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Influence de la richesse de l'environnement sur le cortex visuel du chat

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Academic year: 2021

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(1)

FACULTE DE MEDECINE

L/L

THESE PRESENTEE

A L'ECOLE DES GRADUES DE L’UNIVERSITE LAVAL

POUR L’OBTENTION

DU GRADE DE PHILOSOPHAE DOCTOR (Ph. D.)

PAR

CLERMONT BEAULIEU MAITRE ES SCIENCE DE L'UNIVERSITE LAVAL

INFLUENCE DE LA RICHESSE DE L'ENVIRONNEMENT SUR LE CORTEX VISUEL DU CHAT

(2)

AVANT-PROPOS

Je tiens à remercier sincèrement le Dr. Marc Colonnier pour l'aide immense et le soutien qu'il m'a apportés tout au cours de ce stage doctoral. Je tiens aussi à souligner tout particulièrement son empressement et sa grande disponibilité. Je remercie de plus, Jacques Rodrigue et Lisette Bertrand pour leur aide dans la partie technique de l'étude. J'adresse aussi un sincère remerciement à M. Chabot qui a su si bien prendre soin des jeunes chatons.

(3)

TABLES DES MATIERES

AVANT-PROPOS ii

TABLE DES MATIERES iii

LISTE DES ILLUSTRATIONS vii LISTE DES TABLES ix

PREAMBULE 1 INTRODUCTION 5

1- Propriétés électrophysiologiques des neurones du cortex visuel du chat. 5

1.1- Description des propriétés chez l'animal adulte 5 1.2- Le développement postnatal des propriétés des champs

récepteurs 9

1.3- Plasticité des champs récepteurs 11 1.4- Conclusions 26

2- Etudes de l'influence de la richesse de l'environnement sur l'anatomie du cortex cérébral 28

2.1- Méthodes d'élevage en milieux pauvre et enrichi 28

2.2- Effets différentiels de l'élevage en milieux pauvre et enrichi 29 2.3- Résumé et conclusion 50

FORMULATION DU PROBLEME ET RESULTATS ESCOMPTES 51 MATERIELS ET METHODES 54

(4)

2- Prélèvement des échantillons 56

3- Détermination du nombre de neurones 64

4- Critères d'identification des lames du cortex visuel du chat 68 5- Calcul du nombre de synapses 70

5.1- Echantillonnage 70

5.2- Critères d'identification des catégories de synapses étudiées 71 5.3- Détermination du Nv 76 6- Mesure du rétrécissement 77 7- Tests statistiques 78 RESULTATS 79 1- Poids du coips 79 2- Poids de l'encéphale 81 3- Dimensions de l'encéphale 82

4- Densité numérique des neurones dans l'aire 17 du chat 86 5- Epaisseur du cortex visuel 89

6- Nombre de neurones sous 1 mm2 de surface corticale 91 7- Aire moyenne des noyaux des neurones 93

8- Densité numérique des synapses 96 8.1- Synapses à vésicules rondes 96 8.2- Synapses à vésicules aplaties 97

8.3- Proportion des synapses à vésicules aplaties 102 9- Nombre de synapses par neurone 105

(5)

9.1- Synapses à vésicules rondes 106 9.2- Synapses à vésicules aplaties 107 10- Longueur des contacts synaptiques 112

10.1- Synapses à vésicules rondes 112 10.2- Synapses à vésicules aplaties 112

11- Surface des contacts synaptiques par neurone 116 11.1- Synapses à vésicules rondes 117

11.2- Synapses à vésicules aplaties 117

12- Proportion des synapses sur épines, dendrites et s ornas 119 12.1- Synapses à vésicules rondes 119

12.2- Synapses à vésicules aplaties 122 DISCUSSION 125

1- Facteurs qui influencent le poids corporel ainsi que le poids et les dimensions de l'encéphale: comparaison avec le rat 125

1.1- Effets de la richesse de l'environnement 125

1.2- Différences selon les portées ou selon les sexes 128

2- Facteurs qui influencent la densité numérique des neurones et des synapses: explication des différences interindividuelles 130

2.1- Effets de la richesse de l'environnement sur le Nv des neurones 2.2- Effets de la richesse de l'environnement sur le Nv des synapses 2.3- Différences selon les portées ou selon les sexes 142

130 135

(6)

3- Facteurs qui influencent le nombre de synapses par neurone et leur longueur: signification fonctionnelle du changement des circuits

synaptiques du cortex visuel 143

3.1- Effets de la richesse de l'environnement 143 3.2- Différences selon les portées ou selon les sexes

CONCLUSIONS 155 BIBLIOGRAPHIE 157 APPENDICES 185 ANNEXES 188

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LISTE DES ILLUSTRATIONS

FIGURE

1- Schéma illustrant la situation de l'aire 17 du chat sur la face externe et médiane des hémisphères cérébraux 59

2- Microphotographie d'une coupe frontale du cerveau d'un chat 61 3- Microphotographie illustrant les variations dans l'orientation des

colonnes de cellules de la région binoculaire de l'aire 17 du chat 63 4- Microphotographie illustrant les deux principaux types de synapses du

cortex visuel en microscopie électronique 75 5- Diagramme des paramètres macroscopiques 80

6- Photographie de l'encéphale de deux chats de la même portée dont l'un est enrichi et l'autre appauvri 85

7- Diagramme du nombre de neurones par mm3 de tissu 88 8- Diagramme de l'épaisseur du cortex visuel 90

9- Diagramme du nombre de neurones sous 1 mm2 de surface corticale 92

10- Diagramme de la surface moyenne des noyaux des neurones 95 11- Diagramme du nombre de synapses à vésicules rondes par mm3 de

tissu 100

12- Diagramme du nombre de synapses à vésicules aplaties par mm3 de tissu 101

(8)

13- Diagramme de la proportion de synapses à vésicules aplaties par rapport à la somme des synapses identifiées 104 14- Diagramme du nombre de synapses à vésicules rondes par

neurone 110

15- Diagramme du nombre de synapses à vésicules aplaties par neurone 111

16- Diagramme de la longueur des synapses à vésicules rondes 114 17- Diagramme de la longueur des synapses à vésicules aplaties 115

(9)

LISTE DES TABLES

TABLES

1- Epaisseur corticale et nombre de neurones 87 2- Surface des noyaux des neurones 94

3- Densité numérique des synapses 99 4- Synapses par neurone 109

5- Longueur des contacts synaptiques 113

6- Surface des contacts synaptiques par neurone 118

7- Proportion des synapses à vésicules rondes sur les épines, les troncs dendritiques et les somas 120

8- Proportion des synapses à vésicules aplaties sur les épines, les troncs dendritiques et les somas 121

(10)

PREAMBULE

Cette thèse ne représente qu'une portion des travaux de recherche exécutés durant mon stage d'étude pour l'obtention de mon doctorat. Une partie de ces travaux, qui ont été faits immédiatement après ma thèse de maîtrise, sert de point de départ pour ceux qui sont le sujet de la thèse. Les travaux initiaux sont présentés aux annexes 1,2 et 3. Aussi, durant la rédaction de cette thèse, j'ai complété une seconde étude sur la richesse de l'environnement qui éclaire certaines données présentées dans le présent ouvrage. Les résultats de cette deuxième étude sont introduits brièvement dans la discussion et sont présentés à l'annexe 4. Ce préambule résume les travaux initiaux et nous mènent aussi à une première formulation du problème qui sera présentée plus à fond à la fin de l'introduction.

La synapse apparaît en microscopie électronique comme une région de contact entre deux profils où les membranes pré et postsynaptiques sont différenciées, c'est à dire quelles sont un peu plus denses et moins ondulées que les membranes non-synaptiques. L'un des profils contient des vésicules synaptiques tandis que l'autre n'en contient pas. La membrane

post-synaptique peut être bordée d'une opacité dite post-synaptique

(Colonnier '68; Gray '59; Palay '56). Cette opacité est composée en majeure partie d'un polypeptide de poids moléculaire de 50,000 Kd (Matus '81). Deux types de synapses ont été identifiés selon la forme des vésicules

pré-synaptiques et de la présence ou de l'absence de la densité

post-synaptique (Colonnier '68). Le premier type a un bouton terminal qui contient une population de vésicules synaptiques de forme sphérique dont la

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grosseur tend à être homogène. La différenciation membranaire

postsynaptique de ce type de synapse est ordinairement bordée d'une opacité qui la fait paraître différente de la membrane pré- synap tique : c'est la

différenciation dite asymétrique. Le bouton terminal de l'autre type présente une population de vésicules plus petites, de différentes formes, dont un certain nombre sont aplaties. Ce type de synapse ne présente pas d'opacité post-synaptique. La membrane post-synaptique apparaît ici plus semblable à la membrane présynaptique que celle de l'autre type de contact: c'est la différenciation dite symétrique. A cause de la distribution de ces synapses dans le cortex cérébral et cérébelleux, on a suggéré que les synapses à vésicules rondes et à différenciation membranaire asymétrique sont excitatrices et que les synapses à vésicules aplaties et à différenciation membranaire symétrique sont inhibitrices (voir revue par Colonnier '81). Cette hypothèse a été confirmée en partie depuis que Ribak (78) a démontré que les boutons terminaux qui contiennent du GABA, un neurotransmetteur inhibiteur dans le cortex (Iversen et coll. '71; Krenjevic et Schwartz '67; Sillito 75a), avaient une différenciation membranaire symétrique.

