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L'anthropologie sensorielle en France. Un champ en devenir?

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L’anthropologie sensorielle en France. Un champ en

devenir?

Marie-Luce Gélard

To cite this version:

Marie-Luce Gélard. L’anthropologie sensorielle en France. Un champ en devenir?. L’Homme - Revue française d’anthropologie, Éditions de l’EHESS 2016, pp.91-108. �hal-03137592�

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L’

ANTHROPOLOGIEsensorielle1en France n’est pas encore un domaine de recherche2constitué comme le sont d’autres spécialités telles la parenté,

les techniques, la culture matérielle, l’alimentation, etc.

La discipline s’intéresse pourtant aux sens depuis longtemps (Simmel 19913; Lévi-Strauss4), et ils figurent régulièrement dans les ethnographies

classiques, mais ils ne sont pas un objet d’étude en soi. Cette carence est sans nul doute liée à l’absence d’une analyse du corps, laquelle ne survient que tardivement en anthropologie. C’est le texte programmatique de Marcel Mauss, « Les techniques du corps » (1936), qui ouvre ce domaine d’étude devenu, bien plus tard, l’objet d’un véritable renouveau épistémologique5.

C’est au sein de ces recherches sur le corps qu’apparaissent alors en filigrane des analyses sur les sens : corps et ressentis, corps et sensations,

E N Q UE ST IO N

L’anthropologie sensorielle en France

Un champ en devenir ?

Marie-Luce Gélard

Je remercie Armelle Lorcy et Olivier Wathelet pour leurs précieux commentaires. 1. Je ferai quelques incursions sur le terrain des historiens mais limiterai, volontairement, mon propos à l’anthropologie francophone. C’est un double parti pris qui peut sembler surprenant à l’heure de la globalisation, mais il m’a paru essentiel de tenter cet aperçu à la fois historique et ontologique de l’anthropologie sensorielle en France. Certaines études contemporaines comme l’écologie chimique, laquelle fait une part notoire à l’analyse sensorielle, ne seront donc pas abordées (cf. notamment Hossaert-McKey & Bagnères-Urbany 2013) ou celle, déjà ancienne, de l’écologie acoustique ou sonore. Il n’est pas possible de citer tous les anthropologues français qui ont travaillé sur les sens mais le plus souvent de façon secondaire, si bien qu’il reste à créer un espace commun de recherches et d’échanges sur le sujet.

2. On serait même tenté de dire qu’elle n’existe pas, or c’est un champ qui se développe de façon très atomisée, disciplinairement parlant. Car si beaucoup évoquent les sens, l’anthropologie des sens reste peu développée.

3. Georg Simmel influencera fortement l’anthropologie française.

4. Nous renvoyons à l’analyse des corps sensibles entreprise à propos des Nambikwara, dès les années 1950.

5. Ce dont témoigne la somme des références en sciences humaines et sociales parues sur le corps depuis une vingtaine d’années.

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corps et émotions, corps et substances, corps et affects (Héritier 1987 ; Héritier & Xanthakou 2004 ; Godelier 2003 ; Warnier 2009), l’anthropologie ne pouvant plus se limiter à une étude dans laquelle « la structure sociale serait totalement découplée de la façon dont les indi-vidus vivent et ressentent leur corps et leurs affects » (Héritier 2004 : 7)6.

Malgré cette invitation, l’analyse ethnologique des sens et des langages sensoriels demeure, en France, un domaine guère investi. L’anthropologie s’y attache peu, exception faite des études sur l’odorat et le parfum qui se développent, elles, à partir des années 1980 autour de la philosophie des odeurs7.

Font exception également les travaux sur la couleur qui ont beaucoup alimenté les années 1970 (Tornay 1973 ; Tornay, ed. 1978 ; Dupire 1987), précisément pour soutenir une approche ethnographique de cette question, traitée outre-Atlantique par les seules approches expérimentales.

C’est ensuite par l’étude des émotions8 que les sens seront le plus

souvent abordés (Schaal, Ferdenzi & Wathelet : 2013)9. Mais,

l’anthro-pologie des émotions, si elle a à voir avec les sens, est bien différente de l’anthropologie sensorielle stricto sensu.

