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Voltaire et la condition humaine

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Dopartmw,t

or

Fronch Languago and Litoruturo.

Degroo: IJaotor

or

.llrlo

LOhan:ne a 6té le sujet principal de l'oeuvre de Voltairso Dano touo 100 gonros quoil a abo~6s, nous voyono lOhomme aux prises Qvec la vie et seo conditions naturelles ot socioleoo Loo peroonnages de sos Conteo sont roDins des homneo en particulier

quo

deo types dOhumanit6o

En

faco do lOUnivorsq 10 philosophe s'interroge: qui auio-jo?

ca

vaie-jo? Loo probltmoo m6tqphyoiquoo lOont hant6 -touto sa vioc C'ôot une connaiooance pooitivo de lOh~c ot de 000 ltmitoo ~'il De propooo do chercher; et ~ partir do cetto connaiooance il fonda ra Da corcloe

LOhoono étant un Ctro oooontiollcncnt oociablo, Voltairo a

propo06 ~ lOattantion do COD cont~oraino lOidoo dOuno eoci6té

oa

pQt régnor le mad.EUr:l do 06curit6 ot do bicn-Otroo Il oOint6reDoo coine au2t

proh!beo théoriquos ot g6néraux qu.o aux rOforooD iC.l6diatœont applic<Jblos oriont600 vero l'ûctianD Soo orforto tondant ourtout Q~ rondro 100 ho~o

~ino DotO et plus honnOtooQa Dans 00 but il roroulera la dovoir do

chaque gouvernC2~nt, celui dOaoouror ~ l'ho~o la libort6 ot 1°égalit6o

100 droito 100 pluo ahorsa

L'idéal quo porto lOhommo dano Da naturo oot colui QU bonhOur torrostro; aussi Voltairo propoDora-t~il un art do vivra pour attoindro ce bonhour, s!El~lo et torro ~ terrOD

Son activité 6tait Durtout dirigéo vero lOçm61ioration de la condition humaine our torro etcb tout 00 qui lui oat cher: la libort6o

la vieq le bonhour, la riohooooa

Quol oot la but do 10 vio? ba vie vaut~ollo la paine d'Otro vécue? C'ost co quo oct oooai 00 propose d'analyser dOopr~o lOoouvro do Voltolroa

(2)

)

.'

VOLTAIRE ET LA OONDITIŒJ HUMAINE

by

Thér~se BlB,m'!I

c=r =-:;=p

A Thesis submittod to the Faculty of Graduate Studios and Research in partial fulfilment of the roquirom3nts for the degree of Master of Artso

Department of French Language and LitGrature, HcGill University

lvIontrGal 2

@

Thérèse Bibawi 1968

(3)

)

TABLE DRS 11ATffiREf!

INTRODUCTION

CHAPITRE 1 : VOLTAIRE INTERROGE L'UNIVERS

a) Existence de Dieu

b) Nature de Dieu

c) Probl&me de la nature et de l'immortalité de l'Smeo

d) Philosophie de l'univers; les lois du ruondea

e) Ethique de Voltaire: d6ismeo

CIffiPITRR I I : LE ~ffiL DANS LE ~l)NDEa

a) Les philosophes du XVIIIe si~cle et le

probl~e du mal

b) Le problfume du mal dans l'oouvre de Voltaire

a) Voltairo apologiste do la civilisation b) Plan de gouvernement de la société et

réformes oud~6roeo:

10 Politique intérieure: choix du gouvernement

20 Dofense des droits do l'homme

30 Politique économique du pays et réformes sociales ouggoréeso 40 Réforme judioiairo

c) Politique nationale et intoxnationale d) Politique coloniale po 10 po 11 po 19 po 22 po 32 po 41 po 62 po 69 po 74 pn 33 po 39 po 95 polOl

(4)

TABill DES r.1nTmRES mmmn==:: ... (Quito)

'0'·

C.Hl\PITRE IV: UN ART DR VIVRE po 105

CONCLUSION po 121

(5)

INTRODUCTION

Quand on consid~re l'oeuvre de Voltaire dans son ensemble, on reste étonné devant tant d'6~uditionD "Je ne vois pas, disait Taine, quelle ~dée importante manquerait

&

un homme qui l'aurait pour bréviaire. Non seulement les vues sur le monde et sur l'homme, les idées générales de toute esp~ce y abondent, mais encore les renseignements positifs et mGme techniques y four.millent: petits faits semés par milliers, détails multiples et précis sur l'ana-tomie, la physique, la géographie, la physiologie, la statistique, l'histoire de tous les peuples, expériences innombrables et

personnelles d'un homme qui, par lui-m€me, a lu les textes, manié les instrum~nts, visité les pays, touché les industries, pratiqué les hommes et qui, par la netteté de sa merveilleuse m€moire, par la vivacité de son imagination toujours flamboyante, revoit ou voit, comme avec les yeux de la t@te, tout ce qu'il dit ~ mesure qu'il

l

Nul, en effet, mieux que Voltaire ne sIest imposé la pratique de la r~gle qu'il donnait ~ son ami Cideville, le 18

février 1737: "Il faut donner ~ son Sme toutes les formes possibles, c'est un feu que Dieu nous a confié, nous devons le nourrir de ce que nous trouvons de plus précieux; il faut faire entrer en notre @tre tous les modes imaginables, ouvrir toutes las portes de son Qme ~ toutes les sciences et ~ tous les sentiments, pourvu que tout cela n'entre pas pGle-mGle, i l y a place pour tout le monde': D

1. Bellessort, André: ltssai_s~! Voltaire. Paris, Perrin, 1950 - p.316 citant Taine dans "Les Origines de la France Contomporaine", t.l

(6)

L'idée générale qui se dégage de tous ses écrits, comme nous le verrons dans les chapitros suivants, est une: o'est partout l'homme aux prises avec la vie et sos conditions naturelles et socialés"

L'homme ne peut s'~@cher de se poser les probl~es: savoir d'oü je viens, et oft je vais. Ces spéoulations métaphysiques,

Voltaire se les est poséesa Il en est de même de certains probl~es

qui hantent l'homme de tout temps, comne oelui du mal sur la terre. Et surtout, Voltaire a considéré l'homme social et a essayé d'établir ses rapports avec les autres hommes et de lui dicter une r~gle de vie qui lui pe~ettra d'atteindre son honheur terrestre.

Dans les chapitres qui suivent nous consid8rerons avec Voltalre l'homme en face de l'univers et les probl~9s qu'il ce pose: ex1stence et nature de Dieu, lmmo"rtalité de l'€imeq philosophie

de lqunivers, religion. Ddns un deUXIŒne chapitreq apr~s une étudo rapide du probl~e du mal dans la conSCIence des philosophes du XVIIIe si~cle, nous enVIsagerons ce probl~me dans l'oeuvre de Voltaire et dans ses Contes en partioulieru

Puis dans un troisi~e chapitre nous étudierons l'homme en sooiété et les probl~es qui résultent des rapports des hommes entre eux. Bnfin, dans un dernier chapitre, nous soumettrons l'idéal de vie que nous propose Voltairoo

(7)

)

CHAPITRE....!

VOLTAIRE INTERROGE L'UNIVERS

=

''''Un homme qui reçoit sa religion sans examen, ne diff~re pas d'un boeuf qu'on attellel'} a (Examen important de Mylord Bolingbroke, 1767)

Qui es-tu? se demande Voltaire dans son "Philosophe ignorant" (1766). D'oü viens-tu:? Que fais-tu? Les livres faits depuis deuJC mille ans m'ont-ils appris quelque chose? Nous sommes effrayés de nous chercher toujours et de ne nous trouver jamais. Suis-je libre? Quelle idée puis-je avoir d'une puissance infinie?

Toute sa vie Voltaire s'est occupé de Métaphysique: attributs et vraie nature de Dieu, origine du monde et de la vie, eJdstence et immortalité de l'ame, rapports de l'Sme et du corps, origine du mal, destinée de l'homme, - toutes ces questions le préoccupaient, mais chaque fois il constatait que ces probl&mes dépassent l'intelligence humaine. C'est ignorer les limites de notre nature que de prétendre résoudre des probl~es sur lesquels les philosophes ne sont jamais d'accord.

