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Regard sur la réalité des intervenant(e)s travaillant ou ayant travaillé auprès de la clientèle des centres jeunesse du Québec et pratiquant la présence attentive : une analyse phénoménologique interprétative

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Pierre-Luc Mailhiot, 2020

Regard sur la réalité des intervenant(e)s travaillant ou

ayant travaillé auprès de la clientèle des centres

jeunesse du Québec et pratiquant la présence attentive.

Une analyse phénoménologique interprétative.

Mémoire

Pierre-Luc Mailhiot

Maîtrise en sciences de l'orientation - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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Regard sur la réalité des intervenant(e)s travaillant ou ayant travaillé

auprès de la clientèle des centres jeunesse du Québec et pratiquant la

présence attentive

Une analyse phénoménologique interprétative

Mémoire Pierre-Luc Mailhiot

Maîtrise en sciences de l’orientation

Sous la direction de :

Alain Dubois, directeur de recherche

Québec, Canada

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Résumé

Au Québec, les intervenant(e)s des centres jeunesse font face à une multitude de situations stressantes, les mettant ainsi à risque d’épuisement professionnel. À ce jour, aucune étude québécoise ne s’est intéressée au vécu d’intervenant(e)s en centres jeunesse, en lien avec leur perception du bien-être au travail, et pratiquant la présence attentive. Une recension de la littérature a mis en évidence les bienfaits de la pratique de la présence attentive face aux risques d’épuisement professionnel. Il nous est donc apparu pertinent d’investiguer si cela s’appliquait également aux intervenant(e)s des centres jeunesse. Les objectifs de la présente recherche étaient les suivants : 1) explorer la perception du bien-être au travail des intervenant(e)s, 2) décrire la pratique de la présence attentive telle que vécue par les intervenant(e)s et le sens qu’elles y accordent et 3) explorer les effets perçus de la présence attentive dans leur rapport au travail. Afin de répondre à ces objectifs, un devis de recherche qualitatif basé sur l’approche de l’analyse phénoménologique interprétative (IPA) de Smith, Flowers et Larkin (2009) a été utilisé. Quatre entrevues individuelles semi-dirigées ont été conduites et une analyse phénoménologique interprétative des données recueillies a été effectuée. Les résultats ont mis en évidence l’existence de douze dimensions expérientielles communes au vécu des quatre participantes. Finalement, la mise en dialogue des résultats de la recherche et de la recension des écrits au sujet de la présence attentive et du milieu de réinsertion sociale suggère que plusieurs éléments affectent la perception du bien-être au travail des intervenantes interviewées. La présence attentive pour sa part constitue un atout important, mais représente davantage un moyen parmi d’autres de favoriser ce bien-être.

Mots clés : épuisement professionnel, santé au travail, centres jeunesse, protection de la jeunesse, réinsertion sociale, intervenant(e)s, présence attentive, pleine conscience, méditation, analyse phénoménologique interprétative, étude qualitative.

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Tables des matières

RÉSUMÉ ... II TABLES DES MATIÈRES ... III LISTE DES TABLEAUX ... VII REMERCIEMENT ... VIII

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 - PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS DE LA RECHERCHE ... 4

1.APERÇU DE LA RÉALITÉ DU MILIEU DE LA RÉINSERTION SOCIALE ... 4

1.1 Le rôle de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. ... 4

1.2 Le rôle de la Direction de la protection de la jeunesse et des centres jeunesse. ... 6

1.3 L’intervention sous contrainte et ses enjeux. ... 8

1.4 Les programmes de gestion du stress et la présence attentive... 12

2.PERTINENCE SOCIALE : UN COÛT SOCIAL ÉLEVÉ ASSOCIÉ À L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL ... 14

3.QUESTION DE RECHERCHE ET OBJECTIFS ... 15

3.1 Question. ... 15

3.2 Objectifs. ... 15

CHAPITRE 2 - RECENSION DES ÉCRITS ... 16

1.LA PRÉSENCE ATTENTIVE ... 16

1.1 Bienfaits intrapersonnels. ... 16

1.2 Bienfaits interpersonnels. ... 19

1.3 Bienfaits au travail. ... 21

1.4 Bienfaits corporels. ... 22

2.PERTINENCE SCIENTIFIQUE :DES INCERTITUDES DEMEURENT ... 23

CHAPITRE 3 - CADRE THÉORIQUE ... 25

1.INTRODUCTION À LA PRÉSENCE ATTENTIVE ... 25

2.INTERVENTIONS BASÉES SUR LA PRÉSENCE ATTENTIVE ... 26

3.DÉFINITIONS ET DIMENSIONS DE LA PRÉSENCE ATTENTIVE ... 26

3.1 Définition de la présence attentive. ... 26

3.2 Définitions des dimensions. ... 27

4.OPÉRATIONNALISATION ... 28

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5.1 Pratiques formelles. ... 30

5.2 Pratiques informelles. ... 32

CHAPITRE 4 - MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ... 33

1.PLAN DE RECHERCHE ... 33

1.1 Paradigme de recherche ... 33

1.2 Méthode de recherche employée ... 33

1.3 Fondements théoriques de l’analyse phénoménologique interprétative (IPA). ... 34

2.CADRE DE L’ÉTUDE ... 35

2.1 Communication de postulats significatifs. ... 35

2.2 Déroulement de l’étude... 36

2.3 Considérations éthiques. ... 39

3.PROCÉDURES D’ANALYSE DES DONNÉES ... 39

3.1 Analyse phénoménologique interprétative. ... 39

3.2 Méthode telle que proposée par Smith, Flowers et Larkin (2009). ... 40

4.PROCÉDURES ENTOURANT LA QUALITÉ DE L’ÉTUDE ... 47

4.1 Sensibilité au contexte. ... 47

4.2 Engagement et rigueur. ... 47

4.3 Transparence et cohérence. ... 48

4.4 Impact et importance. ... 48

4.5 Auditeur indépendant. ... 48

5.MODALITÉS DE COMMUNICATION DES RÉSULTATS ... 48

CHAPITRE 5 - INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 50

1.RAPPEL DE L’OBJECTIF DU MÉMOIRE ET RÉSUMÉ DU DÉROULEMENT DE LA PRÉSENTATION ... 50

2.PORTAIT DE LA PREMIÈRE PARTICIPANTE ... 51

2.1 La situation vécue au travail ... 51

2.2 La pratique de la présence attentive ... 54

2.3 Les éléments médiateurs pouvant influencer son bien-être au travail et sa motivation à pratiquer ... 56

2.4 Synthèse ... 56

3.PORTAIT DE LA DEUXIÈME PARTICIPANTE ... 57

3.1 La situation vécue au travail ... 57

3.2 La pratique de la présence attentive ... 60

3.3 Les éléments médiateurs pouvant influencer son bien-être au travail et sa motivation à pratiquer ... 62

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v

3.4 Synthèse ... 62

4.PORTAIT DE LA TROISIÈME PARTICIPANTE ... 63

4.1 La situation vécue au travail ... 63

4.2 La pratique de la présence attentive ... 65

4.3 Les éléments médiateurs pouvant influencer son bien-être au travail et sa motivation à pratiquer ... 66

4.4 Synthèse ... 66

5.PORTAIT DE LA QUATRIÈME PARTICIPANTE ... 67

5.1 La situation vécue au travail ... 67

5.2 La pratique de la présence attentive ... 69

5.3 Les éléments médiateurs pouvant influencer son bien-être au travail et sa motivation à pratiquer ... 72

5.4 Synthèse ... 72

6.DIMENSIONS EXPÉRIENTIELLES COMMUNES ET SYNTHÈSE ... 73

6.1 La situation vécue au travail ... 74

6.2 La pratique de la présence attentive ... 78

6.3 Les éléments médiateurs pouvant influencer le bien-être au travail et la motivation à pratiquer 81 6.4 Synthèse des dimensions expérientielles communes et des regroupements. ... 83

CHAPITRE 6 - DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 84

1.VISION D’ENSEMBLE DE L’ÉTUDE ... 84

2.DISCUSSION ENTRE LE VÉCU DES INTERVENANT(E)S TRAVAILLANT AUPRÈS DE LA CLIENTÈLE DES CENTRES JEUNESSE ET PRATIQUANT LA PRÉSENCE ATTENTIVE ET LA REVUE DE LITTÉRATURE ... 85

