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Les personnes non-représentées par avocat devant les tribunaux judiciaires civils

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

© Kenza Sassi, 2018

Les personnes non-représentées par avocat devant les

tribunaux judiciaires civils

Mémoire

Kenza Sassi

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

(2)

Les personnes non-représentées par avocat devant les

tribunaux judiciaires civils

Mémoire

Kenza Sassi

Sous la direction de :

(3)

iii

Résumé du mémoire

Ce mémoire traite des personnes non-représentées par avocat devant les tribunaux judiciaires civils. Il propose une théorisation de ce phénomène pour mieux permettre de comprendre ses répercussions pratiques.

Ce mémoire vise tout d’abord à examiner les sources juridiques de la non-représentation par avocats devant les tribunaux civils, notamment par l’analyse des dispositions législatives du Code de procédure civile qui instituent cette possibilité. Il cherche aussi à cerner les raisons qui sous-tendent le choix de ces justiciables, le rôle des intervenants du système judiciaire face aux personnes non-représentées et la façon dont le fonctionnement actuel des cours de justice et le système judiciaire tout entier composent avec ce phénomène. Nous souhaitons ainsi mettre en lumière les difficultés auxquelles font face les personnes non-représentées par avocat devant les tribunaux, mais aussi les difficultés et les conséquences de cette autoreprésentation en regard des autres acteurs du système judiciaire.

Mots-clés : autoreprésentation, procédure civile, non-représentation

(4)

iv

Abstract

The present thesis concerns unrepresented litigants in civil courts. Our objective is to develop a theory for self-representation in order to better understand its practical implications.

We will first examine the legal sources for unrepresented litigants in civil courts by analyzing the legislative provisions outlined in the Code of Civil Procedure that allow for self-representation. We will also identify the underlying reasons that individuals appearing in the courts choose this option, the role of those who work in the justice system regarding unrepresented litigants, and the place of these cases in the current courts of justice and in the legal system as a whole.

We will thus shed light on some of the difficulties that unrepresented litigants face in court, and also the difficulties and resulting consequences for other actors in the judicial system in cases of self-representation.

Keywords: self-representation, civil procedure, unrepresented litigants

(5)

v

Tables des matières

Résumé du mémoire... iii

Abstract ... iv Abréviations ... viii Remerciements ... ix Introduction ... 1 Présentation de l’auteure... 2 La problématique ... 2 La méthodologie ... 3

Les sections du mémoire... 4

1. L’autoreprésentation ... 5

1.1 État actuel de l’autoreprésentation ... 6

1.1.1 Choix des termes « personnes non-représentées par avocat » et « autoreprésentation » ... 6

1.1.2 Statistiques et ampleur de l’information disponible ... 7

1.2 Fondement juridique ... 12

1.2.1 Source législative ... 12

1.2.2 Historique ... 16

1.2.3 Ordre public ... 18

1.3 Situation en dehors du Québec... 21

1.3.1 Reste du Canada ... 21

1.3.2 Europe ... 22

1.3.3 États-Unis, Angleterre et Australie ... 23

1.4 Traitement jurisprudentiel québécois ... 27

1.4.1 Décisions traitant de l’autoreprésentation ... 27

(6)

vi

2. Les PNRA ... 33

2.1 Esquisse d’un profil type ... 34

2.1.1 Profil type d’une PNRA ... 34

2.1.2 Catégories de PNRA ... 37

2.2 Raisons qui sous-tendent l’autoreprésentation ... 39

2.1.1 Choix ou obligation ? ... 39

2.1.2 Raisons financières ... 41

2.2.3 Accès facilité à l’information ... 43

2.2.4 Choix idéologique, raisons psychologiques ou autres ... 45

2.3 La quérulence ... 48

2.3.1 Mythe ou réalité ... 49

2.3.2 Impact sur l’image des PNRA ... 52

3. Les PNRA et leur relation avec le système judiciaire ... 54

3.1 Les juges ... 57

3.1.1 Lignes directrices ... 58

3.1.2 Rôle, risques et inconvénients ... 61

3.2 Les avocats ... 69

3.2.1 Rôle ... 70

3.2.2 Difficultés déontologiques, risques et inconvénients ... 75

3.3 Les autres acteurs du système judiciaire ... 79

3.3.1 Les greffiers et le personnel des palais de justice ... 80

3.3.2 Les autres parties impliquées ... 83

3.4 Le législateur, le gouvernement et le Barreau du Québec ... 88

3.4.1 L’accès à la justice... 89

3.4.2 Les démarches entreprises ... 91

3.5 Les PNRA et la société ... 95

(7)

vii

Conclusion ... 103 Bibliographie ... 105

(8)

viii

Abréviations

al. alinéa

art. article

CcQ Code civil du Québec

Cpc (2003) Code de procédure civile (précédent)

Cpc Code de procédure civile (actuel)

CSC Cour suprême du Canada (référence

neutre)

Éd.

édition

Ibid. ou id. Ibidem ou idem

p. page

para. paragraphe

PNRA personne non-représentée par avocat

préc. précité

R. la Reine

S.A. Sans auteur

suiv. suivant ou suivante

(9)

ix

Remerciements

Je complète aujourd’hui un mémoire de maîtrise, moins de deux ans depuis mon admission à l’Université Laval. Quatre de ces cinq sessions ont été complétées conjointement à ma pratique d’avocate. Ce faisant, je ne pense pas qu’un si ambitieux projet aurait pu être complété sans l’aide et le soutien de plusieurs personnes.

Je tiens à exprimer mes sincères remerciements à toute l’équipe du cabinet Joli-Cœur Lacasse, s.e.n.c.r.l., pour m’avoir encouragée dans la poursuite de mes études. La flexibilité accordée à mon horaire et l’intérêt marqué pour mes recherches m’ont démontré à quel point les valeurs d’excellence et d’engagement du cabinet y sont réellement ancrées. Je remercie tout particulièrement Me Éric Beauchesne pour sa vision du droit qu’il transmet sans relâche aux jeunes recrues et Me Stéphan Samson pour avoir été un exemple de rigueur… et pour son amour du droit procédural!

L’aspect pratique et concret du présent texte n’aurait pu être possible sans la participation de juges et de membres du personnel des palais de justice. Leur anonymat devant être conservé, je me contente de souligner la générosité dont ils ont fait preuve.

Il ne fait aucun doute que le soutien financier que j’ai reçu a grandement facilité la transition vers un retour aux études à temps plein. À cet effet, je remercie la Chaire de rédaction juridique Louis-Philippe-Pigeon, le Fonds Thérèse-Rousseau-Houle en droit civil, ainsi que la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval.

Je tiens aussi à exprimer ma gratitude à l’égard de ma directrice de mémoire, Me Sylvette Guillemard, pour ses enseignements, sa rapidité d’exécution et les nombreux apports à ma réflexion et mon développement en tant que chercheure. Mme Guillemard a joué un rôle déterminant dans la réussite de mes études et dans leur poursuite.

Finalement, les derniers remerciements reviennent à mes proches qui m’ont offert tant d’encouragements dans les derniers deux ans. Nohé & Leigh, Laurence, Marjorie, Mélissa, Gabriel et mes parents. Vos convictions inébranlables en mes capacités m’ont donné, à moi aussi, envie d’y croire.

Kenza Sassi 24 avril 2018

(10)

x

« Only too often the litigant in person is regarded as a problem for judges and for the court system rather than the person for whom the system of civil justice exists. » - Lord Woolf

(11)

1

Introduction

En 2018, il ne fait plus aucun doute que l’autoreprésentation devant les tribunaux civils est un phénomène en croissance pour lequel rien de laisse présager un quelconque ralentissement. Malgré cela, encore bien peu des parties prenantes du système judiciaire québécois semblent conscientes de cette réalité. L’autoreprésentation est un sujet encore peu étudié en droit civil. Pour tenter d’offrir un peu plus de contenu sur le sujet, ce mémoire traite des personnes non-représentées par avocat1 devant les tribunaux judiciaires civils. Il offre une théorisation de ce phénomène et tente de mieux comprendre ses répercussions pratiques.