Les prémisses d’une anthropologie historique des sens

Ce sont les historiens qui ouvrent la voie avec l’étude des sensibilités, ainsi Lucien Febvre et son fameux « appel »10de 1941. Plus tard, Robert

Mandrou évoquera une « histoire essentielle qui finira bien par acquérir droit de cité, un jour ou l’autre, après l’histoire économique et sociale » (1959 : 581).

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6. L’équipe interne du Laboratoire d’anthropologie sociale « Anthropologie du corps et des affects » sous la direction de Françoise Héritier (Collège de France) a souligné cet intérêt nouveau des anthropologues. Cf. également François Laplantine (2005).

7. Cf. : Corbin (198)2 ; Le Guérer (1988) ; Roubin (1989). Et aussi : Rey-Hulman & Boccara (1999) ; Musset & Fabre-Vassas (1999) ; Rasse (1987) ; Méchin, Bianquis-Gasser & Le Breton (1998) ; Bonnet (1990). Et plus récemment, les recherches de Chantal Jaquet (2010 et 2015). 8. Le lien avec les émotions est également traité par les ethnomusicologues (sons/émotions) avec le concept d’« émotion musicale ». Je renvoie au numéro spécial des Cahiers d’ethnomusicologie intitulé « Émotions », paru en 2010. Cf. également l’article d’Armelle Lorcy (2012) sur la produc-tion sonore d’une émoproduc-tion avec la participaproduc-tion des enfants en contexte de rituels funéraires. 9. Dans cet ouvrage, un sens va se décliner en lien avec un autre champ de recherche : l’anthro-pologie des émotions. Les études de ce type se développent comme l’attestent les différents textes cités en introduction, en grande majorité anglo-saxons.

10. Lucien Febvre (1941) écrivait qu’il était nécessaire de faire une place aux recherches sur les sentiments, les émotions et les passions collectives car, tant que ces travaux nous feront défaut, il n’y aura pas d’histoire possible. Cf. également le numéro récent de la revue Vingtième Siècle, consacré à l’histoire des sensibilités (2014) et qui évoque cet historien précurseur, avec son ouvrage

Le Problème de l’incroyance au XVIesiècle. La religion de Rabelais (1942).

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L’histoire des sensibilités inaugure donc l’espace des recherches sensorielles, comme l’explique Alain Corbin (1990, 1992) qui retrace, en détail, l’aventure de la reconstitution de l’usage des sens aux XVIIIe et XIXe siècles. Les historiens s’attachent à restituer des univers sensoriels : sonores (Thuillier 1977 ; Corbin 1994) et odorants (Corbin 1982), illustrant la transformation des seuils de tolérance olfactive et auditive.

L’histoire des sens continue dès lors de se développer. Christophe Granger évoque néanmoins la tâche immense qu’il reste à accomplir pour renseigner les modes d’inculcation des usages sensoriels, l’éducation des sens, les compétences perceptives11… :

« Brouillant les lectures qui opposent si facilement l’individuel et le collectif, le naturel et le social, la réalité et les représentations de la réalité, l’histoire des sens montre combien les pratiques sensorielles, produit d’une histoire sociale, comptent à leur tour parmi les grands principes de mise en ordre du monde » (2014 : 10).

Le programme est ambitieux. Mais il s’agit d’histoire et non d’anthropologie. Celle-ci ne va pas s’emparer du domaine et les recherches vont demeurer éparses12. Citons encore l’histoire du goût en lien avec celle de

l’alimenta-tion poursuivie par Jean-Louis Flandrin et Massimo Montanari (1996). Si les food studies se multiplient en France, elles font curieusement peu de place13

à l’étude sensorielle du goût, comme le relève Viktoria von Hoffmann (2013 : 19), se limitant à l’alimentation et à la cuisine. Là encore, les recherches outre-Atlantique notaient déjà, il y a plus de vingt ans, l’importance d’une attention à d’autres hiérarchies sensorielles14.

