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Taux de comorbidité du traumatisme cranio-cérébral et du trouble de stress post-traumatique chez les civils et les militaires : une méta-analyse

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Academic year: 2021

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Taux de comorbidité du traumatisme cranio-cérébral et

du trouble de stress post-traumatique chez les civils et

les militaires : une méta-analyse

Mémoire doctoral

Alexandra Loignon

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

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Taux de comorbidité du traumatisme cranio-cérébral et du

trouble de stress post-traumatique chez les civils et les

militaires : une méta-analyse

Mémoire doctoral

Alexandra Loignon

Sous la direction de :

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Résumé

La fréquence et les facteurs de risque entourant le développement d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) après un traumatisme cranio-cérébral (TCC) sont méconnus. Étant davantage disposés à subir des blessures physiques et à vivre des expériences potentiellement traumatiques, les militaires pourraient être plus à risque de présenter la comorbidité TCC-TSPT. Le présent mémoire vise à documenter la fréquence du TSPT après un TCC, les mécanismes expliquant le développement de cette double condition, ses particularités symptomatologiques ainsi que les conditions la favorisant.

Une recension systématique et une méta-analyse ont été réalisées pour déterminer si les adultes ayant subi un TCC présentent plus de risque de développer un TSPT que ceux sans TCC ayant vécu une expérience similaire, et si ce risque est plus élevé chez les militaires comparativement aux civils. Un objectif secondaire vise à déterminer les facteurs augmentant les risques de présenter ce double diagnostic. Les résultats de la méta-analyse de 33 études suggèrent que le risque de TSPT est 2,68 fois plus élevé (27%) après un TCC qu’en l’absence d’une telle blessure (11%). De plus, les militaires avec un TCC présentent 4,18 fois plus de TSPT (37%) que ceux sans TCC, comparativement à 1,26 pour les civils (16%). Le risque de présenter le double diagnostic varie selon la méthodologie des études (objectifs liés au TSPT, groupe de comparaison) et les caractéristiques spécifiques des participants (pays d’origine, sexe, type d’événement traumatique).

La présence d’un TCC représente un facteur de risque pour le développement d’un TSPT, et ce, spécialement chez les militaires et les vétérans. La cooccurrence de ces deux troubles complique le portrait des patients, la charge des proches et le travail des cliniciens. Ce double diagnostic requière une collaboration interdisciplinaire étant donné la complexité du portrait des personnes ayant été soumises à un trauma autant physique que psychologique.

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Abstract

The risk of developing a posttraumatic stress disorder (PTSD) after a traumatic brain injury (TBI) and the factors that may affect the manifestation of both disorders in a same individual remain to be clarified. Military personnel (including veterans who have been active members) are at higher risk of physical injuries and exposure to potentially traumatic events and could be particularly susceptible to display the TBI-PTSD comorbidity. This dissertation aims to depict the frequency of PTSD after TBI, the mechanisms behind the development of this dual diagnosis, its symptomatic particularities and risk factors.

A systematic review and meta-analysis were conducted to determine if adults with TBI are at greater risk of developing PTSD than other trauma-exposed populations, and if this risk is even greater in military than in civilian populations. A secondary aim was to determine the factors that increase the probability to experience PTSD after TBI. Results from the 33 studies that were included in this meta-analysis suggest that the risk of developing PTSD is 2.68 times greater (27%) after TBI than when there is no such head injury (11%). Moreover, individuals with TBI are 4.18 times more likely to have a diagnosis of PTSD than those without TBI when they are in the military (37%), compared with 1.26 for civilians (16%). The risk of PTSD after TBI is concurrently attributable to the methods of the included studies (objectives focused on PTSD diagnosis, type of comparison group) and to participants’ characteristics (country, sex, type of traumatic event).

TBI diagnosis represents greater risk for PTSD, especially in military and veteran settings. The dual diagnosis of TBI and PTSD complicates the patients’ portrait, the burden of the caregivers and the clinicians’ work. The combination of these disorders requires an interdisciplinary collaboration, as physical and psychological traumas are closely intertwined.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES TABLEAUX ... VII LISTE DES FIGURES ... VIII LISTE DES ABRÉVIATIONS ... IX REMERCIEMENTS ... X AVANT-PROPOS ... XII INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1 LE TRAUMATISME CRANIO-CÉRÉBRAL ... 2 Définition, critères diagnostiques et sévérité ... 2 Fréquence du TCC chez les civils et les militaires ... 3 LE TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE ... 4 Définition et critères diagnostiques ... 4 Fréquence du TSPT chez les civils et les militaires ... 6 COOCCURRENCE DU TSPT ET DU TCC ... 8 Débat sur la coexistence des deux troubles ... 8 Mécanismes explicatifs du développement de la comorbidité ... 9 Symptômes communs et complications entourant la comorbidité ... 15 Fréquence de la comorbidité chez les civils et les militaires ... 18 Contexte de la comorbidité chez les militaires ... 21 LIMITES DE LA LITTÉRATURE ACTUELLE ... 23 OBJECTIFS ET CONTENU DU MÉMOIRE DOCTORAL ... 24 CHAPITRE I : A SYSTEMATIC REVIEW AND META-ANALYSIS ON PTSD FOLLOWING TBI AMONG MILITARY/VETERAN AND CIVILIAN POPULATIONS ... 26 RÉSUMÉ ... 27 ABSTRACT ... 28 INTRODUCTION ... 29 METHODS ... 31 Literature Search and selection criteria ... 31 Data extraction and quality assessment ... 32 Data analysis ... 32 RESULTS ... 33 Search results and studies’ characteristics ... 33 Summary of effect size data ... 34 Comparison between civilian and military samples ... 34 Other moderators ... 34

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Quality assessment and publication bias ... 35 DISCUSSION ... 35 CONCLUSION ... 40 REFERENCES ... 41 DISCUSSION GÉNÉRALE ... 64 RESUME DES PRINCIPAUX RESULTATS DE LA META-ANALYSE ... 64 Risque accru de TSPT après un TCC ... 64 Risque accru chez les militaires ... 64 Différences entre les études menées auprès des militaires et celles menées auprès des civils ... 65 Facteurs modérateurs du taux de TSPT post-TCC ... 66 Facteurs modérateurs non-significatifs ... 69 CONTRIBUTIONS THÉORIQUES ET CLINIQUES ... 73 LIMITES ET RECHERCHES FUTURES ... 75 CONCLUSION ... 78 BIBLIOGRAPHIE ... 80 ANNEXE 1 : GRILLE D’ÉVALUATION CRITIQUE DES ARTICLES ... 89

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Liste des tableaux

Introduction

Tableau 1. Critères de l’ACRM par degré de sévérité du TCC ... 3

Chapitre 1 Table 1. Inter-rater agreements for the coding of data ... 47

Table 2. Samples’ characteristics ... 48

Table 3. TBI and traumatic event characteristics for the included studies ... 49

Table 4. Methodological characteristics of the included studies ... 51

Table 1. Specific subject heading terms for database ... 59

Table 2. List of the tools and tests used in the selected studies ... 60

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Liste des figures

Introduction

Figure 1. Modèle explicatif des bases pathophysiologiques de la comorbidité TCC-TSPT….. ... 11

Figure 2. Le cercle vicieux du TSPT et du TCC….…. ... ..17

Chapitre 1 Figure 1. PRISMA study selection flow chart ... 53

Figure 2. Effect size for proportions of PTSD in groups with TBI for civilian and military/veteran samples ... 54

Figure 3. Effect size for proportions of PTSD in groups without TBI for civilian and military/veteran samples ... 55

Figure 4. Effect size for ORs of PTSD in civilian and military/veteran samples with TBI and without TBI ... 56

Figure 5. Methodological quality assessment ... 57

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Liste des abréviations

ACRM American Congress of Rehabilitation Medicine

AIS Abbreviated Injury Scale

APA American Psychological Association BTBIS Brief Traumatic Brain Injury Screen CAPS Clinician-Admnistered PTSD Scale-IV CDC Centers for Disease Control and Prevention

CI Confidence Interval

DoD Department of Defense

DSM Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

GCS Glasgow Coma Scale

IES Impact of Events Scale – Revised IRM Imagerie par résonance magnétique

ISS Injury Severity Score

MACE Military Acute Concussion Evaluation

MINI Mini International Neuropsychiatric Interview NIH National Institutes of Health