Afin de compléter le projet, une analyse des sources législatives, de la jurisprudence et de la doctrine sur l’autoreprésentation a été menée. Actuellement, très peu d’ouvrages sont disponibles sur le sujet dans la doctrine québécoise. Les documents répertoriés s’adressent souvent aux avocats ou aux juges pour les diriger en cas de litige où une PNRA est présente. Ils étudient les positions à prendre d’un point de vue déontologique ou encore, ils établissent les obligations des juristes placés dans une telle situation. Ces outils sont importants pour les praticiens, mais peu informatifs sur le sujet de l’autoreprésentation comme phénomène important. Sans cette information, beaucoup d’incompréhension subsiste chez les juristes impliqués dans un processus avec une PNRA et cela laisse place à de la désinformation. Quant aux courts documents adressés directement aux PNRA, ils les dirigent bien souvent vers des services d’avocat ou leur donnent de l’information très sommaire sur le processus judiciaire.

Les solutions qui semblent être considérées par le législateur et les organes gouvernementaux tendent à faciliter l’accès aux services juridique, par exemple par l’abaissement des paliers d’accès à l’aide juridique. Bien que ces mesures soient louables, nous croyons qu’une meilleure compréhension du phénomène s’avère nécessaire si le système judiciaire souhaite réellement s’adapter à cette nouvelle réalité.

1

Ci-après « PNRA », pour une explication sur le terme désignant ces personnes et le phénomène de l’autoreprésentation, voir infra, section 1.1.1 Choix des termes « personnes non-représentées par avocat » et « autoreprésentation » (p. 7).

(12)

2

C’est donc dans ce contexte que nous abordons le phénomène des PNRA devant les tribunaux judiciaires civils.

Présentation de l’auteure

Nous avons pratiqué comme avocate quelques années avant de nous concentrer à temps plein sur nos études supérieures. Ce faisant, nous avons été bien placée pour discerner toute la complexité du système.

Pour les profanes en droit qui souhaiteraient défendre leurs droits civils seuls, le système est bien souvent trop complexe, trop lourd, trop coûteux et trop long. Or, l’accès grandissant à l’information juridique peut laisser croire le contraire à un œil inexpérimenté, qui finira inévitablement par s’en apercevoir à son propre détriment. Cette situation mérite tout au moins que l’on s’y penche pour tenter d’en comprendre les engrenages et d’envisager des pistes de solutions viables.

L’autoreprésentation est un phénomène qui touche beaucoup la pratique judiciaire. Malgré toute la rigueur que nous avons portée aux recherches effectuées, occuper un rôle de chercheure est nouveau pour nous et nous ne pouvons écarter les expériences vécues durant les trois années passées en cabinet privé, en plus des stages précédemment effectués. Plutôt que de tenter d’en effacer toute trace, nous avons plutôt opté pour offrir des réflexions pratiques et concrètes sur la question. Ainsi, le présent mémoire fait parfois état de constatations qui découlent de notre expérience. Nous ne pensons pas que cela nuise à son contenu, nous croyons plutôt qu’il le bonifie.

La problématique

Généralement, ce type de travail propose une problématique de recherche qui encadre l’ensemble du travail fait. La problématique est alors accompagnée d’une hypothèse de recherche qui cherche à être confirmée ou infirmée par le mémoire. Or, à notre avis, la principale problématique qui découle du thème de l’autoreprésentation devant les instances judiciaires civiles québécoises a trait au peu d’information disponible sur le sujet.

(13)

3

La question de l’autoreprésentation devant les tribunaux judiciaires civils est encore peu étudiée au Québec. On ne trouve pas beaucoup de doctrine et de jurisprudence québécoise sur le sujet et la plupart des textes recensés traitent plutôt de la façon dont les avocats devraient se comporter face à une PNRA. Bien que le sujet ne soit pas récent à proprement parler, il est en constante évolution et il est difficile de cibler ses limites.

Dans ces circonstances, nous préférons ne pas poser de question de recherche et donc, aucune hypothèse n’est à la source du présent texte. Nous souhaitons plutôt dresser un portrait général de la situation de l’autoreprésentation devant les tribunaux judiciaires civils.

La méthodologie

D’un point de vue méthodologique, nous avons principalement procédé à une analyse qualitative des sources répertoriées au courant des recherches. Toutefois, pour obtenir un point de vue concret sur la question, des entrevues ont été menées avec différents acteurs du système judiciaire, à savoir des juges et des greffiers, ce qui constitue certainement une originalité pour un travail universitaire et en augmente, espérons-le, l’intérêt.

Pour pouvoir conduire de telles entrevues, un processus a dû être mené auprès du comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval (CÉRUL). Ceci a impliqué la préparation, et l’analyse par un comité, de divers documents, dont les questions d’entrevues, les feuillets de consentement et les documents de sollicitation. Les différentes étapes procédurales à franchir étaient un mal nécessaire, puisque ces rencontres ont permis d’éclairer certains aspects de l’autoreprésentation. Au cours de ces échanges, nous avons été en mesure de remettre en contexte plusieurs des informations répertoriées. Cela nous a fait comprendre que la marge est grande entre le phénomène de l’autoreprésentation abordé d’un point de vue théorique et la façon dont il est vécu en pratique.

De façon informelle, nous avons aussi abordé le sujet avec des confrères avocats. Par contre, ces échanges ont très rapidement permis de constater que la question de l’autoreprésentation entraîne des réactions fort différentes d’un individu à l’autre. Nous pensons que nous aurions pu obtenir autant de points de vue que d’avocats questionnés,

(14)

4

c’est pourquoi nous avons préféré nous détacher de leur opinion personnelle lorsque leur relation avec les PNRA est étudiée dans le présent mémoire. Cet exercice préliminaire nous laisse penser que le domaine de droit dans lequel l’avocat pratique, son nombre d’années d’expérience, le type de bureau où il travaille et la fréquence avec laquelle il a dû interagir avec des PNRA sont autant de raisons qui expliquent qu’une unanimité ne semble pas exister au sein des membres du Barreau relativement à leur vision de l’autoreprésentation.

Les sections du mémoire

Ce mémoire se divise en trois sections.

Dans un premier temps, nous aborderons le sujet de l’autoreprésentation en tant que phénomène. Cette section traitera de l’état actuel de l’autoreprésentation au Québec, du fondement de l’autoreprésentation, de son histoire et de son application hors du Québec. Elle s’intéressera aussi au traitement jurisprudentiel québécois réservé à l’autoreprésentation.

Dans un second temps, il sera question des PNRA en tant que telles. Leur profil sera étudié, ainsi que les raisons qui sous-tendent l’autoreprésentation. Nous examinerons aussi les liens qui existent entre l’autoreprésentation et la quérulence.

Dans un dernier temps, nous nous intéresserons aux PNRA et les répercussions de leur présence sur l’ensemble du système judiciaire. Leurs relations avec les juges et les avocats seront étudiées, tout comme celles avec le personnel des tribunaux et les autres parties impliquées au dossier. Il sera aussi question de la façon dont divers acteurs réagissent face à l’autoreprésentation et les mesures qui sont mises en place par ces derniers en réaction à l’autoreprésentation. Finalement, l’influence sociale de la présence des PNRA dans le système judiciaire et la façon dont cela affecte leurs propres droits seront observées.

(15)

5

1.

