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Colin Stetson : l'indie rock

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Academic year: 2021

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Culture, le magazine culturel en ligne de l'Université de Liège

© Université de Liège - http://culture.ulg.ac.be/ - 29/01/2016 1

-Colin Stetson : l'indie rock

L'histoire du jazz et celle du saxophone se sont sans cesse croisées au fil du 20e siècle. Du swing au free jazz, des big bands aux quatuors, de Coleman Hawkins à John Coltrane, l'association de l'instrument au genre s'est présentée sous des formes continuellement réinventées. Le récit qui unit le saxophone et le rock est plus complexe à bien des égards. Tantôt doucereux dans les solos, tantôt un peu fruste dans les accompagnements rythmiques, le saxophone y a souvent été perçu comme un protagoniste de mauvais goût. Et si l'instrument avait droit de séjour dans le rock mainstream des années 1970 et 1980, avec des incarnations remarquées dans Born to Run l'E Street Band de Bruce Springsteen, ou dans les courants plus alternatifs comme la No Wave de James Chance, il sera presque proscrit au cours des années 1990 lorsque grunge, noise ou lo-fi balaient fioritures et maniérismes de toute sorte et remettent la guitare, lourde, sonore et bruitiste au centre de la scène. C'est alors la fin momentanée du saxophone dans ce répertoire : trop pop, trop brillant, trop virtuose. Pendant près de vingt ans, l'instrument est réduit à un forme de mutisme. Il faut attendre la vague indie des années 2000 pour qu'il se fasse à nouveau entendre au sein d'une mouvance rock qui abandonne ses riffs bruts et parfois brutaux. On peut l'entendre chez Arcade Fire, TV on the Radio, Bon Iver ou encore Feist. Le son de saxophone dans leurs albums est souvent l'apanage d'une seule et même personne devenue la coqueluche de bien des groupes de la scène indie rock américo-canadienne : Colin Stetson.

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-Né à Ann Arbor, étudiant à l'Université du Michigan, Stetson fait ses premières armes musicales entre jazz et expérimentalisme dans Transmission Trio au milieu des années 1990. Le trio se fait connaître à Detroit d'abord, à San Francisco ensuite. La notoriété croissante de Stetson lui permet d'accompagner Tom Waits - l'un des pères de l'indie rock - sur son désormais culte Blood Money sorti en 2002. Le son unique de Stetson et ses qualités techniques hors du commun lui permettent ensuite d'accompagner en studio Arcade Fire, TV On The Radio, Feist, Laurie Anderson, Lou Reed, David Byrne, Jolie Holland, Sinead O'Connor, LCD Soundsystem, The National, Angelique Kidjo ou encore Anthony Braxton. Il s'installe en 2007 à Montréal et publie le premier volet de sa trilogie, New History Warfare, la même année. Les deux volets suivants paraissent en 2011 et en 2013. Entré sur les scènes rock en accompagnant une série de groupes de plus en plus enclins à enrichir leur musique de nouveaux timbres, Stetson s'y fait désormais une place de choix avec des albums solos au style d'une rare originalité : drones, boucles et répétitions explorent un style instrumental entre minimalisme, expérimentalisme et musiques populaires. Une fois n'est pas coutume, la critique rock embraye : la trilogie

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-reçoit les louanges de Pitchfork, Tiny Mix Tapes, SPIN ou de The Village Voice. Stetson foule les scènes de South by Southwest ou All Tomorrow's Parties parmi beaucoup d'autres.

Le troisième et dernier volet de New History Warfare marque sans doute l'aboutissement de la musique de Stetson. Enregistré cette fois sans boucle ni overdub, produit par l'excellent Ben Frost - autre outsider expérimentaliste de la scène rock -, il fait la part belle à une technique de respiration circulaire - une technique d'inspiration et d'expiration simultanée permettant le son continu - maitrisée avec brio par le saxophoniste et lui permettant de produire ces drones et multi-répétitions qui constituent le cœur de sa musique. Cet album clôt une histoire en trois volets qui commençait sur le thème de la mer en 2008, se poursuivait avec l'accostage en 2011 et se termine sur une histoire de guerres en 2013 ; histoire co-écrite par Justin Vernon de Bon Iver qui pose sa voix sur une série de morceaux et succède ainsi à Laurie Anderson qui collaborait au deuxième tome de la trilogie. « And in Truth », « Brute » et « Who the Waves Are Roaring For (Hunted II) » sont trois morceaux issus de la collaboration avec Justin Vernon, trois pièces vocales qui permettent une introduction en douceur au style hypnotique de Stetson. « Hunted » ou « To see more light » sont ainsi les meilleurs exemples de ce style : flux sonore continu, micromélodies répétées ad nauseam, découpées, permutées et dupliquées encore, timbres rauques et monotones et pulse mécanique. Un style d'une grande efficacité synthétisant l'expérimentalisme de La Monte Young, l'urgence de la musique électronique et les traditions populaires américaines de tous bords. « What Are They Doing in Heaven Today? » est ainsi la reprise ambitieuse d'un classique populaire américain écrit par Charles Albert Tindley en 1901.

Christophe Levaux Novembre 2014

Christophe Levaux est chercheur en Musicologie. Ses principales recherches portent sur la construction des genres postmodernes

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