OR Odd ratio

PCL PTSD Checklist

PDS Posttraumatic Diagnostic Scale PSS-I PTSD Symptom Scale – Interview PTSD-I Posttraumatic Stress Disorder Interview

SCID Structured Clinical Interview for the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders

TCC Traumatisme cranio-cérébral TCCl Traumatisme cranio-cérébral léger TSPT Trouble de stress posttraumatique

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Remerciements

De précieuses personnes m’ont aidé à réaliser ce projet de recherche et à le mener à terme. Merci à Geneviève, ma directrice de recherche, pour m’avoir permis de vivre une expérience de recherche durant laquelle j’ai pu me sentir pilote, tout en ayant ma copilote pour me guider et me rappeler la destination à atteindre. La simplicité de nos échanges, ton expérience en recherche et en supervision ainsi que ta bienfaisance ont agis comme un baume et m’ont aidé à progresser et à me faire confiance. Je tiens également à remercier Marie-Christine Ouellet, qui, dès le début de mon doctorat, s’est montrée enthousiaste et constructive, tout en apportant une expertise essentielle au projet. Je ne peux passer sous silence l’apport généreux de Laura Thériault et de Marie-Pier Gaboury, qui m’ont aidé dans l’extraction des données et l’évaluation de la qualité des études. Merci également aux membres du jury, monsieur Simon Beaulieu-Bonneau et madame Josée Savard, de leur intérêt et du temps offert pour la correction de ce mémoire doctoral. J’ai aussi apprécié les échanges souvent sympathiques avec les auteurs d’articles potentiels de la méta-analyse du présent projet.

Un grand merci à mes collègues de laboratoire : Alenka, Andréanne, Anne-Marie, Cynthia, Flore, Leslie-Ann, Marie-Ève, Mylène et Pascale… Vous côtoyer fût un réel plaisir, que ce soit dans notre tout petit local, durant nos réunions, ou à l’un de nos soupers/soirées/potlucks de célébration. Un merci précieux à mes amies du doctorat, avec qui j’ai pu partager les petits comme les plus grands moments de ce marathon de plusieurs années. Élisabeth, Marie-Ève et Sarah-Jeanne, je suis choyée de pouvoir vous compter parmi ces amies qui restent et qui permettent d’être soi. Merci également à Laurie, Marie-Pier et Valérie (mais aussi Geneviève, Jenny-Lee et Marie-Christine), pour ces moments de bonheur partagés en votre compagnie. Merci à mon amie de longue date, Julie, pour ton soutien et ton écoute durant ces longues années d’études, à ma plus vieille amie RF, à MP et à Marie-Pier et Geneviève pour ces moments d’évasion à discuter de tout et de rien.

Maman, merci de ton soutien (émotionnel et culinaire!), de ta patience, de ta simplicité, et d’être une grand-maman aussi attentionnée. Merci à Jacques et Francine, mes beaux-parents, de vos encouragements, de votre intérêt et de votre générosité. Un merci tout spécial à mes deux amours, Julien et Louka. Julien, merci de m’avoir écouté et soutenu durant ces longues années où

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j’étais aux études. Merci d’avoir tenu bon et d’avoir mis tous ces efforts dans notre relation. Tout ce millage entre deux villes est maintenant derrière nous, et illustre la force de notre amour. Merci également de t’être embarqué dans ce projet fou, mais ô combien magique, d’avoir un bébé pendant que j’étais aux études. Mon petit Louka, merci de me rendre fière d’être ta maman à tous les jours.

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Avant-propos

Le présent document consiste en un mémoire par insertion d’article composé d’une introduction générale, d’un article rapportant les résultats d’une méta-analyse (chapitre 1) et d’une discussion générale. L’introduction et la discussion générales sont rédigées en français, alors que l’article est rédigé en anglais.

L’introduction générale porte sur le traumatisme cranio-cérébral (TCC) et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) de manière individuelle, mais également lorsqu’ils sont observés en comorbidité, et ce, autant chez les civils que chez les militaires. Elle permet de mettre en évidence le manque de précision quant aux estimations de la comorbidité TCC-TSPT ainsi que le besoin de considérer les facteurs qui l’influencent.

La méta-analyse, intitulée « A systematic review and meta-analysis on PTSD following TBI among military/veteran and civilian populations », a été acceptée à la revue Journal of Head

Trauma Rehabilitation et est présentement diffusée en ligne avant l’impression. Elle a aussi fait

l’objet d’une présentation par affiche au congrès annuel du International Society for Traumatic

Stress Studies (ISTSS) de 2018. Les auteures de la méta-analyse sont, dans l’ordre : Alexandra

Loignon (École de psychologie de l’Université Laval), Marie-Christine Ouellet (École de psychologie de l’Université Laval et Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation et intégration sociale) et Geneviève Belleville (École de psychologie de l’Université Laval). Pour cette méta-analyse, j’ai effectué la revue de littérature, la collecte de données, les analyses ainsi que la rédaction du manuscrit. Geneviève Belleville a supervisé la réalisation et la rédaction de ce projet. Elle a également assuré un deuxième avis sur les articles aux critères ambigus lors de l’étape de la sélection des études. Marie-Christine Ouellet a révisé l’anglais et a fait profiter l’équipe de son expérience unique sur le TCC. Chacune des co-auteures ont fourni des rétroactions constructives tout au long du projet.

Enfin, la troisième section comprend la discussion générale du mémoire, qui détaille les principaux résultats obtenus, les implications théoriques et cliniques du mémoire ainsi que ses limites et de nouvelles pistes de recherche dans le domaine.

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Introduction générale

Dans les années 1990, la possibilité qu’une personne présente à la fois un traumatisme cranio-cérébral (TCC) et un trouble de stress post-traumatique (TSPT) a été remise en doute dans la littérature scientifique. Plus tard, le conflit des guerres menées en Iraq et en Afghanistan entre 2001 et 2011, responsables d’une hausse du nombre de blessures physiques et psychologiques chez les militaires, a mené au constat que le TCC et le TSPT en représentaient la signature de guerre. Cette hausse des deux conditions chez les militaires de même que les différentes controverses l’entourant ont permis de porter une attention additionnelle à ce double diagnostic, bien que sa fréquence demeure peu connue.

En effet, ces controverses ont mis en évidence la méconnaissance de l’occurrence de la comorbidité TCC-TSPT et des facteurs l’influençant chez les civils et chez les militaires. Chez ces derniers, la culture valorisant la force physique et mentale peut limiter le dévoilement des difficultés psychologiques, entrainant ainsi une sous-estimation des estimés de prévalence. De plus, les deux troubles ont des symptômes qui se chevauchent et une neuropathologie commune, rendant la distinction entre les deux plus difficile. Enfin, certains chercheurs défendent l’idée que le TCC aurait un rôle protecteur dans le développement du TSPT, alors que d’autres pensent qu’il augmenterait les risques de TSPT et en compliquerait le portrait clinique.

Les estimés de prévalence de la comorbidité TCC-TSPT disponibles dans la littérature sont variables et souvent imprécis. Différents facteurs pourraient expliquer cette variabilité, tels que la population étudiée (p.ex. : civile contre militaire), la distribution des hommes et des femmes dans les échantillons, la sévérité du TCC chez les participants étudiés ou encore la méthode diagnostique employée. La variabilité des estimés de prévalence ainsi que ces différentes controverses, passées ou actuelles, justifient la pertinence d’étudier les données disponibles sur la fréquence de cette comorbidité chez les civils et chez les militaires. Le présent mémoire contient une méta-analyse réalisée afin de mieux documenter la fréquence et le risque du TSPT après un TCC ainsi que les facteurs influençant ce risque chez une population adulte. Les sections suivantes détailleront les

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deux troubles de manière individuelle ainsi que les enjeux et spécificités liés à leur cooccurrence.

