• Aucun résultat trouvé

Remarques sur les traditions manuscrite et éditoriale de Las Novas del heretje 

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Remarques sur les traditions manuscrite et éditoriale de Las Novas del heretje "

Copied!
38
0
0

Texte intégral

(1)

Estratto

Rivista di filologia Romanza fondata da Giulio Bertoni ANNO LXXIV - 2014 - FASC. 1-4

Direzione

rObErtO CrESpO ANNA FErrArI SAVErIO guIDA

Comitato scientifico

CArLOS ALVAr pAOLO ChErubINI

université de genève Archivio Segreto

Svizzera Città del Vaticano

ELSA gONçALVES gérArD gOuIrAN

universidade Clássica de Lisboa université de Montpellier

portogallo Francia

uLrICh MöLk wOLF-DIEtEr StEMpEL

universität göttingen bayerische Akademie der wissenschaften

germania München, germania

gIuSEppE tAVANI MADELEINE tySSENS

università “La Sapienza” université de Liège

roma, Italia belgio

FrANçOISE VIELLIArD FrANçOIS zuFFErEy

école Nationale des Chartes université de Lausanne

paris, Francia Svizzera

(2)
(3)
(4)

cultura

neolatina

Rivista di filologia Romanza fondata da Giulio Bertoni anno lXXiV - 2014 - FaSc. 1-4

Direzione

roberto creSpo anna Ferrari SaVerio guiDa

comitato scientifico

carloS alVar paolo cherubini

université de genève archivio Segreto

Svizzera città del Vaticano

elSa gonçalVeS gérarD gouiran

universidade clássica de lisboa université de Montpellier

portogallo Francia

ulrich Mölk wolF-Dieter SteMpel

universität göttingen bayerische akademie der wissenschaften

germania München, germania

giuSeppe taVani MaDeleine tySSenS

università “la Sapienza” université de liège

roma, italia belgio

FrançoiSe VielliarD FrançoiS zuFFerey

école nationale des chartes université de lausanne

paris, Francia Svizzera

(5)

Direzione: roberto crespo anna Ferrari Saverio guida coMitato Di reDazione: Fabio barberini patrizia botta

Maria careri (responsabile) aviva garribba

anna radaelli adriana Solimena

(6)
(7)
(8)

Cultura Neolatina, LXXIV, 1-4 (2014), pp. 65-93

remarques sur la tradition manuscrite et éditoriale

Le texte anonyme donné comme Las Novas del heretje 1 est un

unicum transmis par le Chansonnier d’Urfé ou Chansonnier la Vallière

(ms Paris, BnF, fr. 22543, chansonnier siglé R) 2. Une copie en fut faite

pour La Curne de Sainte-Palaye (Bibliothèque de l’Arsenal, recueil G,

ms. 3095) et fut traduite par lui-même 3. L’abbé Millot utilisa la

tra-duction de La Curne de Sainte-Palaye pour enrichir son Histoire

lit-téraire des Troubadours 4. Selon la Bibliographie du Dictionnaire de

l’occitan médiéval 5 citant le Grundriß der romanischen Literaturen des 1 Ci-après abrégé Novas dans les notes. Le texte est cité ici selon l’édition de P.T.

Ricketts. L’emploi de l’édition de P. Meyer ou nos propres corrections et recours au ma-nuscrit sont toujours signalés. L’examen des sources a toujours été effectué par nos soins.

2 Outre les travaux de Brunel et Zufferey cités ci-dessous, il faut retenir deux

études individuelles de ce chansonnier du point de vue de la codicologie: G. Brunel -lobrichon, L’iconographie du chansonnier provençal R. Essai d’interprétation, in Lyrique

médiévale: la tradition des chansonniers, Actes du colloque de Liège, 1989, éd. M.

Tys-sens, Liège 1991, pp. 245-271, spécifiquement pp. 248-255; F. Zufferey, La partie

non-lyrique du chansonnier d’Urfé, in «Revue des Langues Romanes», XCVIII (1994), pp.

1-29. On prendra en compte la note de Zufferey, La partie cit., note 8, p. 26, qui corrige brunel-lobrichon, L’iconographie cit., signalant que les vidas et razos de R concernent bien 27 troubadours et non 24. Les travaux antérieurs sont cités par brunel-lobrichon,

L’iconographie cit., pp. 246-247, sans qu’il soit pertinent de les retenir ici pour notre

propos.

3 P. Meyer, Le débat d’Izarn et de Sicart de Figueiras, in «Annuaire-Bulletin de la

Société de l’histoire de France», 16 (1879), p. 292, p. 233, indique que cette traduction par La Curne de Sainte-Palaye est signalée comme «Bibl. nat. Moreau 1586, fol. 82-95» (Paris).

4 Histoire littéraire des troubadours, contenant leurs vies, les extraits de leurs pièces,

et plusieurs particularités sur les mœurs, les usages et l’histoire du douzième et du treizième siècles; édition mise en ordre et publiée par l’abbé Millot, vol. 2, Paris 1774, pp. 42-78.

5 Supplément bibliographique (en ligne) de W.-D. SteMpel – M. Selig, Dictionnaire

de l’occitan médiéval: DOM, München 1997- (DOM, ouvrage initié par H. StiMM,

Biblio-graphie, consultée le 6 mai 2013, à partir de http://www.dom.badw-muenchen.de/index.

(9)

Mittelalters le texte fut composé en Languedoc en 1244 6. Il s’agit en

fait du terminus a quo, la date de composition étant inférée à partir

d’éléments du texte. Le chansonnier, lui, est daté du XIVe par Clovis

Brunel («en Languedoc 7») et par François Zufferey du premier quart

du XIVe siècle (dans le Toulousain 8).

Il existe actuellement deux éditions critiques de ces novas. Une

première publiée en 1879 par Paul Meyer 9 puis plus récemment, en

2000, par Peter T. Ricketts 10. C’est sur la base de cette édition par

Peter T. Ricketts que le texte est mis en ligne par le Rialto 11 et saisi

dans la Concordance de l’occitan médiéval 12. La BEdT 13 reprend les

informations données par Meyer et Ricketts.

Des extraits du texte figurent dans des anthologies ou ouvrages

de critique 14. Il fut notamment partiellement publié 15 par François

6 Voir Grundriß der romanischen Literaturen des Mittelalters, VI: La littérature

di-dactique, allégorique et satirique, tome 2: Partie documentaire, Heidelberg 1970, p. 2564

(= GRLMA).

7 C. brunel, Bibliographie des manuscrits littéraires en ancien provençal, Paris

1935, notice 194, p. 56.

8 Voir brunel, Bibliographie cit., notice 194, pp. 56-59; et surtout F. Zufferey,

Re-cherches linguistiques sur les chansonniers provençaux, Genève 1987, pp. 105-133,

spécia-lement pp. 130-133.

9 Meyer, Le débat cit. Compte rendu de C. chabaneau, in «Revue des Langues

Ro-manes», XVII (1880), pp. 282-286.

10 P.T. rickettS, Contributions à l’étude de l’ancien occitan. Textes lyriques et

non-lyriques en vers, Birmingham 2000, pp. 75-113. Compte rendus de R.E. harvey, in «Ca-hiers de Civilisation Médiévale», 45 (2002), pp. 404-405, et de N. henrard, in «Le Moyen Âge», CVIII (2002), pp. 383-384. Texte (sans apparat critique) disponible sur le Rialto http://www.rialto.unina.it/poerel/heretje%28Ricketts%29.htm.

11 Repertorio informatizzato dell’antica letteratura trobadorica e occitana, dir. C. di

girolaMo, Università degli studi di Napoli “Federico II’’. Consultable sur l’internet: http:// www.rialto.unina.it.

12 P.T. rickettS, dir., Concordance de l’occitan médiéval: C.O.M.2 (CD-ROM),

Turnhout 2005.

13 Bibliografia Elettronica dei Trovatori (BEdT), dir. S. aSperti, Università

de-gli studi di Roma “La Sapienza”. Consultable sur l’internet: http://w3.uniroma1.it/bedt/ BEdT_04_25/ (version 2.5).

14 Voir infra.

15 Meyer, Le débat cit., p. 233, ajoute que «L’Histoire littéraire lui a consacré une

notice signée d’Émeric David» (XIX, pp. 579-583) et que «M.C. Schmidt s’en est servi plus d’une fois, dans son Histoire et doctrine des Cathares ou Albigeois».

(10)

J.M. Raynouard 16, Karl Bartsch 17, Carl Appel 18, René Nelli et René

Lavaud 19.

Les remarques qui suivent cherchent à mieux comprendre cer-tains aspects de la composition et de la transmission de Las Novas del

heretje, s’attachent en particulier à la question de l’enchaînement des

laisses 8 et 9.

