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Zones humides urbaines : des milieux spécifiques ?

Le rôle des zones humides est aujourd’hui de plus en plus reconnu et leur préservation est depuis la fin du XXe siècle au cœur de nombreuses politiques environnementales. Cette récente reconnaissance ne doit cependant pas masquer l’histoire mouvementée de ces milieux. Accusés d’être insalubres ou improductifs, ils ont subi des siècles d’assèchement qui ont favorisé leur disparition à travers le monde. Dans ce contexte, la présence actuelle de zones humides à proximité de centres urbains peut sembler paradoxale. Certaines sociétés les ont en effet conservées malgré la pression foncière générée par l’extension des villes. En l’absence de mesures strictes de protection, ce maintien est vraisemblablement lié au développement de relations étroites avec le milieu urbain. Ainsi, dans de nombreux pays, les zones humides ont été aménagées pour l’agriculture afin de répondre aux besoins alimentaires de la population. Aujourd’hui, la plupart d’entre elles sont les supports de multiples activités à destination des citadins. Tourisme, villégiature ou encore agrément cohabitent avec plus ou moins de réussite sur ces espaces restreints. Entre obstacles à l’extension urbaine et pôles de loisirs, ces milieux sont devenus des sites stratégiques pour la gestion et l’aménagement des villes.

Chapitre 1 – Zones humides urbaines : des milieux spécifiques ?

1. Des définitions imprécises et des confusions multiples

Par leur position d’interface et de transition, les zones humides regroupent une grande diversité d’écosystèmes naturels ou modifiés avec des localisations, des structures, des fonctionnements et des usages très différents. Cette hétérogénéité complexifie les tentatives de définition et de délimitation entraînant ainsi de multiples confusions. Depuis une vingtaine d’années, les recherches à travers le monde se sont multipliées pour tenter de dégager des critères communs d’identification. Si ces travaux ont amené à une meilleure connaissance de ces milieux, la multitude de classifications à l’échelle internationale, nationale et régionale a paradoxalement entraîné des difficultés supplémentaires pour leur identification et leur gestion.

1.1. Zone humide : un milieu complexe et imprécis

1.1.1. Une variabilité spatiale et temporelle

La complexité des zones humides est liée à leur position d’interface entre les milieux terrestres et aquatiques. Ces écotones « terre-eau » sont des zones de transition écologique qui intègrent les caractéristiques des deux écosystèmes tout en constituant une véritable unité fonctionnelle. Il est donc difficile de fixer une délimitation spatiale, d’autant plus qu’ils évoluent à des échelles temporelles emboîtées, du temps long au temps court.

Dans leur fonctionnement naturel, les zones humides sont en fait des milieux temporaires. L’accumulation de matières organiques produites par la végétation hydrophile et hygrophile1 conduit progressivement à un comblement qui permet ensuite l’installation des premières espèces mésophiles2. Les zones humides ne sont donc qu’une étape dans un processus d’atterrissement qui les transforme, à des vitesses différentes, en milieux de plus en plus secs. Leur limite varie également sur des temps plus courts en fonction des conditions hydrologiques et climatiques qui influencent la durée de l'inondation ou la saturation du sol en eau. Selon les variations saisonnières ou interannuelles des précipitations, la superficie de certaines zones humides peut varier de plusieurs hectares à seulement quelques mètres carrés. Cette variabilité pose un problème pour leur délimitation : retient-on l’extension minimale ou maximale ? Est-il plus pertinent de prendre en compte les critères hydrologiques, pédologiques ou floristiques pour délimiter ces milieux ?

Pour tenter de répondre à ces interrogations, cette recherche s’appuie sur un corpus bibliographique diversifié associant dictionnaires généraux et spécialisés, articles scientifiques et textes officiels. Leur exploitation montre qu’il n’existe pas une seule réponse et que le choix des critères dépend souvent des auteurs et de leurs objectifs.