Le traumatisme cranio-cérébral

Définition, critères diagnostiques et sévérité

Le traumatisme cranio-cérébral (TCC) représente une altération fonctionnelle du cerveau causée par une force externe (Menon, Schwab, Wright, Maas, & Health, 2010). L’altération fonctionnelle du cerveau est définie par l’un des signes cliniques suivants : 1) une perte de conscience, 2) une perte de mémoire pour des évènements immédiats avant (amnésie rétrograde) ou après (amnésie post-traumatique) la blessure, 3) des déficits neurologiques transitoires ou non (p. ex. : faiblesse, perte d’équilibre, changement dans la vision, dyspraxie, parésie, perte sensorielle, aphasie), 4), une altération dans l’état mental au moment de la blessure (p. ex. : confusion, désorientation), 5) une évidence de pathologie au cerveau (dommage au cerveau par confirmation visuelle, neuroradiologique, ou en laboratoire). La force externe causant le TCC peut prendre plusieurs formes : la tête peut frapper un objet, être frappée par un objet, le cerveau peut subir un mouvement d’accélération ou de décélération, être altéré par une force générée lors d’une explosion ou d’une détonation ou être pénétré par un corps étranger (Menon et al., 2010).

La sévérité du TCC est généralement classée en trois catégories : léger (TCCl), modéré et grave (American Congress of Rehabilitation Medicine [ACRM], 1993; American Psychiatric Association [APA], 2013). Le diagnostic peut être posé en analysant les blessures du cerveau à l’aide d’imagerie cérébrale et d’imagerie par résonance magnétique (IRM), par des mesures médicales ou encore, par le biais d’outils de dépistage. Par exemple, le Glasgow Coma Scale (GCS; Teasdale & Jennett, 1974) permet de mesurer la désorientation et la confusion du patient lors de l’évaluation initiale selon trois critères : l’ouverture des yeux, la réponse motrice et la réponse verbale. La durée de la perte de conscience, la durée d’amnésie post-traumatique et de l’altération de conscience peuvent aussi renseigner sur la présence et le niveau de sévérité du TCC (ACRM, 1993). Des normes ont été définies par l’ACRM (1993) pour chacun de ces indicateurs (voir

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Tableau 1), qui peuvent être auto-rapportés par le patient, un témoin ou un professionnel de la santé ou récupérés dans le dossier médical du patient. La définition, les critères diagnostiques, ainsi que les outils diagnostiques évoluent avec les années et ont une influence sur les estimés de prévalence recensés.

Tableau 1. Critères de l’ACRM par degré de sévérité du TCC

Mesure médicale TCC léger TCC modéré TCC grave

Score au GCS 13 - 15 9 - 12 3 - 8

Durée de la perte de conscience 0 – 30 min 30 min – 24 h > 24 h Durée de l’amnésie post-traumatique < 24 h 24 h – 7 jours > 7 jours

Fréquence du TCC chez les civils et les militaires

Dans la population générale, la prévalence du TCC s’élèverait à 12 %, les hommes étant 2,2 fois plus à risque que les femmes de subir un TCC (respectivement, 16,7 % contre 8,5 %) (Frost, Farrer, Primosch, & Hedges, 2013). De plus, les jeunes adultes seraient plus à risque que les plus âgés, et les causes du TCC chez les jeunes adultes sont le plus souvent liées à un accident lié au transport (Cassidy et al., 2004; Frost et al., 2013; Langlois, Rutland-Brown, & Wald, 2006; Pickett, Ardern, & Brison, 2001; Rutland-Brown, Langlois, Thomas, & Xi, 2006). Par ailleurs, d’après la méta-analyse de Frost et collaborateurs (2013), les estimés de prévalence du TCC variaient entre les études recensées non seulement en fonction des caractéristiques des échantillons (p. ex. : âge, sexe et type d’incident), mais également selon différentes caractéristiques méthodologiques (p. ex., critères d’inclusion, définitions et niveaux de sévérité du TCC).

Chez les militaires, 4,2 % des membres militaires des Forces armées des États-Unis auraient subi un TCC entre 2000 et 2011 (CDC, NIH, DoD, & VA, 2013). Les estimés de prévalence pour le TCCl varient entre 4,4 % (Rona et al., 2012) et 23 % (Terrio et al., 2009) pour le personnel militaire déployé. Dans l’étude de Rona et ses collègues (2012), la prévalence s’élevait à 9,5 % pour les militaires exposés aux combats. La cause principale

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du TCC chez les militaires déployés en Iraq et en Afghanistan serait liée à des blessures par explosion (blast-related injury) (Elder, 2015; Hoge et al., 2008; Lindquist, Love, & Elbogen, 2017). Les membres des forces régulières déployés seraient également plus touchés que ceux qui ne sont pas déployés (Agimi, Regasa, & Stout, 2018), tout comme ceux exposés aux combats relativement à ceux qui ne le sont pas (Garber, Rusu, & Zamorski, 2014; Rona et al., 2012). Dans le TCC, les blessures physiques subies à la tête peuvent se produire dans un environnement où des sentiments d’horreur et de peur intenses sont ressentis, et ce, chez les civils comme chez les militaires. Ces circonstances extrêmes augmentent par le fait même les risques de développer un TSPT.

Le trouble de stress post-traumatique

Définition et critères diagnostiques

Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) se caractérise par l’apparition de symptômes à la suite d’une exposition à au moins un évènement traumatique, tel qu’une guerre, une agression, un enlèvement, une prise en otage, une attaque terroriste ou de la torture, une incarcération en tant que prisonnier de guerre, un désastre naturel ou humain ou un accident de véhicule motorisé (APA, 2013).

D’après le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Fifth Edition (DSM-5), le premier critère du TSPT correspond à l’exposition à un évènement traumatique, qu’elle soit directe ou non (être témoin de l’évènement, apprendre que l’évènement s’est produit à un proche, ou être exposé de manière répétée ou extrême aux détails). Le deuxième critère porte sur la présence d’au moins un symptôme d’intrusion, parmi : 1) des souvenirs récurrents, involontaires et intrusifs, 2) des rêves perturbants et récurrents, 3) des réactions dissociatives durant lesquelles l’individu se sent ou agit comme si l’évènement se reproduisait, 4) une détresse intense et prolongée lors de l’exposition à des stimuli internes ou externes ou 5) une réaction physiologique marquée à des stimuli internes ou externes qui symbolisent ou ressemblent à l’évènement traumatique. Le troisième critère fait référence à l’évitement persistant de stimuli associés au trauma, soient : 1) des souvenirs, pensées ou sentiments, ou encore 2) des stimuli externes

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(personnes, endroits, conversations, activités, objets, situations), qui éveillent des souvenirs, pensées ou sentiments associés à l’évènement traumatique. Le quatrième critère correspond à la présence d’au moins deux des altérations cognitives et émotionnelles suivantes : 1) une incapacité à se rappeler d’au moins un aspect important de l’évènement traumatique, 2) des perceptions négatives, persistantes et exagérées de soi, des autres ou du monde, 3) un blâme persistant et exagéré envers soi ou envers d’autres quant aux causes ou conséquences de l’évènement traumatique, 4) un état émotif négatif envahissant (p. ex. : peur, horreur, colère, culpabilité, honte), 5) une perte d’intérêt ou une diminution marquée de la participation à des activités importantes, 6) un sentiment de détachement émotionnel ou d’éloignement des autres, ou 7) une incapacité persistante à ressentir des émotions positives (p. ex. : joie, satisfaction). Le cinquième critère porte sur la présence d’au moins deux des symptômes d’activation neurovégétative suivants : 1) une irritabilité, des crises de colère, ou de l’agression verbale/physique envers des personnes/objets, 2) des comportements imprudents ou autodestructeurs (p. ex. : consommation ou automutilation), 3) une hypervigilance, 4) une réaction de sursaut exagérée, 5) des problèmes de concentration ou 6) des problèmes de sommeil. Enfin, les trois derniers critères sont les suivants : les symptômes sont présents depuis plus d’un mois, entrainent une détresse significative ou une altération du fonctionnement et ne sont pas attribuables aux effets physiologiques d’une substance ou d’une autre condition médicale (APA, 2013). Il est également possible de spécifier s’il y a de la dissociation, tel qu’un sentiment de dépersonnalisation ou de déréalisation (APA, 2013). De plus, si tous les critères diagnostiques sont satisfaits au-delà de six mois après l’évènement traumatique, le TSPT est spécifié comme différé (apparition tardive).