1. La place des Novas dans le manuscrit BnF fr 22543 (unicum) L’examen du manuscrit BnF, fr. 22543 de la Bibliothèque

natio-nale de France 20 permet d’établir une série de remarques quant à la

place de la copie des Novas del heretje dans le manuscrit. Le compte rendu de nos observations a été élaboré en complément des travaux de

Geneviève Brunel-Lobrichon 21 et de François Zufferey 22 sur le

chan-sonnier R. Le témoin présente une double foliotation en trois étapes:

16 F.J.M. raynouard, Choix des poésies originales des troubadours, V, Paris 1820,

pp. 228-234 (sélection de 197 vers en divers fragments, plus la rubrique du ms R avec cor-rection de «fon» en «son»). J.-B. Mary lafon (trad.), La croisade contre les albigeois: épopée

nationale, Paris 1868, cite le texte en traduction dans son introduction (pp. 9-15) d’après

Raynouard.

17 K. bartSch, Chrestomatie provençale, Elberfeld 18682, coll. 185-190

(correspon-drait aux vv. 506-659). En fait bartsch édite un extrait de 153 vers (à partir du v. 506, nu-mérotation déduite par nous à partir de celle de Meyer et Ricketts), mais il fait un seul vers des deux vers numérotés 619-620 dans les éditions Meyer et Ricketts, de telle sorte qu’il n’y a que 153 vers, couvrant ce qui est couramment numéroté vv. 506-659 (on prendra donc avec précaution l’information de la notice non détaillée du Rialto).

18 C. appel, Provenzalische Chrestomatie, Leipzig 1902, pp. 152-155 (vv. 443-633). 19 R. nelli – R. lavaud, Les troubadours, Paris 1960-19661, 2000, II, pp. 764-771

(vv. 575-659 des éds. Meyer et Ricketts [«575-658» selon Nelli – Lavaud en accord avec Bartsch]). Comme le texte est donné selon l’édition de Bartsch (voir Nelli – Lavaud, p. 766), ces derniers numérotent «658» (voir supra) un vers qui est en fait le 659 dans les éditions Meyer et Ricketts (on prendra donc avec précaution l’information de la notice non explica-tive du Rialto).

20 On peut en consulter une numérisation sur: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/

btv1b60004306.

21 brunel-lobrichon, L’iconographie cit.

22 Zufferey, La partie cit. Tous deux offrent des études codicologiques

complé-mentaires du manuscrit, pour s’intéresser ensuite respectivement à son iconographie, et au contenu de la partie non lyrique. La contribution de Zufferey complète ses Recherches cit., pp. 105-106 et p. 130 notamment.

(11)

une en chiffres dits romains (2 étapes) et une en chiffres dits arabes (1 étape), tracées dans le coin supérieur droit du recto des feuillets.

Le texte que l’on intitule Las Novas del heretje s’étend aux folios

122rb-123vb ou CX(XIII) 23rb-CXXIIIIrb selon que l’on se rapporte

respectivement à la nouvelle ou à l’ancienne foliotation du ms Paris, BnF, fr. 22543. Nous conserverons ci-après les deux foliotations: l’an-cienne est donnée en chiffres romains et la nouvelle en chiffres dits arabes. François Zufferey, comme Geneviève Brunel-Lobrichon, qui ont eu tous deux une approche codicologique de R, au moins en

pre-mière instance, précisent parfois à quelle foliotation ils se réfèrent 24.

Cette précaution semble nécessaire.

2. Du nom du texte: la rubrique du manuscrit et sa table 2.1. La rubrique

Le texte du ms Paris, BnF, fr 22543 est l’unique copie connue d’une œuvre ainsi présentée par la rubrique du manuscrit: «Aiso fon

las nouas del/heretie» 25. L’incipit du texte au f. 122rb donne: «Diguas

me tu heretie parlap me .i. petit» 26 et comporte une miniature de quatre

lignes en en-tête qui semble être la règle dans ce manuscrit.

23 Une bonne partie des caractères a été coupée, certainement lors d’une reliure: on

lit bien les parties inférieures de «CX», il reste aussi une trace du «X» suivant, le reste est absent. Le nombre ici restitué l’est donc sur la base du précédent et du suivant.

24 brunel-lobrichon, L’iconographie cit., p. 249: «ancienne fol.», «nouvelle fol.»;

et Zufferey, La partie cit., p. 3: l’«ancienne foliotation en chiffres romains», p. 2: «de l’an-cienne foliotation». Déjà Zufferey, Recherches cit. p. 105, note 10, précise suivre l’an-cienne foliotation. Il rapporte aussi les propos de P. Meyer, Les derniers troubadours de la

Provence, Paris 1871, p. 184, note 4, qui attribuait la foliotation en chiffres dits arabes à «la

main de Raynouard, à ce qu’il semble».

25 Ms Paris, BnF, fr 22543, f. 122rb. Nous donnons ici une transcription

diploma-tique. Le témoin n’introduisant dans ce cas pas de distinction graphique pour la notation du <u> ou du <v>, ceux-ci sont rendus par u. Sur ce point on verra Zufferey, Recherches cit., p. 119, § 20. Sur la notation par <i>, voir Zufferey, Recherches cit., p. 112, § 5a et p. 113, § 7. La barre oblique «/» signale le passage à la ligne. La BEdT (version 2.5) et Meyer, Le

débat cit., p. 245, en donnent une lecture erronée.

(12)

2.2. La table

La table du manuscrit donne quant à elle, au folio Cra, «Las

nouas del h(er)etge.» 27 (rouge) suivi à la ligne de l’incipit du texte

«D iguas me tu h(er)etge.» (noir) et du renvoi (rouge) au folio «CXXIII.», c’est-à-dire pratique une reprise partielle de la rubrique et de l’incipit du texte. On notera la différence de graphie entre la table du manuscrit et la copie des Novas (f. Cra et f. 122rb = CXXIIIrb). Le renvoi au folio

est de la même main que la foliotation de la même couleur 28.

2.3. Le titre actuel donné à ce texte

Le titre retenu depuis l’édition de Peter T. Ricketts, Las Novas

del heretje, respectant la tradition manuscrite, semble donc préférable

à tout autre. Il est a priori historiquement cohérent avec la perception qu’en avait le compilateur de R et l’est en tout cas en ce qui concerne l’argumentation qui y est développée. Nous nous séparons ici de Zuf-ferey qui, étudiant la partie non-lyrique de ce chansonnier, répertorie

trois novas 29, excluant parmi d’autres le texte qui nous intéresse ici.

27 Ici et par la suite les parenthèses «( )» dans une citation du texte des Novas ou

d’une autre œuvre du ms R indiquent la résolution de l’abréviation.

28 Voir nos remarques précédentes. Dans cette seconde table, définitive en quelque

sorte, les rubriques attributives des textes (désignation ou auteur) ainsi que les renvois au folio correspondant sont en rouge, alors que l’incipit de l’œuvre est à l’encre noire. Par ail-leurs, l’initiale détachée de chaque incipit de texte est écrite en noir et remplie de rouge.

29 Il s’agit du Judici d’Amor («En aquel temps c’om era jays») et du Castia Gilos

(«Unas novas vos vuelh comtar») de Raimon Vidal de Besalú, ainsi que de Las Novas del

pa-pagai («Dins un verdier de mur serrat») «dans la version remaniée» d’Arnaut de Carcassès.

