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L'influence du contact avec la communauté francophone sur la compétence en français d'élèves d'immersion française

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Academic year: 2021

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(1)

HUGUES OSTIGUY

L'INFLUENCE DU CONTACT AVEC LA

COMMUNAUTÉ FRANCOPHONE SUR LA

COMPÉTENCE EN FRANÇAIS D'ÉLÈVES

D'IMMERSION FRANÇAISE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en linguistique

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DÉPARTEMENT DES LANGUES, LINGUISTIQUE ET TRADUCTION FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2007

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Avant-propos

Mes remerciements s'adressent tout d'abord à Madame Zita De Koninck, directrice du mémoire, pour ses conseils judicieux et sa plus que grande disponibilité pendant ce long cheminement. Sans son appui et son encouragement, je doute fortement que j'aurais pu compléter cette recherche.

J'aimerais également remercier Madame Merill Swain, professeure à l'Ontario Institut for Studies in Education (OISE) de l'Université de Toronto, de m'avoir accordé la permission d'utiliser ses épreuves grammaticales et sociolinguistiques.

Je dois également un gros merci à Monsieur Roy Lyster, professeur à l'Université McGill, pour ses conseils quant à la correction de l'épreuve sociolinguistique.

Je voudrais également remercier Madame Denise Deshaies, professeure à l'Université Laval, de m'avoir permis d'utiliser les différents questionnaires qui ont été très utiles dans l'élaboration de ma recherche.

Je salue également Monsieur Gaétan Daigle, consultant en statistique à l'Université Laval, qui m'a grandement aidé dans le traitement de mes nombreuses données.

Je voudrais également exprimer ma profonde gratitude à Madame Nicole Saada, et à Monsieur Roméo Leblanc, et à Madame Julie Ostiguy ainsi qu'aux élèves qui ont participé à cette étude.

Par ailleurs, la collaboration de personnes telles que Monsieur Marc Lafontaine, Madame Josiane Hamers, Madame France Lemonnier et Madame Stéfanny Grenier mérite d'être soulignée.

Finalement, je tiens à remercier mes parents et mes amis pour leurs encouragements et leur soutien.

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Résumé

Le but de cette recherche empirique était de vérifier si un contact soutenu avec la communauté francophone permet aux élèves d'immersion française au Canada d'atteindre une meilleure compétence en français. Deux groupes expérimentaux formés d'élèves de 6e année du primaire, inscrits en immersion française et un groupe témoin d'élèves francophones, respectivement de milieux linguistiques unilingue anglais, bilingue et unilingue français, ont été soumis à des épreuves grammaticale et sociolinguistique et ont répondu à des questionnaires socio et psycholinguistiques visant à quantifier leurs contacts interethniques. Les résultats ont révélé que les élèves d'immersion n'ont pas d'habiletés grammaticales et sociolinguistiques comparables à celles des francophones. Le milieu linguistique semble néanmoins avoir de l'influence sur leur compétence en français. En effet, les élèves d'immersion du milieu bilingue ont obtenu de meilleurs résultats que les élèves du milieu unilingue anglophone et dans certains cas leur compétence se rapprochait de celle des francophones.

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Table des matières

Avant-propos ii

Résumé iii

Table des matières iv

Liste des annexes vii

Liste des tableaux viii

Liste des figures xi

Introduction 1

1.0 Problématique de la recherche 4

1.1 Les programmes d'immersion française au Canada 5

1.1.1 Bref historique 5 1.1.2 Efficacité des programmes d'immersion française au Canada 5

1.1.2.1 Le développement ou la compétence langagière en anglais 6 1.1.2.2 Le développement ou la compétence langagière en langue seconde...6

1.1.2.3 La réussite scolaire des participants 8

1.1.2.4 Synthèse 8 1.1.3 Limites des programmes d'immersion au Canada- Une question d'input ou

d'output 9 1.1.3.1 Rôle de l'input 9

1.2 Un output insuffisant 11 1.2.1 Un output insuffisant dans l'environnement scolaire 11

1.2.1.1 Solutions envisagées 12 1.2.2 Un output insuffisant en dehors de l'environnement scolaire 14

1.3 Question spécifique de recherche 17

2.0 Cadre conceptuel 18

2.1 Les caractéristiques prototypiques de l'immersion 18

2.2 L'immersion française au Canada 20 2.2.1 L'immersion précoce et totale 20 2.2.2 L'immersion précoce et partielle 21 2.2.3 L'immersion intermédiaire 21 2.2.4 L'immersion tardive 21

2.2.5 Conclusion 22 2.3 Compétence communicative 22

2.3.1 La compétence communicative en langue seconde 23 2.3.1.1 La compétence communicative selon Widdowson (1983) 23

2.3.1.2 La compétence communicative selon Canale et Swain (1980) 24 2.3.1.3 La compétence communicative selon Bachman et Palmer (1996) 25

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2.3.1.3.2 Connaissances générales 26 2.3.1.3.3 Affect 26 2.3.1.3.4 Connaissances langagières 26 2.3.1.3.4.1 Compétence organisationnelle 27 2.3.1.3.4.2 Compétence pragmatique 27 2.3.1.3.5 Compétence stratégique 28 2.3.2 Conclusion sur la compétence communicative 29

2.4 Influence de variables sociocontextuelles sur la compétence communicative...29

2.4.1 Influence du processus motivationnel primaire 30 2.4.2 Influence du processus motivationnel secondaire 32 2.4.3 L'application du modèle de Clément à notre recherche 33

3.0 Revue des écrits 34

3.1 Études portant sur la production orale des élèves d'immersion 34 3.2 Études portant sur le contact des élèves d'immersion avec la communauté

francophone 42 3.3 Conclusion 43

4.0 Méthodologie 45

4.1 Structure de l'étude 45 4.2 Population 45 4.3 Instruments de mesure 46

4.3.1 La confiance en soi lors de l'utilisation de l'anglais et du français 46

4.3.2 Autoévaluations en anglais et en français 47 4.3.3 Renseignements de base en regard du contact interethnique 47

4.3.3.1 Langue d'usage des médias 47 4.3.3.2 L'évolution linguistique dans l'utilisation des médias 48

4.3.3.3 La difficulté de compréhension dans l'utilisation des médias 48

4.3.3.4 La fréquence des contacts en anglais 48 4.3.3.5 La fréquence des contacts en français 49 4.3.3.6 La qualité des contacts en anglais 49 4.3.3.7 La qualité des contacts en français 50

4.4 Résultats en mathématique 50 4.5 Compétence communicative 51

4.6 L'analyse statistique 53 4.7 L'accord inter-juges 54

5.0 Analyse des résultats 55

5.1 Présentation des sujets 55 5.1.1 Âge des participants 56 5.1.2 Langues parlées par les sujets 57

5.1.2.1 Langue(s) maternelle(s) 57 5.1.2.2 Langue(s) parlée(s) à la maison 57

5.1.3 Nombre d'années de fréquentation dans un programme d'immersion 58

5.1.4 Contact 59 5.1.4.1 Contacts avec les médias 60

5.1.4.1.1 Langue d'usage avec les médias 60 5.1.4.1.2 L'évolution linguistique dans l'utilisation des médias 61

5.1.4.1.3 La difficulté de compréhension dans l'utilisation des médias 63

5.1.4.2 Contacts personnels 65 5.1.4.2.1 Fréquence des contacts 65

(6)

5.1.6 Autoévaluation - 70 5.1.7 Conclusion sur les données recueillies au moyen des questionnaires 72

5.2 Épreuves linguistiques 72 5.2.1 L'épreuve grammaticale 72

5.2.1.1 Accord inter-juges 73 5.2.1.2 Verbes (note globale) 73 5.2.1.3 Verbes (résultats verbes séparément) 75

5.2.1.3.1 Futur 75 5.2.1.3.2 Conditionnel 76 5.2.1.3.3 Passé composé 78 5.2.1.3.4 Imparfait 80 5.2.1.4 Comparaisons entre les résultats pour différents temps de verbe par

groupe 81 5.2.2 Prépositions 81

5.2.3 Syntaxe 83 5.3 Épreuve sociolinguistique 84

5.3.1 Accord inter-juges 85 5.3.2 Épreuve sociolinguistique formelle 85

5.3.3 Épreuve sociolinguistique informelle 86 5.4 Corrélations entre les données obtenues au moyen des questionnaires et les

résultats aux deux épreuves linguistiques 88 5.5 Conclusion sur l'analyse des résultats 91

