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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Les commentaires à propos des oeuvres picturales ont-ils un impact sur leur exploration visuelle ?

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Academic year: 2021

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LES COMMENTAIRES À PROPOS DES ŒUVRES PICTURALES

ONT-ILS UN IMPACT SUR LEUR EXPLORATION VISUELLE ?

WALLNER Alexandra1, WEIL-BARAIS Annick1, GOTTESDIENER Hana2 1 Laboratoire de Psychologie Processus de Pensée et Interventions, Université d'Angers 2 Laboratoire Culture et Communication, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse

MOTS-CLÉS : ARTS VISUELS – EXPLORATION VISUELLE – MÉDIATION

CULTURELLE – ENREGISTREMENT DES MOUVEMENTS OCULAIRES

RÉSUMÉ : Il s’agit d’une étude exploratoire qui évalue la pertinence de l’enregistrement des

mouvements oculaires dans l’analyse de l’impact des médiations. Cette méthode est utilisée pour caractériser l’effet de la nature de commentaires audio (portant sur la composition d’une œuvre

versus sur son contexte historique) sur l’exploration visuelle de peintures et l’impact de

l’exploration d’une œuvre « classique » commentée sur l’exploration d’une œuvre « moderne » qui s’en inspire.

ABSTRACT : In this exploratory study, we evaluate the relevance of recording eye movements to

analyze the mediations’ impact. We explore first the effect of the nature of audio-recordings (either about the structural characteristics of the painting or contextual information (on the visual exploration of paintings presented to young adults and secondly the impact of the exploration of a commented upon «classical» work on a «modern» work inspired by the former one.

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1. INTRODUCTION

Nos recherches visent à étudier la perception de peintures en lien avec les médiations dont elles font l’objet dans des situations comme la visite de musées. Dans cette étude exploratoire, nous questionnons en particulier la pertinence de l’enregistrement des mouvements oculaires dans l’analyse de l’impact des médiations. En effet, les mouvements oculaires sont réputés être des indicateurs des traitements perceptifs et cognitifs (Locher, 2006).

Nous avons conçu un cadre d’expérimentation assez limité de façon à pouvoir contrôler un certain nombre de paramètres. D’une part, nous avons ciblé de jeunes adultes cultivés (des étudiants de l’université) habitués à respecter des contraintes inhérentes à toute recherche scientifique plutôt que des enfants, objets premiers de notre intérêt pour l’étude du développement de la perception des œuvres. D’autre part, nous avons restreint à deux le nombre d’œuvres à observer, en nous arrangeant pour qu’elles puissent être mises en relation, ce qui est bien l’expertise essentielle d’un amateur d’art. La médiation culturelle est de type « commentaire », comme c’est le cas pour les audio guides. Il s’agit d’une médiation concurrente, c’est-à-dire que le spectateur écoute le commentaire pendant qu’il est face à l’œuvre (les enregistrements nous permettent de savoir quand il la regarde et ce qu’il y regarde). Un groupe contrôle de spectateurs ne bénéficiant pas de commentaires a été introduit de façon à pouvoir cerner l’impact des commentaires.

En résumé, dans l’étude exploratoire proposée, nous nous intéressons à l’effet de la nature de commentaires audio sur l’exploration visuelle des œuvres d’art présentées à des jeunes adultes, et à l’impact de l’exploration d’une œuvre « classique » (commentée) sur l’exploration d’une œuvre « moderne » qui s’en inspire.

Nous proposons, dans un premier temps, une description de l’étude, du matériel utilisé et de son déroulement, puis une analyse des données recueillies. Dans un second temps, les résultats sont discutés dans la perspective de recherches ultérieures.

2. DESCRIPTION DE L’ÉTUDE : ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES

Nous nous sommes intéressées à l’exploration visuelle de deux peintures : Les Ménines de Velasquez (1656) et une des versions peintes par Picasso (1957) en faisant varier l’ordre de présentation des peintures et la nature du commentaire sur l’œuvre de Velasquez (commentaire sur la composition de l’œuvre versus commentaire sur son contexte historique). Nous avons enregistré les mouvements oculaires de jeunes adultes auxquels nous avons présenté les reproductions des deux peintures sur un écran d’ordinateur.