Dans un travail sur la distribution quantitative de ces deux types de synapses dans les régions binoculaire et monoculaire du cortex visuel de 6 chats, nous (Beaulieu et Colonnier '85a; Annexe 1) avons trouvé que la densité numérique (Nv: nombre par unité de volume) des synapses asymétriques à vésicules rondes et celle des synapses symétriques à vésicules aplaties est très semblable dans les régions monoculaire et binoculaire du cortex visuel (aire 17) du chat. De plus, elle varie très peu entre les différentes lames corticales. Il y a environ 275 millions de synapses

(12)

asymétriques à vésicules rondes par mm3 de tissu et 40 millions de synapses symétriques à vésicules aplaties. Nous avons constaté que le coefficient de variation (l'écart-type exprimé comme pourcentage de la moyenne) de ce dernier type de synapses était aussi élevé que 30%. Le Nv des synapses asymétriques à vésicules rondes était distribué de façon plus uniforme entre les animaux. Son coefficient de variation n'était que de 7%. Nous avons d'abord cru que la grande variation des synapses symétriques à vésicules aplaties pouvait être due au fait que nous avions échantillonné un moins grand nombre de ce type de synapses, ou encore que ces contacts synaptiques pouvaient avoir une répartition non-uniforme dans le cortex visuel. Toutefois l'examen des données a démontré que dans un même animal, il y a peu de différence dans le Nv des synapses symétriques à vésicules aplaties entre les deux régions de l'aire visuelle: les grandes différences sont entre les

différents chats. C’est pour cette raison qu'une analyse statistique a

démontré qu'il n'y a pas de différence significative dans le Nv des synapses symétriques à vésicules aplaties entre les régions du cortex visuel du chat, mais qu'il y a une différence très significative dans le Nv des synapses symétriques à vésicules aplaties entre les animaux étudiés. Pour les

synapses asymétriques à vésicules rondes, les différences sont aussi grandes entre les régions qu'entre les animaux et il n'y a aucune différence

significative soit entre les deux régions, soit entre les animaux.

Dans une autre étude (Beaulieu et Colonnier '85; Annexe 3), nous avons comparé la densité numérique des neurones des régions monoculaire et binoculaire de l'aire visuelle primaire (aire 17) à deux aires visuelles

(13)

Nous avons montré que le Nv est plus élevé dans les deux régions de l'aire 17 que dans les aires 18 et PMLS qui sont semblables entre elles. On a toutefois démontré qu'il existe une différence très significative du Nv neuronal entre les individus qui faisaient partie de l'échantillonnage. Nous avons proposé que ces différences interindividuelles dans la densité numérique des

synapses symétriques à vésicules aplaties et des neurones peuvent être dues à des facteurs environnementaux. La présente étude a été faite pour vérifier cela. L'introduction présentera la littérature qui justifie cette hypothèse et qui nous a mené au protocole expérimental qui sera décrit dans la section Matériels et Méthodes.

(14)

INTRODUCTION

1- PROPRIETES ELECTROPHYSIOLOGIQUES DES NEURONES DU CORTEX VISUEL DU CHAT

Ll- Description des propriétés chez ranimai adulte

L'activité électrophysiologique d'un neurone du système visuel du chat peut être modifiée par une stimulation lumineuse dans une région restreinte du champ visuel. Cette région du champ visuel qui peut affecter la décharge électrique d'un neurone du système visuel correspond au champ récepteur de ce neurone (Hartline '38, voir Hubel et Wiesel '59). Kuffler ('53) a démontré que les neurones ganglionnaires de la rétine du chat ont des champs

récepteurs qui tendent à être circulaires. Il a classifié ces neurones en 2 types principaux, les neurones "on-center" et les neurones "off-center". Le champ récepteur des neurones "on-center" présente une zone centrale excitatrice et une zone périphérique inhibitrice: une stimulation lumineuse dans la portion centrale d'un tel champ récepteur amène une augmentation de la décharge électrique du neurone, tandis qu'une stimulation de la

périphérie entraîne une diminution de la fréquence de décharge du neurone. Les neurones "off-center" ont un centre inhibiteur et une périphérie

excitatrice.

Au niveau du cortex visuel, les champs récepteurs de la plupart des neurones n'ont pas cette forme circulaire mais sont allongés (Hubel et Wiesel '59; '62). Ces neurones corticaux répondent de façon maximale à un stimulus lumineux ayant la forme d'un rectangle ou d'une ligne droite contrastée. L'orientation de l'axe d'un tel stimulus est critique. Pour une

(15)

orientation donnée, la réponse électrophysiologique du neurone est très vive. Pour certains auteurs, des neurones qui répondent ainsi de façon

préférentielle à une orientation donnée sont dits sélectifs à l'orientation (voir Hubel '59; Hubel et Wiesel '62; '63). D'autres auteurs cependant ont des critères plus stricts pour définir un neurone comme étant sélectif: pour eux, il faut qu'un stimulus orienté à angle droit par rapport au stimulus préféré entraîne une absence totale de réponse (voir par exemple Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76). Dans la présente étude, nous

utiliserons l'expression "sélectivité" tel que définie par Hubel et Wiesel ('62). Dans le cortex visuel du chat adulte, de 80 à 95% des neurones sont sélectifs à l'orientation (Bishop et coll. '71; Cynader et coll. '75a; 75b; Heggelund et Albus '78; Henry '77; Henry et coll. '74; Hubel et Wiesel '62; Leventhal et Hirsch '78). Si l'on considère un ensemble de neurones provenant d'une surface assez étendue du cortex visuel, toutes les orientations y sont également représentées (Henry et coll. '74; Hubel et Wiesel '62; Orban et Kennedy '81). Cependant, Hubel et Wiesel ('62) ont remarqué une similarité dans l'orientation préférentielle de la plupart des neurones enregistrés dans une même pénétration verticale. De plus, si l'on passe une électrode dans le cortex visuel parallèlement à la surface corticale, ces auteurs notent un changement graduel et systématique de l'orientation des champs récepteurs des neurones. Selon Hubel et Wiesel, les neurones sont donc regroupés dans des colonnes dites d'orientation. Récemment, ces colonnes d'orientation ont été démontrées anatomiquement par la technique du désoxyglucose (Albus '79; Flood et Coleman '79; Schoppmann et Stryker '81; Singer et coll. '81).

(16)

Beaucoup de neurones sélectifs à l'orientation sont aussi sélectifs à la direction du mouvement d'un stimulus (Hubel et Wiesel '62). Un neurone qui présente une telle sélectivité répond de façon préférentielle à une direction particulière et le déplacement de la cible en sens contraire entraîne une diminution marquée de la réponse électrophysiologique. Lorsqu'un neurone présente de la sélectivité d'orientation et de direction en même temps, l'axe préférentiel du mouvement du stimulus est orthogonal à l'axe préférentiel de l'orientation (Hammond et Andrews '78).

Hubel et Wiesel ('59; '62) ont remarqué que la plupart des neurones du cortex visuel du chat répondent à une stimulation lumineuse quel que soit l'oeil stimulé. Cependant, une stimulation lumineuse d'un oeil peut

quelquefois donner une réponse beaucoup plus grande que la même stimulation de l'autre oeil. Ainsi, tous les neurones corticaux ne sont pas dominés également par les 2 yeux. Pour exprimer cette dominance oculaire, Hubel et Wiesel ('62) ont subdivisé les neurones du cortex visuel en 7 classes. Les neurones du groupe 1 et du groupe 7 sont activés exclusivement par l'oeil contralatéral ou ipsilatéral respectivement et sont donc exclusivement

monoculaires. Les neurones des autres groupes sont binoculaires: ceux du groupe 4 reçoivent une influence égale des 2 yeux, et ceux des groupes 2-3 et des groupes 5-6 sont plus influencés par l'oeil contralatéral ou ipsilatéral respectivement. Hubel et Wiesel ont remarqué que la proportion de neurones qui répond à l'oeil contralatéral est légèrement plus élevée que celle qui répond à l'oeil ipsilatéral. Ces mêmes auteurs ont calculé qu'environ 80% des neurones de l'ensemble du cortex visuel du chat sont binoculaires. Les observations de Hubel et Wiesel ont été plusieurs fois confirmées par d'autres

(17)

auteurs (Albus '75; Berman et coll. '82; Hammond '79; '81; Leventhal et Hirsch '78; Wilson et Sherman '77).