Les études sensorielles vont surtout, répétons-le, se situer dans le sillage de l’histoire des sensibilités (Granger & Mazurel : 2014), et bien avant, dans celui des sensualistes (la philosophie de la connaissance)15. Dans les

cercles littéraires et artistiques, l’impressionnisme de la fin du XIXe siècle faisait une large place à la sensation et à d’autres évocations sensorielles16

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11. Christophe Granger souligne encore que l’histoire des sensibilités au XXe siècle reste à

entreprendre (2014 : 5).

12. Il serait intéressant de faire l’analyse des thèses soutenues en France sur le sujet, des articles et des colloques. L’éparpillement des publications ne signifie pas nécessairement que la recherche n’en bénéficie pas de façon cumulative. Je remercie Olivier Wathelet pour cette remarque.

13. Relevons quelques exceptions comme les travaux d’Armelle Lorcy (2010 et 2011) sur les odeurs, les goûts et les dégoûts chez les Noirs descendants d’esclaves africains et les Indiens Chachi d’Équateur. Cf. aussi le numéro thématique de la revue Anthropology of Food, « Croquant, croustillant, un rêve de consistance », édité par Virginie Amilien et Anne-Elène Delavigne (2003). 14. On pourra, par exemple, se reporter au texte de Paul Stoller et Cheryl Olkes (1990), à propos de l’instrumentalisation du goût comme révélateur des positions sociales au Niger et, naturellement, au texte fondateur de David Howes (1990).

15. Et bien sûr Maurice Merleau-Ponty (1945), sans oublier le Traité des sensations d’Étienne Bonnot de Condillac (1923 [1755]).

16. Je remercie Olivier Sirost pour ses remarques.

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qui préfigurent sans doute une attention accrue aux sens. Historiens et philosophes s’emparent des sens, rappelons qu’ils développent une hiérar-chie qui a distingué une sensorialité « basse » d’une sensorialité « haute », reprenant les distinctions d’Aristote, aujourd’hui traduites en termes de « sens à distance » (la vue, l’odorat et l’ouïe) et de « sens de contact » (le goût et le toucher). La philosophie historique donne des informations sur ces hiérarchies sensorielles à différentes époques, permettant de mieux comprendre le privilège accordé à tel ou tel sens, car plus proche des acti-vités de l’esprit, par exemple. Or, ces hiérarchies sensorielles dépendent d’univers culturels spécifiques qu’il appartient à l’anthropologie de décrire.

Les “recherches pinagotiques” et la micro-storia

Les « recherches pinagotiques » (voir Ruralia 1998) sont le nom donné par un groupe de ruralistes français à un univers d’études ouvert après la parution de l’ouvrage d’Alain Corbin en 1998, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Ce livre a valu à son auteur la critique parfois acerbe des historiens avant de devenir un ouvrage majeur de l’histoire sociale. Dans cet ouvrage, Alain Corbin défend un projet historique spécifique en inversant les procédures de l’histoire sociale « classique » où l’on étudie le peuple et les élites. Il choisit de s’intéresser à l’atonie des existences ordinaires et d’écrire « sur les engloutis, les effacés » (Ibid. : 8). L’ouvrage, qui n’est pas à proprement centré sur les sens, y fait constam-ment référence (paysages visuel, sonore et auditif du héros Louis-François Pinagot, habitant du Perche au XIXe siècle). La démarche de Corbin, inspirée de ses travaux antérieurs, sera de reconstituer, au plus près, les réalités et les univers sensoriels vécus.

L’histoire des sensibilités modifie le paysage des recherches. À la même période, la microhistoire naissante (Ginzburg 1980, 1983, 1984, 1989, 1992 et 1997 ; Revel 1996 ; Levi 1989 ; Grendi 1996) fait une place notable, quoique non centrale, aux analyses sensorielles. La micro-storia débute en Italie dans les années 1970 par les questionnements d’un petit groupe d’historiens autour de la revue Quaderni Storici, l’un des lieux « centraux du débat historiographique » (Revel, ed. 1996 : X). La démarche très empirique explique « qu’il n’existe guère de texte fondateur, de charte “théorique” de la micro-histoire » (Ibid. : 16). Le recueil de Carlo Ginzburg (1989) sur le « paradigme indiciaire » tentera de formuler ce nouveau paradigme historique.

