En parallèle aux grandes transformations de l'économie internationale présentées dans les
deux premières sections de ce chapitre, on observe également une évolution des formes de
relation monétaire entre agents de différents pays. Comment peut-on expliquer cette évolution
ainsi que la possible relation entre des phénomènes contemporains qui, à priori, n'auraient pas
de lien entre eux ? Cette évolution est-elle pertinente pour expliquer la forme des instabilités
remarquées de nos jours ?
En ligne avec ce que nous avons avancé dans le cadre théorique et commencé à développer
dans le deuxième chapitre, nous voulons montrer dans les prochaines pages que l'évolution
des relations monétaires sur le plan international à chaque période est étroitement liée aux
grandes transformations dans l'accumulation internationale du capital. Cela n'est pas un
objectif principal dans notre travail de thèse. Cependant, il s'agit d'un pas préalable avant de
remarquer dans les quatrième et cinquième chapitres, que l'importance de l'architecture du
SMI basée sur l'utilisation de monnaies nationales est un facteur d'instabilité,
indépendamment de l'époque dans laquelle on se trouve.
Avec cette perspective, nous allons faire d'abord un bilan des principales monnaies-clé
dominantes dans l’économie transnationale et les formes de dépendance des autres monnaies.
Notre analyse nous mènera à présenter ensuite deux catégories – la dissolution des zones
monétaires nationales et l'émergence des zones-devise –, à partir desquelles nous pouvons
encadrer dans une lecture structurelle tous les grands phénomènes en ce qui concerne les
relations monétaires internationales et, finalement, avertir des risques que représentent ces
phénomènes pour la stabilité économique internationale
a. Vers la privatisation et la multiplication des relations entre les zones monétaires
La transnationalisation et financiarisation ont affecté toutes les sphères de l'économie, tant
sur le plan national qu'international. En ce qui concerne notre recherche, cela a provoqué une
multiplication des flux de capitaux entre pays liés au nombre croissant d'opérations
commerciales et financières. Une mention particulière méritent les opérations à court terme,
par lesquelles les mouvements de capitaux entre pays sont actuellement plus autonomes des
opérations commerciales et d'investissement à long terme que dans les années antérieures à la
libéralisation (Benassy-Quéré et Cœuré , 2005, p. 183).
Cela peut être vérifié avec une révision de l'évolution des positions d'investissement
internationales des pays. Pour cela, il convient néanmoins de reprendre l'analyse comptable
que nous avons réalisée, lors de notre premier chapitre, concernant les différentes opérations
des balances de paiements. Dans cette analyse on avait fait deux remarques qu'il convient de
reprendre maintenant. La première était la distinction que nous avions faite entre les
« Opérations Monétaires Internationales » (OMI) et les « Opérations Financières
Internationales » (OFI). Les OMI laissent des variations directes sur le solde net de la Position
d'Investissement International du Pays, alors que les OFI n’entraînent aucune variation
directe, car il s'agit d'opérations d' « entrée » et « sortie » simultanées de capitaux. La seconde
remarque était la différence entre un scénario où les flux extérieurs d'un pays sont centralisés
par une institution publique nationale et un scénario où il n'y a pas de centralisation nationale.
L'existence de cette institution permettrait de freiner le stockage d'actifs et passifs vis-à-vis les
agents étrangers dans la Position d'Investissement Internationale (PII) du pays et, comme
résultat, d’alléger les tensions des sorties potentielles de capitaux. L'explication à partir des
mécanismes comptables de la balance de paiements avait été centrale pour comprendre le type
de pressions sur le taux de change du dollar dans les années 1950 et 1960, malgré la position
créditrice nette des États-Unis, la forte limitation des opérations de type spéculatif et la
centralisation des capitaux internationaux par les Banques Centrales des pays, qui stockaient
ainsi des réserves monétaires croissantes.