Il exclut la Nouvelle allégorique de Peire Guilhem (texte partiel), une épître de Guiraut Ri-quier que la rubrique désigne comme novas et les Novas del heretje. Voir Zufferey, La

par-tie cit., pp. 8-9. On verra aussi E. Müller, Die altprovenzalische Versnovelle, Halle 1930, pp. 112-116, cité par Zufferey. Après examen, on remarque que la rubrique de l’épître du f. 115rf (= CXVIrf), la sixième ici attribuée à Guiraut Riquier, est la seule qui qualifie une de ces épîtres de novas. Le copiste de R (ou son modèle, instance demeurant hors d’atteinte pour la critique, si ce n’est à travers le présent témoin), lorsqu’il caractérise le genre du texte, adopte letras (voir par exemple f. 116ra = CXVIIra). Le Judici d’Amor débute avec sa rubrique au f. 130vd (= CXXXIIvd) (aucune mention de novas), immédiatement suivi du

Castia Gilos dont l’incipit (f. 132vb = CXXXIIIvb) parle bien de novas. Las Novas del pa-pagai sont qualifiées comme telles par la table (f. Crc), «Nouas d[el] papagay»: la rubrique

du f. 143vb a disparu, le feuillet étant détérioré. Enfin, le texte de Peire Guilhem ff. 147va-148ra (= CXLVIIIva-CXLIXra) est lacunaire. Sur l’attribution de ce texte on pourra voir notamment P. Meyer, Les derniers troubadours de la Provence, d’après le chansonnier donné

(13)

Quelle que soit la manière dont on considère la question, du point de vue de la cohérence interne du témoin ou de la critique, on a quelque difficulté à exclure de la catégorie des novas un texte qui est interpré-té comme tel par le copiste, et qui correspond par ailleurs aux grandes lignes de ce que l’on sait du genre médiéval bref, ayant des affini-tés avec le roman mais se caractérisant aussi par ses mises en scène

et effets rapides 30. La nouvelle comme genre diégétique partage des

traits avec la composition lyrique dialoguée et ne traite pas

unique-ment d’affaires courtoises 31. Par ailleurs, la table du manuscrit

méri-terait une étude approfondie car si, comme l’a exposé Zufferey 32, le

copiste distingue par une rubrique une collection de «letras e novas e comtes» (f. Bvd), il indexe bien à la suite de cette rubrique une série de textes, mais pas toutes les novas du témoin. Celles du papagay, et celles de l’heretje en sont exclues. Ces deux novas sont, avec d’autres textes troubadouresques, disposées sur le f. Cr sous des rubriques dif-férentes. Cette rubrique «letras e novas e comtes» ne vaut que pour les textes qui y sont indexés (ff. Bvd-Cra). Si le blanc matériel laissé avant la rubrique «letras e novas e comtes» de la table (f. Bvd) est certaine-ment un écho à la section de textes non-lyriques qui s’ouvre alors, on ne saurait porter trop avant les conclusions et exclure sur cette base

(1870), pp. 453, 457; brunel-lobrichon, L’iconographie cit., p. 254, note 56, et J. anglade,

Histoire sommaire de la littérature méridionale au Moyen Âge, des origines à la fin du XVe siècle, Genève 19211, 1973, p. 159, note 1.

30 Voir sur ce point la synthèse de C. Segre, Per una definizione della “novella”, in

La circulation des nouvelles au Moyen Âge, éd. L. Rossi, A.B. Darmstätter, U.

Limacher-Riebold, S. Alloatti-Boller, Alessandria 2005, pp. 21-27, particulièrement pp. 22-24, 26. On verra aussi H.R. jauSS, Alterità e modernità della letteratura medievale, Torino 19771, 1989, et P. ZuMthor, La brieveté comme forme, in La nouvelle: formation, codification et

rayonnement d’un genre médiéval, éd. M. Picone, G. Di Stefano, P.D. Stewart, Montréal

1983, pp. 3-8; ainsi que H.J. neuSchäfer, Boccace et l’origine de la nouvelle: le problème de

la codification d’un genre médiéval, in La nouvelle cit., pp. 199-207.

31 Sur le genre des novas dans leur tradition occitane, voir notamment la mise au

point de M.L. Meneghetti, La tradition occitane des ‘‘novas’’, in La circulation des nouvelles

au Moyen Âge cit., pp. 75-92. On notera que dans le cas des Novas del heretje la désignation

de novas est extratextuelle et transmise par la rubrique et les tables du manuscrit (le rôle de la tradition semble indéterminable).

32 Zufferey, La partie cit., pp. 4 et 6-8. Voir aussi sur cette segmentation matérielle

(14)

les Novas del heretje de la catégorie des novas, d’autant que, par la suite, elles demeurent à part dans la classification 33.

Ces Novas que l’on identifiera comme telle ici se rattachent à la tradition des genres dialogués, on ne saurait pourtant voir dans le texte

une desputoison ou un débat, ce qu’il n’est assurément pas 34.

3. Données textuelles de la composition de Las Novas del heretje (laisses/

rimes) d’après le texte de R

3.1. Structure

Le texte conservé est composé de onze laisses monorimes pour un total de 682 vers en langue d’oc ou mixte langue d’oc/latin (voir les vv. 89, 90, 256). Le corps des laisses en ancien occitan (parfois mêlé de deux mots latins), et donc à l’exclusion des citations latines, est composé de dodécasyllabes à rimes masculines.

Ces «682» vers résultent de la numérotation dans les éditions Meyer et Ricketts, reprise dans toutes les sources récentes, maté-rielles ou informatiques y compris la C.O.M.2. Les citations latines monolingues longues d’au moins un vers n’y sont pas numérotées alors qu’elles font pleinement partie de l’argumentation et du système de versification.

Notons aussi que dans le manuscrit ces citations sont considé-rées comme faisant partie intégrante du texte, et que rien, sinon la

langue, ne permet de les distinguer 35.

Lorsque le dernier élément de la laisse est un hexasyllabe, alors celui-ci est toujours entièrement composé en ancien occitan (laisses 4, 5, 6, 7, 9 et 10), et il s’agit de laisses non terminées par une cita-tion biblique.

Lorsque le dernier élément de la laisse est une citation latine, on perd l’hexasyllabe. Il existe alors deux cas:

- celui d’une citation prise dans un vers en ancien occitan (laisse 3, v. 89: «Dieus lur dis, so sabem per ver: Ecce homo!»; fin laisse 3), cas unique et la citation latine se trouve être le dernier élément du vers et de la laisse;

33 Zufferey, La partie cit., p. 10. 34 Meyer, Le débat cit., p. 234.

(15)

- celui d’une citation latine qui occupe au moins la dernière ligne manuscrite de la laisse – on n’oserait toujours dire le dernier vers – (par exemple: fin de la laisse 1 «Manus tue fecerunt et plasmaverunt me» 36).

Les laisses telles qu’elles apparaissent dans le texte transmis par R et avant intervention critique sont majoritairement capcaudadas et rimées comme suit: laisse 1 -it, laisse 2 -e, laisse 3 -o, laisse 4 -at, laisse 5 -os, laisse 6 -ens, laisse 7 -ar, laisse 8 -es, laisse 9 -ut, laisse 10 -atz, laisse 11 -iers. De longueur irrégulière, les laisses sont ponctuées de citations latines du texte biblique (et d’une citation bilingue latin/ occitan) choisies par le personnage d’Izarn, qui conduit la démonstra-tion pour convaincre l’hérétique Sicart, qui est, tout à la fois, interpel-lé, interrogé et objet de la persuasio.

On peut établir les caractéristiques suivantes. Les modalités d’enchaînement des laisses sont développées ci-après:

Laisse 1: 12 vers, vv. 1-12 (+ citation finale);

Laisse 2: 29 vers, vv. 13-41 (+ citation finale, et 2 citations intermédiaires entre vv. 36 et 37; vv. 37 et 38);

Laisse 3: 48 vers, vv. 42-89 (citation finale intégrée au v. 89, et citation intermédiaire entre vv. 75 et 76);

Laisse 4: 62 vers, vv. 90-151 (citation initiale en attaque du premier vers qui donne lieu à une exceptionnelle capfinida, et 2 citations intermédiaires entre vv. 141 et 142; vv. 144 et 145);

Laisse 5: 30 vers, vv. 152-181 (absence de citation);

Laisse 6: 42 vers, vv. 182-223 (2 citations intermédiaires entre vv. 196 et 197; vv. 203 et 204);

Laisse 7: 124 vers, vv. 224-347 (2 citations intermédiaires entre vv. 241 et 242; ainsi que dans les vv. 256-261 où l’ancien occitan est intégré au texte, avec deux premiers mots d’attaque en latin qui signalent la citation);

Laisse 8: 95 vers, vv. 348-442 (citation finale, et citation intermédiaire entre vv. 352 et 353);

Laisse 9: 83 vers, vv. 443-525 (absence de citation); Laisse 10: 108 vers, vv. 526-633 (absence de citation); Laisse 11: 49 vers, vv. 634-682 (citation finale).

36 L’identification des citations bibliques données dans les Novas est ici sciemment

passée sous silence car elle mérite une discussion approfondie qui dépasserait le cadre du présent exposé; en dehors du cas de celle que nous examinerons plus loin.

(16)

Soit le tableau synthétique suivant 37: laisse nombrede vers numérotationdes vers tine en fin de laissecitation biblique la-38

citation biblique dans le corps de la laisse39 citation biblique en attaque de laisse 1 12 1-12 X Ø Ø 2 29 13-41 X X Ø 3 48 42-89 X X Ø 4 62 90-151 Ø X X 5 30 152-181 Ø Ø Ø 6 42 182-223 Ø X Ø 7 124 224-347 Ø X Ø 8 95 348-442 X X Ø 9 83 443-525 Ø Ø Ø 10 108 526-633 Ø Ø Ø 11 49 634-682 X Ø Ø 38 39

Ainsi, ces onze laisses de longueur variable comportent pour la plupart (sauf trois) au moins une citation biblique. Et dans quatre cas (excluant de fait la dernière laisse), la citation finale sera l’élément charnière de l’enchaînement poétique entre les laisses.