L’approche microhistorique qui émerge en France dans les années 1980 fut considérée comme révolutionnaire, dans la mesure où elle remettait en cause les fondements à la fois théoriques et méthodologiques de l’histoire 94

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dite « conventionnelle » et pas seulement de l’histoire mais aussi de l’ensemble des sciences sociales.

C’est dans ce contexte intellectuel qu’apparaît un intérêt accru pour les sens, sensations, manifestations et expressions sensorielles, lesquels ne peuvent être perçus que par une attention fine et délicate à des micro-événements. Ces études sont à l’origine de ce qui deviendra plus tard une « anthropologie historique des sens » (Corbin 1990), qui estampillera les recherches sur les sens.

Les sens : inter, intra ou pluridisciplinarité ?

En 1990, la parution du numéro spécial « Les “cinq” sens » de la revue Anthropologie et Sociétés pointe le champ des recherches sensorielles (Howes, ed. 1990). Ces dernières sont en effet bien institutionnalisées outre-Atlantique, avec le groupe Sensory Studies (piloté par la Concordia University et l’Université de Copenhague)17, avec la revue The Senses & Society, et le Sensory Ethnography Lab18de l’Université de Harvard. Plus

récemment se sont ajoutés, en Asie, l’International Sociological Association et le groupe TG07 Senses and Society19, sous la direction de Kelvin Low

(Université de Singapour)20.

Le monde anglo-saxon s’intéresse aux univers des sens depuis plusieurs décennies21au point de faire déjà l’histoire de l’histoire des sens :

« The period from 1920 to 2000 was not only one of dramatic and rapid changes in the material and cultural life of the senses, it was also, and as a result, one of important developments in ways of thinking about the senses » (Howes 2014 : 27).

Le monde francophone reste, lui, plus dispersé (Colon 2013 : 7). En 2010, un colloque organisé par les Universités de Liège22et de Bruxelles a

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17. Un site internet leur est d’ailleurs consacré (www.sensorystudies.org).

18. Les activités de ce laboratoire sont consultables à l’adresse suivante : sel.fas.harvard.edu. 19. Le site internet est consultable à l’adresse suivante : www.isa-sociology.org/tg07.htm. 20. Cf. notamment Kelvin Low (2009).

21. C’est le numéro spécial de la revue Anthropologie et Sociétés qui marque en quelque sorte la « naissance » de l’anthropologie des sens. Il y est déjà question du conditionnement des sens par la culture, comme le montre Constance Classen (1990) à propos des enfants sauvages. À tel point, écrit-elle, que l’intégration dans une culture nécessite « d’adopter son ordre sensoriel ». Les études franco-phones vont se développer un peu sur cette ligne, mais toujours du seul point de vue historique. 22. Un groupe de recherche « Cultures sensibles » vient de s’y constituer (web.philo.ulg.ac.be/ culturessensibles/) dans une optique différente de la « culture sensible », laquelle est définie comme un concept qui « émane du croisement des études récentes sur la culture matérielle et de l’analyse anthropologique et historique des sens » (Howes & Marcoux 2006 : 7). Rappelons les liens déjà établis entre sens et culture matérielle outre-Atlantique versus « marketing multisensoriel ». Cf. le numéro thématique intitulé « Culture sensible » de la revue Anthropologie et Sociétés, paru en 2006.

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eu précisément pour objectif de réunir les chercheurs francophones et leurs homologues anglo-saxons23.

La réticence des anthropologues et des historiens à s’inscrire dans des « écoles » de pensée explique, au moins en partie, qu’ils se tiennent à distance. La microhistoire est avant tout une démarche méthodologique en construction, en élaboration constante. Les textes fondateurs (Revel, ed. 1996 et Revel 1997 ; Ginzburg & Poni 1981) soulignent la crainte des auteurs à l’idée de devenir un courant « dogmatique ».