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Dans les paragraphes suivants, nous présentons les œuvres sélectionnées et la conception des commentaires accompagnant l’une d’elle ainsi que la méthodologie utilisée pour le recueil des données.

2.1 Choix des œuvres

Nous avons recherché une œuvre suffisamment complexe pour nécessiter un temps d’exploration assez long et ayant inspiré des peintres contemporains. L’œuvre choisie, les Ménines de Velázquez (figure 1), est une œuvre au départ inconnue de la majorité des étudiants interrogés.

Nous avons sélectionné une peinture de Picasso de la série des Menines (figure 2), qui comporte les principaux éléments de l’œuvre de Velázquez et est orientée, elle aussi, verticalement.

Figure 1 : Les Ménines (1656), Diego Velázquez de Silva (1599-1660) Musée Prado, Madrid (Huile sur toile : 3,18 x 2,76m)

Figure 2 :

Les Ménines (1957), Picasso (1881-1973) Musée Picasso, Barcelone

2.2 Conception des commentaires

Deux commentaires de l’œuvre de Velázquez ont été conçus à partir d’études et de critiques publiées récemment (Portus, 2006 ; Arasse, 2000). Un commentaire dégage la composition de l’œuvre (la perspective de la scène, les différents plans, les places des éléments représentés les uns par rapport aux autres) : le commentaire « structural » ; l’autre commentaire porte sur le contexte (informations d’ordre biographique du peintre, genre pictural, contenu du tableau, valeurs exprimées…) : le commentaire « contextuel ». Nous avons choisi ces types de commentaires car ils accompagnent régulièrement les tableaux dans les musées. Ils ont été soumis à un expert spécialiste

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en histoire de l’art qui a fait des suggestions, ce dont tient compte la version définitive utilisée dans l’expérimentation. Ces commentaires comptent respectivement 195 et 196 mots. Le rythme de lecture est contrôlé : les temps de lecture des commentaires sont respectivement de 72 secondes et 75 secondes. Ils débutent tous deux par une introduction identique dont la lecture dure 20 secondes. Les commentaires sont enregistrés et diffusés une seule fois au moyen de haut-parleurs situés à proximité des participants, ce dont ils sont avertis.

2.3 Recueil des données : le suiveur oculaire

Le dispositif de présentation des reproductions de peintures et de recueil des mouvements oculaires comporte : les logiciels GazeTracker et FaceLab (développés et distribués par Seeing Machines) portés par deux ordinateurs séparés, mis en réseau et reliés à un écran commun comme le montre la photographie du dispositif en figure 3.

Figure 3 : Photographie du dispositif installé face au participant :

écran de présentation des reproductions de peinture, caméras et lampes infrarouges

Cet écran (19 pouces) sert pour le visionnage du diaporama avec GazeTracker et le calibrage avec

FaceLab. Un trépied portant les deux caméras et les deux lampes infrarouges de FaceLab est

installé face au participant. Une mire fournie avec FaceLab est utilisée dans la phase de paramétrage. Les reproductions des peintures sont présentées au participant sur cet écran placé devant lui, à une distance de 110 cm.

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2.4 Questionnaire

Un questionnaire permettant de recueillir des informations sur les pratiques muséales des participants (6 items), leur connaissance des œuvres présentées, ainsi que sur leurs caractéristiques individuelles (âge, sexe, niveau d’études et spécialité, port de lunettes ou lentilles) a été élaboré. Il est présenté à l’écrit, en fin de session d’enregistrement.

Figure 4 : Illustration des conditions expérimentales

2.5 Déroulement

Le participant s’installe face à l’écran et il est procédé au calibrage du matériel, ce qui prend 20 minutes environ. Avant de présenter les reproductions des peintures, nous lui donnons la consigne suivante : « Nous allons vous présenter deux reproductions d’œuvres d’art. (…) La présentation de la première œuvre sera accompagnée d’un commentaire du type de ceux que vous pouvez entendre

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dans un musée. Vous prenez le temps qu’il vous faut pour pouvoir apprécier l’œuvre. (…) A la fin, nous vous demanderons d’exprimer votre préférence (…) ». A l’issue de la séquence de présentation des œuvres (d’une durée de 14 secondes à 2 minutes 24 secondes selon les participants), nous soumettons le questionnaire écrit.