Les outils principalement utilisés pour diagnostiquer ou dépister un TSPT sont des entrevues cliniques, telles que la Clinician-Admnistered PTSD Scale for DSM [CAPS] (Blake et al., 1995; Weathers et al., 2018) ou des questionnaires auto-rapportés ou administrés, comme la PTSD Checklist [PCL] (Weathers, Litz, Herman, Huska, & Keane, 1993). Tout comme pour le TCC, plusieurs facteurs, dont les critères et les outils diagnostiques du TSPT, peuvent contribuer à la variation des estimés de prévalence.

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Fréquence du TSPT chez les civils et les militaires

Une étude menée sur un échantillon représentatif de la population adulte aux États-Unis de 2953 participants civils a permis de recenser que près de 90% des participants avaient été exposés à un évènement traumatique tel que défini dans le DSM-5 et que l’exposition à plus d’un évènement était la norme (Kilpatrick et al., 2013). Parmi les personnes exposées à un ou des évènement(s) traumatique(s), 8,3% développeront un TSPT tel que défini dans le 5, et ce taux s’élevait à 9,8% en utilisant les critères du DSM-IV (Kilpatrick et al., 2013). Sur une période de 12 mois, la prévalence du TSPT est respectivement de 4,7% avec les critères du DSM-5, et de 6,3% avec ceux du DSM-IV (Kilpatrick et al., 2013). Au Canada, une enquête menée auprès de 2991 adultes entre juillet et août 2002 recensait que la prévalence à vie du TSPT atteignait 9,2 % selon les critères du DSM-IV (Van Ameringen, Mancini, Patterson, & Boyle, 2008).

Tout comme pour le TCC, les estimés de prévalence du TSPT varient selon les caractéristiques méthodologiques des études et celles de la population étudiée. Au cours de leur vie, les femmes seraient plus à risque que les hommes de développer un TSPT, tel que défini par les critères du DSM-IV (13 % contre 6 %) et du DSM-5 (11% contre 5%) (Breslau, 2009; Kilpatrick et al., 2013). Concernant l’âge, les résultats sont très hétérogènes d’une étude à l’autre et il est difficile d’en tirer une conclusion claire (Blanco, 2011). Toutefois, d’après une étude réalisée sur 6548 personnes âgées de 13 à 80 ans, la prévalence du TSPT serait plus élevée chez les hommes âgés de 41 à 45 ans (18,3%) et chez les femmes âgées de 51 à 55 ans (43,0%) (Ditlevsen et Elklit, 2010). De plus, une récente étude menée sur 287 patients ayant vécu un accident de véhicule motorisé a permis d’identifier que les femmes âgées de 35 à 44 ans présentaient des symptômes de TSPT plus sévères que celles plus jeunes ou plus âgées un an après l’accident, alors que la sévérité du TSPT n’était pas associée à l’âge chez les hommes (Kobayashi, Sledjeski et Delahanty, 2019). La prévalence à vie du TSPT serait également plus élevée chez les personnes ayant été exposées directement à des actes de violence interpersonnelle, tels qu’une agression sexuelle ou physique (7,3%) ou des combats (3,8%), que chez celles ayant été impliquées dans un accident (0,9%) ou un désastre (0,4%), par exemple (Kilpatrick et al., 2013).

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D’ailleurs, le développement d’un TSPT à la suite d’agressions violentes serait plus courant chez les femmes (35,7 %) que chez les hommes (6 %) (Breslau, 2009). Le fait d’être séparé, divorcé ou veuf augmenterait également les risques de développer un TSPT (Van Ameringen et al., 2008). D’un point de vue méthodologique, l’utilisation de mesures auto-rapportées serait associée à des estimés de prévalence significativement plus élevés que lors de l’utilisation d’entrevues structurées (Bahraini et al., 2014; Sbordone & Ruff, 2010).

Chez les militaires, une méta-analyse de 33 études publiées entre 2007 et 2013 sur des vétérans majoritairement à la recherche de soins de santé a estimé la prévalence à 23 % (Fulton et al., 2015). Par ailleurs, les résultats de cette méta-analyse ont illustré que, plus le taux de participants caucasiens était grand dans les études, plus l’estimé de prévalence du TSPT diminuait et que les études plus récentes rapportaient un estimé de prévalence plus élevé (Fulton et al., 2015). Une enquête menée auprès de 6700 membres de la Force régulière et réserviste des Forces Canadiennes déployés en Afghanistan a estimé les prévalences à vie et sur 12 mois du TSPT (de 2001 à 2011) à 11,1 % et 5,3% respectivement selon les critères du DSM-IV (Pearson, Zamorski, & Janz, 2014). Les militaires déployés seraient d’ailleurs plus à risque de développer un TSPT que ceux qui ne sont pas déployés (Vasterling et al., 2010).

Une méta-analyse considérant une variété de facteurs de risque du TSPT a permis de relever une hétérogénéité entre les études sur les populations civiles et militaires (Brewin, Andrews, & Valentine, 2000). En effet, le fait d’être une femme était un facteur de risque moins important chez les militaires que chez les civils, alors que le fait d’être d’un jeune âge, de faire partie d’une minorité ethnique, d’avoir vécu d’autres expériences adverses à l’enfance, le manque d’éducation, le manque de soutien social et la sévérité du trauma représentaient tous des facteurs significativement plus importants chez les militaires que chez les civils (Brewin et al., 2000). Toutefois, dans cette méta-analyse, les études recensées étaient réalisées entre 1980 et 2000 et certains facteurs étaient rapportés dans un nombre limité d’études (p. ex. : deux études portant sur des militaires pour le facteur de risque « sexe »).

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Le TSPT se développe après un « trauma psychologique » (évènement traumatique) et peut être accompagné ou non d’un trauma physique (à la tête ou ailleurs). Dans le cas du TCC, il nécessite toujours la présence d’un trauma physique à la tête. Le TCC et le TSPT découlent ainsi tous deux de traumas et peuvent être observés chez une même personne, complexifiant le vécu du patient et le travail des professionnels. En effet, certains symptômes du TCC et du TSPT se recoupent et deviennent difficiles à distinguer alors que d’autres paraissent incompatibles. Par exemple, les symptômes de fatigue, d’irritabilité, et les difficultés de sommeil, de concentration, d’attention et de mémoire peuvent faire partie du portrait des deux troubles. D’un autre côté, la possibilité de présenter les symptômes d’intrusion du TSPT (p.ex. : cauchemars ou souvenirs envahissants de l’évènement) a été questionnée en présence d’une perte de conscience lors de l’évènement traumatique et d’une amnésie post-traumatique résultant du TCC. Ces particularités seront abordées dans la section suivante.

Cooccurrence du TSPT et du TCC

Débat sur la coexistence des deux troubles

La possibilité que le TCC et le TSPT soient présents chez un même individu a déjà fait l’objet d’une controverse (Harvey, Brewin, Jones, & Kopelman, 2003). En effet, certains auteurs (p. ex. : Sbordone & Liter, 1995) ont argumenté qu’il était impossible pour les individus avec un TCC de présenter un TSPT. Selon Sbordone et Liter (1995), les pertes de conscience après un TCC limiteraient la prise de conscience de la nature traumatique de l’évènement ainsi que les sentiments de peur, d’horreur et de désespoir et protégeraient ainsi contre le développement subséquent d’un TSPT. Deux études ont par ailleurs démontré qu’un faible souvenir ou qu’une amnésie post-traumatique après un TCCl est associée à un risque plus faible de présenter un TSPT (Bryant et al., 2009; Gil, Caspi, Ben-Ari, Koren, & Klein, 2005). De plus, Koenigs et ses collègues (2008) ont conclu à l’aide de tomodensitométrie que l’incidence de TSPT était moins élevée chez les vétérans ayant souffert de dommages aux aires cérébrales impliquées dans le TSPT (cortex préfrontal ventro-médian ou aire temporale antérieure incluant l’amygdale), suggérant un rôle causal de ces aires dans le développement du TSPT (contrairement à la possibilité que le TSPT

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soit responsable du dérèglement de ces aires).

