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Compte rendu de la rencontre : "The First World War, 100 Years on : Transnational cultures of remembrance in interdisciplinary comparison", L'Observatoire du Centenaire, Centre Marc Bloch Berlin du 8 au 9 décembre 2016.

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100 Years on : Transnational cultures of remembrance in

interdisciplinary comparison”, L’Observatoire du

Centenaire, Centre Marc Bloch Berlin du 8 au 9

décembre 2016.

Yasmina Zian

To cite this version:

Yasmina Zian. Compte rendu de la rencontre : ”The First World War, 100 Years on : Transnational cultures of remembrance in interdisciplinary comparison”, L’Observatoire du Centenaire, Centre Marc Bloch Berlin du 8 au 9 décembre 2016.. 2017. �hal-01646216�

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Compte rendu de la rencontre

The First World War, 100 Years on:  Transnational cultures

of remembrance in interdisciplinary comparison

Centre Marc Bloch Berlin du 8 au 9 décembre 2016

Par Yasmina ZIAN, Technische Universität Berlin – Université

Libre de Bruxelles – Centre Marc Bloch

Le 8 et 9 décembre derniers, plusieurs chercheurs se sont rassemblés pour réfléchir sur la façon dont la commémoration de la Première Guerre mondiale est célébrée en Europe et en Australie. L’approche comparative n’est pas seulement géographique, mais également disciplinaire. Il n’est donc pas étonnant que cette conférence se soit déroulée au Centre Marc Bloch à Berlin qui, depuis les années quatre-vingt-dix, valorise la recherche comparative et celle portant sur l’Europe de l’Est. Une partie de la conférence s’est également déroulée à l’ambassade australienne dont le bâtiment, comme l’a rappelé Lynette Wood , est empreint 1

d’histoire.2

Ambassadrice de l’Australie à Berlin. 1

Ce bâtiment, érigé au début du 20ème siècle, a été entre 1945 et 1946 le siège du comité central du parti

2

communiste et puis il a abrité la maison d’édition Dietz-Verlag jusqu’en 1992.

Observatoire du

Centenaire

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C’est la deuxième fois que ce groupe de travail financé par le DAAD se 3

rencontre. Le seul regret qui pourrait être formulé quant à l’organisation de cette 4

conférence est la sous-représentativité manifeste des femmes : Christina Spittel est la seule intervenante de la conférence.

En conformité avec les objectifs de l’Observatoire du Centenaire, il s’agit dans ce papier de rendre compte des problématiques qui sont ressorties des différents exposés. Pour cette raison, ce compte rendu n’est pas construit de manière chronologique, mais bien thématique. Il est composé de trois parties, qui reprennent les questions les plus polémiques discutées lors de cette conférence : 1) Y a-t-il une internationalisation du récit de la Première Guerre mondiale  ?  2) Ou bien une (re)nationalisation à un usage politique ? 3) Est-ce que l’histoire publique se limite à l’Histotainment  ? À partir de ces trois questions, cet article offre un panel de réflexions issu des recherches internationales les plus récentes sur les façons dont la Première Guerre mondiale est commémorée, ce qu’elles impliquent et ce qu’elles signifient.

1. UNE INTERNATIONALISATIONDESCOMMÉMORATIONS ?

L’internationalisation des commémorations est peut-être ce qui vient le plus rapidement en tête lorsque l’on pense à tous les évènements commémoratifs accessibles grâce à internet. Effectivement, grâce au développement numérique, le public s’est grandement élargi, les potentiels spectateurs des commémorations étant toujours de plus nombreux.

L’intervention de Tom Sear (Université de Canberra – Australie) nous 5

apprend que le poppy, ce coquelicot présent à toutes les commémorations de la Première Guerre mondiale, est un exemple d’histoire transnationale. Si l’utilisation du poppy comme symbole est fort dépendante de l’existence du Commonwealth, le fait qu’une Française ait diffusé le poppy en Angleterre rappelle que certains symboles sont internationaux, et ce bien avant la création d’internet. De fait, ce phénomène n’est pas nouveau puisqu’il remonte aux années vingt.

Un phénomène plus récent est celui des séries, mini-séries et biopics («  biographical picture  ») analysés par Michael Elm (Université de Tel Aviv – 6

Cette conférence a été financée par le programme du « DAAD Australia-Germany Joint Research Cooperation

3

Scheme   ». Le DAAD est l’Office allemand d'échanges universitaires (Deutscher Akademischer Austauschdienst).

