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Reconstruction paléoenvironnementale d'un méandre abandonné de la rivière L'Assomption, Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Josuah Tremblay, 2020

Reconstruction paléoenvironnementale d'un méandre

abandonné de la rivière L'Assomption, Québec

Mémoire

Josuah Tremblay

Maîtrise en sciences géographiques - avec mémoire

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

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Reconstruction paléoenvironnementale d’un méandre

abandonné de la rivière L’Assomption, Québec

Mémoire

Josuah Tremblay

Sous la direction de :

Martin Lavoie directeur de recherche

Najat Bhiry codirectrice de recherche

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Résumé

Les mécanismes de formation, de migration et de recoupement des méandres des cours d’eau sont bien documentés mais, en Amérique du Nord, certaines lacunes demeurent concernant les processus de leur comblement sédimentaire. En aval de la ville de Joliette dans la région de Lanaudière, de part et d’autre de la rivière L’Assomption se trouvent plusieurs méandres abandonnés aux formes variées. Certains méandres semblent abandonnés depuis très longtemps, tandis que les processus de recoupement sont encore actifs pour d’autres. Ce mémoire de maîtrise vise à reconstituer l'évolution temporelle du comblement sédimentaire d’un des méandres abandonnés et ce, depuis son recoupement. Pour ce faire, une analyse par photographies aériennes couvrant la moitié du XXe siècle portant sur l’évolution du méandre et des terres adjacentes a été combinée à une analyse paléoécologique (macrorestes végétaux, datations 14C) et lithostratigraphique d’une carotte de sédiments. Les résultats indiquent que le recoupement du méandre a eu lieu vers 210-150 ans BC. Au sein du méandre, un environnement d’abord aquatique riverain a évolué vers un milieu aquatique (étang ou lac), puis vers un milieu herbacé humide et, enfin, vers un milieu herbacé minérotrophe, lequel a perduré jusqu’à environ 210-265 ans AD. Le processus de comblement naturel fut ensuite perturbé par le défrichement des terres adjacentes et les activités agricoles qui en découlèrent. Ces perturbations ont eu pour effet de tronquer l’accumulation des sédiments, de déposer un lit de sédiments silteux et de modifier les conditions environnementales ainsi que les facteurs modulant les successions végétales subséquentes. L’excellente qualité de préservation des pièces macrofossiles a permis d’identifier au total 60 taxons vasculaires, ce qui en fait un site très diversifié en termes d’espèces végétales. C’est la première fois au Québec qu’une telle étude paléoécologique est menée sur les sédiments d’un méandre abandonné.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Liste des figures ... v

Liste des tableaux ... vi

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vii

Remerciements ... xii

INTRODUCTION ... 1

COURS D’EAU ET LEUR ÉVOLUTION ... 1

PHASE ALLUVIALE ... 3

PHASE DE TRANSITION ... 4

PHASE LACUSTRE ... 5

PHASE D’ENTOURBEMENT ... 6

OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES ... 7

CHAPITRE 1 : SITE D’ÉTUDE ... 9

1.1. RÉGION ET SITE D’ÉTUDE ... 9

1.2. L’OCCUPATION DU TERRITOIRE : DES AMÉRINDIENS AU XXE SIÈCLE ... 13

CHAPITRE 2 : MÉTHODES ... 16

2.1. ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES ... 16

2.2. ÉCHANTILLONNAGE ... 16

2.3. CONTENU EN MATIÈRE ORGANIQUE ET MINÉRALE ... 20

2.4. ANALYSE MACROFOSSILE ... 21

2.5. DONNÉES CHRONOLOGIQUES ... 22

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS ... 23

3.1. ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES ... 23

3.2. LITHOSTRATIGRAPHIE DE LA CAROTTE SÉDIMENTAIRE ... 24

3.3. COMPOSITION DE LA MATRICE DES SÉDIMENTS ... 27

3.4. DONNÉES CHRONOLOGIQUES ... 28

3.5. ANALYSE MACROFOSSILE ... 28

3.5.1. ZONE MACROFOSSILE A [ZM-A, 100-92 cm] ... 32

3.5.2. ZONE MACROFOSSILE B [ZM-B, 92-85 cm] ... 33

3.5.3. ZONE MACROFOSSILE C [ZM-C, 85-81 cm] ... 33

3.5.4. ZONE MACROFOSSILE D [ZM-D, 81-69 cm] ... 34

3.5.5. ZONE MACROFOSSILE E [ZM-E, 69-53 cm] ... 34

3.5.6. ZONE MACROFOSSILE F [ZM-F, 53-32 cm] ... 35

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3.6. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS ... 36

CHAPITRE 4 : DISCUSSION ... 37

4.1.1. PHASE ALLUVIALE : ANTÉRIEURE À 211-147 ANS BC ... 38

4.1.2. PHASE AQUATIQUE RIVERAINE : APRÈS 211-147 ANS BC... 38

4.1.3. PHASE AQUATIQUE (ÉTANG OU LAC)... 40

4.1.4. PHASE HERBACÉE HUMIDE ... 41

4.1.5. PHASE HERBACÉE MINÉROTROPHE : 68-175 ANS AD À 210-265 ANS AD ... 42

4.1.6. PHASE HERBACÉE TOURBEUSE ET ARBORESCENTE ... 43

4.2. ÉVOLUTION DES MÉANDRES ABANDONNÉS DANS D’AUTRES CONTEXTES GÉOGRAPHIQUES ... 47 CONCLUSION ... 49 Références ... 51 Sites consultés ... 57 Annexe A ... 58 Annexe B ... 63

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Liste des figures

Figure 1: Tracé de la rivière L’Assomption dans la région de Lanaudière, de ses principaux affluents et de la zone à méandres abandonnés (site d’étude). ... 10 Figure 2: Carte typologique des méandres abandonnés de la rivière L’Assomption (Tremblay, 2016). La description de chacun des types est présentée au Tableau 1. L’étoile rouge représente le méandre sélectionné pour la présente étude. ... 12 Figure 3: Méandre abandonné sélectionné pour les analyses paléoécologiques et point d’échantillonnage de la carotte sédimentaire. ... 17 Figure 4: Aperçu du couvert végétal du méandre étudié. a) et b) Dense couvert végétal herbacé au centre du méandre. c) Aulne rugueux. d) Peuplier faux-tremble. e) Tronc mort jonchant sur le sol. ... 18 Figure 5: Lieu d’échantillonnage (flèche rouge) de la carotte sédimentaire au sein du méandre abandonné. a) Juillet 2017. ... 19 Figure 6: a) Échantillonnage du premier mètre des sédiments à l’aide du carottier Box. b) Segment B3’ de la carotte sédimentaire échantillonnée avec le carottier russe en novembre 2017. ... 19 Figure 7: Schématisation de la procédure d’échantillonnage des carottes sédimentaires et du recoupement entre les différents sites de prélèvements/doublons. ... 20 Figure 8 : Évolution du méandre abandonné étudié et de son environnement périphérique de 1957 à 2018. L’étoile rouge indique le lieu d’échantillonnage... 23 Figure 9: Segments B1, B2, B3 et B4 de la carotte sédimentaire totalisant 190 cm d’épaisseur. ... 25 Figure 10: Lithostratigraphie, contenu en matière organique et datations 14C de la carotte sédimentaire. ... 26 Figure 11: Composition de la matrice des sédiments organiques de la carotte sédimentaire. Les flèches noires indiquent les endroits où surviennent des changements marqués dans la composition de la matrice. ... 27 Figure 12: Âges 14C, lithostratigraphie, contenu en matière organique et pièces macrofossiles de la carotte sédimentaire. ... 30 Figure 13: Synthèse de l’évolution du comblement sédimentaire du méandre abandonné de la rivière

L’Assomption. Les hachures représentent un hiatus dans la chronoséquence d’accumulation sédimentaire. . 37 Figure 14: Schéma en plan et en coupe du méandre abandonné durant la phase aquatique riveraine. ... 39 Figure 15 : Schéma en plan et en coupe du méandre abandonné durant la phase aquatique (étang ou lac). . 41 Figure 16: Schéma en plan et en coupe du méandre abandonné durant la phase herbacée humide. ... 42 Figure 17 : Schéma en plan et en coupe du méandre abandonné pendant la phase minérotrophe... 43 Figure 18 : Schéma en plan et en coupe du méandre abandonné durant la phase contemporaine. ... 44

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Liste des tableaux

Tableau 1: Typologie des méandres abandonnés. ... 13 Tableau 2: Données chronologiques de la carotte sédimentaire. ... 28

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Liste des abréviations, sigles, acronymes

AA : Avant aujourd’hui

BP : Before present BC : Before Christ AD : Anno domini

CARA : Corporation de l’Aménagement de la Rivière L’Assomption CEN : Centre d’études nordiques

SMA : Spectrométrie de masse par accélérateur ZM-X : Zone macrofossile X

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Remerciements

Je souhaite d’abord remercier mon directeur de recherche, M. Martin Lavoie, sans qui, ce magnifique projet n’aurait pu voir le jour. La confiance octroyée m’a été d’une grande aide dans cet apprentissage. Merci de m’avoir ouvert au fascinant monde de la paléoécologie et également à l’univers derrière les méandres abandonnés.

