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Observatoire des Polémiques Digitales : bilan statistique 2019

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« L’OBSERVATOIRE DES POLEMIQUES DIGITALES »

BILAN STASTISTIQUE 2019

Résumé

Consultante en communication stratégique et chargée d’enseignement dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur, Sophie Licari a créé un dispositif de détection et d’analyse des polémiques réputationnelles à composante digitale, sur les sphères francophone et anglophone, affectant tous types d'organisations. Cet « Observatoire des Polémiques Digitales » constitue un outil d’intelligence stratégique, au service de la gestion mais tout particulièrement de la prévention des risques réputationnels. Pour l'année 2019, c'est 1292 cas que compte la base de données multicritères mise en place pour les recenser, pour documenter et catégoriser les propriétés de chacun, ce qui permet d'en tirer divers enseignements stratégiques.

Contact : sophielicari@slicari-communication.com

Abstract

Independent consultant in strategic communication, sessional lecturer in several higher education institutions, Sophie Licari has created a system for the detection and analysis of reputational controversies with digital component, on French-speaking and English-speaking spheres, affecting all types of organizations. This "Observatory of Digital Controversies” constitutes a strategic intelligence tool, serving the management but especially the prevention of reputational risks. For the year 2019, there are 1292 cases in the multi-criteria database put in place to list them, to document and categorize the properties of each, which allows to draw various strategic lessons.

L’Observatoire des Polémiques Digitales est un outil multiforme de connaissance des risques

réputationnels des organisations à l’ère digitale. Différents types d’analyses des données recensées et catégorisées dans sa base peuvent permettre aux organisations de renforcer leurs capacités de défense et d’anticipation : bilans statistiques détaillés, études sectorielles,

études thématiques, et approches à objectif prédictif visant à réduire les risques

réputationnels d’un projet ou à optimiser les stratégies de communication proactive et défensive sur les sujets sensibles.

Pour un bref aperçu de la méthodologie employée et une évocation plus poussée de la catégorisation établie, se reporter au bilan statistique 2016 :

https://www.academia.edu/33776608/_LObservatoire_des_pol%C3%A9miques_digitales_Et at_des_lieux_statistiques_2016_et_perspectives

Pour l’année 2019, la base de données contient près de 1300 cas de polémiques (1292 exactement) ; le dispositif est ainsi encore monté en puissance par rapport à 2018 (+ 20,4%). Le cadre du présent rapport se limite à un bilan statistique partiel et à un certain nombre d’observations basées sur les principaux critères de catégorisation, en comparant les résultats avec l’année précédente, et à quelques constats qu’il est possible de tirer de l’outil concernant les opinions du public internaute dans le champ des thématiques sensibles politico-sociétales.

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1. Types d’organisations

Pour 2019, le constat principal tient dans la nette augmentation des cas pour les administrations (tous types d’entités publiques, aux échelons local, régional, national et supranational ici rassemblées), qui pour la première fois prennent la tête du classement et dépassent ainsi les groupes b to c qui l’occupaient depuis 2016.

Cette évolution peut être comprise comme la signature, dans le champ réputationnel, du renforcement de la défiance envers les autorités traditionnelles. Dans notre monde digitalisé d’individus gouvernés par l’hyper-réactivité émotionnelle et les passions extrêmes, la principale force unificatrice des masses connectées semble être, au-delà de l’opposition à telle ou telle politique, une hostilité viscérale envers les institutions et les pouvoirs établis.

2. Secteurs

Pour 2019, 29 secteurs sont concernés. Par au top 5 de 2018, constitué des services administratifs, des médias, de l’internet/e-commerce, de la restauration/hôtellerie et de

l’industrie culturelle, on note que les collectivités territoriales montent de la 8e à la 7e place

du classement, les institutions de la 14e à la 12e place, les structures sportives (clubs et

fédérations) de la 13e à la 9e place, et les services divers de la 10e à la 8e place.

S. Licari Communication Stratégique

S. Licari Communication Stratégique

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Diverses organisations ont été touchées plusieurs fois dans l’année ; pas moins de 32 organisations ont été impactées à partir de 5 fois et plus. Les quatre GAFA sont cette fois présents dans la liste (ils étaient 3 en 2018), avec une nouvelle fois Facebook en tête de classement. Au total, 7 entreprises de l’internet/e-commerce sont présentes.