Pour plus d’informations sur la première rencontre de ce groupe : http://www.geschkult.fu-berlin.de/e/fmi/ 4 institut/arbeitsbereiche/ab_janz/Forschungsprojekte/Projekt-100-Jahre-1_-Weltkrieg/index.html https://www.unsw.adfa.edu.au/our-people/mr-tom-sear. 5 http://www.memorystudies-frankfurt.com/de/international-fellows/michael-elm/ 6

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Israël). Ce format filmé - nécessaire adaptation aux nouvelles demandes - servant à 7

montrer la Première Guerre mondiale connaît depuis quelques années un énorme succès et souvent, il propose une vision transnationale du conflit. Citons par exemple Apocalypse ou encore World War One through Arab eyes. Un phénomène 8 9

assez similaire se retrouve dans la littérature fictionnelle et féminine anglaise, australienne et allemande comme celle étudiée et questionnée par Christina

Spittel (Université de Canberra – Australie). Ces romans, comme ces films ou 10 11

mini-séries, proposent des histoires dépassant les frontières nationales du protagoniste dont les voyages et les rencontres de personnages issus de pays différents sont essentiels dans la narration. D’ailleurs, Christina Spittel cite Robert Dixon, selon lequel les fictions populaires ne peuvent être résumées à une reproduction d’idéologies. Pour cette chercheuse de l’Université de Canberra, le fait même que les romans soient traduits dans différentes langues induit que l’écriture n’est pas exclusive.

Si le récit intègre une perspective transnationale, cela n’implique pas pour autant la disparition de la dimension nationale. D’après Michael Elm, si les personnages viennent de pays différents, les stéréotypes sont largement présents dans la narration. La littérature comme les films sur la Première Guerre mondiale sont fortement teintés de représentations orientalistes lorsqu’ils sont 12

transnationaux. On conclura donc pour ces deux formats que le caractère transnational n’efface pas les représentations nationales et stéréotypées.

Si de plus en plus de formats audiovisuels et littéraires proposent une représentation transnationale du conflit et que la globalisation leur permet ainsi d’être largement diffusés sur tous les continents et sur différents supports, cela ne signifie pas nécessairement que la commémoration s’adresse à un public plus large que le public national. L’ère de la globalisation ne rythme donc pas l’internationalisation.

TV-Mini-Series : Jan Peters, Tagebücher des ersten Weltkriegs, DE/FR, 2013-2014 ; Glendyn Ivin, Gallipoli, 7

AU, 2015, Julian Fellows (Skript), Downtown Abbey, GB, 2010-2015   ; accent sur le Genre   : James Kent,

Testament of youth, GB, 2014 ; Richard Clark, David Evans, Thaddeus O’Sullivan, The Crimson Field, GB,

2014 ; Ken Cameron, Ian Watson, Anzac Girls, AU/US 2014 ; Werner Herzog, Queen of the desert, US/MA 2015 ; Sabine Kreyenbühl, Zeva Oelbaum, Letters froms Beghdad, GB/US 2016 ; Harald Sicheritz, Clara, DE/ AT 2014 ; « Transnational Arab Narrativ of WWI » : Malek Triki, World War One through Arab eyes, QA, 2014 ; Naji Abu Nowar, Theeb, JO/GB, 2014 ; Films turcs sur l’histoire de l’Empire ottoman : Aphan Eseli, The long

way Home, TR, 2013 ; Kemal Uzun, Serdar Akar, Ahmet Karaman, Çanakkale, TR, 2013 ; Özhan Eren, Son

Mektup, TR 2015.

http://apocalypse.france2.fr/premiere-guerre-mondiale/fr/home 8

« La Première Guerre mondiale à travers les yeux d’un Arabe », Malek Triki, World War One… op. cit. 9

https://www.unsw.adfa.edu.au 10

Sebastian   Faulks, Birdsong;   Elizabeth Speller, At Break of Day, 2013;   Fiona   Macintosh, Nightingale 11

2014 ; Rebecca Martin, Der entschwundene Sommer, 2014.  

Edward Saïd, L’Orientalisme. L’orient créé par l’Occident, Paris, Le Seuil, 1980. 12

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2. LA RENATIONALISATIONOUL’USAGEPOLITIQUEDELACOMMÉMORATION

Il semble que le bilan général de la conférence laisse plutôt à penser que les commémorations sont soit nationalisées, soit renationalisées.

