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DES « PERFORMANCES » INDIVIDUELLES À LA MOBILITÉ ?

Dans le document Les outils de mesure de la mobilité (Page 52-54)

CHAPITRE 2 LES DÉTERMINANTS DE LA MOBILITÉ DES ÉTUDIANTS

6. DES « PERFORMANCES » INDIVIDUELLES À LA MOBILITÉ ?

Les parcours de mobilité des étudiants dépendent du cumul des facteurs précédents. Pour autant, une fois prise en compte l’ensemble de ces caractéristiques, soit ceteris paribus, les comportements migratoires peuvent différer en fonctions de caractéristiques innées, inobservables parmi les variables disponibles au sein des enquêtes nationales. Ces différences sont associées à des aptitudes telles que la part innée des capacités d’adaptation ou des « savoirs être ». Ces aptitudes individuelles permettent, en théorie, aux plus « aptes » d’obtenir les meilleurs salaires. Ces derniers ne sont pas nécessairement le corollaire d’une migration, puisque les emplois les mieux rémunérés sont parfois sur le territoire d’origine ou de formation de l’étudiant. La plupart des études font néanmoins ressortir des comportements migratoires des plus performants différenciés selon le niveau d’études (Detang dessendre, Drapier et Jayet, 2004).

Une grande partie des travaux quantitatifs (économétriques pour la plupart), ont pour objet de déterminer l’effet salarial de l’inobservable lors des migrations. L’inobservé est censé refléter ici les différences en termes aptitudes individuelles, ceteris paribus, soit à diplôme, parcours, genre, origine sociale, etc. identiques.

Sans entrer dans les détails techniques il est nécessaire, compte tenu des très nombreux travaux sur ce sujet, et relativement aisé d’expliquer la méthode. Un rendement salarial moyen positif de la migration estimé « toutes choses égales par ailleurs » traduit l’effet des variables observables (diplôme, parcours, genre, origine sociale, etc.) et des aptitudes intrinsèques (indépendantes des observables), sans que l’on puisse déterminer la part de chacun. Par exemple, si pour des individus identiques en regard des variables observables (diplôme, parcours, genre, origine sociale, etc.) on compare, une année donnée, les salaires de ceux qui ont effectué une mobilité géographique et des autres, on obtient (souvent) un avantage pour ceux qui ont été mobiles géographiquement, sans qu’il soit possible, à partir de cette moyenne, de déterminer si l’écart est dû à une meilleure valorisation de certaines variables observables ou s’il est dû au fait que ce sont les « meilleurs » qui migrent.

Les méthodes économétriques permettent de mesurer le rendement salarial moyen lié aux seules différences de valorisation des variables observables. Ces rendements positifs permettent aux migrants de couvrir ou de compenser financièrement les coûts de migration (déménagement, perte de réseaux, d’aménités, éloignement de la famille, etc.) ou de prospection (coût de la recherche d’emploi)11. Que ce soit les « meilleurs » ou les moins performants qui migrent, ces coûts de migration peuvent être compensés. En d’autres termes, le rendement salarial de la migration associé aux variables observables peut-être positif pour les deux types de migrants.

Les méthodes mises en œuvre permettent également de déterminer l’effet des inobservables (effet résiduel) qui est évidemment toujours négatif si ce sont les moins performants qui migrent ou positifs si ce sont les « meilleurs ». En réalité, c’est l’effet mesuré qui va permettre de déterminer dans quels cas de figue on se trouve.

