• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Quelle « culture technique » au travers des réalisations au Collège ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Quelle « culture technique » au travers des réalisations au Collège ?"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

QUELLE « CULTURE TECHNIQUE »

AU TRAVERS DES RÉALISATIONS AU COLLÈGE ?

Joël LEBEAUME

GDSTC-LIREST, ENS Cachan

MOTSCLÉS : TECHNOLOGIE COLLÈGE PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT -PROJET CULTUREL

RÉSUMÉ : À une époque où la promotion pour la culture technique est moins importante qu’au début des années 1980, le collège maintient dans son plan d’études des réalisations techniques. Une enquête empirique révèle que, dans les limites des pratiques imposées par les contraintes matérielles et financières, trois intentions majeures sont développées : réaliser pour se réaliser, faire pour savoir-faire, produire pour comprendre le monde. Ces choix et ces contraintes façonnent l’acculturation technique mise en œuvre et interrogent le projet culturel de l’école.

ABSTRACT : When technological culture is very less important than in the 1980s, the junior high school curriculum proposes technical realisations. An empirical research shows that three proposals are choosen by the technology teachers : to do in order to develop himself, to make in order to know-how, to product in order to understand the world. But these choices within important constraints (material and financial) implie technical culture and question the school cultural project. A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXIV, 2002

(2)

1. CULTURES ET CULTURE TECHNIQUE

1.1 Promotion

Le début des années 80 a été marqué par le mouvement de promotion de la « culture technique » : création du Centre de Recherche sur la Culture Technique (1979) éditeur de la revue « Culture technique » et du « Manifeste pour la Culture Technique ». Les actions et les réflexions se concentrent alors sur quatre aspects : la sauvegarde du patrimoine industriel assurée par les écomusées, la revendication des spécificités de la technique (approche instrumentale, réalisation) dont est dénoncée l’habituelle emprise de la science, l’acculturation des jeunes suggérée par une offre des moyens de pratiquer la technique, les particularités de la dimension individuelle et collective de la culture. Débats et revendications rencontrent les tensions entre l’unicité de la culture et son morcellement, entre les points de vue scientifique, technologique, historique, industriel… L’informatisation de la société, la modification des pratiques techniques… se cristallisent aussi autour de la Cité des Sciences et de l’Industrie dont la désignation identifie la culture industrielle (Gille, 1986) désormais prise en charge par des centres de culture scientifique, technique et industrielle. La rénovation des plans d’étude scolaires accompagne les relations École-Entreprises et le rapport de la Commission Permanente de Réflexion sur l’Enseignement de la Technologie inspire les programmes pour le Collège (Géminard, 1985).

1.2 Faire, dire, penser

Charlot (1987) précise trois acceptions de cette « culture technique » : celle du technicien, de l’ouvrier qualifié… qui correspond à la spécialisation d’un métier ou d’une profession et à la constitution d’une communauté de gestes, de valeurs… partageant un habitus fondateur par exemple de la culture ouvrière ou de la culture de la mine ; celle de l’humanisme moderne, née avec la création du baccalauréat technique en 1946, qui revendique l’accès à l’universel par le mode spécifique de la technique ; celle de la compréhension de la modernité et de la participation critique au développement technique, particulièrement développée au cours des années 1980. Ces trois acceptions sont aussi les trois sens affectés au terme « technologie » par Deforge (1993) qui distingue la technologie professionnelle, la technologie composée de l’ensemble des connaissances générales de la pratique des techniques et la Technologie (avec une majuscule) réflexive et critique. Ces acceptions correspondant à une élaboration historique signalent une plus ou moins forte distanciation de l’action technique et des pratiques socio-techniques. Actions techniques, connaissance des techniques, réflexion sur la technique désignent des cultures techniques, en actes, en mots et en idées. Elles interrogent les relations entre faire, dire et penser, parfois réduites aux hiérarchies sociales et scolaires, énoncées en terme de progressivité d’apprentissage ou composées

(3)

pour une éducation intégrale de la main, du cœur et de l’esprit.