De nos jours, les Banques Centrales de la plupart des pays continuent à stocker des
réserves, à un rythme supérieur à celui de l'époque entre les années 1950 et 1970, lorsque la
rigidité des taux de change était un engagement officiel et multilatéral (Mateos y Lago et al,
2009). Et ce sont notamment celles des pays en développement qui ont le plus contribué à la
flambée des avoirs en devise, au point de détenir jusqu’à 60% des réserves totales au début du
XXI
èmesiècle. Une proportion si élevée contraste avec le faible poids de ces pays en termes de
PIB et, historiquement, avec le montant des réserves qu'ils détenaient au milieu des années
1970 (40%) ou même celui du début des années 1990 (25%)
99.
Mais les Banques Centrales ne jouent plus le rôle de centralisation des flux avec l'étranger –
sauf dans des cas comme le cas chinois – ; ce sont les agents qui font des opérations
directement entre eux ou au moyen des institutions financières privées. Si l'on ajoute cette
évolution aux transformations économiques abordées dans les deux premières sections du
chapitre, il ne faut pas s’étonner que les actifs et passifs bruts de la PII augmentent à grande
vitesse.
Le graphique 3.7 illustre cette hausse généralisée des opérations et des liens établis entre
différents pays. Dans ce graphique nous comparons, pour quelques pays développés et
émergents, les soldes nets des comptes courants et la variation de l'actif brut de la PII
nationale. Pour tous les pays, nous constatons une forte hausse de l'actif du PII avant la crise ;
pourtant, cela ne s’explique pas par un résultat positif du compte courant, mais par une
multiplication des opérations financières entre agents privés dans les années 1990 et surtout
au début du XXI
èmesiècle, ainsi que par la variation du prix de marché des actifs et les passifs
extérieurs.
Dans un premier groupe de pays – l'Allemagne, la Chine et le Japon – les excédents
commerciaux sont remarquables, mais cela n'explique qu'une partie de la hausse annuelle de
l'actif de la PII. En Chine, malgré les contrôles de capitaux encore existants, on observe le
même phénomène. La première décennie du nouveau millénaire l’a amenée à enregistrer des
excédents record ; par contre, ses positions créditrices et débitrices grimpent à un rythme
soutenu, résultat des opérations financières entre les agents dits résidents et les non-résidents.
Plus évidents sont les cas où les dynamiques du compte courant et de la variation de l'actif
brut ne sont pas du tout liés – tels que la Zone Euro et le Royaume Uni – ou même les cas
comme le Brésil, l'Espagne et les États-Unis qui, pendant les années précédant la crise
cumulaient des positions déficitaires du compte courant sans que cela empêche la forte hausse
des actifs des résidents à l’extérieur.
100(hormis l'or) avancées par le FMI, au total des réserves (hormis l'or). Les pays fortement arriérés sont compris aussi dans le calcul, mais ils n'apportent pas un montant significatif à la somme totale. Le calcul a été fait à partir des données du International Financial Statistics (IFS).
100Évidemment, pour tous les pays analysés on observe des hausses fortes du côté du passif extérieur, y compris pour ceux ayant des forts excédents dans le compte courant. Notre intérêt avec les deux variables choisies pour le graphique était de montrer 1) la multiplication des positions internationales des agents de chaque pays, et 2) l'importance de la particularité des OFIs pour comprendre la hausse des actifs extérieurs dans les pays à forts déficits nets.
Graphique 3.7: Comparaison entre les balances commerciales et l'évolution des actifs
cumulés dans la Position d'Investissement International (IIP) (en milliards de dollars)
Source : IFS Statistics
Balance Courante
La crise contemporaine a provoqué, outre le ralentissement des opérations commerciales
entre pays, un désinvestissement de capitaux et la dévalorisation des actifs financiers, ce qui
explique le frein de l'expansion, voire le renversement, des positions brutes extérieures des
pays. Cependant, cela ne remet pas du tout en question la tendance à long terme vers une
interrelation croissante entre agents de différents pays et donc, de différentes zones
monétaires.
On peut dire donc que l'évolution de l'économie internationale s'est accompagnée d'une
sorte de dissolution des zones monétaires. Contrairement au scénario qui allait suivre les
accords de Bretton Woods – avec un contrôle sur les mouvements de capitaux internationaux
et où c'étaient les Banques Centrales qui centralisaient la plupart des actifs et des passifs à
l'étranger –, le SMI actuel se caractérise par l'accès direct et croissant des agents, financiers ou
pas, aux opérations dans des systèmes financiers étrangers.
