• Aucun résultat trouvé

Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco :

deux sites similaires malgré des contextes très différents

Leur localisation de part et d’autre de l’océan Atlantique, leur cadre géographique contrasté et surtout la taille très inégale de leur centre urbain, pourraient à première vue rendre la comparaison des hortillonnages d’Amiens et des chinampas de Xochimilco peu pertinente. Pourtant, malgré ces divergences, les deux sites se rejoignent autour d’un même paysage et d’une même organisation. Cette convergence morphologique et fonctionnelle dans des milieux très hétérogènes donne justement un intérêt particulier à l’analyse comparative. Celle-ci associe deux démarches conjointes et complémentaires :

- ascendante (du particulier au général) : en identifiant les points communs dans des situations différentes, elle met en évidence « ce qui relève de l’universel » ;

- descendante (du général au particulier) : en identifiant les éléments divergents dans des situations a priori semblables, elle fait ressortir « ce qui relève du culturel ».

L’association des deux aboutit à une approche à la fois locale et globale qui permet une meilleure compréhension de ces espaces.

1. Des contextes environnementaux contrastés

Force est de constater que si l’organisation interne des hortillonnages et des chinampas est très similaire, leur environnement est lui très différent : plaine – bassin en altitude ; système fluvial – système lacustre ; climat océanique – climat tropical. Les centres urbains sont eux aussi aux antipodes l’un de l’autre avec des échelles spatiales inégales et des évolutions contrastées.

1.1. Des milieux topographiques différents

1.1.1. Une vallée fluviale

La ville d’Amiens fut fondée à l’époque romaine par Jules César qui y établit son quartier général de retour d’une expédition en Grande-Bretagne en 54 avant J.-C. (Hubscher, 1986). L’ancienne Samarobriva (« pont sur la Somme ») disposait de nombreux atouts. Son emplacement correspondait à un resserrement du lit majeur qui facilitait le franchissement du fleuve (500 à 600 m de largeur, contre plus d'un kilomètre en amont et en aval). Sa localisation sur la rive gauche, un plateau en pente douce qui s’élève de 25 à 100 m en 4 km, permettait d’avoir une large vue sur les environs. À l’inverse, la rive droite, moins haute mais plus escarpée (20 à 40 m sur seulement 100 m), donnait à la ville une position stratégique de défense.

La dissymétrie de la vallée fut accentuée par les variations de température pendant les périodes glaciaires. La rive droite exposée au sud fut soumise à une intense cryoclastie qui fractionna la roche, fournissant une grande quantité de matériaux à la rivière. La rive gauche, moins exposée, reçut les poussières et les sables apportés par le vent ainsi que tous les éléments transportés lors des crues (cailloux, sables, limons, etc.). Ces processus furent renforcés par une importante convergence hydrographique puisqu’au niveau d’Amiens, la Somme reçoit sur une courte distance l’Avre, la Selle, la Noye et l’Ancre. Les matériaux transportés par ces rivières s’accumulèrent sur la rive gauche d’autant plus facilement que le lit de la Somme devient à cet endroit relativement plat et intensément ramifié. Ces phénomènes naturels multiples et complexes contribuèrent ainsi à la création de larges vallées à fond plat marécageuses et tourbeuses (Regrain, 1989, p. 16).

Grâce à tous ces éléments, la ville d’Amiens assurait une double fonction défensive (présence de zones marécageuses) et commerciale (axes fluviaux et routiers) tout en bénéficiant des terres fertiles de sa vallée alluviale.

1.1.2. Un bassin endoréique

De l’autre côté de l’Atlantique, Mexico occupe un bassin endoréique de 9 600 km² entouré de hautes montagnes dépassant les 5 000 m. Cette configuration est le résultat de mouvements tectoniques au début du Quaternaire qui donnèrent naissance à l’axe néovolcanique composé, entre autres, du Popocatépetl (5 452 m) et de l’Iztaccíhuatl (5 286 m) au sud-est, de la Sierra de Ajusco-Chichinautzin au sud et la Sierra de Las Cruces à l’ouest (Figure 7). Avec le soulèvement orographique, les eaux des rivières furent piégées dans le bassin et donnèrent naissance à un important système lacustre dont la superficie atteignait près de 2 000 km² (Anton, 1995).

