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Synthèse M LETOURNEAU
Les participants au colloque Sciences et technologies :
Pourquoi les flUes
? ne se sont pas contentés de dé-plorer le faible nombre de jeunes filles engagées dans les filières scientifiques et techniques. Ils ont dégagé des axes d'actions forts, destinés à favoriser la mixité. (Publication AXIALES n°37 ASTS Paris)L'un des principaux objectifs du colloque Sciences et technologies:
Pourquoi lesfdles
?, qui s'est tenu au CNAM, le 26 octobre 2000 devant plus de 450 personnes, était d'engager une réflexion qui va nourrir un acte politique fort. Les Actes en seront publiés au cours du premier semestre de 2001. Décidé à l'initiative du mi-nistère de la Recherche, qui pour son organisation a sollicité l'ASTS qui en fût le maître d'œuvre, il se voulait délibérément interministériel (1). Les intervenants s'étaient donnés pour but de chercher à comprendre com-ment se crée, dès l'école, une division des savoirs entre les sexes et d'en mesurer les conséquences sur la vie professionnelle des femmes. Il avait aussi une vocation mobilisatrice pour les partenaires de la culture scienti-fique, du système éducatif et le réseau des Droits des femmes, pour encourager les jeunes filles qui le souhai-tent à s'orienter vers les filières scientifiques.Pour changer les mentalités et faire en sorte qu'un plus grand nombre de jeunes filles s'orientent vers les filières scientifiques, Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la Recherche proposait lors de ce colloque le lancement de cinq actions concrètes :
- améliorer l'information et l'orientation vers les études scientifiques dans les écoles, collèges et lycées ; -attribuer davantage d'allocations de recherche aux filles;
- assurer un meilleur équilibre des sexes dans les jurys de recrutement et de promotion ; -favoriser la création d'entreprises technologiques innovantes par les femmes;
- relancer l'opération 1 000 classes/1 000 chercheurs, la moitié de ces derniers devant être des femmes.
(1) Ce colloque se plaçait dans la droite ligne de la signature, le 25 février 2000, de la convention intenninistérielle «pour la
pro-motion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons, les jèmmes et les hommes dans le système éducatif». Sa préparation
était pilotée par un groupe intenninistériel dont faisait partie notamment Suzanne Srodogora et Mireille Morelli-Kotsikos pour le ministère de la Recherche, Dominique Torsat pour le Service des Droits des Femmes du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, pour le ministère de l'Éducation nationale de Marie.Jo Delord et de Nicole Fadda et pour le ministère de l'Agriculture et de la pê-che de Danielle Barres et de Marie-Laure Beauvais. Ce groupe était complété par un comité de pilotage scientifique constitué de Claudine Hennann professeur à l'École Polytechnique, Françoise Cyrot.Lackman du Cnrs-Grenoble, Claude Zaidman du Cedref Nicole Mosconi de l'Université de Paris X Nanterre, Jean-François Sabouret et Jean.Louis Aupetit du Cnrs. Cécile Régnier de l'Asts était chargée de l'organisation de cette manifestation.
D'abord un constat : entre les femmes et la science,
ce n'est pas le grand amour au point que
«
leur pré-sence dans ce domaine ne nous est pas naturelle».
De
cet état de fait, le ministre de la Recherche, Roger
Gé-rard Schwartzenberg, n'entend pas se satisfaire, mais
les statistiques sont préoccupantes. Selon une étude
ré-alisée par l'Observatoire des sciences et des techniques
(OST), moins d'un chercheur sur trois est une femme
dans la recherche publique. Dans le privé, c'est encore
pire.
Laproportion de femmes y est deux fois moindre.
Les disparités sont profondes selon les secteurs,
«
La parité existe à peu près dans la recherche médi-cale et pharmaceutique de l'Institut Pasteur »,constate
Claudine Hermann, professeur
àl'École Polytechnique
avant de se désoler : «
mais I 0% de femmes environ seulement se trouvent à l'ONERA et dans les industries aéronautiques». Ces dernières années, l'évolution en
tenne de recrutement n'a guère été fameuse dans les
Grandes Écoles et
àl'Université qui constituent
,POur-tant le vivier pour les années
àvenir.
«
Dans les Ecoles d'ingénieurs à dominante physique-chimie, le pourcen-tage de filles oscille entre 14 et 16% depuis plus de cinq ans, sans progrès réel de leur présence», analyse
C. Hennann. Dans ce désert, subsistent quelques oasis.
L'Institut Agronomique de Paris (Agro) en est un. Les
jeunes filles
yreprésentent actuellement 63
%des
étu-diants et cette proportion est appelée
àaugmenter car
en 1999, 67% des entrants en lère année étaient des
fil-Adpll"''l
info-
N°90- Nov.Déc 2001/ Janv.à
Juin
2 0 0 2
les. Mais, s'inquiète Jean Claude Lebossé, Directeur gé-néral de l'Enseignement et de la Recherche au ministère de l'Agriculture et de la pêche,
«
De la même manière qu'il me paraît néfaste que les filières maths-physique soient à majorité masculine, il ne me paraît pas bon que les filières biologie-sciences du vivant deviennent àdominante féminine. »
La
néuauon du tnvall dos lonnnos
Historiquement, les femmes ont toujours été délibé-rément écartées de l'aventure scientifico-technique. C'est « un fait social d'autant plus verrouillé, analyse Michèle le Doeuff, philosophe et auteur du "Sexe du savoir" (Flammarion), qu'il est dépourvu de raison.