3.2. L’enchaînement des laisses

Le texte tel que le transmet R présente un schéma d’enchaîne-ment des laisses qui retient l’attention. Celui-ci est relatived’enchaîne-ment com-plexe et polymorphe. Les laisses y sont capcaudadas, capfinidas ou encore, présentent une absence de lien apparent d’une laisse à l’autre. Par ailleurs, on note un jeu sur les codes linguistiques: occitan/occi-tan; latin/latin; occitan/latin. Il y a onze laisses dans le texte, soit dix cas d’enchaînement d’une laisse à l’autre.

37 Le X signifie la présence d’au moins une citation; à l’inverse le Ø marque

l’ab-sence de citation.

38 La citation (ou l’ensemble des citations regroupées comme n’en faisant qu’une

par l’auteur) clôt la laisse. Cette citation peut représenter une ou plusieurs lignes dans le manuscrit, elle peut aussi se situer en fin de vers occitan.

39 La citation (ou l’ensemble des citations regroupées comme n’en faisant qu’une

par l’auteur) est prise dans le corps de la laisse, y inclus en attaque comme dans le cas de la laisse 4, v. 90: «Ecce homo! lur dis, per que fon acabat …».

(17)

Soit les tableaux suivants 40:

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de

enchaînement des laisses 1>2

1 -it

Manus tue fecerunt me et plasmaverunt me. latin capcaudat (latin/occitan) 2 -e Vec te .i. testimoni que Dieus formet e fe occitan

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de

enchaînement des laisses 2>3

2 -e

Occuli domini super iustos, et aures eius in

preces eorum.

latin

capcaudat

(latin/occitan)41

3 -o

Vec te .ii. testi-monis que son lial

e bo

occitan

41

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de

enchaînement des laisses 3>4

3 -o

Dieus lur dis, so sabem per ver:

Ecce homo! occitan puis latin capfinit (latin/latin) avec reprise

péri-phérique de «lur dis» (occitan) 4 -at

Ecce homo! lur

dis, per que fon acabat

latin puis

oc-citan

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de enchaînement

des laisses 4>5

4 -at que art tos

companhos. occitan

capcaudat

occitan/occitan 5 -os

Aras vuelh que·m respondas en .i.mot o en dos

occitan

40 Les citations latines sont ici comprises sous la désignation de «vers». 41 Voir infra, sur la lecture de «-um» latin en [o.].

(18)

laisse rime vers final

(laisse antécédente) langue

vers initial

(laisse suivante) langue

nature de l’enchaînement

enchaînement des laisses 5>6

5 -os mandamens.e crezo·ls occitan

capcaudat occitan/occitan 6 -ens Encar te vuelh commettre d’autres disputa-mens occitan

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de enchaînement

des laisses 6>7

6 -ens per on deves passar. occitan

capcaudat

occitan/occitan 7 -ar

Ans que·t don comjat ni·t lais el

foc intrar

occitan

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de enchaînement

des laisses 7>8

7 -ar si Dieu42 o a promes. occitan

capcaudat

occitan/occitan 8 -es

Heretje, be volria, ans que·l foc te

prezes

occitan

42

laisse rime vers final

(laisse antécédente) langue

vers initial

(laisse suivante) langue

nature de l’enchaînement enchaînement

des laisses 8>9

8 -es In quacumque dieinvocavero te, etc. latin

aucun lien formel apparent (latin/occitan) 9 -ut

Heretje, .viii.ve-guadas t’ai proat e

vencut

occitan

laisse rime (laisse antécédente)vers final langue (laisse suivante)vers initial langue l’enchaînementnature de enchaînement

des laisses 9>10

9 -ut be·t foras cofessatz occitan

capcaudat

(occitan/occitan) 10 -atz

Hueymai, d’ai-si avan, non seras

esperatz

occitan

42 Ricketts donne «Dieus» pour ce vers. Nous rétablissons «Dieu» conformément

(19)

laisse rime vers final

(laisse antécédente) langue

vers initial

(laisse suivante) langue

nature de l’enchaînement enchaînement

des laisses 10>11

10 -atz sos mestiersde trastotz occitan

capcaudat

(occitan/occitan) 11 -iers

C’aissi coma sol esser enemicx

e guerriers

occitan

On compte donc:

- 6 cas de laisses capcaudadas (occitan/occitan) - 2 cas de laisses capcaudadas (latin/occitan) - 1 cas de laisses capfinidas (latin/latin)

- 1 cas où aucun lien formel n’apparaît à l’enchaînement des laisses (latin/occi-tan)

L’enchaînement des laisses dans le texte transmis par R est donc marqué par une certaine régularité: huit cas de laisses capcaudadas, un cas de capfinida; face à cette régularité l’absence d’enchaînement régulier, quel qu’il soit, appelle que l’on en cherche l’explication: c’est le cas de celui des laisses 8 et 9. Dès lors, la possibilité d’une lacune du texte de R doit être envisagée, ce que nous ferons donc, considé-rant la réponse de Meyer à cette lacune, reprise par ses successeurs, comme insatisfaisante.

On retiendra deux phénomènes principaux.

1) D’abord, la présence d’enchaînements capcaudatz qui font rimer sans doute possible latin et ancien occitan (enchaînement des laisses 1 > 2 et 2 > 3). Ce bilinguisme du texte qui, en plus, atteste de

la prononciation du latin à la rime en Languedoc occidental au XIIIe

siècle, est tout à fait intéressant tant linguistiquement que pour la cri-tique littéraire du texte – il renseigne sur la portée textuelle du texte, son milieu de rédaction, et, les objectifs de l’auteur 43.

L’enchaînement des laisses 1 > 2 se déroule ainsi: le dernier vers

de la laisse 1 est régulier (rime en -it), vient ensuite la citation «Manus tue fecerunt me et plasmaverunt me», voyelle accentuée finale en -é, à laquelle fait écho la rime de la laisse suivante (2) en -é. Le constat de la rime bilingue, en plus de l’identité graphique, conduit là à une

(20)

nécessaire identité phonique en Languedoc occidental et au XIIIe

siècle entre l’ e>e. final latin et l’[e.] final occitan de fe ou re de la laisse

suivante.

Pour l’enchaînement des laisses 2 > 3, de la même façon, le

der-nier vers occitan (donc hors citation) de la laisse 2 est conforme aux autres de la même laisse (rime en -e) alors que la laisse 3 présente une rime en -o. Or, la citation latine qui clôt la laisse 2 et précède donc le premier vers de la laisse 3 est: «Oculi Domini super justos, et aures ejus in preces eorum». Toujours en quête du système interne d’enchaî-nement des laisses, on fait donc l’hypothèse économique d’une pro-nonciation de la finale latine «-um» en [o.], avec amuïssement attendu

du m et ouverture de la voyelle finale u> o. ayant pour conséquence la

rime oxytone en [o.] < -ó(n) de bo, razo etc. que l’on trouve à la laisse

suivante; le résultat est un capcaudament bilingue entre un latin à

pro-nonciation vulgarisante en zone d’oc languedocienne 44 et de l’occitan

du même lieu.

On remarquera que certaines citations latines intégrées au cœur des différentes laisses riment aussi avec le reste de leur laisse (rimes occitan/latin internes aux laisses); c’est le cas de citations utilisées dans les laisses 2 et 3. On peut même s’interroger sur une éventuelle volonté originelle de l’auteur de faire rimer toutes ces citations internes

avant de se contenter des seules finales citations de fin de laisse 45. À

partir de ces acquis tangibles sur la prononciation en cours du latin dans le cadre de ce texte, on a bien tenté de retrouver la rime dans les citations latines placées au cœur des laisses, mais sans succès géné-ral. L’auteur s’est concentré sur le choix spécifique de la finale de la citation de clôture de laisse pour se conformer à la versification choi-sie pour sa composition.

En conclusion provisoire, insistons sur la pleine participation de ces citations latines, dans la composition du poème en ancien occitan (1).

44 On remarquera que cette prononciation du latin dans la zone languedocienne des

pays d’oc au XIIIe siècle fait état, au-delà de l’amuïssement de la consonne finale, d’une

mutation vocalique commune à celle que semble avoir connu le vulgaire dont dérive l’occi-tan du même lieu. La vulgarisation du latin ici observable par ces rimes semble avoir tou-ché la phonétique et la morphologie de la langue, laquelle est tout de même soutenue par le maintien de la syntaxe latine.