Malgré tout, l'essor des opérations financières des agents, privés et publics, ne s'est pas
produit parallèlement au développement d'un vaste marché financier national dans chaque
pays capable de canaliser les capitaux, mais à travers la participation des agents dans les
systèmes monétaires et financiers développés des pays centraux. Cela ne veut pas dire qu'il
existe un monopole de la part d'une ou de deux monnaies nationales pour toutes les opérations
économiques ; il existe une grande hétérogénéité d'opérations, notamment dans le marché
financier et le poids de chaque monnaie change beaucoup d'une activité à un autre (Cohen
1998). Ceci dit, nous pouvons bien identifier deux monnaies qui apparaissent de nos jours en
tête dans la plupart des opérations : le dollar et l'euro.
Un premier aspect confirmant la prédominance de ces deux monnaies concerne les réserves
internationales (Tableau 3.4) : tandis que les actifs en dollars et en euros représentent plus de
60% et de 20% respectivement, les actifs en autres monnaies n'atteignent pas à 5%. Sur le
marché d’échange de devises (FOREX), le rôle central de la monnaie étasunienne est plus
clair encore. Durant les années 1990, elle accaparait environ 90% des opérations d'échange de
devise. Avec la création de l'euro, ce ratio n'est descendu que très légèrement, jusqu'à 84'9%
pour l'année 2010 (BIS, 2010). Après la crise de la monnaie unique européenne, le ratio du
dollar est de 87%, alors que ceux de l'euro étaient d'environ 33,4% (BIS, 2013), le yen et la
livre le suivant à distance.
Tableau 3.4 : Réserves monétaires internationales déclarées 1995-2013
* Chiffre obtenu à partir de la somme des pourcentages de réserves en franc français, mark allemand, en florin hollandais et en ECUs
Source : Élaboration propre à partir des statistiques de la Currency Composition of Official Foreign Exchange Reserves (www.imf.org)
La centralité du dollar dans le FOREX est compréhensible surtout si l'on prend en compte
la proportion d'opérations réalisées en cette monnaie. Les chiffres mobilisées par Gowan
(1998) illustraient déjà pour 1995 que la monnaie américaine concentrait presque la moitié du
commerce mondial.
101En ce qui concerne les opérations financières, on constate la même
position dominante : 76,8% des prêts bancaires, 39,5% de l'émission de bons internationaux et
44,3% des dépôts en Eurodevises étaient en dollars.
Dans certains pays en développement, localisés fondamentalement en Amérique Latine et
en Afrique cette dissolution asymétrique au profit des monnaies internationales s'est traduite
par une substitution des actifs en monnaie nationale (asset substitution) par des actifs en
monnaie étrangère. En fait, comme nous le verrons au cours des pages qui suivent, dans des
cas particuliers l'argent cash utilisé dans les achats intérieurs est majoritairement composé de
billets et de pièces en monnaie étrangère (currency substitution) (Feige et al, 2003 ; p.49-50).
Et de même que l'actif, le passif en monnaies-clé dans ces pays atteint des niveaux élevés.
Le faible développement économique et financier les oblige à faire appel à l'endettement
extérieur et en monnaie étrangère. Eichengreen, Hausmann et Panizza (2002, 2003) parlent de
101 Un ratio assez élevé, compte tenue de la prise en compte, dans ce calcul, des opérations commerciales entre
1995 1999 2003 2007 2008 2009 2010 2014-Q3
U.S. dollars 59,02 71,01 65,93 64,13 64,09 62,04 61,84 62,32 Japanese yen 6,78 6,37 3,94 2,92 3,13 2,9 3,66 3,96 Pounds sterling 2,12 2,89 2,77 4,68 4,01 4,25 3,93 3,84 Euros 26,98* 17,9 25,16 26,28 26,42 27,66 26,01 22,62 Claims in other currencies 5,11 1,83 2,2 1,99 2,34 3,16 4,56 7,34
Pourcentage de réserves selon la devise
l'existence d'un péché originel– ou original sin en anglais – selon lequel les pays concernés
doivent choisir entre deux possibilités risquées d'emprunt. L'emprunt extérieur, tout d'abord,
où le prêt se réalise en monnaie étrangère pour investir en monnaie nationale, crée un risque
basé sur la variation du taux de change ou « currency mismatch ». Si l'emprunt se réalise dans
le marché local, en monnaie nationale, il doit être fait à court terme et provoque ainsi un
risque de discordance vis-à-vis de la perspective à long terme de l'investissement ou,
autrement dit, un « maturity mismatch ». Pour ces auteurs, ce dilemme et le manque apparent
de sortie unilatérale de celui-ci, constituent une explication centrale aux crises financières et
macroéconomiques récentes des pays émergents
102.