1.3 À l’école

Si toute culture unifie, toute culture exclut également. Les sociologues de l’éducation ont largement montré le processus d’exclusion des cultures techniques dans les scolarités qui distinguent l’enseignement professionnel, l’enseignement technologique et l’enseignement général. Les contenus d’un programme et d’un cycle d’enseignement sont les témoins de ces valorisations et de ces exclusions. L’histoire des travaux manuels et de l’éducation technologique conserve les traces de ces choix. Les travaux manuels éducatifs du premier cycle de l’enseignement secondaire (1953), les approches concrètes des classes de transition et des classes pratiques (1963), la technologie présentée comme l’équivalent du latin pour les sections modernes (1962), les bancs d’essai des CPPN (1972), l’éducation manuelle et technique pour tous les élèves (1975), les options technologiques (1984), la technologie (1985), les nouvelles technologies appliquées (1997)… témoignent de la culture scolaire qui sélectionne l’approche pratique pour les « sous instruits normalement doués », les « anorexiques scolaires »… Aujourd’hui encore, à l’école primaire et au lycée, les mêmes choix traduisent les options culturelles et les clivages potentiels associés à la familiarisation des élèves avec le monde de la technique. L’opération « la main à la pâte » ignore par exemple l’appropriation spécifique du milieu technique (Le François, 2000), et le nouvel étiquetage « sciences de l’ingénieur » du lycée, privilégie les tâches d’étude et de conception, de la même façon que la technologie pour les collégiens des années 1960 refusait les fabrications pour ne pas se confondre avec une discipline d’atelier. L’acculturation par l’école est ainsi nuancée selon les contenus dispensés. Dans l’enseignement général, l’approche de réalisation est régulièrement contestée en privilégiant le faire sur le dire, le penser sans savoir-faire. Pour Martinand (1995), le refus des technicités est à l’origine de ces dépréciations alors que l’éducation est essentiellement partage de façons de faire, des techniques du corps aux techniques littéraires et artistiques.

2. OBJETS-PRODUITS ET RÉALISATIONS-PRODUCTIONS AU COLLÈGE

Quelle acculturation technique est assurée aujourd’hui par la mise en œuvre de la technologie dans l’enseignement général, installée en 1985 et redéfinie par les récents programmes (1996-1998) ? Quelles sont les tâches valorisées dans les pratiques d’enseignement et quels sont les rapports au monde de la technique ainsi développés ? Quelles sont les intentions des enseignants et le cas échéant quels sont les obstacles qu’ils rencontrent pour les atteindre ? Quelles décisions prennent-ils et quels en sont les fondements et les contraintes ? Pour rappel, les programmes privilégient

(4)

l’approche de réalisation sur projet, considérée comme une rencontre authentique avec la technique dans ses dimensions matérielles et sociales. De la 6e à la 3e, ces réalisations sur projet sont découverte des matériaux et des procédés techniques de production et de diffusion, puis expériences techniques diversifiées et enfin réalisations de plus grande importance, prises en charge par les élèves. Ces expériences productives se caractérisent aussi par leurs références aux pratiques socio-techniques contemporaines. Chaque scénario du cycle central est défini par une référence à laquelle correspond une ou plusieurs entreprises identifiées, de l’environnement du collège, plus ou moins familières aux élèves. En fin de scolarité, l’évaluation mentionne également cette relation aux références. La cohérence de la discipline ainsi définie par les interrelations entre les tâches, les visées et les références (Lebeaume, 2000) précise également la technicité des activités scolaires.

2.1 Pratiques d’enseignement

Toutes les enquêtes (Lebeaume, à par.) révèlent des pratiques d’enseignement relativement uniformes, majoritairement organisées en ateliers tournants au cours desquels les élèves exécutent des opérations techniques de plus en plus complètes au fil de leur scolarité. À cette uniformité des tâches et des organisations, est associée une diversité des accompagnements pédagogiques de régulation. À propos de la mise en œuvre des projets au début des années 1990, Cazenave (1997) met en évidence la faiblesse de l’apprentissage des étapes de la démarche de projet en raison de l’émiettement des opérations et de l’activité réflexive réduite des élèves. Crindal (2001) révèle également le rabattement des activités à des projets pré-programmés, qui limite leur intérêt pour l’approche critique du monde. Ces travaux récents confirment les résultats des recherches du début des années 1980 mettant au jour la faible critique sociale des activités manuelles et techniques à l’école élémentaire et au collège (Garcia, 1990 ; Isambert-Jamati, 1984 ; Rambour, 1982).