J’aimerais remercier ma codirectrice de recherche, Mme Najat Bhiry. Merci beaucoup, merci énormément d’avoir su voir en moi le potentiel et de m’avoir ouvert les portes de la recherche. Merci pour les échanges et les partages de connaissances desquelles je suis friand depuis maintenant plus de cinq ans. Merci de m’avoir poussé à dépasser mes limites.

Je tiens à remercier également Donald Cayer pour avoir été présent dans les situations les plus diverses. Merci pour les discussions et les échanges d’idées, elles alimentèrent le moteur de mes réflexions.

J’aimerais également remercier Myosotis Bourgon-Desroches qui fut ma lanterne dans le brouillard, sans qui j’aurais bien pu m’égarer en chemin. Merci de m’avoir appris les bases et les fondements de la paléoécologie.

Un remerciement particulier à Guillaume Labrecque au laboratoire de radiochronologie et Kim Damboise à l’herbier Louis-Marie pour m’avoir assisté dans mes démarches. Merci pour votre temps et votre soutien. Merci aussi à Louise Marcoux au Département de géographie pour la confection de la Figure 1 du mémoire.

Un merci spécial à mes collègues du CEN : Arielle Frenette, Samuel Veilleux, Frédérique Manseau, Sarah Gauthier, Samuel Yergeau, Marc-André Plante et Philippe Giroux. Merci également à Jean-Bernard Giroux pour les échanges d’idées et son soutien inconditionnel dans toutes les circonstances. Merci d’avoir affronté la vague à mes côtés

Je tiens également à remercier ma famille (Mélanie Duchesne, Louis Tremblay, Maurice Gagné et Christophe Gagné) pour m’avoir épaulé et soutenu lors de ce périple. Merci énormément. Je remercie également mes amis proches (Cédric Harrison, Simon Huot, Keven Drouin, Michael Drouin, Martin Hurens, Gabriel Côté, Marc-Antoine Allard, Dave Drouin,

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Martin Richard, Martin-Philippe Gill et Charles Bouffard) pour avoir été mes premiers élèves et d’avoir contribué à ma formation de vulgarisateur scientifique, merci.

Je remercie également ceux qui ont contribué dans l’ombre de loin, mes patrons de mon restaurant. Merci Johanne Lauzier et merci Katherine Corbeil pour le soutien, la patience et la flexibilité dont vous m’avez accordé, et merci infiniment à celui qui m’a appris à poser des questions, à me questionner, de m’avoir appris à accepter mon ignorance lorsque c’est le cas, à être critique et surtout à être passionné, merci à toi, Sylvain Carpentier.

Enfin, de manière plus qu’informelle, je tiens absolument à remercier solennellement Emil Frey, l’homme derrière “The Velveeta Cheese Compagny” qui inventa le fromage Velveeta en 1918. Merci pour toutes ces tranches, sans vous, je serais quelqu’un d’autre, sincèrement.

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INTRODUCTION

Les méandres abandonnés sont des formes géomorphologiques et écologiques uniques caractérisant le paysage des plaines alluviales et des deltas. Ils évoluent au fil du temps à travers différentes phases : la phase alluviale, la phase de transition, la phase lacustre (Toonen et al., 2012) et enfin, dans certains cas, la phase tourbeuse. C’est lors de la phase lacustre que commence l’accumulation de matière organique (en plus des sédiments minéraux). Dans ces milieux humides, la production de la matière organique par les végétaux est supérieure au rythme de décomposition. Ceci peut alors entraîner au fil du temps une accumulation de matière organique comme de la tourbe. Les témoins des conditions environnementales passées que ces milieux enregistrent (p. ex : macrorestes végétaux, grains de pollen) peuvent se préserver sur de longues périodes de temps (plusieurs millénaires). Ils peuvent ainsi être utilisés pour reconstituer les étapes du développement des milieux humides, notamment les macrorestes végétaux, car ils sont des témoins des plantes ayant été présentes localement. Au Québec méridional, plusieurs études paléoécologiques ont porté sur les milieux humides comme les tourbières (p. ex. : Lavoie et al., 2012 ; 2013 ; Lavoie et Richard, 2000; Bhiry et al., 1996 a; 1996b ; Pilote et al., 2018) et les marais littoraux (Garneau, 1997 ; Bourgon Desroches et al., 2013 ; Houdusse, 2017). En revanche, aucune étude n’a été effectuée sur les méandres abandonnés.

Les rivières sont des écosystèmes très sensibles aux modifications survenant au sein de leur bassin versant, tant naturelles qu’anthropiques. En fonction de différents facteurs (p. ex. : la pente, le type de dépôt de surface, les conditions du climat, la végétation), la rivière adopte une forme rectiligne, à méandres ou en tresses, ce qui lui permet d’être en équilibre avec les conditions environnementales (Amoros et Petts, 1993). Dans le cas des rivières à méandres, la migration des sinuosités par l’action de l’érosion de la rive concave « cutbank » et de la sédimentation de la rive convexe « point-bar » résulte en une évolution du lit pouvant mener au recoupement des méandres (Trenhaile, 2013).

COURS D’EAU ET LEUR ÉVOLUTION

Les processus menant aux différentes formes du lit d’une rivière sont bien documentés (Schumm, 1977). Le profil longitudinal d’une rivière représente son parcours, depuis son amont jusqu’à son embouchure dans un lac, une mer ou un océan au niveau de la mer. Les

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caractéristiques du chenal, comme la pente, la profondeur et la largeur ainsi que le débit de l’eau, changent tout au long du profil longitudinal. Ces changements résultent en trois zones distinctes. La zone de production, en amont, est caractérisée par des lits rectilignes dû à la forte pente ; les processus d’érosion y sont très importants. La zone de transfert, où la pente et le débit sont moins forts, est caractérisée tant par les processus d’érosions que ceux de sédimentations, formant un lit tapissé par des sédiments moins grossiers où le chenal peut être à méandres, à tresses et/ou anastomosé. Enfin, la zone de stockage est caractérisée par la présence d’une plaine alluviale, un faible débit et un chenal à méandres et/ou anastomosé constitué de sables et de limons (Schumm, 1977 ; Amoros et Petts, 1993 ; Bravard et Petit, 1997 ; Trenhaile, 2013).

L'évolution d’une rivière découle de l’interaction entre les apports en eau et en sédiments qu’elle reçoit (Lane et Richards, 1997). Au fil du temps, les changements qui peuvent survenir au sein de ces apports créeront un régime d’écoulement naturel propre à la rivière. Celui-ci est caractérisé par l’amplitude du volume d’eau s’écoulant, la fréquence de retour d’évènements de faible ou de grande amplitude, la durée et la prévisibilité de ces évènements, de même que le temps de réaction du courant face à ces évènements. Cependant, le régime naturel du courant est aussi grandement influencé par les caractéristiques morphologiques du lit de la rivière, le substrat géologique, la nature des dépôts de surface, le type de végétation et le climat (Poff et al., 1997). À titre d’exemple, à la suite d’abondantes précipitations, l’eau ruisselant sur un sol imperméable comme de l’argile rejoindra le cours d’eau plus rapidement et avec davantage de vélocité que si elle ruisselle sur un sol plus perméable comme du sable, ou encore si le sol est recouvert d’un humus forestier épais (Poff et al., 1997). La taille du bassin versant a aussi un impact sur les quantités de précipitations captées et du temps qu’une gouttelette d’eau tombée prendra pour s’écouler hors du bassin versant.