45 On pourra voir la partie «Metrica» de la notice du Rialto sur Las Novas del

(21)

Ces citations font partie du système de versification, dans lequel elles occupent parfois cette place clef qu’est la fin de laisse pour cette com-position qu’est le dodécasyllabe en laisses monorimes capcaudadas ou

capfinidas (2). Il y a là un témoignage sur l’usage et la prononciation de

ce latin écrit, lu et récité (?) dans le Languedoc au XIIIe siècle, car enfin

l’hypothèse d’une construction fictionnelle dans le cadre du récit ne tient pas (3). Enfin, on a là un indice de la contrainte forte exercée par la forme et le rythme de la composition poétique sur le discours. Cette contingence du style signale à n’en pas douter l’inscription dans une tradition et la prétention à la poésie (4).

2) Ensuite, le passage de la laisse 8 à la laisse 9 retient l’atten-tion: inexplicable face à la régularité du reste de l’œuvre, on suppose une lacune du texte de R. Mais, pour tenter de rétablir le texte, il faut prendre acte que tous les autres cas d’enchaînements sont capcaudatz auxquels s’ajoute un cas de laisses capfinidas. La solution serait donc

en toute logique ou l’une ou l’autre. Et rien d’autre 46. L’examen de

l’unique capfinida du texte (passage laisses 3 > 4) atteste d’une reprise du texte latin sans traduction. Dans le cas de la citation de fin de la laisse 8, on peut raisonnablement supposer que le texte perdu est en latin et complète la citation et qu’il ne s’agit pas de quelque(s) autre(s) vers occitan(s). Or, dans la mesure où le premier vers de la laisse 9 est en occitan, cela exclut le cas de la perte d’un enchaînement capfinit. Reste seule alors la possibilité d’un capcaudament latin/occitan perdu pour le texte de R et à rétablir.

3.3. Remarque

Paul Meyer signalait déjà les points communs (versification et argument) entre Las Novas del heretje et un texte transmis par le manuscrit 7403 du fonds Harley, conservé aujourd’hui à la British

Library à Londres et qu’éditait alors Hermann Suchier 47. Le sujet de

ces prières à la Vierge est relativement similaire à celui de ces Novas:

46 Voir infra, l’hypothèse de reconstitution retenue dans le Rialto laquelle a été

aménagée à partir de celle de Ricketts, ce dernier reprenant Meyer.

47 Meyer, Le débat cit., pp. 241-242; un extrait de ce texte est cité aux pp.

242-243 (cité sous l’ancienne cote Br. Mus., Harl. 7403). Ouvrage paru depuis lors: H. Su -chier, Denkmäler provenzalischer Literatur und Sprache, Halle 1883, pp. 214-240 (ms ff. 63r-109v). Le texte (incipit: Dona sancta Maria, flors de virginitat) publié par Suchier est

(22)

un homme y rend grâce à Dieu de l’avoir extrait de la croyance héré-tique. Par ailleurs, ce texte cite aussi des personnages que l’on retrou-vera partiellement dans les Novas. L’auteur des ces prières donne les noms de l’avesque G. P., fraire B. de Caux, fraire P. Cenres et fraire

A 48. Certains de ces personnages historiques sont très aisément

iden-tifiables et sont sensiblement contemporains de la période à laquelle se réfèrent les Novas et au massacre des inquisiteurs à Avignonet en 1242. B. de Caux semble être Bernart de Caux (mort en 1252), domi-nicain, qui fut nommé inquisiteur à la suite du massacre d’Avignonet, et qui dirigea l’enquête de 1243 à 1249. Paul Meyer identifie l’évêque

G. P. comme étant Guilhem Peire, «évêque d’Albi de 1185 à 1227» 49,

les frères P. Cenres et A. avec respectivement Peire de Cendre domi-nicain inquisiteur ayant exercé à Foix avant les meurtres d’Avignonet,

et Guilhem Arnaut ou Huc Arnaut (selon les Novas, v. 324 50) qui fut

assassiné à Avignonet 51.

Par ailleurs, ce texte comme la majeure partie des Novas del

heretje, et la première partie de la Chanson de la Croisade albigeoise

est rédigé en laisses capcaudadas d’alexandrins monorimes. Rap-pelons que dans les Novas del heretje, parmi les nombreux

person-nages mentionnés, et outre Izarn 52 qui mène l’enquête avec Frère

en laisses capcaudadas (à longueur variable) de dodécasyllabes à petit vers final hexasyl-labique.

48 Ibidem, vv. 832-835. 49 Meyer, Le débat cit., p. 244.

50 Le frère Arnaut assassiné à Avignonet se prénomme Guilhem. Si Las Novas del

heretje parlent bien de lui, il faut donc que leur leçon soit erronée. Il ne semble d’ailleurs

pas y avoir de doute dans la mesure où le texte précise que «ni·l savis Huc Arnaut anc no s’i volc palpar / per que li fals heretje l’an fag le cap trencar»; ce qui s’apparente grande-ment à l’histoire d’Avignonet.

51 Et non à «Avignon» qui est une coquille de Meyer, Le débat cit., p. 244.

52 Sur ce personnage du texte, certainement historique comme les autres, dont

l’identification demeure en suspens, on pourra voir Meyer, Le débat cit., pp. 236-237, et É. Martin-chabot, La chanson de la croisade albigeoise, Paris 1930-1960, I, pp. 202-203. Nous préparons actuellement des travaux sur ces personnages. «N’Izarn» (v. 616), dont le statut est différent de celui de «fraire Ferrier» (v. 627) selon l’expression du personnage de l’hérétique Sicart, fait pleinement partie de la cort (vv. 554, 568, 576) devant laquelle il est entendu, il pourrait s’agir d’un clerc lettré autorisé à mener l’interrogatoire (ici, la dé-monstration) et se mettant éventuellement en scène comme auteur des novas bien habile (vv. 616-619).

(23)

Ferrier 53, on trouve aussi explicitement un «Bernart de Caus» 54 et un

«Huc Arnaut» 55.

4. Les citations bibliques comme charnières du discours

4.1. Les citations bibliques dans le texte de Las Novas del heretje:

nombre et place

Les Novas citent 16 fois le texte biblique 56, donnant à ce

cor-pus de citations une valeur de preuve textuelle – supposée incontes-table – de l’argument développé par celui qui mène la

démonstra-tion et enquête sur les intendémonstra-tions de Sicart 57. Donc par 16 fois,

l’au-teur use d’un processus de citation du texte biblique pour former des ensembles textuels plus ou moins longs, composés d’un ou plusieurs versets. Parfois, ce qui est présenté comme la preuve biblique est un groupement de citations indistinctes les unes des autres, c’est une preuve biblique. Ces citations bibliques sont monolingues en langue latine (14 ensembles de citations) ou bilingues latin/occitan (1 cita-tion reprise 1 fois à la capfinida). Il ne faut donc pas s’y tromper: une grande partie des passages de citations bibliques regroupent en fait plusieurs citations à la suite les unes des autres, et, l’intratextualité biblique permet différentes identifications possibles de chaque seg-ment de ces groupes de citations ou de chaque citation.

Remarquons qu’elles sont le plus souvent données sans identifi-cation du livre biblique dont elles sont issues; elles sont aussi parfois

tronquées («etc») 58. Il faut donc non seulement les repérer, mais aussi

identifier le ou les livres bibliques auxquels elles correspondent dans

53 Selon toute vraisemblance un inquisiteur, Novas, vv. 649 et 673. Voir L. albaret,

L’inquisition de Carcassonne. Ferrer ou Ferrier (1229-1244), in Les Inquisiteurs. Portraits de défenseurs de la foi en Languedoc (xiiie-xive siècles), Toulouse 2001, pp. 31-39. Nous

remer-cions Philippe Martel pour ses conseils.

54 Novas, laisse 7, v. 326. 55 Novas, laisse 7, v. 324.

56 Si l’on ne comptait qu’une unique fois les deux occurrences (reprise à la

capfini-da) de «Ecce homo!», ce nombre passerait à 15.

57 Sur les citations dans les Novas, voir M. raguin, Rôle et légitimité de la citation

biblique dans le texte de ‘‘Las Novas del heretje’’, Mémoire de Recherche, Master Recherche

(I) en Études romanes, Université Montpellier III, 2007.

(24)

les différentes traditions de bibles latines – certains segments du texte biblique se retrouvent dans plusieurs livres. Ensuite parmi les diffé-rentes possibilités, il faut, lorsque c’est possible, établir quel texte en particulier l’auteur a cité 59.

Dans le manuscrit, aucun signe ne permet de distinguer la cita-tion latine du reste du texte en occitan, et ce, quelle que soit sa place dans la laisse: attaque, corps, ou finale.