L’autoreprésentation

En 2018, il ne fait plus aucun doute que l’autoreprésentation devant les tribunaux civils est un phénomène en constante croissance pour lequel rien de laisse présager un quelconque ralentissement. Malgré cela, les parties prenantes du système judiciaire québécois semblent loin d’être conscientes de cette réalité. L’autoreprésentation est un sujet peu étudié. Cela paraît être particulièrement vrai au Québec : un rapport canadien de 20122 indiquant avoir procédé à une « analyse complète de la littérature »3 canadienne jusqu’en 2011 ne comprenait qu’un seul document québécois dans sa bibliographie4

.

En parallèle à ce manque d’information sur la question de l’autoreprésentation, il est intéressant de noter que le plan stratégique du Barreau du Québec 2014-2018 présente ses orientations et y inclut : « Collaborer avec les acteurs du milieu juridique pour travailler ensemble à un meilleur accès à la justice »5. Ainsi, dans un contexte où l’accès à la justice

est un objectif central pour divers acteurs importants du système judiciaire, il est préoccupant de voir que si peu de données et d’information sur la question de l’autoreprésentation sont actuellement accessibles. Dans ces circonstances, nous pensons qu’il est légitime de se questionner sur la place que tient l’autoreprésentation dans les considérations sociales.

Or, bien avant de pouvoir prétendre être correctement informé sur le sujet, il nous semble primordial d’évaluer la place des PNRA devant les tribunaux judiciaires civils, la légitimité de l’autoreprésentation et les tenants et aboutissants de ce phénomène pour l’ensemble du système. Dans cette section, il sera donc question de l’état actuel de l’autoreprésentation au Québec, de son fondement juridique, de sa situation à l’extérieur du Québec et du traitement jurisprudentiel qui en est fait au Québec.

2

Trevor C.W. FARROW, Diana LOWE, Martha E. SIMMONS, Bradley ALBRECHT et Heather MANWEILLER, Répondre aux besoins des PNRA dans le système canadien de justice – Livre blanc préparé à l’intention de l’Association des administrateurs judiciaires du Canada, Toronto et

Edmonton, 2012, en ligne : <digitalcommons.osgoode.yorku.ca/reports/38>.

3

Id., p. 11.

4 Auquel nous référerons ci-après comme le « Livre Blanc » - puisqu’il s’agit du « livre blanc

préparé à l’intention de l’Association des administrateurs judiciaires du Canada ».

5

Barreau du Québec, Plan stratégique 2014-2018, en ligne :

(16)

6

1.1

État actuel de l’autoreprésentation

Pour bien saisir la situation actuelle de l’autoreprésentation au Québec, il convient de d’abord s’attarder au choix des termes utilisés pour traiter du sujet. Par la suite, nous dresserons un état des statistiques disponibles à ce jour.

1.1.1 Choix des termes « personnes non-représentées par avocat » et

« autoreprésentation »

Le choix des termes « personnes non-représentées par avocat » a fait l’objet d’une analyse réfléchie. En effet, plusieurs des textes étudiés fournissent un éclairage quant au choix du terme retenu pour désigner les personnes qui se représentent seules devant les tribunaux6. Alors que certains termes, par exemple : plaideur agissant lui-même, laissent sous-entendre que l’individu a fait le choix de l’autoreprésentation, un terme indiquant plutôt la non-représentation se veut plus neutre et incorpore l’idée que l’autoreprésentation s’impose parfois à la personne, notamment par manque de ressources, qu’elle n’est un choix à proprement parler.

Selon Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel, les désignations intégrant l’idée du plaideur agissant seul - « self-represented litigant » en anglais - se rapportent à un « élément perturbateur », alors que le plaideur non-représenté - « unrepresented litigant » en anglais - tend vers l’idée d’une « victime à protéger »7

.

De la même façon, dans le Livre Blanc, les auteurs procèdent à une analyse des termes utilisés dans la littérature sur les PNRA. Leur conclusion relativement aux termes « unrepresented litigant » et « self-represented litigant » se distingue de celle de Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel en ce qu’ils considèrent que la première mention réfère à une description négative, soit un « rejet d’être représentées par

6

Voir, entres autres, Emmanuelle BERNHEIM et Richard-Alexandre LANIEL, « Un grain de sable dans

l’engrenage du système juridique – Les justiciables non-représentés : problèmes ou symptômes? », (2013) 31 Windsor Y.B. Access Just. 45 ; T. FARROW et al., préc., note 2; D. A. Rollie THOMPSON, « Le juge dans le rôle de conseiller juridique », Forum canadien pour la justice civile, 2005 et Julie MACFARLANE, « The National Self-Represented Litigants Project : Identifying and Meeting the Needs

of Self-Represented Litigants », mai 2013, en ligne : <representingyourselfcanada.com/wp-content/uploads/2016/09/srlreportfinal.pdf>.

7

(17)

7

avocat »8, alors que la deuxième réfère à une description positive, laissant sous-entendre

que la PNRA se prend en main elle-même. Les auteurs se rallient à Emmanuelle Bernheim et Richard-Alexandre Laniel lorsqu’ils expliquent que le rapprochement souvent fait entre les deux termes tend à opposer le choix et l’absence de choix9. Leur décision

relative au terme à utiliser s’arrête finalement sur PNRA, puisqu’il s’agit de celui qui est le plus reconnu au Canada et qu’il englobe tous les aspects de la réflexion.

Puisque notre travail ne souhaite pas se prononcer pour dire si elle est désirée ou non devant les tribunaux civils québécois, nous trouvions important de choisir le terme le plus neutre possible et le plus représentatif de la situation actuelle pour les PNRA au Québec. Nous pensons aussi qu’une uniformité du choix du terme utilisé pour désigner les PNRA permettra éventuellement de faciliter les recherches dans le domaine, d’où notre volonté de nous rallier au terme le plus reconnu au Canada.

De la même façon, le mot « autoreprésentation » a fait l’objet d’une réflexion. Toutefois, la documentation étudiée ne présente pas d’analyse semblable à celle faite pour le terme PNRA. Elle préfère généralement renvoyer directement au terme PNRA pour évoquer le phénomène de l’autoreprésentation.

Entre outre, d’un point de vue purement étymologique, la représentation est le : « Fait pour une personne, le représentant, d’accomplir un acte au nom, à la place et pour le compte d’une autre personne, le représenté10. » Ainsi, il n’est pas possible, stricto sensu de se

« représenter » soi-même. Or, pour des fins de rédaction, nous trouvions tout de même important d’avoir un terme clair traitant du phénomène dans son ensemble. Ainsi, le terme « autoreprésentation » nous semble être le plus évocateur. Son sens nous apparaît clair. Bien que linguistiquement contestable, il donne une idée juste du sujet étudié.

1.1.2

Statistiques et ampleur de l’information disponible

Bien que les chiffres diffèrent quelque peu d’une étude à l’autre et que des données exactes sur l’ampleur générale du phénomène ne semblent pas être actuellement

8

T. FARROW et al., préc., note 2, p. 16.

9

Id.

10

Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 5e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2012, « Représentation ».

(18)

8

existantes, l’analyse de la documentation nous a permis de recenser plusieurs statistiques dressant un portrait sommaire de la situation.

Dans une allocution de 2016, l’honorable Daniel W. Payette, juge à la Cour supérieure, indiquait que les dernières statistiques du ministère de la Justice du Canada montraient que 31 % des parties à un litige civil sont des PNRA et que ce chiffre atteignait 35 % devant la chambre familiale11.