Hubel et Wiesel ('63b) ont noté que s'ils faisaient pénétrer verticalement une électrode dans le cortex visuel du chat, la plupart des neurones

rencontrés ont tendance à être dominés par le même oeil. En pénétration horizontale, parallèle à la surface du cortex, ces auteurs ont observé un changement régulier et systématique de l'oeil qui domine les neurones corticaux. Ce changement se produisait à environ tous les 0.5 mm. Selon ces auteurs, les neurones corticaux sont donc regroupés dans des colonnes dites de dominance oculaire. Plus récemment, ces colonnes de dominance

oculaire ont été démontrées anatomiquement: les afférences

géniculo-corticales d'un oeil se terminent en bandes larges d'environ 0.5 mm qui sont particulièrement bien définies dans la lame IV, lame qui est le site principal des terminaisons géniculo-corticales (Ito et coll. '77; LeVay et coll. 78; Shatz et Stryker '78).

Hubel et Wiesel ('62) ont proposé un modèle pour expliquer la sélectivité d'orientation des champs récepteurs des neurones corticaux. Selon ces

auteurs, cela viendrait d'un arrangement spatial des afférences

géniculo-corticales excitatrices. Le champ récepteur d'un neurone serait le produit de la convergence d'un groupe de neurones du corps genouillé. Ce modèle a été fortement contesté par la suite. Certaines études plus récentes, faites par enregistrement intracellulaire, ont clairement établi l'importance des mécanismes inhibiteurs dans les propriétés des champs récepteurs du cortex visuel du chat (Benevento et coll. '72; Blakemore et Tobin '72; Creutzfeldt et Ito '68; Finlay et coll. '76; Innocent! et Fiore '74). Ainsi selon

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Benevento et collaborateurs ('72), l'input visuel du thalamus aux neurones corticaux est purement excitateur et n'est pas responsable de la sélectivité d'orientation ou de direction. D’après les preuves électrophysiologiques présentées par ces auteurs, ces propriétés viennent plutôt des connexions intracorticales inhibitrices.

D'autres preuves de nature pharmacologique ont confirmé ces vues. Le GABA (acide gamma-amino-butyrique) est un neurotransmetteur inhibiteur dans le cortex cérébral (Iversen et coll. '71; Krenjevic et Schwartz '67; Sillito '75a). Dans le cortex visuel, si l'on élimine l'effet du GABA par la bicuculline ou par l'un de ses dérivés, la très grande majorité des neurones perdent leur sélectivité d'orientation et de direction. Parmi les neurones qui demeurent sélectifs, la sélectivité à l'orientation est beaucoup moins précise (Daniels et Pettigrew '75; Pettigrew et Daniels '73; Rose et Blakemore '74; Sillito '75b; 77; '79; Sillito et coll. '80a; '80b; '81). L'inhibition du GABA affecte aussi la

binocularité du cortex visuel. Sillito et collaborateurs ('80a; 80b) ont démontré que près de la moitié des neurones qui sont monoculaires chez l'animal

normal, deviennent binoculaires si l'on inhibe l'action du GABA.

12- Le développement postnatal des propriétés des champs récepteurs Selon Hubel et Wiesel ('63a), les propriétés d'orientation et de direction des champs récepteurs des neurones visuels du chaton âgé de 8 à 10 jours seraient semblables à celles de l'animal adulte. Ils en ont conclu que ces propriétés sont innées chez le chat. Toutefois, des études subséquentes ont démontré que les champs récepteurs du jeune chaton âgé de moins de deux semaines sont appréciablement différents de ceux de l'adulte (Barlow et

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Pettigrew '71; Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76; Frégnac et Imbert '78; Pettigrew '74). Les champs récepteurs sont beaucoup plus grands et leurs bordures ne sont pas aussi bien définies. De plus, il y a beaucoup moins de neurones sélectifs à l'orientation et seulement quelques neurones présentent de la sélectivité à la direction (Blakemore et Van Sluyters '75; Pettigrew '74).

A partir de l'âge de 2 semaines, les champs récepteurs des neurones visuels deviennent de plus en plus petits avec l'âge, leurs bordures mieux définies et leurs sélectivités d'orientation plus précises (Bonds '79; Buisseret et Imbert '76). On remarque aussi une augmentation progressive du nombre de neurones qui présentent de la sélectivité d'orientation et de direction (Bonds '79; Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76;

Derrington '78; Frégnac et Imbert '78; Pettigrew '74; Sherk et Stryker '76; Tsumoto et Suda '82). Les champs récepteurs et leurs propriétés tendent ainsi à être de plus en plus semblables à celles du cortex visuel de l'animal adulte. Vers l'âge de 5 à 6 semaines, les propriétés d'orientation et de direction des neurones visuels sont difficiles à distinguer de celles de l'animal adulte (Bonds '79; Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76; Derrington '78; Frégnac et Imbert '78; Pettigrew '74; Sherk et Stryker '76; Tsumoto et Suda '82).

De l'âge de 8 à 10 jours jusqu'à l'âge adulte, la plupart des neurones du cortex visuel du chat qui répondent aux stimuli lumineux sont binoculaires (Blakemore et Van Sluyters '75; Hubel et Wiesel '63a). Cela a fait conclure à Hubel et Wiesel que la binocularité est innée. Il est intéressant de noter toutefois que chez le chaton, les neurones sélectifs à l'orientation ont

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tendance à être monoculaires et que l'orientation horizontale ou verticale est préférée aux autres orientations (Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76; Frégnac et Imbert '78). Après l'âge de 4 semaines, la plupart des neurones du cortex visuel qui présentent de la sélectivité d'orientation deviennent binoculaires et répondent aussi bien aux orientations obliques qu'aux orientations horizontales et verticales (Frégnac et Imbert '78).

L3- Plasticité des champs récepteurs

Plusieurs manipulations expérimentales peuvent altérer les propriétés électrophysiologiques des neurones du cortex visuel du chat (revues par Frégnac et Imbert '84; Mohvson et Van Sluyters '81 ; Sherman et Spear '82). Les manipulations les plus utilisées dans les laboratoires sont la privation complète de la vision structurée obtenue par l'élevage dans le noir ou par la suture des deux paupières; la vision monoculaire obtenue par la suture d'une seule paupière; le strabisme chirurgical où le globe oculaire est dévié de son axe normal; et la privation d'orientation et de direction par l'élevage soit dans un monde visuel sans formes linéaires ou sans mouvement, soit dans un monde où les stimuli sont orientés dans un seul plan ou qui bougent dans une seule direction.

1.3.1- Privation complète de la vision structurée

Wiesel et Hubel ('65) ont été les premiers à analyser les propriétés des champs récepteurs chez des animaux qui ont subi une privation complète de vision structurée pendant une longue période. D'après ces auteurs, 25% des neurones ne répondent à aucun stimulus visuel, un autre 25% ont des

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champs récepteurs mal définis, et le reste ont des propriétés d’orientation et de direction semblables à celles de l'animal adulte. Toutefois, des études subséquentes ont décrit des modifications beaucoup plus grandes des

champs récepteurs après privation complète de vision stucturée (Blakemore et Van Sluyters '75; Bonds '79; Buisseret et Gary-Bobo '79; Buisseret et coll. '78; Buisseret et Imbert '76; Freeman et coll. '81; Frégnac '79a; '79b; '79c;

Kaye et coll. '81; '82; Kratz et Spear '76; Leventhal et Hirsch '77; '80; Mower et coll '81; Pettigrew '74; Rausehecker et Singer '82; Singer et Tretter '76a; '76b; Watkins et coll. '78). Ainsi, une privation de la vision pendant au moins 6

semaines amène une réduction importante de la proportion de neurones qui sont sélectifs à l'orientation ou à la direction du stimulus visuel: à peine 20% des neurones présentent encore de la sélectivité d’orientation et de direction tandis qu'il y en a de 80 à 95% chez l'animal normal (Bonds '79; Hubel et Wiesel '62; Leventhal et Hirsch '77; Watkins et coll. '78).

Parmi les neurones qui demeurent sélectifs, la sélectivité à l'orientation est moins précise (Blakemore et Van Sluyters '75; Buisseret et Imbert '76; Frégnac et Imbert '78; Leventhal et Hirsch '80; Shinkman et coll. '83). On doit faire varier de plusieurs degrés l'angle du stimulus présenté pour noter une diminution appréciable de la réponse. Les champs récepteurs sont plus grands et leurs bordures ne sont pas aussi bien définies (Singer et Tretter '76a; Watkins et coll. '78). Chez les animaux élevés dans le noir total ou avec une suture des 2 paupières, les neurones qui répondent à la lumière et qui ne sont pas sélectifs à l'orientation tendent à être binoculaires tandis que ceux qui sont sélectifs sont plutôt monoculaires et préfèrent les stimuli orientés horizontalement ou verticalement (Blakemore et Van Sluyters '75; Kratz et

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Spear '76; Leventhal et Hirsch '80; Watkins et coll. 78).

Toutes ces propriétés des neurones des animaux qui ont subi une

privation de la vision ressemblent beaucoup à celles de l'animal nouveau-né. C'est pourquoi, par exemple, Leventhal et Hirsch ('80) croient que la

préférence pour les stimuli horizontaux ou verticaux est déterminé génétiquement tandis que la sensibilité à des orientations obliques chez l'animal normal viendrait surtout de l'expérience du monde visuel au cours de la maturation.