À l’inverse de l’hypothèse du rôle potentiellement protecteur du TCC dans le développement du TSPT, certaines études suggèrent que, comparativement à d’autres blessures corporelles, le TCC entrainerait des risques additionnels de développer un TSPT (p. ex. : Bryant et al., 2010; Hoge et al., 2008; Kennedy et al., 2007; Schneiderman, Braver, & Kang, 2008; Vanderploeg, Belanger, & Curtiss, 2009). D’ailleurs, dans une récente enquête prospective et longitudinale auprès de 4645 militaires américains, le risque de développer un TSPT devenait plus élevé avec la durée de la perte de conscience du TCC (Stein et al., 2015). Cette fréquence plus élevée de TSPT chez les personnes ayant subi un TCC, comparativement à chez celles qui n’ont pas une telle blessure, s’expliquerait par le fait qu’une atteinte au cortex préfrontal les rendrait plus vulnérables au stress et aux émotions négatives, les circuits du cortex frontal, associés à la régulation des émotions, s’en retrouvant compromis (p. ex. : Bryant et al., 2010).

Bien que les hypothèses neurobiologiques avancées ci-dessus s’opposent l’une à l’autre, il importe de noter qu’il existe de grandes différences cliniques et méthodologiques entre les études préalablement citées. Par exemple, pour l’étude de Koenigs et collaborateurs (2008), les participants étaient des vétérans de la Guerre du Vietnam ayant subi un TCC avec plaies pénétrantes, alors que ceux de Bryant et ses collègues (2010) représentaient des civils avec un TCCl. Il est possible qu’une explication réside dans la différence entre le degré de sévérité du TCC et la spécificité des atteintes neurobiologiques. D’ailleurs, ce débat a permis aux chercheurs de se pencher sur les mécanismes pouvant expliquer le développement du TSPT chez des patients ayant subi un TCC plus sévère et malgré une perte de conscience et une amnésie post-traumatique importantes. De plus, il a permis de se questionner sur le potentiel impact modérateur de la sévérité du TCC dans le développement d’un TSPT. La section qui suit détaille les différentes hypothèses de mécanismes par lesquels le TSPT pourrait se développer, nonobstant une incapacité complète à se souvenir de l’évènement traumatique.

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les bases pathophysiologiques de la comorbidité TCC-TSPT a permis l’introduction d’un modèle sur les mécanismes spécifiques et uniques à la comorbidité (voir Figure 1). Les auteurs ont démontré que le TCC et le TSPT sont deux troubles résultant de mécanismes pathophysiologiques qui affectent des circuits neuronaux communs. Dans leur modèle, les auteurs expliquent qu’un TCC est une série d’évènements se produisant dans le cerveau. Cette série d’évènements débute par des blessures primaires induites par une force externe résultant directement du trauma (p.ex. : un impact, un mouvement rapide d’accélération et de décélération du cerveau). Ces blessures primaires produisent des dommages au cerveau (contusions et lacérations corticales et sous-corticales, hémorragies dans la substance blanche, saignement intracrânien, œdèmes, perturbations dans la barrière hémato-encéphalique, etc.) qui entrainent ensuite des blessures secondaires. Ces blessures secondaires se retrouvent sous la forme de processus variés (p.ex. : métaboliques, neuroinflammatoires, cellulaires, oxydatifs) et sont associés à des mécanismes neuropathologiques tels que la neuroinflammation, l’excitotoxicité et le stress oxydatif (voir Figure 1 pour la définition de ces mécanismes). Le fait de vivre un stress très intense, aigu ou prolongé, tel que c’est le cas dans le TSPT, entraine également de la neuroinflammation, de l’excitotoxicité et du stress oxydatif. Ces mécanismes neuropathologiques induisent par ailleurs des changements neuronaux tels que la neurodégénérescence, la plasticité synaptique ou la mort neuronale dans différentes régions cérébrales et circuits neuronaux. Cela se traduit par des anomalies asymétriques dans les voies de la substance blanche du cerveau et des changements dans la substance grise de plusieurs régions du cerveau, dont le cortex préfrontal, l’hippocampe et l’amygdale basolatérale (Kaplan et al., 2018). Ces altérations communes peuvent expliquer les symptômes caractéristiques et les changements comportementaux des patients qui présentent la comorbidité, en affectant, entre autres, les fonctions exécutives, la mémoire, l’attention et la réponse de peur (Kaplan et al., 2018). Cette théorie neurobiologique explique non seulement comment le risque de TPST peut être augmenté après un TCC, mais sa composante biologique suggère également que le TSPT peut se développer peu importe la présence ou non d’une amnésie de l’évènement traumatique. Ainsi, selon ce modèle, même si une personne ayant subi un TCC ne se souvient pas de l’évènement traumatique, une cascade de changements dans son cerveau pourrait la mener à développer

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un TSPT.

Figure 1. Modèle explicatif des bases pathophysiologiques de la comorbidité TCC-TSPT, traduit de

Kaplan et collègues (2018), p.215

Des mécanismes plus spécifiques tels que le conditionnement de la peur, la reconstruction des souvenirs ainsi que la résolution de l’amnésie post-traumatique (Bryant, 2011; King, 2008; McMillan, Williams, & Bryant, 2003) s’intègrent bien à ce récent modèle explicatif et permettent de mieux comprendre comment un TSPT peut se

Blessure primaire au cerveau

Contusions, hémorragies, saignements intracrâniens, élargissement de l’espace vasculaire, œdème, perturbation de la barrière hémato-encéphalique

Blessure secondaire

Changements métaboliques, ischémiques, neuroinflammatoires, cellulaires ou moléculaires

Trauma psychologique ou

émotionnel et stress

Neuroinflammation

Augmentation de la prolifération microgliale, le

système interleukine pro-inflammatoire et l’activation

des microglies réactives

Neurodégénérescence, remodelage dendritique, changements dans la plasticité synaptique, lésion axonale, lésion et mort neuronales

Perturbation du connectome englobant les régions du cortex préfrontal, de l’hippocampe et de l’amygdale

Détérioration des circuits neuronaux liés aux comportements, cognitions et émotions

Excitotoxicité

Augmentation du glutamate extracellulaire, du Ca2+ intracellulaire et changements dans l’expression des récepteurs à Glutamate

Stress oxydatif

Production d’espèces réactives à l’oxygène, augmentation de l’oxyde nitrique et épuisement du système antioxydant

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développer même si une personne ne présente aucun souvenir conscient de son accident. Ces mécanismes seront décrits dans les lignes qui suivent.

Le conditionnement de la peur. Puisant ses origines du conditionnement classique introduit par Pavlov dans les années 1920, le modèle de conditionnement de la peur est bien reconnu pour expliquer le développement d’un TSPT après un évènement traumatique (Careaga, Girardi, & Suchecki, 2016; Charney, Deutch, Krystal, Southwick, & Davis, 1993; Maeng & Milad, 2017). Par le biais de ce mécanisme, la personne exposée à un évènement traumatique qui développe un TSPT présente de vives réactions de peur lorsqu’elle est en contact avec des éléments lui rappelant l’évènement. Ces éléments, objectivement neutres ou inoffensifs et qui n’étaient probablement pas perçus comme dangereux pour cette personne avant l’évènement, le sont devenus par conditionnement. Lors d’un évènement traumatique, l’activation intense du système nerveux sympathique entraine la libération d’hormones de stress et peut amener une surconsolidation des souvenirs traumatiques (Bryant, 2011). Pour une personne qui développe un TSPT à la suite d’un tel évènement, la réponse de peur conditionnée se produit en raison d’une hyperactivation de l’amygdale et de déficits au niveau du cortex préfontal (Kaplan et al., 2018; Mahan & Ressler, 2012).