Dieu existe-t-il? Romans, traités historiques, po~mes, toute l'oeuvre de Voltaire touche aux questions religieuses. IUles occupent une place de choix dans les "Lettres philosophiques", les "Dialogues"

1

philosophiques, le "Traité su~ la Tolérance", le "Dictionnaire

philoso-II

phique. Voltaire est resté fermement attaché

&

la croyance en Dieu, non sans un certain courage, car ses amis, les philosophes, tenaient pour l'athéicme, et son déisme lui valut l'honneur d'être traité de

1. VOLTAIRE: geuvres comp1êtesa Paris, Garnier Frôres, 1877. uLe Philosophe ignorant"', t.26, p.47.

(8)

)

La croyance en Dieu d'aprôs Voltaire s'impose â notre raison: "Le monde est assurément une machine admirable, donc il y a dans le

l monde une admirable intelligence, quelque part oft elle soit". Il suffit d'étudier le monde et les manifestationade Dieu dans le monde pour en ~tre convaincu. De tout temps, le cieL fut sur la t€te de l'homme l'inaccessible et 1,:1nfini. Les astres qui brillent au fond de la nuit transcendèntles événements terrestres, et la régula-rité de leurs mouvements, écrase

1

"honnne qui les contemple sous

l~impression

de la

tout~-puis~ance.

Il suffit & l'honunede contempler

le ciel' nocturne, .. ' pour frémird'une 'émotion religieuse. Oc "Dieu

. . ' . .

des innombrables mondes", pr~seltt dans le ciel, se découvre aux yeux du ""hon Paroubal'l, quand au moment décisif de la d~scussion

avec le "coriace Birtonl'.7, la nuit étoilée de l'lhnérique déploie son spectacle: "~aïouba se mit

&

genoux et dit: les cieux annoncent

2

, ,

, "Servez-vous de vos yeux, et vous reconnaftrez, vous adorerez un Dieu. Songezcommentces'globes immenses, que vous voyez rouler dans leur immense carri~re, observent les lois d'une proforide mathématique: il y a, donc un grand mathématicien que Platon appelait "l"OterneLgêoméHre. Vous admirez cos machines d'une nouvelle invention, qu'on appelle Oreri, parce que Milord Oreri 'les a mis tila mode en protégeant l'ouvrier par ses libé-ralités: c'est une tr~s faible copie de notre monde planétaire et de ses révolutions, la période mGme du changement des

solstices et des équinoxes, qui nous am.~ne de jour en jour une nouvelle étoile polaire.

Cette période, cette course si lente d'environ vingt-six mille ans, n'a pu Gtre exécutée par des mains humaines dans nos oréri. Cette machine est tr~s imparfaite: il faut la faire tourner avec une manivelle; cependant c'est un chef-d'oeuvre de l'habileté de nos artisans. Jugez donc quelle est la puissance, quel est le génie de l'éternel architecte si l'on peut se servir de ces term.es impropres si mal assortis li l'Etre Suprême""'. (3)

1. Voltaire: Oeuvres com~lêtcsD "~e Dictionnaire philosophiquo", t. 17, art. Athéisme II,

;.464.

'

2. Voltaire:'E.9mans ej: Contes. Paris, Garnier Frèros, 1964. l'.7Histoire de Jenni", p.541.

(9)

Dieu est l71'hor loger/'.?, '1l'étornel géom~trel".1, 17ll/éternel architecte du monde".

'~'univers m'embarrasse et je ne puis songor

Qu.a cette horloge e,ltiste et n'ait point d'horloger17 (1)

Les philosophes athées, d'Holbach et Diderot, tentaient de démontrer que la mati~re, àans l'aide dl/une puissance créatrice et directrice, suffisait li eJcpliquer le monde; et· en particulier qu'on passe de la mati~re brute

&

la mati~re vivante, de la mati~re

vivante ~ l'intelligence par une série de transfor.mations mécaniques ou chimiques. DI/Holbach, pour fonder sa th~se, sI/appuyait sur les observations faites par Needham d'animalcules â forme l'.1d' anguilles" naissant spontanément, prétendait lI/auteur, dans un mélange d'eau et de blé ergotéD (D'Holbach: Syst~me de la Nature - 1770)D

" .

Qu'est-ce que la mati~re, leur demande Voltaire, et qu'est-ce que 111 espri t?

di t:

l~on, mes amis, nous ne faisons rien; nous ne pouvons rien faire: il fious est donné d'arranger, dl/unir, de désunir, de nombrer, de peser, de mesurer; mais faire g Quel mot g

Il n'y a que' l '~tre nécessaire, ll/~tre mtistant éternellement par lui-mGme, qui fassei voil& pourquoi les charlatans qui travaillent li la pierre philosophale sont de si grands imbéciles, ou de si grands friponsD Ils se vantent de créer de l'or, et ilstlc pourraient pas créer de la crotte. Avouons donc, mes amis, quI/il est un Etre Supr&me, nécessaire,

incompréhensible, qui nous a faits 17D (2).

Et dans l'article '~aturel'.1 du Dictionnaire philosophique, Voltaire

""On m'appelle nature, et je suis tout!I!J:.fI , cl/est li dire créée.

1. Voltaire: Oeuvres complltes. I.1Les CabalesCJ , LlO, PD 482, vv.llO-lllD 2. Voltaire: Romans et ContesD UHistoire do Jenni'J, p.528.

(10)

)

6.

Dans une deuJdDme période plus soientifique, Voltaire recourt â 18observation des Otres au cours do sos eJqlérionces. Il cite lieJtemple du philosophe Vanini, accusé dllathéisme et brftlé. Et comme Vanini, Voltaire avance que pour prouver qullil y a un créateur, "il suffit d8observor dans le monde le mouvement

l et la végétation".

Mais la preuve de l'existence de Dieu qui satisfait Voltaire le plus est celle des causes finales. "Avgument rebattu, dit-il, mais argument de Cicéron et de Nel'rton: il pourrait, par cela seul, faire entrer les athées en quelque défiance d'ewe-m@mes"".

"Si une horloge nllest pas faite pour montrer l'heure, j'avouerai alors que les causes finales sont des chtm~res; et je trouverai fort bon qu'on m'appelle cause-finalior, c'est â dire un

imbécilel'I. (2).

Toutes les pièces de la machine du monde semblent faites liune pour l'autre. Dans"18histoire de Jenni" Voltaire dit:

""Depuis la racine des chevowc jusqu'arue orteils des pieds, tout est art, tout est préparation, moyen et fin. nt, en vérité, on ne peut que se sentir dë l'indignation contre ceux qui osent nier les véritables causes finales, et qui ont assez de mauvaise foi ou de fureur pour dire que la bouche n'est p~s faite pour parler et pour manger; que ni les yeruc ne sont merveilleUsement disposés pour voir, ni les oreilles pour entendre, ni les parties de la génération pour engendror: Cettè audace est si folle que j'ai peine â la comprendre". (3).

Vol taire sait très bien les ridicules aUlcquels on s' eJqlose en défendant les causes finales, et c'est lui qui a fait dire â Pangloss dans llCandide": "Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettcs, aussi avons-nous des lunettes. Les

1. Voltaire: Oeuvres_coIDRlêtes. "Dictionnaire philosophique", t.17, art. (}'Athéie"~ p.454.

2. Ibid. t.1S, art. l'J'Causes finales", p.102. 3. Voltaire: Romans et Contes. IJHiStoire de JonnilJ

, p.528.

(11)

)

jambes sont visiblement instituées pour Otre chaussées, et nous avons des chausses". Mais le ridicule no porte que contre l'abus de la considération des causes finales, non contre l'usage, comme le montre l'article "Causes finales" du Dictionnaire philosophique.

~ais il est bieri évident que, si les nez n'ont pas été faits pour les bésicles, ilà l'ont été pour l'odorat, et qu'il y a des nez depuis qu'il y a doshommos. De même los mains n'ayant pas été données en faveur des gantiers, elles sont visiblement destinées â tous les usages que le métacarpe et les phalanges de nos doigts, et les mouvements du muscle circulaire du poignet nous procurent". (1)

Dans le monde il y a cortaines fonctions Urunuablos dont on ne peut pas rendre compte en les attribuant au hasard.

Tandis que 1'examen métaphY6 ique fonde l ' e:dstenc e de Dieu en raison, une enqu@te sur les religions met ~ jour les bases historiques du déisme de Voltaire. Voltaire insiste dans toutes

ses oeuvres sur l'ethnologie religieuse. Il recherche les différentes croyances de peuples eJtotiques et il conclut que si tous ces peuples croient en Dieu, c'est que la religion est quelque chose do naturel

à l'homme.