En Pologne, Russie, Biélorussie et Ukraine, comme Andrei Zamoiski (Frei Universität Berlin – Allemagne) l’a très bien montré, différentes narrations sont produites pour les commémorations de la Première Guerre mondiale. Chaque pays a construit sa propre narration autour de sa nation, à un tel point qu’il n’est plus possible d’obtenir un récit homogène de la guerre. Ce fait n’est pas particulier à l’Europe de l’Est. Comme Nicolai Burbass (Frei Universität Berlin – Allemagne) l’a présenté, le succès de l’ouvrage Les Somnambules de Christopher Clark, qui livre un récit atténuant les responsabilités de l’Allemagne dans le déclenchement de la guerre (en général, l’historiographie considère que même si les responsabilités étaient partagés, l’Allemagne en avait plus que les autres), témoigne qu’il n’y a pas non plus, en Europe occidentale, un consensus sur tous les épisodes de la guerre et que des débats bien anciens peuvent êtes réactivés.

Ce qui semble par contre apparaître comme spécifique à l’Europe de l’Est, c’est l’émergence de nouveaux récits ou alors, tout simplement, l’apparition de récits sur la Première Guerre mondiale. Car, en effet, durant une longue période, ce conflit n’apparaissait pas dans le récit national, pas plus qu’il n’était intégré dans les commémorations de ces pays. Un nouveau récit peut donc être construit sans 13

provoquer de virulentes critiques. De cette façon, pour Vladimir Poutine, la Première Guerre mondiale a été volée par les « traîtres », les Bolchéviks qui ont trahi l’intérêt national . Depuis deux ans, à Moscou, une marche intitulée «  la marche 14

immortelle » est organisée en mémoire des soldats de la Première Guerre mondiale. Cette initiative privée a été très vite institutionnalisée et récupérée par le gouvernement Russe. En Pologne, la Première Guerre mondiale occupe une place 15

centrale d’un ouvrage édité par le Musée Juif de Varsovie, pour rappeler la présence et le rôle de Juifs en Pologne avant la Deuxième Guerre mondiale. On voit ainsi 16

qu’avec La Première Guerre mondiale, différents acteurs, dominants ou minoritaires, développent à dessein leur propre narration du conflit en cherchant, par conséquent, à occuper ou à consolider leur place dans le récit national.

Comme le rappelle Andrei Zamoiski, peu d’objets de la guerre provenant des grands-parents ont été transmis 13

aux générations suivantes. Le site Europeana en témoigne : on y trouve peu d’objets provenant de Russie, ce qui pour ce chercheur est symptomatique du rapport à la Première Guerre mondiale longtemps partagé par la population.

Sur le sujet, voir aussi : http://www.newyorker.com/news/news-desk/putins-new-war-on-traitors

14

http://www.bbc.com/news/in-pictures-36249817 15

Artur Tanikowski, Jew, Pole, Legionary 1914-1920, Museum of the History of Polish Jews, Varsovie, 2014. 16

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Comme les pays d’Europe de l’Est, l’Australie est également moins connue en Europe occidentale. Grâce à l’exposé de John Connor (Université de Canberra – 17

Australie), l’assemblée présente à l’ambassade australienne et composée d’un public moins averti, a pu combler certaines de ses lacunes. 18

En Australie, la Première Guerre mondiale est un événement crucial de son histoire patriotique et est commémorée lors de l’Anzac-Day. Cette journée commémorative, fêtée par une large majorité de la population australienne, regorge de mythes et de contradictions. Ainsi, selon la thèse de John Connor, l’Anzac-Day a permis et permet toujours, d’ailleurs, d’occulter les guerres contre les Aborigènes d’Australie dans le récit national, au sein duquel, la Première Guerre mondiale est présentée comme «  La  » première guerre menée par les Australiens. Ce mythe fondateur de la nation australienne est ainsi façonné afin d’obtenir un récit « lisse » des prémisses de l’histoire australienne  : la première guerre n’est pas une guerre coloniale, mais une guerre pour la défense du Commonwealth… John Connor n’hésite donc pas à dénoncer le silence volontaire fait sur ces guerres d’invasion dans la construction du récit national australien et met en évidence, également, l’existence d’un racisme à l’égard des populations japonaises et allemandes pendant la guerre et durant les années qui l’ont suivie. Il critique aussi le consensus existant entre les politiciens et les chercheurs australiens sur l’Anzac-Day. Comme le relève opportunément Nicolai Burbass, certains Australiens déclarent n’avoir besoin de personne pour écrire leur propre histoire. Cette posture « nationale » confirme assez bien le constat fait par John Connor selon lequel, l’Anzac-day est très peu critiqué à l’intérieur du pays, même si historiens et essayistes développent une approche plus distante et interrogative (Marilyn Lake, Henry Reynolds).