4.2. L’enchaînement des laisses 8 et 9: le problème

Dans le détail du texte, on observe que l’enchaînement des laisses

8 > 9 ne respecte pas le système de la capcaudada – la capfinida est

ici impossible, voir supra. La laisse 8 se termine ainsi: «d’aquel parla

l’apostol, aichi com escrig es / In quacumque die invocavero te, etc.» 60.

Or, -es est la rime de la laisse 8, et la laisse 9 rime en -ut. Il apparaît que la capcaudada, tout comme une exceptionnelle capfinida, ne sont pas données par la citation. Normalement dans ce texte et en accord avec une certaine tradition littéraire d’oc, le dernier élément textuel de la laisse, qu’il soit latin ou occitan, donne l’enchaînement. On a aus-si vérifié la finale du dernier vers occitan, celui qui figure donc avant la citation (hypothèse d’une capfinida abâtardie), mais là encore sans résultat. Il faut donc nécessairement que le texte du ms fr. 22543 soit lacunaire d’un vers au moins qui aurait suivi la citation (peu probable

a priori, ce que confirment nos résultats), ou d’une partie de la citation.

Cette lacune pourrait être suggérée aussi par la présence d’«etc.» en fin de citation 61.

Enfin, il faut remarquer que dans cette copie soignée des Novas

del heretje, le vers qui suit cette citation tronquée – donc le premier

vers de la laisse 9 – commence par une lettrine bleue I finement

entre-59 raguin, Rôle cit.

60 Novas, v. 442 et citation qui le suit.

61 Nous avons aussi envisagé l’hypothèse extrême d’un «etc.» signifiant le tour de

passe-passe d’un auteur qui aurait ainsi élu une citation non concordante avec sa versifi-cation, l’utilité argumentative ayant pris le pas sur la métrique. Cette solution extrême, une aporie, ne nous est pas apparue très probable, et n’aurait de toute façon constitué qu’une éventualité parmi d’autres invérifiables mais plus probables (cf. supra) au cas où la re-cherche d’identification de la citation une fois menée à son terme n’aurait aboutit à aucun résultat concluant.

(25)

lacée de rouge 62. Or si cette coloration d’une initiale toutes les trois ou

quatre dans la copie est normale (alternance de bleu et de rouge), en revanche ce I coloré alors que le vers 443 débute par «Heretje» est une erreur que l’on doit certainement rapprocher du I initial de la cita-tion du vers précédent «In quacumque die …». En somme, deux petits problèmes dans la copie de deux vers consécutifs.

On en arrive au délicat problème de l’identification de ces cita-tions bibliques utilisées par l’auteur des Novas del heretje. En effet,

depuis l’identification de cette citation par Paul Meyer 63 comme étant

extraite du Ps 55 (56), v. 10, celle-ci a été reprise unanimement par la critique. Or si l’on se réfère à la fin de la citation latine telle que la donne le Ps 55 (56) v. 10 on se rend compte que le rétablissement de celle-ci permettrait de fait le rétablissement d’une rime en -es à la fin de la citation latine; ainsi selon cette hypothèse la citation rimerait avec sa propre laisse de rattachement (laisse 8, rime en -es).

4.3. Quelques remarques sur l’état de la tradition biblique au XIIIe siècle Avant de proposer une nouvelle solution, quelques rappels sur

l’état de la tradition biblique au XIIIe siècle apparaissent nécessaires.

Le texte biblique dans sa tradition chrétienne et tel que le pratiquent

les hommes du XIIIe siècle a bien peu à voir avec ce que nous

rete-nons aujourd’hui comme Bible; surtout en ce qui concerne la fixa-tion de la tradifixa-tion textuelle. Le Languedoc aux environs de 1250 ou un peu avant ne fait pas exception. De fait, deux grandes familles de textes latins circulent: la Vulgate et les traductions antiques regrou-pées sous le nom de Bible vieille latine. Si cette dernière perd de son influence au fil du temps, cela n’empêche que certaines des citations de l’auteur de Las Novas en sont très certainement tirées. En effet, malgré des phénomènes d’hybridation entre la Vulgate et l’antérieure

Bible vieille latine, on peut raisonnablement penser que l’auteur a

eu entre les mains les deux grandes familles de textes bibliques en latin (Vulgata et Vetus Latina), ou qu’il y a appris son catéchisme, car certaines variantes du texte ne sont données comme telles que par

62 Meyer, Le débat cit., p. 257, note au vers 443, avait observé cette erreur sans

l’ex-pliquer.

(26)

la Vetus Latina (peu conservée et dont l’édition critique 64 est encore

incomplète).

La Bible peut être vue comme une bibliothèque, composée de plusieurs livres, dont les traditions manuscrites comme la copie, la traduction et la transmission connaissent une grande diversité. Par ailleurs, les traditions manuscrites de la Vulgate comme de la Bible

vieille latine sont elles-mêmes très diverses, se recoupant bien

sou-vent. Pour ce qui concerne la Vulgate, malgré la reprise successive du texte par Alcuin, abbé de Saint-Martin de Tours et, Théodulfe, évêque d’Orléans, il faudra attendre le Concile de Trente et sa Vulgate

clé-mentine pour la fixation d’un canon de la traduction biblique; laquelle

sera d’ailleurs revue ensuite. Le psautier «iuxta hebraeos» n’est pas retenu par le concile de Trente qui préfère le psautier gallican.

Pour identifier les citations bibliques qui figurent dans Las Novas

del heretje il faut donc se tourner vers toutes ces traditions

scriptu-raires latines de la Bible.

En ce qui concerne la citation qui fait l’enchaînement entre les laisses 8 et 9 «In quacumque die invocavero te etc.» la recherche

manuelle et automatisée par concordance 65 et en plein texte montre

qu’elle est à rattacher au livre des Psaumes (en partie ce que Paul Meyer avait écrit) mais établit cette fois plus spécifiquement que cette citation tronquée transmise par R est commune à trois psaumes. C’est cette recherche, et l’examen de ces nouveaux résultats qui permettra d’identifier ce qui apparaît comme étant vraisemblablement le psaume cité par l’auteur des Novas del heretje, et dans quelle tradition du texte biblique latin.

À ce jour, et en l’absence d’édition scientifique récente des Psaumes dans la version Vetus Latina, qui ne bénéficie donc pas des derniers acquis de l’ecdotique, on se tourne prioritairement vers le

64 Voir Vetus Latina. Die Reste der altlateinischen Bibel, paraissant en fascicules,

Vetus Latina Institut, dir. dom B. fiScher, J. frede, R. grySon, Archiabbaye de Beuron - Freiburg im Breisgau 1949-. La première édition scientifique fut celle de P. Sabatier,

Bi-bliorum Sacrorum Versiones Antiquae seu Vetus Italica, Reims 17431, Paris 1751, réimpr.

München - Turnhout 1976.

65 Voir notamment F.-P. dutripon, Concordantiae Bibliorum sacrorum vulgatae

edi-tionis ad recognitionem jussu Sixti V, pontif. max., Bibliis adhibitam, recensitae atque emen-datae ac plusquam viginti quinque millibus versiculis auctae, insuper et notis historicis, geo-graphicis, chronicis locupletatae, Paris - Valence 18381, Bar-le-Duc 1872.

(27)

texte de la Vulgate 66 et donc les deux versions du psautier de Jérôme

(gallican et iuxta hebraeos), par ailleurs une bonne concordance s’avère essentielle.

L’édition du psautier romain par R. Weber, plaçant en apparat

les variantes des autres anciens psautiers latins 67 permet de les

com-parer ici avec les traditions des psautiers gallican et iuxta Hebraeos. 4.4. L’enchaînement des laisses 8 et 9: la solution

L’enchaînement des laisses 8 et 9 n’est donc ni capfinit, ni

cap-caudat, mais laissé en suspens par un «etc.» a priori inadmissible

de la part d’un auteur dont le texte ne présente pas d’autre lacune d’enchaînement de laisses. La notice du Rialto, signée de Costanzo Di Girolamo et Claudio Franchi, propose de rétablir le verset man-quant selon l’identification qu’en donna Paul Meyer, y reconnaissant

Ps 55.10 (56) 68. Cette hypothèse fut aussi reprise par Peter T.

Ric-ketts dans son édition 69. Sans tenir compte de l’absence de solution

au problème de l’enchaînement capcaudat défaillant, Meyer, Ricketts et le Rialto suppléent donc ainsi à la troncature de la citation (afin de retrouver la rime -es de la laisse 8): in quacumque die invocavero te [fin de la citation dans les Novas del heretje de R] «ecce cognovi quoniam

66 R. Weber, B. fiScher, J. griboMont, H.F.D. SparkS, W. thiele, Biblia sacra

jux-ta vulgajux-tam versionem, Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart19691, 1975. Édition saisie en

base de données électroniques (les deux versions du psautier de Jérôme) dans la Library of

Latin Texts-Series A, Turnhout 2012.