2.1 Mise en dialogue des résultats décrivant le vécu des participantes au travail et des constats de la recension des publications. ... 85

2.2 Mise en dialogue des résultats décrivant le vécu des participantes de la pratique de la présence attentive et des constats de la recension des publications ... 97

2.3 Mise en dialogue des résultats décrivant les incidences perçus de la pratique de la présence attentive dans le rapport au travail et des constats de la recension des publications... 101

2.4 Éléments médiateurs : les caractéristiques personnelles. ... 106

2.5 Synthèse de la discussion. ... 110

CONCLUSION ... 112

1.SYNTHÈSE DES CONNAISSANCES ACQUISES ... 112

2.RÉFLEXION CRITIQUE ... 113

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vi 4.RECOMMANDATIONS ... 116 4.1 Recherche future. ... 116 4.2 Voies d’application. ... 117 BIBLIOGRAPHIE ... 119 ANNEXES ... 135

ANNEXE A–LETTRE DE RECRUTEMENT ... 135

ANNEXE B–FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ... 137

ANNEXE C–QUESTIONS D’ENTREVUE... 140

ANNEXE D–QUESTIONNAIRE SOCIODÉMOGRAPHIQUE ... 141

ANNEXE E–AFFICHE DE LA JOURNÉE DE LA RECHERCHE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION ... 142

ANNEXE F-EXEMPTION DE L’OBLIGATION D’OBTENIR UNE APPROBATION ÉTHIQUE (CÉRUL) ... 143

ANNEXE G–FICHE DE PRÉSENTATION D’UN PROJET DE RECHERCHE AU CIUSSS DE LA CAPITALE-NATIONALE ... 147

ANNEXE H–AUTORISATION À RÉALISER LA RECHERCHE (CIUSSS) ... 164

ANNEXE I–CERTIFICAT ÉTHIQUE DU PROJET (CIUSSS) ... 166

ANNEXE J–FORMULAIRE D’ENGAGEMENT À LA CONFIDENTIALITÉ ... 167

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Liste des tableaux

Tableau 1 – Le développement de la présence attentive ... 25

Tableau 2 – Grille d’analyse de la transcription ... 40

Tableau 3 – Grille d’analyse de la transcription. Segment de commentaires exploratoires ... 40

Tableau 4 – Grille d’analyse de la transcription. Développement de thèmes émergents ... 43

Tableau 5 – Illustration du processus d’étiquetage et de catégoritsation des regroupements de thèmes .. 44

Tableau 6 – Extrait du tableau synthèse de l’expérience vécue de la première participante ... 46

Tableau 7 – Sur-regroupement : La situation vécue au travail ... 74

Tableau 8 – Sur-regroupement : La pratique de la présence attentive ... 78

Tableau 9 – Sur-regroupement : Les éléments médiateurs pouvant influencer le bien-être au travail et la motivation à pratiquer ... 81

Tableau 10 – Ensemble des dimensions expérientielles communes ... 81

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Remerciement

Je voudrais remercier mon directeur de recherche, monsieur Alain Dubois, pour son soutien et son encadrement tout au long de la réalisation du présent mémoire. Comme la présence attentive était un sujet nouveau pour moi, cela a été un long cheminement depuis mes premières lectures sur le sujet. Il a su m’apporté ses conseils et ses commentaires de façon constructive et bienveillante tout au long de ce projet. Son appui et son expertise m’ont certainement fait grandement cheminer.

Je voudrais également remercier les quatre intervenantes qui ont eu la générosité de me partager leur vécu. L’apport de leur expérience m’a été très précieux et révélateur. Elles m’inspirent beaucoup de respect et de considération pour le travail si important qu’elles accomplissent quotidiennement.

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Introduction

Le milieu de la réinsertion sociale comporte son lot de défis tant pour les contrevenants que pour les intervenant(e)s. Ces dernières doivent non seulement composer avec des relations non-réciproques pour les bénéficiaires de services, mais également avec tous les risques que comporte le domaine de la relation d’aide, comme la fatigue de compassion. Les centres jeunesse du Québec n’échappent pas à cette réalité. Leur mission, régie par un cadre législatif, ordonne qu’ils procurent un service de soutien et d’encadrement pour les jeunes de moins de 18 ans, les enfants et leurs parents. C’est pourquoi, lorsque le développement ou la sécurité d’un enfant est en jeu, l’intervention légale est un devoir. De plus, les centres jeunesse ont été témoins depuis quelques années d’une complexification de leur situation générale : davantage de problème de santé mentale et de toxicomanie chez leur clientèle, un soutien financier gouvernemental stagnant voir réduit et un épuisement de leurs ressources humaines (Lebon, 2016).

Face à cette situation anxiogène, il importe de savoir comment les intervenant(e)s parviennent à gérer leur stress pour éviter de tomber en épuisement professionnel. À ce propos, la pratique de la présence attentive démontre des promesses intéressantes quant aux bénéfices observés sur la gestion du stress, parmi autre chose. Cependant, bien que plusieurs études aient été réalisées quant à l’impact de la présence attentive sur les pratiquantes, aucune étude à notre connaissance n’a été faite au sujet du vécu d’intervenant(e)s en centre jeunesse pratiquant la présence attentive. Considérant les impacts positifs généralement documentés dans les publications sur cette approche, il nous paraît pertinent d’explorer la façon dont est vécu ce phénomène chez des intervenant(e)s en centre jeunesse pratiquant la présence attentive.

Le premier chapitre traitera de la problématique occasionnée par la réalité du contexte de la réinsertion sociale et le risque important d’épuisement professionnel chez les intervenant(e)s dans ce milieu. On y aborde également la pertinence des programmes de gestion du stress basés sur la présence attentive et nous concluons ce chapitre sur la question et les objectifs de la recherche.

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Le deuxième chapitre exposera la recension des écrits sur les bienfaits de la pratique de la présence attentive. On s’attarde plus particulièrement aux bénéfices qu’en retirent les professionnels de la santé et les psychothérapeutes, formés ou en formation.

Le troisième chapitre abordera la méthode utilisée, soit l’analyse phénoménologique interprétative. Sont exposés les fondements théoriques de l’approche, la pertinence de cette approche pour la présente étude, son déroulement, les considérations éthiques, la procédure d’analyse des données et les procédures entourant la qualité de l’étude.

Le quatrième chapitre traitera du cadre théorique de la présence attentive. On y précise l’origine et le développement de cette approche dans le domaine de la relation d’aide et les programmes basés sur la présence attentive qui ont été développés. Ensuite, nous offrons une définition de la présence attentive de même que ses dimensions, nous expliquons comment peuvent s’appliquer les mécanismes sollicités par cette approche et nous donnons un aperçu des divers types de pratiques existants.

Le cinquième chapitre présentera les résultats obtenus à la suite de l’analyse phénoménologique interprétative des données. Les résultats permettront de répondre aux objectifs de recherche de l’étude, soit d’explorer la perception du bien-être au travail des intervenant(e)s, de décrire leur pratique de la présence attentive telle qu’elles la vivent et d’explorer les effets qu’elles en perçoivent dans leur rapport au travail.

Le sixième chapitre exposera la discussion entre les résultats obtenus et la recension de la littérature. Cette dernière est partiellement composée de la recension réalisée au chapitre 2, mais aussi d’une recension plus approfondie en fonction des dimensions expérientielles qui ont été abordées dans le chapitre 5. L’établissement de lien entre les résultats et la littérature permet à la fois de répondre aux objectifs de recherche, mais aussi d’enrichir le vécu des participantes afin d’offrir une représentation plus complète du phénomène étudié.

Finalement, la conclusion de ce mémoire synthétisera l’apport des connaissances acquises dans le cadre de ce mémoire. Elle comportera aussi une réflexion critique, soit les

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forces et les limites de l’étude, les retombées et les recommandations pour de futures recherches ainsi que des voies d’application.