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

Le village de Xochimilco fut fondé autour du Xe siècle avec l’arrivée de différentes tribus dans le bassin de Mexico. La technique des jardins flottants fut vraisemblablement inventée par ses habitants1 puis reprise par les Aztèques (Gonzales, 1992). À l’arrivée de Cortés à México-Tenochtitlán en 1519, Xochimilco avait en effet perdu son indépendance et était sous la domination aztèque. Sa population était confinée entre les rives de la zone lacustre Texcoco-Zumpango2, devait payer une taxe aux peuples voisins et participer aux campagnes militaires de la Triple alliance3. Durant l’époque coloniale, Xochimilco changea de statut et fut élevé au rang de ville en 1559 grâce au roi Felipe II d’Espagne. En 1794, elle perd une fois de plus son indépendance en faveur de l’autorité politique de la ville de Mexico, jusqu’à sa complète annexion en 1861 en tant qu’État municipal4 (Guzman Matas, 2005). Un an après la révocation du système des municipalités de Mexico en 1928, Xochimilco devient l’une des 16 délégations5 politiques qui constituent aujourd’hui le District fédéral.

Située au sud-est, elle est bordée par les délégations d’Iztapalapa et Coyoacán au nord, Milpa Alta au sud, Tláhuac à l’est et Tlalpan à l’ouest (Figure 7). La topographie de Xochimilco est constituée de deux zones distinctes :

‐ la « zone haute » au sud (altitude entre 2 250 et 3 200 m) est caractérisée par un relief très accidenté appartenant à la Sierra de Ajusco où sont situés les volcans Teuhtli (2 700 m) et Tzompole (2 650 m). Les collines sont sillonnées de ravins où des ruisseaux se forment pendant la saison des pluies (Davila Garcia, 1988, p. 12). Cette zone très rurale inclut, entre autres, les villages de San Mateo Xalpan6, San Andrés Ahuayucan, Santa Cecilia Tepetlapa et San Francisco Tlalnepantla (Figure 7) ;

‐ la « zone basse » au nord (2 250 m) est constituée d’une plaine, traversée par de nombreux cours d’eau et ponctuée de lagunes. Elle englobe les chinampas et les villages situés en périphérie : San Gregorio Atlapulco, San Luis Tlaxialtemalco et Santiago Tulyehualco (Figure 7).

Compte tenu de cette topographie contrastée, la délégation de Xochimilco possède des caractéristiques climatiques et hydrologiques différenciées selon les zones.

1

Xochimilco signifie « lieu du champ de fleurs » en náhuatl (Xochitl : fleur, milli : champ, et -co, le suffixe d'un lieu). Cette étymologie laisse supposer que les chinampas fournissaient non seulement des cultures légumières, mais également des fleurs utilisées pour les nombreuses cérémonies religieuses (Bataillon et Panabière, 1988).

2

Cf. Figure 17 (p. 47) pour la localisation des lacs.

3

La Triple alliance aztèque réunissait les villes de Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopán (aujourd’hui Tacuba) et contrôlait le bassin du Mexique à partir de 1428 jusqu’à la victoire de Hernán Cortés en 1521.

4

L’État municipal au Mexique, ou municipio, est une subdivision territoriale aux pouvoirs décisionnels plus étendus que la « municipalité » française. Elle inclut de nombreuses villes dont l’une constitue le chef-lieu.

5

La délégation (ou delegación en espagnol) est une entité administrative correspondant aux arrondissements de certaines métropoles mais avec des pouvoirs décisionnaires plus étendus.

6

Dans le District Fédéral, chaque village possède un nom colonial (San Mateo) associé à son nom préhispanique (Xalpan).

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

1.2. Des spécificités climatiques et hydrologiques

1.2.1. Bassin de Mexico : un climat tropical à saisons alternées

Le District fédéral bénéficie d’un climat tropical tempéré par son altitude. La région est marquée par l’alternance d’une saison des pluies en été (de mai à octobre) déterminée par les alizés humides du nord-ouest et d’une saison sèche entre novembre et avril. Il existe néanmoins de nombreuses variations à l’échelle locale. Les météorologues ont montré que le sud du District fédéral possédait un climat plus frais et plus humide que le nord1 (Davila Garcia, 1988, p. 14). Les chaînes montagneuses de l’ouest et du sud reçoivent ainsi plus de précipitations que la plaine. Mais celles-ci ne sont pas suffisamment abondantes, ni régulières, pour alimenter de manière permanente les cours d’eau (Davila Garcia, 1988, p. 39).