De plus, en France, l’étude des sens s’est longtemps vue cantonnée au domaine du biologique, des sciences naturelles, reléguant son usage à des stimuli sans lien avec les univers culturels. Les sciences cognitives et les neurosciences sont très développées, mais elles ont pour unique ancrage le réalisme cognitif occidental et ses a priori sur la perception sensorielle du monde – à la notable exception toutefois de l’ouvrage dirigé par Danièle Dubois (1997).

Parallèlement, l’écologie de la perception prend son essor, sous l’influence des travaux de Tim Ingold. Mais celui-ci ne fait pas l’unanimité parmi les anthropologues français, précisément parce que l’ethnographie et la comparaison culturelle sont souvent le parent pauvre de ses textes. Pourtant, Tim Ingold (2000) a montré tout l’intérêt de la pluridisciplinarité dans la perception de l’environnement. L’anthropologie souligne que les modes d’appréhension et de perception fondés exclusivement sur les dualismes occidentaux sont illusoires (voir notamment Descola 2005). Ce sont des orientations anthropologiques distinctes.

Les sens fonctionnent et sont stimulés par des conditions culturelles spécifiques, c’est l’objet même de l’anthropologie des sens. Mais ces sens sont aussi inscrits dans la « subjectivité du processus perceptif lui-même » (Wathelet 2012 : 128). Il conviendrait d’unir, écrit Olivier Wathelet, ces deux points pour parvenir à une véritable « ethnographie cognitive des perceptions ». L’anthropologie sensorielle peut-elle faire l’économie des connaissances approfondies des mécanismes cognitifs de la perception ? Ou bien ces derniers n’ont-ils, en définitive, rien à voir avec les savoirs sensoriels et leurs manifestations tels que les renseigne l’anthropologie sensorielle ? Ce débat, très présent dans l’univers de la recherche anglo-saxon (Colon 2013), semble aujourd’hui se prolonger dans certaines études en France24. La discussion est importante mais se trouve clivée par

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23. « Rencontres sensorielles/Sensory Meetings : les sens et les sciences sociales », colloque co-organisé par le Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle, Université de Liège (LASC) et le Laboratoire d’anthropologie des mondes contemporains, Université libre de Bruxelles(LAMC), les 27-29 septembre 2010. Les actes ont été publiés en 2013, sous la direction de Paul-Louis Colon. 24. Je renvoie au texte d’Anthony Pecqueux (2013) sur la philosophie de la perception et l’apport de John Langshaw Austin à « l’ethnographie de la perception ».

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des orientations et des choix disciplinaires. Or, la « description ethnogra-phique des compétences perceptives » (Wathelet 2013 : 173) est possible sans opposer anthropologie et sciences cognitives, à condition que l’ethnographie soit la base de l’analyse et non celle d’un savoir exogène importé, comme on le constate souvent. Il y a un intérêt à la pluridisci-plinarité si elle ne lèse pas les caractéristiques disciplinaires elles-mêmes. C’est un constat évident car, lorsque l’anthropologie ne repose plus sur des ethnographies, elle perd son propre intérêt disciplinaire. L’anthropologie des sens n’est pas celle des émotions, ni de la perception ; elle doit se distinguer de l’histoire, de la philosophie, de la sociologie et des autres disciplines. Nous entendons l’étude des sens comme un outil de compréhension des univers culturels.

La particularisation sensorielle française

Revenons au paysage anthropologique français où, de façon fragmentée les recherches s’attachent particulièrement à un sens, celui de l’odorat, au sujet duquel les études se sont développées de façon continue depuis une trentaine d’années25. Plus récemment, le goût a été ethnographié (Dupire

1987 ; Aubaile-Sallenave 2000 ; Teil 2004 ; Lorcy 2011 ; von Hoffmann 2013). Soulignons le numéro remarquable de la revue Terrain sur le toucher, paru en 2007, dont l’introduction de l’anthropologue Christian Bromberger (2007 : 6), qui évoque la « dévalorisation croissante de la tacti-lité » dans nos sociétés. Il appelle de ses vœux à une analyse de la diversité sensorielle du toucher comme un « véritable champ anthropologique » (Ibid. : 10). Ce numéro illustre pleinement tout l’attrait des ethnographies qui nous renseignent sur les significations sociales du toucher : pudeur, hiérarchie, hospitalité, solidarité, qui ont leurs « expressions tactiles » (Ibid.). La revue Terrain avait aussi proposé un numéro spécial sur l’odeur en 2006 (Balsamo 2006). Donc, loin de délaisser l’objet sensoriel, les anthropologues s’y intéressent aujourd’hui davantage.