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Chapitre 1 - Problématique et objectifs de la recherche

Ce premier chapitre présente la réalité caractérisant le milieu de la réinsertion sociale. Cet aperçu nous permettra de mieux saisir la législation orientant la mission de la Direction de la protection de la jeunesse et des centres jeunesse. Cela jette également un éclairage sur le rôle que tiennent les intervenant(e)s dans le contexte d’intervention non-volontaire pour les bénéficiaires de services, souvent inhérente au milieu de la réinsertion sociale, et les problématiques pouvant en découler. Suivront finalement la question et les objectifs de recherche de même que la pertinence sociale de cette recherche.

1. Aperçu de la réalité du milieu de la réinsertion sociale

La présente section aborde les deux lois dictant la mission et les objectifs d’intervention des centres jeunesse. Nous expliquerons en quoi elles consistent et les implications que cela représente pour les centres jeunesse. Nous discuterons également de certaines problématiques pouvant en découler et de certaines méthodes pouvant être employées pour faire face à ces problématiques.

1.1 Le rôle de la Loi sur la protection de la jeunesse et de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Avant de plonger au cœur de la problématique, il importe de discuter d’abord du cadre législatif légitimant le rôle même des intervenant(e)s travaillant en centres jeunesse. Voici donc une mise en contexte.

C’est au crépuscule des années soixante-dix que la protection de la jeunesse est devenue un enjeu national au Québec. C’est pourquoi la sécurité et le développement des enfants et des adolescents, qui autrefois étaient considérés comme la responsabilité des parents seulement, sont dorénavant encadrés par une législation depuis déjà quatre décennies, plus particulièrement par la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ) et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA).

Débutons d’abord avec la LPJ. Depuis son instauration en 1979, la LPJ poursuit l’objectif de venir en aide aux enfants dont la sécurité et le développement peuvent être compromis (« La protection des enfants au Québec : une responsabilité à mieux partager », 2004, p. 20). Il s’agit de situations où les besoins les plus fondamentaux de l’enfant ne sont

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pas comblés de façon satisfaisante, risquant ainsi de menacer son bon développement. Les besoins sont physiques (alimentation, repos, croissance, habillement), affectifs (relations significatives, sentiment d’appartenance, besoin d’identification et de sécurité émotive), intellectuels (apprentissage, développement, cognition, scolarisation, créativité) et sociaux (appartenance à un milieu familial, ouverture au monde extérieur à la famille, développement de l’aptitude à s’insérer et à participer socialement, intégration aux valeurs de la société) (Assemblée nationale du Québec, 1982 : p. 53). Il s’agit donc de situations qui nécessitent qu’une intervention soit menée afin de répondre minimalement aux besoins de l’enfant. Les situations problématiques sont les abandons (dus au décès des parents ou au non-exercice des responsabilités parentales ou à la suite d’un placement en ressource d’accueil), la négligence des différents types de besoins, les mauvais traitements psychologiques (l’indifférence, le rejet, l’isolement, l’agression verbale et le dénigrement, les menaces d’abus, terroriser l’enfant, l’exploitation et l’incitation au crime) et les abus sexuels et physiques. L’intervention se fait sur deux plans : remédier à la situation problématique et prévenir qu’une situation semblable ne se reproduise (« La protection des enfants au Québec : une responsabilité à mieux partager », 2004).

La LSJPA pour sa part a été instaurée en 2003 et concerne les jeunes âgés entre 12 à 17 ans ayant des troubles de comportement (absentéisme scolaire, fugue) et de délinquance (crimes et délits) et dont les parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation problématique. La LSJPA permet également d’intervenir auprès de jeunes ayant contrevenu au Code criminel (« Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents – Les adolescents contrevenants », 2016). Les peines imposées aux jeunes contrevenants sont cependant différentes de celles imposées aux individus de 18 ans et plus en vertu du Code criminel. Cette loi a un double contrat : œuvrer à la réadaptation et à la réinsertion sociale des jeunes contrevenants tout en veillant à la protection du public. La LSJPA a pour visées de diminuer l’impact des actes criminels à la fois pour les jeunes et la société, de responsabiliser les jeunes face à leurs actes de même que d’améliorer leurs compétences sociales et personnelles afin de réduire les comportements délinquants et de prévenir les comportements récidivistes (« Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents – Les adolescents contrevenant », 2016).

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1.2 Le rôle de la Direction de la protection de la jeunesse et des centres jeunesse. La Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) entre en jeu lorsqu’il s’agit d’appliquer la LPJ et la LSJPA. La DPJ a en effet pour mandat l’application concrète de ces lois et elle agit par l’intermédiaire des centres jeunesse. Lorsqu’une intervention est jugée nécessaire par la DPJ, c’est donc souvent par l’intermédiaire des centres jeunesse qu’elle se réalise. Tout comme la DPJ, toute intervention menée par et dans un centre jeunesse est donc encadrée et balisée par la LPJ et de la LSJPA. Selon la DPJ (« Direction de la protection de la jeunesse », 2016), l’article 33 de la LPJ autorise les intervenant(e)s des centres jeunesse à travailler au nom de la directrice de la protection de la jeunesse afin d’appliquer des mesures d’intervention volontaires ou judiciaires (involontaires) selon la situation problématique en question, que ce soit pour des enfants dont la sécurité et le développement sont compromis (LPJ) ou pour des adolescents contrevenants (LSJPA) (« Direction de la protection de la jeunesse », 2016).

Concernant la LPJ, la DPJ fonctionne par signalement, c’est-à-dire que les enfants vivant possiblement une situation problématique sont signalés à la DPJ par la population générale ou par des professionnels (« Direction de la protection de la jeunesse », 2016). Lors d’un signalement, on évalue la situation selon quatre facteurs (ACJQ, 1995) :

les faits (nature, gravité, chronicité et fréquence des faits signalés), la vulnérabilité de l’enfant (conséquences des faits sur l’enfant compte tenu de son âge et de ses caractéristiques personnelles et sociales), l’exercice de la responsabilité parentale et de la capacité parentale (ressources personnelles des parents, reconnaissance du problème et motivation à corriger la situation) et la capacité du milieu à procurer du soutien et des ressources à l’enfant et à ses parents (soutien disponible auprès des proches ou des ressources du milieu pouvant contribuer à assurer la protection de l’enfant) (« La protection des enfants au Québec : une responsabilité à mieux partager », 2004, p. 52-53).

S’il s’avère, après évaluation, que le développement de l’enfant est réellement entravé, comme dans l’une des situations nommées précédemment, la DPJ a le mandat d’intervenir. Comme mentionné, l’intervention se déroule sur deux plans. Tout d’abord, en vue de mettre fin à la situation problématique, les intervenant(e)s doivent s’assurer que les parents soient aptes à répondre aux besoins de l’enfant avant de décider si l’enfant peut rester auprès de ses parents ou s’il doit en être retiré. Généralement afin d’assurer une stabilité

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pour l’enfant, on priorise le maintien en milieu familial dans la mesure du possible. Cependant, si les parents sont évalués comme étant inaptes à répondre aux besoins de l’enfant, la DPJ peut décider de leur enlever la garde de leurs enfants jusqu’à ce que la situation soit résolue. Cela signifie que le DPJ possède le droit, délivré par un tribunal, de retirer l’enfant de son milieu familial si cela est jugé nécessaire et ce, sans le consentement des parents ni de l’enfant. Ensuite, on évalue les compétences parentales des parents et on intervient auprès de ces derniers afin de les aider à reprendre la charge de leurs enfants (Assemblée nationale du Québec, 1982 : p. 228). Dans la mesure où ils sont jugés inaptes à reprendre la charge de leurs enfants à la suite d’une intervention, les enfants sont placés de façon permanente. Il existe quatre options pour placer un jeune : sa famille élargie, l’adoption, la tutelle et le placement à long terme en ressource d’accueil (« La protection des enfants au Québec : une responsabilité à mieux partager », 2004, p. 20).