6.0 Discussion des résultats 93

6.1 Rationnel de la question spécifique de recherche 93

6.2 Discussion des résultats 94 6.2.1 Résultats sur les contacts interethniques 94

6.2.1.1 Confiance en soi langagière 95

6.2.1.2 Autoévaluation 95 6.2.1.3 Contacts interethniques 96

6.2.1.4 Contacts avec les médias 96 6.2.1.5 Contacts personnels 96

6.3 Épreuves linguistiques 97 6.3.1 Épreuve grammaticale 97 6.3.2 Épreuve sociolinguistique 98

6.4 Corrélations 99 6.5 Contributions de notre recherche 100

6.5.1 Contribution pour la recherche sur les programmes d'immersion française au

Canada 100 6.5.2 Contribution des résultats obtenus à la suite de notre recherche 101

6.6 Limites de notre recherche 101

6.6.1 Sujets 101 6.6.2 Instruments de mesure 103

6.6.3 Conditions du déroulement de l'expérimentation 103

7.0 Conclusion 105

8.0 Références 107

(7)

Liste des annexes

Annexe A Questionnaire : Confiance en soi 113 Annexe B Questionnaire : Autoévaluation des habiletés 117

Annexe C Contact interethnique 120 Annexe D Épreuve sociolinguistique 131 Annexe E Modalités de correction : Épreuve sociolinguistique 134

Annexe F Épreuve grammaticale 139 Annexe G Modalités de correction : Épreuve grammaticale 141

Annexe H Demandes d'autorisation parentale 147 Annexe I Formulaire -accord des participants 154

(8)

Liste des tableaux

Tableau I - Comparaison entre le groupe Spilka (1976) et le groupe Pellerin et

Hammerly (1986) 37 Tableau II - Distribution des élèves en fonction de l'âge selon le site 56

Tableau III - Distribution des élèves en fonction de la ou des langue(s) maternelle(s)

selon le site 57 Tableau IV - Distribution des élèves en fonction de la ou des langue(s) parlée(s) à la

maison selon le site 58 Tableau V - Distribution des élèves en fonction du nombre d'années de fréquentation

d'un programme d'immersion selon le site 58 Tableau VI - Distribution des élèves en fonction de leur choix de langue pour les

médias selon le site 61 Tableau VII - Distribution des élèves en fonction de l'évolution de la fréquentation de

médias anglophones lors des dernières années selon le site 62 Tableau VIII - Distribution des élèves en fonction de l'évolution de la fréquentation de

médias francophones lors des dernières années selon le site 62 Tableau IX - Distribution des élèves en fonction de la difficulté à comprendre les

médias anglophones selon le site 64 Tableau X - Distribution des élèves en fonction de la difficulté à comprendre les

médias francophones selon le site 64 Tableau XI - Distribution des élèves en fonction du niveau de contacts personnels

réalisés en anglais selon le site 66 Tableau XII - Distribution des élèves en fonction du niveau de contacts personnels

réalisés en français selon le site 66 Tableau XIII - Distribution des élèves en fonction de la qualité de leurs contacts

personnels en anglais selon le site 67 Tableau XIV - Distribution des élèves en fonction de la qualité de leurs contacts

personnels en français selon le site 68 Tableau XV - Distribution des élèves en fonction de la confiance en soi à parler en

anglais selon le site 69 Tableau XVI - Distribution des élèves en fonction de la confiance en soi à parler en

français selon le site 70 Tableau XVII - Distribution des élèves en fonction de l'autoévaluation de leurs

(9)

Tableau XVIII - Distribution des élèves en fonction de l'autoévaluation de leurs

habiletés langagières en français 71 Tableau XIX - Distribution des élèves en fonction du score obtenu pour l'utilisation

des temps de verbes (note globale) selon le site 73 Tableau XX - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu pour

l'utilisation des temps de verbes (note globale) selon le site 74

Tableau XXI - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au niveau de

l'utilisation du futur selon le site 75 Tableau XXII - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au niveau

de l'utilisation du futur selon le site 76 Tableau XXIII - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au niveau de

l'utilisation du conditionnel selon le site 77 Tableau XXIV - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au niveau

de l'utilisation du conditionnel selon le site 78 Tableau XXV - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au niveau de

l'utilisation du passé composé selon le site 79 Tableau XXVI - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au niveau

de l'utilisation du passé composé selon le site 80 Tableau XXVII - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au niveau de

l'utilisation des prépositions selon le site 82 Tableau XXVIII - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au niveau

de l'utilisation des prépositions selon le site 82 Tableau XXIX - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au niveau de la

syntaxe selon le site 83 Tableau XXX - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au niveau

de la syntaxe selon le site 84 Tableau XXXI - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au test

sociolinguistique (formel) selon le site 85 Tableau XXXII - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au test

sociolinguistique (formel) selon le site 86 Tableau XXXIII - Distribution des élèves en fonction du score obtenu au test

sociolinguistique (informel) selon le site 87 Tableau XXXIV - Comparaisons entre groupes en fonction du score obtenu au test

(10)

Tableau XXXV - Corrélations entre les résultats à l'épreuve grammaticale et les

données obtenues par les questionnaires 88

Tableau XXXVI - Corrélations entre les résultats à l'épreuve sociolinguistique et les

(11)

Liste des figures

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Introduction

L'acquisition d'une langue seconde est un phénomène largement inexpliqué. Pourquoi est-il possible pour certaines personnes de parler plusieurs langues tandis que certains ont de la difficulté à en apprendre une deuxième. Plusieurs recherches ont été effectuées afin de trouver une approche d'enseignement qui serait plus favorable à l'acquisition d'une langue seconde ou étrangère. L'immersion fut développée pendant les années 1960 et depuis ce jour le terme immersion a connu des mutations qui l'ont éloigné de sa définition originale. Maintenant plusieurs écoles de langues à travers le monde vantent les mérites de leurs programmes immersifs.

Qui aurait prédit qu'une petite expérience linguistique tenu sur la Rive Sud de Montréal révolutionnerait le domaine de l'enseignement des langues secondes? Cette expérience dans le domaine de la didactique des langues, qui à l'origine se voulait être une façon de briser les barrières linguistiques dans la région montréalaise, a fait boule de neige et a rapidement conquis le Canada en entier. Quelques années après la première apparition d'un programme d'immersion française à St-Lambert en 1965, des cours d'immersion étaient disponibles dans les écoles primaires et secondaires de St-Jean, Terre-Neuve, jusqu'à Victoria, Colombie-Britannique.

Le succès des programmes d'immersion française a donné lieu à plusieurs recherches sur son efficacité. Les chercheurs ont d'abord voulu vérifier si la participation à un programme d'immersion française avait une influence sur l'acquisition de l'anglais. Ne notant aucun effet néfaste, ils se sont ensuite tournés vers l'apprentissage des matières scolaires. Les résultats des recherches ont révélé que même si les élèves apprenaient les différentes matières scolaires en français (leur langue seconde) ceci n'affectait en rien leur compréhension de ces matières. Ne mesurant aucun effet négatif sur l'apprentissage scolaire, ils ont alors vérifié l'efficacité des programmes quant à l'acquisition du français. Certains chercheurs ont été fort surpris par le niveau de français atteint par les élèves d'immersion surtout par celui des élèves provenant des programmes traditionnels de français langue seconde. Par contre, d'autres chercheurs furent déçus par la performance de ces mêmes élèves car, malgré une forte exposition au français,

(13)

leur niveau de français se distinguait nettement de celui des francophones du même âge.