67 r. Weber (éd.), Le Psautier romain et les autres anciens psautiers latins

(Collecta-nea Biblica Latina, 10), Rome - Cité du Vatican 1953, p. v, présente son édition comme un instrument de travail «jusqu’au jour où paraîtra dans le nouvelle Vetus Latina des moines de Beuron, le volume, bien plus complet, consacré au Psautier».

68 Rappelons que la numérotation des psaumes n’est pas la même dans les bibles

que nous lisons couramment aujourd’hui que dans la Vulgate. La Vulgate et les textes grecs adoptent une numérotation différente de celle du texte hébreu, bien que toutes dé-nombrent 150 psaumes. Nos bibles contemporaines éditées et traduites à partir du texte hébreu reprennent sa numérotation. Ainsi lorsque nous parlons des citations latines et du texte de la Vulgate, sauf indications contraires, nous indiquons la numérotation des psaumes commune aux textes grecs et latins, et entre parenthèses celle du texte hébreu que l’on trouvera par exemple dans la Traduction œcuménique de la Bible, Villiers-le-Bel - Paris 2010.

69 Meyer, Le débat cit., p. 257, et que rickettS reprend dans Contributions cit., p.

(28)

Deus meus es» 70. Précisons d’ailleurs que cette version de ce psaume

citée par Meyer est celui du psautier iuxta Septuaginta 71 de la

Vul-gate. Ainsi on a avec Meyer et Ricketts ni capcaudada ni capfinida,

seulement une rime supplémentaire pour la laisse 8.

Dans ce cas précis, l’autre tradition latine des Psaumes, celle du Liber Psalmorum iuxta Hebraicum donne comme verset: «in

qua-cumque die invocavero (partie commune aux Novas mais manque «te»)

hoc scio quia Deus meus es» 72 est presque aussi acceptable dans la

catégorie des solutions inacceptables.

Or, si l’on reprend la recherche de l’identification de ces citations bibliques latines depuis le départ, tel un texte vierge de la critique en somme, et grâce aussi aux progrès des sciences bibliques et de la

tech-nique depuis le XIXe siècle, on note que cette citation «in quacumque

die invocavero te» de la fin de la laisse 8 est en fait un extrait de trois

versets de la Bible en latin telle que notre auteur est susceptible de la connaître – Ps 55.10 (56), Ps 101.3 (102), Ps 137.3 (138).

On trouvera ci-dessous ces occurrences dans la Vulgate et ses

deux psautiers 73. Les leçons de la Vetus Latina (éd. Sabatier) ou de la

plus récente édition de Weber du psautier romain ont été renvoyées en notes. Dans les citations ci-dessous, le texte entre crochets droits est le début du verset exclut du texte des Novas, celui en gras est le texte correspondant à celui des Novas et, le texte en italique est la fin du verset, absente des Novas dans laquelle selon notre hypothèse on recherche une solution pour un enchaînement régulier du texte.

70 Consultable sur l’internet: http://www.rialto.unina.it/poerel/heretje%28

Ric-ketts%29.htm, section: «Metrica».

71 Liber Psalmorum iuxta Septuaginta (ab Hieronymo iuxta textum graecum

hexa-plarem emendatus), Ps 55.10 (56), in Weber et al., Biblia sacra iuxta Vulgatam

ver-sionem cit., pp. 770-954 (Library of Latin Texts-Series A cit. Base de données consultée le

30/04/2013).

72 Liber Psalmorum iuxta Hebraicum (ab Hieronymo translatus), Ps 55 (56), v. 10,

in Weber et al., Biblia sacra iuxta Vulgatam versionem cit., pp. 771-955 (Library of Latin

Texts-Series A cit. Base de données consultée le 30/04/2013).

(29)

Tableau 1: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 55.10 (56) 74

Texte de Las Novas

del heretje

Vulgate, Psautier iuxta Septuaginta

(gallican)75 Vulgate, Psautier iuxta Hebraeos76

Laisse 8 rimée en -es avec citation latine fi-nale:

In quacumque die in-vocavero te, etc. Début de la laisse 9 rimée en -ut

Ps 55.10 (56)

[tunc convertentur inimici mei retror-sum] in quacumque die invocavero

te ecce cognovi quoniam Deus meus es

Ps 55.10 (56)

[tunc convertentur inimici mei retror-sum] in quacumque die invocavero

hoc scio quia Deus meus es

Commentaire

Verset qui ne peut convenir:

- si les leçons du texte commun sont correctes;

- la fin du verset établit une rime en -es conforme à la laisse 8 mais ne résout pas l’enchaînement capcaudat; - peu de sens en contexte.

Verset qui ne peut convenir:

- le texte commun présente une variante (absence du te, néanmoins éventuelle-ment présent dans la tradition manus-crite du Psautier iuxta Hebraeos); - la fin du verset établit une rime en -es conforme à la laisse 8 mais ne résout pas l’enchaînement capcaudat; - peu de sens en contexte.

75 76

74 La vieille édition de la Vetus Latina par Sabatier, Bibliorum Sacrorum Versiones

Antiquae cit., consultée essentiellement à titre informatif car ayant peu à voir avec une

édi-tion critique moderne, donne (vol. 2, p. 113): «[convertentur inimici mei retrorsum] In

quacumque die invocavero te ecce agnovi quia Deus meus es. Dans son édition plus

ré-cente, Le psautier cit., p. 125, Weber donne le texte suivant pour le psautier romain: «[co-nuertantur inimici mei retrorsum] in quacumque die inuocauero te ecce agnoui

quo-niam Deus meus es tu». Là encore le verset dans cette tradition de la Vetus Latina comme

du psautier romain dans l’édition de Weber ne sauraient convenir.

75 Liber Psalmorum iuxta Septuaginta cit. 76 Liber Psalmorum iuxta Hebraicum cit.

(30)

Tableau 2: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 101.3 (102) 77

Texte de Las Novas

del heretje

Vulgate, Psautier iuxta Septuaginta

(gallican)78 Vulgate, Psautier iuxta Hebraeos79

Laisse 8 rimée en -es avec citation latine fi-nale:

In quacumque die in-vocavero te, etc. Début de la laisse 9 rimée en -ut

Ps 101.3 (102)

[non avertas faciem tuam a me in qua-cumque die tribulor inclina ad me au-rem tuam] in quacumque die

invo-cavero te velociter exaudi me

Ps 101.3 (102)

[ne abscondas faciem tuam a me in die tribulationis meae inclina ad me aurem tuam] in quacumque die invocavero

velociter exaudi me

Commentaire

Verset qui ne peut convenir:

- si les leçons du texte commun sont correctes;

- la finale du verset en -e ne le rend co-hérent ni à la rime avec la laisse 8, ni dans la perspective de l’enchaînement avec la laisse 9;

- peu de sens en contexte.

Verset qui ne peut convenir:

- le texte commun présente une variante (absence du te, néanmoins éventuelle-ment présent dans la tradition manus-crite du Psautier iuxta Hebraeos); - la finale du verset -e ne le rend co-hérent ni à la rime avec la laisse 8, ni dans la perspective de l’enchaînement avec la laisse 9;

- peu de sens en contexte.

78 79

77 La Vetus Latina éditée par Sabatier, Bibliorum Sacrorum Versiones Antiquae cit.,

vol. 2, p. 197, donne: «[ne avertas faciem tuam a me: in quacunque die tribulor, inclina au-rem tuam ad me Domine] In quacunque die invocavero te velociter exaudi me Domine». Dans son édition Le psautier cit., p. 244, Weber donne le texte suivant pour le psautier ro-main: «[ne auertas faciem tuam a me] in quacumque die inuocauero te uelociter exaudi

me». Là encore le verset dans cette tradition de la Vetus Latina comme du psautier romain

dans l’édition de Weber ne sauraient convenir.