Il semble d'après Mower et collaborateurs 081) qu'il y a quelques différences dans les propriétés des champs récepteurs entre des animaux élevés dans le noir total ou élevés avec une suture des 2 paupières. Ils ont calculé que la proportion de neurones sélectifs à l'orientation est plus élevée chez l'animal suturé que chez l'animal élevé dans le noir. Cette différence entre ces deux conditions expérimentales peut venir du fait que l'animal élevé avec une suture des 2 paupières reçoit de la lumière (Loop et Sherman '77; Spear et coll. '78) à travers ses paupières closes, tandis que l'animal élevé dans le noir total subit une privation totale et de la lumière et des formes structurées.

Chez l’animal élevé pendant au moins 6 semaines dans l'obscurité, la proportion de neurones qui répondent aux deux yeux est plus élevée (70%) que la proportion de ceux qui ne répondent qu'à un seul oeil (Blakemore et Mitchell '73; Bonds '79; Cynader et coll. '76; Cynader et Mitchell '80; Frégnac et coll. '81; Imbert et Buisseret '75; Leventhal et Hirsch '77; '80; Mower et coll. '81; '85; Mower et Christen '85). Ce pourcentage n'est que légèrement moins élevé que celui obtenu chez l'animal normal (au moins 80%; Hubel et

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Wiesel '62). Par contre, chez des animaux élevés avec une suture des 2 paupières, la binocularité semble beaucoup plus affectée (Blakemore et Van Sluyters '75; Kratz et Spear '76; Mower et coll. '81; Watkins et coll. '78; Wiesel et Hubei '65). En effet, selon certains auteurs, le pourcentage de neurones monoculaires serait plus grand que celui de neurones binoculaires chez

l'animal avec suture bilatérale (Kratz et Spear '76; Mower et coll. 81; Watkins et coll. '78).

Mower et collaborateurs ('81) ont aussi indiqué une autre différence importante entre les animaux élevés dans le noir total et ceux élevés avec une suture binoculaire. Les propriétés des neurones du cortex visuel des animaux élevés dans le noir demeurent plastiques même après une privation de plusieurs mois; c'est à dire que les propriétés des champs récepteurs de ces neurones peuvent être modifiées par d'autres

manipulations de l'input visuel (voir section sur la suture d'une paupière). Par contre, les neurones du cortex visuel d'animaux où les 2 paupières ont

été suturées perdent leur plasticité après seulement quelques mois de privation visuelle.

Comme les propriétés des champs récepteurs, qui sont affectées par la privation complète de vision structurée, sont des propriétés qui dépendent des circuits inhibiteurs, Leventhal et Hirsch ('80) suggèrent que ces

changements sont dûs principalement à une perte des inputs inhibiteurs et non pas à une modification des connexions excitatrices. Ils suggèrent ainsi que les connexions inhibitrices sont particulièrement dépendantes des stimulations sensorielles.

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1.3.2- Vision monoculaire

Chez un animal qui a subi une suture d'une seule paupière, les

propriétés de sélectivité des champs récepteurs des neurones qui répondent à l'oeil qui voit, sont identiques à celles d'un individu qui n'a subi aucune privation visuelle (Hoffman et Cynader '77; Shatz et Stryker '78; Singer '77; Spear et coll. 80; Wiesel et Hubel '65; Wilson et Sherman '77). Par contre, les propriétés de sélectivité des neurones de l'oeil privé de vision sont anormales: très peu de neurones sont sélectifs à l'orientation ou à la direction du

stimulus, et l'ajustement à l’orientation est beaucoup moins précis que celui des neurones qui répondent à l'oeil ouvert. De plus, les champs récepteurs des neurones qui répondent à l'oeil privé de vision sont en moyenne plus grands que ceux qui répondent à l'autre oeil et leurs bordures sont diffuses et mal définies (Ganz et coll. '68).

En plus de l'effet sur les propriétés de sélectivité, une suture

monoculaire amène une altération de la binocularité des neurones. Wiesel et Hubel ('63) ont démontré que la très grande majorité des neurones du cortex visuel du chat ne répondent qu'à l'oeil normal. Ils parlent d'un déplacement de la dominance oculaire puisque chez l'animal normal, on ne note qu'une préférence minime pour l'oeil contralatéral. Ce changement dans la

binocularité de l'animal qui a subi une suture d'une seule paupière a été maintes fois confirmé dans la littérature (Blakemore et Hillman '77;

Hoffman et Cynader '77; Kratz et coll. '76; Shatz et Stryker '78; Singer '76; '77; Smith et coll. 78; Spear et coll. 80; Wiesel et Hubel '63; '65; Wilson et Sherman '77). Ces études estiment qu'à peine 5 à 10% des neurones d'un individu adulte répondent toujours à l'oeil privé de vision depuis la

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naissance.

Les effets de la suture d'une paupière sont rapides. Durant la 4ème ou la 5ème semaines de vie, à peine 2 jours de vision monoculaire amènent un déplacement marquée de la dominance oculaire en faveur de l'oeil ouvert (Mohsvon et Dürsteler '77; Oison et Freeman '75). Le degré de déplacement de la dominance oculaire est très semblable à celui obtenu après des temps prolongés. Des effets moins grands peuvent être obtenus après des périodes de temps encore plus courtes. Chez des chatons âgés d'un mois, on a pu observer une diminution marquée de la proportion de neurones binoculaires après 24 heures (Blakemore et Hawken '82; Mohvson et Dürsleter '77; Oison et Freeman '75) et même après 3 à 6 heures de privation visuelle (Peck et Blakemore '78; Schechter et Murphy '76).

Hubel et Wiesel ('70) ont démontré que le déplacement de la dominance oculaire obtenu par une suture de paupière est dépendant de l’âge auquel la suture à été faite. Si la suture est faite chez un animal plus âgé que 4 à 6 mois, aucun déplacement de la dominance oculaire n'est observé. Il y a donc une période de temps définie, que ces auteurs nomment période critique, durant laquelle le cortex visuel peut être modifié par une privation visuelle. Chez le chat, la partie la plus sensible de la période critique se situe à l'âge de 4 à 5 semaines (Hubel et Wiesel '70; Mohvson et Dürsteler '77; Oison et Freeman '75; '78; '80a; '80b; '83). Blakemore et Van Sluyters (74) ont employé une autre méthode pour démontrer cette période critique: une certain temps après la suture d'une paupière, l'oeil privé de vision était ouvert et l'oeil ouvert était suturé. Les résultats de cette procédure ont démontré que l'oeil qui a été initialement privé de vision peut reprendre le contrôle des neurones

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du cortex visuel. D'autres études ont confirmé ces résultats (Movshon '76; Mohsvon et Dursteler '77; Oison et Freeman '78; Van Sluyters '78). La

susceptibilité des neurones corticaux à la vision monoculaire ou à l'inversion des sutures augmente rapidement de la naissance jusqu'à l'âge de 4 à 5 semaines et ensuite diminue jusqu'à l'âge de 3 à 4 mois (Blakemore et Van Sluyters '74; Hubel et Wiesel '70; Mitchell et coll. '78; Mohvson '76; Oison et Freeman '75; '78; '80a; '80b; '83; Wiesel et Hubel '63; '65). Une suture

monoculaire ou une inversion des sutures après l'âge de 3 à 4 mois ne donnent que peu ou pas d'effet sur la dominance oculaire des neurones du cortex visuel (Blakemore et Van Sluyters '74; Cynader '83; Hoffmann et Cynader '77; Hubel et Wiesel '70; Smith et coll. '78; Wiesel et Hubel '65).

Mower et collaborateurs ('81 ) ont démontré qu’un élevage initial dans le noir, antérieur à la suture monoculaire, peut allonger la durée de la période critique. Ainsi, si l'on élève un animal dans l'obscurité pendant 4 mois à un an et qu'on le replace par la suite à la lumière mais avec une suture

palpébrale monoculaire, la grande majorité de ses cellules ne répondent qu'à l'oeil qui voit. On se rappelle que ce déplacement de la dominance oculaire en faveur de l'oeil qui voit, se produit dans le cas où la suture monoculaire a été faite avant la fin de la période critique, c'est à dire avant l'âge de 3 à 4 mois. H semble donc que le cortex visuel d'un animal élevé dans le noir total demeure plastique même après une longue période de privation visuelle. D'autres études ont aussi démontré cet allongement de la période critique pour des périodes de temps pouvant aller jusqu'à deux ans (Cynader '83; Cynader et Mitchell '80). Le cortex visuel devient toutefois de moins en moins plastique avec le temps passé dans le noir. Il est à noter que la suture

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binoculaire ne prolonge pas la période de plasticité des neurones du cortex visuel. C'est en fait la différence la plus marquée entre les effets de l'élevage

dans le noir et ceux de la suture binoculaire.

Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer les effets de la suture d'une paupière sur les fonctions du cortex visuel (voir revues par Blakemore '78; Frégnac et Imbert '84; Movshon et Van Sluyters '81; Sherman et Spear '81). Un premier mécanisme proposé par Wiesel et Hubel, suggère

l'existence d'une compétition entre les fibres géniculo-corticales de chacun des 2 yeux pour occuper l'espace synaptique du cortex visuel. Après la suture d'une paupière, les terminaisons axonales de l'oeil qui voit, occuperaient l'espace cortical destiné à l'oeil privé de vision. Cette hypothèse a été

confirmée en partie: le nombre d'afférences géniculo-corticales de l'oeil privé de vision est diminué par rapport à celui de l'oeil qui a vu (Shatz et Stryker '78; Shatz et coll. 77). La diminution des afférenees n'est cependant pas assez importante pour expliquer entièrement la perte marquée de réponse à l'oeil privé de vision. L'autre mécanisme proposé impliquerait surtout des

changements dans les connexions inhibitrices intracorticales. Il y a en effet des indications chez le chat qui a subi une suture monoculaire, suggérant que l'oeil qui voit inhibe l'oeil qui ne voit pas. Si l'oeil qui voit est enlevé, le pourcentage de neurones qui répondent à l'oeil privé de vision, est augmenté (Crewther et coll. '78; Hoffmann et Cynader '77; Kratz et Lehmkuhle '83; Kratz et coll. '76; Van Sluyters '78). De plus, en injectant de la bicuculline, un inhibiteur du G AB A, dans le cortex visuel d'un chat qui a subi une suture monoculaire, beaucoup de neurones se mettent à répondre à l'oeil privé de vision et il y a une nette augmentation du pourcentage de neurones

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binoculaires (Burschfiel et DufFy '76; '81 ; Mower et coll. '85; Sillito et coll. '81 ). De plus, Mower et collaborateurs ('85) remarquent que chez l'animal suturé d'une paupière, le pourcentage de neurones qui est affecté par la bicuculline est plus élevé que chez l'animal normal. Par conséquent, ces auteurs

proposent qu'il y a augmentation de l'inhibition GABAergique chez l'animal privé de vision comparativement à l'animal normal.

1.3.3- Strabisme

Hubel et Wiesel ('65) ont été les premiers à décrire les effets d'un strabisme induit par chirurgie sur les fonctions du cortex visuel du chat. D'après ces auteurs, le pourcentage de neurones sélectifs à l'orientation ou à la direction est semblable chez des animaux qui ont un strabisme divergent et chez 1 animal normal. Ces données ont été confirmées par la suite chez l'animal strabique soit divergent soit convergent (Blakemore et Eggers '78; Singer et coll. '79; Yinon '76; Yinon et coll. '75). Le strabisme peut altérer cependant certains paramètres des champs récepteurs des neurones du cortex visuel. Ainsi, d'après Singer et coll. ('79), il y a une augmentation de la représentation des champs visuels orientés horizontalement ou

verticalement. De plus, chez l'animal strabique convergent, les bordures des champs récepteurs ne sont pas très bien définies et les champs récepteurs sont relativement grands (Berman et Murphy '81; Yinon et coll. '75). Ces dernières différences ne sont pas présentes chez l’animal strabique divergent. Berman et Murphy ('81) voient dans cette différence, entre les animaux qui ont un strabisme convergent et ceux qui ont un strabisme divergent, une base clinique pour expliquer la perte d'acuité (amblyopie) < "

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souffrent certains humains qui ont un strabisme convergent. Pour ces auteurs, l'amblyopie dont souffre l'oeil convergent résulterait d'une perte importante de la binocularité associée à un agrandissement des champs récepteurs au niveau du cortex visuel.

D'après Hubel et Wiesel ('65), la proportion de neurones binoculaires dans le cortex visuel se situe près de 20% chez le chaton élevé pendant plusieurs mois avec un strabisme divergent. Ce pourcentage est nettement inférieur à ce que ces mêmes auteurs ont déjà calculé chez l’animal normal (80%; Hubel et Wiesel '62). Cette réduction de la binocularité a été plusieurs fois confirmée chez le chat strabique divergent ou convergent (Bennett et coll. '80; Berman et Murphy '81; Blakemore '76; Blakemore et Eggers '78; Ikeda et Tremain '77; Singer et coll. '79; Van Sluyters et Levitt '80; Yinon et coll. '75) et chez le singe (Baker et coll. '74).

La durée de la période critique de l'effet du strabisme semble être identique à celle qui a été démontrée pour une suture monoculaire (Berman et Murphy '82; Levitt et Van Sluyters '82; Yinon '76). Le degré de sensibilité à un strabisme est bas à l'ouverture des yeux, augmente rapidement jusqu'à l'âge de 4-5 semaines où il a atteint son maximum et ensuite décroît jusqu'à l'âge de 3-4 mois.

Plusieurs mécanismes ont été proposé pour expliquer les effets corticaux induits par un strabisme, Hubel et Wiesel ('65) ont suggéré que les images visuelles ne tombant pas sur les mêmes régions de la rétine amèneraient un manque de synchronisme des deux afférences visuelles. Cela expliquerait la perte de binocularité des neurones du cortex visuel du chat. Cependant, plus récemment, quelques auteurs ont suggéré que ce serait non pas une absence

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de synchronisme qui donne cette perte de la binocularité chez l'animal strabique, mais plutôt un déséquilibre des signaux proprioceptifs des muscles extraoculaires (Maffei et Bisti '76; Maffei et Fiorentini '76; '77). D’après ces auteurs, la proportion de neurones binoculaires est semblable à celle de l'animal normal, après un strabisme bilatéral et symétrique. Cette dernière hypothèse est toutefois difficile à concilier avec des résultats plus récents (Bennett et coll. '80; Smith et coll. '80; Van Sluyters '77; Van Sluyters et Levitt '80). Dans ces dernières études, les auteurs ont élevé des chatons avec des lunettes qui contenaient des prismes causant un strabisme optique. Ce type de strabisme n'implique pas de chirurgie des muscles

extra-oculaires. D'après ces auteurs, il n'y aurait donc pas de déséquilibre des signaux de ces muscles. Des chatons élevés avec un strabisme optique ont cependant une réduction considérable de la proportion de neurones binoculaires. Ces auteurs en concluent que la réduction de la binocularité chez l’animal strabique est causée principalement par l'altération de l'expérience visuelle en elle-même plutôt que par un déséquilibre des voies proprioceptives des muscles de l'oeil.

Au niveau du cortex visuel, cette altération de l'expérience visuelle qui donne une diminution de la binocularité, serait due à une modification des connexions inhibitrices dépendantes du GABA (Mower et coll. '85). Après injection de bicuculline dans le cortex visuel de chats strabiques, la

proportion de neurones binoculaires est augmentée considérablement. De plus, ces auteurs affirment que puisque la bicuculline affectent plus de neurones chez l'animal strabique comparativement au chat normal, le rôle de l'inhibition est augmentée chez un animal élevé dans un monde visuel

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anormal.

1.3.4- Privation d'orientation et de direction

Propriétés d'orientation. Pour affecter spécifiquement la sélectivité à l'orientation, deux types de manipulations ont été utilisés, soit la privation totale de formes orientées, soit la restriction de la vision à une seule

orientation. Pour priver l'animal de la vision de formes orientées, certains auteurs ont élevé des chatons avec des lunettes à verres dépolis sur lesquels des points ont été dessinés (Pettigrew et Freeman '73; Van Sluyters et Blakemore '73). Dans un tel cas, la plupart des neurones du cortex visuel du chat ne sont plus sélectifs à l'orientation, mais répondent préférentiellement à des point lumineux.

Trois types principaux de manipulations expérimentales ont été employés dans la littérature pour restreindre l'expérience visuelle à des stimuli d'une seule orientation. La première méthode consiste à placer un animal dans un cylindre creux dont la face interne est tapissée de lignes à orientation unique (Blakemore et Cooper '70; Blakemore et coll. '78;

Blakemore et Papaioannou '74; Florentin! et Maffei '78). On se rend compte que cette méthode est grossière et qu'un simple déplacement de la tête de l'animal peut faire varier considérablement l'angle des lignes. Dans la deuxième méthode, on élève des chatons avec des lunettes à verres dépolis sur lesquels des lignes parallèles de même orientation ont été dessinées (Gordon et Presson '82; Gordon et coll. '79; Hirsch et Spinelli '70; '71;

Leventhal et Hirsch '75; Stryker et coll. '78). Dans la troisième méthode, les chatons portent des lunettes munies de lentilles cylindriques où seules les

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orientations du long axe de la lentille peuvent être clairement perçues (Freeman et Pettigrew '73; Rauschecker '82; Singer et coll. ’81). La majorité des études qui ont employé ces méthodes d'élevage démontrent que la sélectivité d'orientation des neurones du cortex visuel est fortement biaisée en faveur de l'orientation choisie expérimentalement. Le port des lunettes ajoute aussi d'autres changements dans la fonction du cortex visuel. Ainsi, le pourcentage de neurones qui ne sont pas sélectifs à l'orientation et qui ne répondent pas aux stimuli visuels y est plus élevé (Freeman et Pettigrew '73; Gordon et Presson '82; Hirsch et Spinelli '70; Rauschecker '82; Singer et coll. '81; Stryker et coll. '78).