Deux explications ont été mises de l'avant afin d'expliquer le pourquoi des faiblesses en français des élèves d'immersion. Selon la première, les faiblesses provenaient de l'approche pédagogique employée par les enseignants dans les classes d'immersion. Selon la seconde, les faiblesses en français étaient reliées au fait que les participants n'avaient pas assez de contacts avec des locuteurs francophones. Le Canada est officiellement un pays bilingue, mais la grande majorité des francophones se retrouvent dans la province de Québec. Donc, la plupart des élèves participant à un programme d'immersion le font dans des régions où le français est presque inexistant. S'il y a effectivement une influence positive d'un contact avec des locuteurs francophones, pouvons-nous croire que le milieu linguistique pourrait influencer positivement ou négativement l'acquisition du français des élèves d'immersion? Est-ce qu'un contact soutenu en dehors de la classe avec des locuteurs francophones pourrait améliorer l'enseignement immersif?

Notre objectif était donc de vérifier si les élèves d'immersion française qui habitent un environnement francophone ou bilingue et qui ont un contact hors de l'école atteindraient une meilleure compétence en français que les élèves d'immersion française qui n'ont pas de contact avec le français hors de l'école. À cette fin, nous avons recruté deux groupes d'immersion; un groupe d'immersion provenant d'un milieu anglophone et l'autre d'un milieu francophone/bilingue. Nous avons également recruté un groupe francophone du même âge afin de comparer les résultats des groupes d'immersion avec les résultats de locuteurs natifs. Il est également important de préciser que notre définition de compétence en français regroupe deux aspects communicatifs: la compétence grammaticale et la compétence sociolinguistique.

Nous avons d'abord demandé aux sujets d'immersion de remplir différents questionnaires portant sur leur contact avec la langue française (médias et contacts personnels), leur confiance en soi langagière et de procéder à une autoévaluation de leurs habiletés langagières. Par la suite, les sujets des trois groupes ont été soumis à deux épreuves linguistiques (l'épreuve grammaticale et

(14)

l'épreuve sociolinguistique). Dans un premier temps, nous avons procédé à l'analyse des résultats des questionnaires et des épreuves dans le but de vérifier s'il y avait des différences entre les groupes. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à des analyses de corrélations afin de voir s'il y avait un lien entre les résultats obtenus par le biais des questionnaires et les performances mesurées dans le cadre des deux épreuves.

Pour rendre compte de notre démarche de travail et de nos résultats, notre mémoire comporte cinq parties. Nous allons débuter par notre problématique qui comprend un bref historique de l'immersion française au Canada et une discussion des recherches traitant de l'efficacité des programmes d'immersion française au Canada. Ce court bilan est suivi par l'exposé de différentes raisons qui pourraient expliquer les limites des programmes d'immersion.

Le deuxième chapitre est consacré à notre cadre conceptuel. Dans ce chapitre, nous abordons les différentes notions théoriques qui sous-tendent notre étude. Nous nous attarderons principalement aux notions de compétence communicative et aux fondements de l'enseignement immersif. Nous traitons également des différentes variables sociocontextuelles qui influencent l'apprentissage d'une langue seconde.

Dans le troisième chapitre, nous présentons la revue des écrits dans laquelle nous recensons les principales études qui se sont penchées sur la question de la production orale en français des élèves d'immersion ainsi que sur celle du contact qu'ont les élèves d'immersion avec la communauté francophone. Le quatrième chapitre est dédié à la présentation de la méthodologie que nous avons adoptée pour recueillir et traiter nos données. Le cinquième chapitre est centré sur la présentation et l'interprétation de nos résultats. Le sixième chapitre est consacré à notre discussion des résultats. Nous tirons les conclusions de notre étude au septième chapitre.

(15)

1.0 Problématique de la recherche

L'objectif général de notre recherche est de vérifier si un contact soutenu avec des membres de la communauté francophone peut améliorer l'acquisition du français chez des élèves d'immersion française au Canada. Plus spécifiquement, il s'agit de vérifier si les élèves d'immersion qui ont plus de contacts avec la communauté francophone ont une meilleure compétence communicative en français que les élèves qui ont moins de contacts avec la communauté francophone.

Dans cette partie de notre mémoire nous allons exposer la problématique de notre recherche. Nous allons d'abord définir ce qu'est l'immersion. Ensuite, nous allons nous attarder au programme d'immersion française tel que nous la connaissons au Canada en nous centrant sur sa raison d'être et sur son efficacité. Dans un deuxième temps, nous allons aborder certains aspects linguistiques qui ont été jugés déficients et les solutions qui ont été avancées en vue de leur amélioration.

La dernière partie sera consacrée à la présentation des questions de recherche.

L'immersion est un type d'éducation bilingue à l'intérieur duquel la langue seconde est utilisée conjointement avec la langue maternelle de l'enfant comme langue d'enseignement au cours du primaire et/ou secondaire. Les programmes d'immersion cherchent à développer chez les participants une compétence fonctionnelle de la langue seconde (L2), en plus de maintenir et de développer chez ces derniers un niveau normal de compétence dans la langue maternelle. Étant donné que l'enseignement se déroule dans la L2 des participants, il est très important que ces derniers ne soient pas pénalisés sur le plan scolaire. Il ne faut ni créer des lacunes au niveau de la compréhension des notions enseignées, ni engendrer des échecs scolaires. De plus, les programmes d'immersion veulent inculquer une attitude positive à l'égard de la communauté de la L2, et ce, sans porter atteinte à l'identité et à l'appréciation de la culture et de la langue maternelle (Johnson et Swain, 1997).

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1.1 Les programmes d'immersion française au Canada 1.1.1 Bref historique

Les programmes d'immersion française au Canada sont apparus dans les années 1960 et sont le fruit de la pression exercée par des parents anglophones sur leur commission scolaire. Ces parents voulaient que leurs enfants atteignent un plus haut niveau de compétence en français. Les programmes de langue seconde en place n'avaient pas à ce jour permis aux enfants d'atteindre un niveau de bilinguisme suffisant pour fonctionner dans la société. Étant à la recherche d'une approche d'enseignement du français qui serait différente de la méthode traditionnelle qui se concentrait plutôt sur la grammaire, la mémorisation et les exercices de répétition, ces parents ont donc consulté des experts en bilinguisme de l'Université McGill (Lambert et Tucker 1972) pour les appuyer dans leur démarche (Genesee 1987). L'approche développée était radicalement différente de celles préconisées dans tous les programmes d'enseignement du français L2 de l'époque. En effet, les experts ont proposé que les enfants débutent leur éducation en français à temps plein et que cela se poursuive pendant quelques années.

Comme nous l'avons exprimé ci-dessus, le but principal de l'immersion française est de permettre aux élèves d'atteindre un haut niveau de bilinguisme. Ainsi, la participation à un programme d'immersion française assurerait aux élèves les compétences et les habiletés nécessaires pour contrer l'isolement linguistique.

1.1.2 Efficacité des programmes d'immersion française au Canada

Depuis leur mise en place, les programmes d'immersion sont devenus très populaires. Selon Canadian Parents for French (CPF), une organisation qui se consacre à promouvoir et à créer des occasions d'apprentissage du français langue seconde pour les jeunes Canadiens et Canadiennes, en 1977 moins de 40 000 élèves étaient inscrits dans un programme d'immersion française. En l'an 2000, ce nombre avait grimpé à 318 000 élèves. Cette popularité grandissante dans les années 70 et 80 a mené à de nombreuses recherches visant à mesurer l'efficacité des programmes d'immersion. Voici les trois grands critères à partir desquels les évaluations ont été faites :

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le développement ou le niveau de maîtrise de l'anglais; le développement ou le niveau de maîtrise du français; la réussite scolaire des participants.

1.1.2.1 Le développement ou la compétence langagière en anglais

Le niveau de compétence en anglais des élèves d'immersion est comparé à celui des élèves du programme régulier. Selon Lapkin et Swain (1984), les résultats aux tests ne montrent aucun retard dans la compréhension et l'expression orales. Cependant on remarque un certain retard au niveau de la littératie (mesurée en lecture et en orthographe). Les problèmes de lecture sont résolus avec le début de l'étude de l'anglais et les lacunes en orthographe sont comblées vers la 4e ou 5e année du primaire.