1.1.2. Des critères d’identification et des définitions variés

Il existe une multitude de définitions pour les zones humides, de la plus simple à la plus détaillée. Si le Dictionnaire des sciences de l'environnement (Parent, 1991) les définit seulement comme des « zones terrestres inondées en permanence ou régulièrement », le Dictionnaire essentiel d'écologie (Touffet, 1982) précise que cette eau peut être courante ou stagnante, douce, saumâtre ou salée. Le Dictionnaire

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Les plantes hygrophiles sont des végétaux terrestres se développant dans les milieux humides (carex, jonc, molinie, etc.). Les plantes hydrophiles se développent, elles, dans les milieux aquatiques (nénuphar, lentille d’eau, etc.).

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Une plante mésophile se caractérise par des exigences moyennes vis-à-vis de l’humidité du sol (ni trop sec, ni trop humide).

encyclopédique de l'écologie (Ramade, 2002) ajoute, lui, que ces biotopes peuvent être aquatiques, marécageux ou lagunaires, continentaux ou littoraux.

1.1.2.1. Trois critères principaux d’identification

Si les définitions varient, toutes s’accordent sur un critère obligatoire : la présence de l’eau en surface ou à une très faible profondeur dans le sol (moins de 50 cm). L’inondation et la saturation en eau sont des paramètres essentiels qui déterminent l'apparition d’autres éléments caractéristiques des milieux humides : la végétation et l’hydromorphie du sol.

La nature et la répartition des espèces végétales traduisent en effet les caractéristiques hydrologiques et pédologiques de leur milieu. Par conséquent, de nombreux auteurs considèrent qu'une zone est humide lorsque la végétation, quand elle existe, est dominée par des plantes adaptées à la submersion ou aux sols saturés en eau. Néanmoins, cette notion de « dominance » n’est souvent pas explicitée : est-elle exprimée en superficie occupée, en nombre d’individus, d’espèces ou de groupements végétaux ? Le manuel des zones humides du Sud-Est de la France1 tente de clarifier cette définition en précisant que « les espèces dominantes sont celles qui ont les recouvrements les plus importants au niveau de chaque strate considérée ». Il s’agit donc dans ce cas d’un critère physionomique et non strictement botanique. Celui-ci n’est toutefois pas obligatoire : les vasières littorales inondées à chaque marée (les slikkes) sont dépourvues de végétation mais constituent bien des zones humides. En revanche, lorsque cette végétation hydrophile ou hygrophile est présente, elle est la preuve indéniable du caractère humide de son milieu.

L’hydromorphie d’un sol (définie par un déficit en aération et une lente minéralisation de la matière organique) est due en grande partie à la présence permanente ou temporaire de l’eau. Elle est donc un critère possible d’identification (George et Verget, 2006, p. 221). Ce paramètre apporte des informations sur le régime d'inondation ou de saturation (durée et fréquence, hauteur de la nappe, etc.) et sur les perturbations éventuelles qui ont affecté le milieu. Le sol conservant les traces d’hydromorphie, il est possible d’identifier des zones humides artificialisées qui n’auraient plus de fonctionnement hydrologique ou de végétation hygrophile.

1.1.2.2. Deux définitions officielles en France

Parmi la diversité des définitions, deux d’entre elles ont un caractère officiel en France. La première correspond à la Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 :

Les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année. Cette définition reste relativement floue notamment sur le seuil d’humidité. Les termes « habituellement » et « temporaire » sont utilisés sans spécifier la fréquence et la durée d’inondation. La Loi du 23 février 2005 (n° 2005-157) relative au développement des territoires ruraux admet d’ailleurs l’imprécision de cette définition et propose « qu'un décret en Conseil d'État précise les critères retenus pour définir les zones humides »2.

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Édité par les Directions régionales de l’environnement (DIREN) de Languedoc-Roussillon et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et disponible en version électronique (http://www.languedoc-roussillon.ecologie.gouv.fr/zh/).

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La Loi est disponible dans son intégralité en version électronique (http://carrefourlocal.senat.fr/doslegis/2005 _février_ 2005_relative_developpement1).

Chapitre 1 – Zones humides urbaines : des milieux spécifiques ?

La seconde définition, en fait antérieure, provient de la Convention de Ramsar (Iran, 1971) dans ses articles 1.1 et 2.1 :

Les zones humides sont des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas six mètres. Elles peuvent inclure des zones de rives ou de côtes adjacentes à la zone humide et des îles ou des étendues d’eau marine d’une profondeur supérieure à six mètres à marée basse, entourées par la zone humide.