Toutefois, les auteurs des publications suscitées sont rarement des spécialistes des sens. J’ai pu réaliser cette belle aventure collective de demander à des anthropologues, historiens, archéologues et philosophes de renseigner, sur leur propre terrain, les usages et les langages des sens. Les langages sensoriels décrits ont dévoilé des clés d’entrée et d’analyse susceptibles de servir d’outils méthodologiques à l’anthropologie sensorielle (Gélard, ed. 2013). Citons, par exemple : l’interrogation des témoignages

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25. Cf. : Detienne (1972) ; Blanc-Mouchet (1987) ; Le Guérer (1988) ; Roubin (1989) ; Albert (1990 et 2007) ; Rey-Hulman & Boccara (1999) ; Musset & Fabre-Vassas (1999) ; Candau (2000) ; Lardellier (2003) ; Cobbi & Dulau (2004) ; Balsamo (2006).

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archéologiques, littéraires et historiques, de l’usage des sens ; la description en action des sens, c’est-à-dire ceux-ci pris à la fois comme objet et comme méthode d’analyse ; ou encore les sens en interaction (intersensorialité humaine ou esprit multisensoriel).

Notons également l’ouvrage collectif paru en 1998, Anthropologie du sensoriel (Méchin, Bianquis-Gasser & Le Breton 1998), qui démontre la portée d’une ethnographie des univers sensoriels dans une perspective comparative. Le sociologue David Le Breton (2006)26aborde quant à lui

les cinq sens d’un point de vue socio-anthropologique27, cependant

éloigné d’une anthropologie sensorielle avec pour objectif premier la description des sens.

Dans cette particularisation d’un sens, se place le CRESSON(Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain)28, qui se focalise

sur le sonore, même s’il met en avant d’autres aspects sensoriels29.

L’anthropologie des « univers sonores », l’étude des « soundscape » (Feld 1982)30, « paysages sonores »31 diluent l’individu dans des « ambiances »

d’où l’ethnographie disparaît. Or, le sonore est au contraire, selon Olivier Féraud (2013a : 128), porteur de représentations et d’appartenances culturelles, témoin de relations sociales à une échelle microsociologique (voir le groupe MILSON)32. Il est possible de faire « l’anthropologie du sonore » (Féraud 2013b). Comme l’écrit Philippe Descola :

« […] il ne faut pas confondre environnement sonore et paysage sonore : l’environne-ment sonore est l’ensemble des sons perçus par un individu en un temps et un lieu donnés, tandis que le paysage sonore exige une approche réflexive rendue possible par

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26. Signalons d’autres textes du même auteur dans lesquels les univers sensoriels sous-jacents entrent dans l’ethnographie des sens (Le Breton 2003).

27. Il s’agit d’une synthèse de réflexions sur différents terrains sensoriels. Cependant notre critique porte ici sur une sorte de logique du « grand partage culturel », que nombre d’anthropologues récusent, entre populations dites « traditionnelles » et « Occidentaux », avec d’un côté des sociétés vivant dans des univers équilibrés sensoriellement alors que nous serions dans une sensorialité occidentale appauvrie.

