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Les zones d’emploi, les aires urbaines

Dans le document Les outils de mesure de la mobilité (Page 95-98)

CHAPITRE 3 LES OUTILS DE MESURE DE LA MOBILITÉ

2. LES NOMENCLATURES POUR MESURER LA MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE

2.2. L’échelle nationale

2.2.2. Les zones d’emploi, les aires urbaines

Un second ensemble de nomenclatures vise en fait à se rapprocher le plus possible de la réalité des bassins de formation (zone de recrutement d’une université), ou des bassins d’emploi. Même si cette notion de bassin reste parfois un peu floue, il est clair qu’il existe des espaces dans lesquels une université capte l’essentiel des primo-entrants dans l’enseignement supérieur. Pour les mobilités d’insertion, l’éclatement des destinations est plus important mais, les enquêtes qualitatives le montrent parfaitement, il existe une différence fondamentale entre une insertion sur le marché local du travail (maintien des relations sociales, continuité de l’itinéraire résidentiel) et une insertion localisée hors de ce marché local du travail (rupture sociale et résidentielle, etc.). Tenir compte de l’existence de ces bassins, sensiblement identiques mais pas toujours (les bassins de formation de l’enseignement supérieur sont généralement plus larges que les bassins d’emploi), apparaît donc comme plus rigoureux sur le plan scientifique.

Plusieurs nomenclatures sont disponibles au sein de l’INSEE : les bassins de vie, les zones d’emploi et les aires urbaines.

Les bassins de vie :

Ils sont issus de l’analyse des résultats de l’enquête « équipement communal » et concernent plus les espaces de chalandise que la formation et l’emploi. Ils sont souvent beaucoup trop petits pour des études sur l’enseignement supérieur et correspondent mieux à la réalité de l’enseignement secondaire (mais dans ce cas, se baser sur la carte scolaire est plus judicieux). Par exemple, il existe 146 bassins de vie pour la région Pays de la Loire (qui correspondent d’ailleurs à peu près aux 146 aires urbaines, l’organisation urbaine de cette région étant très simple).

Les zones d’emploi :

De conception ancienne avec une réactualisation en 1994, elles sont basées sur l’analyse des migrations alternantes (domicile / travail) et correspondent assez bien aux marchés locaux du travail, tout en couvrant l’ensemble du territoire national. Dans le détail, la procédure initiale de définition des zones d’emploi, très décentralisée dans chaque région, engendre quelques limites : les zones sont de tailles différentes d’une région à l’autre (assez petites en Haute-Normandie, plus larges ailleurs avec certains départements ruraux comme la Lozère qui ne forment qu’une zone d’emploi) ; les limites régionales sont intangibles, or certains bassins sont dans la réalité trans-régionaux (par exemple, Alençon et le nord de la Sarthe) ; la maille de base est le canton, or certains cantons sont soumis à plusieurs attractions urbaines différentes ; la signification des zones d’emploi est différente en Île-de-France (c’est dans ce cas plus un découpage intra-bassin mais rien n’empêche de considérer l’Île-de-France comme une zone unique) ; les petits bassins d’emploi ruraux sont souvent regroupés pour des raisons de validité statistique. Globalement, la typologie en zones d’emploi reste cependant la meilleure solution, en particulier pour distinguer insertion professionnelle locale et insertion professionnelle avec migration. L’encadré 4 plaide pour l’utilisation de cet échelon en lieu et place des régions dans les études scientifiques à l’échelle France entière. Pour la mobilité de formation, il faut faire attention à l’offre locale de formation, certaines zones d’emploi rurales n’ayant peu ou pas d’enseignement supérieur. Il existe par exemple 16 zones d’emploi dans la région Pays de la Loire.

Les aires urbaines :

De définition plus récente, elles regroupent autour d’un centre urbain les communes dont au moins 40 % de la population active résidente (ayant un emploi) travaille dans la commune-centre ou les autres communes de l’aire urbaine. Par leur définition même, elles correspondent assez fidèlement aux bassins d’emploi, mais apparaissent plus réduites que les bassins de formation de l’enseignement supérieur. A titre d’exemple, la région Pays de la Loire compte ainsi 25 aires urbaines. Ce découpage correspond encore plus à la réalité des bassins locaux que les zones d’emploi, mais son principal inconvénient est de ne pas couvrir l’ensemble du territoire national puisque l’ensemble des communes rurales est considéré comme non polarisé. Il peut cependant être utilisé pour définir une zone de recrutement privilégié (l’ensemble des communes qui

devraient normalement envoyer la totalité de leurs étudiants vers le pôle principal par exemple) ou pour définir l’insertion locale dans le marché du travail (en distinguant le reste du département par exemple). Pour mémoire, il existe un découpage en espaces urbains, de diffusion pour l’instant confidentielle, regroupant des ensembles d’aires urbaines sur la base de la contiguïté. Les mailles sont donc plus larges que les aires urbaines ou les zones d’emploi. Pour la région Pays de la Loire, 12 espaces urbains se partagent le territoire, dont 3 centrés sur des villes extérieures à la région (en particulier l’aire urbaine de Laval est regroupée avec celle de Rennes par contiguïté successive avec celle de Vitré). Le nombre de mailles pourrait apparaître intéressant pour la définition de bassins (regroupements métropolitains, définition de bassins plus larges correspondant mieux aux bassins de formation en joignant des petites aires urbaines aux pôles universitaires) mais la logique de ce découpage est très incertaine, basée sur les hasards de la contiguïté et non sur des relations préférentielles entre aires urbaines. De même, il est difficile de justifier l’existence de bassins autour de certaines petites villes, alors que d’autres petites villes de tailles identiques font partie d’espaces urbains plus larges uniquement parce que leur aire urbaine touche une aire urbaine plus peuplée.