Les infrastructures humaines telles les barrages et l’utilisation du sol à des fins économiques ou agricoles influencent aussi le régime naturel du courant (Cook et Dickinson, 1986 ; Brandt, 2000 ; Assani et al., 2002 ; 2015). Ainsi, un changement dans le régime naturel du courant entraînera la rivière à s’ajuster aux nouvelles conditions hydriques. Conséquemment, la forme du chenal changera sous l’action des processus d’érosion, de transport et de sédimentation (Amoros et Petts, 1993 ; Trenhaile, 2013). Lorsque la pente et la vitesse de

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l’écoulement de l’eau diminuent, les charges sédimentaires provenant de la zone de production sont transportées en bonne partie vers l’aval de façon à former une succession de seuils et de bancs de sédiments (sables et graviers). Ces successions viennent modifier la morphologie du lit de la rivière, contraignant la partie la plus profonde du chenal, appelé thalweg, à bifurquer entre les seuils et les bancs. Ces bifurcations créent des différences au sein de la structure d’écoulement du courant, faisant en sorte que dans un plan transversal de la rivière, on trouve simultanément des zones d’érosion et des zones de sédimentation. Le chenal commence alors à migrer latéralement (Schumm, 1977). L’érosion se produit sur la rive concave de l’apex et la sédimentation sur la rive convexe (Trenhaile, 2013). Cette migration latérale en s’accentuant, mène à la formation des méandres et par la suite à leur recoupement (Bravard et Petit, 1997). Le rythme auquel migrent les méandres peut varier dans le temps puisqu’il est influencé par les processus naturels comme les précipitations qui font augmenter le débit du courant, mais aussi par l’usage des terres avoisinantes. Une étude ayant comme objectif de retracer l’évolution de la migration d’un méandre de la rivière Powder, dans le Montana, a documenté les causes influençant le rythme de migration (Schook et al., 2017). C’est en analysant des photographies aériennes et les cernes de croissance d’une population de peupliers sur les bancs exondés des méandres, que les auteurs ont retracés le rythme et les causes de la migration des méandres et de l’évolution de la plaine alluviale.

Selon Hooke (1995) et Toonen et al. (2012), il existe trois principales phases de développement des méandres abandonnés : la phase (alluviale) durant laquelle survient le recoupement, la phase de transition durant laquelle la formation de bouchons d’accrétion (bouchons alluviaux) se produit et, enfin, la phase de déconnexion (phase lacustre puis dans certains cas phase tourbeuse). Ces phases se différencient l’une de l’autre par la façon dont les sédiments sont intégrés et déposés dans le méandre abandonné.

PHASE ALLUVIALE

Lors de la phase alluviale, le méandre actif migre latéralement. Cette migration entraine le dépôt de rides d’accrétions constituées de sédiments grossiers à la base (lag), surmonté par un dépôt de sédiments silteux. C’est durant cette phase que le recoupement de méandres peut avoir lieu. Dès le moment du recoupement, le chenal actif emprunte un nouveau tracé et la

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vélocité du courant circulant dans l’ancien chenal diminue de façon à préserver les sédiments grossiers en place, tout en permettant aussi aux sédiments fins en suspension d’être déposés à l’intérieur du méandre. Ainsi, le contact entre l’accumulation sédimentaire minérale avant et après le recoupement est net. Deux types de recoupements ont été mis en évidence : le recoupement par déversement et le recoupement tangentiel (p. ex. Toonen et al., 2012). Le type par déversement se produit lorsque le courant déborde et traverse la zone d’accrétion de la rive convexe, créant ainsi un nouveau chenal à l’intérieur de l’inflexion du méandre (Weihaupt, 1977). Pour sa part, le recoupement par tangence survient lorsque la migration latérale de deux méandres provoque l’érosion d’un pédoncule, créant un segment rectiligne à l’endroit où il y avait auparavant une sinuosité (Bravard et Petit, 1997).

Weihaupt (1977) et Hooke (1995) soulignent que la forme d’un méandre abandonné peut indiquer le type de recoupement à l’origine de sa formation : le recoupement par déversement laisse des méandres abandonnés dont les extrémités sont ouvertes et sont d’une forme asymétrique, tandis que celui par tangence laisse une forme plus symétrique de type en « fer à cheval », et dont les extrémités sont rapprochées l’une de l’autre. Ces deux types de recoupement s’opèrent de façon naturelle. Toutefois, certains méandres abandonnés sont aussi d’origine humaine, comme c’est le cas par exemple pour le fleuve Mississippi où des méandres ont été recoupés par l’Homme afin de raccourcir la distance à parcourir par les bateaux (Biedenharn et al., 2000). Les méandres abandonnés issus des grands fleuves, tels le Mississippi et l’Amazone, sont de dimension gigantesque (Hooke, 1995).

Qu’il s’agisse d’un recoupement d’origine naturelle ou anthropique, le méandre abandonné conserve sa forme et la vélocité du courant diminue progressivement jusqu’au développement du bouchon d’accrétion, puis commence la phase de transition.

PHASE DE TRANSITION

La phase de transition est caractérisée par un changement significatif du débit du courant et, donc, d’un changement dans l’apport en sédiments et de leur transport (Oliva et al., 2016). Comme le courant dans le méandre diminue de façon importante, la morphologie du lit du chenal n’est plus altérée et est préservée (Toonen et al., 2012).

Lors du recoupement, il se forme un banc de sédiments à l’endroit de la bifurcation entre l’ancien méandre et le nouveau chenal, appelé « bouchon d’accrétion » (en anglais plug-bar).

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Avec le temps, l’accroissement du bouchon d’accrétion obstrue le passage de l’eau, réduisant davantage le courant et les apports en sédiments dans l’ancien méandre (Hooke, 1995 ; Toonen et al., 2012 ; Tuerk et al., 2016). La période de la mise en place du bouchon d’accrétion varie selon l’angle d’entrée du courant dans le méandre par rapport au nouveau chenal (Toonen et al., 2012). Cet intervalle de temps entre le recoupement et la déconnexion totale a un impact sur la sédimentation dans l’ancien méandre. Les apports sédimentaires qui parviennent à traverser les bouchons d’accrétion et à entrer dans l’ancien méandre ne se répartissent pas uniformément (Hudson et al., 2012). Plus on s’éloigne de l’entrée de l’ancien méandre, plus le courant est faible; il se dessine ainsi un gradient dans la quantité et la taille des particules sédimentaires (Tuerk et al., 2016) : les sédiments grossiers et les sables s’accumulent à l’entrée, alors que vers l’extrémité aval ce sont le silt et l’argile qui se déposent (Toonen et al., 2012). Après la mise en place du bouchon d’accrétion, l’eau qui se trouve dans le méandre abandonné devient de plus en plus stagnante, menant le méandre abandonné vers la phase lacustre.

PHASE LACUSTRE

Lorsque le bouchon d’accrétion rejoint la rive adjacente et scelle l’entrée du méandre, celui-ci devient totalement isolé du chenal princelui-cipal, créant un environnement lacustre aux conditions hydrodynamiques calmes. Les termes « méandre abandonné » et « lac oxbow » sont employés pour désigner l’ancien méandre ; la littérature anglophone emploie les termes « paleomeander » et « oxbow lake ». Les apports sédimentaires proviennent alors exclusivement du ruissellement de surface et des débordements du chenal principal qui peuvent survenir lors d’inondations importantes (Hudson et al., 2012). Ces apports peuvent laisser des traces distinctes dans la stratigraphie des sédiments (Petr et al., 2014). Lors d’inondations, le méandre abandonné est reconnecté au chenal principal et est soumis à un environnement de haute énergie, ce qui modifie les processus sédimentaires. Dans un tel contexte, la taille des sédiments qui entrent dans le méandre et la turbidité augmentent. En ce sens, les travaux de Oliva et al. (2016) ont démontré qu’il était possible de retracer les paléoinondations en examinant les données relatives à la susceptibilité magnétique, à la granulométrie ainsi qu’au contenu en matière organique des sédiments. En se basant sur les changements de l’origine des sédiments, Brooks et al. (2003) ont pu dater l’époque de recoupement de deux méandres abandonnés. Le transport éolien et par ruissellement de

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surface des particules fines et des nutriments provenant de zones agricoles affecte également le développement du méandre abandonné. Michalska-Hejduk et al. (2009) ont démontré une corrélation positive entre le contenu en azote et en phosphore dans les sédiments, et l’amplitude de l’action anthropique. De tels apports de nutriments influencent le rythme de croissance des plantes et, par le fait-même, l’accumulation de matière organique. La largeur d’un ancien méandre diminue de même que sa profondeur en raison de la sédimentation minérale provenant des environs, favorisant du même coup la colonisation végétale des berges (Amoros et Petts, 1993 ; Toonen et al., 2012). Cette végétalisation contribuera plus tard à son tour au processus de comblement (Amoros et Petts, 1993 ; Gaigalas et al., 2007). PHASE D’ENTOURBEMENT

Dans certains cas, l’isolement du méandre, lors de sa phase lacustre, provoque un changement dans ses composantes intrinsèques, le menant graduellement vers un processus de comblement sédimentaire similaire à celui survenant dans les petits lacs fermés et les mares d’eau peu profondes. L’eau devient stagnante et l’oxygène présent dans l’eau s’épuise. Ces changements peuvent engendrer des modifications dans la composition du cortège floristique présente localement. Parallèlement, la réduction de l’oxygène dans l’eau, combinée à une acidité élevée, ralentit le processus de décomposition de la matière organique, faisant en sorte que cette dernière s’accumule plus rapidement qu’elle ne se décompose. Ceci engendre ainsi une accumulation de la matière organique pouvant mener à la formation de tourbe.