Quant à la LSJPA, l’intervenant(e) en charge doit évaluer si l’adolescent contrevenant reconnaît sa responsabilité dans l’acte délictuel qu’il a commis, sa volonté à dédommager les victimes et la communauté visée, ses difficultés d’adaptation sociale, son fonctionnement social dans ses divers milieux de vie, son degré de développement et de maturité, les risques que l’adolescent contrevenant récidive, les ressources dans les milieux familial et social mises à sa disposition. L’intervenant(e) doit également évaluer les attentes des victimes. À la suite de l’évaluation, l’intervenant(e) fait face à trois choix : cesser l’intervention si des mesures appropriées et suffisantes ont été prises en regard au délit commis par l’adolescent, que ce soit par l’intermédiaire de ses parents ou d’un autre adulte responsable; faire appel à des sanctions extrajudiciaires, c’est-à-dire ne faisant pas partie d’une procédure judiciaire; ou encore, transmettre le dossier de l’adolescent contrevenant au procureur aux poursuites criminelles et pénales en vue de le faire comparaître devant le juge de la Chambre de la jeunesse. Dans le cas de cette dernière option, certaines sanctions judiciaires possibles ont pour but de contrôler les comportements de l’adolescent contrevenant que ce soit en l’obligeant à participer à un ensemble d’activités, à un programme d’assistance et de surveillance intensive, à être sous probation ou encore d’être placé sous garde et surveillance. Les intervenant(e)s peuvent ainsi superviser de façon directive les jeunes afin de s’assurer qu’ils ne récidivent pas et qu’ils respectent les conditions de l’ordonnance (« Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents –

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Les adolescents contrevenants », 2016). On se trouve donc dans la gestion des risques et la protection du public d’abord et dans l’intervention ensuite.

1.3 L’intervention sous contrainte et ses enjeux.

La LPJ et la LSJPA impliquent donc des interventions à caractère contraignant. En effet, comme cela a été mentionné, bien que les interventions en milieu familial soient priorisées, la LPJ donne tout de même l’autorisation à la DPJ de retirer un enfant de son milieu lorsque le développement et la sécurité de celui-ci sont compromis. De plus, les parents se voient obligés de participer à des interventions en vue d’améliorer leurs compétences parentales. Aussi, dans le cadre de la LSJPA, les intervenant(e)s peuvent imposer des sanctions extra-judiciaires aux adolescents contrevenants ou veiller à ce que ces derniers respectent les sanctions judiciaires leur étant imposées par le tribunal selon leur délit. Bien que ces suivis se produisent généralement au sein de la communauté, elles peuvent également avoir lieu dans les lieux d’hébergement pour la réadaptation (« Direction de la protection de la jeunesse », 2016). Il arrive donc parfois que les centres jeunesse servent à la fois de ressource d’accueil à plus ou moins long terme pour les jeunes sous la juridiction de la LPJ et de centres de réadaptation pour les jeunes sous la juridiction de la LSJPA. On y trouve également :

[…] des services psychosociaux et des services d’adaptation, de réadaptation et d’intégration sociale aux jeunes et aux mères en difficulté ainsi qu’à leur famille. Les centres jeunesse offrent également des services en matière de placement, de médiation familiale, d’expertise à la Cour supérieure en ce qui concerne la garde d’enfants, d’adoption et de post-adoption (recherche des antécédents biologiques et retrouvailles). (Tremblay, Moisan, Laquerre & Faugeras, 2002, p. 21)

Certains de ces services sont toutefois partagés avec d’autres organismes dont le CLSC, les écoles, les hôpitaux, etc.

Pour assurer le bon fonctionnement au sein des centres jeunesse et afin de faciliter la mission de la LPJ et de la LSJPA, des règles ont été mises en place et peuvent parfois contraindre la liberté tant des enfants et des parents que des adolescents contrevenants. L’article 11.1.1 de la LPJ spécifie entre autres que :

Lorsque l’enfant [ou le jeune] est hébergé à la suite d’une mesure de protection immédiate ou d’une ordonnance rendue par le tribunal en

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vertu de la présente loi et qu’il y a un risque sérieux qu’il présente un danger pour lui-même ou pour autrui, l’hébergement de cet enfant peut s’effectuer dans une unité d’encadrement intensif maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation, laquelle encadre de façon importante son comportement et ses déplacements en raison de l’aménagement physique plus restrictif et des conditions de vie propres à cette unité. (2006, c. 34, a. 8; 2017, c. 18, a. 7.)

D’autres mesures comme l’isolement, même si elles sont régies par des lois et ont pour visée le bien-être des enfants et des adolescents, constituent davantage de contraintes s’ajoutant aux interventions déjà contraignantes imposées aux clients, tant les jeunes que les parents. Ces derniers se voient forcés de s’y soumettre, ce qui peut créer des tensions. Pour comprendre cette réaction de la part des clients, il faut d’abord comprendre qu’ils ne font souvent que réagir à la violence du milieu de réinsertion sociale. Selon certains auteurs, le but du système pénal est de régulariser les comportements des individus et de minimiser les risques (Quirion, 2006). On intervient donc sur une base de contrôle des individus. En effet, des mesures disciplinaires peuvent être utilisées lorsqu’un individu démontre un risque pour soi ou pour les autres et ces mêmes mesures contribuent à la violence du système pénal (Morin & Michaud : 2003; Cyr et coll. 2006). Selon Cyr et coll. (2006), ce genre de mesure a pour but de faire cesser un comportement perturbant ou dangereux et peut être utilisé comme mesure punitive ou même administrative et parfois, en raison d’un manque d’outils et de formation ou tout simplement comme mesure de protection du personnel. On mentionne également l’importance d’offrir un service personnalisé centré sur les besoins de l’individu. Or, l’usage de diagnostics et la standardisation de la pratique ont souvent pour effet de ne pas tenir compte de la singularité de chaque contrevenant qui, pourtant, comporte des informations importantes quant à sa réinsertion sociale potentielle (Karsz, 2004). La dépersonnalisation de l’individu constitue ainsi une autre sorte de violence à laquelle les contrevenants réagissent. Il est ainsi plus difficile d’établir une relation thérapeutique de confiance avec les individus en question (Le Pain, 2005), ce qui constitue pourtant un enjeu central dans tout processus de relation d’aide (Martin, Garske et Davis, 2000). L’ensemble de ces mesures et pratiques constitue donc une forme de violence pour certains et peut parfois susciter des représailles pour l’intervenant(e).

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En outre, dans un rapport sorti récemment (Lebon, 2016), il y est indiqué que la violence et l’intimidation ne sont pas choses rares dans ce contexte de travail où les ressources diminuent pour faire face à des problèmes grandissants, car de plus en plus complexes. Une étude ayant été menée auprès d’intervenant(e)s en réinsertion sociale aux États-Unis explique davantage cette réalité en démontrant le type de violence dont elles peuvent être victimes (Trice, 2011). On y mentionne entre autres que les intervenant(e)s en milieu de réinsertion sociale sont parfois menacées de mort, de blessures physiques, d’acte de violence envers leur famille ou encore de dommage à leur propriété (Davis, 2010). Il arrive également que des menaces de moins grande envergure leur soient proférées telles que des regards soutenus, un ton de voix menaçant, des insultes, des hurlements, des gestes de main comme pointer du doigt, faire un doigt d’honneur, etc. (Davis, 2010; Watkins, 1983). De surcroît, d’autres études rapportent également des comportements difficiles observés chez les bénéficiaires tels que la résistance, l’hostilité et l’agressivité (Ackerley et coll., 1988 ; Browner et coll, 1987 ; Farber et Heifetz, 1981 ; Hiscott et Connop, 1989) représentent des sources de stress importantes pour les intervenant(e)s. En effet, intervenir auprès de personnes vulnérables alors que les relations sont fréquentes et souvent chargées en émotions (Maslach, 1978 ; Ratliff, 1988) peut représenter une préoccupation quotidienne. S’il est reconnu que les professionnel(le)s en relation d’aide sont particulièrement exposés au stress et par le fait même à l’épuisement professionnel (Patrick, 1984; Pines et Maslach, 1978), les comportements difficiles des clients y contribuent certainement. Et cette réalité serait d’autant plus accentuée chez les intervenant(e)s travaillant auprès d’une clientèle psychiatrique lourde, chronique ou en crise (Mirabi et coll., 1985; Oberlander, 1990; Weaver, 1984). À cet effet, le vérificateur, André Lebon, mentionne que parmi la clientèle des centres jeunesse, il y a « davantage de jeunes avec des incidences de problèmes de santé mentale, de dépendance et de toxicomanie, de jeunes filles sous le joug de proxénètes, de jeunes qui ont des pensées suicidaires, de jeunes qui s’automutilent… » (Lebon, 2016, p. 4). Précisons aussi qu’il s’agit d’une clientèle à risque et que 60 % des jeunes jugés par la LSJPA ont un ou plusieurs troubles psychiatriques (Nadeau, 2009).