Dans ce domaine, les études sont très nombreuses sur donnée US. En revanche, elles sont beaucoup plus rares sur données françaises. Les analyses par niveau de formation ont été effectuées essentiellement par Jayet et al. (voir les divers articles cités). La mobilité géographique est appréhendée ici au niveau du département, pour l’aire géographique la plus fine et enseignement supérieur (tous niveaux du sup. regroupés) versus bac et moins. Les conclusions sont que pour le supérieur, ce sont les meilleurs qui migrent alors que pour les niveaux inférieurs, selon l’échantillon, soit il n’y pas de différence du point de vu des aptitudes inobservables entre migrants et non migrants, soit ce sont les moins performants qui migrent. Les justifications sont simples. Dans le premier cas la mobilité est choisie par les plus performants pour valoriser leurs aptitudes, dans l’autre les jeunes migrent car ils ne sont pas suffisamment compétitifs pour saisir les meilleures opportunités locales ou parce qu’il n’y a pas suffisamment d’opportunités locales.

A partir des données du Céreq les travaux de Magrini (op.cit., extrait tableau 1) ont permis de préciser ces résultats, d’une part en prenant en compte l’amplitude des migrations, via la distance parcourue, et d’autre part en distinguant au sein du supérieur bac+2, bac+3/4, bac+5 et enfin en considérant les migrations à un niveau fin, soit entre Zones d’Emplois. Pour le détail le lecteur se reportera à Magrini (op.cit.), nous

11 Pour les coûts de prospection, leur effet sur le salaire est, en réalité, réputé indéterminé pour différentes raisons que nous n’aborderons pas ici, voir Magrini (2006) pour une synthèse.

proposons ici une synthèse succincte. L’un des résultats essentiels est la mise en exergue d’une différenciation selon les niveaux du sup. Seuls les Bac+5 semblent confrontés à un marché national où ils valorisent aux mieux les performances intrinsèques via la mobilité, ce sont les « meilleurs » qui migrent. Pour les Bac+3/4 ce ne sont pas les plus performants qui migrent mais ils retirent des variables observables le rendement le plus élevé par apport aux sédentaires de même niveau (+++). Ils valorisent mieux leur diplôme, leurs expériences etc. Les bac+2 sont plutôt des individus ne présentant pas de caractéristiques inobservées s’éloignant de la moyenne qui migrent vraisemblablement car l’offre d’emploi n’est pas suffisante sur le bassin d’emploi d’origine.

Tableau 5

Rendement de la migration et « aptitudes inobservées »

Rendement des kms parcourus pour un changement de Ze de 20 kms au moins entre lieu de formation 98 (domicile) et lieu d'emploi (travail) 2001

niveau d'études certifié Bac +5 Bac +3/+4 Bac +2

rendement moyen (moy), lié aux seules observables (obs)

moy obs moy obs moy obs

50 kms 1,20% -1,80% 3,20% 2,30% 2,30% 2,70% 100 kms 1,50% -2,30% 4,10% 3,00% 3,00% 3,50% 300 kms 2,00% -3,00% 5,30% 3,80% 3,80% 4,50% 600 kms 2,20% -3,30% 6,00% 4,30% 4,30% 5,10% 900 kms 2,40% -3,50% 6,40% 4,60% 4,60% 5,40% 1,90% -2,80% 4,50% 3,20% 3,10% 3,70% rendement de la distance médiane (km) parcourue (240 km) (140 km) (120 km) % de changement de ZE (55%) (50%) (44%)

Les « meilleurs » migrent + ++

Les moins performants – -

Ni l’un ni l’autre 0 0

Source génération 98 - estimations Magrini (2006).

L’estimation moyenne est réalisé ceteris paribus en prenant en compte un grand nombre de variables individuelles et géographiques (fonction de gains - moindre carré ordinaire). Pour la seconde estimation, le rendement mesuré est celui associé uniquement aux variables observables (individuelles et territoriales) qui expliquent la mobilité (endogène dans l’estimation - « type » double moindre carré). Le lecteur trouvera le détail des variables et des méthodes dans Magrini (2006).

Note de lecture : à bac+5, une distance parcourue de 300 kms entre le lieu de formation 98 (domicile) et lieu d'emploi (travail) 2001, accroît le salaire en moyenne de 2%, cet accroissement est lié uniquement aux variables inobservables (aptitudes innées – les meilleurs migrent ++), puisque le rendement moyen associé aux observées est négatif (-3%).

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