1.1.2.2 Le développement ou la compétence langagière en langue seconde

Les chercheurs n'ayant pas relevé de différences considérables au niveau de l'apprentissage de l'anglais, ils se sont donc penchés sur l'acquisition du français. La maîtrise du français par les élèves d'immersion a été comparée avec celle d'élèves anglophones de programmes réguliers qui ont reçu un enseignement traditionnel en français (30-60 minutes par jour). L'acquisition du français par les élèves d'immersion a également été comparée avec celle d'élèves francophones de leur âge. Les tests utilisés portent tous sur la compétence fonctionnelle en français, soit la production écrite et orale, de même que sur la compréhension écrite et orale (Genesee, 1987).

Il ne fait aucun doute que les élèves d'immersion maîtrisent mieux la langue française que les élèves des programmes réguliers de langue seconde. Les comparaisons plus intéressantes se font donc entre les élèves d'immersion et les élèves francophones. Au niveau de la compréhension orale et écrite, la performance des élèves d'immersion est généralement comparable à celle des locuteurs francophones. Après avoir reçu plusieurs années d'enseignement en français, les élèves d'immersion arrivent à performer à des niveaux similaires à ceux d'élèves francophones dans des tests de compréhension orale et écrite (Swain et Lapkin, 1986).

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Cependant, au niveau de la production orale et écrite, la performance des élèves d'immersion est bonne, mais nettement inférieure à celle des sujets francophones (Bibeau, 1984). En effet, selon Bibeau :

Lorsqu'il s'agit de s'exprimer et de manifester leur compétence de manière active, ils hésitent, ne finissent pas leurs phrases, utilisent des énoncés stéréotypés et contournent des structures «difficiles» dans des phrases alambiquées, gardent un fort accent étranger et commettent bon nombre d'erreurs. Il n'y a pas de doute que leurs connaissances dépassent celles des classes traditionnelles de langue seconde, mais les enfants d'immersion sont loin de posséder une compétence linguistique semblable, équivalente ou comparable à celle des francophones de leur âge (p. 47).

Selon Pellerin et Hammerly (1986), les lacunes des élèves d'immersion se situent principalement au niveau grammatical; il s'agit de difficultés avec le genre des substantifs, les prépositions, l'utilisation de pronoms, etc. De plus, ils ont tendance à simplifier les structures syntaxiques, à transférer en L2 des structures de la langue maternelle, à éviter des phrases complexes ou à pallier le manque de vocabulaire par des circonlocutions ou des définitions (p. 593).

Lyster (1987) critique également le français des élèves d'immersion, le qualifiant d'interlangue hautement fossilisée, criblée d'anglicismes et d'erreurs persistantes. Il doute même des résultats des recherches selon lesquelles les élèves d'immersion ont des habiletés réceptives comparables à celles de francophones de leur âge. Son expérience en tant que professeur d'immersion française lui a démontré que ses élèves étaient incapables de lire des livres destinés à de jeunes francophones du même âge ou incapables de comprendre la narration et les comédiens dans des films en français.

Encore plus intéressant est le fait que les élèves d'immersion eux-mêmes perçoivent leur capacité à s'exprimer en français comme très déficiente. Wesche (1993) et Genesee (1990) rapportent que les élèves d'immersion ont une bonne perception de leur capacité à accomplir des tâches de compréhension écrites ou orales; cependant, cette perception favorable diminue grandement lorsqu'il s'agit d'accomplir des tâches de production écrites et orales.

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1.1.2.3 La réussite scolaire des participants

Les recherches ont montré que la participation à un programme d'immersion aidait à obtenir une meilleure maîtrise du français et n'avait aucun effet néfaste sur l'acquisition de la langue maternelle. Les études ont donc porté sur la réussite académique des participants aux programmes d'immersion. La réussite scolaire est principalement évaluée en fonction de la performance au niveau des mathématiques et des sciences (Lapkin & Swain, 1984).

Les résultats obtenus aux tests de mathématiques montrent que les élèves d'immersion réussissent aussi bien que les sujets des programmes réguliers. Il y a une exception par contre. Les élèves d'immersion précoce obtiennent de moins bons résultats sur des tests de résolution de problèmes écrits en anglais. Ce retard n'est toutefois plus présent lorsque les tests sont effectués en français. Il est fort probable qu'il s'agit davantage d'un problème relié à la lecture de problèmes en anglais que d'un problème de maîtrise des mathématiques, car une fois l'anglais introduit dans le programme, ce retard est comblé. De plus, aucun retard n'est remarqué auprès des élèves de programmes intermédiaires ou tardifs qui ont reçu préalablement l'enseignement des mathématiques et de la lecture en anglais.

1.1.2.4 Synthèse

Ce qui ressort de ces recherches est que le déroulement des programmes d'immersion a permis aux élèves d'immersion d'atteindre un plus haut niveau de français que les élèves des programmes traditionnels de langue seconde. La participation à un programme d'immersion permet chez les élèves une meilleure acquisition du français sans créer de lacunes au niveau de l'acquisition de l'anglais ni porter atteinte à l'apprentissage des matières scolaires. Par contre, le niveau de maîtrise du français des élèves d'immersion demeure très déficient si l'on considère le temps d'exposition au français (Bibeau 1984, Lyster, 1987). Plusieurs chercheurs se sont d'ailleurs penchés sur cette question, tentant de trouver les raisons pour lesquelles les élèves rencontrent de telles limites dans leur apprentissage du français.

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1.1.3 Limites des programmes d'immersion au Canada - Une question d'input ou d'output

1.1.3.1 Rôle de l'input

Les programmes d'immersion française au Canada sont régulièrement cités comme un succès dans le domaine de l'acquisition/apprentissage de langues secondes (Krashen, 1984). Selon Krashen, la source de ce succès se trouve dans l'application de la théorie de I'Input Hypothesis (Krashen, 1982). Dans le cadre de cette théorie le chercheur avance que l'acquisition d'une langue seconde dépend non seulement de l'exposition à la langue, mais qu'elle repose également sur le fait que l'input doit être compréhensible pour l'apprenant. Selon Krashen, il y a quatre caractéristiques nécessaires afin que l'input mène à la compréhension :

I. Le message est compris par l'apprenant peu importe son niveau de compétence en L2;

II. L'input doit être intéressant et/ou pertinent;

III. L'input ne doit pas suivre une séquence grammaticale (cheminement partant de notions grammaticales simples menant au plus complexes);

IV. L'input doit être présent en quantité suffisante; cependant il est difficile de spécifier quelle quantité est suffisante.

Donc, selon cette théorie, le simple fait d'avoir accès à la langue d'une manière compréhensible mènerait à l'acquisition de la L2. Les programmes d'immersion semblent très bien coller à cette théorie car les élèves sont continuellement exposés à de l'input compréhensible. Nous savons que l'input leur est compréhensible car les élèves arrivent à comprendre toutes les matières scolaires qui leur sont enseignées en français. Cependant, il est important de mentionner que l'interprétation de la réussite des programmes d'immersion due à l'apport de l'input Hypothesis est une source de controverse. McLaughlin (1987) souligne qu'il est difficile de déterminer dans quelle direction l'input et l'acquisition sont reliés : le fait que les données soient compréhensibles implique-t-il que l'acquisition est favorisée ou l'acquisition est-elle favorisée parce que les données sont compréhensibles?

Nous pouvons croire, grâce aux recherches mentionnées plus tôt traitant du succès des programmes d'immersion (Swain et Lapkin, 1986), que l'accès à l'input est

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favorable à l'acquisition du français car les élèves ont des capacités réceptives (compréhension orale et écrite) comparables à celles des francophones de leur âge et que le déroulement du programme n'affecte aucunement l'apprentissage des matières enseignées. Cependant, l'aspect de I'Input Hypothesis ne semble pas contribuer grandement au développement d'habiletés productives (production orale et écrite) qui peut être considéré comme décevant malgré toute cette exposition au français. Selon Swain (1985), l'impact de l'input compréhensible sur le développement grammatical a été largement exagéré; elle croit que l'influence de l'output compréhensible dans le processus immersif a été fortement négligée. L'output se définit comme le langage produit par un apprenant ou l'effort linguistique que fait un apprenant afin d'être compris. L'output fournit aux apprenants l'occasion d'utiliser leurs ressources linguistiques de façon significative. Lors de ces interactions les apprenants peuvent voir si leur compétence dans la L2 est suffisante pour se faire comprendre par des membres de la communauté L2. Swain croit que le rôle de l'output compréhensible dans des échanges avec des membres de l'autre groupe peut avoir la même importance que l'input compréhensible. Swain appuie Smith (1978, 1982) qui conclut qu'on apprend à lire en lisant, qu'on apprend à écrire en écrivant et donc qu'on apprendrait à parler en parlant.