De plus, toujours selon Lebon (2016), le personnel des centres jeunesse ressentirait la pression de l’amoindrissement des ressources financières. Une grande proportion

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d’intervenant(e)s affirmerait d’ailleurs que la cible de leurs interventions s’attarde de plus en plus à démontrer leur efficience, du point de vue monétaire et statistique, et répond de moins en moins aux besoins spécifiques des jeunes. Ils rapportent aussi vivre une surcharge de travail et une certaine détresse qui affecte la santé du personnel. Une majorité d’intervenant(e)s affirmerait faire du temps supplémentaire et une proportion non négligeable se serait absentée pour cause de maladie. À ce propos, une seconde étude menée aux États-Unis démontre aussi que l’épuisement professionnel, le roulement de personnel et un faible taux de satisfaction envers son travail ne sont pas une nouveauté dans le domaine de la réhabilitation sociale. On y mentionne même que le stress est un facteur central et qu’il serait en lien avec le roulement de personnel, la surcharge de travail (tâches administratives, clients, etc.), l’épuisement professionnel, l’insatisfaction au travail, l’engagement, la performance et la productivité au travail (Mann Layne, Hohenshil et Singh, 2004). Le roulement de personnel, pour sa part, a tendance à causer un manque de personnel expérimenté, ce qui engendre une plus grande charge de travail pour les employé(e)s restants (Thomas, 2010). Une étude datant de 2009 révèle d’ailleurs des données sur le taux de roulement du personnel dans les centres jeunesse variant entre 38 % à 82 % (Tremblay et Joly, 2009). On y dévoile aussi des données sur le taux de discontinuité relationnelle dans les centres jeunesse variant entre 58 % et 74 % (Tremblay et Joly, 2009). Par ailleurs, les jeunes des centres jeunesse peuvent changer fréquemment de résidence et n’ont pas ou peu de relations familiales stables (Jackson, 2002).

Enfin, comme nous l’avons mentionné, le stress contribue à l’épuisement professionnel. En présence de toutes ces sources de stress, certains impacts peuvent se faire ressentir. L’épuisement émotionnel peut entre autres mener l’intervenant(e) à se percevoir négativement, à une perte de motivation et à entretenir le sentiment qu’elle est incapable d’aider son client, ce qui affecte la satisfaction de ce dernier à l’égard du service reçu (Broom, Knight, Edwards, & Flynn, 2009). L’intervenant(e )peut développer un sentiment d’inefficacité personnelle, ce qui amène un faible sentiment d’accomplissement et une diminution perçue de sa compétence (Swider & Zimmerman, 2010). De plus, l’intervenant(e) peut aussi prendre une certaine distance émotionnelle, devenant ainsi impersonnelle et froide. Elle peut devenir méprisante et blasée, développant un manque de confiance ou professant des motifs négatifs à l’égard de son client, par exemple, qu’il ne

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fait pas les efforts nécessaires pour s’en sortir (Sharma; 2007; Chang, 2009), ce qui peut affecter la relation entre le thérapeute et son client. Or comme nous l’avons vu, la qualité de la relation thérapeutique se veut un enjeu central dans tout contexte de relation d’aide. Selon Mol (2009), une bonne relation thérapeutique doit inclure l’attention portée à l’autre, la recherche d’une plus grande compréhension de l’autre, la réceptivité et la capacité de répondre à ses besoins et la compétence de mieux le comprendre et de bien saisir le contexte de l’individu ainsi que ses besoins. Il va sans dire que si l’intervenant(e) n’est pas en mesure de fournir ce contexte thérapeutique et qu’en plus ses clients démontrent peu de collaboration, l’efficacité même de l’intervention se voit en péril. Subséquemment, l’absence de succès thérapeutique (Farber et Heifetz, 1981, 1982), l’absence de progrès tangible et des résultats inapparents peuvent accroître le niveau de stress vécu par les intervenant(e)s.

En résumé, nous avons maintenant un aperçu un peu plus large de la réalité du milieu de la réinsertion sociale dans le contexte des mesures de la protection de la jeunesse. Ce milieu semble démontrer un ensemble de situations stressantes pouvant affecter le bien-être au travail des intervenant(e)s. Le portrait des centres jeunesse qu’a brossé l’étude menée par Lebon est donc semblable à la réalité du milieu de la réinsertion sociale. En effet, dans un contexte tel que décrit par Lebon, où la violence envers les intervenant(e)s peut émerger, où il y a un manque de ressources, où les objectifs sont avant tout d’ordre monétaire et administratif et où les intervenant(e)s passent de plus en plus de temps à démontrer l’efficience de leurs interventions et de moins en moins de temps à répondre concrètement aux besoins des jeunes, les facteurs de stress, affectant non seulement le bien-être au travail mais aussi la qualité des relations thérapeutiques et, par le fait même, la bonne conduite des interventions, semblent s’accumuler.

1.4 Les programmes de gestion du stress et la présence attentive.

Dans un tel contexte, la gestion du stress pourrait s’avérer un facteur favorable à divers éléments, dont la diminution des risques d’épuisement professionnel et l’établissement d’alliances thérapeutiques favorisant le bien-être au travail des intervenant(e)s et l’intervention auprès d’une clientèle involontaire.

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Les programmes de gestion du stress basés sur la présence attentive sont plus fréquemment implantés dans des organisations en vue d’offrir un soutien aux employés dans l’optique de pallier le lot d’éléments stressants du milieu du travail. Les plus communs sont le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR), la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) ainsi que la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT). Ces derniers seront abordés plus en profondeur dans le chapitre Cadre théorique.

Avant d’aller plus loin, il serait pertinent de donner un rapide aperçu de ce qu’est la présence attentive. Bien qu’il existe plus d’une façon de l’aborder, Bishop et coll. (2004) en a offert une définition. C’est, d’une part, la capacité à maintenir son attention sur son expérience présente de sorte à reconnaître ses activités mentales et, d’autre part, approcher cette expérience avec curiosité, ouverture et acceptation.

Cette pratique facilite la pleine présence à l’autre dans la relation, peu importe l’expérience vécue et peu importe qui la vit, que ce soit l’intervenant(e) ou le client, ou encore les deux. Plusieurs études, tant qualitatives que quantitatives, ont démontré une tendance générale positive quant à l’impact de la pratique de la présence attentive dans le contexte de la relation d’aide (Fauth et coll., 2007). À ce propos, les programmes basés sur la présence attentive sont prometteurs. Nous aborderons davantage en détails les bénéfices reconnus à la présence attentive dans la recension des écrits, mais nous allons tout de même en faire un survol rapide. Ils contribueraient à réduire le stress (Geary & Rosenthal, 2011; Gold et coll., 2010; Klatt, Buckworth, & Malarkey, 2009; Pipe et coll., 2009; Roeser, Skinner, Beers, & Jennings, 2012; Wolever et coll., 2012), l’anxiété, (Gold et coll., 2010; Ruths et coll., 2013), la dépression (Bond & Bunce, 2000; Gold et coll., 2010; Hayes et

coll., 2004), l’épuisement professionnel (Cohen-Katz, 2004; Galantino et coll., 2005;

Goodman & Schorling, 2012), et la détresse psychologique (Franco et coll., 2010; Shapiro et coll., 2005). En contrepartie, ils favoriseraient la santé générale (Bazarko et coll., 2013), la qualité du sommeil (Frank et coll., 2013; Klatt, Buckworth et Malarkey, 2009; Wolever et coll., 2012), la satisfaction de vie (Mackenzie, Poulin et Seidman-Carlson, 2006), le bien-être psychologique (Goodman & Schorling, 2012), les affects positifs (Brooker et

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& Hutton, 2012; Flook et coll., 2013; Roeser et coll., 2013). De plus, la capacité à soutenir son attention, à être présent, à accepter ce qui est et à faire preuve d’empathie envers autrui serait bonifiée (Siegel, 2007). La présence attentive aurait aussi des impacts positifs sur l’altruisme, la considération positive envers soi et les autres, les comportements prosociaux et les relations interpersonnelles (Bibeau Dionne & Leblanc., 2015). À la suite de ces études et considérant les bénéfices qui en sont ressortis, ces programmes ont également été testés auprès de professionnels en relation d’aide comme moyen de pallier le stress et le risque d’épuisement professionnel qui veillent sur eux. Cependant, aucun article portant sur la pratique de la présence attentive chez les intervenant(e)s travaillant dans des centres jeunesse n’est ressorti de la recherche bibliographique.