Le conditionnement se produit normalement lorsque la personne est consciente de l’évènement traumatique et qu’elle peut encoder la contingence entre un stimulus et la conséquence (Bryant, 2011; Lovibond & Shanks, 2002; Weidemann, Satkunarajah, & Lovibond, 2016). Selon cette affirmation, le conditionnement de la peur pourrait être plus plausible pour les personnes qui n’ont pas expérimenté de perte de conscience ou qui présentent un TCCl. Toutefois, dans le cas d’un TCC grave, bien que la perte de conscience soit de plus de 24 heures (ACRM, 1993), le moment de la perte de conscience peut varier et la personne pourrait quand même avoir été consciente lors d’une partie du déroulement de l’évènement traumatique. Il est également possible que la combinaison de symptômes composant le TSPT diffère selon le niveau de sévérité du TCC. À cet effet, une étude a montré que sur 96 patients avec un TCC grave, 26 (27%) avaient développé un TSPT, mais que seulement cinq d’entre eux présentaient des souvenirs intrusifs (Bryant, Marosszeky,

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Crooks, & Gurka, 2000). À l’aide d’un devis prospectif et longitudinal, Glenn et ses collaborateurs (2017) ont vérifié l’effet potentiel d’un TCC sur l’acquisition et l’extinction de la peur et le possible impact médiateur du conditionnement de la peur entre le TCC et l’augmentation des symptômes de TSPT. Dans cette étude, 852 participants ont pris part à une tâche composée d’une phase de conditionnement et d’une phase d’extinction de la peur à l’aide d’images géométriques colorées qui servaient de stimuli conditionnels. Les participants étaient invités à répondre en appuyant sur une touche de clavier d’ordinateur après chaque image pour indiquer s’ils s’attendaient à recevoir un jet d’air (stimulus inconditionnel), à ne pas en recevoir ou s’ils n’étaient pas certains d’en recevoir un. La réaction de sursaut était enregistrée à l’aide d’un électromyogramme et un questionnaire auto-rapporté sur l’anxiété ressentie à la présentation des stimuli était également administré après la tâche. Les auteurs ont montré que les militaires avec des TCC multiples présentaient une réaction de sursaut plus importante pendant la phase d’extinction et rapportaient plus d’anxiété à la présentation du stimulus de peur que ceux qui n’avaient pas subi de TCC durant le déploiement. De plus, ils ont trouvé que le conditionnement de la peur contribuait à une hausse des symptômes de TSPT post-déploiement seulement en contexte d’exposition récente à un TCC. D’après ces résultats, les auteurs suggèrent que : 1) le TCC est associé à des altérations à tout le moins temporaires des processus d’acquisition et d’extinction de la peur, 2) le fait d’expérimenter de multiples TCC sur une période de deux ou trois ans peut exacerber le conditionnement de la peur et 3) une réaction de peur apprise élevée contribue aux risques de présenter un TSPT après un TCC (Glenn et al., 2017). Ainsi, le fait de présenter un TCC pourrait augmenter les risques de TSPT par le biais du conditionnement de la peur (Bryant, 2011; Glenn et al., 2017).

La reconstruction des souvenirs. Les personnes qui subissent un TCC pourraient également développer un TSPT en reconstruisant des pseudo-souvenirs de l’évènement traumatique (Bryant, 2011; Bryant, 1996). En effet, même si elles n’ont aucun souvenir de l’évènement, les personnes peuvent avoir entendu l’histoire de l’accident, se l’imaginer en constatant les conséquences ou leurs blessures ou encore avoir vu des photos ou des vidéos dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Ces indices peuvent alors se manifester sous forme de symptômes intrusifs à un moment ou à un autre après l’évènement traumatique.

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Par exemple, Bryant (1996) a décrit le cas d’un patient avec un TCC grave qui, douze mois après un violent accident de voiture, a commencé à avoir des intrusions sous la forme d’une image de sa voiture accidentée qu’il avait auparavant vue dans le journal. En ajout à cette image, le patient se voyait ensanglanté à l’intérieur de sa voiture. D’après Bryant (1996), le patient n’évaluait pas cette imagerie comme un souvenir réel, mais plus comme le résultat d’inquiétudes en lien avec l’accident. Ces intrusions auraient par ailleurs évolué et le patient, anxieux depuis l’accident de la sécurité de ses enfants s’il avait à conduire à nouveau, aurait par la suite eu des images intrusives de ses enfants morts dans son véhicule accidenté. Il importe toutefois de noter que cette étude de cas ne permettait pas d’exclure la possibilité que le patient présente un autre trouble en comorbidité, tel que le trouble obsessionnel-compulsif ou le trouble d’anxiété généralisée, dont les symptômes peuvent également se manifester sous forme d’images intrusives (APA, 2013). En contrepartie, Bryant et Harvey (1998) ont étudié les souvenirs intrusifs de patients ayant été impliqués dans un accident de voiture et ont conclu qu’une différence entre les participants avec un TSPT avec ou sans amnésie du trauma résultait dans la forme que prenaient les symptômes d’intrusion. En effet, les souvenirs ou images des participants qui avaient vécu une amnésie post-traumatique prenaient une forme plus stationnaire et moins dynamique. Ces résultats suggèrent que les patients présentant une amnésie post-traumatique de l’évènement peuvent bel et bien développer des symptômes intrusifs de TSPT et des souvenirs, bien que ceux-ci puissent se présenter sous une forme plus particulière et évoluer avec le temps.

La résolution de l’amnésie post-traumatique. Les symptômes d’intrusions du TSPT peuvent également représenter des parties de souvenirs réels pouvant se créer entre les périodes d’amnésie (King, 1997; McMillan et al., 2003), appelés « ilots mnémoniques » (en anglais islands of memory), phénomène pouvant être observé après un TCC. Par exemple, dans l’étude de cas de King (1997), après avoir été heurté par une voiture en tant que piéton, un patient de 21 ans avait subi une perte de conscience de quelques minutes et une amnésie post-traumatique de 2 jours et demi. Interrogé neuf jours après son accident, le seul souvenir de l’évènement que le patient rapporta était de se voir étendu par terre en train de regarder la voiture qui l’avait heurté faire demi-tour. Selon King (1997), ce fait était bel et bien réel, bien que le patient avait eu la perception erronée que la voiture revenait pour le

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tuer alors que dans les faits, le conducteur était revenu pour l’aider. King (1997) explique que de telles circonstances traumatiques entrainent une forte activation du système nerveux juste après l’impact, facilitant ainsi l’encodage d’un tel souvenir en mémoire. Le patient aurait développé un TSPT quatre mois après l’évènement avec des souvenirs intrusifs (images, pensées et cauchemars) de cet ilot mnémonique. L’étude de McMillan (1996) qui porte sur 10 cas de patients présentant un TSPT après un TCC de tous les niveaux de sévérité fait également mention de ce type de phénomène.

Les symptômes composant le TSPT après un TCC, surtout les intrusions, peuvent donc se manifester différemment de ceux rapportés par des personnes sans TCC, mais également en fonction du niveau de sévérité du TCC. Les mécanismes décrits ci-dessus illustrent bien comment une personne ayant subi un TCC, même en présence d’une amnésie complète de l’évènement, peut développer un TSPT. Ces modèles continuent d’ailleurs de se préciser avec la recherche menée sur le sujet. Il reste toutefois à clarifier si la sévérité du TCC (perte de conscience et amnésie) a un impact sur le risque de développer un TSPT ou non. Quoi qu’il en soit, la présentation singulière des symptômes du TSPT dans le contexte d’un TCC et les symptômes qui se chevauchent entre les deux troubles compliquent le travail des cliniciens et le pronostic des patients.

Symptômes communs et complications entourant la comorbidité

Il peut être difficile de distinguer le TCCl du TSPT – et vice versa – en raison du chevauchement entre les symptômes des deux troubles (Elder, Mitsis, Ahlers, & Cristian, 2010; Kennedy et al., 2007). En ce qui concerne les pertes de mémoire, les symptômes de dissociation pendant ou après l’évènement traumatique peuvent être présents dans le TSPT et limiter le rappel de l’évènement, et ces difficultés de rappel peuvent parfois être confondues avec certains critères du TCC, tel que celui de la perte de conscience (Sbordone & Ruff, 2010). Également, plusieurs symptômes cognitifs et affectifs post-commotionnels du TCC (difficultés d’attention, de mémoire, de sommeil, de retrait social) se retrouvent également dans les critères diagnostiques du TSPT, rendant difficile la distinction entre les deux troubles (Kennedy et al., 2007). Enfin, les deux troubles auraient une neuropathologie commune, telle que décrite ci-dessus (Kaplan et al., 2018; Kennedy et al., 2007; Vasterling,

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Verfaellie, & Sullivan, 2009), ce qui peut compliquer le diagnostic différentiel et l’interprétation de symptômes qui se chevauchent.