La reconstitution de la dynamique de comblement des méandres par les sédiments (minéraux et organiques) et la végétation peut se faire par l’entremise d’analyses paléoécologiques (Pokorny et al., 2000 ; Gaigalas et al., 2007 ; Pepe et al., 2016) et sédimentologiques (Brooks et al., 2003). En Amérique du Nord, les sédiments des méandres abandonnés furent employés comme des archives pour reconstituer des changements climatiques et environnementaux. Une reconstruction paléoenvironnementale d’un méandre abandonné a été réalisée en Ontario par Thornbush et Desloges (2011). Afin de retracer le développement naturel de la plaine alluviale dans lequel le méandre se trouve, les auteurs ont échantillonné trois carottes sédimentaires. Des analyses sédimentologiques sur les sédiments minéraux et des analyses macrofossiles et polliniques sur les sédiments organiques ont permis de reconstituer les

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différentes étapes du développement du méandre. Ils ont démontré que l’évolution de la plaine alluviale ainsi que le processus de comblement du méandre ont été grandement influencés par le niveau de base de l’eau du Lac Huron. Dans l’état du Michigan, l’étude de Arbogast et al., (2008) a permis de retracer l’évolution des terrasses alluviales d’une vallée grâce à une analyse lithostratigraphique, de la morphologie des méandres abandonnés et de la datation de leurs recoupements. Les résultats indiquent que les méandres des terrasses situées au sommet de la vallée datent d’entre 12 500 ans et 9 000 ans AA et avaient des dimensions permettant un volume d’eau huit fois plus élevé qu’aujourd’hui, tandis que ceux des terrasses au fond de la vallée ont des dimensions plus petites, reflétant davantage les conditions climatiques actuelles.

Les objectifs des études mentionnées précédemment en Amérique du Nord portent souvent sur l’évolution de l’ensemble de la plaine alluviale où se trouvent les méandres, et non sur l’évolution des méandres eux-mêmes et des processus qui régissent leur comblement sédimentaire. Cependant, en Europe, quelques reconstructions paléoenvironnementales portant sur la dynamique du comblement des méandres abandonnés furent effectuées. En Pologne, Galka et al. (2020) ont pu démontrer par l’analyse macrofossile que le développement d’un lac oxbow a débuté par un environnement lacustre eutrophe. Le processus de terrestralisation a été caractérisé par une étape de fen et, finalement, d’un fen riche dominé par les mousses. Une étude similaire a été menée par Pisut et al. (2010) où des analyses macrofossiles et polliniques ont porté sur les sédiments d’un méandre abandonné d’un des affluents du fleuve Danube, en Slovaquie. Le méandre, d’abord connecté au système fluvial avec la présence de macrophytes, a évolué vers un lac peu profond, calme, marqué par un essor d’espèces aquatiques, pour ensuite évoluer vers un milieu humide ouvert, dominé par les cypéracées. Les auteurs concluent que les différentes espèces composant l’assemblage floristique actuel sont le résultat de perturbations anthropiques ayant eu lieu aux XIXe et XXe siècles. Il s’agit notamment du drainage du territoire et de l’agriculture intensive.

OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

Les mécanismes menant à la formation d’un méandre, à son recoupement et à sa dynamique une fois déconnecté du chenal principal ont été étudiés et sont bien documentés. En

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contrepartie, très peu de travaux ont porté sur les processus de leur comblement sédimentaire, du moins en Amérique du Nord, à l’aide de techniques paléoécologiques et sédimentologiques. La variabilité de la forme des méandres abandonnés (Weihaupt, 1977) et de leur niveau de comblement sédimentaire suggère que plusieurs facteurs sont impliqués dans leur formation et leur dynamisme subséquent. Ceux-ci peuvent être d’origines autogènes (propres au méandre lui-même), allogènes (facteurs externes au méandre) ou encore une combinaison des deux. Dans ce contexte, les questions de recherche du présent projet sont les suivantes: quels ont été les processus ayant mené au comblement organo-minéral d’un des méandres de la rivière L’Assomption ? Sur quelle échelle de temps ces processus s’opèrent-ils ?

L’objectif général du mémoire est de reconstituer l’évolution temporelle du processus de comblement sédimentaire d’un méandre abandonné de la rivière L’Assomption, depuis le moment de son recoupement du chenal.

Les objectifs spécifiques sont : 1) de documenter l’évolution contemporaine du méandre et l’occupation des terres adjacentes depuis le milieu du XXe siècle par l’analyse d’une série de photographies aériennes, et 2) de retracer les étapes de son comblement sédimentaire à l’aide d’une analyse paléoécologique d’une carotte sédimentaire. Les informations recueillies permettront, entre autres, de déterminer la part des facteurs naturels et anthropiques dans l’évolution du méandre.

Les hypothèses testées sont : 1) que l’époque du recoupement du méandre abandonné étudié est relativement ancien puisqu’il est aujourd’hui comblé de sédiments, et 2) que le processus de comblement fut en majeure partie régi par des processus naturels, sauf depuis l’amorce du défrichement des terres et de l’agriculture en périphérie.

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CHAPITRE 1 : SITE D’ÉTUDE

1.1. RÉGION ET SITE D’ÉTUDE

La grande région de Lanaudière, située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent (Figure 1), est constituée de deux unités physiographiques distinctes. La première unité, le plateau Laurentien, est une pénéplaine faisant partie de la province géologique du Grenville, partie sud-est du Bouclier canadien. Il est composé de roches d’âge précambrien et est recouvert par des dépôts quaternaires d’origine glaciaire ou fluvioglaciaire. Il constitue près de 80 % de la région. Plusieurs lacs se trouvent dans cet ensemble et l’écoulement des rivières suit l’axe sud-est de l’orientation structurale du substrat rocheux. La seconde unité, les Basses-Terres du Saint-Laurent, est constituée de roches calcaires et de schistes d’âge cambrien et ordovicien de la province géologique de la plate-forme du Saint-Laurent, recouverts de sédiments quaternaires argileux de la Mer épicontinentale postglaciaire de Champlain et des dépôts sableux. Elle occupe environ 20 % du territoire (Ministère des ressources naturelles, 1994).

La région de Lanaudière est couverte par sept bassins versants : Des Prairies, Mascouche, L’Assomption, La Chaloupe, Bayonne, Du Chicot et Maskinongé. Le bassin versant drainé par la rivière L’Assomption couvre une superficie de 4220 km2, dont 3000 km2 se situent sur le Bouclier canadien et 1220 km2 dans les Basses-Terres du Saint-Laurent (CARA, 2006). Il est divisé en cinq sous-bassins : la rivière L’Assomption, la rivière Ouareau, la rivière L’Achigan, la rivière Noire et la rivière Saint-Esprit (Figure 1). Ces quatre dernières rivières sont les principaux affluents qui se déversent dans la rivière L’Assomption, qui se jette elle-même dans le fleuve Saint-Laurent, à l’est de la ville de Repentigny (Figure 1). La rivière L’Assomption est d’une longueur de 200 km et draine une superficie de 1254 km2, ce qui correspond à 30 % du bassin versant. Sa pente moyenne est de 1,9 m/km et son débit moyen est de l’ordre de 27,4 m3/s (CARA, 2006).

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Figure 1: Tracé de la rivière L’Assomption dans la région de Lanaudière, de ses principaux affluents et de la zone à méandres abandonnés (site d’étude).

