeunesse qui appartient au champ de compétence provinciale, le ministère de la Justice du Canada ([en ligne]a) certifie que nombreuses sont les dispositions mobilisables pour protéger un enfant victime de mauvais traitements (ex. : voies de fait, agressions et exploitation sexuelles, y compris tourisme sexuel, pornographie infantile sur Internet, harcèlement criminel). Par l’entremise de certaines procédures et ordonnances, le Code criminel prévoit des mesures pour prévenir la violence familiale dans le but d’en protéger les victimes (McLeod, Tonmyr & Thornton, 2004; ministère de la Justice du Canada, [en ligne]b).

Malgré la panoplie de mesures juridiques et sociales déployées pour s’attaquer à la violence envers les enfants, l’OMS annonçait, lors de sa 49e assemblée, l’augmentation spectaculaire de l’incidence des blessures infligées intentionnellement aux enfants du monde entier. Avec près de 40 millions d’enfants concernés, elle déclare que la violence envers les enfants est un problème de santé publique majeur et croissant dans le monde entier. Les auteurs de l’étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI-2003) abondent dans le même sens (Trocmé et al., 2003). En 2006, le gouvernement du Canada déclare que les mauvais traitements envers les enfants demeurent un problème de santé publique grave empreint de lourdes conséquences d’un point de vue social et économique pour l’ensemble du pays. Le système de santé et des services sociaux, le système d’éducation et le système de justice en seraient notamment affectés (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2006).

Au Québec, le premier acte du législateur québécois à l’égard de la protection de l’enfance fut l’acte concernant les écoles d’industrie en 1869. L’acte d’industrie prévoyait le placement des enfants orphelins, errants ou jugés incontrôlables dans des écoles chargées de les accueillir et de leur enseigner un métier. Les écoles d’industrie étaient tenues d’éduquer et d’instruire ces enfants. Leurs programmes scolaires étaient élaborés selon la bonne volonté des personnes qui dirigeaient ces écoles. Ce n’est qu’à partir de

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1946 que les programmes scolaires des écoles d’industrie ont été préparés et appliqués sous la gouverne du Conseil de l’instruction publique. À cette époque, l’acte des écoles de réforme a été adopté. Ces écoles étaient chargées de réinsérer les jeunes délinquants et de les placer ultérieurement dans les écoles d’industrie. Contrairement aux écoles d’industrie, les écoles de réforme n’accueillaient que des jeunes, condamnés pour commission d’un délit, et dans les deux cas, ces écoles étaient administrées par des communautés religieuses. Pour certains, l’acte d’industrie est l’ancêtre de la loi actuelle sur la protection de la jeunesse, alors que pour d’autres, il s’apparente davantage à une réaction à la délinquance qu’à un souci de protection des jeunes (Joyal, 2000).

En s’inspirant du modèle de protection de l’enfance implanté à Toronto en 1891, Montréal établit une Cour des jeunes délinquants en 1910. Cette Cour est habilitée à entendre les poursuites tant en vertu de la Loi des écoles d’industrie que de la Loi sur les jeunes délinquants. À cette époque, il n’y a pas de différence majeure entre un jeune délinquant et un jeune qui pourrait le devenir, c’est-à-dire entre les actes posés et les attitudes ou le style de vie. Dans ce contexte, il est encore difficile de parler de protection de l’enfance au Québec. En effet, le Québec a dû attendre les années 1920 et 1930 pour voir arriver les premiers organismes de protection de l’enfance, qui étaient essentiellement des institutions de charité dirigés par des communautés religieuses (Joyal, 2000).

En 1944 apparaît au Québec la toute première loi sur la protection des enfants. Elle n’a toutefois jamais été appliquée, parce que l’Église jugeait qu’elle était une immixtion dans la vie privée des familles et une atteinte inadmissible à la puissance paternelle. En 1950 est adoptée la Loi relative aux écoles de la protection de la jeunesse, qui abroge l’acte des écoles d’industrie. Cette nouvelle loi accordait plus de latitude aux magistrats en leur donnant le pouvoir de laisser un enfant en liberté surveillée, de le confier à une agence sociale, société ou institution ou de recommander son placement dans une école. Elle prévoyait également que toute décision concernant un enfant devait être prise dans son meilleur intérêt. Il reste qu’à cette époque, aucune loi ne reconnaissait explicitement des droits aux enfants (Joyal, 2000).