Ces ressemblances entre les deux troubles peuvent occasionner des difficultés à les distinguer l’un de l’autre, et donc affecter l’orientation des patients vers un traitement adapté (Elder, 2015; Elder et al., 2010; Hoge, Goldberg, & Castro, 2009). L’évaluation de la comorbidité sera susceptible d’être plus couteuse en terme de temps et de ressources, autant chez les professionnels (p. ex. : formations, temps alloué par patient, utilisation de technologies médicales) que chez les patients (p. ex. : déplacement entre différentes ressources, temps et coût des traitements psychologiques et pharmacologiques). D’après une étude auprès de 40 membres d’équipes traitantes de vétérans avec un TCCl et un TSPT (principalement des psychologues et neuropsychologues), les deux conditions en comorbidité interféreraient avec les traitements traditionnellement prescrits pour les deux troubles séparément (Sayer et al., 2009). Dans cette étude, des défis tels que la coordination des services de part et d’autre ou la façon d’ajuster les traitements usuels à la réalité de ces patients ont été soulevés par les professionnels (Sayer et al., 2009). Plus spécifiquement, ces professionnels rapportaient de hauts taux d’absence chez les patients, un manque de coordination entre les différentes cliniques (spécialisées en TCC ou en TSPT) concernant les rendez-vous et la médication, des barrières logistiques pour accéder au traitement (p. ex. : temps, argent, déplacement), un manque de procédures à suivre pour traiter les deux troubles, un besoin de plus d’attention, de temps et de répétition pour compléter les devoirs dans le traitement du TSPT et plusieurs autres difficultés spécifiques à ces patients (Sayer et al., 2009).

En plus de rendre le diagnostic et l’orientation des patients plus ardus, la cooccurrence du TCC et du TSPT potentialiserait les symptômes des deux troubles pris séparément. En effet, les individus avec la comorbidité présenteraient des symptômes de TSPT plus sévères que ceux qui ont un TSPT sans TCC (Barnes, Walter, & Chard, 2012; Ragsdale, Neer, Beidel, Frueh, & Stout, 2013). De même, la présence d’un TCC peut compliquer ou prolonger la rémission du TSPT (Vanderploeg et al., 2009). Des études ont également montré que la comorbidité entrainerait des symptômes post-commotionnels plus sévères (p.ex. : problèmes de sommeil, irritabilité, fatigue, maux de tête) que les deux

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conditions séparément (Brenner et al., 2010; Schneiderman et al., 2008). À partir d’une revue de la littérature sur le sujet, King (2008) a illustré l’exacerbation des symptômes du TSPT sur ceux du TCC et vice versa à l’aide du cercle vicieux traduit et présenté à la Figure 2.

Figure 2. Le cercle vicieux du TSPT et du TCC, traduit de King (2008), p.3

D’après le modèle de King (2008), le TSPT entraine de l’anxiété et du stress, ainsi que des difficultés de sommeil et de la fatigue, pouvant ainsi contribuer à empirer les symptômes du TSPT. L’anxiété et les problèmes de sommeil découlant du TSPT accentuent également les déficits neuropsychologiques et post-commotionnels du TCC. Conséquemment, les capacités du patient à composer avec les déficits neuropsychologiques à cause du TSPT et à s’adapter aux symptômes de TSPT à cause des déficits causés par le TCC s’en retrouvent diminuées. L’interaction entre ces deux troubles peut facilement être exacerbée de part et d’autre (Bryant, O'Donnell, Creamer, McFarlane, & Silove, 2013; King, 2003; McGrath, 1997). Le niveau de stress et de fatigue augmente donc continuellement pouvant ainsi aggraver les symptômes de TSPT (King, 2008). La difficulté à évaluer ce double diagnostic ainsi que la potentialisation des symptômes justifient l’importance d’étudier sa fréquence et l’influence de facteurs modérateurs sur celle-ci, tels que la population étudiée (civile ou militaire).

Les civils et les militaires présentent des caractéristiques distinctes qui affectent les taux de TSPT et de TCC pris séparément, et cela suggère que ces caractéristiques affecteront possiblement également la fréquence de la comorbidité. La section qui suit aborde en premier lieu la fréquence de la comorbidité dans la littérature actuelle chez les civils puis chez les militaires, ainsi que les autres facteurs pouvant la faire varier. Par la

TSPT á anxiété + â sommeil á déficits cognitifs ou post-commotionnels

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suite, différents aspects propres au contexte militaire et pouvant justifier l’hypothèse d’un risque accru de la fréquence de cette comorbidité chez ces individus, comparativement aux civils, seront exposés.

Fréquence de la comorbidité chez les civils et les militaires

Les revues de Bahraini et collaborateurs (2014) et de Carlson et ses collègues (2011) ont porté sur la cooccurrence du TCC et du TSPT et permettent de recenser l’état de la littérature sur le sujet. D’abord, celle de Bahraini et collaborateurs (2014) visait à réviser la littérature sur la cooccurrence publiée après les attentats du 11 septembre 2001. Elle traite de l’épidémiologie de la comorbidité, des corrélats neurobiologiques et neuropsychologiques associés aux deux conditions, des problématiques associées au diagnostic différentiel et à l’évaluation diagnostique et des traitements pharmacologiques et psychologiques disponibles. Il est à noter toutefois que dans cette revue qui recense la fréquence de la comorbidité à partir de 17 études sur des populations de civils et de 18 études sur des militaires, aucune démarche systématique ni méthode n’est décrite. La revue systématique de Carlson et ses collègues (2011), quant à elle, portait sur 34 études rédigées en anglais et publiées entre 1980 et 2009, dont 10 qui impliquaient du personnel militaire et des vétérans. Cette revue avait comme visée d’estimer la prévalence de la comorbidité TCC-TSPT, de vérifier comment la prévalence varie selon différentes variables (dont la sévérité du TCC) et de documenter les outils diagnostiques et les thérapies disponibles pour traiter la comorbidité. Ces deux revues seront discutées à nouveau dans les prochaines sections pour estimer l’ampleur de la problématique TCC-TSPT chez les civils et chez les militaires.

Dans la population générale civile, la fréquence du TSPT semble plus élevée chez les patients ayant subi un TCC que chez ceux exposés à un trauma physique et psychologique similaire mais qui ne présentent pas de TCC. Dans leur étude prospective menée auprès de 1084 patients, Bryant et ses collègues (2010) ont trouvé que trois mois après leur blessure, 12,7 % des patients avec un TCCl présentaient également un TSPT, contre 7,6 % chez ceux sans TCC. Bryant et al. (2010) ont conclu que les patients avaient un risque relatif de 1,92 de développer un TSPT s’ils présentaient déjà un TCCl, mais que

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le fonctionnement physique (p.ex. : douleur, activités de la vie quotidienne), psychologique (p.ex. : humeur, estime de soi, concentration), social (p.ex. : soutien social) et environnemental (p.ex. : ressources financières) était davantage associé au développement de troubles psychiatriques qu’à la présence d’un TCCl elle-même. Whelan-Goodinson, Ponsford, Johnston & Grant (2009) ont évalué rétrospectivement que 14 des 100 patients ayant subi un TCC majoritairement modérés et graves sur une période de temps post-blessure variable (0,5 an à 5,5 années) présentaient également un TSPT. Ces deux études ont relevé des fréquences de TSPT similaires (12,7 % et 14 %), et ce, malgré les différences aux plans méthodologiques et diagnostiques et dans les niveaux de sévérité du TCC inclus. En effet, dans l’étude de Bryant et ses collaborateurs (2010), le TCCl était dépisté à l’aide du GCS (Teasdale & Jennett, 1974), alors que le TSPT était diagnostiqué à l’aide de la CAPS (Blake et al., 1995) et du Mini International Neuropsychiatric Interview [MINI], (Sheehan et al., 1998). Concernant l’étude de Whelan-Goodinson et ses collaborateurs (2009), celle-ci n’incluait pas de groupe de comparaison et utilisait la période d’amnésie post-traumatique (ACRM, 1993) et le GCS (Teasdale & Jennett, 1974) pour dépister le TCC et l’entrevue structurée « Structured Clinical Interview for DSM [SCID] » (First, Spitzer, Gibbon, & Williams, 1997) pour le TSPT. Tel que relevé dans la revue de littérature de Bahraini et ses collègues (2014), la fréquence du TSPT dans les études auprès de civils varierait entre 12 et 30 % pour les TCCl, entre 15 % et 27 % pour les TCC modérés, et entre 3 et 23 % pour les TCC graves. Ces étendues chez les civils pourraient être davantage précisées en utilisant des analyses statistiques permettant de tester les différentes variables pouvant influencer la fréquence du TSPT après un TCC (p.ex. : la sévérité du TCC).