Le tracé du chenal de la rivière L’Assomption est dans son ensemble sinueux, mais il adopte une morphologie différente dépendamment de la lithologie des dépôts de surface et du type d’environnement qu’il parcourt. La zone de production se situe au nord dans le parc national du Mont-Tremblant. Alimenté par les eaux du lac de l’Assomption à sa source, le chenal est encaissé dans la roche. Il est étroit et rectiligne sur de longs segments. Les premières sinuosités irrégulières surviennent dans les zones agricoles à l’ouest du village de Saint-Jean-de-Matha (Figure 1). La zone de transfert débute à la confluence avec son premier affluent,

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la rivière Noire. Le chenal s’élargit et les segments rectilignes sont suivis par des méandres, tandis que le tracé général de la rivière devient sinueux. Lorsque le chenal traverse la zone urbaine de la ville de Joliette (Figure 1), les méandres sont encaissés et irréguliers, comportant parfois des sinuosités secondaires. Une section du chenal devient anastomosée avec de petits îlots végétalisés, précédés ou suivis par des bancs de sédimentation. De longs segments rectilignes se trouvent en aval de deux barrages hydrauliques à forte contenance, situés dans la partie sud-est de la ville. Les sinuosités reprennent lorsque le chenal quitte la zone urbaine et entre à nouveau dans la zone agricole, où les méandres sont plus nombreux et libres. Ceux-ci sillonnent dans les alluvions de la plaine alluviale et sont similaires aux méandres que l’on trouve dans les zones de stockage des rivières (Bravard et Petit, 1997). Plusieurs méandres abandonnés se trouvent près du chenal principal. Ils se situent essentiellement entre les municipalités de Saint-Paul et de Saint-Thomas au sud de Joliette, en amont de son point de confluence avec la rivière Ouareau (Figure 1). Cette zone s’étend sur une superficie de 9,5 km2, selon un axe nord-sud (du point 45° 56' 1" N au point 45° 58' 1" N) et selon un axe est-ouest (du point -73° 22' 1"O au point -73° 24' 1"O). Les méandres abandonnés sont développés dans des dépôts de surface d'origine fluvio-marine d’une épaisseur variant de 30 à 100 cm (CARA, 2006). En aval, le lit de la rivière s’élargit à mesure que la pente diminue et son tracé devient légèrement sinueux avant de se jeter dans le fleuve. La station météorologique de Joliette se situe en amont de la zone à méandres. Les données enregistrées pour la période s’échelonnant de 1981 à 2010 indiquent que la température moyenne annuelle était de 6 °C tandis que les précipitations moyennes annuelles étaient de 1019 mm (Environnement Canada, 2019). La région se situe à la jonction entre les domaines bioclimatiques de l’érablière à caryer cordiforme et de l’érablière à tilleul. Parmi les espèces arborescentes caractéristiques de ces deux domaines, il y a l’érable à sucre (Acer saccharum), le hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia) et le tilleul d’Amérique (Tilia americana). L’agriculture est omniprésente dans le secteur où se trouvent les méandres abandonnés. La densité de population y est toutefois faible en raison de son contexte rural, mais elle est nettement plus élevée à quelques kilomètres en amont où se trouve la ville de Joliette. Une analyse multidate par photographies aériennes fut préalablement produite (Tremblay, 2016). Des orthophotographies couvrant l’ensemble de la zone à méandres (Figure 2) ont été

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analysées afin de suivre l’évolution spatio-temporelle de la dimension du chenal ainsi que de sa trajectoire. L’analyse multidate a porté sur les années 1950, 1957, 1964, 1966, 1968, 1974, 1975, 1978, 1991, 1997, 2003, 2012, 2014, 2015 et 2018.

Figure 2: Carte typologique des méandres abandonnés de la rivière L’Assomption (Tremblay, 2016). La description de chacun des types est présentée au Tableau 1. L’étoile rouge représente le méandre sélectionné pour la présente étude.

Weihaupt (1977) a proposé une première classification des types de méandres abandonnés basée sur le degré de leur complexité (simple, composée et complexe) et d’ouverture des extrémités (ouvert, normal et fermé). En se basant sur cette classification, une typologie des méandres abandonnés de la rivière L’Assomption fut produite afin de les caractériser en fonction de leur forme, de leur distance par rapport au chenal principal, de la présence ou de l’absence d’eau et de la densité de végétation (Tableau 1). Ainsi, six types de méandres abandonnés ont été identifiés : le type 1 est de forme bouclée, emplie d’eau et les extrémités se trouvent à proximité du chenal, tandis que le type 6 est de forme ouverte, sans présence d’eau apparente, comblée de matière organique et dont les extrémités sont éloignées du

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chenal principal ou bien connectées à un autre méandre abandonné. Cette classification permet d’établir une chronologie relative des différents méandres abandonnés compris dans une plaine alluviale, à savoir qu’un méandre abandonné de type 1 est plus récent qu’un méandre abandonné de type 6.

Tableau 1: Typologie des méandres abandonnés.

Méandre de type 1 Forme en boucle, présence d’eau dans le chenal, pédoncule bien individualisé, localisé à proximité de la rivière.

Méandre de type 2 Forme légèrement plus ouverte. Présence d’eau dans le chenal, mais pas dans son ensemble. Présence partielle de matière organique. L’embouchure des extrémités se situe à proximité de la rivière.

Méandre de type 3 Forme en boucle, présence d’eau dans le chenal, mais la matière organique y est présente de façon majoritaire. L’embouchure des extrémités se situe à proximité de la rivière.

Méandre de type 4 Forme ouverte ou en boucle, absence d’eau dans le chenal. La matière organique est présente de façon majoritaire. L’embouchure des extrémités se situe à proximité de la rivière.

Méandre de type 5 Forme ouverte ou en boucle, absence d’eau dans le chenal. Présence de matière organique. L’embouchure des extrémités est éloignée de la rivière ou est connectée à d’autres méandres abandonnés.

Méandre de type 6 Forme très ouverte, absence d’eau dans le chenal. La matière organique est présente, mais n’occupe qu’une faible partie du chenal et peut même être complètement absente. L’embouchure des extrémités est éloignée de la rivière et est connectée à d’autres méandres abandonnés. Seuls les sillons ou des rides d’accrétions permettent de voir le méandre abandonné.

1.2. L’OCCUPATION DU TERRITOIRE : DES AMÉRINDIENS AU XXE SIÈCLE Les méandres abandonnés que l’on trouve de part et d’autre de la rivière L’Assomption témoignent de la migration du chenal principal dans sa plaine alluviale. Sachant qu’une rivière est très sensible aux évènements d’origines naturelle et anthropique au sein de son bassin versant (Quilbé et al., 2008 ; Savary et al., 2009), une connaissance de l’histoire de l’occupation du territoire est nécessaire afin de comprendre les facteurs pouvant être à l’origine de la formation des méandres abandonnés.

Dans leur ouvrage sur l’histoire de Lanaudière, Brouillette et al. (2009) indiquent que c’est vers 4000 ans avant J.-C. que datent les premières traces de paléo-Indiens près des rives des lacs Kempt et Manawan, au nord de l’actuelle ville de Joliette. Il s’agissait de nomades chasseurs-cueilleurs associés à la période de l’Archaïque. Ils utilisaient le réseau hydrographique pour se déplacer et c’est à cette époque que les rivières de la région furent

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touchées par les premiers impacts anthropiques. Certes, ces impacts furent sans doute minimes, car le mode de vie nomade ne modifie pas en soi l’utilisation du sol. C’est vers 1000 ans avant J.-C. que débute la sédentarisation avec l’arrivée des Iroquoiens dans la vallée du Saint-Laurent (Brouillette et al., 2009). Ils s’installèrent près des cours d’eau pour des raisons de ressources et de communications, car celles-ci leur ouvraient la voie vers les territoires au nord. Leur mode de vie, gouverné par la disponibilité en ressources du territoire, est bouleversé avec l’arrivée du maïs, ce qui a permis pour la première fois d’accumuler des réserves alimentaires. Ainsi, débutent les premiers balbutiements de l’agriculture sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent intimement liés à l’expansion des villages iroquoiens.

L’arrivée progressive des Européens au XVIIe siècle contribue à un changement majeur dans l’utilisation du territoire. Cependant, à cette époque, le bassin versant de la rivière L’Assomption n’est pas encore colonisé. C’est seulement en 1730 que le développement des seigneuries atteint son bassin versant et que débute l’exploitation forestière dans la région. En 1765, la population d’agriculteurs au sein de la seigneurie de Lavaltrie, dans laquelle se trouvent les méandres à l’étude, est de 327 personnes. La population augmente lentement comparativement aux autres villégiatures voisines en raison du faible potentiel agricole. Lorsque toutes les terres sont données, les gens se tournent vers d’autres métiers. C’est à ce moment que l’industrie du bois prend de l’ampleur. En 1815, le réseau routier se développe jusqu’à la zone des méandres, ce qui accentue la pression exercée par les infrastructures humaines. En 1823, Barthélemy Joliette construit des installations industrielles comme des scieries (Morissonneau, 2014) fonctionnant grâce à la force hydraulique (moulins) sur la rive de la rivière. Il a fondé la ville de Joliette, autrefois appelée Village de L’Industrie (Jalette, 2002). C’est le début de l’urbanisation dans le bassin versant de la rivière. Même si la forêt était déjà exploitée par six scieries sous le régime colonial français, Barthélemy Joliette est l’instigateur de l’industrie forestière et ce sont les rives de la rivière L’Assomption qui furent les premières déboisées (Brouillette et al., 2009). Le transport des billes de bois s’effectuait à l’aide de barges. Cependant, Robert (1972) souligne que leur transport en aval de Joliette jusqu’à la rivière Ouareau s’effectuait par voie terrestre, puisque la rivière à cet endroit était jugée impraticable. Cet endroit, décris par Robert (1972), correspond exactement à la zone de méandres.