Swain (1985) croit que les élèves d'immersion n'ont pas suffisamment l'occasion d'utiliser la langue cible en dehors de l'école. Dans l'environnement scolaire, les élèves développent des stratégies qui leur permettent de transmettre leurs messages et ces stratégies sont adéquates pour se faire comprendre par leurs professeurs ou par leurs confrères d'immersion mais, comme nous l'avons vu, leur compétence est loin d'être satisfaisante. Les élèves ne semblent subir aucune pression sociale ou cognitive les incitant à produire un français plus approprié et précis. Leur français semble combler leurs besoins immédiats et les élèves ne semblent pas avoir de raisons pour améliorer leur compétence langagière en l_2.

Par ailleurs, pour une grande majorité d'élèves d'immersion, le seul locuteur francophone à qui ils ont accès est leur enseignant, et cet accès au locuteur et au français se résume à la période se déroulant en classe. Swain et Lapkin (1986) soutiennent que le langage utilisé dans la salle de cours est trop restreint pour offrir une diversité adéquate d'aspects grammaticaux. Également, le fonctionnement de

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la classe n'est pas propice à l'acquisition de ces aspects. De plus, les élèves n'ont pas assez d'occasions d'écrire et de parler. L'environnement est très centré sur l'enseignant, et la participation des élèves se résume à de courtes réponses; il y a donc très peu d'échanges, très peu d'interactions langagières. Ces divers constats nous amènent donc à poser notre question générale de recherche.

Les lacunes des élèves d'immersion française sont-elles liées au mode d'enseignement ou au fait que les élèves n'ont pas assez d'occasions d'utiliser la langue en dehors de la salle de cours? Une utilisation accrue du français dans un environnement linguistique plus riche et diversifié par les élèves d'immersion française mènerait-elle à une meilleure performance en français dans des tâches de production orale?

1.2 Un output insuffisant

Plusieurs experts se sont intéressés à la compétence communicative décevante des élèves d'immersion. Ils ont tenté d'en trouver les causes : certains croient que les faiblesses sont le résultat de certaines lacunes au niveau du déroulement de l'enseignement et d'autres d'un manque de contact avec des locuteurs compétents.

1.2.1 Un output insuffisant dans l'environnement scolaire

Tel que mentionné préalablement, la compétence grammaticale est une des grandes faiblesses des élèves d'immersion. Selon plusieurs experts, les erreurs grammaticales des élèves d'immersion semblent persistantes et fossilisées. Hammerly (1982) a formulé une théorie qui tente d'expliquer les faiblesses des élèves d'immersion française au Canada. Selon lui, la fossilisation se produit à n'importe quel âge. Cependant, elle semble se produire beaucoup plus facilement et avoir des effets plus grands et plus permanents chez les enfants quand :

1. l'environnement linguistique présente peu d'interactions et lorsque ces interactions ne présentent pas une grande diversité ;

2. ou lorsque les participants utilisent un langage pour communiquer entre eux qui serait difficilement compris par des locuteurs à l'extérieur de la classe (un pidgin de classe);

3. lorsque les jeunes ne peuvent être corrigés efficacement parce qu'ils sont insensibles à la correction formelle.

Hammerly soutient également que l'absence de progrès peut aussi être due à une absence de motivation : les élèves d'immersion ont acquis la langue à un niveau

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qui leur permet de communiquer de manière satisfaisante avec leur professeur ainsi qu'avec leurs pairs. Leur compréhension de la langue est également suffisante pour leur permettre de suivre et de réussir un curriculum scolaire. Le problème serait possiblement attribuable au fait que la communication est réussie malgré les nombreuses lacunes. Donc, pourquoi parler correctement lorsqu'on peut parler de n'importe quelle façon et se faire comprendre?

Lyster (1987) a également avancé une hypothèse pour expliquer les lacunes des programmes d'immersion au Canada. Selon lui, les élèves doivent acquérir une langue dans des conditions qui ne ressemblent en rien à des conditions d'acquisition d'une langue dans un contexte immersif naturel (dans un environnement partagé avec des locuteurs francophones). L'apprentissage d'une L2 en milieu scolaire correspond à une étude consciente, analytique et systématique de la langue. L'acquisition d'une L2 implique une assimilation inconsciente de la langue, un peu de la même façon qu'un enfant acquiert sa langue maternelle. Selon Lyster (1987), les programmes d'immersion ne respectent pas les conditions d'acquisition de Krashen. Tout d'abord, les élèves ne sont pas du tout dans un environnement francophone; ils sont intégrés à un contexte anglophone et exposés à la langue dans un contexte académique. Les élèves ne se retrouvent pas dans une situation d'acquisition, mais plutôt dans une situation d'apprentissage d'une langue. Rappelons que selon Krashen, l'acquisition d'une langue est implicite et s'effectue dans un environnement informel, alors que l'apprentissage d'une langue est explicite et s'effectue dans un environnement formel.

1.2.1.1 Solutions envisagées

Plusieurs solutions ont été envisagées afin d'améliorer le programme d'immersion française au Canada. Lyster (1987) propose un curriculum suivant le modèle multidimensionnel de Stern (1983) qui s'appuie fortement sur un syllabus linguistique dont le but serait la prévention de la fossilisation précoce d'erreurs. L'enseignement devrait inclure du travail de répétition et la correction des erreurs devrait être centrée sur des aspects fonctionnels et grammaticaux. Le syllabus devrait être présenté de manière séquentielle et exploité dans des contextes communicatifs. Des activités communicatives sont essentielles à la méthodologie

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immersive. Lyster croit qu'une combinaison de l'aspect communicatif avec une plus grande importance consacrée aux aspects structurels devrait produire un programme plus équilibré qui mènerait à une plus grande aisance et exactitude dans l'utilisation du français.

Bibeau (1984) croit qu'il serait préférable de remplacer l'enseignement immersif par un apprentissage formel divisé en deux étapes (p. 49) :

1. Un total d'heures d'exposition active à la langue seconde qui se situerait autour de 1500;

2. Une période d'enseignement-apprentissage intensif de la langue pour environ le tiers du total (500 heures).

La période intensive devrait avoir lieu le plus tard possible, vers l'approche de la graduation. De cette façon, l'immersion se rapprocherait de la période où une éventuelle utilisation (hors de l'environnement scolaire avec des locuteurs francophones) de la L2 serait susceptible de se produire.

Hammerly (1987) propose une restructuration du programme immersif en quatre étapes. Contrairement à ce qui se passe dans les programmes d'immersion actuels, la présence du français augmenterait avec les années pour y devenir totale vers la 12e année.

1. Maternelle à la 4e a n n é e : Cours exploratoires, période d'initiation et de découverte des différentes langues et cultures du monde afin de créer une attitude positive envers l'apprentissage d'autres langues.

2. 5e et 8e année : Immersion semi intensive, étude systématique de la L2 à raison de deux heures par jour.

3. 9e à 11e ou 12e année : Immersion partielle, augmentation graduelle de la L2, une plus grande partie des cours serait donnée en L2. Idéalement, l'année terminale serait une immersion totale.

4. L'après-graduation : L'étudiant peut parfaire sa maîtrise de la L2 en se rendant dans un milieu où la L2 est parlée pour y étudier ou travailler.

Les différentes solutions présentées se distinguent les unes des autres; cependant, elles ont toutes une chose en commun - que le fonctionnement actuel des programmes d'immersion n'est pas valable. Ces experts s'accordent pour dire que l'enseignement de matières scolaires en français ne peut pas mener à une

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acquisition adéquate de cette langue. Une étude plus centrée sur la langue est nécessaire.