»
Pour elle, il s' agit de
«
la volonté du groupe des hom-mes de maintenir et de développer son pouvoir sur le groupe des femmes». Cette logique de domination se traduit également par une négation du travail accompli par les femmes de science, y compris dans les périodes les plus récentes. Dans l'édition de 1987 du Petit La-rousse, « Marie Curie est introuvable ! En fait, elle se trouve sous la rubrique Pierre Curie»,
dénonce Hélène Rouch, membre du Centre d'enseignement de docu-mentation et de recherche pour les études féministes (CEDREF). Il n'est pas étonnant dans ces conditions que Brigitte Grésy, chef du service des Droits des Fem-mes et de l'Égalité, déplore«
les stéréotypes que véhi-culent encore les manuels scolaires [ ... ] avec des fem-mes représentées comme mère de famille ou dans des emplois traditionnellement féminins».Dans ces conditions, les jeunes filles choisissent avec réticence de s'engager dans les études scientifi-ques ... supérieures. En effet, au niveau du secondaire la situation est relativement satisfaisante.
«
Elles sont plus de 40 % des élèves de terminale scientifique », selon Roger-Gérard Schwartzenberg qui poursuit :«
Alors même qu'elles réussissent mieux que les garçons, puis-qu'en 1998, 82% des filles ont obtenu leur bacS contre moins de 77 % , des garçons, elles ne poursuivent pas leurs études dans des filières scientifiques. En 2000, on ne compte encore que 15 %, de filles admises à l'École Polytechnique, 28 ans après le passage de l'école à la mixité!»Cette évaporation s'accompagne en parallèle d'un autre mécanisme d'exclusion que résume Marien Noêlle Auberger-Barré de la CFDT. «Il y a dans toutes les or-ganisations (entreprises, laboratoires de recherche, syndicats .. .) une proportion d'hommes et de femmes qui est sensiblement différente à la base et au som-met». Les explications sont multiples. Nicole Mosconi. utilisant les travaux des ethnologues, parle de gap au niveau des techniques et des savoirs, entre les femmes
et les hommes.
«
Cette division, qui se passe à l'école, structure également J'ensemble de la société et est utili-sée pour installer un mode de domination masculin»
sur lequel l'organisation de la société et le fonctionne-ment des entreprises sont calés. Les femmes qui sou-haitent avoir un déroulement de carrière correct se trou-vent donc devant une contradiction :
«
En tant ·que femme elle veut s'adonner à son métier, en tant quemère, elle veut s'occuper de ses enfants.
»
llll'v
a pas do fatalité
Pourtant, relève Brigitte Grésy « l'absence des fem-mes dans les filières scientifiques et technologiques n'est pas une fatalité. »Déjà, dans certaines discÎplines comme la biologie, c'est le cas. Le même mouvement s'amorce dans certaines entreprises. Chez Renault, qui emploie 10 000 cadres,
« il
y a dix ans, les femmes étaient 10 %, aujourd'hui nous frôlons les 20 %. L 'évo-lution est donc positive et provient d'une volonté de la direction qui insiste systématiquement pour que les candidatures soient équilibrées entre les sexes », dit Brigitte Chassagnon, de la DRH. Une transformation qui n'est pas neutre relève le sociologue Christian Bau-delot :«
Partout où les femmes ont pénétré en nombre assez suffisant des milieux professionnels autrifois do-minés par des hommes elles ont transformé les condi-tions de travail ». L'accélération de ce mouvement, passe pour Brigitte Grésy par«
une approche intégrée (gender mainstreaming) de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la société. Elle repose sur le principe qu'aucune politique publique n'est neutre au regard de l'égalité [ ... ] elle nécessite que soient maintenue en pa-rallèle des actions positives destinées à compenser les inégalités constatées.»
C'est dans ce sens qu'il faut lire les actions proposées par Roger-Gérard Schwartzen-berg (lire : des actions concrètes). Elles ne sont pas aus-si radicales que les initiatives prises dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, un pays où l'on man-que cruellement de techniciens supérieurs et d'ingé-nieurs.«
Depuis deux ans, des cours d'ingénieurs pour filles uniquement ont été créés»,
raconte ClaudineHer-mann. En tout cas, à l'issue de ce colloque, tous les in-tervenants étaient d'accord pour passer du constat à l'action.[]