Propriétés de direction. Les manipulations expérimentales qui ont été utilisées pour affecter la sélectivité de direction des neurones du cortex visuel sont de deux sortes: la privation totale de la vision du mouvement réalisée par l'élevage en lumière stroboscopique (Cynader et Chernenko '76; Cynader et coll. '75b; Duysens et Orban '81; Kennedy et Orban '83; Oison et Pettigrew '74; Pasternak et coll. '81) et la privation sélective du mouvement faite par un élevage dans un environnement où les contours bougent dans une seule direction (Berman et Daw '77; Cynader et coll. '75a; Daw et coll. '78; Daw et Wyatt '76; Tretter et coll. '75). En élevant des chatons dans une lumière

stroboscopique d'une fréquence de 2 hertz pendant 10 mois depuis la

naissance, Oison et Pettigrew (75) trouvent une réduction de la proportion des neurones qui présentent de la sélectivité à la direction. Cette perte est cependant accompagnée d'une diminution encore plus grande de neurones sélectifs à l'orientation. A la lumière de leurs résultats, Oison et Pettigrew ont conclu que les effets de ce type d'élevage sur les fonctions des neurones

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du cortex visuel du chat sont très semblables à celles observées avec une suture des 2 paupières. Plus tard, Cynader et Chernenko (76) ont démontré que l'élevage de chatons avec une lumière stroboscopique qui a une fréquence plus élevée (8 Hz), entraîne une altération spécifique des propriétés de

direction. Dans leur étude, les propriétés d'orientation des neurones du cortex visuel sont très semblables à celles observées chez le chat normal mais la proportion de neurones sélectivement directionnels diminuent

considérablement chez l'animal expérimental. Ces derniers résultats ont été confirmés par d'autres études (Cynader et coll. '76; Duysens et Orban '81; Kennedy et Orban '83; Pasternak et coll. '81). Ainsi, si l'on élève des chats en lumière stroboscopique à faible fréquence, on affecte à la fois la sélectivité d'orientation et de direction tandis qu'à une plus haute fréquence, on n'affecte que la propriété de direction.

L'élevage de chatons dans un tambour rotatif dans lequel les contours ne bougent que dans une seule direction entraîne une préférence des neurones du cortex visuel aux mouvements imposés durant l'élevage (Cynader et coll. '75a; Daw et Wyatt '76; Tretter et coll. 75). Les effets sur la préférence directionnelle des stimuli peuvent être renversés par un élevage subséquent dans un tambour qui bougent dans l'autre direction (Berman et Daw '77; Daw et coll. 78; Daw et Wyatt 76). Mais ce renversement ne peut se faire que durant une période de temps précise, soit jusqu'à l'âge de 4 à 5 semaines.

Stryker et collaborateurs (78) ont émis deux hypothèses pour expliquer les résultats de la restriction de l'expérience visuelle à des stimuli d’une seule orientation. La première est dite instructive et la seconde est dite de sélection. Selon la première hypothèse, l'arborisation dendritique des

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neurones du cortex visuel s'organisent spatialement en fonction des stimuli que l’animal voit durant son développement. Ainsi, les neurones corticaux apprennent à quelle orientation spatiale il faut réagir. La seconde hypothèse veut que l'expérience visuelle limitée amène une disparition progressive de la réponse des neurones non-stimulés. Cette dernière hypothèse a été

énoncée parce que plusieurs neurones ne sont plus sélectifs et ne répondent plus aux stimuli visuels suite à l'élevage dans un monde d'une seule

orientation. Stryker et collaborateurs expriment cette dernière hypothèse en ces mots: "... cortical neurons which receive appropriate stimulation during early life maintain their innate orientation preference, while the remaining cells lose visual responsiveness or selectivity. The orientation selective cells present in cat whose early visual experience has been controlled using goggles would then represent a preserved subset of the total population of orientation selective cells present in the young kitten." Quoiqu'il en soit, les propriétés qui sont modifiées dépendent des circuits inhibiteurs

GABAergiques. Il faut donc penser que ces pertes qui ont été démontrées chez des animaux élevés dans un monde d'une seule orientation, semblent impliquer une altération des connexions inhibitrices intracorticales. Les conclusions de Kennedy et Orban ('83) chez l'animal élevé en lumière

stroboscopique, vont dans ce sens. Ils proposent que " a number of features of the response properties of neurons in areas 17 (...) of the strobe-reared cat indicate deficits in intra-cortical inhibitory mechanisms". La perte de sélectivité à la direction amène ces auteurs à proposer qu'il y a une diminution de l'efficacité de l'input intracorti cal inhibiteur. Ces auteurs constatent toutefois que cela devrait augmenter l'excitabilité des neurones, ce

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qui n'est pas le cas chez ces animaux. Us en concluent que les connexions inhibitrices et les connexions excitatrices doivent être altérées chez l'animal

élevé en lumière stroboscopique.

L4- Conclusions

Toutes ces études mettent en évidence l'importance des connexions inhibitrices utilisant du GABA comme neurotransmetteur, dans la

binoculari té et dans l’élaboration des propriétés des champs récepteurs des neurones du cortex visuel du chat. Cette littérature démontre aussi

clairement que ces propriétés sont modifiables durant le développement de l'individu. Elles peuvent être altérées par des manipulations de

l'environnement visuel. De ce fait, Leventhal et Hirsch (’80) et Pearson ('83) ont suggéré que les connexions inhibitrices sont particulièrement affectées par l'environnement visuel que l'animal a expérimenté durant son

développement.

On sait que les synapses qui contiennent du GABA (inhibiteur dans le cortex cérébral) ont une différenciation symétrique des membranes

synaptiques (Ribak '78) et que la plupart des synapses qui ont cette

morphologie contiennent du GABA (Somogyi et coll. '85; Wolff et coll. '84). Il serait donc logique de croire que les synapses symétriques à vésicules

aplaties sont particulièrement affectées par 1 'environnement. C’est pourquoi nous avons retenu l'hypothèse que ce sont des facteurs de l'environnement qui sont responsables des différences interindividuelles que nous avons retrouvées pour les synapses symmétriques à vésicules aplaties. Il faut admettre cependant que les conditions expérimentales utilisées dans toutes

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les études décrites à la section 1.3 sont différentes de celles qu'auraient pu subir les animaux où avons trouvé ces différences interindividuelles. Même si nous ne connaissions pas exactement les conditions d'élevage des

animaux utilisés dans notre étude précédente, nous savions cependant que ces chats n'avaient pas subi de manipulations expérimentales privatives. Est-ce que des changements plus subtils de l'environnement peuvent altérer les circuits corticaux? On verra à la prochaine section que des différences plus subtiles de la richesse de l'environnement peuvent affecter l'anatomie du cerveau.

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2- INFLUENCE DE LA RICHESSE DE L’ENVIRONNEMENT SUR L'ANATOMIE DU CORTEX CEREBRAL

Les recherches sur les effets de la richesse de l'environnement sur l'anatomie du cerveau ont commencées au début des années soixantes (Rosenzweig et coll. '62). Elles ont révélé des changements macroscopiques dans le poids du corps et de l'encéphale. Ces recherches ont aussi démontré des effets microscopiques sur l'épaisseur du cortex cérébral, sur le nombre de ses cellules, sur la morphologie de ses neurones ainsi que sur le nombre, la longueur et même la forme de ses contacts synaptiques (voir revues par Bennett et coll. '64; Diamond '76; Greenough et Chang '85; Jones et Smith '80; Rosenzweig '71; Rosenzweig et coll. '72; '76; '78; Walsh '81). Dans les paragraphes qui suivent, nous verrons en détail les études sur lesquelles ces assertions s'appuient.

2.1- Méthodes d'élevage en milieux pauvre et enrichi

Quoiqu'il existe quelques travaux chez la souris (Henderson '70;

Rosenzweig et Bennett '69), le singe (Fleeter et Greenough '79) et la gerboise (Rosenzweig et Bennett '69), c'est le rat qui a été l'animal le plus utilisé pour étudier les effets de la richesse de l'environnement sur l'anatomie du

cerveau (voir revues citées plus haut). Au sevrage, vers l'âge de 25 à 30 jours, les jeunes ratons d'une même portée sont groupés selon leur sexe et même quelquefois selon leur poids. Ils sont ensuite placés dans deux (ou plus rarement dans trois) environnements de différentes complexités. Dans l'environnement dit "enrichi" (EC: enriched condition), les ratons vivent par

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groupe de 10 à 12 animaux dans de grandes cages (70x70x45 cm). Des jouets sont placés dans ces cages et sont changés quotidiennement. Dans quelques études, les animaux enrichis sont placés tous les jours dans un labyrinthe pendant 30 minutes (Rosenzweig et coll. '62). Les animaux en milieu pauvre (IC: impoverished condition) vivent isolés dans des cages de 30x20x20 cm dont les côtés sont opaques. Ils sont manipulés le moins souvent possible. Un troisième environnement quelquefois utilisé est le milieu dit "social" (SC: social condition). Dans cette condition expérimentale, trois ratons sont placés dans une cage de 30x20x20 cm, sans jouets et sans manipulations

(Rosenzweig et coll. '72). A moins d'en aviser le lecteur autrement, les études décrites dans les sections qui vont suivre ont été faites chez le rat, en

comparant les milieux dits "pauvres" et "enrichis".