28. Le site de ce centre de recherche est consultable à l’adresse suivante : www.cresson.archi.fr/ 29. Voici ce qu’on peut lire sur le site : « Tout d’abord centré sur l’espace sonore, le laboratoire CRESSONa étendu, à partir des années [19]90, ses investigations aux multiples dimensions de la perception in situ et des pratiques des espaces bâtis, tout en interrogeant et en expérimentant l’instrumentation de l’environnement sensible dans le projet architectural et urbain. Poursuivant les travaux sur la dimension sonore, les recherches abordent les phénomènes lumineux, thermiques, olfactifs, tactiles et kinesthésiques. Elles s’appuient sur des méthodes pluridisciplinaires originales à la croisée de l’architecture, des sciences humaines et sociales et des sciences pour l’ingénieur ». 30. Cf. l’ouvrage collectif dirigé par Guillaume Faburel (2014) qui substitue à « soundscape » le terme de « soundspace ».

31. Plus souvent étudiés par les sociologues, géographes et historiens que par les anthropologues. 32. Cf. MILSON. Pour une anthropologie des milieux sonores [http ://milson.fr/].

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la capture et la discrétisation du premier au moyen d’enregistrements réécoutables à volonté et permettant de ce fait une expérience sur l’écoute et une structuration consciente de l’espace acoustique » (2013 : 654).

Ces études ethnographiques sont peu développées en France mais elles orientent une anthropologie sensorielle en devenir33. Les sens sont d’utiles

indications qui dépendent étroitement d’univers culturels et temporels spécifiques au sein desquels les individus sont immergés. Là encore, l’ethnographie des sens et des langages sensoriels demeure morcelée34.

C’est particulièrement le cas du rôle du sensoriel face à la maladie35sous

l’angle de l’utilisation thérapeutique des sens (Motte-Florac 1998). Dans de récentes recherches, l’accent est mis sur le « toucher thérapeutique »36.

Il s’agit aussi bien du toucher employé dans la pratique du reiki (Paterson 2007), du « toucher soignant » (Field 2001 ; Classen 2005 ; Vinit 2007a et b ; Le Breton 2011), du « toucher ostéopathique » (Gergaud 2008), que du « toucher guérisseur » (Le Breton 2011). La pratique adoptée nécessite la maîtrise fine de gestes tactiles ou de techniques de soins (Pouchelle 2007). Quelle que soit l’approche adoptée sur le toucher thérapeutique, la dimension affective (en termes d’empathie, de réassurance, de soulage-ment, d’apaisesoulage-ment, etc.) se présente souvent comme une dimension centrale de l’analyse. Si, dans le contexte de la santé, le toucher suscite beaucoup d’intérêt, l’odorat et surtout le goût font à présent l’objet de recherches plus importantes quand il s’agit de maladies chroniques. C’est à partir de la prise en compte des problèmes de dénutrition de patients traités pour un cancer que s’opère notamment l’analyse du rôle du sensoriel dans les troubles alimentaires ressentis (Jakubowicz 2006 ; Fontas et al. 2014 ; Lorcy 2014). En d’autres termes, ces travaux permettent de mieux saisir l’expérience sensorielle, alimentaire voire sociale du cancer et de certains traitements anticancéreux. Ces recherches sur le sensoriel thérapeutique restent amplement à approfondir et à développer, mais c’est là une orientation thématique importante pour l’anthropologie des sens. La géographie humaine s’est aussi intéressée aux sens (Poiret 1998 ; Grésillon 2005). L’ouvrage pionnier de Robert Dulau et Jean-Robert Pitte paru en 1998 a déterminé quelques principes :

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33. Cf. Olivier Féraud (2010). Nous renvoyons également à Joël Candau et Marie-Barbara Le Gonidec (2013) ainsi qu’au débat critique à propos du terme même de « paysage sonore » (Ingold 2007) faisant du son un phénomène de l’expérience. Ce qui était aussi souligné dans le numéro de Communications avec les « langages sensoriels » (Gélard & Sirost 2010).

34. Je renvoie au numéro spécial de la revue The Senses and Society (Gélard 2016). 35 Je remercie Armelle Lorcy pour ses indications précieuses.

36. Cet intérêt existe déjà dans les écrits de chercheurs anglophones (« therapeutic touch ») et de ceux issus d’autres disciplines (psychomotricité, philosophie, par exemple).