1.2.2 Un output insuffisant en dehors de l'environnement scolaire

Les recherches citées précédemment indiquent que l'environnement linguistique des programmes d'immersion française n'est pas assez riche pour permettre une acquisition satisfaisante de la langue. Donc, une simple exposition au français dans une salle de cours ne semble pas être suffisante pour atteindre un haut niveau d'acquisition du français.

Canale et Swain (1980) croient qu'un apprenant d'une L2 doit avoir l'occasion de participer à des interactions significatives avec des locuteurs compétents dans cette langue afin de progresser. L'apprenant doit interagir dans de véritables situations de communication qui répondent à des besoins communicatifs réels. Cette exposition à des situations de communication est cruciale pour mener à une meilleure confiance communicative de même qu'à une compétence communicative.

Baetens Beardsmore et Swain (1985) avancent que le contact avec la langue est un facteur très important. Pour démontrer ce point, ils ont comparé des élèves de programmes d'immersion française précoce et totale de la région d'Ottawa avec des élèves des écoles européennes en Belgique. Il s'agit de deux programmes d'enseignement du français langue seconde, mais cet enseignement se fait selon différentes stratégies. Les programmes d'immersion cherchent un enrichissement de la langue seconde alors que les écoles européennes cherchent plutôt un maintien de la langue maternelle pour des élèves qui se retrouvent dans des milieux où cette langue n'est pas parlée. Il est important de mentionner que les élèves des écoles européennes proviennent de différentes communautés linguistiques de l'Europe. Ces écoles assurent un maintien de la langue maternelle ou dominante ainsi qu'un enseignement de la langue locale.

Lors d'épreuves linguistiques, les élèves d'écoles européennes ont obtenu des scores similaires à ceux des élèves d'immersion, et ce, malgré une moindre exposition au français dans la salle de cours (approximativement 4 500 heures

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européens). Baetens Beardsmore et Swain (1985) croient que la performance des élèves européens peut s'expliquer par le fait qu'ils ont accès à la langue à l'extérieur de l'école. Le caractère francophone de la ville de Bruxelles permet aux élèves d'être confrontés à de Vinput permanent hors du contexte scolaire, ce qui favorise l'acquisition du français. L'aspect input et contextuel du milieu semblent profitables pour l'acquisition du français. Contrairement aux élèves d'immersion d'Ottawa, les élèves de Bruxelles ont un contact régulier avec le français en dehors de la classe. Ils disent regarder la télévision en français et utiliser la langue cible à l'extérieur de l'école. Ceci n'est pas la situation des élèves d'immersion française. De plus, le multilinguisme est une composante normale de l'environnement bruxellois et du continent européen; tel n'est pas le cas pour la région d'Ottawa et le continent nord-américain.

Malgré tous les efforts mis de l'avant par le gouvernement canadien, l'isolement linguistique est une réalité encore bien présente. À l'exception de quelques endroits, les élèves d'immersion française du Canada n'ont généralement pas accès au français en dehors de la classe.

Un environnement linguistique plus riche et diversifié pourrait-il mener à une meilleure compétence communicative des élèves d'immersion? Voilà la question posée par Lussier et Massé (1995) qui ont évalué la compétence communicative d'élèves d'immersion française des 10e et 11e années qui avaient participé à une activité d'échange interlinguistique de trois mois dans un milieu francophone (au Québec). Les entrevues effectuées après l'échange ont dévoilé un plus grand nombre de mots par énoncé, un plus grand nombre d'énoncés, ainsi qu'un plus grand nombre de phrases complètes. Les élèves utilisaient plus de temps composés, démontrant ainsi une amélioration de leur compétence langagière. Les sujets utilisaient également un vocabulaire plus riche et diversifié et leur discours était plus élaboré. Leur débit était meilleur et ils se sentaient plus à l'aise pour communiquer. Les sujets avaient également amélioré leur compétence discursive : une meilleure cohésion ainsi qu'un meilleur enchaînement de phrases et d'énoncés, moins de faux départs et d'hésitations ont été remarqués.

Il est donc possible de croire que les occasions d'utiliser les ressources linguistiques ont été bénéfiques pour les élèves d'immersion. Des situations de

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communication (ou d'output) avec des locuteurs compétents semblent contribuer à une meilleure performance en français dans des tâches de production. Ces résultats ressemblent à ceux obtenus par MacFarlane (2001) qui a observé un échange linguistique entre élèves d'immersion de l'Ontario et élèves québécois. Selon ses observations, le contexte d'étude en classe et le contexte d'échange linguistique sont deux aspects qui se complètent. Ces résultats l'ont menée à la conclusion qu'il était nécessaire de combiner l'apprentissage en classe et les occasions de parler la langue avec des locuteurs natifs, afin de permettre aux élèves d'acquérir un répertoire d'habiletés langagières leur permettant de communiquer efficacement avec des locuteurs natifs (p. 78).

Dans le même ordre d'idées, Saindon (2003) a effectué une recherche afin de savoir s'il y avait un lien entre le réseau individuel des contacts linguistiques et le développement psycholangagier chez des élèves d'immersion. Ses résultats ont montré que la compétence orale en français était associée à certains facteurs de contacts, tels que l'utilisation sociale du français et l'achat de produits culturels français. Ce dernier fait nous permet de croire que parler en français à l'extérieur de l'école avec des amis, des membres de la famille ou avec d'autres personnes et qu'être exposés à la culture francophone vient appuyer la contribution de l'école dans le développement de la compétence en L2. Par contre, les résultats de Saindon (2003) ne permettent pas de déterminer le sens précis de cette relation entre l'environnement social et la compétence. Il est impossible d'affirmer que la compétence engendre les contacts ou même que les contacts améliorent la compétence.

Dans l'ensemble, ces recherches semblent montrer que peu importe le programme d'éducation bilingue, le seul contact avec la langue cible dans la classe ne semble pas être suffisant pour permettre une acquisition efficace de cette dernière. D'après les résultats de ces études qui ont mesuré le lien entre un contact limité dans le temps et la performance à l'oral, l'effet du contact sur la compétence langagière semble bénéfique. Un facteur contact avec la L2, hors de l'école, semble nécessaire pour permettre aux élèves d'avoir accès à un environnement linguistique plus riche et varié. Ce constat nous amène à poser la question suivante.

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1.3 Question spécifique de recherche

Les élèves d'immersion française au Canada qui vivent dans un environnement francophone et qui ont un contact avec le français hors de l'école arrivent-ils à atteindre une meilleure compétence en français que les élèves d'immersion française qui n'ont pas de contact avec le français en dehors de l'école?

Notre recherche servira donc à vérifier le lien pouvant exister entre un contact soutenu avec la communauté francophone et la compétence d'élèves de programmes d'immersion française au Canada.

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2.0 Cadre conceptuel

Le but de cette section du mémoire est de présenter le cadre conceptuel de notre recherche. Dans un premier temps, nous aborderons les différentes caractéristiques de l'immersion en tant que modèle d'enseignement et d'apprentissage de langues secondes. Dans un deuxième temps, nous nous attarderons sur les différents types de programmes d'immersion française au Canada. Nous aborderons ensuite le concept de compétence communicative. Finalement, nous examinerons comment certaines variables sociocontexuelles peuvent influencer la compétence communicative en L2.

2.1 Les caractéristiques prototypiques de l'immersion

Généralement, les programmes d'immersion visent tous les mêmes buts, soit l'acquisition d'une compétence fonctionnelle en L2 et le développement normal de la compétence en langue maternelle. Johnson et Swain (1997) ont énuméré les caractéristiques centrales de tout bon programme d'immersion. Selon eux, le programme d'immersion prototypique est un programme qui tient pleinement compte du contexte social, de son programme d'enseignement, de la pédagogie et des caractéristiques principales décrites ci-dessous :

1) La L2 comme moyen d'enseignement

L'utilisation de la L2 comme langue d'enseignement suit l'approche communicative. L'approche immersive permet aux élèves d'avoir accès à de grandes quantités d'input compréhensible dans la langue cible.