2.2- Effets différentiels de l'élevage en milieux pauvre et enrichi 2.2.1- Effets macrocopiques

Poids du corps . Le poids du corps des animaux placés dans le milieu pauvre pendant au moins 30 jours depuis le sevrage est en moyenne de 10 à 20% plus élevé que celui des animaux enrichis (Fiala et coll. '77; Krech et coll. '60, '66; Quay et coll. '69; Riege et Morimoto '70; Rosenzweig et Bennett '69, '72; Walsh et coll. '71, '73; Will et coll. '77). Lorsque la période de

traitement est plus courte que 30 jours, il semble que ces différences sont moins marquées (Malkasian et Diamond '71 ; Zolman et Morimoto '65). Les auteurs ont suggéré que les différences de poids entre les deux conditions expérimentales sont dues à l’effet combiné de la consommation accrue de nourriture et du niveau très bas d’activité musculaire des animaux en

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milieu pauvre (Fiala et cell. '77; Walsh et coll. '71).

Poids du cerveau. La plupart des études ont démontré que les

encéphales des rats élevés dans un milieu riche sont significativement plus lourds que ceux des animaux élevés dans un milieu pauvre (Bennett et coll. '69, '74; Bhide et Bedi '82, '84a, '84b; Cummins et coll. '73; Eterovic et

Ferchmin '74; Ferchmin et coll. '70, '75; Geller et coll. '65; Globus et coll. '73; Katz et Davies '83, '84; Krech et coll. '66; Riege '71; Rosenzweig '66;

Rosenzweig et coll. '71, '72; Walsh et coll. '74). Toutefois, les effets de la complexité de l'environnement sur ce paramètre sont minimes (de l'ordre de 1 à 5%) et il faut utiliser beaucoup d'individus pairés par litières, par sexe et par poids corporel au sevrage, pour démontrer une différence significative. Par exemple, 80 jours d'élevage différentiel démontrent une différence significative d'à peine 1% entre 175 paires de rats mâles enrichis et

appauvris (Rosenzweig et coll. '71). Walsh et collaborateurs ('74), en utilisant 200 paires de rats élevés dans les mêmes conditions expérimentales pendant 18 à 530 jours ont trouvé une différence moyenne dans le poids de l'encéphale de l'ordre de 3%. Beaucoup d'études, qui ont utilisé un plus petit nombre de sujets ou n'ont pas pairés leurs animaux au sevrage, n’ont pu démontrer de changements significatifs entre les deux milieux expérimentaux (Bennett et coll. '64; Cmic '83; Krech et coll. '60, '62; McConnell et coll. '81; Quay et coll. '74; Riege et Morimoto '73; Rosenzweig et coll. '62, '68; Walsh et coll. ’69).

Chez la souris, Henderson ('70) et LaTorre ('68) ont démontré une augmentation moyenne du poids de l'encéphale d'environ 4 à 5% chez des animaux enrichis. Henderson ne trouve pas de différence significative chez les parents mais seulement chez les descendants de parents qui ont été

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élevés dans des milieux riches et pauvres, tandis que LaTorre ('68) a trouvé une différence significative dans deux lignées génétiques de souris dont les parents n'ont pas subi d'élevage différentiel. On pourrait expliquer les résultats d'Henderson par le fait que des parents "enrichis" forment un milieu plus riche pour leur progéniture.

Les différences de poids de l'encéphale qui résultent de l'élevage en milieu riche et pauvre ne sont pas les mêmes pour toutes les parties du cerveau. Dans l'une de leurs études, Rosenzweig et collaborateurs ('62) n'ayant découvert aucune différence significative dans le poids de

l'encéphale de rats enrichis et appauvris, ont eut l'idée de peser séparément le cortex cérébral et les régions sous-corticales. L'ensemble du cortex de l'animal enrichi y était significativement plus lourd (4%) que celui de l'animal appauvri. Ils ont aussi pesé séparément des pièces de tissu qui provenaient de différentes parties du cortex cérébral. Avec l'aide d'une règle en matière plastique en forme de T (voir Fig. 2 dans Bennett et coll. '64), ils prenaient des pièces de tissu d'une surface corticale de grandeur constante dans des régions prédéterminées du cortex cérébral. Avec cette méthode, pour le moins grossière, ils ont conclu que c'est le cortex visuel (région occipitale du cortex) qui présente la plus grande différence après un élevage différentiel de 30 à 80 jours. Le poids de cette région est de 6 à 10% plus élevé chez l'animal enrichi. Le poids du cortex somatosensoriel (région frontale) est le moins influencé par ces conditions expérimentales. Ils n'y trouvent qu'une différence d'environ 2% entre les deux groupes d'animaux. Cette méthode a été plusieurs fois employée par la suite et les résultats de

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'64, '69, '74; Globus et coll. '73; Krech et coll. '66; LaTorre '66; Riege et

Morimoto '70; Rosenzweig '66; Rosenzweig et coll. '68, '69). En dépit des effets importants de l'environnement sur le poids de la région occipitale, des rats élevés en colonie ou isolés dans une cage mais dans le noir total ou après énucléation à la naissance présentent eux aussi des différences dans le poids du cortex occipital (Krech et coll. '63). Ces auteurs ainsi que Rosenzweig et collaborateurs ('69) en ont conclu que les différences dans le poids du cortex occipital entre les deux milieux ne seraient pas reliées aux stimuli visuels. Toutefois, si l'on considère la technique utilisée, et le fait que ces résultats n'ont jamais été vérifiés, il serait dangereux d'accepter cette conclusion comme étant définitive.

Comme les différences dans le poids de l'encéphale sont minimes, certains auteurs (voir Rosenzweig et coll. '71) ont pensé que le liquide extracellulaire pourrait être responsable de la différence dans le poids de l'encéphale des animaux pauvres et enrichis. Des mesures sur du tissu séché ont montré un effet du même ordre de grandeur que sur du tissu frais (Bennett et coll '69; Eterovic et Ferchmin '74; Hoover et Diamond '76). On doit donc conclure que la différence entre les deux conditions expérimentales est vraiment due à une augmentation du tissu parenchymateux chez l'animal enrichi.

Longueur et largeur des hémisphères cérébraux. Chez le rat, la croissance en largeur des hémisphères est complétée au moment du

sevrage, à l'âge de 20 jours (Altman et coll. '68). Il n'est donc pas surprenant que l'élevage différentiel en milieu pauvre et enrichi, qui débute au sevrage, n'amène aucune différence significative dans la largeur des hémisphères

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cérébraux (Altman et coll. '68; Rosenzweig et Bennett '69; Walsh et coll 73). Contrairement à la largeur, la longueur des hémisphères cérébraux croît encore au moment du sevrage (Altman et coll. '68). Cette dimension est donc susceptible d'être affectée par l'environnement et on trouve en effet des différences dans la longueur cérébrale entre les rats élevés dans les 2 milieux (Cummins et coll. '73, '77; Cummins et Livesey '79; Kuenzle et Knusel '74; Walsh et coll. 71). La plupart des études ont démontré que ces différences augmentent avec le temps passé dans les conditions

expérimentales (Cummins et coll. '77; Cummins et Livesay '79; Kuenzle et Knusel 74). Elles sont de l'ordre de 1 à 2% après 30 jours (Cummins et

Livesey '79; Walsh et coll. 71), de 3% après 80 jours (Cummins et Livesey 79; Walsh et coll. 71) et de 5% après 120 jours (Cummins et Livesey 79).

Toutefois, Cummins et collaborateurs (73) ne confirment pas cette tendance puisqu'ils n'ont obtenu qu'une différence de 1% après 509 jours d'élevage différentiel. On pourrait donc supposer qu'à un âge très avancé, les différences dans la longueur des hémisphères régressent et deviennent moins marquées: on verra plus loin que certains paramètres sont plus affectés à 30 jours qu’à 80 jours d'élevage différentiel.

Dans une étude où ils n'ont trouvé aucune différence statistique dans la longueur et la largeur des hémisphères cérébraux entre des rats élevés différentiel!ement pendant 30 jours, Walsh et collaborateurs (71) ont pu démontrer quand même une différence significative de la surface corticale, en multipliant ces 2 paramètres. Ce qui fait dire à Walsh ('81) que le produit de la longueur et de la largeur cérébrale serait l'indice le plus distinctif des effets différentiels de l'environnement sur les dimensions des hémisphères

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cérébraux.