Cette description s’applique à des types d’habitats très variés1, qu’ils soient naturels (rivières, lacs, lagunes côtières, mangroves, récifs coralliens, etc.) ou artificiels (étangs d’aquaculture, terres agricoles irriguées, zones de stockage de l’eau, sites de traitement des eaux usées, etc.). Si certains apparaissent pertinents, on peut s’interroger sur la présence des rivières et des lacs dans cette liste : ne relèvent-ils pas des milieux aquatiques ? De la même façon, peut-on inclure toutes les installations anthropiques où la présence d’eau est constatée ?

1.1.2.3. Des objectifs différents

Ces deux définitions ont chacune une fonction très différente. La première est fondée sur des critères hydrologiques et floristiques qui, par leur présence, témoignent de l’existence d’une zone humide. La Loi sur l’eau a un rôle juridique ayant pour but « la protection, la mise en valeur et le développement de la ressource en eau ». Par conséquent, elle doit s’appuyer sur des critères précis et objectifs. La seconde n’est fondée que sur un seul critère : la présence de l’eau. Son acception très large permet de nombreuses interprétations en fonction des caractéristiques des zones humides de chaque pays. La Convention de Ramsar est destinée à protéger les oiseaux d'eau et, de manière générale, à favoriser la « conservation de la diversité biologique ». Elle a donc tout intérêt à englober un maximum de milieux pour atteindre ses objectifs.

Les définitions varient ainsi en fonction du choix des critères mais surtout des intérêts en jeu. La finalité des actions (recherche, gestion, protection ou encore restauration) détermine une acception plus ou moins large de ces milieux. Ce manque d’homogénéité entraîne une multiplication des textes qui complexifie l’application des règlements. Selon les acteurs et les pays, on recense ainsi plus de 70 classifications (Barnaud, 2000a, p. 48). Deux sont présentées en annexes B1 et B2 : celle de la Convention de Ramsar et celle des Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). La première englobe les différents types de zones humides présents à travers le monde et ayant une importance pour la conservation des oiseaux d’eau : zones humides marines, côtières, intérieures et artificielles. La seconde s’inscrit dans les politiques publiques de gestion à travers la définition de types de zones humides à l’échelle des grands bassins (SDAGE) et de sous-types à l’échelle des unités hydrographiques cohérentes (dans les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux, SAGE). La typologie très simplifiée permet d’être applicable à l’ensemble des zones humides de la France et de faciliter leur recensement. L’une des préconisations de la Loi sur l’eau est en effet d’établir un inventaire et une cartographie de ces milieux en tenant compte de leur valeur biologique et de leur intérêt pour la ressource en eau.

Selon les classifications retenues, la délimitation et le recensement des zones humides seront différents et peuvent parfois conduire à leur disparition (Fustec, 2000, p. 56). Si les deux typologies intègrent

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chacune une catégorie se rapprochant de nos terrains d’étude (n° 4 de Ramsar : terres agricoles inondées de manière saisonnière ; n° 12 des SDAGE : marais aménagés dans un but agricole), les sous-types s’appliquent plus aux prairies agricoles (« prairie amendée », « pâture humide », etc.) qu’à de véritables hortillonnages ou jardins flottants. Comment définir alors ces deux milieux par rapport à la catégorie générale « zone humide » ? Quels critères retenir pour les délimiter ? Le critère floristique n’apparaît pas pertinent puisque les zones humides urbaines sont aménagées et exploitées par les hommes depuis des siècles. La flore a donc été profondément modifiée et ne peut être considérée comme naturelle et caractéristique du milieu. En revanche, ce dernier est défini par la présence de l’eau, qu’elle soit courante (canaux, rivières, fleuves) ou stagnante (fossés, étangs). La définition de la Convention de Ramsar, qui ne retient que le critère hydrologique, est donc privilégiée d’autant plus qu’elle précise explicitement que les sites artificialisés (terres agricoles irriguées, étangs agricoles, canaux, etc.) s’intègrent à la catégorie.