2) Respect des programmes d'enseignement locaux

Le programme d'immersion est composé de matières scolaires également enseignées en L2, telles que les mathématiques, les sciences et la géographie. Cependant, le curriculum doit respecter les besoins, les aspirations, les buts et les normes éducatives des programmes d'enseignement des communautés locales.

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3) Maintien et respect de la langue maternelle

L'attitude envers la langue maternelle doit être positive. De plus, elle doit également faire partie du programme d'enseignement.

4) Le bilinguisme additif

À la fin du programme, en plus d'avoir acquis une compétence élevée dans la L2, la compétence des participants en L1 doit être comparable à celle des élèves des programmes réguliers en L1.

5) L'exposition à la l_2 est presque exclusivement confinée à la salle de classe Le programme d'immersion prototypique est celui dans lequel les étudiants ont peu ou aucune exposition à la L2 à l'extérieur de la classe. Cette réalité peut aussi être un désavantage pour les élèves, tel que nous l'avons soulevé dans la problématique.

6) Des élèves avec des niveaux de compétence similaires en L2

Les programmes d'immersion ont un avantage sur les autres programmes d'enseignement bilingue : ils peuvent adapter le curriculum et les choix pédagogiques à la compétence langagière en L2 des élèves ainsi qu'à leurs besoins d'apprentissage. On recherche toutes les occasions possibles pour permettre un développement rapide de la L2.

7) Les enseignants bilingues

L'enseignant prototypique en classe d'immersion est bilingue. Si le besoin se fait sentir, l'enseignant peut donc également communiquer avec les élèves dans leur L1.

8) La culture de la classe est celle de la communauté L1 locale

La culture de la classe doit ressembler à celle de la communauté L1 locale et non à la culture de la langue cible. En d'autres mots, si un enseignant français enseigne le français dans un contexte d'immersion au Japon, il doit s'adapter aux normes culturelles des classes japonaises.

Ces huit caractéristiques sont très importantes pour tous les programmes immersifs. Par contre, certaines d'entre elles sont toujours controversées. Tel qu'il

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a été mentionné préalablement, le rôle de Ylnput Hypothesis est une source de controverse dans l'acquisition d'une L2 dans un contexte immersif. Le fait que le contact avec la L2 soit restreint à la salle de cours peut aussi être considéré comme un désavantage pour les élèves d'immersion française au Canada.

2.2 L'immersion française au Canada

Nous avons déjà discuté de l'historique des programmes d'immersion dans la problématique et nous nous attarderons maintenant sur la description des différents programmes canadiens ainsi que sur leur déroulement.

De façon générale, les programmes immersifs se différencient sur le plan de l'âge des participants, de leur durée ainsi que du nombre d'heures de cours donné en français. Au Canada, les programmes se regroupent dans une des quatre catégories décrits ci-dessous, soit dans celui de l'immersion précoce et totale, l'immersion précoce et partielle, l'immersion intermédiaire et l'immersion tardive (Genesee 1987).

2.2.1 L'immersion précoce et totale

Dès le début d'un programme d'immersion précoce et totale, toutes les matières scolaires sont enseignées en français. Cela signifie que l'alphabétisation, les mathématiques, de même que tous les contenus éducatifs sont présentés dans la L2 des participants. L'introduction de l'anglais varie d'un programme à l'autre. En effet, l'anglais peut être introduit en 2e année ou aussi tard qu'en 4e année. Lors de son introduction, l'anglais est seulement une nouvelle matière dans le curriculum et aucune autre matière scolaire n'est enseignée dans cette langue. Après cette période introductive, l'anglais est utilisé pour enseigner d'autres matières scolaires, et sa présence augmente dans les années qui suivent. Encore une fois, cet accroissement varie d'un programme à l'autre.

Au secondaire, on offre la possibilité de poursuivre (ou de prolonger) l'immersion aux élèves qui ont fréquenté les programmes de la formule précoce et totale. Certaines écoles offrent des cours de français enrichi ainsi que la possibilité de suivre d'autres matières scolaires en français.

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Il y a donc trois phases distinctes dans les programmes d'immersion précoce et totale :

1. La phase initiale dans laquelle l'ensemble de l'enseignement se déroule en français,

2. La phase bilingue dans laquelle les deux langues sont présentes,

3. la phase poursuite (ou prolongation) dans laquelle on offre des cours de renforcement.

Le programme d'immersion précoce et totale est, en quelque sorte, le programme typique d'immersion au Canada. Cependant, d'autres types de programmes se sont développés afin de répondre aux inquiétudes des parents et à celles de l'administration.

2.2.2 L'immersion précoce et partielle

Dans le programme d'immersion précoce et partielle, les deux langues sont utilisées dans l'enseignement, et ce, dès le début du programme. Ceci signifie que l'alphabétisation se fait simultanément en français et en anglais. Habituellement, 50% du temps est réservé à chaque langue, et ce pourcentage s'applique jusqu'à la fin du primaire. Cette approche plaît aux parents et aux éducateurs qui croient qu'il ne faut pas retarder l'introduction de l'anglais.

2.2.3 L'immersion intermédiaire

Dans le programme d'immersion intermédiaire, l'introduction du français comme langue d'enseignement est retardée jusqu'au 2e cycle du primaire (4e, 5e, 6e année). Pendant une période d'un an ou deux, l'enseignement se déroule entièrement en français, à l'exception du cours d'anglais. Certaines écoles secondaires offrent aux élèves provenant des programmes intermédiaires une poursuite de l'apprentissage immersif ou des cours de français enrichi.

2.2.4 L'immersion tardive

Dans le programme d'immersion tardive, l'utilisation intensive du français est retardée jusqu'à la fin du primaire ou au début du secondaire. Pendant une période d'un an ou deux, tout comme pour le programme d'immersion intermédiaire, l'ensemble de l'enseignement se déroule en français, à l'exception du cours

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d'anglais. Une fois le programme terminé, les élèves peuvent prendre un cours de français enrichi ou suivre certaines matières scolaires en français.

2.2.5 Conclusion

L'immersion française au Canada se pratique sous des formes distinctes, comme nous avons pu l'observer, et ce sont les différentes commissions scolaires qui sont responsables du déroulement des programmes immersifs. Par exemple, dans les commissions scolaires de la région d'Ottawa, les programmes d'immersion précoce et totale maintiennent la présence du français aux environs de 80% jusqu'à la fin de la 6e année. Dans celles de Montréal, en revanche, seulement 40% de l'enseignement est fait en français jusqu'à la fin de la 6e année.

Dans le cadre de notre recherche, nous traiterons du programme d'immersion précoce et totale, car il s'agit du programme qui a été le plus étudié. De plus, l'immersion précoce et totale est le type de programme d'immersion le plus populaire à travers le Canada. En effet, selon l'association CPF (Canadian Parents for French), 80% des élèves inscrits à un programme d'immersion sont inscrits au programme d'immersion précoce et totale.

2.3 Compétence communicative

Selon Germain (1993), la langue est un instrument de communication, ou mieux, un instrument d'interaction. Cependant, la difficulté est de cerner quelles sont les connaissances qui permettent de communiquer ou d'interagir avec autrui. Nous allons donc examiner de plus près différentes conceptions de ces connaissances que certains auteurs proposent et que l'on peut classer sous le terme « compétence communicative ».

Le premier auteur à avoir parlé de « compétence communicative » est Hymes (1974/1984). Il a proposé cette notion en réaction à la dichotomie proposée par Chomsky (1965) entre compétence et performance. Pour Chomsky, la compétence est cette capacité innée qu'a tout être humain de produire des phrases grammaticales et acceptables sémantiquement, alors que la performance est la

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Hymes considère qu'une conception de la compétence qui est réduite aux aspects grammaticaux et sémantiques du langage est nettement insuffisante. En effet, en plus de ces aspects de la compétence, s'ajoute la capacité d'utiliser des énoncés qui sont appropriés sur le plan social, d'où la notion de « compétence communicative » qu'il a proposée. La connaissance de la langue implique donc plus que sa structure et concerne le sens du message qui est situé dans un contexte. La communication se produit en effet dans différents contextes avec différents participants, et ce sont ceux-ci qui dicteront le langage qui y est approprié.