L'esprit religieUJt paraissait ~ Voltaire résulter nécessairement du progr~s de la civilisation. Dans les "Lettres philosophiquesO

Voltaire établit une relation entre l'expansion du commerce anglais et les progr~s de la tolérance. L'intérêt rassemble dans la m€me

l~ Voltaire: Oeuvres comp-lôtes. "Dictionnaire philosophique", t.la,

(12)

)

80

place Juifs, MahomOtanD, Pa.iens, Catholiques, Quakers, Anaba,.otiotesD Ils écrivent furieusement leo uns oontre les autres: ma.is l°tmportant est quoils commercent ensemble, paoifiquement et librement, et quoau fond, ils honorent tous, par des voies différentes, le mGme Dieua

Les sages des contes de Voltaire sont aussi généralement religieux; ils honorent la religion et ses for.mes particuli~res dans la mesure on celles-oi peuvent Gtre des garanties sociales de bon ordre, mais ils l'attaquent d~s qu'elle oonduit

&

l'into16rance, au fanatisme, au meurtrea Zadig aimerait voir régner chez tous les hommes une sorte do déisme tolérant: dans la sc~e famQuse du Souper on des marchands se querellent 'pour des questions religieuses, il réussit â les calmer en leur montrant que les divers myst~res des religions sont des enveloppes â peu pr&s équivalentes pour urt oertain nombre de grandes vérités universellement admisesa Ainsi, dans une sorte de déisme tr~s souple, est assurée la fraternité des hommes, adorant dans un Dieu créateur l'ens~~le des vertus quoil leur faut pratiquern Ce Dieu assure, non oeul~ent l'ordre moral, mais encore une explication suffisamment rationnelle de tout cc qui nous éoha9poo

Si le probl~e de l'existence de Dieu se fonde sur la raison et sur des bases historiques, il se pose aussi comme une nécessi téo

et une nécessité socialea l~outes les nations policéesq écrit Voltaire

dans l'ABC" ont admis des dieuJc roco:npenseurs et punisseurs, et je suis oitoyen du mondello Aucune société ne peut vivre sans justioe; annonçons donc un Dieu juste" si la loi de lOétat punit los crimes

(13)

certitude:

C~e grand objet, le grand intér&t, ce me semble, n'est pas d'argumenter en métaphysique, mais de peser s'il faut, pour le bienconimun de nous "autres animawc misérables et pensants, admettre un Dieu rémun6rateur et vèngeur, qui nous serve ~

la fois de frein" et de consolation, ou rejeter cette idée en nous abandonnant"~ nos calamités sans espérance, et

&

nos crimes sans remords. ( ••• )

Dans le doute oû nous sommes tous deux, je ne vous dis pas avec Pascal: prenez le plus stlr. Il n'y a rien de s1Îr dans

l'incertitUde~ Il ne s'agit pas ici de parier, mais d'elcaminer;

i l faut juger, et notre volonté ne détermine pas notre jugement". (1)

Au philosophe Bayle, qui soutenait que la morale était indépen-dante de la croyance en Dieu, Voltaire riposte que pour les philoso-phes, peut-gtre, non pour la foule. l"lJe veUJt que mon procureur, mon tailleur, ma femme même croient en Dieu; et je m'imagine que j'en serai moins volé et moins COCU"D2 La crainte d'un Dieu "r€mun6rateur

et vengeur" est en effet le meilleur fondement de la morale pour les esprits simples. Quant awc 1"1philosophesl"l, ils peuvent s'en passer: leur raison suffit ~ les maintenir dans la morale. Et encore, dans son roman de Jenni~ ce n'est pas le peuple, ce sont les hautes classes que Voltaire nous montre corrompues par l'athéisme. Sans doute, la crainte d'un 9tre qui voit tout et qui les ch&tiera, emp@che les paysans de ~oler le blé et le vin; cependant l'idée de Dieu ne protège pas moins les citoyens que les propriétaires:

"L'athéisme peut tout au plus faire subsister les vertus sociales dans la tranquille apathie de la vie privée; mais il doit porter

&

tous les crimes dans les orages de la vie publique". (3)

1. Voltaire: Oeuvres aomPllètes. "Dictionnaire philosophique", t. 18,

art. Dieu, Dieux, V.,. pa 3760

2. Voltaire: Oeuvres c01IlPl~t.e,s.D c1Dialogues A B CEl, t.27, p.399.

30 Voltaire: Oeuvres. complètes. l"IHo.mélies prononcées

&

Londres en 1765u ,

(14)

)

lOa

n'implique pao un doute our l'existence do Dieu, mais nous proclame quo, fat-on assuré que le ciel eot désert, l'intérQt deo hommos

l

exigerait que sur ce point on leo troropat"a

*

*

*

L'eJcistence de Dieu étant fond~6, quelle idée peut-on se faire de lui? Quelle est sa nature? Est-il esprit ou mati~ro?

,

Toutes aes questions Voltaire so les pose, maio il oot conscient deo limites de l'homme et il s'interdit de le définir avec precisiono Dans l'article C~ieu" du Dictionnaire phHosophique, Logomachos pose des questions

&

Dondindao:

La Quelle id6e ac-tu de Dieu?

Do L'id6o de mon ctéûteur, do mon ma~tre, qui me récompensera si je fais bien, et qui mo punira. si jo fais mala

La (000) Venons

&

l'essentiel. Dieu est-il infini secundum quidg

ou oelon l'ossonce& .

Do Je ne vous.entends,pasa

La Bolle brateg Dieu est-il on un lieu, ou horo do tout lieu,

ou on tout lieu?

Do Je n'en sais rienooo Tout comme il voua plairaa La Qu'eot-ce que Dieu?

Do Mon souverain, mon,ju90, mon plJreo

La Co n'est pas

1&

co que je damandeo Quelle ost sa nature? Do D'Ûtre puiooant et bona

La Mais eot-il co~orel ou spirituel?

Do Comment voule3-vouo que je le sache? (2)

"

Tout ce que Voltaire peut dire est ce que Dieu n'est pas: semblable ~ l'homme, limité dans le tempsa Soo attributs? Ce sont

.f

leo superlatifo deo qualHés humaines~ c.1De par l'Rternel, Créateur,

3

Consorvato1lr, Rémunérateur, VG11gour, Pardonnouroaac.1o Dieu €lot puisoant, juote et bionfaioanto c.1Je ne sais point ce que sont les 10 ITollessort, André: ~oai sur YQltairea Parisg Perrinq 1950, pD342

2. Vol taire: Oeuvroo corgplt:'Jt,2,qo ·.7Dictionnairo philosophiquet.1, tale, art o Diou, Po303

(15)

attributs do Dieug ot je ne suis point fait pour embrasser Gon

l

eSRencef ' "

Co qui importe est que r~iGU m'a donné assez de raison pour comprendre qu'il existe, mais non assez pour savoir au juste si la

mati~re lui a été éternellement sourniae ou s'il l'a fait naftre dans le tempsa Que vous importe l'éternité ou la création de la

mati~re, pourvu que vous reconnaissiez un Dieu, maftre de la

mati~re et de vouSo Vous me demandez oa Dieu est; je n'en sais rien; et je ne dois pas le savoir" Je sais qu'il est, je sais qu'il est notre ma~tre, qu'il fait tout, que nous devons tout attendre de oa

2 bontée.7.

Seulement ~ quoi sert la conception d'un Dieu rémunérateur et Vengeur sans le dogme de 19~e immortelle Ole pluo sage, le plus consolant, le plus politique dos dogmes et le plus universellement répandu?O Dieu est inutilo, du moins au point de vuc oocial, si

l'~e meurt avec le corpSo Et .qu'cst-ce que l'Qme? Qui l'a vue?

oa

loge-t-elle? Cent fois Voltairo est revenu sur les probl&meo que fait

na~tre co mot. Il ne demanderait pas mieux que d'imaginer l'8m2

distincte du corps, il n'y arrive pas. °Je suis corps et je pense: je n'en sais pas davantege. Rien n'empêche de croire avec Locke

que Dieu a pu donner

&

la mati~re la faculté de penser; et après tout, pourquoi n'aurai t--il pas attaché l' i:n:mortali té ~ cette matil)re, que nous ne connaisoons pas, aussi bien qu'û l'esprit, quo nous connaissons Œoins encore? Enfin, s'il faut renoncer â Ce dogme, disons-nous qu'il

1. Voltaire: Oouvren co~~~&Jlo~. r~e Philosophe ignorantO, to26, p.64a 2. Ibid., Fom~s_if Conte,,!. l.1ffistoire de Jenni".7, p.529.

(16)

-n'est pas si salutaire puisqu'il u laiss0 en proie â tant d'horribles crimes des hommes, qui ont si peu de temps

&

vivre et qui sc voient

. l

pressés entre dem!: étemi tésl'.1.

2

Lorsque Micromégas demande aux l'.1atomes pensants l'.1 : ~uisque vous savez si bien ce qui est hors de vous, sans doute vous savez encore mieux ce qui est en dedans:. Dites-moi ce que c'est que votre time, et comment vous formez vos idées", les philosophes se mirent ~ parler

tous à la fois, mais ils étaient tous en désaccord. Aristote, Descartes, Leibnitz sont tour à tour caricaturés par Voltaire. Il critique

Descartes et son innéisme, selon lequel l'.11'ame arrive dans le corps pourvue de toutes les notions métaphysiques, connaissant Dieu,

, 3

l'espace, l'infini, ayant toutes les idees abstraitesl'.1 • Pour Voltaire, Descartes qui a détruit par sa méthode les erreurs de l'antiquité a eu le tort d'y substituer les siennes, qui sont le l'.1r oman de la philosophiel'.1. Voltaire ridiculise aussi le syst~e de l'harmonie préétablie par laquelle Loibnitz eJcpliquait l'accord, sans communication, entre l'âme et le corps. Le disciple de Leibnitz eJcplique que son Gme est ""'une aiguille qui montre les heures pendant que mon corps carillonne; ou bien, si vous voulez, c'est elle qui carillonne pendant que mon corps montre l'heure; ou bien mon @me est le miroir de l'univers, et mon corps est la bordure du miroir: tout

2 cela est clair'''.