Ce n’est qu’en 1977 que l’Assemblée nationale du Québec adopte la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Elle entre en vigueur le 15 janvier 1979 et mène à la création de la Direction de la protection de la jeunesse (Joyal, 2000) aujourd’hui intégrée aux centres jeunesse du Québec. La LPJ est une loi d’exception qui ne doit être appliquée

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qu’en dernière instance, soit quand l’enfant vit des circonstances qui compromettent ou risquent de compromettre son développement ou sa sécurité. Le but de la loi est de protéger les enfants et non pas de s’immiscer dans la vie des familles québécoises (libellé de la LPJ; Paquette, 2004; Tourigny et al., 2002). En effet, l’État québécois reconnaît les parents comme les premiers responsables de la protection et de la sécurité de leurs enfants (libellé de la LPJ; Paquet, 2004). Néanmoins, et selon la loi de 1979, toute personne peut signaler une situation dans laquelle un enfant est la cible de mauvais traitements physiques, d’agressions sexuelles, d’exploitation, d’abandon ou de négligence. La LPJ prévoit également le signalement des enfants pour cause de problèmes de comportement sérieux du jeune.

Des révisions de la LPJ ont eu lieu en 1984, en 1994 et en juin 2006. Les modifications et dispositions résultant de cette dernière révision sont entrées en vigueur le 9 juillet 2007 (Association des centres jeunesse du Québec [ACJQ], 2007). Selon le bilan de 2008 des directeurs des centres jeunesse, les dernières modifications apportées à la LPJ s’inscrivent dans une volonté d’appuyer l’évolution des pratiques et des principes créés par la LPJ de 1979 et de leur donner une certaine continuité. Ces modifications visent à réaffirmer la primauté des droits et des intérêts de l’enfant, qui doit rester au cœur des décisions des DPJ et des centres jeunesse. Elles mentionnent également l’importance de la responsabilité parentale et du milieu familial comme des éléments contributifs au développement de l’enfant, tout en précisant que la constance des soins et la stabilité des conditions de vie restent primordiales. Ces modifications précisent aussi le fait que la protection des enfants est améliorée par les facteurs suivants : l’intervention sociale, les approches centrées sur la participation et l’implication des familles, la participation active de la communauté et des établissements concernés. Il faut souligner le caractère exceptionnel de cette loi (ACJQ, 2008). Dans la foulée des modifications de la LPJ de 2007, le législateur a précisé la définition des motifs de signalement déjà existants et en a ajouté des nouveaux, dont les MTP et la notion de risque sérieux pour les abus physiques, les abus sexuels et la négligence (ACJQ, 2008). L’ajout des MTP aux motifs de signalement reconnus est au cœur de cette thèse. La prochaine section décrit la prise en charge de cette problématique par les services de protection de la jeunesse du Canada.

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Prise en charge des mauvais traitements psychologiques par les services de

protection de l’enfance

Les attitudes et les pratiques en ce qui concerne la violence révèlent dans la société canadienne une tendance à être moins tolérant envers les MTP à l’égard des enfants (Chamberland, 2003). L’inclusion des MTP comme motif de signalement à la protection de la jeunesse obéit à ces nouvelles conceptions des droits de l’enfant développées par la société (McLeod, Tonmyr & Thornton, 2004). Vers la fin des années 1990, plusieurs provinces canadiennes ont commencé à protéger les enfants victimes des MTP (Trocmé et al., 2011). En effet, en 1998, la maltraitance physique envers les enfants constituait déjà un pourcentage des signalements à la protection de la jeunesse inférieur à celui des MTP et de la négligence (Trocmé et al., 2001).