La forte dépendance de ce pays par rapport aux systèmes financiers des monnaies-clé les
place dans une situation particulièrement vulnérable face au processus de dissolution
asymétrique et conditionne extrêmement leur politique monétaire extérieure. Cet aspect sera
l'objet du point suivant.
b. Politique monétaire extérieure de facto Vs de jure
Apparemment, les années 1990 ont conduit à la consolidation de la tendance vers des
régimes de taux de change flexibles pour une longue liste de pays développés mais surtout
émergents et en développement. Nous avons assisté, également, au passage pour d'autres pays
à des régimes d'ancrage dur (hard pegs) à des monnaies régionales ou nationales
hégémoniques. À partir des années 1970 – depuis le nouveau cadre de régulation monétaire
signé en Jamaïque – le FMI montrait dans ses rapports annuels un abandon progressif des
ancrages doux – ou soft pegs – et l'adoption de régimes de change extrêmes.
Les crises dans les années 1990, qui allaient particulièrement secouer les pays émergents
pratiquant des ancrages doux, renforçaient la thèse selon laquelle « The peg did it »
(Eichengreen et Hausmann 99 ; Mundell 2000). Selon cette approche, la mobilité
internationale croissante des capitaux rendait encore plus difficiles la simultanéité des
ancrages et les politiques monétaires autonomes. L'alternative proposée était bipolaire
(bipolar view ou the two-corner solution) ; soit le pays laissait décider librement la valeur
extérieure de sa monnaie sur les marchés de devises et conservait la politique monétaire, soit
102La recherche autour de l'aspect international de l'original sin et de ses conséquences sur la stabilité macroéconomique et financière s’est poursuivie et a donné lieu à de nombreux travaux (dont Goldstein et Turner, 2004 ; Eichengreen, Hausmann et Panizza, 2002, 2004 ; Jeanne, 2005). Dans notre recherche, nous nous limitons à aborder les conséquences sur les politiques de taux de change.
on explicitait la soumission complète des instruments de politique monétaire à la stabilité du
taux de change (Fischer, 1999). Il fallait donc choisir définitivement le sommet du triangle sur
lequel baser la politique monétaire
103.
Cette affirmation radicale, pourtant, a été relativisée dès le début du XXI
èmesiècle à partir
de l'observation, de la part d'une série d'auteurs (Hausmann et al., 2000; Levy-Yeyati et
Sturzennegger, 2000, 2001: Calvo et Reinhart, 2000, 2002 ; Reinhart et Calvo, 2000) d'un
manque de correspondance entre les politiques de change annoncées par les pays et les
politiques de facto. Cela a amené Fischer (2001) à admettre l’exagération de ses propos sur la
bipolarité et à la reformuler. Chez lui, l'affirmation pertinente serait de dire que (i) les
ancrages doux
104ne sont plus soutenables dans les pays ouverts aux capitaux internationaux ;
(ii) une variété de régimes flexibles restent possibles et (iii) on peut s'attendre à ce que les
autorités publiques réagissent aux mouvements du taux de change au moyen de l'utilisation
des mécanismes de politique monétaire.
Fischer cherche, avec sa relativisation, à intégrer dans l'approche des two-corner solutions
la conclusion de plus en plus partagée, selon laquelle une grande partie des pays qui déclarent
laisser flotter le taux de change de leurs monnaies en régime de flexibilité du taux de change
interviennent avec les instruments de politique monétaire pour calmer la variation de celui-là.
Comment expliquer sinon, dans un cadre historique de passage aux régimes flexibles, la
hausse record des stocks de réserves monétaires des Banques Centrales, vue auparavant, et
encore maintenant, l'intensification du rythme de stockage au début du XXI
èmesiècle ?