Cette situation est accentuée par la structure tectonique et géomorphologique de la région. Les eaux s’infiltrent dans un sol constitué de roches compactes mais très fissurées et réapparaissent au pied des versants sous la forme de sources d’eau douce. Cette perméabilité du substrat associée à l’irrégularité des précipitations explique la rareté du réseau hydrographique en surface et le débit intermittent des cours d’eau. En plaine, à la place du vaste lac qui occupait auparavant le bassin de Mexico, ne subsiste aujourd’hui qu’un réseau de canaux agrémenté de quelques lagunes.

Des variations climatiques sont également perceptibles à l’échelle de la délégation de Xochimilco et sont directement liées à sa topographie (Figure 8) :

‐ la zone haute a un climat tempéré avec des hivers frais et des étés pluvieux. La température annuelle moyenne est de 12,9 °C et le volume total des précipitations atteint 937 mm sur l’année ;

‐ la zone basse possède un climat plus sec avec néanmoins de fortes pluies en été. La température annuelle moyenne dépasse les 15,5 °C et les précipitations n’atteignent plus que 689 mm.

1.2.2. Vallée amiénoise : un climat océanique

À Amiens, le volume annuel des précipitations est sensiblement le même qu’à Xochimilco (entre 600 à 800 mm d’eau en moyenne). Avec l’influence océanique, leur répartition se fait en revanche de façon uniforme sur l’ensemble de l’année (Figure 8). L’amplitude thermique, même si elle reste limitée, est plus forte qu’à Xochimilco. La température moyenne annuelle est par contre plus faible (environ 10 °C). La région bénéficie donc d’un climat humide et frais toute l’année. Sur le plan topographique et hydrologique, la Somme est caractérisée par une faible pente, un débit régulier et des eaux relativement lentes. Dans le fond plat de cette vallée alluviale, le fleuve se ramifie en de multiples bras ou s’étale pour former des étangs et des marais. Certaines de ces zones marécageuses ont disparu sous l’effet des assèchements et de l’urbanisation. D’autres sont restées plus ou moins à l’état « naturel » et constituent aujourd’hui des réserves Natura 20002. Les hortillonnages font

1

Ce contraste est l’une des raisons qui explique les déséquilibres socio-spatiaux de la ville. Le nord regroupe les quartiers denses d’habitat pauvre et les industries alors que le sud abrite les populations riches attirées par un climat plus doux et un cadre de vie plus agréable (plus d’espaces verts, moins d’industries). Cette opposition entre un nord « désavantagé » et un sud « privilégié » est néanmoins remise en cause par les vents dominants qui poussent les fumées industrielles du nord vers les zones pavillonnaires du sud.

2

Natura 2000 est un réseau européen institué par les directives n° 79/409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (plus connue sous le nom directive « Oiseaux ») et n° 92/43 du Conseil des communautés européennes du 12 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (directive « Habitats »).

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

d’ailleurs partie de ce réseau par leur intégration dans le site des « Marais de la moyenne Somme entre Amiens et Corbie »1.

Figure 8 : Diagrammes ombrothermiques de Xochimilco et Amiens

Cette comparaison révèle des contrastes importants entre les deux terrains. Le site d’Amiens possède une certaine homogénéité topographique et climatique : une vallée à fond plat marécageuse et une humidité constante toute l’année. Le site de Xochimilco apparaît à l’inverse plus contrasté avec un relief très accidenté qui induit des variations de température et de pluviométrie. Néanmoins, dans les deux cas, la présence de zones palustres et lacustres a favorisé l’installation des populations qui a donné lieu à deux centres urbains aux échelles spatiales aujourd’hui disproportionnées.

1.3. Des échelles spatiales très inégales

Amiens, modeste préfecture de 136 000 habitants et Mexico, capitale internationale dépassant les 18 millions d’âmes, ne jouent pas dans le même registre. Leur extension s’est d’ailleurs produite de façon très distincte, aussi bien dans leur évolution (plus ou moins rapide) que dans leur forme (par cercle radioconcentrique ou en privilégiant des axes directeurs).

1.3.1. Amiens, capitale régionale

Capitale régionale de la Picardie, Amiens est une ville moyenne qui compte aujourd’hui 136 0001 habitants répartis sur 49,5 km². Longtemps considérée comme une cité industrielle, sa croissance fut

1

Les modalités de cette inscription et ses répercussions sur la gestion du site seront analysées dans le chapitre 9 (p. 253).

relativement lente (Figure 9). De 40 000 habitants au début du XIXe siècle, la commune en atteignait près de 90 000 un siècle après. Après être longtemps restée à ce niveau et avoir subi les effets de la seconde Guerre mondiale, sa population entame une nouvelle croissance en 1950. Cette période est marquée par une baisse du chômage et la création d’équipements (université, logements collectifs) qui augmentent le dynamisme et l’attractivité de la ville (Oudart, 2002).