2. Pertinence sociale : un coût social élevé associé à l’épuisement professionnel Selon la Commission de la santé mentale du Canada, 28,4 % de la population active vivrait des situations stressantes au travail, constituant une cause de problèmes de santé mentale chez cette population (Butler, Goldner, Jones, McEwan et Zappelli, 2015). La Commission a également émis un rapport selon lequel le coût annuel de cette réalité serait estimé « à plus de 6 milliards de dollars en raison des baisses de productivité occasionnées par l’absentéisme, le présentéisme et le retrait du marché du travail » (p. 1). Parmi les sources de stress, on retrouve un contexte de travail violent (par exemple, des agressions verbales), une surcharge de travail, des tâches répétitives, un manque de contrôle sur le travail effectué et une dissonance émotionnelle, c’est-à-dire une confrontation entre le rationnel et l’émotionnel (ce qu’on devrait faire et ce qu’on désire faire) (Grégoire, Lachance, & Taylor, 2015; De Cia et coll. 2012).

C’est une situation à laquelle sont exposés les professionnelles de la relation d’aide, incluant les intervenant(e)s en réinsertion sociale, soumettant ainsi ces dernières à un risque d’épuisement professionnel et de stress élevé (Tremblay et coll., 2002). Cela en fait donc une problématique importante à adresser. Or, comme cela a été mentionné, la présence attentive semble avoir un impact positif sur le bien-être général des pratiquantes. Nous souhaitons donc explorer si, et en quoi, cela s’applique auprès des intervenant(e)s du milieu de la réinsertion sociale comme les centres jeunesse, considérant le contexte involontaire

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des interventions, de même que l’épuisement des professionnelles dû à l’amoindrissement des ressources.

3. Question de recherche et objectifs

Le présent mémoire s’intéresse au vécu des intervenant(e)s des centres jeunesse, en lien avec leur perception du bien-être au travail, et pratiquant la présence attentive.

3.1 Question.

La question de recherche est la suivante : Comment les intervenant(e)s œuvrant auprès de la population des centres jeunesse et pratiquant la présence attentive vivent-elles leur expérience du travail?

3.2 Objectifs.

L’objectif général de recherche est ainsi de décrire l’expérience vécue d’intervenant(e)s ayant une pratique régulière de présence attentive et œuvrant auprès de la clientèle des centres jeunesse. Nous chercherons également à observer si les participant(e)s perçoivent les principaux bénéfices reconnus de la présence attentive. Les sous-objectifs sont les suivants :

• Explorer la perception du bien-être au travail des intervenant(e)s

• Décrire la pratique de la présence attentive telle que vécue par les intervenant(e)s

et le sens qu’ils y accordent

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Chapitre 2 - Recension des écrits

Cette partie présente la relation existante entre la pratique de la présence attentive et les bienfaits associés chez les professionnel(le)s de la relation d’aide, selon ce qu’en dit la recension empirique des écrits. La pertinence scientifique sera ensuite discutée à la lumière de ce constat.

1. La présence attentive

Il importe maintenant de savoir si les bienfaits mentionnés dans la problématique s’appliquent également aux intervenant(e)s travaillant en contexte non-volontaire pour les bénéficiaires de services comme c’est le cas dans les centres jeunesse. Cependant, comme aucun article portant sur la pratique de la présence attentive chez les intervenant(e)s travaillant dans des centres jeunesse n’est ressorti de la recherche bibliographique, nous nous appuierons sur des études qui ont été réalisées dans d’autres contextes de la relation d’aide afin de savoir si cette approche s’avère potentiellement bénéfique pour ce genre d’intervenant(e). Deux méta-analyses (Morgan, Simpson & Smith, 2015; Bibeau, Dionne, & Leblanc, 2015) ayant été réalisées dans les domaines de la santé et de la psychothérapie nous serviront de comparatifs à la réalité des milieux de réinsertion sociale étant donné que l’épuisement professionnel y est également une réalité. Les populations cibles de ces études incluent les professionnels en formation de même que ceux qui exercent.

Ces méta-analyses ont permis de regrouper les bénéfices en divers thèmes. On dénote notamment un impact sur les aptitudes de counseling, l’empathie, la compassion, la diminution de facteurs nuisibles à la relation et à l’intervention, tels que l’anxiété et le stress, et des bénéfices pour les clients de professionnels de la santé et des thérapeutes pratiquant la présence attentive. Nous avons regroupés ces bienfaits sous quatre grandes catégories, soit d’ordre intrapersonnel, interpersonnel, professionnel et corporel, et nous les présenterons dans cet ordre.

1.1 Bienfaits intrapersonnels.

De façon générale, des études suggèrent que le MBSR a des effets sur plusieurs facultés cognitives et affectives pertinentes pour la santé mentale chez 52 étudiants en formation à la maîtrise en psychologie (Shapiro, Brown & Biegel, 2007) et chez 36 infirmières (Bazarko et coll., 2013).

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D’une part, Morgan et coll. (2015) rapporte que selon des revues de recherches quantitatives, l’entrainement à la présence attentive contribue à réduire les symptômes de stress, d’anxiété et de dépression chez les professionnels de la santé et augmente les affects positifs et la compassion pour soi (Chiesa & Serretti, 2009; Irving, Dobkin & Park, 2009). Seize infirmières d’une étude de Mackenzie et coll. (2006) ont d’ailleurs rapporté vivre moins de stress perçu et de symptômes d’épuisement professionnel en comparaison avec un groupe contrôle. Par ailleurs, une seconde étude menée auprès de 38 professionnels de la santé avance que la présence attentive diminue la détresse psychologique (Shapiro, Astin, Bishop & Cordova, 2005).

Dans une étude qualitative menée auprès d’étudiants en psychothérapie (Christopher et coll., 2011), un participant rapporte que la présence attentive lui confère une plus grande capacité à reconnaître ses limites et à les respecter. Une étude auprès de 25 infirmières démontre également qu’une pratique de 5 semaines favorise la conscience de soi et l’acceptation de soi (Cohen-Katz et coll., 2005). C’est d’ailleurs par une attitude d’acceptation que les professionnels parviennent davantage à observer l’activité de leur esprit, à s’en distancer et à agir plutôt que d’y réagir. Cela supporte la théorie que la pratique de la présence attentive permettrait aux pratiquantes de changer leur relation à leur expérience, en se désidentifiant du contenu de celle-ci, et d’avoir une plus grande clarté d’esprit pour observer ce qui est présent (Segal, Williams et Teasdale, 2013). Il leur est donc plus facile de gérer leurs pensées et leurs émotions négatives (Schure, Christopher et Christopher, 2008) tout comme de profiter davantage des expériences plaisantes.

D’autre part, une étude menée auprès de 21 psychothérapeutes en formation démontre que la participation à un programme de présence attentive de huit semaines réduit l’anxiété (Cohen & Miller, 2009). En effet, on dénoterait une baisse du stress perçu, d’anxiété, d’affects négatifs, de rumination et de détresse psychologique. À l’opposé, deux études quantitatives démontrent une augmentation d’affects positifs et d’auto-compassion de même qu’une meilleure capacité à gagner en perspective chez des étudiants en psychologie après un entrainement au programme MBSR (Fulton & Cashwell, 2015; Shapiro, Brown & Biegel, 2007).