2.2.2- Effets microscopiques sur le cortex cérébral

Epaisseur du cortex cérébral. Chez le rat, l'épaisseur du cortex cérébral augmente de la naissance jusqu'à l'âge de 26 jours pour ensuite croître plus lentement jusqu'à l'âge de 650 jours (Diamond et coll. '65, '77). Cette

augmentation de l'épaisseur est affectée par l'environnement. Toutefois les régions du cortex cérébral ne sont pas toutes affectées uniformément par un élevage en milieu pauvre et enrichi. Les différences riches pauvres sont plus marquées au niveau du cortex visuel et paravisuel (5 à 10%; Bennett et coll. '64; Bhide et Bedi '82, '84a, '84b; Connor et coll. '80; Cummins et coll. '82; Davies et Katz '83; Diamond et coll. '64, '66, '67, '71, '72, '75, '76; Hamilton et coll. '77; Katz et Davies '84, '83; Katz et coll. '82; Pappas et coll. '78;

Rosenzweig '66; Rosenzweig et coll. '69; Szeligo et Leblond '77; Uylings et coll. '78a, '78b; Walsh et coll. ’69) et la différence est minimale dans les régions du cortex moteur et somatosensoriel (2 à 3%; Diamond et coll. '72; Rosenzweig et coll. '72). Il est intéressant de constater que les effets de l'environnement sur l'épaisseur corticale n’augmentent pas pari passu avec la période de temps passée dans le milieu. Des différences dans l'épaisseur corticale peuvent être produites par des périodes de temps d'élevage différentiel d’aussi peu que 4 jours (3% dans le cas du cortex occipital; Diamond et coll. '76). Elles sont plus marquées après 30 jours (7%), mais diminuent après 80 jours d'élevage

différentiel (4-5%; Diamond et coll. '72).

Comme je l'ai déjà fait remarqué, toutes ces études ont été menées chez des rats placés dans leur milieu respectif après sevrage. Un travail

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intéressant de Malkasian et de Diamond (71) a démontré que l'épaisseur corticale peut être 15% plus grande chez des jeunes ratons placés dès la naissance dans un milieu riche formé de plusieurs familles,

comparativement à des ratons élevés avec leur seule famille.

Nombre de cellules. Dans les études traitant de l'effet des milieux pauvres et enrichis sur le cortex cérébral, différentes méthodes ont été employées pour calculer le nombre de cellules dans le cortex occipital. Une première méthode consiste à compter le nombre de profils de noyaux ou de nucléoles sur des sections histologiques épaisses teintes avec la méthode de Nissl (Diamond et coll. 64, '66; Katz et Davies '84). Les profils sont comptés sur une surface de grandeur définie. Comme on connaît l’épaisseur de la section, on peut exprimer ces résultats en terme de neurones par unité volumétrique pourvu qu'on fasse les corrections qui s'imposent du fait que certains objets comptés peuvent être coupés par les côtés de la section (Abercrombie '46). Certains auteurs expriment toutefois leurs résultats en terme de nombre de cellules par champ microscopique ou par aire.

Cependant, il faut noter que cette valeur ne représente pas réellement le nombre d’objets par aire puisque les sections histologiques que ces auteurs ont utilisées ont une épaisseur non négligeable par rapport aux profils étudiés: techniquement, pour obtenir le rapport nombre sur aire (le Na tel que défini en stéréologie), il faut que l'épaisseur de la section histologique soit négligeable par rapport à celle des profils étudiés (voir Weibel 79). Quoiqu'il en soit, en admettant que toutes les coupes histologiques étudiées ont

exactement la même épaisseur, des différences dans le nombre de cellules par champs microscopiques obtenues par cette méthode, devraient donner

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une bonne estimation du degré véritable de différence.

Une autre méthode détermine le rapport du nombre de noyaux sur une surface donnée (Na) sur des coupes histologiques dont l'épaisseur est

négligeable par rapport aux profils étudiés (Szeligo et Leblond '76). En mesurant aussi la grandeur des profils des noyaux, on peut à l'aide de

formules mathématiques, évaluer le nombre d'objets par unité volumétrique (Nv: Bhide et Bedi '84a, '84b, '84c, '85; Turner et Greenough '85). Cette

méthode s'applique aussi aux comptes de synapses. Pour plus de détails, voir la section Matériels et Méthodes.

Nombre de neurones. Diamond et collaborateurs ('64) ont été les premiers à étudier le nombre de neurones dans le cortex d'animaux élevés en milieux pauvre et enrichi. Sur des sections histologiques teintes par la méthode de Nissl ils ont démontré que le nombre de neurones par champ microscopique était en moyenne 17% plus petit dans le cortex visuel d'animaux élevés 80 jours dans un milieu riche. Cette différence est

significative avec un pcO.Ol. Comme pour le poids cortical, le cortex visuel est plus affecté que les autres régions corticales: le nombre de neurones par champ microscopique dans le cortex somatosensoriel n'est que de 7% plus petit chez les animaux enrichis (p<0.05). De plus, d'après ces auteurs, ce sont les lames II et III qui sont le plus affectées par l'élevage différentiel.

Pour l'ensemble du cortex visuel, Bhide et Bedi 084a, '84b) ont démontré que le nombre de neurones par unité de volume (Nv) est de 5 à 9% plus petit chez des animaux qui ont vécu 30 jours dans le milieu riche. Ils ont

également démontré que les lames supérieures sont plus affectées que l'ensemble du cortex: le Nv des neurones dans les lames II et III du cortex

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visuel de rats enrichis est de 16 à 18% plus petit que celui des rats pauvres (Bhide et Bedi '84b, '84c, '85). Une différence semblable (15%) dans le Nv des neurones a aussi été démontrée par Turner et Greenough ('85) pour

l'ensemble des lames I à IV du cortex visuel du rat. Il faut noter toutefois que Katz et Davies ('84) en élevant 32 paires de rats pendant 2 mois n'ont pu confirmer ces données. Us observent bien un nombre plus petit chez l'animal enrichi mais, d'après eux, cette différence n'est pas significative.

Dès leur première étude, Diamond et collaborateurs ('64) assument que le nombre total de neurones est fixe et que la réduction du nombre de

neurones par champ microscopique dans le cortex visuel d'animaux enrichis n'est en fait que le reflet d'une dilution d'une même quantité de neurones dans un volume plus grand de tissu cérébral. Dès cette époque, ils suggèrent que cette dilution est due à une plus grande et plus complexe arborisation dendritique des neurones des animaux enrichis, ce qui aurait pour effet de séparer les corps cellulaires les uns des autres et d'augmenter l'épaisseur corticale. En 1966, ils reprennent leurs résultats de 1964 mais cette fois-ci, ils expriment le nombre de neurones en tenant compte de l'épaisseur du cortex. Ainsi, ils calculent le nombre de neurones par

champs microscopiques successifs de la pie-mère à la matière blanche. La différence entre les 2 milieux est alors plus petite (3%) et non significative. Ils concluent que cela confirme en partie l'hypothèse de la dilution du nombre de neurones dans un plus grand volume.

Nombre de cellules gliales. L'élevage en milieu pauvre et enrichi n'a pas d'effet significatif sur le nombre de l'ensemble de tous les types de cellules gliales par champ microscopique (Diamond et coll. '64; Katz et

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Davies '84). Cependant, si l'on tient compte de l'épaisseur corticale, le

nombre de cellules gliales est 14% plus élevé dans le cortex visuel de l'animal enrichi, le rapport nombre de cellules gliales par neurone est de 13 à 16% plus élevé chez l’animal enrichi (Diamond et coll. '64, '66) et ces différences sont significatives. La différence du rapport cellule gliale/neurone se

comprend facilement puisque le nombre de cellules gliales par champ microcopique est semblable entre les 2 groupes d'animaux tandis que le nombre de neurones par champ microscopique est plus élevé chez les animaux pauvres.

Pour déterminer si un type particulier de cellule gliale change plus que l'autre suite à un élevage différentiel, Diamond et collaborateurs ('66) ont fait des comptes séparés sur les deux principaux types: les astrocytes et les

oligodendrocytes. Après 80 jours d'élevage différentiel, le nombre

d'oligodendrocytes par champ microscopique est significativement plus élevé chez l'animal enrichi (20%) tandis que celui des astrocytes n'est pas

significativement différent entre les 2 groupes d'animaux (Diamond et coll. ’66). Toutefois, le rapport du nombre d'astrocytes par neurone est quand même 13% plus élevé chez l'animal enrichi (Szeligo et Leblond 77). Une telle différence significative ne s'observe que si la période d'élevage différentiel dure au moins 80 jours. Bien sûr, le rapport oligodendrocytes/ neurone est également plus élevé dans le milieu riche mais l'effet différentiel est

maximal à 30 jours (33%; p<0.005) tandis qu'il est un peu moindre à 80 jours (25%; p<0.01; Szeligo et Leblond 77). Bhide et Bedi (’84b) n'ont pas pu

confirmé ces changements dans leurs études sur le Nv des cellules gliales. Szeligo et Leblond (77) et Jones et Smith ('80) suggèrent qu'un plus grand

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