2.6 Conditions expérimentales

L’étude a impliqué 30 jeunes adultes, étudiants à l’université d’Angers. Chaque participant est placé dans une des quatre conditions décrites dans la figure 4.

Dans les trois premières, l’œuvre de Velasquez est présentée accompagnée ou non de la diffusion d’un commentaire audio avant celle de Picasso. Dans la quatrième condition, l’ordre de présentation est inversée : l’œuvre de Picasso est présentée avant celle de Velasquez sans commentaire.

3. DESCRIPTION DES RÉSULTATS

Le premier constat qui interroge concerne la déperdition expérimentale qui est énorme en regard des précautions prises. In fine, ce ne sont que 17 sur 30 enregistrements qui ont pu être exploités.

Pour l’analyse de nos données, nous avons retenu les indicateurs suivants : la durée totale d’exploration, le nombre de fixations, leur durée moyenne et le rapport du temps de fixation au temps total d’exploration.

Nous observons une grande variabilité interindividuelle ce qui fait que les différences intergroupes ne sont pas significatives. Les commentaires qui suivent concernent donc les tendances observées. L’ordre de présentation des peintures ne semble pas avoir d’effet sur le temps d’exploration des œuvres, mais sur le nombre de fixations : l’ordre Picasso-Velasquez parait induire davantage de fixations sur les deux peintures. Lorsque la découverte des œuvres est accompagnée par un commentaire, la durée d’exploration est plus longue. L’étude de la durée totale d’exploration, du nombre de fixations, de leur durée moyenne et du rapport du temps de fixation sur le temps total d’exploration n’a pas mis en évidence d’effet de la nature des commentaires, il y a peu de différences pour les indicateurs de l’exploration visuelle accompagnée de commentaires qui sont pourtant contrastés.

Cette lecture des résultats a été complétée par une étude qualitative de l’exploration des peintures relative aux localisations des fixations et à leur séquence, autrement dit au parcours sur l’œuvre. Pour cela, nous avons défini des zones d’intérêt à partir des éléments cités dans le commentaire sur la composition de l’œuvre de Vélasquez.

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Figure 5 : Zones d’intérêt définies sur la peinture de Vélasquez

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Dans la figure 5 ci-contre, elles sont encadrées en blanc sur la reproduction de la peinture : le chien, la naine et le nain au premier plan à droite, la princesse au centre entourée des deux Ménines (demoiselles d’honneur), la bucaro qu’une des demoiselles d’honneur propose à la princesse sur un plateau, le peintre et la toile à gauche, le chaperon des dames de la cour et l’écuyer au deuxième plan à droite, l’homme au fond dans l’escalier, le miroir, les tableaux accrochés sur le mur du fond et les luminaires au plafond, soit 17 zones.

Nous avons transposé ces zones sur la peinture de Picasso (à l’exception des tableaux sur le mur du fond et de la bucaro). Elles sont présentées dans la figure 6.

Nous nous sommes intéressés à la présence et au nombre de fixations des participants dans chaque zone par rapport à leur nombre de fixations total sur l’œuvre. Les différences interindividuelles entre les participants d’une même condition étant importantes, il n’a pas été possible d’établir un effet de groupe sur le nombre de fixations réalisées dans les zones.

Tableau 1 : Nombre de participants par condition expérimentale ayant fait une ou des fixations dans les zones d’intérêt définies sur l’œuvre de Vélasquez.

Tableau 2 : Nombre de participants par condition expérimentale ayant fait une ou des fixations dans les zones d’intérêt définies sur l’œuvre de Picasso.

Pour comparer les sous-groupes, nous avons travaillé sur la présence ou l’absence de fixations dans chaque zone. Nous avons dénombré le nombre de participants par condition expérimentale ayant fait une ou des fixations dans les zones d’intérêt définies. Les tableaux suivants présentent les

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différences relevées, d’une part concernant l’exploration visuelle de l’œuvre de Velasquez (tableau 1) et d’autre part celle de l’œuvre de Picasso (tableau 2).

Concernant l’exploration visuelle de l’œuvre de Vélasquez, tous les participants ayant écouté le commentaire sur la structure de l’œuvre ont fait au moins une fixation dans la zone définie « miroir ». Pour la même zone, aucun des participants ayant découvert l’œuvre sans commentaire et seuls deux parmi les cinq participants ayant bénéficié du commentaire portant sur le contexte de l’œuvre ont fait une fixation (ou plus) dans cette même zone.