Nicolas Offenstadt (Université Paris-I – France) dans sa présentation, 19

analyse la façon dont la Première Guerre mondiale sert le discours politique. Mais, contrairement à ce qui a été étudié en Australie par John Connor, Nicolas

Offenstadt a observé en France  un nouveau phénomène  : celui de la

«  renationalisation  » des commémorations. À travers quatre exemples, il démontre comment le monde politique a mobilisé les commémorations pour raffermir une identité française. Merci  ! , titre d’une exposition de photographies, présentée sur 20

l’emblématique avenue des Champs-Élysées, présente les protagonistes français de la guerre comme des héros à qui l’on dit «  merci de s’être battu pour une France

https://unsw.adfa.edu.au/school-of-humanities-and-social-sciences/dr-john-connor. 17

On retrouvait dans le public des habitués de l’ambassade mais également des étudiants de la Freie Universität 18

et des doctorants qui se réjouissent d’avoir des espaces scientifiques portant sur la Première Guerre mondiale.

https://www.kuwi.europa-uni.de/de/studium/master/es/Unser_Team/professuren/Nicolas-Offenstadt/Viadrina-19

CV-Nicolas-Offenstadt.pdf

http://centenaire.org/fr/en-france/ile-de-france/paris/lexposition-merci-100-photos-pour-un-centenaire 20

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libre ». Dans une vidéo, Jean-Claude Narcy , journaliste et curateur de l’exposition, 21

déclare que cette dernière est une ballade magnifique et les femmes présentées sur les photos sont des héroïnes, elles sont belles, courageuses, dignes... Elles soignent les blessés, travaillent dans les usines d’armement… Bien que l’exposition 22

consacre également un espace pour les soldats issus des colonies françaises ainsi qu’aux Alliés, son message se base plus sur les sentiments patriotiques et émotionnels que sur la connaissance. Nicolas Offenstadt se demande comment une telle exposition présentant des photographies — n’ayant aucune continuité les unes avec les autres — peut être soutenue par l’État à travers la Mission du Centenaire ?

Au regard des commémorations des grandes batailles, il semble que le choix de l’État soit encore plus discutable. À travers l’analyse des commémorations de Verdun et de la Marne, Nicolas Offenstadt arrive à la conclusion que le gouvernement a fait parfois le choix d’un récit nationaliste et excluant. Alors que la tradition jusqu’alors observée était souvent d’inviter des représentants allemands, le premier Ministre français, Manuel Valls, dans son discours commémorant la bataille de la Marne, a parlé uniquement de la France d’alors, composée de patriotes se battant pour une noble cause et qu’il faudrait suivre tel un véritable modèle d’engagement patriotique. Même les drapeaux des autres belligérants n’ont pas été hissés pour l’occasion et, à Verdun (21 février 2016), les Allemands et Français présents ont entonné ensemble la Marseillaise, alors que l’hymne national allemand n’a pas été entendu.

Certains dans l’armée souhaitent ainsi un retour aux valeurs militaires traditionnelles dans les commémorations qui, depuis des années, avaient été remplacées par la présence d’artistes et de discours humanistes d’intellectuels. La renationalisation ne se manifeste donc pas uniquement dans les discours, mais également dans la mise en scène donnée à ces commémorations.

Au musée de Meaux, lors de la commémoration du centième anniversaire de la bataille de La Marne, Manuel Valls (PS) et Jean-François Copé (UMP) se sont retrouvés autour d’un discours appelant à « un sursaut français ». Malgré l’épaisseur temporelle d’un siècle qui sépare ces « deux » France, les parallèles entre la France de 1914 et celle de 2014, entre la guerre d’alors et la crise actuelle sont tracés pour mieux insister sur l’immanence de la France éternelle. Ces deux hommes politiques, dont les partis s’opposent, proposent une nouvelle Union sacrée  : sur une photo,