En Cour supérieure, des statistiques du ministère de la Justice du Québec de 2001 rapportent que le nombre de PNRA dépassait le nombre de parties représentées par avocat, en un rapport de 1,6 pour 112. À cette même période, des juges interrogés par l’étude indiquaient que plus de 50 % des procédures déposées en Cour supérieure comportaient au moins une PNRA et que ce chiffre augmentait à 60 % en chambre familiale dans certains secteurs plus défavorisés13. Toujours suivant ces mêmes données du ministère de la Justice du Québec :

Au Québec, aucune étude sur le sujet n’est disponible et il est par conséquent difficile de connaître avec exactitude l’ampleur de ce phénomène. Toutefois, une étude statistique interne faite dans les greffes informatisés des palais de justice permet le constat suivant : le volume de dossiers où un jugement a été rendu à la suite d’une inscription au mérite et dans lesquels une partie, au moins, n’était pas représentée par procureur, à la Chambre de la famille de la Cour supérieure, a connu une augmentation de 12,3 % de 1994 à 1999, en passant de 30,3 % à 42,6 %.

À la Chambre civile de la Cour supérieure, le pourcentage des parties non-représentées aurait connu une légère diminution de 2 %, passant de 16,2 % en 1994 à 14,2 % en 1999. Pour ce qui est de la Chambre civile de la Cour du Québec, le pourcentage des parties non-représentées serait en décroissance de 7,2 %, passant de 27,5 % en 1994 à 20,3 % en 199914.

Au Québec, l’auteur Pierre-Claude Lafond indiquait aussi en 2011 que 31 % des dossiers en chambre civile comportaient au moins une PNRA. Il était plutôt question de 42 % en

11L’honorable Daniel W. P

AYETTE, j.c.s., « Les personnes non-représentées devant les tribunaux :

défis et opportunités », texte d’une allocution prononcée devant l’Association du Barreau Canadien – section santé, 1er décembre 2016, p. 5.

12

Cour suprême du Canada, Budget des dépenses 2010-2011 – Un rapport sur les plans et les

priorités, Ottawa, 2010, p. 15. 13

Id., p. 15-16.

14

(19)

9

chambre familiale15. Ceci est confirmé par la professeure Julie MacFarlane qui signale que ces statistiques, en chambre familiale, dépassent constamment le 40 %, et ce, à l’échelle nationale au Canada16.

Les PNRA ne limitent pas leurs actions aux tribunaux de première instance. Selon un document de la Cour suprême du Canada, 24 % des demandes déposées en 2008 l’avaient été pas une PNRA17

. Déjà en 2001, ce nombre atteignait les 20 %18.

Toutefois, les chiffres présentés par les juges et les membres du personnel des palais de justice que nous avons interrogés dans le cadre de nos recherches sont très loin des statistiques préalablement exposées. En effet, à notre grande surprise, ces personnes qui sont au premier plan lorsqu’il est question de PNRA devant les cours de justice québécoises sont unanimes : les PNRA représentent environ 5 % des dossiers qu’ils entendent, 10 % tout au plus.

Face à notre étonnement, ils nous ont expliqué ce qui, à leur avis, explique la grande différence entre les statistiques provinciales et leur quotidien. Selon leurs dires, environ 30 à 40 % des dossiers introduits aux palais de justice impliquent effectivement au moins une PNRA. Par contre, cela inclut les nombreuses demandes conjointes en droit familial qui sont réglées devant des registraires ou des greffiers spéciaux. Ces dossiers ne sont donc jamais présentés aux juges. C’est d’ailleurs devant la chambre familiale qu’ils nous ont indiqué recevoir le plus de dossiers avec une PNRA. Ensuite, beaucoup de dossiers qui font l’objet d’un jugement par défaut, soit lorsque la partie en défense ne produit pas de moyens à faire valoir en temps opportun, impliquent une PNRA. Aussi, ils émettent l’hypothèse que les statistiques sont peut-être compilées au moment du dépôt de la Réponse du défendeur19 au plumitif. Ceci voudrait donc dire que les personnes qui se dépêchent de déposer leur Réponse pour s’assurer de respecter le court délai de 15 jours avant d’aller chercher les services d’avocats seraient comptabilisées dans le nombre de PNRA. Finalement, les chiffres omettent peut-être aussi d’indiquer une concentration

15

Pierre-Claude LAFOND, L’accès à la justice civile au Québec. Portrait général, Cowansville, éditions Yvon Blais, 2012, p. 55-56.

16

J. MACFARLANE, préc., note 6, p. 33.

17

Id., p. 9.

18

Ministère de la Justice du Québec, Une nouvelle culture judiciaire, Rapport du comité de révision de la procédure civile, Québec, Publications du Québec, 2001, p. 15.

(20)

10

importante de PNRA dans un ou des districts précis, nous pensons notamment à ceux de l’île de Montréal et en périphérie, alors que la majorité des autres districts n’ont qu’un dossier sur dix qui comporte au moins une PNRA.

En plus de ce qui ressort des données précédemment mentionnées, il nous semble pertinent de souligner qu’environ la moitié des personnes aux prises avec un conflit tentent plutôt de régler leur problème sans le judiciariser20. De cette façon, lorsque nous nous questionnons sur l’accès réel à la justice en utilisant les chiffres relatifs aux PNRA, il nous faut toujours garder en tête qu’un nombre important de citoyens préfèrent tout simplement éviter d’utiliser le système judiciaire pour en venir à leurs fins. Il est toutefois impossible de connaître avec certitude la raison qui sous-tend cette décision, notamment si elle est reliée à des contraintes financières ou non.

Quoi qu’il en soit, il demeure que le nombre de PNRA qui agissent devant les tribunaux augmente depuis les dernières années. Le montant en jeu ou le sujet du litige ne semblent pas avoir d’incidence sur le nombre de dossiers instruits par des PNRA, mais le volume demeure plus important en droit familial21.

Pour mieux comprendre le sujet des PNRA, il a été nécessaire de procéder à une recherche exhaustive des ouvrages traitant du sujet. Actuellement, très peu sont offerts dans la littérature québécoise. Les documents répertoriés s’adressent souvent aux avocats ou aux juges pour les diriger en cas de litige où une PNRA est présente. Ils étudient les positions à prendre d’un point de vue déontologique ou encore, ils établissent les obligations des juristes placés dans une telle situation. Ces outils sont importants pour les praticiens, mais peu informatifs quant à l’autoreprésentation comme phénomène d’ampleur. Sans cette information, beaucoup d’incompréhension subsiste chez les juristes impliqués dans un processus avec une PNRA et cela laisse place à de la désinformation. En ce qui concerne les courts documents adressés directement aux PNRA, ils les dirigent bien souvent vers des services d’avocat ou leur donnent de l’information très sommaire sur le processus judiciaire.

20

Thomas A. CROMWELL, « L’accès à la justice en matière civile et familiale : une feuille de route

pour le changement » Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, Ottawa, 2013, p. 5.

21

Information obtenue lors des entrevues tenues avec des membres de la magistrature et du personnel des palais de justice.

(21)

11

Il a donc été nécessaire d’élargir le champ des documents étudiés à ceux émanant du reste du Canada, des États-Unis et d’Europe. Aussi, étant donné l’état actuel des connaissances sur le sujet de l’autoreprésentation, une extrapolation est parfois nécessaire pour parvenir à formuler une information complète. Ainsi, l’intégration d’information provenant de l’extérieur du Québec est souvent requise. De même, il arrivera qu’il nous faille avoir ressource à certaines déductions basées sur les connaissances développées à la suite des analyses que nous avons conduites afin d’être en mesure d’apporter un regard le plus complet possible sur la question.

(22)

12

1.2

Fondement juridique

Avant de dresser un portrait qualitatif de l’autoreprésentation, il nous apparait important de circonscrire le fondement juridique de ce phénomène. Au Québec, l’autoreprésentation est principalement encadrée par les textes législatifs de procédure civile. Néanmoins, il convient de faire une incursion historique qui, bien que très superficielle, permet de comprendre à quand remonte historiquement l’autoreprésentation. Finalement, nous trouvons important de nous interroger sur le caractère d’ordre public ou non de l’autoreprésentation puisque cette qualification apporte son lot de caractéristiques propres et d’encadrement spécifique.