1.2. Marais, hortillonnages et jardins flottants : des milieux agricoles

particuliers

À la lecture de différents ouvrages sur les zones humides, trois termes ressortent régulièrement pour désigner celles qui sont aménagées pour l’agriculture et l’élevage : marais, hortillonnages et jardins flottants. Chacun d’entre eux renvoie à des techniques différentes d’aménagement. Pourtant, les confusions entre ces trois termes sont récurrentes, aussi bien dans les brochures touristiques que dans les articles scientifiques.

1.2.1. Des termes empreints de confusion

La première confusion porte sur l’artificialisation de ces milieux, sur laquelle on insiste trop peu. Ainsi, les brochures touristiques valorisant1 les zones humides d’Amiens, de Bourges ou de Xochimilco les décrivent comme des « exceptionnels espaces naturels au cœur des villes ». Or, ces milieux, certes naturellement créés par la ramification d’un fleuve ou la présence d’un lac, ont été aménagés, drainés et exploités. Leur paysage est donc totalement artificialisé par les actions de l’homme. Les scientifiques considèrent d’ailleurs qu’après des siècles d’assèchement et de réorganisation, il n’existe plus en France de grandes zones humides ayant un caractère totalement naturel (Lefeuvre, 2000, p. 6). La plupart ont été réaménagées ; certaines ont même été entièrement créées pour répondre aux besoins des sociétés (marais salants, rizières, étangs de pisciculture, etc.). Une autre confusion est liée à l’utilisation quasi systématique du terme « unique » pour décrire ces milieux. Son utilisation est presque devenue banale dans les brochures touristiques qui n’hésitent pas à qualifier les hortillonnages d’Amiens « d’uniques en France », parfois même « au monde » ! Si ce qualificatif sert à valoriser les sites, il est plus gênant de constater sa présence dans certains articles scientifiques pour décrire par exemple les marais de Bourges2. Ces derniers, formés par les ramifications de l'Yèvre et de la Voiselle, ont été aménagés pour l’agriculture au XVIIe siècle. Le paysage qui en résulte est donc non seulement artificiel mais aussi courant dans diverses régions françaises.

Les mentions de jardins abondent en effet dans les textes anciens de 1050 à 1125 et, parmi elles, au moins une sur cinq concerne des cultures maraîchères en bordure d’une rivière importante. Les

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La notion de « valorisation » fera l’objet d’une réflexion au cours de ce premier chapitre.

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Un article paru dans Zones Humides Infos en 1999 qualifiait les marais de Bourges de « site naturel urbain,

Chapitre 1 – Zones humides urbaines : des milieux spécifiques ?

archives historiques localisent quatre foyers apparus successivement dans le nord de la France (Fossier, 1987, p. 161) :

‐ à la fin du XIe

siècle, dans la vallée de la Scarpe, d’Aubigny à Douai (Figure 2, n° 1)

‐ puis dans la vallée de l’Escaut, de sa source à sa confluence avec la Sensée (Figure 2, n° 2) ; ‐ vers 1120, dans la Haute Somme de sa source à Ham (Figure 2, n° 3) ;

‐ après 1145, autour d’Amiens, de Corbie à Dreuil ainsi que le long de l’Avre, de la Noye et de la Celle (Figure 2, n° 4).

Figure 2 : Localisation historique des cultures maraîchères sur terres inondables dans le nord de la France

Ces cultures sont systématiquement localisées à proximité d’une ville : Arras, Cambrai, Saint-Quentin et Amiens. D’autres milieux similaires sont également mentionnés à Saint-Omer (Pas-de-Calais) ou à Péronne (Somme). Selon les localités, les terrains et leurs exploitants sont désignés sous différents noms : hortillonnages et hortillons à Amiens, hardines et hardiniers à Ham ou encore parquets et légumiers dans la vallée de l’Avre.