D’après le site de 14-18 Mission du Centenaire, Jean-Claude Narcy est : « Président du comité des mécènes 21

de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. Journaliste de radio et de télévision, Jean-Claude Narcy est l’une des figures de la chaîne TF1, où il a présenté pendant plus de 30 ans le journal télévisé. De 2003 à 2011, il intervient à l’antenne en tant que directeur des opérations spéciales (14 juillet, Débarquement en Normandie...), puis à partir de 2011, en tant que consultant auprès des responsables des opérations spéciales.

https://www.youtube.com/watch?v=Ac7ifwvZAI4 22

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Jean-François Copé souriant, serre la main à Manuel Valls qui tient sous son autre bras l’ouvrage de celui à qui il rend le sourire. 23

Pour Nicolas Offenstadt qui analyse les formes que prennent les commémorations, ses dernières évolutions reflètent l’affirmation d’une volonté politique de les ancrer dans le présent et sont par conséquent fortement empreintes, pour les plus récentes, de l’actualité nationale touchée par le contexte des attentats terroristes. Sur cette base, on est donc incité à penser que les formes que les commémorations prendront dans le futur seraient dès lors dépendantes de l’état des relations diplomatiques de la France avec son environnement international et de son contexte national propre, en particulier en termes de violence intérieure.

Si les différentes présentations de la conférence témoignent d’une « (re)nationalisation » du récit de la Première Guerre mondiale, il faut souligner le fait que l’Allemagne représente l’exception qui confirme la règle. D’ailleurs, d’après

Michael Elm, la chaine de télévision ARTE diffuse exemplairement des récits,

proposant une perspective au minimum bi-nationale. L’absence d’un discours nationaliste sur la guerre en Allemagne a également été mise en évidence par

Martin Bayer (curateur, photographe et journaliste) rendant compte des différences 24

entre les musées Bretagne et allemands. Malgré le fait qu’en Grande-Bretagne les musées proposent un récit moins tourné autour des héros, l’Empire britannique demeure la perspective privilégiée pour raconter l’histoire de la Grande Guerre. Seul en Allemagne existe donc une sorte de modèle anti-nationaliste du récit sur la guerre. Oliver Janz , professeur d’histoire contemporaine à la Freie 25

Universität de Berlin, déclare sur un ton humoristique « Our critisism is the pride of our nation » … La critique de l’histoire de l’Allemagne par les Allemands ne serait, 26

d’après lui, qu’une autre façon pour elle, d’établir son identité et sa supériorité ou son «  avance scientifique  » par rapport aux pays dans lesquels un sens critique de l’histoire nationale n’est pas ou moins développé.

La présence d’un récit nationaliste de la Première Guerre mondiale, comme celui de l’Anzac-Day en Australie ou en France lors de certaines commémorations, est dénoncé par certain.ne.s historien.ne.s. Mais les critiques formulées lors de la conférence ne se sont pas limitées aux discours  : les formes que certaines commémorations prennent pour attirer un public le plus large possible ont été aussi au centre des discussions.

Pour voir la photo   : http://www.lefigaro.fr/politique/2014/09/12/01002-20140912ARTFIG00323-valls-et-23 cope-appellent-au-sursaut-comme-en-1914.php http://www.wartist.org/blog/?page_id=136. 24 http://www.geschkult.fu-berlin.de/e/fmi/institut/mitglieder/Professorinnen_und_Professoren/janz.html. 25

« Notre fierté nationale repose dans nos formulations de critique à l’égard de notre nation ». 26

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3. HISTOIRE PUBLIQUEOUBIEN HISTOTAINMENT

Lors de cette conférence, des réflexions ont également porté sur la façon dont les commémorations de la Première Guerre mondiale s’adressent au public. Le chapitre précédent l’a montré  : le choix des gouvernements est motivé par le contexte actuel, lequel est largement empreint de narrations nationalistes de plus en plus présentes dans les débats politiques. Mais les commémorations dévoilant ces débats, plus qu’informant sur les évènements passés, sont également influencées par la façon dont l’histoire publique se développe ces dernières années. En d’autres mots, les commémorations influencées par la société contemporaine le sont autant par les enjeux politiques que par les nouvelles tendances émergeant dans l’histoire publique (Public History ). Les critiques sur l’Histotainment (mélange d’histoire et 27

d’entertainment ) ont été au cœur de cette conférence, c’est pourquoi nous 28

rendrons compte dans ce dernier chapitre des avis opposés que les participants ont formulés.

La volonté de rendre l’histoire accessible à un public plus large a amené différents acteurs à la présenter sous différentes formes.