Figure 9 : Évolution démographique de la ville d’Amiens entre 1851 et 2007

L’extension urbaine s’est faite par cercles radioconcentriques à partir du centre historique en privilégiant le versant sud en pente douce (Figure 10). Un rééquilibrage s’opère ensuite à la fin des années 1950 avec l’installation au nord de la zone d’activité de Longpré et de la zone à urbaniser en priorité (ZUP). La population, qui atteint 131 476 habitants en 1975, reste stable jusque dans les années 1990, période où elle entame une croissance très lente. Après une période difficile (augmentation du chômage, tassement de la natalité, ralentissement des constructions, etc.), la ville est progressivement redynamisée avec la rénovation des quartiers défavorisés (dont le quartier Saint-Leu), la création d’une zone piétonnière en centre-ville et l’amélioration des équipements culturels (Maison de la Culture, Cirque municipal, etc.).

Figure 10 : Typologie de l’espace urbain dans l’agglomération amiénoise

1

170 000 habitants pour Amiens Métropole, communauté d’agglomération créée en 2000 et qui a succédé au District du Grand Amiens créé en 1994. En 2008, Amiens Métropole réunit 33 communes.

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

1.3.2. Mexico, capitale d’État, mégapole internationale

Avec ses 18,2 millions d’habitants répartis sur 1 540 km² de tissu urbain, la capitale du Mexique est difficilement comparable à Amiens. Au cours du XXe siècle (Tableau 2), sa population est multipliée par 52 passant de 350 000 habitants à plus de 18 millions (Rufat, 2006). L’augmentation est particulièrement forte entre 1940 et 1980 avec l’arrivée massive de migrants et une forte croissance démographique (Canabal Cristiani, 1992, p. 13).

début XXe s. 1940 1950 1960 1980 2000 Superficie (km²) 27 117 220 470 1 050 1 540 Population (millions) 0,35 1,8 3 5 12 18,2 Source : Rufat, 2006

Tableau 2 : Évolution de la superficie bâtie et de la population de la Zone métropolitaine de la ville de Mexico

À partir des années 1950, la superficie de la ville dépasse les limites du District fédéral puis celles de la Zone métropolitaine de la ville de Mexico (ZMCM) dans les années 1970. La capitale est aujourd’hui constituée de plusieurs limites administratives1 (Figure 11) :

‐ la « ville-centre » formée par les quatre délégations (ou arrondissements) historiques : Cuauhtémoc, Benito Juarez, Miguel Hidalgo et Venustiano Carranza. Malgré une croissance naturelle importante, elle perd des habitants depuis 1970 ;

‐ le District fédéral (DF) divisé en 16 délégations. Il compte près de 8,3 millions d’habitants en 2000 ;

‐ la Zone métropolitaine de la ville de Mexico (ZMCM), agglomération constituée de 27 communes sur 1 540 km² en 2000. Depuis 1995, le District fédéral n’y est plus majoritaire car dépassé en population par l’État de Mexico.

À ces trois circonscriptions administratives s’ajoute une délimitation topographique constituée par le bassin endoréique de Mexico (9 500 km²) qui rassemble trois États (DF, États de Mexico et d’Hidalgo) et plus de 50 communes. Malgré ses nombreuses contraintes (accès au foncier, pollution, risques naturels et industriels, etc.), Mexico attire toujours de nouveaux migrants. La ville continue donc à se développer vers le nord et l’est, le sud et l’ouest étant bloqués par les chaînes montagneuses. Son extension se fait par conurbation : les noyaux urbains secondaires s’étendent puis l’urbanisation remplit progressivement les espaces non bâtis entre ces centres ainsi qu’entre eux et le noyau principal. Les nouvelles industries et les travailleurs arrivant des régions aux alentours s’installent le long des réseaux autoroutiers au nord-est vers Pachuca et au sud-est vers Puebla (Figure 12). L’habitat pauvre se déplace ainsi vers la périphérie des villes voisines en suivant ces axes (Rufat, 2006). Sans légitimité légale à sa création, ce type de quartier est souvent régularisé après quelques années par la création d’une commune (exemple de Netzahualcóyotl en 1965) censée résoudre les problèmes d’accès aux services publics2.