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L’activité économique de la région se poursuivit et 18 autres industries s’installèrent et se modernisèrent. Deux d’entre elles iront jusqu’à produire leur propre énergie tirée de barrages hydro-électriques localisés à la sortie de la ville de Joliette. Construits en 1940 et 1942, ces barrages régularisaient le courant de la rivière L’Assomption (CARA, 2006).

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CHAPITRE 2 : MÉTHODES

2.1. ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

Parmi les 19 méandres abandonnés identifiés dans la zone, trois méandres de type 4 et un méandre de type 5 ont été sélectionnés pour une étude plus approfondie. Ils ont été sélectionnés à partir des photographies aériennes en raison de leur âge relatif avancé, déduit par l’absence d’eau et d’un comblement potentiel de matière organique. Tous les méandres abandonnés de type 1, 2, 3 et 6 furent rejetés, ceux-ci étant complètement emplis d’eau ou perturbés par les activités agricoles.

2.2. ÉCHANTILLONNAGE

Les quatre méandres sélectionnés furent visités au mois de juillet 2017. Trois d’entre eux étaient caractérisés par la présence d’eau et ne montraient pas d’accumulation sédimentaire organique, contrairement à ce que les photographies aériennes suggéraient. Un seul contenait une épaisseur de sédiments suffisamment importante, dont de la matière organique, pour permettre l’échantillonnage d’une carotte sédimentaire (Figures 3 et 4). Ce méandre de type 5 se situe dans un champ agricole. Il est d’une longueur d’environ 730 m et sa largeur maximale au point de l’apex est de 29 m. Ses extrémités comblées sont à une distance d’environ 110 m du chenal principal. Selon la classification des types de boucles de méandres établie par Brice (1974), la courbure du méandre est de forme simple et symétrique. Il se trouve à une altitude de 15 m au-dessus du niveau de la mer tandis que le chenal principal est à 9 m d’altitude. La route longeant son apex est, pour sa part, à 18 m d’altitude. La pente de la rive concave à proximité de la route est forte, tandis que la pente de la rive convexe, menant au champ agricole, est douce. Du centre du méandre vers la rive concave, la végétation change selon l’inclinaison de la pente et l’efficacité du drainage (Figure 4). Le centre du méandre est caractérisé par la présence d’une petite mare d’eau stagnante où se trouvent des espèces de milieux marécageux telles que la quenouille à feuilles larges (Typha latifolia). Cette mare est bordée par de la vase où croissent des plantes herbacées formant un couvert relativement dense. Des arbustes et des arbres tels que l’aulne rugueux (Alnus incana subsp.

rugosa), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides) et le bouleau gris (Betula populifolia) colonisent la pente de la rive concave ainsi qu’une partie du centre du méandre.

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Figure 4: Aperçu du couvert végétal du méandre étudié. a) et b) Dense couvert végétal herbacé au centre du méandre. c) Aulne rugueux. d) Peuplier faux-tremble. e) Tronc mort jonchant sur le sol.

Une carotte sédimentaire a été prélevée au mois de novembre 2017 (Figures 5, 6 et 7). L’extraction des 100 premiers centimètres des sédiments (0 – 100 cm) fut réalisée à l’aide d’un carottier Box (8 cm × 8 cm × 100 cm; Figure 6). Les sédiments plus profonds ont été récoltés à l’aide d’un carottier russe (50 cm × 2,5 cm) dans quatre points de récolte distants d’environ 15 cm les uns des autres (Figures 6 et 7). Cette façon de procéder minimise les contaminations pouvant survenir lors de l’enfoncement et de l’extraction du carottier. Les sédiments ont été récoltés en segments de 50 cm d’épaisseur. Des doublons ont été prélevés afin d’obtenir suffisamment de matériel pour les analyses en laboratoire. Les sédiments ont été récoltés jusqu’à une profondeur de 190 cm, soit la profondeur du refus à l’enfoncement du carottier sur le substrat minéral. Lors de l’extraction du segment B1 (0-50 cm; Figure 7), une lentille d’eau se trouvait à la profondeur 18-20 cm. Les carottes sédimentaires ont été emballées dans un papier cellophane et dans du papier d’aluminium pour le transport au laboratoire. Elles ont été entreposées dans une chambre froide réfrigérée à une température de 4 °C jusqu’au moment des analyses.

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Figure 5: Lieu d’échantillonnage (flèche rouge) de la carotte sédimentaire au sein du méandre abandonné. a) Juillet 2017. b) Novembre 2017.

Figure 6: a) Échantillonnage du premier mètre des sédiments à l’aide du carottier Box. b) Segment B3’ de la carotte sédimentaire échantillonnée avec le carottier russe en novembre 2017.

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Figure 7: Schématisation de la procédure d’échantillonnage des carottes sédimentaires et du recoupement entre les différents sites de prélèvements/doublons.

2.3. CONTENU EN MATIÈRE ORGANIQUE ET MINÉRALE

L’analyse du contenu en matière organique et en matière minérale des sédiments a été effectuée entre les niveaux 0 cm (surface) et 100 cm (profondeur à partir de laquelle les sédiments deviennent exclusivement minéraux) à l’aide de la méthode de la perte au feu (Heiri et al., 2001). Pour ce faire, des sous-échantillons (1 cm3) ont été prélevés à tous les 2 cm d’intervalle, pour un total de 50 niveaux. Les creusets vides furent d’abord pesés après avoir été entreposés dans un endroit sec afin d’éliminer toute humidité. Ils ont ensuite été pesés une seconde fois avec le sous-échantillon correspondant. Ils furent insérés dans un four à 100 °C pendant 24 h afin de faire évaporer l’eau du sédiment, puis pesés de nouveau pour obtenir le poids des sous-échantillons secs. Enfin, les sous-échantillons furent chauffés de

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nouveau pendant 1 h à 550 °C afin d’oxyder la matière organique, et pesés une dernière fois. Les résultats sont exprimés en pourcentages de matière organique.

2.4. ANALYSE MACROFOSSILE

Une analyse visuelle des caractéristiques physiques des sédiments (couleur, présence ou absence de matière organique visible à l’œil nu) a d’abord permis une première délimitation de la carotte en différentes sections (lithostratigraphie). Les sédiments furent ensuite découpés en tranches contigües de 1 cm d’épaisseur. L’analyse macrofossile a été réalisée sur les sous-échantillons entre les profondeurs 0 et 100 cm, car c’est à 100 cm de profondeur que survient la transition entre les sédiments purement minéraux et l’amorce d’une accumulation à caractère plus organique. L’analyse macrofossile a été réalisée à tous les 2 cm d’intervalle. Le volume sédimentaire analysé varie entre 18 et 49 cm3 selon les niveaux (35 cm3 en moyenne). Pour chacun des niveaux, les premiers millimètres du pourtour de chaque tranche furent grattés minutieusement afin d’éliminer toute contamination potentielle ayant pu survenir lors de l’échantillonnage sur le terrain. La procédure de Bhiry et Filion (2001) fut employée pour la préparation des échantillons en vue de l’analyse macrofossile. Chaque échantillon fut bouilli doucement et mélangé à une solution de KOH 5 % afin de les défloquer et de disperser les agrégats. Les sédiments ont ensuite été tamisés au sein d’une colonne de tamis de mailles 850, 425 et 180 µm. Les pièces macrofossiles de chacun des tamis ont été récoltées et entreposées dans des piluliers stériles identifiés selon le niveau et la fraction tamisée.