Issu du latin « hortus » signifiant « jardin », le terme « hortillonnage » désigne en Picardie des jardins maraîchers aménagés sur des îlots dans le lit de la Somme1. À l’origine rattaché à une région spécifique, son utilisation est néanmoins admise pour qualifier les marais de Bourges et de Saint-Omer qui possèdent des caractéristiques très similaires aux hortillonnages d’Amiens (Mollard, 1999, p. 184). En le définissant au sens large comme « des champs surélevés en zone humide où planches et fossés sont nécessaires pour l’assainissement du sol cultivé », certains auteurs étendent le terme « hortillonnage » à des cultures plus lointaines comme en Birmanie sur le lac Inlé ou en Thaïlande dans le delta du Chao Phraya (Mollard, 1999, p. 184). Compte tenu de la diversité des techniques utilisées (construction de digue, période de jachère, etc.) et des produits cultivés (riz, légumes, fleurs, etc.), cette généralisation est-elle pertinente ? Outre le contexte environnemental qui diffère d’une région à l’autre, ces aménagements varient en fonction des besoins de la population et des contextes

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socio-économiques et culturels. Il apparaît donc important de distinguer ces types de cultures par des termes différenciés afin de ne pas gommer leurs spécificités locales.

Or, l’analyse bibliographique révèle un recours généralisé à l’expression « jardins flottants » pour qualifier indifféremment tous ces milieux. N’est-elle pas utilisée de manière excessive ? Le caractère flottant d’une parcelle est-il vraiment avéré ? Pour répondre à ces interrogations et éclaircir les confusions entre les trois termes, il est indispensable de revenir aux origines de ces milieux et notamment à leurs techniques d’aménagement.

1.2.2. Des origines et des techniques d’aménagement différentes

1.2.2.1. Marais : des terrains humides aménagés en prairies

Le « marais » est le terme le plus général puisqu’il désigne une catégorie assez vaste de zones humides :

Nappe d’eau superficielle stagnante, peu profonde et envahie par la végétation aquatique. Dus à l’affleurement de la nappe phréatique, ou à un mauvais drainage, ou au colmatage insuffisant d’une dépression, les marais peuvent être littoraux, continentaux ou d’estuaire. Leur nappe d’eau est permanente, alors qu’elle est saisonnière dans un marécage. (George et Verger, 2006, p. 255)

Selon leur localisation et la fonction qu’on leur accorde, les marais peuvent être exploités de différentes manières. L’Institut français de l’environnement (IFEN) distingue ainsi les marais saumâtres sur les façades maritimes, qui sont des espaces artificiels créés pour la production de sel, et les marais agricoles aménagés sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique (Marais du Cotentin, Marais Breton, Marais Poitevin, etc.). Ces derniers y sont définis comme des « entités fonctionnelles résultant de l’histoire géologique et des aménagements humains (polders) qui incluent un gradient allant de l’eau douce à l’eau salée et une mosaïque de milieux, des plus humides aux desséchés »1. Ils sont le résultat d’importants travaux hydrauliques associant canaux de drainage pour évacuer l’eau et endiguements pour maîtriser les inondations.

Les marais agricoles sont caractérisés par un relief plat et une végétation constituée de grandes prairies humides où les arbres sont quasiment absents. Ils sont traditionnellement utilisés pour le pâturage ou la céréaliculture. Ces « marais desséchés » (par opposition aux « marais mouillés » qui sont inondés de façon saisonnière) sont souvent assimilés à des polders. Si, au sens strict, cette appellation est réservée à « un territoire conquis sur la mer et situé au-dessous du niveau de celle-ci »2, le terme est souvent étendu aux terrains très humides, endigués, situés le long de fleuves et, parfois même, loin de la mer.

1.2.2.2. Hortillonnages : des terrains humides canalisés et aménagés pour le

maraîchage

Si le terme « marais » au sens large englobe des milieux très variés, celui d’ « hortillonnages » est plus restrictif et s’applique uniquement aux zones marécageuses aménagées pour la culture maraîchère. Celles-ci résultent de l’accumulation de matières organiques sur les rives d’un cours d’eau. Pour rendre cultivables ces terrains, les exploitants creusent des voies d’eau et rehaussent les parcelles (Figure 3). Progressivement, les marais « à l’état brut » sont transformés en une mosaïque de parcelles rectangulaires, délimitées par un maillage dense de canaux. Celles-ci bénéficient d’une humidité