1.2.1 Source législative

Au Québec, le phénomène de l’autoreprésentation tire sa principale source législative de l’article 23 du Code de procédure civile22. Cet article prévoit que : « Les personnes

physiques peuvent agir pour elles-mêmes devant les tribunaux sans être représentées ; elles doivent le faire dans le respect de la procédure établie par le Code et les règlements pris en son application23. »

Selon les Commentaires de la ministre de la Justice24, cet article serait une application du principe général que l’on retrouve à l’article 4 du Code civil du Québec qui prévoit que « toute personne est apte à exercer pleinement ses droits civils » 25

. D’ailleurs, lors de la discussion sur l’article 23 Cpc de l’Assemblée nationale du Québec dans le cadre du projet de la Loi instituant le nouveau Code de procédure civile, l’Assemblée précisait que les articles du Code de procédure civile sont complétés par ceux du CcQ, notamment en ce qui a trait à la capacité et au droit des individus à ester en justice26.

Il faut noter que la disposition des articles dans le Code de procédure civile donne parfois de l’information précieuse sur l’importance qui leur est accordée. L’article 23 est positionné

22 Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01 (ci-après « Cpc »). 23

Id., art. 23.

24

Hubert REID et Claire CARRIER, Code de procédure civile du Québec : jurisprudence et doctrine, 33e éd., coll. « Alter Ego », Montréal, Wilson & Lafleur, 2017, art. 23.

25 Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991 (ci-après « CcQ »), art. 4. 26

Québec, Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission des institutions, 1re sess., 40e légis., 9 octobre 2013, « Étude détaillée du projet de loi no. 28 - Loi instituant le nouveau Code de procédure civile ».

(23)

13

au chapitre 3 intitulé Les principes directeurs de la procédure du titre II, « Les principes de la procédure applicable devant les tribunaux de l’ordre judiciaire » du livre I « Le cadre général de la procédure civile » du Code de procédure civile. Cet article fait donc partie des principes directeurs de la procédure civile. Selon la professeure Jacinthe Plamondon, les principes directeurs sont de « nature essentiellement structurante »27

. Ils offrent une définition générale d’un contenu obligatoire, applicable à grande échelle, et « fournissent des balises liées à l’application de la procédure civile en général »28

. Nous pouvons en déduire qu’il revêt une importance considérable, puisque seulement huit articles composent cette section. Aussi, le Code de procédure civile comptant quelque 836 articles, nous pouvons affirmer que l’article 23 fait réellement partie des premières dispositions du Code. Ceci confirme l’importance que nous devons lui accorder.

La portée générale de cet article est toutefois limitée par d’autres dispositions. L’article 87 Cpc indique :

87. Sont tenus, dans une procédure contentieuse, de se faire représenter par avocat devant les tribunaux ou, dans une procédure non contentieuse, par un avocat ou un notaire :

1° les représentants, mandataires, tuteurs ou curateurs, et les autres personnes qui agissent pour le compte d’autrui, si celui-ci ne peut, pour des motifs sérieux, agir lui-même ;

2° le représentant ou le membre qui demande d’agir à ce titre dans une action collective ;

3° les personnes morales ;

4° les sociétés en nom collectif ou en commandite et les associations et les autres groupements sans personnalité juridique, à moins que tous les associés ou membres n’agissent eux-mêmes ou ne mandatent l’un d’eux pour agir ;

5° le curateur public, les gardiens et les séquestres ;

6° les liquidateurs, syndics et autres représentants d’intérêts collectifs lorsqu’ils agissent en cette qualité ;

7° les personnes qui ont acquis à titre onéreux les créances d’autrui ou les agents de recouvrement de créances29.

27

Jacinthe PLAMONDON, « Les principes directeurs et le nouveau Code de procédure civile (art. 17 à

24 C.p.c.) », dans Sylvette GUILLEMARD (dir.), Le Code de procédure civile : quelles nouveautés?, Montréal, Éditions Yvon Blais, Les Cahiers de droit, 2016, p. 27, à la p. 31.

28

Id.

29

(24)

14

Suivant cet article et a contrario, toute personne physique agissant uniquement pour elle-même devrait pouvoir exercer ses droits civils seule devant les tribunaux. Il apporte une nuance additionnelle aux règles de la représentation. Il pose que les seuls représentants pouvant agir pour les personnes énumérées dans les sept paragraphes de l’article sont les avocats ou les notaires, ces derniers pouvant uniquement agir dans le cadre de procédures non contentieuses. Cette information est confortée par les dispositions de la Loi sur le Barreau qui limitent aux avocats la grande majorité des actes de représentation devant les tribunaux30. De la même façon, la Cour d’appel confirme le libre-choix pour une personne apte d’être représentée ou non, mais s’il est fait le choix de la représentation, elle doit se faire en conformité avec la loi31. Les auteurs Denis Ferland et Benoît Emery font d’ailleurs la même affirmation32.

Beaucoup plus loin, dans la section sur le recouvrement des petites créances, l’article 542 Cpc prévoit les règles de la représentation devant cette division de la Cour du Québec :

542. Les personnes physiques doivent agir elles-mêmes ; elles peuvent cependant donner mandat, à titre gratuit, à leur conjoint, à un parent, à un allié ou à un ami de les représenter. Ce mandat est constaté dans un document identifiant le mandataire, indiquant les motifs pour lesquels la personne est empêchée d’agir et signé par le mandant.

L’État, les personnes morales, les sociétés ou les associations ou les autres groupements sans personnalité juridique ne peuvent être représentés que par un dirigeant ou un salarié à leur seul service qui n’est pas avocat.

L’avocat ne peut, malgré l’article 34 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12), agir comme mandataire, non plus que l’agent de recouvrement, à moins qu’il ne s’agisse pour eux de recouvrer les honoraires qui sont dus à la société dont ils sont membres. Exceptionnellement, lorsqu’une cause soulève une question complexe sur un point de droit, le tribunal peut, d’office ou à la demande d’une partie, autoriser la représentation des parties par avocat ; il doit préalablement obtenir l’accord du juge en chef de la Cour du Québec. Dans ce cas, sauf pour les parties non admissibles à titre de demandeur suivant le présent titre, les honoraires et les frais des avocats sont à la charge du ministre de la Justice ; ils ne peuvent cependant excéder ceux que prévoit le tarif d’honoraires établi par le gouvernement en vertu de la Loi sur l’aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques (chapitre A-14).

30

Loi sur le barreau, RLRQ, c. B-1, art. 128.

31

Lessard c. Thibault, 2010 QCCA 2159.

32

Denis FERLAND et Benoît EMERY, Précis de procédure civile du Québec : La représentation

devant les tribunaux et certaines conditions pour agir (art. 86-92), vol. 1, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 384-385.

(25)

15

Tant les personnes physiques que les personnes morales peuvent consulter un avocat, notamment afin de préparer la présentation de leur dossier33.

Cette disposition, qui reprend l’article 959 de l’ancien Code de procédure civile, exclut donc toute possibilité de représentation par avocat devant la Cour des petites créances, sauf dans le cadre spécifiquement prévu par la loi ou lorsqu’elle est autorisée par la Cour.

Lors de l’adoption de cet article, d’intéressantes discussions ont eu lieu quant au droit à la représentation. L’autoreprésentation ayant fait l’objet de moins d’études que la représentation, il est pertinent de se pencher sur les décisions traitant plutôt de la représentation. En effet, nous pouvons penser que l’encadrement de l’autoreprésentation débute où les limites de la représentation se posent. D’ailleurs, la jurisprudence a déjà confirmé la possibilité pour le législateur de limiter la portée du droit à la représentation par avocat34.