Les syst&mes métaphysiques ne conduisant â aucune certitude, di t Volta:lre; mieuJc vaut nous consacrer à lQobservation et à

1. Pomeau, René: R~lJ.~ion de_Voltaire. Paris, Nizet, 1956 - pa343, opacit. 2. Voltaire: Bomans et Conte,Qa L"JHicromégasl"", p.1l2.

(17)

)

13.

l'exp6r4ence, qui sont ~ notre portée, Voltaire ne garde de l'Essai de Locke sur l'Entend~Gnt humain, que nl a petite bagatelle de l'tcmatGrialité de l,~n. Il dira:

lITant de raisonneurs ayant fait le roman de l'Que, un sage est venu qui enafait modestemant l'histoire. Locke a développé b l'homme la raison humaine, comme un excellent anatomiste explique les resso~ts du corps humain. Il s'aide partout du flambeau de la physique, il ose quelquefois parler affir.mati-vement, mais il ose aussi douter. Au lieu de définir tout d'un coup ce que noulS ne connaissons pas" il eJtamine par degrés ce que nous voulons conna~tro. Il prend un enfant au

~oment de sa naissance, il suit pas

&

pas les progr~s de son entendement; il voit ce qu'il a de commun avec les bQtes, ~t

ce qu'il a au-dessus d'elles; il consulte surtout son propre témoignage,la conscience de sa pensée.

Je laisse, dit-il,

&

discuter û ceux qui en savent plus que moi, si notre ame existe avant ou apr~s l'organisation de notre corps; mais j'avoue qu'il m'est tombé en partage une de ces Gmes grossières qui ne pensent pas toujours, et j'ai m@ma le malheur de ne pas concevoir quPil soit plus n6cessaire

~ l'âme de penser toujours, qu'au corps d'Qtre toujours en

mon vem",n +n ( ' )

_

_

...

,..,.

Locke critique l'innéisme de Descartes, et essaye de prouver par une analyse méthodique qui laisse de cSté comme insolubles les problfunes métaphysiques, que toutes nos idéos nous viennent de

l'eJ~6rience et des sens. Voltaire ramêne volontairement l'article sur M. Locke (Lettre philosophique XIII) au problème de la nature de l'Que et particuli~rement

&

la proposition de Locke: {~ous ne serons peut-Gtre jamais capables de conna~tre si un Gtre purement matériel pense ou nont

., que Voltaire met dans la Lettre philosophique

XIII en pleine lumi~re et qui, ainsi iso16e et éclairée, est plus audacieuse que le philosophe anglais ne l'avait voulu. Voltaire

2

écrivait & Gon ami La Condamine (22, juin 1734) : l'11a lettre sur Locke

1. Voltaire: Oeuvres complûtos. 111ettres philoDophiqueso,XIII, t.22, p.123. 2. Ibid., l"ICorrespondance

t.7,

t:33, p.436.

(18)

se réduit uniquement ~ OGoi: "La raison humaine ne saurait démontrer qu'il soit impossible A Dieu dUajouter la pensée à la mati~reQ.

Desoartes disait: "Je ponse, donc

je

suisQ, et il oonoluait

~ la réalité essentielle et

&

la prédominanoe de la partie spiri-tuelle. Quand Voltaire dit dans sa lettre philosophique XIII sur Locke: "je suis oorps et je pense, je n'en sais pas davantage", en se gardant de conclure, il attribue la réalité essentielle au oorps. Voltaire étudie en particulier la dépendance de lUesprit ~ l'égard du oorps. La pensée, dit~il,

&

l'état de veille, dépend de la volonté, tandis que dans le songe, elle dépend d'assooiations automatiques qui ne dépendent pas de nous. Et i l oonclut: pourquoi la pensée ne dépendrait-elle pas du corps et des organes?

f3Si les organes seuls produisent le8 rgves de la nui t, pourquoi ne produiront-ils pas seuls les idées du jour? Si l 'l?!me pure~ tranquille dans le repos des sens, agissant par elle-mGme,est l'unique oause,'le sujet unique de toutes les idées que vous avez 'en dormant, pourquoi toutes oes

idées sont-elles presque toujours irrégulièree, déraisonnables, incohérentes? n (1).

L'horrme n'est pas capable de dépasser les données qui lui sont fournies par les senSa La penséo est étroitement li6e aux sens et aux images formées par eux. La sensation est un phénomène qui se passe dans l'esprit. La oonnaissanoe n'est pas une oonnaissance réelle des choses du monde, elle reste subjective. LUesprit n'est pas capable de connaître l'uni ve rs, ni "le bout des chosest.l a (2)

1. Voltaire: Oeuv~es oomDlôtes. UDiotionnaire philosophique", ta20, art. Songes, p.433D

2. Voltaire: Romans et Contes. f2J:.1ioromégas11

, pal13.

(19)

150

nToute l'antiquité a maintenu que rien n'est dans notre entendement qui nIait été dans nos sens~ (oaQ) Toutes les facultés du monde n8emp@cheront j&~ais les philosophes de voir qtle nous commençons par sentir, et que notre mémoire n'est qu'uriè sensation continuée. Un homme qui na~trait

privé de ses -ôinq sens serait pi'ivé de toute idée, s'il pouvait vIvre a Les " notIons métaphysiques ne viennent que par les sens; ôar c9mment-mesurer un cercle ou un triangle, si on n'apas vu ou touché un cercle ou un triangle?

Comment se faire une idée imparfaite de l'infini, qu'en reculant des bornes? et comment retrancher des bornes, sans en avoir vu ou senti?". (1)

Enfin Voltaire conclut que les syst~mes métaphysiques ne conduisent ~ aucune certitude: mieux vaut nous consacrer ~ l'observa-tion et ~ l'expérience, qui" sont ~ notre portéea C'est le th~e

voltairien par excellence:

"J'avoue que mille tomes de métàphysique ne nous enseigneront pas ce que c'est que notre Sme.aa Concluons que nous devons employer cette intelligence, dont la nature est inconnue, ~

perfectionner les sciences qui sont l'objet de 16Encyclopédie, comme les horlogers emploient des ressorts dans leurs montres, sans savoir ce que c'est que le ressort"a (2)

On ne pourra jamais conna~tre l'essence de l'ame, ni si au fond elle est immortelle:

"Je pense, et je voudrais connaître un peUaa. l~.a. toucher au doigt ma pensée. Cela doit @tre fort curiewc. Je cherche si je peTlse par moi-mâne, si Dieu me donne mes idées, si mon 9me est venue dans mon corps â. six semaines ou â. un jour, comment elle s'est"logée dans mon cerveaua ••

(Le Géomètre): Hélas~ nous sommes aussi ignorants que vous;

adresse~vous â. la Sorbonne". (3)

1) Voltaire: Oeuvres complètes. t.7Dictionnaire philosophiquet l

, t. 20,

arta Sensation, =pa420 2) Ibid. UDictionnaire philosophiquel1

, to17, arta .fune, p.l39.

(20)

)

16. l et dans l'Histoire de Jenni:

UBirton: N'allez-vous pas me dire, après tant de déclamateurs,. que nous vivrons éternellement quand nous ne serons plus; que nous possédons une ame ~ortelle, ou plutet qu'elle nous poss~de, après nous avoir avoué que ·les Juifs emt-mêmes, les Juifs, aWtquels vous vous vantez d'avoir été subrogés, n'ont jamais .soupÇonné seulement cette immortalité de l'SIDe

jusqu'au tèmps d'Hérode?

: ( ••• ) Helas, monsieur, savons-nous seulement si nous avons une Sme?l'~

Toutefois, dans ce complexe d'idées, le probl~e de l'tmmorta-lité de l'~e intéresse la société et la morale; aussi Voltaire conclut-il qu'il est utile d'enseigner que l'ame survit ~ la mort, parce que les hommes sont retenus par l'idée du jugement dernier auquel nul n'échappe.

D'autre part, l'immortalité de l'&me est une solution au problême du mal. Il eat impossible que Dieu soit, et qu'il soit

injuste •. L'unique réponse est dans l'espérance d'une vie meilleure qui réparera tout. (L'idée est dans le ("Dictionnaire philosophique",

article Dieu °mon créateur, mon maître, qui me récompensera si je fais bien, et qui me punira si je fais mal", - et aussi dans "'l'Histoire de Jenni").