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« La géographie des odeurs repose sur des fondements parfaitement objectifs, relevant de la physique, de la chimie, de la biologie. Les superstructures, quant à elles, sont d’ordre culturel et rendent donc les analyses complexes, puisque la perception varie d’un individu à l’autre, d’une société à l’autre et que, derrière les dilections, les répulsions et les indifférences, on trouve de l’éducation, de l’imaginaire et de la liberté. Aucune dif-férence, on le voit avec les autres géographies des perceptions sensorielles : vue et pay-sages, très étudiés, goût et saveurs, ouïe et sons, beaucoup moins, toucher et sensations de la peau, pas du tout » (Ibid. : 7).

Mais la géographie n’est pas l’anthropologie…

Mentionnons encore le livre de Nélia Dias, La Mesure des sens (2004), sur la façon dont les anthropologues français du XIXesiècle ont appréhendé la hiérarchie sensorielle et ont appliqué leur vision du monde aux peuples dits alors « primitifs ». L’ouvrage développe surtout une anthropologie historique de la mesure des corps, instrument scientifique au service de la domination coloniale, qui s’est diffusée en lien avec la classification raciale. Aujourd’hui, l’anthropologie sensorielle s’attache à comprendre comment les manifestations sensorielles nous renseignent sur la manière dont les individus utilisent les langages sensoriels comme outils de communication et d’information, et comme moyen d’être au monde. C’est dans la perspective d’une combinatoire des sens, d’un diapason (Gélard & Sirost 2010 : 12) que certaines recherches se déploient. Il s’agit dès lors de s’intéresser aux pratiques des individus et des sociétés que l’on décrit et non de projeter des modèles sensoriels exogènes. Si les sens colorent les relations et les univers culturels d’une façon particulière, il faut entreprendre cette description fine et attentive en se dégageant de nos préjugés sensoriels.

Penser les sens comme un langage, non verbal mais essentiel à la communication, reste une entreprise délicate qui suppose une connaissance approfondie et intime des cultures. Les a priori sensoriels nécessitent une mise à distance et une anthropologie du « dedans ». Les hiérarchies sensorielles exemplarifient ce principe de l’anthropologie. Notre naturalisme occidental (Descola 2005) imprègne toutes nos catégories de pensées, y compris notre modèle scientifique et nous empêche de concevoir qu’il puisse exister d’autres modalités d’être au monde, au sein desquelles les univers sensoriels sont vécus et utilisés diversement : monde animé, inanimé, humain, animal, naturel, surnaturel, etc. L’anthropologie senso-rielle, fondée sur des ethnographies fines, est de ce point de vue cruciale pour cerner et comprendre d’autres façons de voir et donc de se représenter le monde. Les techniques du corps et les techniques des sens (Howes 1990) dépendent des environnements et des acquisitions culturelles. Nos sens produisent signes et symboles à travers les gestes, les postures et 100

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les expressions qu’ils provoquent. Les enquêtes anthropologiques ont ainsi pu démontrer l’impact du sensoriel sur la mémoire des groupes sociaux, le primat d’une expression des sens, l’interaction des sens entre eux et non leur isolement.

En fin de compte – et c’est tout l’enjeu et l’intérêt de cette anthropologie sensorielle française naissante –, les sens s’insinuent lentement mais durablement dans les univers de recherches et ouvrent des perspectives nombreuses. Par leur faculté à exprimer une information spécifique, les sens renseignent sur et à propos des sociétés au sein desquelles l’anthropologue les examine. Les sens s’identifient par et dans des manifestations singulières (visuelles, auditives, olfactives, etc.) qu’il nous faut décrire et décoder. Il est nécessaire pour cela d’être à même de repérer des attitudes qui, le plus souvent, échappent à l’observation ethnogra-phique tant elles semblent anodines et fortuites. Le discours des individus est difficile à recueillir sur cet usage des sens, car il n’est point besoin de nommer des univers ressentis qui agissent à l’insu même de chacun. C’est sous cet angle méthodologique d’un décryptage des sens et de leur diversité que se situent les approches anthropologiques les plus fécondes.

Institut universitaire de France Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité Centre d’anthropologie culturelle (CANTHEL), Paris

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