En matière de protection de l’enfance contre les MTP, Trocmé et ses collaborateurs (2011) classifient les interventions provinciales et territoriales du Canada en trois niveaux, selon la preuve des faits imputés. Dans le niveau I, l’intervention est limitée aux cas dans lesquels est constaté un échec des parents à protéger l’enfant d’un préjudice émotionnel. Il faut préciser que, dans ce niveau, les gestes incriminés ne sont pas attribués aux actions parentales. La Nouvelle-Écosse, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest limitent leur intervention aux cas dans lesquels la personne en position d’autorité omet de protéger l’enfant contre des dommages émotionnels. Cinq autres provinces (Colombie-Britannique, Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve) protègent également l’enfant au-delà des dommages émotionnels et dans les cas où la personne en autorité omet de protéger l’enfant. Dans le niveau II, l’intervention a lieu lorsque ce sont les pratiques parentales qui conduisent directement à un préjudice émotionnel chez l’enfant. Cette procédure est effective en Colombie-Britannique, en Alberta et à Terre-Neuve. L’intervention se fait uniquement dans les situations où le parent a déjà causé un préjudice émotionnel à l’enfant (ex., lorsque l’enfant souffre d’un traumatisme affectif attribuable au comportement du parent). Enfin, le niveau III comprend les situations qui impliquent des pratiques parentales défavorables ou celles qui peuvent placer les enfants devant un risque de dommages psychologiques. Le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, l'île du Prince-Édouard, le Québec, la Saskatchewan et le Yukon sont les provinces où les enfants sont protégés de la maltraitance psychologique quand les intervenants soupçonnent qu’ils sont susceptibles d’en subir. Il n’est donc pas nécessaire que l’enfant ait subi un préjudice pour déclencher une intervention.

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Deux provinces seulement définissent précisément les MTP dans leur loi sur la protection de l’enfance : l’Alberta5 et le Québec (Trocmé et al., 2011). Même si les MTP n’ont été ajoutés aux motifs de signalement que lors de la révision de la législation québécoise en juillet 2007, l’ACJQ (2005) croit que cette forme de maltraitance a toujours été reconnue implicitement comme telle par les services de protection de l’enfance au Québec. De fait, plusieurs manifestations de maltraitance psychologique se trouvaient déjà dans les anciens alinéas b), e) et f) de l’article 38 de la version précédente de la LPJ. En effet, selon la LPJ qui était en vigueur jusqu’en 2007, l’alinéa b) de l’article 38 stipulait qu’il y avait des raisons de protéger l’enfant « (…) si son développement mental ou affectif est menacé par l’absence de soins appropriés ou par l’isolement dans lequel il est maintenu ou par un rejet affectif grave et continu de la part de ses parents ». Les alinéas e) et f) prônaient respectivement la protection « […] s’il [l’enfant] est gardé par une personne dont le comportement ou le mode de vie risque de créer pour lui un danger moral ou physique » et « […] s’il [l’enfant] est forcé ou incité à mendier, à faire un travail disproportionné à ses capacités ou à se reproduire en spectacle de façon inacceptable eu égard à son âge ». Il y a donc lieu de croire que les cas d’enfants victimes de MTP étaient déjà reconnus implicitement par le DPJ. Cependant, le fait de reconnaître explicitement cette forme de maltraitance dans l’alinéa c) de l’article 38 de la LPJ révisée en 2007 témoigne, d’une part, du progrès accompli dans la province en matière de protection de l’enfance et, d’autre part, de l’évolution des mentalités et des représentations sociales de la maltraitance dans la société québécoise. L’annexe 1 présente une comparaison entre les différents motifs de signalement de l’article 38 de la LPJ antérieurs et postérieurs aux modifications de 2007, et cela afin de déceler les concordances des deux versions de la LPJ et leurs différences.

À cet égard, un des objectifs de cette étude est de comparer dans le temps les profils des signalements selon l’ancien article 38 e), b) et f) aux profils des situations signalées sous l’alinéa c) de l’article 38 après les changements apportés à la LPJ en 2007. Il s’agit donc de voir s’il existe des différences entre ces deux profils et à quels niveaux elles se situent. En quoi les signalements faits depuis l’ajout explicite des MTP différeraient-ils de ceux faits auparavant? Enfin, malgré la reconnaissance explicite des

5 Pour l’Alberta la maltraitance psychologique inclut : a) le rejet (a.1) la négligence psychologique, sociale,

cognitive ou physiologique; b) la privation d’affection ou de stimulation cognitive; c) l’exposition de l’enfant à la violence conjugale ou à un désaccord familial grave; d) la critique excessive, les menaces, l’humiliation, les accusations ou les suspicions à l’égard de l’enfant; e) l’état mental ou affectif du tuteur de l’enfant ou de toute autre personne vivant dans la même résidence que l’enfant et f) l’abus chronique d’alcool ou de drogue par le tuteur ou par toute autre personne vivant dans la même résidence que l’enfant (Trocmé et al., 2011).

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MTP par 10 des 13 provinces et territoires canadiens (Trocmé et al., 2011), plusieurs difficultés subsistent, notamment dans la définition du construit et de l’identification des actes de maltraitance psychologique. Ces difficultés seront abordées dans la section suivante.