Malheureusement il est impossible de démontrer les probl~es

métaphysiques

&

la rigueur. Si l'intérat de la société et de la morale exige qu'on présente au peuple comme vérités incontestables 11 existence d'un Dieu ur&nunérateur et vengeurl".1 et Ill' immortali té de l'amaTI, au fond de lui-même Voltaire nIa sur ces articles aucune

1. Voltaire: Fomons et Contes. lJHistoire de Jennit

(21)

17.

certitude. Il se contente dQespérer, et de parier comme faisait Pascal, quand il disait que le plus sar est de vivre comme si Dieu devait juger lQame immortelle.

"Le meilleur parti que vous ayez à prendre est dQ@tre honn~te

homme tandis que vous existez" dit Freind

&

Birton, et ce dernier d'acquiescer: "D'@tre honn@te homme pendant que j'existe? - oui, je l'avoue;· oui, vous avez raison: c'est le parti qu'il faut prendre". (1)

Ainsi Voltaire est ballotté entre la raison.qui repousse l'immortalité de l'ame et son sens pratique qui la réclame. Il nous avoue lui-m€lme ses inaertitudes et ses contradictions.

"Je ne suis sar de rien: je crois qu'il y a un gtre intelligent, une puissaricèformatrice,un Dieu. Jetatonne dans l"obscurit6 sur· tout le reste. JQaffirmè·une idée aujourdQhui, jQen doute demain; apr~s-demain je la nie et je puis me tromper tous les j ourst'.7. (2)

DanslllQlngénu", Gordon demande au prisonnier:

"Que pensez-vous donc de l'âme, de la mani~re dont nous recevons nos idées, de "notre volonté, de la gritce, du libre arbitre? - Rien, lui répartit l"Ingénu .. si je pensais quelque chose, cQest que nous sommes sous la puissance de lQEtre éternel comme les astres et les éléments; quQil fait tout en nous, que nous sommes de petites roues de la machine immense dont il est l'âme; quQil agit par des lois générales, et non par des vues particuli~res: cela seul me para~ intelligible; tout le reste est pour moi un abîme de tén~brest1. (3).

La raison humaine, tout compte fait, ne peut jamais sQélever

~ ces probl~mes qui la dépassent. Que les philosophes ne fassent donc pas les superbes. LeursdLsputes métaphysiques "ressemblent ~

des ballons remplis de vent que les combattants se renvoient. Les vessies crèvent, l'air en Bort, il ne reste rient'... 4

1) Voltaire: Romans et Contes. '''Histoire de Jennil"J', p.544.

2) Bellessort, André: Essai sur Voltaire. Paris, Perrin, 1950. p.343 3) Voltaire: Romans et Contes." "L'Ingénu", p.251.

(22)

)

100

HiCUlt vaut noue éloignor de la métaphysiquo qui présente

do graves dangoro: 0110 divise 100 hommes ot los conduitg our le

plan religioux" aux oxc(}o du fanlltiomo et aUle t'~arbarieo oanglantoo dao guerras de roligiono:

~e sang a coula dans les omnpagneo et sur los échafauds pour des arguments do théologie, tant8t dans un pays, tant6t dans un autro, pendant cinq oento années" presque sans interruption~ ot oe fléau n'a duré si longtemps quo parce qu'on a toujours négligé la morale pour le dogmo~ (1)

Dans 10 SiDolo de Louio XIV, Voltaire en appelle au témoignago dos pa..,oos ewt-mCmeo:

r~es papes curont toujours pour but d'étouffor oes oontroverses, dans losquellos on no sOantend p~int" ot do réduire los

deux parties ~ cm.oeigner la m0me morale quo tout le mondo entonde Ria~ nOétait plus raisûrülablo~D (2)

La métaphysique tiont aussi los ho~es dans l'angoisse devant dos probl~es insolubles ot los détourne do la vieo Pourquoi perdre ainsi notre tempo ot notro énorgio? La °sagesoeO consiste ~ tourner

.

.

10 dos

&

la métaphysique et

&

recherchor le bonheur terrestre °autant que la nature humaine le comportoao Voltaire sOopposo en effet, essentiellement, ~ la prétention pascalienno d°6tûblir "en raiaon" le dogme de la ohute originelleo Si le christianisae nOeat plus qu'une "question de foi", 10 "sageO resto libro do

fonder sa morale sur une connaissanco positive de lOhomme et de seo l.imiteso al\. l'égard de Pasoal, le grand point de la question roule . vioiblemont our ceoi, savoir oi la raioon humaine suffit pour prouver

·3

demI: natureo dans lOhommd.1 (A la Condamine, 22 juin 1734)"

-1. Voltaire: Oeuvren cOIDPllJteso l'Essai our les Hoourou, to13, pa176-177.

20 Ibid.~ I.1STlJole de Louis XIVl".1·ch.37, talS, pa394. 3. Ibid., aCorroopondanceQ

(23)

)

Est-ce une attitude paresseuse de la part des philosophes?

T~on, répond Voltaire, cOest le repos raisonnable des gens qui ont couru en vain; et apr~s tout, philosophie paresseuse vaut mieux

l que théologie turbulente et chimères métaphysiquest.7.

il-il-

*

Quelle était la philosophie de l'univers de Voltaire? . . Voltaire croit

&

l'existence de lois nécessaires au monde. Dieu a établi les lois du mouvement, puis n'a pas eu à intervenir apr~s.

C'est la "chiquenaude initiale" de Descartes, sur laquelle Voltaire est du même avis.

IIDieu ne commet, ni n'ordonne, ni ne permet le crime; mais il a fait l'homme, et il a fait les lois du mouvement~. (2) Voltaire critique d'HOlbach qui tentait de démontrer dans son

"Syst~e de la Nature" (1770), que la mati~re, sans l'aide d'une puissance créatrice et directrice, suffisait â expliquer le monde; et en particulier qu'on passe de la matière brute â la matière vivante, de la matière vivante à l'intelligence par une série de transfor.mations mécaniques ou chimiques. Il sOappuyait sur les observations faites par Needham dOanimalcules â for.mes dOanguilles naissant spontanément, prétendait 18 auteur, dans un mélange d'eau

et de blé ergoté. Buffon avait aussi fondé certaines de ses constructions sur cette découverte.

1. Voltaire: .Qeuvres complèteq. I.7Dictionnaire philosophiqué', t,,19, art. Facult6, p.72.

(24)

)

"

200

En 1749Q danD uno uDioDortation SUX\ -JoeD changemonts arrivée dano notre globeU , Voltairo, se moquant des qyot&mos de Buffon et de Maillet sur la formation du globo, niait l Qexistenco des coquilla-geo fosDiles,et oe refusait tl croire que 000 n'pierreo figuréesl'.7

comme on les appelait alors, fussent des animaux pétrifiés, t€moins do lQt:-poque lointaine oiLla mer recouvrait en partie la terreo Il sQen pronait au ~eptunismen', théorie dQapr~s laquelle le globe terrestre aurait été façonné par 1" action des emm, dont certains abusaient dans une intention apologétique, parce quQils y trouvaient une preuve scientifique du Déluge, mais qui avait le mériteQ

surtout chez Buffonq d'expliquer la formation du globo par une

méthode fondée our .Pobservationo LeD fosoiles que lQon trouvait sur leD Alpes n"étaient dQaprûD Voltaire, que des coquilloo rapportées de Torre Sainte par 100 croisés ou 100 pélerinso Du

reste, il condamnait toute théorie qui supposait des changements considérabloD sur notre globeo nIl nQy a aucun SYDt&me, disait-ilQ qui puisse donner la moindre vraiD~lance ~ cotto idée si généraœ lemont répandue que notre globe a changé de face, que l'océan a

ôté tr~e longtemps our la terre habitée, et que les hommee ont .. ' vécu autrefois où sont aujourd'hui los marsouins et 100 baleineoo

Rien de ce qui végDte et de ce qui est animal nQa changé; touteo les espêceo sont demeuroeD invariablement leo mOnoD; il serait bien étrange que la graine de millet conservfit éternellemont sa nature, et que le glObe entier variat la sicnneoo

En 17680' dGnD le tmrto {~es Singularitéo do la Naturo"'" i l

blUmeQ non Dans raison, los Dystümeo trop hatifs" et proclame pour

(25)

)

21.

est que plus libre pour e~c:aminer avec une malveillance évidente, les découvertes faites ou les hypothèses proposées par les savants dans les vingt dernières années: nature du corail, nature des

polypes, for.mation des montagnes, génération spontanéeGD. De Maillet, auteur du ~elliamedQ, Needham, dont les observations microscopiques représentaient une oeuvre considérable et neuve, sont couverts par

l

lui de ridicule. Il critique la théorie de 16ovisme, résultant des découvertes du médecin anglais Harvey, d'apr~s lesquelles tous les êtres vivants venaient d'un oeuf dans le corps de la femme. Il critique les théories de l'animalculisme de Leuwenhoeck qui découvrit les spermatozoides origine de la vie, et Hartsoeker qui les étudia au microscope. Il s"amuse, sans cherche~

&

le comprendre, aux dépens de Buffon qui s'oriente vers le transfor.misme. Enfin sur la vieille question des fossiles, tout en admettant "qu'il y a eu sans doute de grandes révolutions sur ce globe'" et que "'la mer a couvert certains terrains"', i l maintient le plus sérieusement du monde l"eJcplication qU'il proposait vingt ans plus t6t:

"Je vois que si de bons citoyens se sont amusés ~ gouverner les Etats, et

&

se mettre

&

la place des rois; si d'autres se sont crus des Triptolêmes et des Cérès, i l y en a de plus fiers qui se sont mis sans façon à la place de Dieu,et qui ont"créé l "uni vers avec leur plume, comme Dieu le créa autrefois par la parole.