Pour la zone définie « homme du fond », trois sur quatre participants dans la condition du commentaire portant sur la composition de l’œuvre font au moins une fixation dans cette zone. Seul un participant du groupe de cinq participants ayant reçu des informations contextuelles sur la réalisation de l’œuvre a fait une ou des fixation(s) dans cette zone et aucun participant du groupe sans commentaire n’a fait de même.

L’étude de l’exploration des autres zones ne montre pas de différences. Les différences observées pourraient être liées à l’apport d’informations sur l’œuvre pendant son exploration, en particulier lorsque celles-ci portent sur la composition de l’œuvre.

Concernant l’exploration visuelle de l’œuvre de Picasso, parmi les participants qui ont regardé l’œuvre de Velasquez en écoutant un commentaire sur la structure de cette œuvre, avant de découvrir la peinture de Picasso, trois sur quatre ont fait au moins une fixation dans la zone définie « miroir ». Pour la même zone, lorsque les participants découvrent l’œuvre de Picasso sans avoir vu auparavant celle de Velasquez ou lorsque la première œuvre n’a pas été accompagnée d’un commentaire, ils ne font pas de fixations sur la zone. Parmi les cinq participants ayant entendu le commentaire portant sur le contexte de l’œuvre de Velasquez, seul l’un d’entre eux a fait au moins une fixation dans cette zone.

L’étude de l’exploration des autres zones ne montre pas de différences. Les différences observées pourraient être liées à l’apport d’informations sur l’œuvre source pendant son exploration, en particulier lorsque celles-ci portent sur la composition de l’œuvre. Nos résultats ne montrent pas de différence entre la situation où la peinture source (Vélasquez) est présentée sans commentaire avant celle de Picasso et celle où l’œuvre de Picasso est présentée sans préalable.

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4. DISCUSSION ET SUITE À DONNER A L’ÉTUDE

La définition de zones d’intérêt sur les œuvres comme support d’analyse du parcours visuel nous a permis de relever des différences que nous pouvons supposer liées à la nature du commentaire accompagnant la peinture de Vélasquez. Il semble donc que le commentaire sur la composition de l’œuvre de Vélasquez, œuvre dite « source », puisse avoir un impact sur l’exploration de détails signifiants sur les deux œuvres. Par ailleurs, lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’un commentaire portant sur sa composition, la présentation de l’œuvre « source » avant celle qui s’en inspire ne paraît avoir d’impact sur l’exploration de la deuxième. Ces résultats sont toutefois à considérer avec précaution. En effet, il convient de s’interroger sur la pertinence des zones définies et des limites à leur donner. Ces points seraient à discuter avec un expert en art. En tenant compte de ses remarques, il serait intéressant de faire ces analyses pour un plus grand nombre de participants.

L’enregistrement des mouvements oculaires fournit des indicateurs chronométriques du parcours visuel sur l’œuvre pour lesquels la variabilité interindividuelle est importante. De ce fait, l’apport de ces indicateurs dans le cadre du protocole présenté est resté limité au regard de nos préoccupations de recherche. De notre point de vue, l’intérêt de l’utilisation de cette méthodologie est plutôt la possibilité de situer le regard sur l’œuvre, de repérer les éléments sur lesquels le regard se porte. Nous poursuivrons nos recherches en nous intéressant à la séquence des fixations sur les œuvres et en particulier à la synchronie (ou non) du regard lors de l’écoute du commentaire portant sur la composition de l’œuvre de Vélasquez.

BIBLIOGRAPHIE

Arasse D. (2000). On n’y voit rien. Ed. Folio Essais

Locher, P., (2006). The usefulness of eye movement recordings to subject an aesthetic episode with visual art to empirical scrutiny. Psychology Science, 48, 106-114.

Figure

Figure 1 : Les Ménines (1656),  Diego Velázquez de Silva (1599-1660)  Musée Prado, Madrid  (Huile sur toile : 3,18 x 2,76m)
Figure 3 : Photographie du dispositif installé face au participant :
Figure 4 : Illustration des conditions expérimentales
Figure 5 : Zones d’intérêt définies sur la peinture de Vélasquez
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