Mauvais traitements psychologiques : définition et difficultés

liées à l’opérationnalisation

La maltraitance est difficile à définir globalement, car il faut tenir compte de sa nature parfois active, parfois passive (négligence ou privation), parfois intentionnelle ou non intentionnelle (Bylander & Kydd, 2008). Sa définition peut varier selon la forme étudiée (ex. : violence physique, psychologique, sexuelle, exposition des enfants à la violence conjugale ou familiale) et selon le domaine d’étude sous l’angle duquel elle est abordée (ex. : droit, psychologie). Ces constats peuvent aussi s’appliquer aux MTP, en entraînant notamment des difficultés d’opérationnalisation. Pour Baker (2009), cinq facteurs peuvent expliquer les difficultés d’opérationnalisation du construit MTP : 1) un manque de cohérence du terme lui-même (éclatement du concept); 2) un manque de cohérence entre les définitions légales et conceptuelles; 3) un manque de cohérence entre les définitions conceptuelles et leur opérationnalisation; 4) un manque de cohérence de la conceptualisation du phénomène d’exposition à la violence conjugale et 5) un manque de cohérence des caractéristiques psychométriques du construit. Nous allons examiner chacune de ces difficultés.

L’éclatement du concept, le premier facteur, peut être observé dans la grande variabilité terminologique servant à décrire la maltraitance psychologique. En effet, différents termes plus ou moins interchangeables, mais qui ne reflètent pas nécessairement la même réalité, sont utilisés par les chercheurs : abus émotionnel (Claussen & Crittenden, 1991; Glaser & Prior, 1997; Kaplan, Pelcovitz & Labruna, 1999; Moller & Bachman, 1993; Smith-Slep, Heyman & Snarr, 2011; Walker et al., 1997); abus psychologiques (Bifulco et al., 2002; Garbarino, Guttmann & Seeley, 1987; O’Hagan, 1995); abus verbal (Ney, Fung & Wickett, 1994); agression verbale (Solomon & Serres, 1999; Vissing et al., 1991); punition verbale (Berlin et al., 2009); maltraitance émotionnelle (Hulette, Freyd & Fisher, 2011; Trocmé et al., 2011; Wolfe & McIsaac, 2010); violence psychologique (Gagné & Bouchard, 2000; Gagné, 2001); violence verbale ou symbolique (Vissing et al., 1991); négligence émotionnelle (Baker & Festinger, 2011) et mauvais traitements psychologiques (Fortin, 1992; Hart & Brassard, 1987). Et, dans une moindre

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mesure, il y a aussi l’exposition de l’enfant à la violence familiale (Goodwin, Fergusson & Horwood, 2005), l’exposition de l’enfant à la violence conjugale (Bair-Merritt, Blackstone & Feudtner, 2006) et l’aliénation parentale6 (Bala, Hunt & McCorney, 2010; Gagné, Drapeau, & Hénault, 2005; Walker & Shapiro, 2010).

Quelques précisions peuvent être apportées sur les similarités et les divergences entre ces termes. Tout d’abord, les MTP seraient avec les abus psychologiques, l’abus émotionnel, l’abus verbal, l’agression verbale et la maltraitance émotionnelle, des concepts apparentés qui réfèrent tous à des situations extrêmes faisant appel à l’intervention de l’État (Clément et al., 2005; Gagné & Bouchard, 2000). Le but étant de protéger les jeunes qui se trouvent dans des situations où leur développement et leur sécurité sont compromis (Gagné & Bouchard, 2000; Straus & Field, 2003; Wolfe & McIsaac, 2010). Cela dit, Bylander et Kydd (2008) apportent une nuance entre le terme

maltraitance et le terme abus; pour eux, la maltraitance est « […] an action or failure to act

which results in physical or emotional trauma or the threat of such trauma (p. 2 319) », alors que l’abus fait plutôt référence à « […] any specific proscribed trauma to children as defined by a legal authority (p. 2 319) ». Dans le contexte de protection de la jeunesse au Québec, le terme MTP répond plutôt au concept d’abus de Bylander et Kydd.