Concernant la population militaire, les rapports de comorbidité TCC-TSPT varient largement, soit entre 12 et 89 % (Bahraini et al., 2014). Contrairement aux étendues disponibles par niveau de sévérité du TCC pour les études sur des échantillons de civils recensées par Bahraini et ses collaborateurs (2014), cette étendue est peu précise et ne permet pas de connaître l’ampleur de la problématique chez les militaires. En effet, les auteurs de cette revue ne semblent pas avoir pu rapporter les étendues de prévalence par niveau de sévérité du TCC, probablement parce que les études recensées par catégorie

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étaient limitées (p. ex. : une étude sur les TCC modérés, une sur les TCC graves). Quant à la revue systématique de Carlson et ses collaborateurs (2011), il n’a pas été possible de comparer quantitativement la fréquence de la comorbidité entre les études sur des militaires et celles sur des civils (peu importe le niveau de sévérité du TCC), entre autres parce que la méthode d’évaluation entre les deux populations différait trop. En effet, les études militaires utilisaient des mesures auto-rapportées pour évaluer le TCC et le TSPT, alors que celles sur les civils utilisaient des entrevues structurées pour évaluer le TSPT chez des patients traités pour un TCC en milieu hospitalier ou clinique. Carlson et ses collaborateurs (2011) n’ont par ailleurs pas conclu qu’il y avait de différence entre les deux étendues des études majoritairement constituées de patients militaires avec un TCC (32 % à 66 %) et celles de patients non-militaires (14 % à 56 %), comme aucune vérification statistique n’a été effectuée. En somme, des différences semblent exister entre les populations civiles et les populations militaires concernant la fréquence du TSPT après un TCC, et l’étude de facteurs potentiellement en cause pour expliquer ces variations est de mise.

Comme observé, il existe une grande variabilité dans les estimés de prévalence de la comorbidité TCC-TSPT. À cet effet, il est possible que cette variabilité s’explique par différents facteurs, dont le type de blessure (p. ex. : par explosion ou par accident de véhicule motorisé), le niveau de sévérité du TCC ou les outils diagnostiques utilisés. D’ailleurs, comme indiqué ci-dessus, les estimés de prévalence du TCC et du TSPT variaient déjà largement lorsqu’étudiés individuellement selon la sous-population étudiée (p. ex. : âge et sexe de la personne, type de trauma). Il serait donc plausible que de tels facteurs aient également un impact modérateur sur l’occurrence des deux troubles en comorbidité. Les revues de Bahraini et al. (2014) et de Carlson et al. (2011) ont relevé de larges estimés de prévalence de la comorbidité, mais elles ont également permis d’identifier de potentiels modérateurs du taux de TSPT-TCC chez les civils et les militaires.

D’après la revue de littérature réalisée par Bahraini et ses collègues (2014), la fréquence du TSPT parmi les différents niveaux de sévérité du TCC varierait grandement en fonction des objectifs de l’étude (p. ex. : établir la prévalence en tant qu’objectif principal), la taille de l’échantillon, la sous-population étudiée (militaire contre civile), la méthode pour diagnostiquer le TCC et le TSPT et les méthodologies employées. Carlson et

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ses collègues (2011) ont également trouvé que la taille de l’échantillon et des objectifs des études recensées faisaient varier le taux de comorbidité TCC-TSPT, toutefois, aucune analyse quantitative ne permet de préciser l’ampleur de l’effet des études individuelles et ni l’impact statistique de ces variables sur la fréquence de la comorbidité.

Concernant les méthodes utilisées pour diagnostiquer le TSPT et le TCC, Sbordone et Ruff (2010) ont revu la méthodologie d’études auprès de civils avec un TCC et ont trouvé que celles qui utilisaient des entrevues cliniques pour diagnostiquer le TSPT ne relevaient que très peu de cas de TSPT, alors que celles utilisant des questionnaires en relevaient un nombre considérable. Une analyse plus approfondie de ces études a révélé qu’une grande proportion des patients qui satisfaisaient les critères diagnostiques du TSPT à l’aide de questionnaires auto-rapportés ne les satisfaisaient plus après avoir participé à une entrevue clinique (Sbordone & Ruff, 2010). Notamment, ceux avec un TCC grave avaient souvent été diagnostiqués avec un TSPT par erreur, possiblement parce que leurs difficultés cognitives avaient pu limiter leur compréhension des questionnaires et faire en sorte qu’ils endossent des symptômes de TSPT qu’ils n’expérimentaient pas (Sbordone & Ruff, 2010). Dans la revue systématique de Carlson et al. (2011), les études utilisant des entrevues (3 % à 70 %) pour évaluer le TSPT ne différaient pas des études utilisant des mesures auto-rapportées (5 % à 60 %) sur le plan de la fréquence de la comorbidité.

Plusieurs facteurs pourraient donc faire varier la fréquence de la comorbidité TCC-TSPT et gagneraient à être testés. Par ailleurs, différentes caractéristiques spécifiques aux militaires pourraient porter à croire que ces derniers présentent un plus haut risque de présenter à la fois un TSPT et un TCC que les civils.

Contexte de la comorbidité chez les militaires

Comme mentionné dans les sections précédentes, les militaires semblent plus susceptibles que les civils de présenter un TCC ou un TSPT de façon indépendante et plusieurs éléments suggèrent qu’ils sont également plus à risque de présenter la comorbidité TCC-TSPT. En effet, la nature des récents conflits en Afghanistan et en Iraq impliquant l’exposition à des blessures par explosion (en anglais blast injury) et de multiples

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déploiements accroît les blessures psychologiques et physiques chez cette population (Bogdanova et Verfaellie, 2012; Report of VA Consensus Conference, 2010).

L’exposition à des blessures par explosion, plus courante chez les militaires, entraine des blessures physiques complexes pouvant être classées en quatre catégories distinctes (Rosenfeld et al., 2013). D’abord, les blessures primaires affectent le cerveau par l’entremise d’une vague de pression causée par l’explosion, alors que les blessures secondaires résultent de projectiles qui traversent le crâne et pénètrent le cerveau. Quant aux blessures tertiaires, elles sont causées par des effets d’accélération et de décélération qui altèrent le cerveau (p. ex., en étant projeté). Enfin, les blessures quaternaires comprennent des blessures thermiques, chimiques ou d’autres types de blessures à la tête (Rosenfeld et al., 2013). Des études ont par ailleurs trouvé que la cause principale du TCC chez les militaires déployés et les vétérans était liée à des blessures par explosion (Elder, 2015; Hoge et al., 2008; Lindquist et al., 2017). Ceci dit, le nombre important d’expositions à de telles explosions entraine des blessures complexes et multiples et augmente les risques de TCC. Sur le plan des conséquences psychologiques, Rosenfeld et ses collaborateurs (2013) ont conclu dans leur revue que la présence de symptômes post-commotionnels, de TSPT, de dépression et de douleur chronique était plus élevée après un TCCl causé par une explosion que par un autre type d’évènement lié à un impact physique simple, tel qu’un accident de voiture.

Un autre facteur à considérer chez cette population concerne les difficultés accrues de dévoilement des difficultés psychologiques, et, conséquemment, des demandes d’accès au traitement. En effet, dans une récente étude, la peur de paraitre faible et celle d’être traité différemment par ses dirigeants représentaient les obstacles perçus au traitement les plus fréquemment endossés par des militaires britanniques au retour d’un déploiement (Jones, Campion, Keeling, & Greenberg, 2018). Parmi les militaires des États-Unis exposés au combat et qui souffrent de dépression majeure, d’anxiété généralisée ou de TSPT auto-rapporté, seulement 13% à 27% ont reçu de l’aide auprès d’un professionnel en santé mentale dans la dernière année (Hoge et al., 2004). Ainsi, les militaires aux prises avec la comorbidité pourraient tendre à ne pas consulter pour un problème de santé mentale, ce qui

Figure

Tableau 1), qui peuvent être auto-rapportés par le patient, un témoin ou un professionnel de  la  santé  ou  récupérés  dans  le  dossier  médical  du  patient
Figure 1. Modèle explicatif des bases pathophysiologiques de la comorbidité TCC-TSPT, traduit de  Kaplan et collègues (2018), p.215
Figure 2. Le cercle vicieux du TSPT et du TCC, traduit de King (2008), p.3
Figure 1. PRISMA study selection flowchart
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