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La pratique de la présence attentive renforce également la résilience et la capacité à soutenir l’impact émotionnel des clients chez les thérapeutes grâce à une attitude de compassion et d’acceptation envers soi et ses clients (Arch & Craske, 2006). La tolérance aux affects négatifs et la capacité à demeurer présent lorsqu’ils se manifestent figurent également parmi les bénéfices auprès cette même population (Arch & Craske, 2006). En ce sens, les résultats suggèrent que le programme MBSR favorise l’habileté à réguler les émotions. Les thérapeutes pratiquant la présence attentive seraient aussi davantage capables de se désengager de leur patron de pensées et seraient donc moins enclins à tenir le rôle du « bon thérapeute », voulant prendre la responsabilité de leurs clients, et ils seraient donc moins sujets à la fatigue de compassion. De plus, la présence attentive sensibilise davantage aux indices d’un épuisement professionnel imminent et permet de développer l’habileté à se recentrer sur le moment présent, ce qui aiderait à décrocher temporairement de son travail (Arch & Craske, 2006).

De surcroît, l’anxiété est négativement corrélée à l’efficacité personnelle (Daniels & Larson, 2001), l’empathie (Hiebert et coll., 1998) ainsi que les aptitudes d’aidant (Daniels & Larson, 2001; Friedlander, Keller, Peca-Baker & Olk, 1986; Larson et coll., 1992). Aussi, une intervenant(e) anxieuse serait moins portée à partager ses expériences de relation d’aide en supervision, ce qui en limiterait les bénéfices. Or, en diminuant des facteurs nuisibles en relation, tels que l’anxiété et le stress, la présence attentive permet d’optimiser les performances à cet égard. C’est pourquoi elle a ainsi été proposée comme méthode pour contrer l’anxiété chez les intervenant(e)s (Greason & Cashwell, 2009).

Enfin, des participants d’une étude qualitative ont rapporté que la présence attentive aide à développer sa connaissance de soi (self-insight) sur le long terme (Rothaupt & Morgan, 2007). De même, l’apport de la présence attentive en relation d’aide semble accorder aux thérapeutes plus de clarté quant à leur engagement dans le domaine. En effet, des étudiants en travail social ont observé que leur pratique favorisait une plus grande conscience de soi et plus de perspicacité par rapport à leur l’identité professionnelle (Birnbaum, 2008). Or, savoir composer avec son propre vécu en tant qu’intervenant(e) est important dans ce domaine (Hancock, 1986), surtout lorsqu’on travaille avec une clientèle

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non volontaire. Pour cela, on doit être conscient de ses motivations à y travailler (Gosselin, 1979).

1.2 Bienfaits interpersonnels.

La qualité de la relation constitue un enjeu majeur dans le domaine de la relation d’aide. À ce propos, certaines conditions favorisent la qualité de cette relation. À cet effet, Davis et Hayes (2011) font mention dans leur revue de littérature que la pratique de la présence attentive apporte des bénéfices interpersonnels chez les psychothérapeutes et a un impact positif sur l’empathie, la compassion et les compétences en counseling de ces derniers.

D’autres études font aussi état plus en détail des bénéfices que la présence attentive semble avoir sur le plan relationnel chez les professionnels de la santé. Tout d’abord, des données provenant d’une étude qualitative auprès d’étudiants en formation clinique démontrent qu’ils ont plus de facilité à être conscients d’eux-mêmes et des autres lorsqu’ils entrent en interaction. Ils démontrent également davantage d’empathie grâce à une compréhension et à une acceptation accrue d’eux-mêmes et de leurs propres difficultés (McCollum et Gehart, 2010). Cela s’expliquerait également par le fait qu’en accordant plus d’attention à leurs propres besoins personnels, ils seraient capables de se consacrer davantage aux autres, tel qu’il est rapporté dans le témoignage d’un participant de l’étude de Cohen-Katz et coll. (2005a, b, p. 84). Ce dernier mentionne en effet que plus l’on prend soin de soi, plus l’on peut donner aux autres. De plus, selon des revues de littérature, les professionnels de la santé démontrent une curiosité sincère et une plus grande capacité d’acceptation et ils sont davantage présents auprès de leurs patients (Bruce et coll. 2010; Hick, Bien et Segal, 2010). Des études qualitatives auprès d’étudiants en psychothérapie et en counseling démontrent qu’ils ressentent une moins grande pression à régler leurs problèmes (Schure, Christopher, & Christopher, 2008) et ils ont plus d’espoir quant aux résultats thérapeutiques de ces derniers (Christopher et coll. 2011). Certains résultats portent même à croire que des psychothérapeutes en formation ayant une pratique de présence attentive obtiennent de meilleurs résultats auprès de leurs patients (Grepmair, Mitterlehner et Nickel, 2008).

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Une étude portant sur le développement de l’attention démontre également que la présence attentive favorise de meilleures aptitudes attentionnelles et une meilleure gestion des distractions (Lutz et coll., 2009). Cela pourrait conférer aux psychothérapeutes pratiquant la présence attentive une présence accrue auprès de leurs clients. De plus, cette pratique a une influence non négligeable sur le développement de l’empathie (Block-Lerner et coll. 2007; Shapiro et Izett 2008), caractéristique essentielle dans les relations interpersonnelles (Couthino, Silva et Decety, 2014). À ce sujet, une recherche a comparé le niveau d’empathie entre deux groupes de psychothérapeutes, l’un pratiquant la méditation et l’autre non. L’étude a démontré que le groupe de pratiquants a obtenu un score plus élevé au niveau de l’empathie (Wang, 2006).

Par ailleurs, des participants d’une étude ont témoigné que leur pratique sur le long terme aurait un impact positif sur leur habileté en tant que thérapeute à distinguer leur expérience affective de celle de leur client, ce qui leur donnerait davantage de clarté dans leurs interventions (Rothaupt & Morgan, 2007). Les thérapeutes ayant participé à l’étude qualitative de Cigolla et Brown (2011) ont également rapporté être davantage capables de tolérer l’ambiguïté inhérente au travail thérapeutique. À cet égard, la présence attentive les aiderait à développer leur habileté à tolérer les émotions négatives et difficiles, à être présents à la souffrance et au ressenti des clients et à le leur communiquer, et à les aider à exprimer leurs sensations et leurs ressentis physiques (Aiken, 2006). Selon une étude qualitative de Corcoran (2007), les psychothérapeutes pratiquant la méditation sur la compassion (metta en sanskrit) se sentent plus aisés, ont davantage de compassion pour eux-mêmes et pour les autres et sont plus ouverts aux diverses émotions. Ainsi, les pratiquants auraient davantage de facilité à être présents et attentifs dans la relation à leurs clients et éviteraient de se perdre dans l’exploration cognitive, cherchant à régler le problème de leur client. Cela favorise donc le être en relation plutôt que le savoir-faire (Greason, & Cashwell, 2009). Cela implique également d’être plus confortable avec les silences (Newsome, Christopher, Dahlen, & Christopher, 2006; Schure, et coll., 2008). Vinca (2009) a également trouvé une forte corrélation positive entre le niveau de présence attentive du thérapeute, mesurée par le Toronto Mindfulness Scale, et la présence thérapeutique perçue par le thérapeute.

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De plus, certains clients peuvent éprouver des difficultés à s’ouvrir à leurs propres sentiments par peur d’être submergés par ceux-ci. Or, la présence d’un thérapeute faisant montre de compassion et d’une ouverture curieuse aiderait à contrer cela. Il est également possible d’enseigner la pleine conscience du souffle aux clients, ce qui les aiderait à se ramener à soi et à ralentir les choses afin que leur expérience puisse être plus tolérable. Cela permet donc au processus thérapeutique de se dérouler. (Cigolla & Brown, 2011).

Finalement, l’exposition à un entraînement interpersonnel de présence attentive favoriserait l’intelligence émotionnelle et la connectivité sociale chez des étudiants en counseling et en psychologie (Cohen et Miller, 2009). En ce sens, la présence attentive prédirait la satisfaction relationnelle, la capacité à répondre constructivement au stress lors de conflits relationnels, à identifier et à communiquer ses émotions et le nombre de conflits relationnels, tel que démontré auprès d’étudiants en situation amoureuse et de couples mariés (Barnes, Brown, Krusemark, Campbell, & Rogge, 2007; Wachs & Cordova, 2007). D’autres résultats de recherche menée auprès d’étudiants en psychologie démontrent que la présence attentive est inversement corrélée à la contagion de la détresse et directement corrélée à l’habileté à agir avec conscience (awareness) lors de situations sociales (Dekeyser, Raes, Leijssen, Leyson, & Dewulf, 2008). Il est également possible que la flexibilité cognitive et la non-réaction cultivées par la présence attentive aident les thérapeutes dans la gestion des contretransferts en leur permettant d’être moins sur la défensive avec leurs clients (Gelso & Hayes, 2007). Les participants d’une étude qualitative racontent d’ailleurs qu’ils ont plus de facilité à être ouverts à la dynamique relationnelle qu’ils ont avec leurs clients et à explorer cette dernière de façon non-défensive (Cigolla & Brown, 2011).