Le droit à la représentation a été intégré à la Charte des droits et libertés de la personne35, à l’article 34 : « Toute personne a droit de se faire représenter par un avocat ou d’en être assistée devant tout tribunal36. » Malgré ce que nous pourrions instinctivement comprendre de cet article, à savoir que la représentation peut toujours être obtenue, ce n’est pas le cas. Le journal des débats de l’Assemblée nationale du Québec indique que cet article doit se lire de concert avec les autres règles établies, notamment celles qui encadrent les petites créances, et ne permet donc pas la représentation en tout temps37. La Charte québécoise doit aussi se lire et s’interpréter en combinaison avec les lois antérieures. Il ne semble donc pas y avoir de droit absolu à la représentation allant au-delà de ce qui est déjà législativement prévu.

33

Code de procédure civile, préc., note 22, art. 542.

34

Gravel c. Call-A-Tronics Distribution inc., (1975) C.P. 27; Nissan Automobile Co. c. Pelletier, [1981] 1 RCS 67.

35

Ci-après « Charte québécoise »

36

Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 34.

37

Henri BRUN, Pierre BRUN et Fannie LAFONTAINE, Chartes des droits de la personne : législation,

(26)

16

Parallèlement, la Charte canadienne des droits et libertés38 a fait l’objet de nombreuses analyses par la jurisprudence. La réflexion présentée dans l’arrêt Christie de 2007 par le plus haut tribunal au pays indique :

Nous concluons que le texte de la Constitution, la jurisprudence et la façon dont la primauté du droit a toujours été comprise n’excluent pas la possibilité qu’un droit à l’assistance d’un avocat soit reconnu dans diverses situations bien précises. Mais ils ne permettent pas pour autant de conclure à l’existence d’un droit constitutionnel général à l’assistance d’un avocat lors de procédures de tribunaux judiciaires et administratifs portant sur des droits et des obligations39.

Par conséquent, aucun droit général à l’assistance d’un avocat n’est prévu par les lois constitutionnelles canadiennes.

1.2.2 Historique

Aux États-Unis, les pères fondateurs de la Constitution américaine, adoptée en 178840 considéraient le droit à l’autoreprésentation comme un droit de base pour les peuples libres. D’ailleurs, suivant la Déclaration des droits de la Pennsylvanie en 1776, l’autoreprésentation avait statut de droit naturel auquel on avait adjoint la représentation pour les cas où une personne était incapable de se représenter seule41. Le droit à l’autoreprésentation est ensuite concrètement reconnu dans une décision datant de 178942.

Le droit appliqué dans les premières colonies était informel et, dans ce système rudimentaire, la demande pour des représentants juridiques était très faible.

38

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)] (ci-après « Charte canadienne »).

39

Colombie-Britannique (PG) c. Christie, [2007] RCS 873, p. 885.

40

Louis GENTILUCCI, « The day the Constitution was adopted », Constitution Daily (National

Constitution Center), 12 février 2018, en ligne : <https://constitutioncenter.org/blog/the-day-the-constitution-was-adopted>.

41

Jona GOLDSCHMIDT, Barry MAHONEY, Harvey SALOMON et Joan GREEN, « Meeting the Challenge of Pro Se Litigation: A Report and Guidebook for Judges and Court Managers », American

Judicature Society, Chicago, 1998, p. 22. 42

Rabeea ASSY, « Revisiting the Right to Self-representation », (2011) 30 Civil Justice Quarterly 267, p. 11, citant Iannaccone v. Law (n 15) 557.

(27)

17

L’autoreprésentation était plutôt la norme43. Or, cette pratique, bien qu’acceptée, ne

découlait aucunement d’une reconnaissance claire et délibérée d’une règle normative44.

Plus encore, un certain manque de confiance existait alors (ou devrions-nous dire « déjà » ?) envers la profession juridique45 et des colonies interdisaient même la pratique

du droit et toute forme de représentation devant les cours de justice46. Ainsi, il fallut attendre jusqu’en 1696 pour qu’un accusé ait droit d’être représenté et cela ne s’appliquait qu’aux crimes de trahison47

. Et il fallut plus de cent ans pour que le droit à la représentation s’étende à toutes les infractions criminelles48.

L’augmentation de la complexité du droit, de sa structure et des principes, tout comme l’utilisation de décisions antérieures pour formuler un jugement, a finalement nécessité l’utilisation d’hommes formés dans l’interprétation légale49. C’est donc à la moitié du XIIIe

siècle que les avocats sont plus présents dû à la complexité de la loi, qui prend finalement le dessus sur des modes de résolution de conflits historiquement plus primitifs, par exemple, la décision par la victoire d’une bataille physique50.

L’histoire de l’autoreprésentation est similaire en Angleterre où ce phénomène semble avoir existé avant que la représentation ne s’impose. « The origins of counsel may be traced to the group of friends who advised the litigant before he pleaded his cause51. » Le droit d’être accompagné d’un conseiller dans les domaines relevant du droit civil paraît avoir émergé d’une certaine reconnaissance par la société de la nécessité d’assistance juridique52.

Tout comme aux États-Unis, c’est à la moitié du XIIIe siècle que les avocats ont un

monopole sur les cours de Londres53. Le Roi se trouve d’ailleurs forcé de décréter que les

43

[S.A.], « The Right to Counsel in Civil Litigation », (1966), 66 Columbia Law Review 7, p. 1322, 1328.

44

R. ASSY, préc., note 42, p. 12.

45

[S.A.], « The Right to Counsel in Civil Litigation », préc., note 43, p. 1328.

46

Paula HANNAFORD-AGOR, The Future of Self-Represented Litigation : Report From the

March 2005 Summit, National Center for State Courts, États-Unis, 2005, p. 19. 47

R. ASSY, préc., note 42, p. 13.

48

Id.

49

[S.A.], « The Right to Counsel in Civil Litigation », préc., note 43, p. 1329.

50

R. ASSY, préc., note 42, p. 12.

51

[S.A.], « The Right to Counsel in Civil Litigation », préc., note 43, p. 1325.

52

Id.

53

(28)

18

citoyens pouvaient toujours plaider leur propre cause sans avocat, sauf dans certains domaines très spécifiques54.

Au Québec, bien que l’autoreprésentation semble toujours avoir existé, elle connaît un regain important depuis quelques années et cette nouvelle tendance dériverait d’une réforme de l’aide juridique adoptée en 199655. La création de l’aide juridique puis

l’abaissement de certains paliers donnant l’accès à ces services pourraient avoir eu comme conséquences de favoriser l’autoreprésentation pour certains individus particulièrement touchés par ces changements56.

1.2.3 Ordre public

Le caractère d’ordre public de l’autoreprésentation, s’il en est un, permettrait de mieux saisir la portée légale de ce phénomène. De la même manière, il importe de se questionner pour savoir si l’autoreprésentation fait partie du droit naturel. Dans l’affirmative, cela procurerait une légitimité certaine à l’autoreprésentation et lui consacrerait une application générale et absolue.