Un des premiers qui se présent~ ~ mes adorations fut un descendants de Thalès, nommé Telliamed, qui m'apprit que les montagnes et les hommes sont produits par les eaux de la mer ••• Il y eut d'abord de beaux hommes marins qui ensuite devinrent amphibies. Leur belle queue fourchue se changea en cuisses et en jambes·· .. (2)

1. Vol taire: R,oIl1ans et Contes. l'.1L'Homme aux quarante écus 1".1 , p. 310. 2. Ibid., p.307

(26)

)

220 Et" plus Roin:

- l-iais" mc>nsieurlDinorédlllo" que rC'Pondro~vouo aux. hu~roo

pétrifiées quDon tifrouv6es. sur le oornm:>tdoG .lU.pes?

;;"Jor6pondi-GiD . monsieur le Créateur" qUojonDili pas.,VU plus d"huftres pétrifiées.quo d~.mloics,dcvaisôeau sur le haut dumorit CeniS'aJo répondrai ooqu"on adoj~.clitq qu"on a trouvé desooaillas dqhu~troo (qui se pét ri

fi

ont aisément) âde tr(}s grandeodiotanoes de la, mer, 'oommeon a déterré des médailles roinaines â oent lieues do Rome; . etj"aime mi eux croire que des pélerins de Saint ... J BCquOS ont laissé quelquescoquillos .vero Saint-Mau'rioe que d'imaginer. que lamer a fo~é le mont Saint-Bernard"a

Pour oritiquer et ridiouliser la théorie de l"ovolution des

esp~ces de 11aillet et d~ Buffon" la th~se dos syst&moo de révolutions de la terre".la question de la génération spontanée'ct leo savants de son époque qui disaient que les animaux inforieurs naiosaient oano ger.me" Voltaire De fonde sur le "sens oommunOD On peut lui reprocher de nDavoir pas toujours deviné'oe que renfer.maicnt de vrai certaines oonceptions encore rudimentaires des physioiens ou géologues de Don temps; mais mGme. si plus tard les progrClo de la scienoe ont oonfirmé les hypoth~ses qu'il avait rejetées, il reste toujours vrai qu"il apporta la oirconspeotion et l"ea,prit critique d"un ho~e de scicnceD

L"essentiel pour Voltaire est que la m6t~ohysique aboutisse

~ une éthique a LDhomme est au monde pour agir; Ole déisme ne serait quDune spéculation crcuse" sOil ne contenait. pas la moraleo Cette morale n"est dOailleurs pas, ~ propremont parler" 00 que nous appelons une morale laiqueD Rest6sfidû10D amI: con00ptions tradi-tionnolles" 1013 déistes du XVIIIe oiêc10 fondent la morale our la

(27)

)

23 •.

religion réduite tL la croyance en Dieu;o;u plut6t ils confondent

'", "

..

la religion avec la morale ..

Le

Ci6ism.e

csf

entaché d0morGlisme~

...

. ; ... '.

l-lais Dieu n'est pao complôt~memt.'dis6~us· ciâris'la ioi'~naturelie~"

. " . " .,' .

" ... : ... , '

Dieu est le· législateur de. ç.ett~.loi. · .. La~mofale déiste ···deVoltaire·

. ' " , ' c"'"

recÔle ce paradoxe': 'elle, <fulanede 'ladi

v!ri~~é,

'et .

p~~itant

l

'hOImll9·· ..

, . . ... , '. '.. , I I l'

vertuallX n'a pas besoin du secours deDieu. . "

. . ... ' ' . ' "'. .'

...

"

"':".

Le Dieu .de Vol taire est tr~s loin et tr~s au-delà de l'homme •.. Il est l"Etre par excellence" parce quiil e~tl'Üniversel~ 'etque seul l"universel existe pleinement. Le sens de l'universel est ., ..

enraciné dans la nature de Voltaire. Il n~y a de vérité qu'universelle.

Et si le Dieu de Locke, de Nm'rl:on et de Clarke est vrai, .c'est qu'il est universel. Son envergure infinie GJ!:ci te 1" enthousiasme in tellec-tuel de Voltaire, qni le sauve de la dépres6ion du vide intérieur.

En quoi consistait le déisme de Voltaire? Pour nous éclairer sur la vraie religion, Voltaire nous transporte volontiers dans

l'au-delà, au moment du jugement dernier (Traité sur la Tolérance, Ch.22; Dictionnaire philosophique, art. Religion II). Dans lI/article UDogmesl l

du Dictionnaire philosophique on pourra trouver lI/essentiel de sa

doctrine: ce qui compte, ce ne sont pas les dogmes ou les rites qui varient avec les religions, ce sont les actesvertuetUt sur lesquels les hommes sont d'accord. 11La morale est une, elle vient de Dieu; les dogmss sont différents,' ils viennent de nous".

Voltairo fait une étude des religions. Toutefois son

scepticisme le préparait mal â une étude objective. Il no comprond

rien li la foi ni au mysticisme. Pour lui les eapri ts religiemt se

(28)

')

di visGl1t en dame oatégorioD: 1013 °friponDo qui no oroient paD ~

lour ,roligionmaio laoonSid)Jrent cOZQoun moyen de domination" ct le13 aimbOoi!ooc;. orédule~<~t'onthousi~ot(JD.· qUi:dert.OMcmt. doc

". .... .' '.2 ' . " .',.> :' ". ' ...

fanatiquooaC8oDt'm6co~a~~re# 6vidën:menf,~oqu':l1 y a 'de' profond

',-.,.'"

. ··dano 10 oentimeili: roligieux~·· " : .

, ' , . . .

. .

. ,.... " ; ' . , ' .,,-,

. Vol tail"o r6sumoouoonception. . . du d6iSniootdo'la:r~iigion

' , ' . . .

dans le ohapitrolO'doCapdido"CUoot laroligioI\ de 18Eldorado ..

Candidofitdcmander par~aoambo oi danD le pays' il y. avait' une

roligiona Le vioillarden'rougissant:'lui dit:.

, .... "

.... Eet ... co 'quuil pout y' avoir deux religiono? Nous avonD,I jo crois,l l.a religion do toutlemondo; nou~. adorono Dieu du

soirjuDqul1 aumatiIÏ .. ,:· ...•. ... .'. ' . .

- NI1 adoroz-vouD qu°lÙlooulD.icu?dit Caoaroboa

- Apparcn:nônl,,·dit.lovieillard/TIquI1U nOy on a ni doux" ni

troio~rilquatrea' . . .

Et lorsCJUo Candide voulut savoir con:m.onton priait Dieu danD l'Eldorado:

. .

-.Nous ne le prions point,l dit 10 bon àt rOQpootablo segoü nOUD nl1 avono rien ~ luidonandor" il noua a donn6 tout 00

qu 11 i l nOUD f6lUt; nouDlo romorcions sa.'1s co 13 0 OC.1 0 Candido

eut la curioDité do voir doo prQtreD; il fit dwi1!l!ldor 011 ils étaient" Lo borf:ioillard oourit: c~10D amis" dit-il" noua DOm::nOS tOUD prOtroo; le roiot tousleD. chofs do

famille ohantent deD cantiqueD d"actiono do gracos solcnnel~

l€Jlont tous los matinD" et cinq ou. sb: mille IilUsicieno les acconpagnent ..

"" QuoH vous n l1 avoz point de moines qui enseigncmt, qui

disputent, qui gouvernc;mt, qui cabalent, et qui font brüler les gons qui no sont pao de leur avio?