Un locuteur doit donc avoir non seulement une connaissance des aspects grammaticaux et sémantiques d'une langue, mais aussi la connaissance des règles sociales de son usage. Avoir une connaissance hors pair de la mécanique automobile et du fonctionnement d'une voiture ne suffit pas pour conduire une voiture. En effet, pour devenir un bon conducteur, il faut aussi apprendre à conduire et apprendre les règles à suivre.

Toujours selon Hymes, la langue est un phénomène cognitif et culturel, et le locuteur interprétera ou évaluera son comportement et celui des autres selon les normes de la communauté linguistique. Hymes (1974/1984) réfère ici à l'habileté qu'a un locuteur de juger de la conformité d'une expression linguistique d'après les normes langagières de la communauté. En résumé, la conception de Hymes (1974/1984) ajoute à la conception structurelle du langage de Chomsky une dimension culturelle et fonctionnelle du langage.

2.3.1 La compétence communicative en langue seconde

La notion de compétence communicative de Hymes est à la base de travaux portant sur la compétence communicative en L2.

2.3.1.1 La compétence communicative selon Widdowson (1983)

Widdowson (1983) s'est basé sur le concept de Hymes (1972), sauf qu'il propose de remplacer le terme « compétence » par le terme « capacité ». Selon lui, le terme « compétence » implique que l'analyste peut décrire formellement l'un ou l'autre

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aspect du comportement linguistique dans un modèle, ce qui ne correspond pas nécessairement aux modèles auxquels l'utilisateur a recours. De plus, le terme « compétence communicative » est orienté vers cette capacité à utiliser le langage de façon appropriée (grammaticalement, sémantiquement et socialement), mais non vers l'habileté qu'ont les locuteurs de faire du sens, c'est-à-dire d'interpréter des énoncés bizarres tel « oil of water body... » (p. 25), ou de produire de tels énoncés.

En somme, Widdowson estime que le terme « compétence » présuppose une adéquation entre les modèles de l'utilisateur et de l'analyste, ce qui n'est pas nécessairement le cas, et implique une certaine idée de conformisme ou plutôt de conformité à un code linguistique et à des conventions sociales. Le terme « capacité » a l'avantage d'éviter ces pièges et de laisser davantage de place à la créativité des utilisateurs du langage.

2.3.1.2 La compétence communicative selon Canale et Swain (1980)

La conception de la compétence communicative en L2 la plus répandue est sans aucun doute celle de Canale et Swain (1980; Canale, 1983). Cette conception englobe quatre compétences interreliées: la compétence grammaticale, la compétence sociolinguistique, la compétence discursive et la compétence stratégique.

La compétence grammaticale est la connaissance des règles de morphologie, de syntaxe, de sémantique et de phonologie. Il s'agit donc des connaissances structurelles d'une langue. La compétence sociolinguistique concerne la capacité à s'adapter à la situation de communication en utilisant une forme de langage qui y est appropriée. La compétence discursive renvoie à la capacité de construire un discours cohérent dans lequel la cohésion entre les divers énoncés d'un même discours est assurée. Enfin, la compétence stratégique inclut toutes les stratégies communicatives verbales et non verbales qui permettent d'accroître l'efficacité du message transmis. Ces stratégies peuvent également être utilisées afin de compenser une compétence inadéquate, par exemple l'utilisation d'un geste ou d'une périphrase pour compenser une lacune de vocabulaire.

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2.3.1.3 La compétence communicative selon Bachman et Palmer (1996)

En 1996, Bachman et Palmer ont également développé leur propre conception de la compétence communicative. Selon eux, il est important de distinguer deux dimensions : celle qui concerne l'individu et celle qui relève du contexte de communication. Les composantes de chacune de ces dimensions sont illustrées à la Figure 1.

Figure 1

La compétence communicative selon Bachman et Palmer (1996)

Les composantes qui se retrouvent à l'intérieur du petit cercle foncé (connaissances générales, connaissances langagières, caractéristiques personnelles, compétence stratégique et affect) sont liées à l'individu. Les caractéristiques de la tâche à accomplir ou celles liées au contexte sont extérieures à l'individu. La compétence stratégique est la composante centrale qui relie les composantes individuelles et les caractéristiques contextuelles.

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2.3.1.3.1 Caractéristiques personnelles

Les caractéristiques personnelles sont des attributs qui influencent le comportement du locuteur, mais qui ne font pas partie de son habileté langagière. À citer en exemple : l'âge, le sexe, la nationalité, la langue maternelle, le niveau d'éducation, le type d'éducation.

2.3.1.3.2 Connaissances générales

Selon Bachman et Palmer (1996), les connaissances générales permettent au locuteur d'exprimer ce qu'il vit ou connaît. Un locuteur qui ne possède pas de connaissances à exprimer ou à partager participera peu à des échanges langagiers. En effet, un locuteur peut s'abstenir de participer à un échange, non pas parce qu'il n'a pas les habiletés langagières pour le faire, mais plutôt parce qu'il n'a pas les connaissances générales nécessaires. Par exemple, une discussion sur les politiques fiscales des pays Scandinaves pendant les années 50 peut être un frein pour certains participants.

2.3.1.3.3 Affect

L'affect peut être décrit comme les sentiments affectifs ou émotions qui sont reliés aux connaissances générales. Cet affect est la base sur laquelle les locuteurs évaluent consciemment ou inconsciemment les caractéristiques et le cadre d'une tâche langagière en fonction de leur expérience personnelle. L'affect, en combinaison avec les caractéristiques de la tâche, détermineront la réponse affective du locuteur. Par exemple, un sujet controversé peut être perçu positivement ou négativement et influencer en retour l'habileté langagière.

2.3.1.3.4 Connaissances langagières

Le modèle d'habileté langagière de Bachman et Palmer (1996) est basé sur celui proposé par Bachman (1990) qui définit l'habileté langagière comme le produit de deux compétences : la compétence organisationnelle et la compétence pragmatique. La combinaison de ces deux compétences constitue l'organisation mentale qui permet aux locuteurs de créer et d'interpréter le langage de façon appropriée et contextualisée.

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2.3.1.3.4.1 Compétence organisationnelle

La compétence organisationnelle est divisée en deux sous-catégories : la compétence grammaticale et la compétence textuelle. La compétence grammaticale comprend des composantes indépendantes telles que le vocabulaire, la morphologie, la syntaxe et la phonologie/graphologie, lesquelles permettent la production d'énoncés et leur interprétation. Quant à la compétence textuelle, elle implique la connaissance des conventions nécessaires pour former un discours cohérent à partir d'énoncés.

2.3.1.3.4.2 Compétence pragmatique

La compétence pragmatique concerne la relation entre les énoncés et l'intention du locuteur. La compétence pragmatique est divisée en deux sous-catégories : la compétence fonctionnelle et la compétence sociolinguistique. La compétence fonctionnelle concerne la force illocutoire des énoncés. Selon Bachman (1990), la compétence illocutoire peut être expliquée en se référant au concept des actes de langage. Par exemple, un même énoncé peut transmettre différents messages : l'énoncé « Il fait froid ici» peut être une simple constatation de la température qu'il fait dans une pièce, un avertissement signalant à l'interlocuteur de bien se couvrir ou une demande de fermer une fenêtre ou porte. Chacun de ces sens constitue un acte de parole différent. La signification d'un énoncé peut donc être décrite en termes de contenu propositionnel (réfèrent et prévisibilité) et de force illocutoire (la fonction et le but recherché).

La compétence illocutoire implique aussi la connaissance des fonctions langagières (instrumentale, régulatoire, heuristique et imaginative) décrites par Halliday (1973,1976). La compétence illocutoire nous permet donc d'utiliser le langage pour exprimer une gamme variée de fonctions ainsi que d'interpréter ces mêmes fonctions.

Quant à elle, la compétence sociolinguistique permet d'utiliser ou d'interpréter un énoncé par rapport au contexte de communication, et ce, en prenant en considération un éventail de traits socioculturels et discursifs. Autrement dit, la compétence sociolinguistique est la capacité d'utiliser des énoncés qui sont appropriés à la situation de communication et d'interpréter de tels énoncés. La

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Tableau II
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