L’ordre public se définit notamment comme l’ « [e]nsemble des règles de droit d’intérêt général qui sont impératives et auxquelles nul ne peut déroger par une convention particulière57. »

Par sa définition, une disposition d’ordre public ne peut donc pas être modifiée ou évitée. Or, comme indiqué ci-dessus, le Code de procédure civile prévoit spécifiquement des cas où la représentation est obligatoire, par exemple, l’article 87 Cpc que nous avons évoqué plus haut. Ainsi, nous pouvons conclure que la représentation est parfois obligatoire et d’ordre public. Inversement, il ne peut pas en être autant de l’autoreprésentation. Si tel était le cas, il serait alors impossible d’imposer la représentation, peu importe les circonstances. 54 Id. 55 P.-C. LAFOND, préc., note 15, p. 116. 56

Information obtenue lors des entrevues tenues avec des membres de la magistrature

57

(29)

19

Cette idée a été confirmée à plusieurs reprises par les tribunaux, précisant le droit du législateur de limiter la représentation par avocat par disposition expresse58. Ceci est d’ailleurs le cas pour la Cour suprême du Canada :

Nous sommes tous d’avis que ce pourvoi échoue. L’intimé n’a pas été appelé à faire valoir son point de vue sur la compétence de la Division des petites créances de la Cour provinciale du Québec. Quant à la question constitutionnelle que voici :

L’Assemblée nationale du Québec a-t-elle compétence pour exclure la représentation par avocat devant la Division des petites créances de la Cour provinciale du Québec en vertu des articles 955, 956 et 985 du Code de procédure civile, S.Q. 1965, chap. 80, modifié par L.Q. 1971, chap. 86, L.Q. 1975, chap. 83, art. 57 et L.Q. 1977, chap. 73, art. 36?

[n]ous n’acceptons pas les prétentions des avocats respectifs des appelantes et du Barreau du Québec. En conséquence, nous répondons à la question constitutionnelle par l’affirmative.59

Quant au droit naturel, il s’agit de l’ « [e]nsemble de principes universels, conformes à la nature et à la conscience, qui représentent un idéal de justice et ont, d’un point de vue moral, priorité sur le droit positif60. »

Sur cet aspect, nous n’avons que peu d’information. Tout de même, le ministère de la Justice du Québec, dans un rapport du comité de révision de la procédure civile, mentionnait : « Le droit d’agir soi-même en justice est un droit naturel et participe du principe reconnu dans les États dits “démocratiques” voulant que “toute personne a le droit sacré d’être entendue avant qu’un tribunal ne rende une décision qui affecte ses droits61.” »

En revanche, plusieurs documents étudiés indiquent clairement l’absence de droit absolu à la représentation et sa non-inclusion en tant que droit naturel. Citons par exemple la Cour provinciale, en 1975, qui devait alors se positionner sur l’exclusion de la représentation devant la Cour des petites créances :

58

Voir notamment Quirapas c. Régie du logement, 2008 QCCS 151, p. 3 et Association

canadienne pour la légitime défense inc. c. Québec (ministère de la Sécurité publique), 2010

QCCAI 209, p. 6.

59

Nissan Automobile Co. c. Pelletier, préc., note 34, p. 68.

60

H. REID, préc., note 10, « droit naturel ».

61

(30)

20

This is not our case unless one accepts the proposition that the right to counsel is so fundamental that to deny it is to deny natural justice. That is a proposition which I have already refused to accept and for which I find no compelling authority.

Indeed, in my view, the authority is to the contrary. On this point I share the view expressed by Professor Walter S. Tranopolsky (…) “One must conclude that there is no absolute right to counsel in Canada. It is a privilege available only at the sufferance of the legislative bodies and, to a certain extent, made somewhat meaningful through the co-operation of a legal profession.”

Par conséquent, s’il n’existe pas de droit fondamental à la représentation et que son exclusion ne brime pas les principes de justice naturelle, il devient presque essentiel de considérer l’autoreprésentation comme un principe de justice fondamental. Si tel n’était pas le cas, il deviendrait impossible de concilier l’idée que la représentation peut être empêchée et le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une décision ne soit rendue à son égard, traduit par la règle du audi alteram partem62.

62« Maxime latine signifiant “entends l’autre partie” et qui désigne un principe de justice naturelle

selon lequel une personne qui est susceptible d’être affectée par une décision administrative ou judiciaire doit (…) avoir la possibilité de faire valoir son point de vue. », H. REID, préc., note 10, « audi alteram partem ».

(31)

21

1.3

Situation en dehors du Québec

Lorsque nous tentons de comprendre un sujet, il peut être fort à propos de regarder si la même situation se présente ailleurs. Un aperçu d’autres systèmes juridiques permet de vérifier si le phénomène est répandu et, dans l’affirmative, la façon dont il se présente.

Le phénomène de l’autoreprésentation s’étend aujourd’hui partout63. Sans faire une étude

détaillée, nous avons survolé l’état et la situation des PNRA dans différentes régions du monde, à savoir le reste du Canada, l’Europe et certains pays de common law (États-Unis, Angleterre et Australie). Nous considérons que ces régions ont des systèmes juridiques présentant quelques points communs avec le système québécois et la comparaison s’en trouvait donc pertinente.

1.3.1 Reste du Canada

Au Canada, la situation semble non seulement répandue à l’échelle nationale, mais elle apparaît être assez similaire dans toutes les provinces. D’ailleurs, comme préalablement mentionné, la majorité des documents juridiques canadiens répertoriés sur le sujet des PNRA ne proviennent pas du Québec.

Plusieurs mesures ont été mises en place dans les différentes provinces pour répondre à cette situation. En Ontario, par exemple, des avocats dits « de service » sont affectés aux tribunaux pour venir en aide aux PNRA, bien que ce service vise surtout les matières criminelles et pénales64. Des guides ont été mis sur pied, principalement à l’intention des juges, pour aider ces derniers à éviter tout faux pas face aux PNRA. Cela est notamment le cas en Ontario et au Manitoba65.

Les documents étudiés démontrent une situation qui se ressemble dans tout le pays, tant au niveau des statistiques que des raisons qui expliquent l’autoreprésentation66.

63

Ministère de la Justice du Québec, préc., note 18, p. 14 (en note de bas de page).

64

Myriam JÉZÉQUEL, « Coût sociétal et conséquences pour les avocats et les magistrats – Le

citoyen-plaideur sans avocat », (2005) 37-5 J. du Bar., p. 8.

65

Ministère de la Justice du Québec, préc., note 18, p. 90 et 91.

66

(32)

22

La représentation, toutefois, n’a peut-être pas la même portée partout, puisque le Québec est la seule province qui l’interdit devant certaines juridictions67. Par contre, toutes les

provinces canadiennes fournissent des ressources pour faciliter l’autoreprésentation68.

1.3.2 Europe

La situation des PNRA varie un peu d’un pays de l’Europe à un autre, mais elle demeure très présente. D’ailleurs, elle est spécifiquement prévue à l’article 6, paragraphe 3 c) de la Convention européenne des droits de l’homme : « Tout accusé a droit notamment à : (…) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent »69. Bien que cet article vise clairement le

domaine du droit criminel et pénal, il n’en reste pas moins qu’il pose la possibilité pour une PNRA d’agir seule. La portée de cet article a d’ailleurs été confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Galstyan c. Arménie, en 200770.

Cependant, dans le cadre de procédures civiles, le droit à l’autoreprésentation n’est pas absolu. S’il est dans l’intérêt de la justice qu’une PNRA se voie assigner de l’assistance juridique, les autorités nationales ont le pouvoir d’en nommer une d’office71.

Plus précisément en France, l’article 18 Code de procédure civile français prévoit : « Les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire72. » De même, l’article 20 permet au juge de toujours pouvoir entendre les parties elles-mêmes. L’autoreprésentation y a donc un statut qui ressemble beaucoup à celui qui lui est accordé au Québec. Par contre, contrairement au Québec où la représentation est souvent imposée en fonction de l’état de la personne, par exemple, le

67

Michelle CUMYN et Cécile PILARSKI, « Étude empirique des décisions de la Cour des petites

créances en matière de rénovation résidentielle : l’accès au droit, composante essentielle de l’accès à la justice pour les consommateurs », (2014) 48 RJTUM 389, p. 427.