La forme narrative révélée par la majorité des interventions met en valeur le récit construit autour d’un personnage central. Si cette forme de narration paraît traditionnelle pour le roman historique, Martin Bayer a remarqué son utilisation plus régulière dans différents musées.

Une autre tendance est celle des happenings, qui commémorent sans pour autant intégrer une narration particulière sur la guerre. Ce sont généralement des événements influencés par le marketing, où l’activité principale ne repose pas sur l’objet historique commémoré, mais plutôt sur une activité amusante. C’est le cas par exemple du rallye à Londres révélé par Tom Sear, dont le parcours tracé sur une carte représente le fameux poppy.

Au niveau de la production cinématographique, qui emploie souvent les mêmes codes narratifs que la littérature, on retrouve des cas où l’individu disparaît complètement. Par exemple, dans le documentaire Apocalypse analysé par 29

Nicolas Offenstadt, ce n’est pas un personnage principal qui tisse le lien entre le

L’histoire publique est d’abord apparue comme une branche de l’histoire aux Etats-Unis d’Amérique et au 27

Canada dans les années 1970. Un carnet d’hypothèse spécialisé sur l’histoire publique, définit cette dernière comme désignant : « l’histoire telle qu’elle est produite et réécrite pour un vaste public. C’est l’histoire des films historiques, des documentaires, des sites web, des romans historiques, des magazines, des musées. C’est l’histoire mise au service des politiques mémorielles des villes, des institutions publiques, des groupes sociaux, des entreprises. C’est l’histoire regardée, écoutée, lue et appréciée par des millions de personnes au cinéma, à la télévision, dans des livres, par des visites. » Pour plus d’informations sur l’histoire publique consulter ce blog didactique : histpubliq.hypotheses.org

Entertainment de l’anglais : divertissement. 28

https://www.youtube.com/watch?v=caFHeSNeSe0 29

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passé et les contemporains, mais plutôt la forme du film composée d’images d’archives sur lesquelles une bande-son et des couleurs ont été ajoutées. Cependant les historiens présents à la conférence sont d’un avis différent et interprètent ces transformations des archives différemment. Alors que pour Nicolas Offenstadt, l’ajout des couleurs permet de toucher un public plus large en rendant les images moins vieillottes, pour Christina Spittel, ces couleurs sont vintage et donnent par conséquent un accent nostalgique à ces images. Certains historiens considèrent donc que l’ajout de son et de couleurs aux archives filmées pendant la guerre n’est point problématique. De plus, comme le rappelle Michael Elm, dès le début du documentaire le spectateur est informé de ces modifications. Le spectateur n’est donc pas trompé. Pourtant, d’autres considèrent que les modifications apportées aux archives composent avec certains choix cinématographiques un ensemble de facteurs hautement dérangeants, parce qu’ils participent à la construction d’un récit coupé des faits historiques. Ces avis indiquent que les nouvelles tendances de la public history ne profitent d’aucun consensus parmi les historiens.

Une des autres critiques formulées à l’égard d’Apocalypse repose sur le manque de contextualisation chronologique ou géographique : on ne sait jamais où l’archive filmée est tournée ni à quel moment de la guerre. Le film est donc, d’après

Nicolas Offenstadt, une suite d’images de situations dramatiques (l’horreur de la

guerre, les gueules cassées…) qui illustrent la guerre sans proposer d’analyse. Pour cet historien, la forme et le contenu sont dérangeants. D’après lui, la forme, dont l’objectif est de réduire la distance temporelle entre la Première Guerre mondiale et le spectateur d’aujourd’hui, n’aide pas ce dernier à mieux comprendre les enjeux politiques et historiques intrinsèquement liés à cet événement.

Cela nous amène aux questions principales rencontrées dans les débats sur la public history : est-ce qu’une forme plus « accessible » d’un discours sur un sujet historique implique automatiquement une réduction de la qualité dudit discours  ? Doit-on simplifier le propos pour toucher un public plus large ? S’il semble qu’il n’y ait pas de relation de cause à effet, il ressort, cependant, des interventions que c’est souvent la qualité en terme de contextualisation et de critique historique qui n’est pas satisfaisante.

Oliver Janz se demande, quant à lui, le réel enjeu de la présence de

certaines expositions ne proposant pas d’analyse  ? Selon lui, il n’y a pas de problème tant que ce type d’exposition ne représente pas l’unique façon de raconter le conflit. L’argument de la diversité des formes des récits est par conséquent mobilisé pour justifier des formes parfois attrayantes, mais manquant de rigueur scientifique.