Les médias sont toujours largement concernés, avec 11 organisations (secteur le plus

représenté dans la liste). On note le retour dans la liste, en haute position (5e place), du groupe

LVMH (10e place en 2017), et de celui de la mairie de Paris. On remarque aussi la présence la

présence jamais démentie depuis 2016 de Disney, du groupe Canal+, de la SNCF, ou bien l’arrivée de quelques nouveaux venus du secteur privé (Nike, Procter & Gamble, Walmart, …). Mais le constat le plus important, en droite ligne du point 1, est celui de la forte présence des administrations (tous types d’entités considérées), avec en très haute position la Police

Nationale (2e place ex-aequo), conséquence de la multiplication en 2019 des polémiques liées

aux accusations de violences dans le contexte des mouvements de contestation en France ; qui plus est, d’autres entités publiques françaises qui n’avaient jusqu’ici jamais figuré dans cette top liste sont présentes (Gouvernement, Assemblée Nationale, Ministère de l’Éducation nationale). Une métrique bien propice pour appréhender le niveau d’éruptivité de la société française…

3. Faits générateurs – Stratégies - Conséquences

Les trois quarts des polémiques concernent toujours, de manière très stable, des pratiques, le quart restant des communications.

Stable également, la stratégie globale engagée pour traiter les polémiques : 85% des organisations (84% en 2018) choisissent de communiquer, les autres de garder le silence. Quant au rétropédalage (retrait de l’initiative controversée), il est théoriquement possible dans 63% des cas, et parmi ceux-ci, 38% choisissent de rétropédaler (en légère baisse). Et en

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ce qui concerne la tactique de communication des organisations qui s’expriment, 26% font un mea culpa en bonne et due forme (en légère baisse), 74% tiennent leur position ou bien n’expriment pas de regrets explicites.

On constate ainsi au final une légère baisse de la réussite des stratégies mises en œuvre : 50% des organisations, d’après les réactions du public internaute, réduisent au moins en partie la criticité de la polémique (55% en 2018).

4. Sujets critiques

Le poids des thématiques sociétales liées aux discriminations / atteintes aux identités s’alourdit de 4 points, constituant, une fois toutes regroupées, 54% des cas de polémiques 2019. La criticité des thématiques sociétales, ainsi que la pression qu’elle induit sur le champ réputationnel des organisations au titre de leurs pratiques ou de leurs communications, restent très élevées.

La discrimination ethnique / nationale continue d’occuper la tête du classement, et avec un gain significatif de 6 points, suivi de l’irrespect du consommateur/usager (par transgression des engagements contractuels ou moraux envers ce stakeholder stratégique), du sexisme, de la malhonnêteté, et de l’atteinte aux animaux. Ce top 5 diffère ainsi de celui de l’année

précédente, le sujet animaux ayant supplanté la discrimination sociale à la 5e place ; le thème

de l’exploitation animale ne cesse de se renforcer en intensité comme en criticité. On note enfin une nette montée de la discrimination religieuse, qui passe de la 15e et dernière place

à la 8e place en 2019. L’environnement reste à l’avant-dernière place, mais avance d’un point.

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5. Thématiques sociétales et opinions

Les polémiques dans le champ des thématiques politico-sociétales font apparaître en pleine lumière la profonde ligne de faille qui travaille nos sociétés, non calquée sur la bipartition politique traditionnelle, entre d’un côté le camp « progressiste », celui qui milite pour, ou accueille avec bienveillance, les formes les plus actuelles de différentes évolutions sociétales (liées au féminisme, au mariage gay, à l’homoparentalité, au multiculturalisme, à la défense et à la promotion de diverses identités minoritaires…), et de l’autre côté le camp « conservateur », ce camp étant lui-même scindé en deux groupes d’opinion très nettement différents, même s’ils ont pour point commun de s’opposer globalement aux positions des progressistes :

- Les « néo-réactionnaires » qui s’opposent aux évolutions sociétales en bloc et voudraient retourner à un état antérieur de la société en partie fantasmé.

- Ceux qu’on pourrait qualifier de « néo-modernes », qui se disent attachés aux acquis politico-sociétaux de la modernité et qui distinguent justement, dans certaines des évolutions actuelles, de faux progrès constituant dans les faits de sévères régressions. De part et d’autre de la ligne de faille, les progressistes constituent ainsi le camp offensif, les conservateurs le camp défensif. Il va sans dire qu’au bénéfice de l’intelligence stratégique, les positions exprimées par ces groupes d’opinion sont à considérer d’un regard clinique.

La majorité des polémiques sur ces thématiques sociétales, 70% de ces cas, reste initiée par le camp progressiste, mais c’était 81% en 2018. On constate ainsi une nette montée en puissance des polémiques initiées par les conservateurs, avec 30% de ces cas (19% en 2018). Le poids respectif des opinions exprimées lors de ces polémiques évolue dans le même sens, montrant ainsi le renforcement de l’irritation du camp conservateur - qui était déjà globalement majoritaire en 2018 au titre des opinions émises. Dans les thématiques discriminations/atteintes aux identités, les conservateurs apparaissent en effet majoritaires dans 43% des cas (39% en 2018), les progressistes dans 33% (35% en 2018), et dans 24% des cas (26% en 2018) aucune tendance majoritaire ne se dégage à l’examen et les deux camps apparaissent peser à peu près le même poids.