Zones d’emploi et aires urbaines sont donc les deux choix possibles.

Les avantages :

- meilleure approximation de la réalité des bassins de formation ou d’emploi ; - sources INSEE disponibles à ces échelons ;

- possibilité de faire des découpages assez fins ; Les limites :

- nomenclatures plus complexes à mettre en œuvre ;

- découpage ne couvrant pas l’ensemble du territoire national (aires urbaines) ; - limites régionales et cantonales intangibles (zones d’emploi) ;

- difficulté à traduire les bassins de formation du supérieur, souvent plus larges ;

Exemples de nomenclatures :

A partir des zones d’emploi A partir des aires urbaines

Même zone d’emploi Commune-centre

Zones d’emploi contiguës Reste aire urbaine

Deuxième couronne de zones d’emploi Reste région Autres zones d’emploi de la ZEAT Reste France

Reste France Etranger

Encadré 4

Le choix des zones d’emploi comme zonage d’étude pertinent des mobilités de type professionnel Les zones d’emploi (ZE) offre un découpage doublement intéressant dans l’étude des migrations. D’abord, comme elles représentent approximativement des marchés locaux où s’ajustent de manière privilégiée l’offre et de la demande de travail, les migrations reflètent les désajustements spatiaux du marché du travail et de la formation. Ensuite, les ZE étant de taille plus réduite que les régions, les migrations entre ZE permettent de révéler des comportements de mobilité d’une partie de la population active souvent occultée à une échelle plus large. Les ZE constituent un découpage stable pour spatialiser le marché du travail en une multitude de marchés locaux du travail. La création de ce zonage d’étude remonte aux années 1960. Le principe est que chaque ZE vise à représenter un espace à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent. Chaque ZE constitue donc un espace où les établissements sont censés trouver l’essentiel de la main d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts. Dès lors, la ZE est considérée comme « l’échelon géographique où essaie de se résoudre le difficile ajustement de la demande d’emploi de la population et de l’offre des entreprises » (Hannoun 1998). Du point de vue des comportements de mobilité, la taille des ZE joue un rôle important dans l’observation des mobilités. En effet, du choix du découpage dépend la fréquence des mobilités observées. Plus l’échelle territoriale est vaste et moins de migrations sont observées, occultant le comportement migratoire moins « ample » de certains individus. Ainsi, par exemple, si nous considérons le changement de territoire entre la fin des études et l’emploi occupé à trois ans vu à l’échelle des communes, des ZE ou des Régions, les résultats varient fortement, comme le montre les investigations menées sur l’enquête génération 98 du CEREQ. En particulier, plus l’échelle est fine et plus les comportements semblent similaires. Ainsi, 64 % des moins formés ont changé de commune, contre 80 % des plus formés à l’échelle communale, alors que ces taux sont respectivement de 15 % et 40 % à l’échelle régionale. Aussi, s’il est courant d’avancer que les moins formés sont peu mobiles par rapport aux plus formés, le choix du zonage relativise de telles oppositions.

Le tableau suivant montre, effectivement, que le choix de l’échelle des ZE fait plus que doubler le nombre de mobilités observées (par rapport à la région) et plus particulièrement pour les niveaux intermédiaires, alors que pour les plus formés le nombre de mobilités n’est multiplié que par 1,6 par rapport à l’échelle régionale19.

Ratio des fréquences de mobilité entre zonages par niveau de formation20 Changement de ZE Changement de région Ratio

Niveau I 69 % 40 % 1,6 Niveau II 58 % 25 % 2,2 Niveau III 54 % 23 % 2,2 Niveau IV et IV+ 42 % 17 % 2,5 Niveau V et Vb 34 % 13 % 2,5 Niveau VI 29 % 15 % 1,8 Tous 47 % 20 % 2,3

Source : enquête Génération 98, CEREQ

Un certain nombre d’études ont insisté sur l’hétérogénéité des ZE (Hannoun 1998, Warzée 2003, Grelet 2006). Ces auteurs ont défini différentes typologies21 des ZE montrant que les conditions d’emploi des

19 Yankow (2003) constate également pour les Etats-Unis que la fréquence des migrations double en passant d’une échelle « interstate » à une échelle « intercounty ».

différents marchés locaux du travail peuvent être divers, même en appartenant à une même région. Cette hétérogénéité des conditions socioéconomiques renforce l’intérêt d’étudier les mobilités d’insertion des jeunes actifs au regard d’une échelle infrarégionale, permettant aux décideurs publics de mieux comprendre les stratégies de formation et d’insertion des jeunes individus. Dès lors, une approche par la ZE permet d’évaluer la capacité des territoires à ajuster leur système de formation. En particulier, les ZE étant un espace privilégié d’étude de l’ajustement de l’offre et la demande de travail, l’étude des différentiels de rétention ou d’attractivité des jeunes formés au sein des ZE peut amener à nous interroger d’une part sur la cohérence du lien entre son appareil de formation et d’emploi, notamment au regard de la répartition des professions et, d’autre part, sur la capacité des migrations à redistribuer la population sur le territoire français.

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