- Il faudrait quo nous fussions fous, dit le vioillardoao (1)

Voltaire avait admiré on Angloterre leo SocinionD" tolorants

et proDquo d6iDteoo DiDcipleo do Sozzini (fin QU )&10 sioclo)o ilD

ne voulaient croire quo co quoon trouvait clairomont o2~rim6 dano

10~ariture, 1013 vérités simploD et univorsollos qui ol1 accor dont

la Vo:Uaire: E2rillID,D=ot COJil.:t2,Q.o '';'Candido OU POptimimno"'" pol7Do

(29)

25.

avec la Raison: c'était nier le rnyst~re, refuser toute valeur

&

la Tradition, supprimer tout l'édifice ecclésiastique et ramener la religion chrétienne li une philosophie purement morale. Vers 1775, aux Délices, il eut l'illusion que le protestantisme des pasteursgénevois, libéral et assez détaché du dogme, l'aiderait

&

fonder.une secte philosophique d'esprit déiste; pour les y engager, - ' . . -, il poussa d'Alembert ~ les présen~erCians l'Encyclopédie comme

étant déjà d'un "socinianisme parfait" (article Gen~ve de l'Ency-clopédie, 1757): quelle ville admirableg Ses pasteurs sont presque

. . ' . '

déistesg Mais pourquoi n'a-t-elle p~s de théatre olll'on pourrait

go~ter les chefs-d'oeuvre? J.J. Rousseau répondit longuement dans la Lettre ~ d'Alembert sur les spectacles (i758). Il défendit les pasteurs accusés d'hérésie,dénonga .~ '~orali té de la comédie et combattit le projet d'établir ün thé&tre .~ Gen~ve. L'article souleva des protestations unanimes et Voltaire conçut de cet échec une vive désillus ion.

Dans les Lettres philosophiques, IG3 Lettres l ~ IV sont sur

la secte des Quakers, que Voltaire juge avec sympathie: i l estime leur droiture, leur humilité, leur simplicité, la pureté de leur morale, et surtout leur tolérance. Il les appelle le E1calumet de la paix17

Ç~ans ces dewe patries de la vertu, tous les citoyens sont égawc, toutes les consciences sont libres, toutes les

religions sont bonnes, pourvu qu'on adore un Dieu; tous les honunes y sont fr~res"'u (1)

Il présente avec complaisance les points de leur doctrine qui s'accordent avec ses propres conceptions. Pas de bapt&me: I~OUS

ne pensons pas que le christianisme consiste ~ jeter de l'eau froide

(30)

)

sur la tOte avec un peu de sel"; pas de communion: "non, point l

d'autre que celle des coeurs" e Pas de prêtres: "Vous n'avez donc point de pr~tres, lui dis-je? - Non mon ami, dit le Quaker, et nous nous en trouvons bien. A Dieu ne plaise que nous osions ordonner â quelqu'un de recevoir le Saint-Esprit le dimanche, 1i l'eJcclusion

des autres fidèles" a

Voltaire eJcprime dlIDs les Lettres V et VI une idée qui lui est chère, la nécessité de subordonner la religion au gouvernement. Surtout il pr8ne comme Bayle et Montesquieu les bienfaits sociaux de la tolérance: "S'il n'y avait en Angleterre qu'une religion, son despotisme serait à craindre; s'il y en avait deux, elles se coupe-raient la gorge; mais il y en a trente, et elles vivent en paix

3

heureuses f i

Voltaire maintient que toutes les religions révélées s'opposent au bonheur de l~homme, car leur développ~ent est nécessairement

accompagné de superstition qui, à son tour, apporte le fanatisme, cause de tant de malheurs et de versement de sang. Il se livre â une critique implacable et mQme mesquine de leurs fondements, surtout des textes bibliques. Interprétant les données de l'Exégèse de

Richard Simon (XVIIe si~mle), il ne voit partout qu'invraisemblances, absurdités, superstitions primitives; il ne se lasse pas de ridiculiser les cérémonies religieuses. Voltaire tourna le plus gros de ses attaques contre la chrétienté, et le catholicisme en particulier, parce qu'il croyait que, non content d'étouffer la raison ou de rendre esclave l'esprit humain, il avait seulement semé la discorde et la mort qu long cours de son établissement.

la Voltaire: Ibid., Ibid.,

Oeuvres cO!1lPl~tes. "Lettres philosophiques", t. 22,

Lett~ l, p.a3 Lettre II, p. 87

(31)

)

27 a

Sous une formo burlesque, Voltaire tend li un but sérieme: montrer que, dans la divercité de leurs dogmes et de leurs rites, nles religions sont pureMant humainesn et usurpent le respect dG awc choses divinesu

Qu'on supprime donc toutes les superstitions, c'est-~dire toutes les religions positives, et en particulier le catholicisme, dont les dogmes sont absurdes ou obscurs, qui pr8ne l'ascétisme et la soumission aveugle à la règle, qui veut Qtre un corps dans l'Etat, dont les pr8tros étalent leur immoralité, et qui, au couro de l'histoire, n'a fait que donner des eleemples criminels de cette intolérance et de ce fanatisme que Voltaire, souo le nom d'Inf~e, se propose dO eJetirper a Nonnan Torrey donne une définition assoz claire de l'inf~e:

r"The infamous thing to' be crushed l'laS superstition, contrary to reason; fan at ici sm, 1'1hich tried to suppress the progross of human thought by violent means, and t'lhich had put Calas to doath on the 't'lhoel and û.trociously tortured and burnod the youthful Chovalier do la Barre for impioty end oacrilego; it uas aloo by inference the Catholic Church and the Christian religion'.1 a (1)

Sous le nom d'inf~.me, Voltaire semblait tant8t se référer fl'

la religion en général, tant8t ~ la chrétienté seulement, ou encore amI: Jésuites spécifiquement, ou aux ennemis de ces derniers, los Jansénistes, ou encore ~ la superstition et au fanatisme religiewta

En réalité toutes les religions révélées qui oe déohirent entre elles, sont d 8accord sur l8essentiel: 18e:dstence de Dieu (Cha Le

Soupar dans Zadig)a C'ost dans co chapitre quo Voltaire a présenté sous la for.mo la plus séduisante l 8idéo du déisme: satire des 7Uerellos religieuses ~ propos des détails matériels qu8il jugo

sano importanco; idée que les religions sont d'accord sur l'esoentiela la Torroy" Norman: ],oes Phi.lQ,D2pi!q,s a Not'] York, Capricorn Books, 1960, pa259

(32)

28.

UNous sentons que nous sonrrnes sous la main d'un gtre invisible; c'est tout, et nous ne pouvons faire un pas au-del~. Il y a une témérité insensée

A

vouloir deviner ce que c'est que cet &tre, s'il est étendu ou non, s'il eJdste dans un lieu ou non, comment

l il existe, comment il op~re".

Cette existence de Dieu nous est garantie, non par une révélation illusoire, mais par la raison, qui fait l'accord entre les hommes. Après l'av~nement de la philosophie, l'age des querelles théologiques est révolu. Selon une idée ingénieuse de Fontenelle, que Voltaire adopte, l'humanité vieillissant comme vieillit chaque individu, a atteint l'age de raison. A l'€ge des hommes raisonnables, Voltaire et la plupart des honn@tes gens en France et en Angleterre, sont déistes. Car, toute sa vie, Voltaire a protesté contre l'accu-sation d'athéisme. C',est cette religion naturelle, ce cul te de l'Etre supr€me, "Dieu de tous les &tres, de tous les mondes et de tous les temps" que Voltaire voudrait faire triompher. Il veut désabuser les hommes de l'esprit de secte et des "mystères incompré-hensiblest l

0 Les myst~res de la Trinité, de l'Incarnation, par

exemple, révoltent par leur "inhumanité"'; les dogmes de l'Eglise catholique sont absurdes et obscurs, de mt?me les dogmes du péché originel et de la Rédemption. Il combat la superstition qui attache le salut A des croyances et des cérémonies particuli~res, et non

~ la morale qui est universelle. Les gestes saints deviennent gestes d'hommes, comme les autres. On fait une belle procession, avec une belle musique en famc bourdon, on fesse Candide en cadence, parce que c'est croit-on Uun secret infaillible pour emp&cher la terre de

1. Voltaire: Oouvres compl~tes. "Dictionnaire philosophique", t.1S, art. Dieu, "'p.359.

(33)

)

29.

trembler". Mais "le mGme jour la terre trembla de nouveau avec un l

fracas épouvantableu •

Voltaire rejette m~e l'idée de la pri~re, qui lui paraît méconnaître la toute-puissance divine:

"L'Eternel a ses desseins de toute éternité. Si la prière est d'accord avec ses volontés immuables, .il est très. inutile de' lui demander ce. qu.'il a résolu de ràire~~Si oille prie de faire leconttaire' de cequ 'il arésolu~ c'est le prier d'@tre faible, leger,înconstarit,c'est croire qu'il soit tel, c'est

se moquer de lili".(2) . .