Pour Baker (2009), le manque de cohérence entre les définitions légales et conceptuelles, le deuxième facteur, se manifeste surtout dans les choix méthodologiques de certaines recherches. Les définitions légales de la maltraitance ne sont souvent pas les mêmes que celles qui sont utilisées dans les recherches rétrospectives auprès d’adultes ayant subi de la maltraitance durant l’enfance. Les définitions légales sont plutôt utilisées dans le contexte de protection de l’enfance et les définitions conceptuelles, dans les enquêtes réalisées auprès de la population. Il en découle que plusieurs auteurs distinguent ces deux réalités l’une de l’autre; d’une part, les conduites entraînant une violence psychologique (présentes dans la population) et d’autre part, la maltraitance ou l’abus (Chamberland, 2003; Gagné & Bouchard, 2000; Gagné, 2001; Kashani, Daniel, Dandoy & Holcomb, 1992; Malo et al, 2000; Trocmé et al., 2011). Pour Gagné et

6 Terme proposé par Gardner en 1985, qui consiste à l’endoctrinement de l’enfant par un parent (presque exclusivement lors des conflits sur la garde parentale) et les propres tentatives de l’enfant de dénigrer l’autre parent. Ce dernier est de manière continue, dénigré, rabaissé ou insulté sans justifications apparentes. Selon un continuum en fonction de la sévérité des manifestations psychologiques, on retrouve à son extrême le moins grave, la simple désaffection parentale qui peut s’apparenter dans certaines situations au conflit de loyauté (forme de mauvais traitement psychologique) et dans son extrême le plus grave l’aliénation parentale proprement dite (Bensussan, 2009).

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Bouchard (2000), la violence psychologique des parents à l’égard d’un enfant, dans la population générale, aurait une plus grande prévalence que la maltraitance psychologique qui fait référence à une forme de violence psychologique extrême. La violence psychologique correspond à un ensemble de comportements parentaux jugés excessivement coercitifs, dans une culture donnée. Malgré les conséquences fâcheuses sur le bien-être et la qualité de vie des enfants, une intervention des services de protection de la jeunesse n’est pas nécessaire. Pour Gagné (2001), ces actes font partie d’un même continuum de sévérité. Dans ce continuum, il n’est pas toujours facile de départager les actes ou les omissions qui relèvent de la violence psychologique de ceux qui relèvent de la violence ou de la maltraitance psychologique (Gagné, 2001; Garbarino, Guttman & Seeley, 1987).

Selon Baker (2009), le troisième facteur, l’incohérence entre la définition conceptuelle et son opérationnalisation, peut expliquer la difficulté à cerner le concept de MTP. Par exemple, en recherche, les parents sont souvent interrogés sur quelques conduites induisant de la maltraitance en particulier et non sur toute la gamme possible des actes de maltraitance ou encore, sur les conséquences que leurs actions pourraient engendrer sur eux ou sur leurs enfants. Étant donné que plusieurs composantes du concept n’ont pas été abordées, le résultat de ces recherches pourrait alors mener à une estimation partielle du phénomène.

Le quatrième facteur, le manque de cohérence de la conceptualisation du phénomène d’exposition à la violence conjugale, réfère au fait que pour certains, ce problème est une manifestation de maltraitance psychologique alors que pour d’autres, il s’agit plutôt d’une forme distincte de maltraitance (Baker, 2009). L’exposition à la violence conjugale peut donc être incluse dans le concept de MTP ou s’en trouver exclue. Au Québec, l’exposition à la violence conjugale est incluse dans la définition légale des MTP, à l’article 38 c) de la LPJ. Certains avancent que les MTP seraient rarement signalés aux services de protection de la jeunesse lorsque la violence conjugale est absente de la situation (Chamberland, 2003). Dans cette thèse, l’exposition à la violence conjugale sera considérée comme une manifestation des MTP. Les différentes manifestations des MTP seront décrites dans la section consacrée à la méthodologie.

Enfin, le dernier facteur expliquant la difficulté à définir le concept de MTP, soit le manque de cohérence des caractéristiques psychométriques du construit, fait référence

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aux différentes stratégies utilisées pour aborder les MTP. En effet, le construit est souvent envisagé dans la recherche comme un continuum alors qu’il est considéré comme une forme catégorielle par les autorités en matière de protection de l’enfance (Baker, 2009). Pour sa part, Wolfe et McIsaac ont proposé en 2010 de distinguer les MTP des pratiques parentales dysfonctionnelles à partir des deux stratégies suivantes : la première stratégie, basée sur un continuum de comportements parentaux allant du négatif au positif, consiste à départager les pratiques parentales acceptables de celles jugées inacceptables; la deuxième stratégie, de type catégoriel, développée par Heyman et Smith-Slep (2006, cité par Wolfe & McIsaac, 2010), consiste à classifier, sur la base de critères prédéterminés, les actes appartenant soit à une pratique parentale inappropriée, soit à la maltraitance psychologique. Les auteurs notent, comme Baker (2009), que la forme catégorielle est surtout utilisée par des intervenants des services de protection de l’enfance, qui doivent prendre position sur la présence ou non d’un préjudice.