68

Id.

69

Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, S.T.E. n° 5 (entrée en vigueur le 3 septembre 1953) [Convention européenne des droits de l’homme], art. 6 (3)c).

70

Galstyan c. Arménie, n° 26986/03, CEDH 2007-III.

71

CEDH, Manuel de droit européen en matière d’accès à la justice, Office des publications de

l’Union européenne, 2016, en ligne :

<http://www.echr.coe.int/Documents/Handbook_access_justice_FRA.pdf>, p. 98.

72

(33)

23

mineur, le majeur inapte, etc., c’est plutôt la complexité d’une situation juridique qui justifie l’obligation de représentation en France. Ainsi, le droit français préfère une représentation systématique dans certains cas ou devant certains tribunaux, par exemple lorsque la procédure est plus compliquée73. C’est le cas devant le Tribunal de grande instance74, la Cour d’appel75

et la Cour de cassation76, sauf exceptions prévues par la loi et hormis les procédures sans représentation.

D’ailleurs, dans l’arrêt Bertuzzi c. France, mettant en cause l’aide juridictionnelle française, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué être « d’avis que la possibilité de défendre sa cause seul, dans une procédure l’opposant à un professionnel du droit, n’offrait pas au requérant un droit d’accès à un tribunal dans des conditions lui permettant, de manière effective, de bénéficier de l’égalité des armes inhérente à la notion de procès équitable77. »

1.3.3 États-Unis, Angleterre et Australie

Les États-Unis, l’Angleterre et l’Australie sont regroupés en une seule et unique section, puisqu’ils possèdent tous un système juridique de common law. L’histoire et la culture de ces trois pays sont aussi très liées et leurs bases juridiques se recoupent. En étudiant la présence de PNRA devant les cours de justice de ces trois pays, nous pouvons aisément constater que l’autoreprésentation n’est pas uniquement rattachée au droit civil. En effet, elle est tout autant présente devant les instances de common law. Ce faisant, nous pouvons conclure que ce n’est pas une culture judiciaire qui crée l’autoreprésentation. Ce phénomène ne semble faire exception d’aucun système de droit puisqu’il découle plutôt de problématiques sociales que juridiques.

Des études conduites au début des années 90 aux États-Unis démontrent que l’autoreprésentation y était déjà très présente, surtout dans les dossiers de droit familial78.

Dans certains comtés, les statistiques indiquent jusqu’à 88 % de cas avec une PNRA en

73

Cécile CHANAIS, Frédérique FERRAND et Serge GUINCHARD, Procédure civile, 4e éd., HyperCours, Paris, Dalloz, 2015, p. 540. 74 Art. 751 C. pr. civ. 75 Id., art. 899. 76 Id., art. 973. 77

Bertuzzi c. France, n° 36378/97, CEDH, 2003-III, p. 8.

78

(34)

24

chambre familiale et dans 52 %, les deux parties étaient des PNRA. Ces chiffres tournaient autour de 67 % en Californie, dont 40 % dans les cas de garde d’enfants. Toutefois, en cas de contestation par la partie en défense, les données de 16 grandes cours urbaines américaines signalent plutôt 19 % de dossiers avec une PNRA et 7 % avec les deux parties dans la même situation. C’est donc dire que les chiffres sur les PNRA sont bien moindres lorsque la partie en défense souhaite défendre ses droits, mais que les gens qui décident de laisser leur cause se régler par défaut - et omettent donc de répondre à l’assignation - préfèrent ne pas retenir de services juridiques pour être accompagnés dans cette démarche.

Puisque les PNRA sont actives aux États-Unis depuis plusieurs années, les juges de certains États se sont dotés de politiques et de formation pour le personnel des tribunaux79. Bien qu’il ne semble pas y avoir de lignes directrices officielles à l’échelle nationale, beaucoup de tribunaux américains s’inspirent des principes directeurs élaborés par John M. Greacen80, auteur américain s’étant beaucoup intéressé au phénomène des PNRA.

Sans entrer dans les détails puisque cet élément sera approfondi plus loin, le profil type des PNRA aux États-Unis, tel que décrit dans les documents étudiés, semble très similaire à celui que l’on retrouve au Canada. De plus, puisque les textes américains étudiés ne provenaient pas tous de la même région, nous sommes en mesure d’avancer que ledit profil se ressemble beaucoup d’un État à l’autre.

Cela paraît aussi être le cas en Angleterre, où le profil type décrit des PNRA est conforme à celui que l’on retrouve au Canada ou aux États-Unis. Suivant une étude conduite par le ministère de la Justice anglais en 2011, l’autoreprésentation vise principalement des défendeurs agissant à titre personnel, et non comme représentants de personnes morales81. L’autoreprésentation touche donc plus particulièrement les individus que les compagnies. Le phénomène est déjà reconnu dans les années 90, où un problème important d’accès à la justice est noté. La situation est une telle préoccupation pour l’administration anglaise qu’un rapport sur la question de l’accès à la justice avait été 79 Id., p. 89. 80 Id. 81

Kim WILLIAMS, « Litigants in person : a literature review », ministère de la Justice, Royaume-Uni,

(35)

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réclamé, devenant le célèbre rapport Woolf82. Le phénomène des PNRA y est clairement abordé. Plusieurs des recommandations faites par l’honorable juge Woolf visent donc directement la situation des PNRA. Nous pouvons en conclure que l’autoreprésentation est loin d’être une nouveauté en Angleterre.

En Australie, l’autoreprésentation existe tout autant. Elle est même devenue la norme devant certaines instances, notamment dans les États du Queensland, de Victoria et du New South Wales83. Le Queensland Civil and Administrative Tribunal prévoit d’ailleurs dans son code que l’autoreprésentation est la règle générale et qu’on ne peut y déroger que lorsque l’intérêt de la justice le requiert. Cette règle aurait pour objectif de minimiser les coûts inutiles et éviter de donner trop de rigidité à la procédure. La loi prévoit évidemment certaines situations où la représentation est possible, par exemple dans le cas des personnes incapables ou encore lorsqu’il existe un risque de mesure disciplinaire84.

Un autre point commun entre ces systèmes est qu’ils tentent tous actuellement de trouver des solutions pour pallier la situation, puisque les documents étudiés démontrent de nombreuses difficultés vécues tant par les PNRA que les systèmes judiciaires où elles agissent85. Par exemple, une des solutions avancées par le Royaume-Uni a été l’instauration du « Bar Bono Unit », un groupe composé d’avocats qui aident de façon pro bono des PNRA86. Toujours en Angleterre, le ministère de la Justice appuie le bénévolat et l’implication de ses employés dans leur communauté. Concrètement, un certain appui est offert aux avocats offrant des services juridiques pro bono. De l’assistance est aussi fournie aux organismes communautaires agissant de façon bénévole à la cour87.

Ainsi, la situation semble bien exister partout, elle est réelle et importante et rien ne laisse présager qu’elle disparaisse prochainement. Aucune des mesures mises en place

82 Lord Chancellor’s Department, Access to Justice – Final Report [Rapport Woolf], Londres, 1996,

en ligne : <http://www.lcd.gov.uk/civil/finalfr.htm>.

83

Patrice GARANT, La justice invisible ou méconnue : Propos sur la justice et la justice

administrative, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 787.

84 QCAT, « Legal advice and representation », Queensland Civil and Administrative Tribunal, 11

janvier 2018, en ligne : <http://www.qcat.qld.gov.au/going-to-the-tribunal/legal-advice-and-representation>.

85

Voir par exemple K. WILLIAMS, préc., note 81 pour l’Angleterre ou encore P. HANNAFORD-AGOR, préc., note 46 pour les États-Unis.

86

M. JÉZÉQUEL, préc., note 64, p. 9.

87

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