2.2 Technologies enseignées

Une enquête par entretiens (20 professeurs) et questionnaires (200 professeurs) sur les pratiques d’enseignement recense les produits réalisés dans les activités scolaires et les décisions des professeurs sur leurs choix (Lebeaume, 2001). Le repérage des composantes de la technicité (engins, rationalité, rôles), des visées et des références, permet de reconstruire les matrices des technologies enseignées dont la cohérence dépend des intentions attribuées à ces productions-réalisations scolaires et de la prise en charge des références socio-techniques. Ces technologies enseignées et vécues participent de l’acculturation technique des jeunes. Toutefois, les tâches mises en œuvre et les activités valorisées sont susceptibles de nuancer les rôles des élèves, leur familiarisation avec les engins, outils, machines et instruments et leur pensée sollicitée pour la prise en charge d’opérations techniques ou de projets. Par la technicité que l’enseignement révèle dans

(5)

ces expériences productives, des versions distinctes de la culture technique peuvent être valorisées. L’analyse des entretiens révèle la centration très forte des enseignants sur les objets réalisés et leurs difficultés pour les situer par rapport aux références et aux visées de la discipline. Les technologies enseignées sont généralement conçues comme une série de tâches de production-réalisation, agrémentée d’un décor constitué par l’illustration d’une production réelle ou d’une entreprise, mais à partir desquelles et sur lesquelles, les études comparées ou les analyses critiques sont mineures. L’analyse thématique des entretiens met en évidence également des visées nuancées que les professeurs affectent à ces activités scolaires : plaisir, découverte ou produits-exercice. Ces choix correspondent à des conceptions de l’enseignement et de ses intentions : réalisations pour favoriser le développement de l’enfant ou du jeune, réalisations pour acquérir des compétences techniques éventuellement utiles ultérieurement, réalisations pour se situer dans le monde et l’interpréter. Faire et en faisant se faire, produire pour savoir-faire, vivre des expériences pour saisir la technique sont ainsi les trois déclinaisons de la technologie dans ses mises en œuvre. Comme dans l’enquête de Rambour (1982), aucune caractéristique sociale ou individuelle des enseignants n’apparaît déterminante dans ces conceptions nuancées des activités scolaires.

L’étude des réponses sur les critères des choix des objets et des produits réalisés met en évidence les contraintes matérielles et financières qui limitent les intentions, dictent les activités scolaires et leurs contenus et tendent à transformer les principes fondateurs de la discipline. Car les objets-produits doivent être cédés aux élèves et aux familles et portant la marque du travail scolaire, les professeurs les opposent vigoureusement à des « objets-poubelles ». Leurs statuts d’objets institutionnels - expression publique du travail - et d’objets symboliques - signes d’un âge scolaire et marques de l’implication ou du désintérêt - sont alors privilégiés au détriment de leurs statuts à la fois d’objets culturels image des productions matérielles et sociales et d’objets techniques -fonctionnels, utiles, acquis et cédés. Malgré les contraintes, les expériences techniques scolaires permettent aux élèves de faire, de bien faire et de réussir à faire. Si elles permettent une familiarisation pratique avec des outils et des procédés, elles constituent également un levier pour questionner le monde, le saisir et s’y projeter. Mais les matrices de ces technologies enseignées limitent ce changement de registre de la culture technique du faire à la culture technique de l’agir.