Le dénombrement et l’identification des pièces macrofossiles ont été réalisés sous une loupe binoculaire stéréoscopique. Les restes végétaux furent identifiés puis classés selon six catégories : les mousses, les prêles (dû à leur grande abondance), les plantes herbacées, les fragments de feuilles, les fragments ligneux et la matière indéterminable (décomposée, brisée ou trop fractionnée pour être identifiée). Ces différentes catégories sont exprimées en pourcentage du volume total de l’échantillon. Ensuite, le dénombrement et l’identification des pièces macrofossiles (p. ex. : graines, aiguilles) ont été effectués. Chaque nouvelle pièce apparaissant pendant l’analyse fut photographiée et mesurée afin de faciliter son identification ultérieure à l’aide de la collection de référence du Laboratoire de paléoécologie terrestre du Centre d’études nordiques (CEN) de l’Université Laval, de la collection de

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plantes de l’Herbier Louis-Marie de l’Université Laval, et d’ouvrages de référence (Lévesque et al., 1988 ; Schoch et al., 1988 ; Marie-Victorin, 2002 ; Payette, 2013). Les résultats sont présentés sous la forme de dénombrements par unité de volume pour un volume standard de 50 cm3. La présentation des taxons macrofossiles dans les diagrammes, de la gauche vers la droite, est fonction de leur ordre d’apparition depuis la base des sédiments organiques. Les diagrammes macrofossiles ont été élaborés à l’aide du logiciel Palaeo Data Plotter (Juggins, 2002). Afin de ne pas surcharger les diagrammes, seuls les taxons ayant été observés dans au moins cinq niveaux, soit 60 taxons, sont présentés dans les diagrammes. Les autres taxons macrofossiles ainsi que les niveaux au sein desquels ils furent trouvés sont présentés à l’Annexe A. Des exemples de pièces macrofossiles des principaux taxons caractéristiques de chacune des phases du processus de comblement sont présentés à l’Annexe B.

2.5. DONNÉES CHRONOLOGIQUES

Six niveaux stratigraphiques ont été datés au radiocarbone pour obtenir un cadre de la chronologie de l’accumulation sédimentaire. Ces niveaux furent sélectionnés en fonction de changements observés au niveau du contenu en matière organique, de la composition des assemblages macrofossiles et de la présence de charbons de bois. Dans chacun des cas, ce sont des pièces macrofossiles (graines, feuilles) qui furent datées par la méthode de spectrométrie de masse par accélérateur (SMA). Les échantillons ont d’abord été soumis au Laboratoire de radiochronologie du CEN où ils ont reçu un prétraitement chimique avant d’être brûlés. Le CO2 émanant des échantillons fut purifié, pour ensuite subir une graphitisation. Le graphite obtenu a été pressé sur une cible puis envoyé au Keck Laboratory de l’Université de Californie à Irvine où il a été compté à l’aide d’un accélérateur à spectrométrie de masse.

Les âges radiocarbone (14C BP) obtenus du laboratoire ont été étalonnés (2 sigma) en années calendaires (années BC/AD) à l’aide du programme Calib 7.10 (Stuiver et al., 2017) et de la base de données IntCal13 (Reimer et al., 2013). Les âges étalonnés ont été obtenus à l’aide de leurs intervalles le plus probables. Le logiciel CALIBomb (Reimer et Reimer, 2004) a été employé pour l’étalonnage des échantillons datés aux profondeurs 31-32 cm et 49-50 cm pour lesquels un âge moderne a été obtenu.

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CHAPITRE 3 : RÉSULTATS

3.1. ANALYSE DE PHOTOGRAPHIES AÉRIENNES

L’analyse multidate des photographies aériennes du méandre abandonné à l’étude pour la période s’échelonnant de 1957 à 2018 témoigne de son évolution et celle de son environnement périphérique (Figure 8). Le méandre a une forme en boucle dont les extrémités sont situées à une centaine de mètres du chenal actuel. En 1957, aucun plan d’eau et aucune végétation arborescente et arbustive n’est visible, ni au centre du méandre, ni dans les parties rectilignes menant à ses extrémités. En 1975, un regroupement d’arbres et d’arbustes est visible le long de l’apex. La densité du couvert végétal semble toutefois avoir diminué en 1978. Vingt ans plus tard, en 1997, une végétation arborescente couvre l’ensemble de l’apex, puis jusque dans les sections rectilignes du méandre. L’environnement périphérique évolue lui aussi et un changement de vocation des terres a eu lieu. En 1957, une exploitation agricole occupe les lieux. Une route, construite entre 1957 et 1966, occupe le haut du talus de la rive concave de l’apex du méandre abandonné. À partir de 1975, une partie de l’espace dédié à l’agriculture a été converti pour accueillir des habitations. Enfin, entre 2003 et 2012, une habitation est construite devant l’apex, près du lieu d’échantillonnage.

Figure 8 : Évolution du méandre abandonné étudié et de son environnement périphérique de 1957 à 2018. L’étoile rouge indique le lieu d’échantillonnage.

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3.2. LITHOSTRATIGRAPHIE DE LA CAROTTE SÉDIMENTAIRE

Au point d’échantillonnage de la carotte sédimentaire, l’épaisseur des sédiments totalise 190 cm (Figure 9). Les caractéristiques physiques et le contenu en matière organique et minérale des sédiments ont permis de délimiter trois zones lithostratigraphiques distinctes (Zones I-II-III), celles-ci étant subdivisées en sous-zones (Figure 10).

La première zone lithostratigraphique (Zone I ; 190-100 cm de profondeur), qui correspond aux segments B4 et B3 de la carotte (Figure 9), comprends quatre sous-zones (Figure 10). La base de la Zone I est soulignée par une mince couche de silt grisâtre (sous-zone i ; 190-188 cm). Elle est surmontée de silts grisâtres laminés (sous-zone ii ; 190-188-171 cm), d’une alternance de lits silteux grisâtres et de lits silteux grisâtres riches en inclusions organiques (sous-zone iii ; 171-115 cm) et, enfin, d’une alternance de lits silteux et de lits riches en matière organique (sous-zone iv ; 115-100 cm). La seconde zone lithostratigraphique (Zone II ; 100-52 cm de profondeur) correspond au début de l’accumulation plus importante de matière organique et se subdivise en trois sous-zones(v, vi, vii). La première (sous-zone v ; 100-85 cm) consiste en de la matière organique laminée de couleur grisâtre comprenant des lits silteux dont le contenu en matière organique atteint un maximum de 16 %. Celui-ci augmente graduellement jusqu’à 31 % dans les sédiments brunâtres laminés de la sous-zone vi (85-65 cm) et 60 % dans ceux laminés de couleur brun foncé de la sous-sous-zone vii (65-53 cm). C’est dans ces sous-zones que s’amorce l’accumulation de tourbe véritable. La Zone II se termine par une mince lamine de silt d’un centimètre d’épaisseur (53-52 cm). La troisième zone lithostratigraphique (Zone III) au sommet du dépôt (52-0 cm) est divisée en deux sous-zones ; elle est d’abord composée de tourbe de couleur brun foncé riche en fragments de bois (sous-zone ix, 52-22 cm). Celle-ci est surmontée par une couche de matière organique brun foncé à noirâtre peu décomposée (sous-zone x ; 22-0 cm). Le contenu en matière organique dans la Zone III varie entre 35 et 50 %.

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3.3. COMPOSITION DE LA MATRICE DES SÉDIMENTS

Les pourcentages des différentes composantes botaniques formant la matrice des sédiments pour le mètre supérieur du dépôt sont présentés à la figure 11. De la base (100 cm) jusqu’au 55 cm de profondeur, la matrice est composée principalement de restes de prêles (Equisetum spp.) et de plantes herbacées. Les mousses sont rares et ne sont présentes qu’entre 69 et 62 cm de profondeur. Le pourcentage d’Equisetum diminue à partir de 55 cm au profit des fragments herbacés, vasculaires et ligneux. Un autre changement survient dans la portion supérieure à partir de 22 cm de profondeur. La matrice est alors composée principalement de fragments de plantes vasculaires et de restes ligneux. Les restes d’Equisetum disparaissent au sommet du dépôt.

Figure 11: Composition de la matrice des sédiments organiques de la carotte sédimentaire. Les flèches noires indiquent les endroits où surviennent des changements marqués dans la composition de la matrice.

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28 3.4. DONNÉES CHRONOLOGIQUES

Six niveaux ont été datés (Tableau 2 ; Figure 10). Un âge de 211-147 ans BC a été obtenu là où débute l’accumulation de la matière organique sur le silt (100-101 cm), tandis que des âges très récents (2001-2004 ans AD et1981-1984 ans AD) correspondent respectivement aux niveaux 49-50 cm et 31-32 cm. Deux inversions chronologiques sont notées. La première entre les niveaux 61-62 et 69-70 cm où il y a un chevauchement des intervalles 2-sigma. La seconde caractérise les niveaux 49-50 et 31-32 cm, où les intervalles de probabilités se chevauchent aussi.

Tableau 2: Données chronologiques de la carotte sédimentaire.