78 Liber Psalmorum iuxta Septuaginta cit. 79 Liber Psalmorum iuxta Hebraicum cit.

(31)

Tableau 3: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 137.3 (138) 80

Texte de Las Novas

del heretje

Vulgate, Psautier iuxta Septuaginta

(gallican)81 Vulgate, Psautier iuxta Hebraeos82

Laisse 8 rimée en -es, avec citation latine fi-nale:

In quacumque die in-vocavero te, etc. Début de la laisse 9 rimée en -ut

Ps 137.3 (138)

in quacumque die invocavero te

exaudi me multiplicabis me in anima mea virtute

Ps 137.3 (138)

in die invocabo et exaudies me

dilata-bis animae meae fortitudinem

Commentaire

Verset correct

- tant au niveau de la tradition textuelle du texte commun (ici en gras), que du sens. Il permet de rétablir une

capcau-dada (latin-occitan) à l’enchaînement

des laisses 8 et 9 [prononciation du la-tin (zone d’oc a priori languedocienne), cf. laisses I et II];

- les leçons du texte commun sont iden-tiques;

- l’hypothèse d’une prononciation vul-garisante (zone d’oc a priori langue-docienne) du latin «virtute» [apo-cope, dans la prononciation du e final graphié] permet une finale en -ut qui donne graphiquement et apparemment phoniquement la rime de la laisse 9 (capcaudament);

- le sens du verset éclaire le contexte et à force de preuve.

Verset correct par le sens mais incor-rect et de façon rédhibitoire en ce qui concerne la langue tant pour le texte commun que la fin de la citation;

- la partie comparable de la citation présente de très fortes variantes; - la finale du verset serait elle aussi in-téressante pour une capcaudada, mais impliquerait un stade plus avancé de l’évolution phonético-morphologique de l’oralité de ce latin vulgarisant (zone d’oc a priori languedocienne)83;

- le sens du verset éclaire le contexte et à force de preuve.

81 82 83

80 La Vetus Latina éditée par Sabatier, Bibliorum Sacrorum Versiones Antiquae cit.,

vol. 2, p. 267, donne: «in quacunque die invocavero te, exaudi me: multiplicasti me in

anima mea virtute tua». Dans son édition Le psautier cit., p. 332, Weber donne le texte sui-vant pour le psautier romain: «in quacumque die inuocauero te exaudi me

multiplica-bis in anima mea uirtutem tuam». Là encore ces tradition du verset ne correspondraient pas

non plus avec la rime capcaudada, de la même façon que le texte iuxta hebraeos.

81 Liber Psalmorum iuxta Septuaginta cit. 82 Liber Psalmorum iuxta Hebraicum cit.

83 En effet si l’on ne peut exclure complètement une chute de la voyelle

post-to-nique et de la syllabe finale -inem, avec dévoisement de [d] final en [t], cette solution est de fait éliminée par les différences dans le texte du verset sensé être commun et attesté par R.

(32)

Le texte cité par l’auteur des Novas del heretje, ne saurait donc être Ps 55.10 (56) proposé par Paul Meyer et transmis depuis par la critique, ou Ps 101.3 (102) comme le début de la citation pourrait l’in-duire, mais bien le Ps 137.3 (138). Ce verset 3 du psaume 137 (138) est cité dans la version du psautier gallican de la Vulgate, et non pas dans la version du psautier iuxta hebraeos qui s’était diffusé essen-tiellement en Espagne, ni a priori pour ce que l’on en sait aujourd’hui dans la version de la Bible Vieille Latine et du psautier romain. On pourrait ajouter que seul Ps 137.3 (138) débute avec la portion de cita-tion conservée par R, autre argument en faveur d’une abréviacita-tion de la suite en etc.

4.5. La citation comme preuve dans l’argumentation, et la rime entre

la-tin et occitan en pays d’oc au XIIIe siècle

Rétablir la citation c’est restituer une partie du sens du texte, éclairer le procédé d’argumentation et la force de la preuve, faire réapparaître les rimes capcaudadas qui font l’enchaînement entre les laisses et qui signent le soin apporté à la composition; c’est enfin trou-ver une nouvelle attestation de cette poésie bilingue latin-occitan et de la prononciation de ce latin en zone d’oc certainement languedo-cienne au XIIIe siècle.

La fin de la laisse 8 énonce que:

Dos ploramens y a que separa 84 la fes … (1er ploramen 85)

Del autre ploramen podetz auzir cals es: aquest mou dins del cor e del cor mou lo bes e la devocio del home en cuy es;

aquel planh e sospira lo destric que y a pres, car non a Dieu servit ni so que de lui es,

84 Le ms donne: «D os ploram(en)s ya q(ue) autres a la fes.» f. 123ra (CXXIIIIra),

avec un pied-de-mouche rouge en début de vers. Meyer, Le débat cit., p. 257, note au vers 421, estime que l’on pourrait remplacer «autres a» par «autreia» mais, peu convaincu de sa suggestion, il maintient la leçon du ms dans son édition. rickettS, Contributions cit., p. 112, note au vers 421, propose une interprétation qui distinguerait entre «deux sortes de lamentations» et «suggère donc separa, mais sans trop de convictions». À noter que Ric-ketts dans cette note donne pour solution de Meyer «autreja» alors que ce dernier a bien écrit «autreia».

85 De ce premier ploramen (Novas, laisse 8, vv. 423-429), l’auteur dit que «ja

(33)

e plora la gran tarda e·ls jorns e·ls ans e·ls mes car non a esplechat sa lucha e sos bes

el servizi de Dieu, don se ten per mespres. Aquel ploramen val a qui obra sa fes: devocios de lagremas, can lo bon cor y es, es mot plazens a Dieu d’aquel cuy es promes; d’aquel parla l’apostol, aichi com escrig es:

In quacumque die invocavero te, etc. 86

Dans ces conditions, la citation du Ps 137.3 (138) selon le psau-tier iuxta Septuaginta (gallican) de la Vulgate permet de donner sa force de preuve au texte biblique cité 87: car elle présente l’effet de

l’ac-tion divine qui soutient l’homme méritant, il ne s’agit ni de futur ni de promesses, mais du compte-rendu d’une action et donc un bien – un exemple – sur lequel peut compter le méritant.

Voilà surtout rétablie en clôture de cette laisse 8, une finale latine en -ute(m) que l’on a aucun mal à faire rimer, à la capcaudada, avec la rime occitane en -ut de la laisse suivante (8). Cette prononcia-tion vulgarisante du latin apparaît comme la norme, au moins à la rime car c’est pour elle que l’on a ici des témoignages probants avec ce texte de Las Novas del heretje. C’est en effet aussi avec une rime

latin/occi-tan que se déroulait déjà les enchaînements capcaudatz des laisses 1 >

2 et 2 > 3, et même dans certaines citations internes aux laisses.

Les laisses 1 > 2, 2 > 3, 8 > 9 présentent donc trois cas de laisses

capcaudadas latin/occitan: deux attestées par le texte de R, et une

que nous rétablissons et qui témoignent de la prononciation du latin en zone d’oc certainement languedocienne par l’auteur des Novas del

heretje.

* * *

86 Novas, laisse 8, vv. 421; 431-442 + citation [la citation suit le vers 442]. 87 La Traduction œcuménique de la Bible cit., donne:

Ps 56.10 (55): «Le jour où j’appellerai, je le sais, Dieu est pour moi»; Ps 102.3 (101): «Le jour où j’appelle vite, réponds-moi»;

Ps 138.3 (137): «Le jour où j’ai appelé et où tu m’as répondu, tu as stimulé mes forces».

Cette fois la numérotation des psaumes est celle du texte hébreu, entre parenthèses se trouve la numérotation correspondante de la Vulgate.

Figure

Tableau 1: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 55.10 (56)  74 Texte de Las Novas
Tableau 2: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 101.3 (102)  77 Texte de Las Novas
Tableau 3: comparaison du texte de Las Novas del heretje et de Ps 137.3 (138)  80 Texte de Las Novas

Références

Documents relatifs

1) Dès la troisième semaine de la rentrée, indiquez votre groupe de travail (2 personnes maximum, 1 possible !) et le métier choisi. 2) Effectuez vos recherches dans les livres

Un tube en U de section uniforme contient du mercure. Dans la branche A, on verse de l'eau; dans la branche B, on verse de l'alcool. On constate que les surfaces libres de l'eau et

La même stratégie (recherche de facteurs du type représentés comme .) peut être appliquée pour traiter Q 2 ; toutefois la chose est plus compliquée à cause de

Des figures sont présentées, mais toutefois pas de manière systématique (par exemple une figure pour la définition d’une rotation, mais pas pour celle des autres

Hubert à deux pas de la Grand Place de Bruxelles, elle ne cesse d'approfondir, dans un esprit d'indépendance et de recherche, sa. vocation de service aux lecteurs et sa curiosité

Je suis constructeur, vous savez que je suis entrepreneur après avoir été dans l'administration et je sais très bien qu'il faut se décider, mais je pense que pour le faire

Il est naturel de vouloir « faire encore mieux » et de chercher à remplacer cet ordre lexicographique par un autre ordre total sur A * qui soit parfaitement adapté aux deux temps de

Gli agenti antimicrobici sono molto diversi per quanto riguarda la tossicità selettiva: alcuni agiscono in maniera poco selettiva, altri sono più selettivi e sono più tossici per