3. INTENTIONS ET CULTURE SCOLAIRE

Les enquêtes d’aujourd’hui et celles d’hier mettent en évidence les fortes contraintes qui limitent la rencontre des jeunes avec la technique dans leur formation générale. Distinction des enseignants, disqualification d’une partie des contenus… sont aussi les manifestations du projet culturel de

(6)

l’école. À une époque où la revendication affirmée de la « culture technique » semble plus diffuse et où des critiques caricaturent les activités scolaires, méprisent le corps enseignant, nient quarante ans de recherche pour stabiliser l’éducation technologique, la question centrale demeure celle du projet culturel de l’école. Quelle est la place de la technique dans ce projet ? Quelles sont les missions de la technologie dans l’école moyenne contemporaine ? Quelles sont les cultures susceptibles de fonder et d’accompagner la consolidation du collège pour tous et pour chacun ?

BIBLIOGRAPHIE

CAZENAVE G., Le projet technique dans le premier cycle de l'enseignement du second degré

-Critique des notions de culture technique et de compétence dans un nouvel itinéraire d'initiation.

Thèse de l'université Paris VIII (sous la direction de B. Charlot), 1997.

CHARLOT B., Culture technique (esquisse historique d’un concept), Cibles, 1987, 13, 8-11.

CRINDAL A., Enquête sur les figures de la démarche de projet en technologie, Thèse de l’ENS Cachan (sous la direction de J.-L. Martinand), 2001.

DEFORGE Y., De l’éducation technologique à la culture technique, Paris : ESF, 1993.

GARCIA C., Les instituteurs et la culture technologique, Thèse de doctorat de l’université Paris V. (sous la direction de V. Isambert-Jamati), 1990.

GÉMINARD L., À propos de culture technique ou pourquoi et comment vouloir généraliser la culture technique, Technologie, 1985, 102, 26-31.

GILLE D., STENGERS I., Culture technique et transmission des savoirs, Éducation permanente. 1986, 82, 7-15. (n° consacré à la culture scientifique, technique et industrielle).

ISAMBERT-JAMATI V., Critique sociale et culture technique à l’école, Paris : PUF, 1984. LEBEAUME J., L’enseignement régulier de la technologie, Aster, à paraître.

LEBEAUME J. (dir.), Réalisations-Productions et Objets-Produits en Technologie au Collège. Orléans : IUFM Orléans-Tours, LIREST-GDSTC, INRP, 2001, 71 p.

LEBEAUME J., L’Éducation technologique – Histoires et Méthodes. Paris : ESF, 2000. LE FRANÇOIS C., Culture technique et dérives charpakiennes, Spirale, 2000, 26, 155-167.

MARTINAND J.-L., Éléments d'épistémologie appliquée pour une discipline nouvelle : la technologie, in M. Develay. (dir) Savoirs scolaires et didactiques des disciplines, Paris : ESF, 1995, 339-352.

De NOBLET J., Manifeste pour la culture technique, Paris : CRCT, 1980.

RAMBOUR S., Formation et pratique des professeurs d'EMT en collège, Thèse de doctorat de 3e cycle, Université Paris V (sous la direction de V. Isambert-Jamati), 1982.

Références

Documents relatifs

Rappel du contexte : Demande d’une reconnaissance professionnelle à travers une grille indiciaire revalorisée, questionnement autour des IPA, … quel avenir pour

[14] Pour les enfants à risque de 24 à 59 mois (cf. ci-dessus note n° 13) non préalablement vaccinés avec le vaccin conjugué 13-valent, la vaccination pneumococcique est

Celui-ci doit être évoqué systématiquement chez certains patients (plus de 60 ans, antécédents de cancer, altération de l’état général, adénopathies, organomégalie etc.),

more and more important as increasing numbers of European citizens travel to other EU countries for work, study or leisure. Since the end of 2008, it has been a requirement for all

conservation et soulagement …., nous avons cru ne le pouvoir faire d’une manière plus avantageuse pour elles, qu’en établissant pour toujours à la suite de nos armées et

2) Pourquoi un des scientifiques avait donné le nom d’atomes aux plus petites particules qui, pour lui, constituaient la matière ? Pour répondre à cette question,

8.Acte transfusionnel et surveillance « Guide des bonnes pratiques transfusionnelles ».  Merci de coller au

Horaires applicables dans les sections de préparation aux certificats d'aptitude professionnelle industriels· Spécialités pour lesquelles une heure de l'horaire