Avec cette extension incontrôlée des surfaces bâties, Xochimilco à l’origine simple village rural situé à 18 km (à vol d’oiseau) au sud du centre historique de Mexico, est aujourd’hui rattaché à la capitale par un tissu urbain dense et continu

1

Ces différentes limites sont d’ailleurs responsables des écarts courants dans les recensements de la population.

2

Figure 11 : Les différentes limites urbaines de Mexico

Figure 12 : Typologie de l’espace urbain dans la Zone métropolitaine de la ville de Mexico

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

1.3.1. Xochimilco, du village rural à la banlieue de Mexico

Avec 125 km², Xochimilco est la troisième plus vaste délégation du District fédéral (après Tlalpan et Milpa Alta) et représente 8,4 % de sa superficie (Cervantes Borja, 2006). Face à la saturation de Mexico, elle est devenue la destination privilégiée des nouveaux arrivants. La délégation a ainsi connu une croissance démographique considérable entre 1950 (47 082 habitants enregistrés) et 2005 (404 458 selon le dernier recensement) avec une population multipliée par 8,6 (Figure 13). Les taux de croissance atteignent jusqu’à 87 % d’augmentation entre 1970 et 1980 avant de redescendre autour de 30 % pour atteindre durant la dernière décennie « seulement » 9 %. Les délégations voisines, Milpa Alta au sud et Tláhuac à l’est, sont les seules à avoir des taux plus élevés entre 1990 et 2000 avec respectivement + 52 % et + 46 % (Carmona Riménez, 2000, p. 22).

Figure 13 : Évolution de la population du District fédéral et de Xochimilco entre 1950 et 2005

Ces données contrastent avec celles des autres délégations et témoignent du dynamisme de la partie sud-est du District fédéral. Ce dernier connaît en effet un ralentissement continu de sa croissance démographique : de + 60 % entre 1950 et 1960, elle atteint seulement 1 % en 2005. Entre 1980 et 1990, elle enregistre même une baisse de 6 %, soit 600 000 personnes en moins1. La population de Xochimilco, qui représentait seulement 1,5 % de la population totale du District fédéral en 1950, atteint aujourd’hui 4,6 %.

La densité de la délégation augmente elle aussi de façon continue, passant de 350 habitants par kilomètre carré en 1950 à 3 107 en 2000 (Figure 14). Entre 1980 et 2000, alors que la densité moyenne diminue dans le District fédéral, celle de Xochimilco s’accroît de façon importante (+ 90 %). La délégation tend ainsi progressivement à rattraper le niveau du District fédéral.

1

Cette diminution s’explique par une baisse du taux de natalité et par les répercussions directes (environ 10 000 décès et 180 000 personnes privées de logement) et indirectes (diminution de l’attractivité de la ville) du séisme de 1985 qui toucha le centre historique de Mexico.

Figure 14 : Évolution de la densité de population du District fédéral et de Xochimilco entre 1950 et 2000

Les villes se sont inévitablement étendues au détriment des espaces ruraux. Entre 1940 et 1990, l’extension de Mexico est responsable de la perte de près de 80 % des surfaces boisées ou agricoles dans le District fédéral (Canabal Cristiani, 1992, p. 15). Les chinampas de Xochimilco sont, avec la sierra de Guadalupe au nord et le bois de Chapultepec au centre, les principaux espaces verts de la capitale. Si la croissance d’Amiens n’est pas comparable, les hortillonnages comme les chinampas, ont perdu une partie de leur superficie au profit des constructions. Dans les deux cas, l’urbanisation a donc conduit à un encerclement progressif des sites au cœur d’un tissu urbain dense.

Chapitre 2 – Hortillonnages d’Amiens et chinampas de Xochimilco : deux sites similaires malgré des contextes différents

2. Des organisations internes très similaires

Par leur localisation au cœur d’une agglomération, les hortillonnages et les chinampas occupent une position stratégique pour l’approvisionnement de la population (en produits maraîchers et en eau) mais sont également considérés comme des réserves foncières potentielles. En entraînant une accentuation des besoins, l’accroissement de la population a eu des répercussions directes sur les deux sites : les maraîchers ne peuvent plus satisfaire la demande alimentaire et sont confrontés à une pression urbaine qui rend difficile le maintien de leur activité. Après avoir régressé de manière continue, la superficie des sites est restée relativement stable depuis la fin du XXe siècle. L’évolution différenciée d’Amiens