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Affiner l’analyse permet de mettre en valeur un creusement de la tendance dans le même sens. En effet, la discrimination sociale est une thématique où la ligne de faille susdite est moins opérante : dans le camp d’internautes porté à défendre, en tenant un discours social engagé, des individus ou entités pénalisés d’une manière ou d’une autre dans leur relation de sujétion socio-économique avec une organisation, nombre d’entre eux peuvent professer des opinions politico-sociétales conservatrices (d’après le contenu de leur propos et l’orientation des espaces où ils s’expriment).

Par conséquent, si l’on retire des statistiques la discrimination sociale (sujet se référant à la sphère économico-professionnelle, aux rapports de classe, aux conditions de vie et de travail), on obtient un aperçu « chimiquement pur » du poids respectif des opinions sur les thématiques sociétales (sujets se référant aux rapports de l’individu, dans ses dimensions biologiques et culturelles, avec la société, et à la latitude de mœurs qui lui est de ce fait octroyée). Ce comptage fait apparaître que dans 46% des cas le public réactif est en majorité conservateur, dans 29% en majorité progressiste – et dans 25% des cas les deux apparaissent peser à peu près le même poids.

Affinons encore un peu plus. On constate que la ligne de faille susdite, opérante sur les thématiques sociétales, « contamine » deux autres sujets critiques. Dans les 17 cas en question, les détracteurs réagissent depuis leur position du côté conservateur de la ligne de faille et les soutiens de l’organisation depuis l’autre côté - quand bien même l’atteinte controversée ne peut être catégorisée comme une discrimination pour ne pas tordre les concepts.

La plupart de ces cas sont des atteintes à la liberté d’expression (dont la liberté académique), liées à des initiatives critiquées par leurs détracteurs comme des tentatives sectaires de museler toute analyse ou opinion non alignée sur les formes les plus actuelles du progressisme. Les autres cas, tenant du sujet comportement à risque/malsain, sont des accusations de glorifier l’obésité ou d’exposer des enfants à un discours de promotion du transgenrisme.

Si l’on ajoute ces cas au comptage précédent, le camp conservateur gagne encore un point : dans 47% des cas, il est majoritaire dans les opinions.

Ces indications sont utiles pour appréhender l’actualité du rapport de force entre les groupes d’opinions situés de part et d’autre de la ligne de faille. On constate ainsi, au titre des thématiques comme des opinions, une montée en puissance du camp conservateur, corrélée au renforcement continu de la sensibilité d’un camp progressiste toujours plus attentif à dénoncer tout ce qui heurte son référentiel de valeurs, bien des initiatives jusqu’ici dépourvues de criticité potentielle étant devenues des sujets sensibles ; le camp progressiste continue à initier de nombreuses polémiques lorsque les organisations heurtent son référentiel de valeurs, mais produisant aussi davantage de polémiques initiées par le camp conservateur, parce que des organisations ont agi en épousant le référentiel progressiste auquel ce camp-là est opposé.

D’ailleurs, la part variable du poids du camp conservateur, selon les cas majoritaire, minoritaire ou égal à l’autre, est un bon indicateur du degré de radicalité des revendications ou critiques du camp progressiste. Plus celles-ci apparaissent radicales - que ce soit pour fustiger les organisations lorsqu’il lance des polémiques ou pour les défendre dans les polémiques lancées par le camp adverse -, plus le camp conservateur recrute large. C’est le

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cas y compris parfois au sein du public réagissant dans les espaces commentaires des sites ou pages Facebook de médias au positionnement progressiste. Le groupe que l’on peut qualifier de « néo-modernes » constitue donc ainsi le point nodal de l’opinion ; d’où l’intérêt, pour les organisations, à comprendre son référentiel de valeurs.

Conclusion

Un constat s’impose : les thématiques sociétales constituent pour les organisations un environnement réputationnel particulièrement difficile, dont les situations sensibles de l’année 2019 montrent une étape supplémentaire de péjoration. Les particularismes, stimulés par les usages du digital, aspirent à prendre le pas sur le commun et sur un universalisme affaibli. Nous vivons le paradoxe de sociétés à la fois ultra-connectées et morcelées en communautés et cocons informatifs digitaux où les opinions se durcissent, d’un monde d’individus en perte de repères et d’horizon communs, au détriment de l’engagement démocratique qui suppose de ne pas être exposé uniquement aux idées et discours que l’on choisit, et de ne pas considérer l’adversaire comme un ennemi mortel.

Dans ce contexte épineux, s’il semble pertinent que les grandes entreprises, notamment, restent à l’écoute des évolutions en cours pour éviter les prises de risques qui seraient susceptibles d’en procéder, il n’est pas sûr qu’elles aient en revanche intérêt à connecter leur champ réputationnel aux revendications militantes les plus radicales. Au-delà même de leur propre cas, il semblerait utile qu’elles s’efforcent plutôt, au titre de leurs responsabilités, d’éviter tant que possible de creuser plus encore les lignes de faille et de contribuer à l’émiettement accéléré de la société et à l’hystérisation du débat public.

Références

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