Wolfe et McIsaac (2010) remarquent que les pratiques parentales inadéquates s’inscrivent aussi dans le cadre du mandat de la santé publique (« […] most parents need to receive some level of assistance, education, and awareness to maximize their important role and reduce all forms of child abuse and neglect » [Wolfe & McIsaac, 2010, p. 4]), alors que la maltraitance psychologique mérite une intervention plus ciblée. Toutefois, et comme cela a été mentionné antérieurement, une intervention relevant de la protection de l’enfance n’est justifiée qu’en présence de conditions extrêmes qui affectent ou risquent de compromettre le développement ou la sécurité de l’enfant (libellé de la LPJ, 2007; Manly, 2005).

Les recherches effectuées dans le cadre de cette thèse ont permis de constater que certains auteurs concevaient déjà un continuum des actes selon la gravité des agressions psychologiques bien avant les auteurs cités précédemment. En effet, Kashani, Daniel, Dandoy et Holcomb (1992) considéraient à cette époque les pratiques parentales inadéquates comme les agressions les moins graves, la violence psychologique comme une agression intermédiaire et les MTP, comme les agressions les plus graves. Par contre, pour Wolfe et McIsaac (2010), ces réalités doivent être séparées en deux continuums qualitativement différents, mais qui se chevauchent. Ainsi, dans le premier continuum, on trouverait à un extrême les pratiques parentales positives et à l’autre, les pratiques parentales dysfonctionnelles. Dans le deuxième continuum, on trouverait à l’extrême le moins grave les pratiques parentales dysfonctionnelles et dans l’extrême le

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plus grave, la maltraitance psychologique (Wolfe & McIsaac, 2010). Malgré cette distinction théorique, on croit qu’il est difficile de concevoir ces réalités séparément (pratiques parentales positives ou dysfonctionnelles et maltraitance). Dans la figure 1, on propose de regrouper toutes les pratiques parentales possibles envers l’enfant, qu’elles soient positives, dysfonctionnelles ou relevant de la maltraitance psychologique, dans un même continuum hypothétique allant du plus positif au plus négatif.

Figure 1. Continuum des pratiques parentales positives aux mauvais traitements psychologiques.

On a aussi relevé d’autres facteurs qui peuvent compliquer l’opérationnalisation du construit MTP : l’influence de la culture et de l’époque historique (Bylander & Kydd, 2008; Chamberland, 2003; Graziano, 1994); l’escalade de gestes considérés comme acceptables vers des actes de maltraitance; la variation du critère pour déterminer ce qui relève de la maltraitance psychologique et le débordement culturel qui légitime certaines formes de violence (Graziano, 1994). Ces facteurs sont ici examinés séparément.

D’abord, certains auteurs ont constaté que la culture et l’époque historique influencent fortement les représentations sociales à l’égard des pratiques parentales communément acceptées, n’utilisant pas de punitions physiques, et celles à l’égard de la conception des MTP envers les enfants (Chamberland, 2003; Garbarino & Vondra, 1987; OMS, 2002). Par exemple, il est acceptable dans de nombreuses sociétés, voire escompté, qu’un parent se rende jusqu’à crier ou à critiquer sévèrement ses enfants. Smith-Slep, Heyman et Snarr (2011) mentionnent qu’à partir d’une perspective transculturelle, la définition de la maltraitance psychologique est peut-être celle, parmi toutes les définitions de formes de maltraitance différentes, qui varie le plus d’une culture à l’autre. À cela s’ajoute le dilemme amené par la perspective culturelle, dilemme qui réside dans la tension entre l’universalité des droits de l’enfant et le relativisme culturel revendiqué par les familles provenant d’autres cultures que celle qui est majoritaire, plus spécialement de groupes culturels minoritaires (Humbert, 2011). Selon plusieurs auteurs (Humbert, 2011; Korbin, 1991), les défenseurs de l’universalité des droits de l’enfant estiment que la condition humaine seule suffit à chaque enfant pour bénéficier de ses