Profondeur de l’échantillon (cm) Numéro de laboratoire Université Laval Âge (années 14C BP) Années 14C BP (intervalle 2σ) Années étalonnées BC/AD (intervalle 2σ) Matériel daté

31-32 ULA-8338 Moderne --- 1981 – 1984 AD Feuilles

49-50 ULA-8856 Moderne --- 2001-2004 AD Feuilles

55-56 ULA-7641 1780 ± 20 1618 - 1808 210 – 265 AD Écailles

61-62 ULA-8337 1920 ± 15 1824 - 1896 54 – 126 AD Graines

69-70 ULA-8339 1885 ± 20 1775 - 1882 68 - 175 AD Graines

100-101 ULA-7645 2150 ± 20 2061 - 2301 211 - 147 BC Graines

3.5. ANALYSE MACROFOSSILE

L’analyse macrofossile a porté sur des échantillons issus des 100 cm supérieurs de la carotte (Figure 12). Les sédiments se sont avérés riches et diversifiés en pièces macrofossiles. Celles-ci étaient aussi dans un excellent état de préservation. Au total, 10 765 pièces macrofossiles représentées par 60 taxons différents furent dénombrés (Annexe A). Cependant, certains taxons furent écartés en raison de leur état dégradé, rendant l’identification impossible, ou en raison d’une fréquence d’apparition dans moins de cinq niveaux. Chez les plantes vasculaires, les espèces identifiées et retenues pour les interprétations sont constituées de trois espèces arborescentes, d’une espèce arbustive et de 56 espèces herbacées. Des algues,

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des bryozoaires et des charbons de bois ont aussi été observés. La majorité des pièces consistent en des akènes, des graines et des fruits.

Sur la base de la composition des assemblages, sept zones macrofossiles (ZM) ont été identifiées (ZM-A à ZM-G), de la base vers le sommet. La détermination de ces zones repose surtout sur les variations d’abondance et la composition du cortège des assemblages des plantes herbacées et aquatiques. Chez les arbres, seules deux espèces sont présentes de façon continue, de la base du profil (ZM-A) jusqu’au sommet (ZM-G), soit le bouleau jaune (Betula alleghaniensis) et la pruche du Canada (Tsuga canadensis). La troisième espèce arborescente, le bouleau gris (Betula populifolia), apparaît seulement vers le sommet pour la première fois (Zone F) et ses restes deviennent plus abondants dans la Zone G. Ces espèces étaient toutes les trois présentes en périphérie du méandre. En ce qui concerne les arbustes, seul l’aulne rugueux a été identifié, et des restes de cet arbuste de milieu humide sont présents dans chacun des niveaux analysés.

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Figure 12 : (suite et fin)

3.5.1. ZONE MACROFOSSILE A [ZM-A, 100-92 cm]

La ZM-A, à la base de la carotte, correspond aux sédiments organiques laminés grisâtres comportant des laminations silteuses. Un total de 1194 pièces macrofossiles y ont été dénombrées. Parmi les 24 taxons herbacés présents, il y a de nombreuses plantes aquatiques

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associées aux eaux peu profondes des étangs et des lacs comme Sagittaria latifolia, Najas

flexilis, Potamogeton natans et Nymphaea odorata (Lapointe, 2014). Des restes d’autres

hydrophytes sont aussi présentes (Scirpus microcarpus, Schoenoplectus heterochaetus). On note la présence de Cyperus strigosus, Cyperus bipartitus, Panicum capillare, Eleocharis

obtusa, que l’on trouve sur les rivages des rivières, ainsi que quatre espèces de Carex (Carex retrorsa, Carex interior, Carex crawfordii et Carex exilis). On trouve également plusieurs

oogones de Chara oogonium et des statoblastes du bryozoaire Cristatella mucedo. 3.5.2. ZONE MACROFOSSILE B [ZM-B, 92-85 cm]

La ZM-B est aussi formée de sédiments organiques laminés grisâtres avec des laminations silteuses. Au total, 1352 pièces y ont été identifiées. Cette zone contient 21 taxons herbacés. Elle est caractérisée par une forte augmentation des restes de Chara oogonium et la présence continue de Cristatella mucedo. Chez les plantes aquatiques, la représentation tend à diminuer légèrement pour Potamogeton natans et Sagittaria latifolia et de manière plus prononcée pour Najas flexilis. On remarque la disparition de Scirpus microcarpus mais, en contrepartie, l’apparition d’autres hydrophytes : Torreyochloa pallida var. fernaldii, que l’on trouve dans des eaux peu profondes, de même que Sium suave et Bidens cernua qui sont deux espèces associées aux marais, aux mares et aux fossés (Marie-Victorin, 2002). Trois espèces de Carex sont présentes (Carex retrorsa, Carex interior et Carex gynandra).

3.5.3. ZONE MACROFOSSILE C [ZM-C, 85-81 cm]

La ZM-C, d’une épaisseur de seulement 4 cm, se situe dans des sédiments tourbeux brunâtres. Un total de 32 taxons herbacés furent identifiés, tandis que 702 pièces macrofossiles ont été répertoriées. La forte représentation de Chara oogonium persiste tandis que celle du bryozoaire Cristatella mucedo décline légèrement. On remarque l’apparition d’espèces aquatiques associées aux rivages des cours d’eau, des berges et des eaux peu profondes comme Sparganium emersum et Alisma triviale (Marie-Victorin, 2002). Ceci va de pair avec l’augmentation de la représentation de Scirpus microcarpus (présente jusqu’au sommet du profil), Sium suave, Bidens cernua et Torreyochloa pallida var. fernaldii, cette dernière espèce atteignant un maximum. Les restes de Lycopus uniflorus apparaissent pour la première fois. Une augmentation caractérise aussi Sagittaria latifolia, Cyperus bipartitus,

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vaseuses, aux marais et aux étangs. La diversité des Carex augmente et compte Carex

retrorsa, Carex interior, Carex crawfordii, Carex gynandra et Carex crinita.

3.5.4. ZONE MACROFOSSILE D [ZM-D, 81-69 cm]

La ZM-D correspond aussi à des sédiments organiques laminés brunâtres. Elle contient 1849 pièces macrofossiles et 35 taxons herbacés. La représentation de Chara oogonium demeure importante. C’est ici qu’apparait pour la première fois Typha latifolia, une plante d’eau peu profonde (Marie-Victorin, 2002). L’apparition des restes de nouveaux taxons aquatiques (Dulichium arundinaceum, Juncus subtilis) et d’espèces herbacées de milieux humides (Glyceria striata, Leersia oryzoides, Veronica scutellata, Thalictrum pubescens) survient. D’autres voient leur abondance augmenter comme Scirpus microcarpus,

Schoenoplectus acutus, Schoenoplectus heterochaeatus, Carex crawfordii, Eleocharis erythropoda et Hypericium virginicum. En revanche, Sagittaria latifolia, Potamogeton natans, Sium suave et Bidens cernua déclinent comparativement à la zone précédente, tandis

que Cyperus bipartitus, Najas flexilis, Eleocharis obtusa et Sparganium emersum disparaissent des assemblages.

3.5.5. ZONE MACROFOSSILE E [ZM-E, 69-53 cm]

La ZM-E se trouve à cheval entre des sédiments organiques laminés brunâtres et des sédiments tourbeux laminés brun-foncé. C’est ici que survient le premier changement majeur concernant la composition de la matrice de sédiments qui est l’augmentation des fragments herbacés, ligneux et vasculaires (Figure 11). Un total de 2701 pièces macrofossiles ont été identifiées, tandis que 32 taxons herbacés composent les assemblages. Les restes de Chara

oogonium déclinent fortement, tandis que ceux de Cristatella mucedo deviennent

sporadiques, avant de disparaître. Cette zone est caractérisée par l’apparition d’Eleocharis

palustris, une espèce importante de la flore riparienne du Québec (Marie-Victorin, 2002), et

de Pilea pumila. Plusieurs espèces atteignent un maximum de représentation : c’est le cas pour Scirpus microcarpus, Sium suave, Bidens cernua, Glyceria striata, Thalictrum

pubescens, Typha latifolia et Eleocharis obtusa. La représentation d’autres espèces

(Dulichium arundinaceum, Potamogeton natans, Schoenoplectus sp., Eleocharis

Figure

Figure  1:  Tracé  de  la  rivière  L’Assomption  dans  la  région  de  Lanaudière,  de  ses  principaux  affluents  et  de  la  zone  à  méandres  abandonnés (site d’étude).
Figure 2: Carte typologique des méandres abandonnés de la rivière L’Assomption (Tremblay, 2016)
Figure 3: Méandre abandonné sélectionné pour les analyses paléoécologiques et point d’échantillonnage de la carotte sédimentaire
Figure 4: Aperçu du couvert végétal du méandre étudié. a) et b) Dense couvert végétal herbacé au centre du méandre
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