L'analyse empirique menée par Calvo et Reinhart (2000, 2002) montre l'existence de ce
qu'ils ont nommé fear of floating : une peur de la part des pays en développement de laisser
flotter la valeur de leur monnaie. À travers le calcul des probabilités de variation mensuelle
des taux de change, réserves, création monétaire et taux d'intérêt au-delà de différentes
marges, ils constatent que, en dépit d'avoir annoncé la flottabilité du taux de change, les
gouvernements sacrifient leurs outils de politique économique pour assurer la stabilité du taux
de change. Certes, entre les quatre groupes identifiés par le FMI à l'époque
105, il existe une
103 Cooper (1999) à l'époque, par ailleurs, remettait en question l'existence du triangle car il niait que l'on puisse achever une politique monétaire autonome de stabilisation interne dans le cadre de taux flexibles et d’une mobilité internationale du capital.
104 Les régimes de changes exclus par la bipolar view seraient chez Fischer (ibid) : “In essence, fixed, adjustable-peg, and narrow-band systems, in which a government is committed to defending a particular value (or range of values) of the exchange rate, but is not committed to devoting monetary (and, on occasion, fiscal) policy solely to the goal of defending the parity.”
différence dans la possibilité de sortir des marges de variation. Or celle-ci n'est pas
significative. De plus, les variations du taux de change des monnaies du groupe 'flottants' par
rapport à la devise de référence – dollar américain, mark allemand, yen japonais – est très
inférieure – en termes généraux – à la variation de référence des monnaies flottantes : dollar,
yen et dollar australien. Les phénomènes de haute volatilité des taux de change restent limités
aux périodes post-crise comme c'est le cas du Mexique depuis 1994 ou des pays est-asiatiques
après 1997. Mais cette volatilité demeure quand même inférieure à celle des grandes devises
et diminue au fur et à mesure que les pays retournent à la stabilité.
L'altération du niveau des réserves et du taux d'intérêt reste alors attachée au compromis
implicite de maintenir l'ancrage informel de la monnaie
106. Le taux d'intérêt, dont la volatilité
est supérieure que pour les autres variables est, selon les mêmes auteurs, l'instrument préféré
pour assurer la stabilité. Certes, il y a une série d'instruments – le contrôle à l'entrée ou sortie
de capitaux, la stérilisation des réserves, la requête du niveau des réserves bancaires, etc. – de
moindre importance auxquels les États ont recours pour influencer l'entrée et la sortie de
capitaux et leurs effets sur l'économie intérieure (Reinhart, C. et Reinhart, V, 2008). De cette
façon, ils gagnent un peu de marge de manœuvre afin d'utiliser les instruments principaux
(taux d'intérêt, politique fiscale) pour aboutir aux objectifs nationaux en matière économique.
Mais quels sont alors, chez Calvo et Reinhart, les facteurs qui provoquent ce fear of
floating et soumettent les instruments de la politique monétaire à la défense (plus ou moins
stricte) d'un taux de change par rapport à une devise ? L'explication offerte par ce binôme
d'analystes repose sur certaines spécificités qu'il convient de rappeler.
Tout d'abord, il existe une crainte généralisée des phénomènes de sudden stop qui se sont
démultipliés pour les pays périphériques et ce depuis les années 1980 (Reinhart et Calvo,
2000). La particularité de ces pays par rapport aux pays développés est l'ampleur et la durée
des épisodes de retrait des capitaux. Les pays développés, possédant un système financier plus
fort, ont bénéficié historiquement d'un accès davantage fluide au marché, même en situation
de crise. En revanche, dans les pays en développement et émergents, ces auteurs ont catalogué
une violence supérieure des phénomènes de sudden stops ainsi qu'une détérioration plus
Depuis, certains analystes (Poirson, 2001) ont mis en évidence le simplisme de cette catégorisation et proposent le développement d'autres types de catégories.
106 Les statistiques mobilisées par Calvo et Reinhart montrent par exemple que, pour les données étudiées, la probabilité de variation du niveau de réserves au-delà de la marge des 2,5% mensuels est supérieure en