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droits inaliénables, tels qu’ils sont répertoriés dans la Déclaration des droits de l’enfant de

l’ONU rédigée en 1959 puis en 1989, et pour pouvoir compter sur l’intervention des

autorités en cas de mauvais traitements. Ce point est important, d’autant plus que d’après un grand nombre de recherches, les effets négatifs de la maltraitance psychologique sur les enfants sont visibles dans toutes les cultures (Rohner, Khaleque & Cournoyer, 2005; Sebre et al., 2004). En revanche, les tenants du relativisme culturel postulent qu’il n’y a pas de droits universels, mais différents concepts de droits selon les cultures (Humbert, 2011). Selon Korbin (1991), cette dernière position aurait comme conséquence de priver l’enfant des soins auxquels il a droit. Quoi qu’il en soit, toute intervention auprès des familles provenant de cultures minoritaires doit s’appuyer sur le respect de leur échelle de valeurs, de leurs habitudes sociales et de leur vision du monde (Harris, 1982).

Ensuite, la progression de gestes considérés comme acceptables vers des gestes abusifs relevant de la maltraitance se déroule selon Graziano (1994) suivant trois mécanismes : a) la progression de gestes acceptables vers des actes de maltraitance; b) la variation du critère pour déterminer ce qui relève de la maltraitance psychologique et c) le débordement culturel qui légitime certaines formes de violence. Dans le premier mécanisme, certaines pratiques parentales apprises et renforcées par la société peuvent évoluer vers la maltraitance, sous l’influence du stress ou de la dynamique relationnelle parent-enfant. Le renforcement de ces pratiques parentales discutables peut amener le parent à se percevoir comme un bon parent qui agit de façon responsable malgré la violence dont il fait usage. Le deuxième mécanisme concerne les certitudes parentales sur les pratiques éducatives. Alors qu’un parent croit posséder de bonnes méthodes éducatives, un autre peut percevoir ces mêmes méthodes comme relevant de la maltraitance. Finalement, le dernier mécanisme proposé par Graziano concerne l’acceptabilité d’une violence dite légitime qui vise la préservation de l’ordre dans la société. Des exemples de cette violence dite légitime pourraient s’illustrer par certaines actions perpétrées par des policiers, ou encore par certaines décisions des autorités comme celle de la Cour suprême du Canada qui juge acceptable l’utilisation de la punition corporelle (cf. introduction de cette étude), et enfin par la pratique de certains sports violents par des enfants (sports de contact comme le hockey, etc.). Graziano avance que certaines pratiques parentales coercitives socialement acceptées, et ne répondant à aucune définition de la maltraitance, peuvent néanmoins être ressenties comme de la

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maltraitance par des enfants devenus entre-temps des adultes et engendrer alors des conséquences aussi graves que celles provenant d’actes de maltraitance.

Malgré les difficultés liées à l’opérationnalisation du construit MTP, les travaux de Garbarino et de ses collègues en 1987 ainsi que ceux de Hart, Germain et Brassard également en 1987 ont été les plus influents pour établir une définition des MTP aux États-Unis et dans plusieurs autres pays. L’American Professional Society on the Abuse of Children (APSAC) s’est servie de ces travaux pour identifier six aspects de la maltraitance psychologique dans son ouvrage Guidelines for the Psychosocial Evaluation of Suspected

Psychological Maltreatment in Children and Adolescence, publié en 1995 (Iwaniec, 2006).