Bien que ce débat ne puisse être résolu dans le cadre de ce compte rendu, on peut souhaiter avec Nicolas Offenstadt qu’il ne faille pas choisir entre la forme et le contenu, mais bien qu’il soit possible d’offrir les deux, en ambitionnant une approche de qualité.

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CONCLUSION

Plusieurs conclusions ont été soulignées lors de la clôture de cette conférence et certaines pistes ont été lancées pour des recherches à venir que nous complèterons avec une réflexion développée dans un article sur les musées à Bruxelles, capitale de l’Europe, mais aussi d’un pays divisé dans la narration de son histoire.

Premièrement, les discussions ont été portées par le commentaire d’Oliver

Janz concernant la multiplicité des formes prisent par les récits sur la guerre : est-ce

un phénomène lié au centenaire de la Première Guerre mondiale ou bien une question pour tout historien travaillant dans le domaine de la public history ? Pour y répondre, il faudrait comparer les commémorations de la Première Guerre mondiale avec d’autres commémorations. D e u x i è m e m e n t , i l a é t é r a p p e l é q u e l a mondialisation n’implique pas la production d’une narration de la guerre en dehors des frontières. Le phénomène de (re)nationalisation du récit de guerre touche différents pays. Pour Emmanuel Droit (Centre Marc Bloch, Berlin – Allemagne) 30

cette nouvelle tendance commémorative témoigne d’un échec de la création d’une culture européenne, alors que pour l’histoire de la Shoah, l’Europe est parvenue à se mettre d’accord sur une politique, un discours et un agenda commun à tous ses pays membres. Les autres participants le rejoignent  : l’Europe, comme actrice, est la grande absente de cette conférence. Le caractère national a été prédominant dans les résultats des analyses. Peut-être, cela est la conséquence des recherches qui à travers une analyse comparative, ont l’objectif de dévoiler les différences nationales. Que cela soit le fait des questions de recherche ou des résultats, il apparaît en tout cas que l’Europe, en tant qu’acteur institutionnel, n’intervient peu dans les débats sur les commémorations.

Pourtant d’autres chercheurs qui s’intéressent à ces questions arrivent à des conclusions qui se différencient de celles proposées par la conférence. En Belgique, pays frontalier de l’Allemagne et de la France, deux historiens spécialistes de la Première Guerre mondiale soulignent qu’à Bruxelles cet évènement est commémoré autour de la paix et de la réconciliation européenne. 31

L’article de Bruno Benvindo et Karla Vanraepenbush, ne nous apprend pas seulement que l’Europe est présente dans le discours construit sur la Première Guerre mondiale, mais propose aussi, grâce à son analyse au «  ras du sol  », une nouvelle lecture de l’impact politique sur les commémorations. D’après eux, si les politiciens sont à l’initiative de tels projets, ils se satisfont souvent de la présence d’une exposition sans s’intéresser outre au contenu exposé. On apprend dans leur article que les déclarations politiques sur la guerre et les communiqués de presse ne

https://cmb.hu-berlin.de/fr/lequipe/profil/emmanuel-droit/ 30

Bruno Benvindo et Karla Vanraepenbusch, «   Des commémorations sous influence   ? Exposer la Grande Guerre à

31

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sont pas représentatifs de ce qui apparaît dans le musée, ce dernier étant finalement le résultat d’acteurs différents (scénographes, directeurs, comité scientifique…) dont les difficultés sont moins du ressort de la politique que du domaine organisationnel. En ce sens, s’il y a effectivement une instrumentalisation du passé à des fins politiques, cette instrumentalisation ne transparait pas toujours dans les musées. 32

Sur ce point, Martin Bayer devrait rejoindre ces deux historiens belges  : dans son analyse des musées allemands et anglais, la scénographie usait parfois d’une présentation nationale sans distance et développait d’autre part des discours pacifiques, laissant alors le visiteur choisir les informations de qualité diverse qu’il emportera avec lui.

Concernant les différents acteurs politiques et narrations sur la guerre lire l’article de Mélanie Bost et Chantal 32

Kesteloot consultable sur le site de l’observatoire du centenaire : https://www.univ-paris1.fr/fileadmin/IGPS/ observatoire-du-centenaire/Bost_et_Kesteloot_-_Belgique.pdf

Observatoire du

Centenaire

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