. Et dans le conte l'''Les Oreilles du Comte de Chesterfieldl " :

"Oh~ qui vous dit de prier Dieu et de le louer? Il a vraiment bien affaire de' vos louanges et de vos placets~ (.0.) Faisons notre 'devoir envers Dieu, adorons-le, soyons justes: voil& nos vraies louanges et nos vraies prières". (3)·

C'est, d'après Voltaire, la morale qui importe (Article Dogmes). IILa religion n'est instituée que pour maintenir les hommes

dans l'ordre et leur faire mériter les bontés de Dieu par la vertu". (4)

Base de toute société, la morale est le trait d'union entre les hommes: 'iLa morale dD'Aristote est, connue toutes les autres, fort bonne:

car i l n'y a pas deme morales 0 Celles de Confutzé~ de Zoroastre,

de Pythagore, d'Aristote, d'Epictète, de Marc-Antonin, sont absolument les mêmes. Dieu a mis dans tous les coeurs la conscience du bien avec quelque inclination pour le mal". (5) En l'absence d'une révélation, notre raison et notre conscience seront donc nos véritables guides. Une maxime de Confucius représente pour Voltaire le "code du genre humain": l'IVis comme en mourant tu voudrais avoir vécu: traite ton prochain comme tu veme qu'il te trai teu Et

la Voltaire: 2. Voltaire: 3. Voltaire: 4. Voltaire: 5. Ibid. ,

Romans et Contes. "Candide ou l'Optimisme", p.149. geuvres comolête§.tJDictionnaire philosophiqueO, t.20,

art. Prières, p.275.

Romans et Contes. uLes Oreilles du Comte de Chesterfield"',p.559. Oeu vres ;'mRlêtef?/'Dictionnaire philosophique", t. 18,

art. Droit canonique, p.430. t.17, art. Aristote, p.37l.

(34)

'." . : . :.: , ....

300

.' si Voltaire s'est tournG vers Jésus Christ une fois, lui disant: . , ' .. ". I l ' · . :...:

r"Jevous prendspourriiOn seul maUrè,c'est que le Christ a enrichi

", ." comnïe vOus;"m.êmell'." (1 )

. . . . '. .'

.' ~ -:

".:: .

-

"-'. , Lefélllàtisme ' emp@che 'les hommes de 's'aimer comrrie f~~~es: Voltaire dénon~e clonc'''l

'en

tho~siasme{" 'qui ram~ne, tout &. une

, ' " , .

unique pensée au lieu de voir le juste milieu deschoses'.:Sal'lS

relaché il évoque les guerres civiles, les injustices, les assassi-. nats dictés par l'esprit de secte. qui aveugle autant les victimes que leurs persécuteurs (Conclusion de l'Essai sur les Moeurs). Il s'en prend particuli~rement

&

la religion catholique parce qu'~ , sonélJoque ~lle bénéficiait contre les .autres de l'appui du pouvoir

, : - ' .. ; .. . . . .

civil; mais il a aussi dénoncé le fal'latisme des protestants et' des mahométans.

Seule la tlphilosophie" peut favoriser l'esp:dt de tolérance, et Voltaire s'y emploie de toutes ses forces. En insistant sur l'incertitude de nos croyances, il nous invite &. tolérer, par "humÜi tU', . celles des autres hommes aussi persuadés que ndua de détenir la vérité. Pour lui les différences entre les religions se ramênent

&

des futilités matérielles, et la seule chose qui importe est la vertu en société, qui se résume en ceci: justice et bienfaisance.

1. Voltaire: Oeuvres cOffiplêtes. II'Dictionnaire philosophique", t.20, art. Religion, p.347.

2. Voltaire: Romans et Contes. l'.1Histoire de Jenniu , p.503.

(35)

_.---. . ~.

'::

... ,

31.

,rPaisque nous nous aidions mutuellement 13.' supporter le fardeau d'une vie pénible et passag~reUa (1)

. : '. .

. : :'. ' , ' . , ' .. : ':-. . . '

l'La'n~t~r~:dit'

ti':

:tôijsle~':hommeI3:' puisquevousQtes'fé1ibies~

, secoureZ'-vous; :'puisqUe vous 6tes ignorants, éclairez-vous

'.·et . . . suppor.te~vousr, ~:( 2)

, ' ; ' . . . .... ,

Ç'pn

.dé.~,e~~e<+a rel~;~lon,s~s~~gmes, s~,~r~~i;io~, ,sori~ulte,

ses

pr.êf~E!s,"mais~n:ab~sbin.,

de

l'id~e,deDi~~t,t6ut

>le' déisme est

'. :;.;::,'." •... " : " " ' , ; " 3 ' ·

dans.cettec:iontradictfonn•

lu Voltaire: Oeuvres com~~a (ITraité sur la Tolérance", t.25,

p. 107. 2. Ibid., p. 114.

(36)

PfIAPITRE II

LE MAL DMS LE }f()NDE

""ILle faut avouer, le mal est GUrla terre'"

(Po~esUrle Désastre de Lisbonne, 1756)

.. Le probl~e du mal dans le monde a hanté l'homme de toute . étern.i;té •. DepuisJ ob et ses. Bouff rances

v

l'homme n'a oessé d'élever

· vers

le

oielcettequestion:pourquoi y a-t-il tant de souffranoes

sur la terre? Pourquoi tant dl1injustioes et tant de orimes? Conunent

,

..

peut-on conoilieroe mal avec l'existence de Dieu? Et si Dieu est

bon, pou l"quo i a-t-il permis qul1ily en ait?

Le XVIIe siêcle avait réponduû ce problême en rappelant la

· conoêption ohrétienne de notre vie mortelleDNos mis~res nous viennent

de la faute originelle, qui nous a eJcolus du paradis terrestre, et dont nous oontinuons & porter le poids .. Nous ne sonnnes que des passagers· sur cette terre, et si nous suivons la loi de Dieul1 nos

souffrances dl1urijour s~ront le prix dont nous paierons une éternité

de bonheura Car Dieu est juste et misoricordieuJcl1 et nous avons ôté

· rachetés par le sacrifice du Fils de DieugEncore le Jansénisme

avait-il ajouté â cette interprétation du monde une rigueur toute

particuli~reD Pour ceux qui dans 1l1angoisse, imploraient le seoours

d'une grace dont il nl10tait pas ~ar qul1elle leur fût accordée, 10

mal était plus pressant, le poché plus affreUJc, plus incertain

l

II/espoir"

Cette attitude de soumiscion et dl1attente, le XVIIIe siêcle

no veut pas la prendroo Le Dieu quQ!l invoque nI/est pas un Diou

ID Cfo Paul Hazard: Le problbne du mal dans la conscience europ6enne du XVIIIe si~cle,-RomlIDic Reviet'll1 32: 147 .. 1701/ 1941 .. Op.cit.

(37)

)

personnel; cUeot un Diou lointain" effacég un Diou sans forme

et sans figure" un Dieu inconnu. Souvent même il lui substitue une puissance mystérieuse" quU!l appelle la Naturo8 et qui est nécessairement bonne. La possession du bonheur pour cette {~oque devient un rOve impérieuJc, un besoin immédiat, présent, et non pas un bonheur relégué dans un avenir dont on n'est pas s4r et dans des paradis peut-Gtre inaccessibles. CUest un bonheur dont on vout jouir aujourdQhui même sur la terreD

D'autre part les

no~vëlles

découvertes scientifiques provoqu~ren:tlàmiseen: questi.On deo croyances premiêres" et certaines croyancosm?t,aphysiqueode la chrétienté étaient

contre-. contre-.contre-. .. ' .. '; ":~.'. '.:' -,: ' \ .', ... ' . ' ... :

dites' parles faitS'phYs.igues de la scienceD Certaineo nouvelles découvertes"

en

effet, ',donnèrent lOimpress1on que l'homme était capable de conquérir les forces qui l'entourent" et comne la nature 'sembi~i't'être merveilleusement organisée" on en vint il

,., ';,' :"," .. " . ,

,pensei'

. . ,;, .... quq'il: clevai t·'yayoir une force supérieuro qui la dirigeait,

, . ," . , " , ,

et ces mC~es merveilles de lu nature prouvaient l8 existencede Dieua

.Et du moment que DiGU étaitu l8 univers devait Otre construit d'une maniêro parfaite. Evidemment cette doctrine était en contradiction' avec le dogme du péché originel" commo Voltaire le montra dans

Ç~dideD La conception de Descartes montrait que 18univers devait tourner mécaniquement comme une montre; cela prouvait lOhabiloté infinie de Dieu, sa bonté et Gon pouvoira Mais comme l'oJ~érienc0 do d6fcctuosi tés naturelles dano le mondog et 18 mdstonc0 de mal

Figure

TABLE  DRS  11ATffiREf!

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