Ces aspects sont les suivants : 1) le rejet de l’enfant; 2) l’isolement de l’enfant; 3) le terrorisme à l’égard de l’enfant; 4) l’ignorance ou l’indifférence envers l’enfant; 5) la corruption ou l’exploitation de l’enfant et 6) la négligence de la santé mentale et médicale ou de l’éducation de l’enfant. Les définitions de chacun de ces aspects peuvent être consultées à l’annexe 2 (Binggeli, Hart & Brassard, 2001). La définition proposée par l’APSAC se concentre exclusivement sur le comportement parental. Ce genre de typologie ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs en raison de l’accent mis uniquement sur le comportement parental (Iwaniec, 2006). De ce fait, Glaser et Prior (2002) proposent de définir les MTP à partir des cinq dispositions suivantes : 1) l’indisponibilité émotionnelle; l’absence de réponse et la négligence (problématiques d’omission); 2) les comportements négatifs envers l’enfant tels que le rejet, le dénigrement ou l’hostilité, qui conduisent l’enfant à penser qu’il est indigne d’amour; 3) les interactions inappropriées par rapport à la maturité de l’enfant (attentes irréalistes, surprotection, exposition à des événements traumatiques); 4) le refus de reconnaître l’enfant dans son individualité ou de respecter ses limites psychologiques (attendre de l’enfant qu’il satisfasse les besoins psychologiques du parent, ne pas reconnaître la situation difficile que vit l’enfant et lui prêter des entendements propres aux adultes); et 5) l’incapacité à soutenir l’adaptation sociale de l’enfant (mésadaptation sociale, corruption, manque de stimulation cognitive et d’expériences indispensables à sa socialisation, ainsi que la participation des enfants à des activités criminelles).

Pour leur part, Gagné et Bouchard (2000) ont identifié onze aspects des MTP, regroupés en trois grandes catégories : la violence par commission, la violence par omission et la violence indirecte. La violence par commission se définit par sept aspects ou critères : 1) le rejet ou les menaces de rejet; 2) le dénigrement; 3) le favoritisme; 4) la

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dureté, ou sévérité excessive; 5) l’intimidation, les menaces ou les gestes terrorisants; 6) l’entrave à la réalisation de soi; et 7) le contrôle abusif. Dans la deuxième catégorie, soit la violence par omission, il est question du 8) manque de réceptivité aux besoins affectifs, cognitifs et sociaux de l’enfant et de l’abandon. Enfin, la troisième catégorie, la violence indirecte, renvoie à 9) l’exposition à la violence familiale et conjugale; 10) le renversement des rôles; et 11) l’aliénation ou la corruption. Les définitions de chacun de ces critères peuvent être consultées à l’annexe 3. Dans cette étude, nous avons adopté une catégorisation semblable à celle de Gagné et Bouchard (2000) pour classifier les différentes manifestations de MTP, et dont la définition, extraite de la LPJ, alinéa c) de l’article 38, stipule :

« […] lorsque l’enfant subit, de façon grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par l’indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, de l’isolement, des menaces, de l’exploitation, entre autres si l’enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l’exposition à la violence conjugale ou familiale. »

Cette définition est celle qui est utilisée par les intervenants des services de protection de la jeunesse lors de l’évaluation des situations signalées à la DPJ. Elle tient compte des éléments identifiés dans la littérature scientifique, c’est-à-dire les actes commis par les parents ou les pourvoyeurs de soins autant par action que par omission, et la maltraitance indirecte ou l’exposition de l’enfant à la violence conjugale ou familiale (Binggeli, Hart & Brassard, 2001; Gagné & Bouchard, 2000; Gagné, Lavoie & Fortin, 2003; Garbarino, Guttman & Seeley, 1987; Garbarino, 1987; Glaser, 2002; Kairys & Johnson, 2002). Par contre, l’abandon est un aspect qui ne se trouve pas dans la définition de l’article 38 c) de la LPJ, et ce, même s’il est considéré par certains auteurs comme une forme de maltraitance psychologique par omission (Gagné, Lavoie & Fortin, 2003) particulièrement extrême (Chamberland, 2003).

Par ailleurs, les MTP sont définis par la LPJ à l’aide d’un minimum de critères acceptable. La première partie de l’article 38 c), dans l’article 38.17 et 38.28 cautionne

7 Selon cet article, la sécurité ou le développement d’un enfant peut être considéré comme compromis : a) s’il

quitte sans autorisation son propre foyer, une famille d’accueil ou une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n’est pas prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse; b) s’il est d’âge scolaire et ne fréquente pas l’école ou s’en absente fréquemment sans raison; et c) si ses parents ne s’acquittent pas des obligations de

Figure

Figure 2. Principales étapes et décisions du processus de la protection de la jeunesse
Figure 3. Cheminement possible d’un signalement à l’étape de la réception et du traitement des signalements  (RTS)
Figure 4.  Cheminement d’un signalement retenu qui fait l’objet d’une évaluation à l’étape de l’évaluation et  l’orientation (É/O)
Figure 5.   Exécution de  l’Entente  sur  les  mesures  volontaires  ou  de l’ordonnance  à  l’étape de l’application  des mesures
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