1.3 Bienfaits au travail.

Deux études quantitatives ont démontré que de façon générale, la pratique de la présence attentive diminue l’effort de travail, favorise la concentration sur la tâche (Lutz et coll., 2009) et accroît la rapidité de traitement de l’information (Moore & Malinowski, 2009). De plus, un niveau élevé de présence attentive mesuré par un outil psychométrique est associé à moins d’épuisement professionnel et une plus grande satisfaction en emploi (Mayet O’Donovan, 2007; Barbosa et coll., 2013; Regehr, Glancy, Pitts, & LeBlanc, 2014).

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De surcroît, la méta-analyse de Morgan, Simpson et Smith (2015) rapporte les professionnels de la santé pratiquant la présence attentive ont plus confiance en leurs propres aptitudes pour prendre des décisions à leur travail et une productivité accrue.

Quant aux professionnels en psychothérapie, cette pratique permet de prédire le sentiment d’auto-efficacité chez des étudiants en relation d’aide à la maîtrise et au doctorat (Greason, & Cashwell, 2009).

1.4 Bienfaits corporels.

L’une des études citées dans la méta-analyse de Morgan, Simpson et Smith (2015) menée auprès de 17 étudiants en médecine indique que certaines participantes ont témoigné avoir un bien-être physique plus grand, une meilleure habileté à pallier la douleur, de meilleures habitudes alimentaires, un sommeil de meilleure qualité de même qu’une réduction de symptômes de maladie et une meilleure santé physique (Carmody et coll. 2009).

Cohen-Katz et coll. (2005), pour sa part, a remarqué également une amélioration des soins personnels après cinq semaines de pratique auprès d’infirmières pratiquant la présence attentive. Les professionnels seraient donc davantage aptes à répondre à leurs propres besoins. On suppose que cette attitude serait un facteur important quant à la réduction de la vulnérabilité à l’épuisement chez les professionnels de la santé (Maslach & Goldberg 1998, p. 63).

L’étude qualitative de Rothaupt et Morgan (2007) rapporte aussi que les conseillers ayant une pratique de la présence attentive centrée sur la conscience du corps ont davantage conscience de leurs signaux corporaux. Cela favoriserait en retour leur aptitude à prendre soin de soi.

En résumé, selon Fauth et coll. (2007), certaines aptitudes développées par l’intermédiaire de la présence attentive, telles que la reconnaissance des patrons de pensées et la métacognition, s’avèreraient des éléments additionnels utiles à toutes formations en psychothérapie.

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2. Pertinence scientifique : Des incertitudes demeurent

La recension des écrits nous permet de brosser un portrait prometteur de la pratique de la présence attentive et de ses bienfaits, notamment pour différents groupes de professionnels. En effet, comme l’ont démontré certaines études auprès de professionnels de la santé (Chiesa & Serretti, 2009; Irving, Dobkin & Parkm 2009; Mackenzie et coll., 2006) et de psychothérapeutes (Cohen & Miller, 2009), la diminution du risque d’épuisement professionnel représente un bénéfice potentiel important auprès des professionnels pratiquant la présence attentive. Cela nous porte à croire que les intervenant(e)s en réinsertion sociale pourraient jouir de ce même bénéfice, d’autant plus qu’elles sont à risque d’épuisement professionnel (Tremblay et coll., 2002). Cependant, précisons que les divers types de pratiques méditatives ont des effets différents et qu’il n’est pas toujours spécifié quel type de pratique est associé à quels bénéfices. En effet, l’enseignement de la présence attentive, la compréhension qu’en retirent les pratiquants, de même que la durée et l’implication personnelle de leur pratique sont des éléments fondamentaux à considérer quant aux bénéfices observés (Kraiger & Culbertson 2013; McCown, Reibel et Micozzi, 2010).

De plus, comme le suggère Grégoire, Lachance et Richer (2016), il n’est pas nécessairement donné à tous les pratiquants de bien percevoir les bénéfices de la pratique méditative sur le milieu de travail ou même encore d’en comprendre la complexité. Les auteurs mentionnent que la relation entre l’efficacité au travail et la présence attentive gagnerait à être étudiée davantage, car si les recherches démontrent certains bénéfices, les causes précises sont encore incertaines. Précisons également que tant la définition de la présence attentive que ses concepts varient d’un auteur à l’autre. Il est donc encore pertinent de se questionner sur la façon dont sont perçus les bénéfices de la pratique de la présence attentive par les pratiquants.

À la lumière de ces deux constats, nous souhaitons ainsi étudier si la présence attentive représente une méthode bénéfique pour favoriser le maintien en emploi des intervenant(e)s œuvrant auprès de la clientèle des centres jeunesse tout en cherchant à comprendre comment ces dernières la vivent. Nous croyons que cela nous aiderait à en comprendre les mécanismes et comment ces derniers s’appliquent à la réalité du milieu de

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la réinsertion sociale considérant la présence du risque d’épuisement professionnel. C’est pourquoi une méthode de recherche qualitative semble être adéquate pour la présente recherche. Cela permettra de jeter un éclairage sur les fondements pratiques de la présence attentive en questionnant le vécu de pratiquant(e)s travaillant dans un milieu de réinsertion sociale. De plus, aucun article portant sur les effets de la pratique de la présence attentive chez des intervenant(e)s œuvrant auprès de la clientèle des centres jeunesses n’est ressorti de notre recherche bibliographique. Ainsi, la faible présence d’articles démontre que le terrain n’est pas encore saturé.

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Chapitre 3 - Cadre théorique

Dans ce chapitre seront présentés les points clés sur lesquels se base cette recherche. Nous commencerons d’abord par mettre en contexte l’origine de la présence attentive ainsi que la place qu’elle occupe en tant qu’approche. Nous donnerons quelques définitions de la présence attentive et de ses dimensions, quelques approches basées sur cette dernière ainsi que les pratiques y étant associées.

1. Introduction à la présence attentive

La présence attentive, également nommée pleine conscience (mindfulness), tire son origine du mot sati en langue Pali (Germer, 2005) et désigne plus ou moins l’attention consciente. Ce terme provient plus précisément de la tradition bouddhiste datant de plus de 2500 ans. Selon Germer (2005), une lecture des premiers textes bouddhistes saurait convaincre les psychothérapeutes que Bouddha était davantage un psychologue qu’un leader religieux. Cela laisse présager qu’à l’origine, le bouddhisme avait pour objectif l’étude de l’esprit humain. Ce n’est donc pas si étonnant de constater que divers courants en psychologie affirment avoir des affinités avec cette approche (Cigolla & Brown, 2011). Si la présence attentive est née il y a plusieurs centaines d’années, elle n’a été introduite en Occident que dans les années 1960. Cependant elle n’a pas fait l’unanimité immédiatement au sein de la communauté scientifique due à sa connotation spirituelle. Ce n’est que quelques années plus tard que cette approche s’est vue accorder une certaine crédibilité dans les domaines médical et scientifique et cela par l’intermédiaire de Jon Kabat-Zinn, docteur en biologie. Ce dernier travaillait à l’élaboration d’une approche visant la réduction du stress pour des personnes souffrant de douleurs chroniques, la

Mindfulness Based Stress Reduction (MBSR), approche qu’il a instaurée à la clinique de

réduction du stress du Centre médical de l’Université du Massachusetts. Pour ce faire, il s’est appuyé sur les notions de la méditation bouddhiste Vipassana, de la pratique zen et du Yoga (Kabat-Zinn, 1984). Ce programme est d’une durée de 8 semaines à raison d’une pratique méditative quotidienne de 45 minutes et d’une rencontre de groupe hebdomadaire de 2 heures 30 minutes. Les résultats qu’ont démontrés les participants au programme MBSR ont été l’objet d’une dizaine d’années de recherche et sont présentés dans l’un des

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